FRANÇAIS
26.11.21 - 11.09.22 26.11.21 - 11.09.22
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L’IRAN ENTRE DEUX ÈRES L’exposition comprend une sélection de 60 images, créées depuis 2017 lors des voyages du photographe en Iran. S’inscrivant dans la même démarche que le projet Imperium Romanum, Seiland s’intéresse au rapport entre passé et présent et aux liens que les individus entretiennent avec celui-ci. Il alterne entre vastes paysages, illustrant l’histoire complexe et riche de l’Iran, et moments de vie du quotidien iranien. Tout en conservant le langage visuel distinctif qui avait déjà caractérisé Imperium Romanum, son portfolio mêle photos analogiques grand format, typiques de l’artiste, et prises de vue spontanées saisies avec un appareil numérique à moyen format. Le photographe nous invite à porter un regard critique sur la façon dont les médias occidentaux représentent l’ancien empire perse, une image souvent lourde de préjugés et de stéréotypes. En même temps, il nous incite à réfléchir sur les enjeux auxquels fait face la société iranienne d’aujourd’hui. Pour bien comprendre la démarche artistique d’Alfred Seiland, vous êtes cordialement invités à vous munir d’une brochure imprimée dans la langue de votre choix. Vous pouvez également télécharger la brochure en format PDF grâce au code QR situé en bas. L’ordre dans lequel les œuvres sont exposées diffère de l’ordre dans lequel elles sont présentées dans la brochure. Toutefois, les numéros figurant sur chaque étiquette textuelle de l’exposition correspondent aux numéros de la brochure, de sorte que vous pouvez toujours trouver facilement des informations sur une œuvre spécifique en vous référant à ce numéro dans la brochure.
Photographies avec texte d’accompagnement
Photographies sans texte d’accompagnement
IRAN | BETWEEN TIMES ALFRED SEILAND
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ARG-E BAM
Bam, Iran, 2017
Arg-é-Bam est situé dans la province de Kerman, entre steppes et désert de sable, dans une oasis perchée sur le haut plateau central de l’est de l’Iran. Probablement fondée par les Sassanides au VIe siècle avant J.-C. et dotée de canaux souterrains destinés à l’irrigation, la ville bordant la route de la soie est devenue un important centre commercial. La proximité avec la frontière et ses richesses ont jeté le sort de la ville : à de nombreuses reprises, elle a subi les attaques de peuples voisins. Mais elle s’est développée — comme Kerman — en un centre de production de textiles et de tapis. C’est surtout sous les Safavides (1501-1722) que Bam a connu son essor pour devenir une ville fortifiée avec une citadelle, des tours, des écoles et un bazar ; tous les bâtiments étaient faits de briques de terre (adobes) et plâtrés. Au milieu du XIXe siècle, les habitants ont quitté la ville et ont fondé la Bam moderne à proximité ; l’ancien site est resté un camp militaire. Un tremblement de terre de magnitude 6,6 a détruit la ville et la citadelle jusqu’aux fondations le 26 décembre 2003, laissant des dizaines de milliers de personnes mortes, blessées ou sans-abri. La communauté internationale, la Chine et, malgré leurs mauvaises relations avec le gouvernement iranien, les États-Unis également — soit plus de 60 États — ont envoyé une aide d’urgence importante ou se sont engagés à soutenir la reconstruction. Avec des objectifs qui manquaient initialement de clarté, le consortium « Recovery Project of Bam’s Cultural Heritage » a réuni des urbanistes, des architectes, des archéologues, des ingénieurs et des économistes, entre autres, qui ont débattu longuement de la conservation d’urgence, des mesures, des modèles 3D, du type de reconstruction, de la préparation de l’argile, des ressources financières, du calendrier et, enfin et surtout, de la répartition des tâches entre les différentes équipes internationales. Les premières tentatives ont été balayées par des répliques sismiques et une tempête de sable. Mais grâce à environ 1,1 milliard de dollars américains, la reconstruction de Bam, qui a été inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, est désormais pratiquement achevée.
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PERSPECTIVES DEPUIS LA TOUR BORJ-E MILAD Téhéran, Iran, 2017
Conçue à l’époque du Chah, mais construite seulement après la révolution islamique pour contrebalancer les bâtiments fastueux de l’ère Pahlevi et inaugurée en 2007, la tour Milad, qui culmine à 435 mètres de sa base jusqu’au sommet de l’antenne, est le plus haut bâtiment d’Iran et la sixième plus haute tour de télévision du monde. Il s’agit d’une structure en béton armé de 12 étages, accessible par trois ascenseurs et un escalier. La partie haute de la tour contient, entre autres, un restaurant pouvant accueillir 400 convives et plusieurs plateformes d’observation d’où les visiteurs peuvent contempler l’ensemble de Téhéran, notamment la nuit, avec ses boulevards illuminés, ses quartiers lumineux, ses bâtiments éclairés au néon et ses parcs plongés dans l’obscurité. Pendant la journée, il est rare de pouvoir profiter de cette vue. Le taux de natalité élevé et l’exode rural ont entraîné une énorme croissance démographique. Lors d’un recensement réalisé en 2016, la ville (sans sa périphérie) comptait plus de 8 millions d’habitants. Cela s’accompagne d’une énorme pollution, un smog dense qui recouvre la ville, surtout en hiver. Téhéran est l’une des villes les plus sales d’Asie ! On dit que 80 % des émissions de dioxyde de carbone sont dues à la circulation, en particulier aux motos et aux véhicules privés. C’est pourquoi la municipalité a lancé l’initiative qui consiste à abandonner les moteurs à essence au profit du gaz naturel. Des tentatives de sensibilisation de la population consistent également à afficher des « indicateurs de pollution » — en vain jusqu’à présent. L’élite, qui conduit des SUV particulièrement massifs, vit de toute façon au nord, sur les pentes d’Elbourz, où les courants descendants dissipent le smog.
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MOSQUÉE NASIR-OL-MOLK Shiraz, Iran, 2019
Masjed-e Surati, la mosquée rose, est le nom populaire de la Masjed-e Nasir-olMolk, située non loin de la rue principale Lotf Ali Khan Zand. Son nom lui vient de l’utilisation de briques teintées en rose, de tuiles roses et surtout de vitraux rouges, jaunes et bleus. Sous les reflets des tapis à fond rouge, tout l’intérieur est baigné de lumière rose. Lorsque le soleil traverse les vitraux, on se croit au milieu d’un kaléidoscope. La mosquée a été commandée par le prince Qajar Mirza Hasan Ali Nasir al Molk en 1876 et a été achevée en 1888. C’était l’époque où l’Iran était fortement tourné vers l’Europe, copiait la culture européenne et importait des produits européens. Bien que l’architecte iranien Mohammad Hasan-e-Memār ait construit la mosquée selon le plan traditionnel avec une coupole et des iwans, il l’a dotée de carreaux qui présentent non seulement les motifs géométriques traditionnels, souvent turquoise, mais aussi des motifs floraux et des paysages fortement colorés dans le style des décorations européennes, ainsi que des fenêtres dites Orsi, des vitres très colorées encadrées de bois, disposées pour former des motifs géométriques.
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DASHT-E LUT
Shahadad, Iran, 2017
Le désert de Lout (« terre stérile »), situé sur les hauts plateaux iraniens, est l’un des endroits les plus chauds de la planète. Son climat hyperaride, avec des températures maximales qui atteignent 70 °C, en fait une zone naturelle presque intacte. L’érosion éolienne et les dispersions de sédiments ont formé d’impressionnants champs d’érosion avec des structures rocheuses ondulées au nord, et d’énormes dunes de sable au sud. Le but de football près de Shahadad, à la limite sud-ouest du désert, ressemble à une installation artistique étrange dans l’espace public, mais reflète en réalité l’enthousiasme des Iraniens pour le football. L’équipe nationale de football iranienne (Tīm-i Mellī) est l’une des équipes les plus titrées d’Asie et peut se targuer d’avoir participé à cinq reprises à la Coupe du monde ; elle s’est qualifiée trois fois pour les Jeux olympiques. Le football est également populaire auprès des Iraniennes, bien que le football féminin doive généralement être joué en salle et que les participantes soient obligées de porter le hijab, en plus d’un maillot à manches longues et d’un pantalon de jogging. Elles avaient même l’interdiction d’entrer dans les stades. Les femmes iraniennes se sont battues pour réussir à entrer dans le stade Asadi de Téhéran pour la première fois en 2019, lors d’un match de qualification pour la Coupe du monde contre le Cambodge. Environ 4 000 Iraniennes ont regardé le match, réparties dans quatre tribunes séparées, avec des commissaires féminins, protégées par des barrières. Elles réclament désormais des tribunes familiales et continuent à se battre passionnément pour leur sport.
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RUE COMMERÇANTE
Qaemiyeh, Iran, 2017
Lorsque le relief de Sarab-e Qandil a été découvert en 1970 près d’une source sur une paroi rocheuse difficile d’accès près de Qaemiyeh, les recherches scientifiques ont été menées avec enthousiasme. Il ne montre pas une bataille, un triomphe royal ou une chasse comme la plupart des basreliefs sassanides, mais un sujet rare, une femme, une reine ou une déesse, devant un roi et un prince, peut-être Bahram II (276-293) et son fils. Elle lui tend une fleur de lotus. Dans le Qaemiyeh d’aujourd’hui, les gens rencontrent d’autres problèmes et les résolvent de manière créative, en toute sérénité. Entreprenants, ils installent des boutiques à ciel ouvert aux carrefours, dans les rues poussiéreuses, à partir de caisses de boissons, de chaises, de boîtes en carton. Ils vendent tout ce qui peut être vendu, en particulier aux jeunes acheteurs. Ils proposent ce que les marques cultes américaines et allemandes ont à offrir à une clientèle occasionnelle exigeante, à des prix extrêmement bas. Honni soit qui pense que ces marchandises sont des copies pirates.
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VUE DE TOCHAL
Téhéran, Iran, 2019
Dans les montagnes centrales de l’Elbourz, immédiatement au nord de Téhéran, le Tochal culmine à 3 964 m. Son sommet et ses pentes sont recouverts de neige naturelle pendant presque la moitié de l’année. Pour échapper au smog et à la chaleur, pour les nombreuses possibilités de sports (d’hiver) et pour la vue magnifique qu’il offre sur la ville, le Tochal est une destination prisée le week-end par les résidents, ainsi qu’une destination d’excursion idéale pour les touristes en semaine pendant que les Iraniens travaillent. Construite en 1977, la télécabine de 12 kilomètres de long qui compte quatre stations peut emmener 15 000 amateurs de ski jusqu’à 3 740 m en 30 minutes. Les pistes de ski, sans difficulté majeure pour les skieurs confirmés, commencent à cet endroit. Le site est idéal pour le ski de fond. On y trouve aussi un parc de snowboard avec des half-pipes, on peut y faire de la luge ou des randonnées en raquettes sur des pistes entretenues. Les stations situées plus bas disposent d’un hôtel, d’un restaurant, d’une piste de luge d’été et d’un parcours de montagnes russes. En été, il est recommandé d’emprunter les sentiers d’escalade et de randonnée en montagne. Les équipements de fitness de toutes sortes, adaptés à tous les besoins et à toutes les tranches d’âge, installés sur de grandes places sont appréciés. Les hommes iraniens prennent soin de leur corps de bien des façons et essaient de rester en forme par le biais de la musculation et d’exercices. Les critiques ont donc fusé pendant le confinement lié au coronavirus sur le fait que les mosquées sont restées ouvertes, mais pas les salles de sport.
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Ispahan, Iran, 2019
Arvand Kenar, Iran, 2017
Chogha Zanbil, Iran, 2017
COUR DE LA MOSQUÉE DE L’IMAM La place de l’Imam à Ispahan est considérée comme l’une des plus belles places du monde. Elle est bordée par le Palais de la Porte Ali Qapu, la mosquée de l’Imam et la mosquée privée du Shaikh Lotfollah, de magnifiques bâtiments construits par le shah safavide Abbas Ier au début du XVIIe siècle dans le cadre du plan de rénovation de la zone. Les façades du Palais de la Porte et des mosquées, mais aussi les arcades à iwans qui entourent la place, sont entièrement recouvertes de carreaux magnifiques, semblables à des tapis avec des ornements et des motifs floraux dans les tons bleu, turquoise et jaune ocre. Dans la cour, le visiteur étonné est souvent abordé par de jeunes Iraniens et invité à discuter, par exemple dans une tente qui se fond avec les couleurs qui l’environnent. Ce sont souvent des étudiants qui, dans un bon anglais, tentent de réviser l’image de l’Iran diffusée par les médias à l’étranger. Les relations avec l’Occident et les ÉtatsUnis, qui étaient encore bonnes au 19e siècle, sont effectivement devenues plus que tendues à la suite de la révolution islamique, de la prise d’otages à Téhéran en 1980, de la guerre du Golfe, des attentats terroristes du 11 septembre, des projets d’enrichissement de l’uranium ou encore de l’assassinat du général Soleimani. Pour cette théocratie, le rejet de l’Occident fait partie de son identité, même si la population a adopté le mode de vie, la musique et les tendances de la mode occidentale dans l’espace privé, à l’abri des regards, et souffre par exemple du manque de médicaments qui est la conséquence des sanctions et des restrictions bancaires.
MÉMORIAL DE GUERRE Chatt al-Arab, « Côte des Arabes », tel est le nom que les Irakiens donnent au fleuve baptisé Arvandroud par les Iraniens. Il résulte de la confluence de l’Euphrate et du Tigre et sa partie sud constitue la frontière entre les deux États. Entre 1823 et 1937, l’utilisation du fleuve a fait plusieurs fois l’objet de négociations — sous réserve d’une délimitation exacte des frontières. Ce n’est qu’en 1975 que l’Iran et l’Irak sont parvenus à un accord. Mais rapidement, Saddam Hussein a revendiqué l’entière souveraineté du Chatt al-Arab, faisant éclater la première guerre du Golfe. Elle s’est caractérisée par une extrême brutalité de part et d’autre et a fait d’innombrables victimes — bien que les frontières soient restées inchangées à la fin de la guerre. L’une des curiosités de cette guerre a tenu à la décapitation des palmiers dattiers qui poussaient près du rivage dans le but de priver l’ennemi de toute possibilité d’abri. Entre-temps, ils ont d’ailleurs eux aussi été intégrés à un mémorial national. La zone frontalière de l’Euphrate (qui, à l’origine, se jetait directement dans le golfe Persique) était déjà le théâtre de conflits militaires dans l’Antiquité. En 116 après J.-C., l’empereur Trajan avait traversé le Tigre, pris Ctésiphon et progressé jusqu’au golfe Persique. Selon l’histoire rapportée par Dion Cassius (Livre 68), il aurait même exprimé le souhait de naviguer de la côte du Golfe jusqu’à l’Inde — que seul Alexandre le Grand avait atteint auparavant — et n’aurait abandonné ce projet qu’en raison de son âge. Aucun empereur romain n’était jamais allé aussi loin à l’est ! Mais la révolte juive a contraint l’empereur à abandonner la province à peine un an plus tard ; jamais plus l’Empire romain n’aura connu une telle expansion en Orient.
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ZIGGOURAT DUR-UNTASH La ziggourat de Chogha Zanbil, dans l’actuelle province iranienne du Khouzistan, non loin de la rivière Dez, est probablement la tour religieuse la plus impressionnante de toutes les anciennes civilisations orientales. Le roi médio-élamite Untash-Napirisha (1275-1240 av. J.-C.) a fait construire sa nouvelle capitale, Dur Untash, à 40 kilomètres au sud de l’ancienne résidence de Suse, à son arrivée au pouvoir. Au centre se trouvait l’enceinte fortifiée d’un temple en l’honneur de Napirisha, la divinité des cours d’eau et de la sagesse qui régnait sur terre, et pour Inshushinak, le Dieu de la ville de Suse. La ziggourat, d’une superficie de 105 x 105 mètres et d’une hauteur d’environ 50 mètres à l’origine, est un temple construit sur un socle plat. Quatre terrasses, construites en briques de terre séchées à l’air, recouvertes de briques vernissées bleu-vert et de carreaux de céramique en forme de boutons, soutenaient la partie haute du temple. L’accès se faisait par des escaliers à l’intérieur du bâtiment et non par une rampe extérieure, comme c’était alors l’usage ; Des figures de taureaux et de griffons flanquaient les portails. En 640 avant J.-C., l’Élam est conquis par le roi assyrien Assurbanipal et Dur Untash est détruit et abandonné. Les temples en forme de tour comme la ziggourat de Chogha Zanbil sont à l’origine du récit biblique de la tour de Babel. Découverte en 1925 lors d’un survol géologique et fouillée pour la première fois par une équipe archéologique française sous la direction de Roman Ghirshman, Chogha Zanbil est désormais inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO.
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GUNDISHAPUR
Près de Shahadad, Iran, 2017
De frêles pans de murs parallèles et quelques vestiges de fontaines marquent les fouilles éparses de Gundishapur, qui abritait autrefois la plus célèbre école de médecine du Moyen-Orient, dans une vaste zone parsemée de petits tells. Le roi sassanide Chapour Ier (240/42270) fonda la ville après sa conquête de la métropole romaine d’Antioche sur l’Oronte, probablement en 253, et y établit sa résidence d’hiver. Lorsqu’il réussit trois ans plus tard à détruire l’armée romaine à Édesse (aujourd’hui Sanliurfa en Turquie) et à capturer l’empereur Valérien, il déporta une grande partie des militaires (sans doute 70 000 soldats), mais aussi leurs officiers, tribuns, préfets, architectes et personnels techniques, dans le sud-ouest du Fars, notamment à Gundishapur. Les simples soldats rompus aux techniques du bâtiment y bâtirent des routes et des maisons dans la tradition de l’époque, tandis que les ingénieurs expérimentés se virent confier la planification et la construction de structures sophistiquées telles que des ponts et des barrages. Le grand roi Khosro Ier (mort en 579) a fait de Gundishapur un centre de médecine et des sciences, doté d’un hôpital universitaire, d’une bibliothèque et d’une académie ; les jeunes médecins recevaient une formation globale incluant également des cours de philosophie et de théologie. Les érudits ont traduit des œuvres persanes, grecques et indiennes, des ouvrages d’astronomie, de mathématiques et de phytothérapie, sans oublier le livre de fables « Kalila et Dimna ».
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GALERIE DE RUES
Yazd, Iran, 2017
TOURS DU SILENCE
Yazd, Iran, 2017
La ville oasis de Yazd, située à la lisière des déserts de Dasht-e Kavir et de Dasht-e Lut, à l’ombre des monts Zagros, est l’une des plus anciennes villes d’Iran. Elle était l’un des centres de la religion zoroastrienne disséminée par le prophète Zarathoustra, dont les temples de feu et les « tours du silence » témoignent encore dans la ville et ses environs. Les oasis comme Yazd ont toujours été indispensables en tant qu’étapes pour les caravanes qui acheminaient des produits de luxe de l’Extrême-Orient vers la Méditerranée — en échange de matières premières, de produits semi-finis ou de verre, entre autres. Les campagnes d’Alexandre le Grand ont permis d’étendre considérablement les connaissances géographiques et de développer des routes commerciales. Les Romains ont profité des routes et des contacts et ont importé de la soie de Chine, du lapis-lazuli du nord de l’Afghanistan, des épices d’Inde et bien d’autres choses encore, souvent en passant par plusieurs intermédiaires. L’officier et écrivain romain Pline s’en plaignait déjà au milieu du 1er siècle de notre ère : « D’après les estimations les plus basses, l’Inde, les Serer (chinois) et la péninsule d’Arabie privent chaque année notre État de 100 millions de sesterces : c’est ce que nous coûtent le luxe et les femmes » (nat. hist.). Aujourd’hui, le paysage urbain de Yazd est marqué par des bâtiments traditionnels en terre et en briques brutes, mais aussi par des tuiles vernissées turquoise qui tapissent les dômes et les minarets. Depuis 2017, la vieille ville est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. Des commerçants malins exploitent à leur façon l’attention que leur porte le monde ainsi que les nouvelles formes de tourisme : Ils ne se contentent pas de vendre des tapis ornés de versets coraniques ou de fleurs, mais aussi de scènes rococo ou de courses de chars dans un cirque romain — bien qu’aucun Romain ne soit quasiment arrivé jusqu’à Yazd.
« Créateur, où porterons-nous le corps du mort, où le déposerons-nous ? » — « Aux endroits les plus élevés, Spitama Zarathoustra, afin que les chiens et les oiseaux charognards y accèdent le plus rapidement. Là, les adorateurs de Mazda attacheront le mort par les pieds et les cheveux au moyen de fer, de pierre ou de joncs, de peur que les chiens ou les oiseaux charognards n’emportent un de ses os à destination des eaux ou des plantes. » Ces phrases tirées de l’Avesta, le livre saint des zoroastriens, constituent la toile de fond des Dachma, les tours du silence. Les éléments étant sacrés pour les Parses, les enterrements par le feu ou dans la terre étaient interdits afin de ne pas les souiller avec le corps impur du défunt. Ils optèrent donc pour l’inhumation céleste, d’abord dans des enceintes fortifiées, puis sur des tours dans des lieux élevés, sans eau ni plantes, où les vautours, notamment, mangeaient les parties molles du cadavre. Les os étaient ensuite enterrés dans des fosses. La dachma, près de la métropole désertique de Yazd, était autrefois très éloignée de la ville. Le bâtiment circulaire, ouvert à son sommet, est divisé en trois cercles à l’intérieur. Les corps des hommes décédés étaient déposés dans le cercle extérieur, ceux des femmes dans celui du milieu, et ceux des enfants dans le plus petit cercle. Une fois dénudés, les os étaient finalement jetés dans une fosse au centre. Ce type d’enterrement a été interdit dans les années 1970 pour des raisons d’hygiène, car les habitants de la ville en pleine expansion se plaignaient des membres humains que les vautours laissaient parfois tomber. Aujourd’hui, les zoroastriens de Yazd enterrent leurs morts dans des caissons en ciment au pied de la montagne.
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NAQSH-E ROSTAM
Marvdacht, Iran, 2017
Naqsh-e Rostam est situé à quatre kilomètres au nord de l’ancienne résidence perse de Persépolis. C’est là que le grand roi Darius Ier (549-486 av. J.-C.) fit creuser sa tombe rupestre dans une paroi rocheuse abrupte, composée de trois chambres reliées entre elles et d’une façade décorée en relief ayant la forme d’une croix. Au milieu, l’entrée est flanquée de quatre colonnes. Des inscriptions en vieux persan, en élamite et en babylonien relatent le règne du Grand Roi et sont considérées comme son testament. Le relief au-dessus de l’entrée montre Darius recevant d’Ahura Mazda un anneau symbolisant la puissance ; le roi se tient sur un piédestal porté par les représentants des 28 peuples de l’empire. Ses successeurs, Xerxès Ier, Artaxerxès Ier et Darius II, ont copié la tombe royale de Darius. Peut-être pour légitimer son règne, le premier roi sassanide Ardachir Ier s’est également fait représenter sur ce mur recevant un anneau symbolisant la puissance, mais à cheval et d’égal à égal avec Dieu. Le relief le plus célèbre du site, cependant, montre Chapour Ier triomphant des empereurs romains Philippe l’Arabe et Valérien, ainsi que la fière inscription : « Durant la troisième invasion, nous marchâmes contre Édesse et Carrhes, et nous les assiégeâmes, tant et si bien que le César Valérien fut obligé de marcher contre nous. Il avait avec lui une force de 70 000 hommes... » Une grande bataille fut livrée entre Carrhes et Édesse entre nous et Valérien, et nous le capturâmes, faisant de lui notre prisonnier de nos propres mains avec d’autres généraux [...]. Tous ceuxlà, nous les fîmes prisonniers et nous les déportâmes en Perse. »
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BAND-E KAISAR
Chouchtar, Iran, 2017
L’Opus caementitium, le béton romain aux propriétés imperméables, explique la stabilité incroyable du Band-e Kaisar, un pont-déversoir sur le Karoun, le fleuve le plus abondant et le seul à être navigable en Iran. La structure sinueuse d’environ 500 mètres de long associe déversoir et arches. Selon la tradition perse, elle a été construite par les prisonniers de guerre romains que Chapour Ier avait déployés à Chouchtar. Sa finalité était d’irriguer l’arrière-pays de manière efficace et continue afin de créer de grandes surfaces de terres cultivées : l’expérience des ingénieurs romains a été utilisée en territoire ennemi pour les infrastructures civiles, par exemple pour la construction de ponts. Pour le Band-e Kaisar, ils ont commencé par détourner le Karoun, avant d’ériger le déversoir de près de 10 mètres d’épaisseur. Celui-ci sert de support au pont qui mesure plus de 500 mètres de long et compte une quarantaine d’arcades sur la route qui reliait Pasargades, dans les monts Zagros, à Ctésiphon, sur les rives du Tigre. Les fondations et les piles du pont sont revêtues de blocs de grès, les piles en amont sont conçues comme des briselames et le lit de la rivière est également recouvert de grandes dalles de pierre. Rien d’étonnant donc à que ce pont-déversoir soit resté quasiment intact jusqu’à la fin du XIXe siècle. Le site de Band-e Kaisar fait partie du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2009.
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LE VILLAGE OCRE
Abyaneh, Iran, 2017
Abyaneh, le « village ocre », est situé sur le flanc oriental du Kulz-e Karkas à une altitude d’environ 2 500 mètres. Il tire son surnom de la couleur des maisons, qui se détachent à peine des collines environnantes ; la forte teneur en oxyde de fer de l’argile est à l’origine de cette couleur. Les habitations sont situées dans des ruelles escarpées, principalement orientées vers l’est, et échelonnées, de sorte que le toit de l’habitation inférieure forme la cour de l’habitation qui la surplombe. Elles forment un ensemble très harmonieux, édifiées dans la vieille tradition avec des colombages en bois, des briques en argile et une garniture de paille. Beaucoup ont des oriels et des barreaux de fenêtre en bois. Les portes, avec leurs heurtoirs de forme différente pour les hommes et les femmes, sont souvent décorés de sculptures tirées de versets du Coran ou de poèmes. Les habitants parlent l’ancienne langue des Parthes, le pahlevi (moyen perse). Ils préservent également les traditions avec leurs costumes : les femmes portent des charghads, des étoles blanches imprimées ou brodées de roses rouges, sur des robes colorées et des sous-vêtements noirs qui descendent juste en dessous du genou, ainsi que des pantalons moulants. Quant aux hommes, ils portent encore le gilet noir traditionnel avec des pantalons très larges, même s’ils sont de moins en moins nombreux à le faire. Mais ce n’est pas tout ce qu’Abyaneh a à offrir. Les vestiges d’un temple du feu zoroastrien, trois forts de la période sassanide, la mosquée seldjoukide du vendredi, d’autres mosquées de la période ilkhanide et des maisons de la période qajar témoignent de sa longue histoire. Il faut espérer que les travaux de réparation nécessaires seront effectués avec le soin nécessaire à la longue préservation du caractère particulier du village.
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PONT KASHKAN
Kouhdacht, Iran, 2017
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MAGASIN AU BORD DE LA RIVIÈRE Dezfoul, Iran, 2017
Avec ses onze ogives, le vieux pont de Kouhdacht enjambait la Kashkan — il n’en reste plus que quatre aujourd’hui. Les ogives permettent de grandes portées, mais la poussée latérale qui doit être absorbée par l’arche suivante est considérable. L’ingénieur a donc pris une bonne décision en adossant une extrémité du pont de près de 190 mètres de long à un haut plateau rocheux. Cette solution présentait aussi l’avantage de marcher et rouler sur le pont depuis cette extrémité sans avoir à gravir de pente, alors que sur l’autre rive, neuf piliers de hauteur échelonnée étaient nécessaires pour atteindre la hauteur du pont. Les piliers du pont sont faites de briques de terre cuite réparties en trois couches. L’inscription en lettres coufiques ornementales indique que la construction du pont a commencé sur l’ordre de Badr Ebne Hosnooyieh Al Hossain en 388 Année de l’Hégire (999 après J.-C.). Neuf années ont été nécessaires pour l’achever. À une centaine de mètres de là, un pont traversait déjà la Kashkan à l’époque des Sassanides. Un pont moderne à huit arches rondes, capable de supporter l’intensité actuelle du trafic, a été construit à proximité immédiate. Cependant, la rivière qui transporte l’eau des monts Zagros vers les plaines arides de la Perse occidentale remplit rarement le lit complètement.
Locaux et touristes, tous se laissent tenter par la location d’une shisha, la pipe à eau traditionnelle orientale, sur les rives du Dez. Le magasin s’est installé sur la base d’un moulin à eau du IIIe siècle avant J.-C., auquel il n’est d’ailleurs pas toujours possible d’accéder à pieds secs. Des quelque 60 moulins d’origine qui témoignent de l’abondance de céréales dans la zone irriguée autour du Dez, il n’en reste aujourd’hui qu’une vingtaine de ruines à peine. Le Dez est l’un des plus grands affluents du Karoun. Il était déjà utilisé à l’époque préhistorique pour irriguer la campagne environnante. À l’époque des Sassanides, un réseau dense de canaux d’irrigation avait été aménagé de part et d’autre du fleuve. Ils se sont délabrés après que les Arabes ont conquis cet empire affaibli ou bien ont été détruits lors des invasions mongoles. Dans les années 1960, sous le règne de Mohammad Reza Pahlevi, le gouvernement iranien a lancé un programme d’irrigation à partir du Dez, dont le point d’orgue a été le barrage du Dez. L’intervention massive dans les rapports de propriété et les traditions a généré de nombreux conflits.
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PONT DEZFOUL
Dezfoul, Iran, 2017
Tout comme le barrage de Chouchtar, le pont de Dezfoul a été planifié par des ingénieurs romains et construit par des soldats retenus en captivité par le roi sassanide Chapour Ier après sa victoire sur l’armée de l’empereur Valérien 1er en 260 après J.-C. On peut supposer que les piliers reposent sur des fondations plus anciennes datant de l’époque élamite. Quatorze grandes ogives alternent avec treize petits arcs qui ne descendent pas jusqu’à la surface de l’eau. Grâce à la technique de l’opus caementicium, un mortier imperméable mélangé à des pierres de carrière, pris dans un parement de pierres de taille, il était possible d’obtenir une stabilité maximale. Après diverses réparations, notamment avec des briques de terre cuite, il est difficile aujourd’hui d’identifier concrètement les différentes phases de rénovation — hormis les ajouts modernes en béton armé. Comme la partie de la vieille ville de Dezfoul qui borde le pont est appelée Ghal’eh — qui veut dire château — on peut supposer qu’une forteresse protégeait ce pont d’importance stratégique. Depuis 2010, il est interdit aux voitures d’emprunter ce pont historique afin de le protéger.
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OPÉRATION VALFAJR 8 # 2 Arvand Kenar, Iran, 2017
Des drapeaux brandis, une gigantesque bannière avec des slogans de résistance sous les portraits des chefs religieux Khomeini et Khamenei, les restes d’un ponton : l’Iran manifeste sa présence sur la rive gauche de l’Arvandroud. Dans son rôle de mémorial aux martyrs tombés au combat, c’est aussi l’un des sites les plus parlants de l’histoire contemporaine. Lors de la première guerre du Golfe, l’Irak, cinquième nation pétrolière du monde, a été largement coupé de la mer pendant 26 mois. Cette situation a été déclenchée par l’opération « Valfajr 8 » — « Aube 8 », qui est considérée comme l’un des plus grands accomplissements de l’Iran dans ce conflit. Ce nom a été choisi parce que la mission a commencé bien avant le lever du soleil. Dans cette opération, les Iraniens ont réussi à prendre Fao sur la rive opposée en seulement 24 heures, à l’aide d’une armada d’hommes-grenouilles puis de bateaux, en partie parce qu’ils avaient trompé l’ennemi en lançant une attaque de diversion sur Bassora au nord. Dans les mois qui suivirent, un ponton constitué de 5 000 tubes fut construit, permettant aux chars de traverser le fleuve. Ce n’est que plus de deux ans plus tard que l’armée irakienne, très équipée, a réussi à reprendre la péninsule de Fao, en utilisant des quantités massives et illégales de gaz toxiques. Aujourd’hui, une grande partie du précieux pétrole d’exportation irakien est réexpédié à partir de là, car Bassora, à 80 kilomètres en amont, ne permet pas aux navires hauturiers d’approcher, sans compter que l’utilisation d’Umm Qais à l’ouest du fleuve est restreinte par les îles offshore du Koweït.
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BUREAU (ANCIENNE AMBASSADE DES ÉTATSUNIS) Téhéran, Iran, 2017
Pour protester contre l’accueil réservé par les États-Unis de Jimmy Carter au Chah Mohammad Reza Pahlevi, atteint d’un cancer, des étudiants dans la droite lignée de l’imam manifestèrent pendant des semaines devant l’ambassade des États-Unis à Téhéran à l’automne 1979, exigeant son extradition. Le 4 novembre, ils entrèrent dans l’ambassade et prirent des diplomates et des membres du personnel en otage. Les États-Unis refusèrent l’extradition, la tentative de libération en avril 1980 fut un échec. Ce n’est qu’après la mort du Chah, après l’investiture de Ronald Reagan et le retrait des sanctions au début de la guerre du Golfe, 444 jours plus tard, que les 52 otages (restants) furent libérés. Depuis, les relations diplomatiques avec « l’ennemi juré » passent exclusivement par des pays tiers. Le bâtiment de l’ambassade américaine est aujourd’hui devenu un musée, son état étant quasiment préservé depuis 1979/1981. Il ne peut être visité que quelques jours par an. « Ancienne ambassade des États-Unis » est le nom de l’arrêt de bus situé devant le bâtiment, dont le mur d’enceinte est peint aux couleurs de l’Iran. Au premier étage, les visiteurs peuvent visiter la salle de sécurité, autrefois à l’abri des micros, encore dotée des installations et des équipements de l’époque — on les dirait hors du temps. Rien n’est plus désolant que des bureaux vides avec leurs photocopieuses vétustes, leurs machines à écrire démodées et leurs boîtes à fiches poussiéreuses.
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TÉHÉRAN ET LES MONTS ELBOURZ Téhéran, Iran, 2017
Lorsque Agha Mohammed Khan prend le pouvoir en Iran, il désigne la ville provinciale safavide de Téhéran, dans le nord de l’empire, comme sa capitale en 1789 pour des raisons stratégiques. Située sur les pentes des monts Elbourz, la ville a connu un essor rapide sous les souverains qajar. Le mur de fortification a été rénové, des mosquées, des médressas et des palais ont été construits, comme Golestan, Saadabad et Niavaran, et la superficie de la ville a été multipliée par cinq. Dans les années 1930, Reza Chah Pahlevi a transformé Téhéran en une métropole moderne dotée d’un réseau de rues géométriques et de kilomètres d’autoroute urbaine centrale, en démolissant de nombreux bâtiments historiques. Sous le Chah Mohammad Reza, la ville s’est dotée d’innombrables gratte-ciel et d’infrastructures performantes dans les années 1960 et 1970. Le régime de la République islamique se démarque en érigeant des bâtiments inhabituels. La zone urbaine s’étend désormais sur près de 19 000 kilomètres carrés. Aujourd’hui, la ville affiche fièrement ses monuments tant historiques qu’hypermodernes : les anciens palais impériaux et leurs magnifiques jardins, le théâtre municipal historique de l’architecte Ali Sardar Afcham, le pont piétonnier Tabiat, le monument Azadi prévu pour commémorer le 2 500e anniversaire de la monarchie iranienne, qui a depuis été déclaré tour de la liberté, et enfin, le Borj-e Milad, la tour de télévision de 435 mètres de haut. Cette tour qui est le point de mire de Téhéran offre une vue sur toute la ville.
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CARRÉ DES MARTYRS, CIMETIÈRE DE BEHESHT-E ZAHRA Téhéran, Iran, 2019
Behesht-e Zahra, le cimetière central de Téhéran, est le plus grand cimetière d’Iran et, avec une superficie de 424 hectares, le plus grand site funéraire du monde après Wadi as-Salam en Irak. Il est si vaste que les personnes endeuillées doivent se déplacer en bus pour se rendre sur les tombes de leurs proches. Le Chah Mohammad Reza Pahlevi l’a fait aménager au sud de la ville en 1971. À l’époque, il était considéré comme le cimetière des pauvres et des prisonniers politiques morts en prison. Mais lorsque l’ayatollah Khomeini y a prononcé son premier discours de retour d’exil à Paris en qualifiant les personnes enterrées de fierté, d’honneur du pays et de martyrs, le cimetière a été considérablement revalorisé et a reçu le surnom de « lieu de repos éternel des martyrs ». Des milliers de jeunes hommes ont eu la chance de mourir en martyrs pendant la guerre Iran-Irak — c’est du moins la façon dont les choses leur ont été présentées avant de les envoyer au front. Une section distincte a été créée dans le Behesht-e Zahra pour ceux qui sont tombés au combat. On y découvre des rangées interminables de pierres tombales ornées de versets coraniques et de photos de jeunes hommes, voire d’adolescents, qui ont été expédiés au front avec la promesse d’accéder au paradis, par exemple pour déclencher une mine. Les personnalités majeures de la première heure de la révolution et les membres du conseil révolutionnaire sont enterrés au premier rang. Les défunts du Front national ont trouvé leur dernière demeure dans une section distincte tandis que les tombes des personnes exécutées en tant qu’ennemis de l’islam ne sont identifiées que par des numéros. Un char abandonné au beau milieu rappelle les terribles années de guerre…
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TACHT-E SULEIMAN
Tazeh Kand-e-Nosrat Abad, Iran, 2017
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GRANDE MURAILLE DE GORGAN Aq Qala, Iran, 2017
Le Trône de Salomon, dans la province iranienne de l’Azerbaïdjan de l’Est, est l’un des endroits les plus passionnants sur le plan géologique, les plus beaux et les plus intéressants du pays sur le plan historique. Vestige d’une ancienne activité volcanique, de l’eau contenant du bicarbonate de calcium jaillit d’une source située à 2 200 m d’altitude à une température constante d’environ 21 degrés, formant un grand lac très profond. Au bord de celui-ci, la chaux contenue dans l’eau s’est frittée, créant une colline qui s’est élargie sous l’effet du débordement de l’eau ; l’excès a ensuite été évacué par des rigoles. Autour du lac de source, les Sassanides avaient construit un grand complexe de temples en briques d’argile au Ve siècle, avec un mur d’enceinte. Ils l’ont remplacé au VIe siècle par un mur de pierre avec une grande porte et ont déplacé le temple du feu, élément zoroastrien central, Atur Guschnasp, (« feu de l’étalon ») vers le lac. Il y est resté en fonction jusqu’au Xe siècle. Il se composait d’un temple avec chemin circumambulatoire et une salle à coupole carrée pour le feu sacré ; un second temple comportait également une salle à trois coupoles et d’autres salles. On trouve également les traces du palais des grands rois. Le site connut une seconde période florissante sous le Mongol Ilchan Abaka (1265-82), petit-fils de Gengis Khan, qui fit construire dans les ruines son palais de chasse Soqurluq, entièrement décoré de tuiles en forme d’étoile et de croix, avec des frises d’écriture et d’images, ainsi que des décorations en stuc. Ce n’est qu’un siècle plus tard que les caractéristiques frappantes du paysage ont été associées au nom de Salomon : le cône fritté voisin associé à une colonie et un sanctuaire a été appelé Zendan-e Soleiman (la prison de Salomon), le sommet voisin Kuh-e Bilqius (d’après la reine de Saba), le massif montagneux au sud-ouest Tavile-ye Soleiman.
Sur 195 kilomètres, le « serpent rouge » chemine à travers les plaines depuis la mer Caspienne jusqu’à ce qu’il se perde dans les montagnes de Pishkamar. Mais bien que la Grande Muraille de Gorgan soit presque deux fois plus longue que le mur d’Hadrien dans le nord de l’Angleterre, et beaucoup plus ancienne que la longue muraille de la dynastie Ming au nord de Pékin, elle reste méconnue. Son triste état l’explique. Le mur de 6 à 10 mètres de large a été construit avec des briques de terre cuite faites à partir d’argile contenant de l’oxyde de fer, matériau de construction bon marché, pillé pendant des siècles par les habitants de la campagne voisine. Grâce aux efforts combinés d’une équipe archéologique irano-britannique et aux méthodes modernes, il a été possible d’élucider certains points qui faisaient l’objet de recherches : Le mur était flanqué d’un canal de cinq mètres de profondeur, qui constituait non seulement un obstacle supplémentaire pour quiconque voulait approcher, mais qui apportait également de l’eau aux équipes de construction, à la fabrication de briques et à la garnison militaire. Il était alimenté, entre autres, par une digue sur la rivière Gorgan. Plus de 30 forts disséminés le long de la muraille hébergeaient environ 30 000 soldats dans de longues casernes. D’après les nombreux os d’animaux découverts sur place, ils n’y étaient pas seulement stationnés temporairement. Mais on y a découvert surtout de nombreux fours destinés à la production de briques. La datation au carbone 14 du charbon de bois, ainsi que les études de thermoluminescence des fours ont révélé que le mur a probablement été construit au Ve ou au VIe siècle, peut-être sur l’ordre du roi Péroz (459-484 après J.-C.) comme mur de protection contre les Huns ou les Hephtalites. Elle a également montré que le mur se poursuivait assez loin dans la mer Caspienne, dont le niveau était plus bas à l’époque.
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PASSAGE DE LA VOIE FERRÉE Aq Qala, Iran, 2017
Le transport ferroviaire est considéré comme un moyen écologique et rentable de transport de masse et de marchandises. En Iran, cependant, l’expansion du rail a dû affronter des obstacles topographiques, techniques, financiers et politiques. Le chemin de fer transiranien reliant la mer Caspienne au golfe Persique devait traverser les monts Zagros, ce qui nécessitait d’innombrables ouvrages d’art élaborés, tels que des tunnels et des ponts. Transformer les chemins de fer à voie large qui avaient cours dans les régions frontalières de l’ouest et du nord, construits pendant les deux guerres mondiales sous la direction de la Russie, anciennement Union soviétique, pour les adapter aux normes du réseau européen à voie normale a nécessité des efforts considérables. Et le pétrole bon marché disponible aujourd’hui n’incite en rien à électrifier les chemins de fer. Les difficultés politiques n’ont rien arrangé. Déjà vers la fin du XIXe siècle, les projets ferroviaires iraniens se sont heurtés aux conflits d’intérêts et aux blocages mutuels organisés par les grandes puissances. Plus récemment, l’expansion ferroviaire a ralenti sous l’effet de la révolution islamique et de la guerre du Golfe. D’autres projets pâtissent des différends entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan ou bien de la situation politique en Irak. Aujourd’hui, les sanctions imposées par les États-Unis d’Amérique contribuent de manière non négligeable aux interruptions et aux retards. Enfin, des entreprises comme la Deutsche Bahn quittent l’Iran parce que les banques internationales refusent d’effectuer des transactions financières directes avec ce pays. Rien d’étonnant donc dans le fait qu’un pont autoroutier reste inachevé audessus des voies ferrées. Le plus grand problème, cependant, tient au manque d’engouement pour le transport ferroviaire au profit de la route, pour le fret, mais surtout pour le transport de personnes.
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ENSEMBLE RÉSIDENTIEL ET MONTAGNE DES DIEUX Bisotun, Iran, 2017
Les documents bilingues font le bonheur des linguistes — surpassés seulement par les documents trilingues, écrits qui contiennent des versions du même texte en trois langues. Ils sont cruciaux pour l’étude de langues inconnues. Un tel document trilingue de 1 200 lignes est gravé en vieux persan, en élamite et en néo-babylonien sur une crête rocheuse abrupte dans l’ouest de l’Iran, à 30 kilomètres à l’est de Kermanshah, près du village de Bisotun, la « montagne des dieux ». Le roi Darius Ier l’a fait placer à cet endroit afin de revendiquer son droit au trône sur l’une des routes commerciales principales pour laquelle il a défait l’usurpateur Gaumata à l’issue de 19 batailles. Un relief de trois mètres sur cinq le montre un arc à la main, un pied sur le ventre de son adversaire, tandis que les « rois menteurs » lui sont présentés ligotés. Le disque solaire ailé d’Ahura Mazda surplombe la scène. Un peu plus haut, en 148 avant J.-C., à l’époque séleucide, la statue presque entièrement sculptée d’un Héraclès posant avec une coupe a été taillée dans la roche. Derrière se trouvent des reliefs de l’époque parthe : quatre satrapes devant le roi Mithridate II ; Le roi Gotarzès II à cheval, transperçant un ennemi — le roi ennemi Méhredatès ? — avec une lance. En gravant l’inscription, les tailleurs de pierre de Darius ont aménagé des rigoles dans la roche. Celles-ci se sont creusées avec le temps. Un programme international et interdisciplinaire tente désormais de protéger et de préserver les bas-reliefs et les inscriptions. Contre les lotissements modernes, cependant, même les dieux se battent en vain.
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ARG-E RAYEN
Rayen, Iran, 2017
Abandonné par ses habitants il y a 150 ans, le château de Rayen a aujourd’hui le caractère d’un musée — il ressemble à Arg-é Bam en miniature. Comme ce dernier, il est situé dans la province de Kerman, sur les pentes du Kuh-e Hazar, la deuxième plus haute montagne iranienne, qui culmine à 4 500 m. Grâce à plusieurs ruisseaux qui cascadent des rochers, il est même possible d’irriguer des vergers au bord du désert. Protégées par un mur d’enceinte, la ville et sa citadelle sont entièrement construites en briques d’argile. La citadelle abritait les appartements de la famille royale, dont l’accès était strictement interdit aux personnes de rang inférieur. On y accédait par une seule porte et les parades militaires réunissant les 1 300 soldats de Rayen descendaient de la plate-forme située audessus. Outre les bâtiments résidentiels, on trouve également les traces d’une mosquée, d’une école, d’une caserne et probablement d’une zone de quarantaine. Les habitants de Rayen se sont enrichis non seulement grâce au commerce, mais aussi grâce à la production d’objets en métal de qualité tels que des épées et des couteaux. Bien protégé de toutes parts, le château de Rayen était réputé imprenable — jusqu’à ce qu’il soit vaincu par un tremblement de terre.
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BAZAR DE VAKIL
Shiraz, Iran, 2019
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GAHVAREH DID
PALAIS TACHARA, PERSÉPOLIS
Shiraz, Iran, 2019
Marvdacht, Iran, 2017
Avec une superficie de 21 840 m2, le bazar de Vakil situé à Shiraz est vraiment très vaste. On pense que sa construction a commencé au Xe siècle pour le compte des Bouyides. L’architecture visible évoque plus vraisemblablement une construction ou une rénovation importante sous le règne de Karim Khan Zand (1760-1779). Pour y accéder, il faut descendre six marches. Le bazar est semi-enterré, ce qui le garde frais en été et chaud en hiver. 74 arcs en briques soutiennent de hautes voûtes dotées de badghirs dont certains sont dotés de fenêtres pour assurer la ventilation. Une croisée voûtée sépare le bazar principal de ses ailes est et ouest. Ce qui y est proposé comble toutes les attentes, voire plus encore : tapis, tissus, articles en cuir, ustensiles en cuivre, argent, bijoux, antiquités. On sent le safran et les épices des mille et une nuits, les shirinis persans, les baklavas et les nohodchis vous attirent et vous pouvez déguster du thé ou du café. Le bazar comprend aussi un bain traditionnel. Des imamzadehs et la mosquée Vakil se trouvent juste à côté. Bien entendu, la modernité trouve également sa place dans le bazar de Vakil avec des aménagements de mauvais goût. Certaines voûtes ont été détruites lors de l’extension de l’avenue Zand.
Shiraz, située dans une large plaine au sud des monts Zagros, à une altitude d’environ 1 550 mètres, est appelée le « jardin de l’Iran ». La ville est célèbre pour ses variétés de roses, pour ses beaux jardins tels que le Bagh-e-Eram, le Bagh-e Afif-Abad et le Bagh-e Naranjestan (jardin d’orangers), pour son vin et ses poètes. C’est là que Hafiz a vécu et écrit ses ghazals, poèmes qui relatent des amours à sens unique et la nostalgie, Saadi son Boustan (jardin des parfums) et son Golestan (jardin des roses). La ville est d’origine élamite, comme en témoignent les tablettes en argile. Les temples de feu construits dans la plaine suggèrent une présence sassanide. Les Saffarides ont fait de Chiraz leur capitale. En tant que centre de la province, elle a rapidement gagné en importance jusqu’à être la résidence des Bouyides aux Xe et XIe siècles. Ils l’ont entourée d’une solide muraille, ont construit des palais, des mosquées ainsi qu’une grande bibliothèque, et ont encouragé la production textile. Les Salghurides résidaient également à Shiraz. Les pestes et les invasions mongoles ont affecté la ville, mais les conquérants turkmènes l’ont épargnée parce que c’était un lieu de création pour Hafiz. Une inondation et les invasions des Afghans sont à l’origine de son déclin. Ce n’est qu’au milieu du XVIIIe siècle que la ville connaît une nouvelle prospérité, dont témoignent la citadelle et la mosquée Vakil du chef de tribu kurde, futur roi Karim Khan Zand. Au XIXe siècle, Shiraz a subi plusieurs tremblements de terre. C’est le Gahvareh Did, simple bâtiment à coupole et à quatre colonnes, qui offre aujourd’hui la plus belle vue sur la ville devenue mégalopole. Construite sous le règne d’Adud-ad Dawla (982-983), elle était un poste de garde et permettait de contrôler l’ensemble de la ville. De là, les messages pouvaient être diffusés et les urgences signalées à une vitesse incroyable au moyen de signaux de fumée, de miroirs réfléchissants, de signaux sonores ou, la nuit, de feux.
Les Grecs ont baptisé « Cité des Perses » la nouvelle résidence que le grand roi Darius Ier avait fait construire au pied du Kuh-e Mehr vers 520 avant J.-C. Plus de 14 structures ont été construites sous son règne et celui de ses successeurs sur une terrasse artificielle de 15 hectares, si haute qu’elle n’avait besoin d’être protégée que par un mur à l’est. L’accès se faisait par un double escalier de cent onze marches basses menant à la « Porte des Terres », un bâtiment d’entrée avec trois portiques, dont deux protégés et décorés respectivement par des sculptures de taureaux et de sphinx. De là, les personnes admises en audience rejoignaient soit l’Apadana surélevée, soit la salle des Cent Piliers par une voie processionnelle. Dans le palais d’Apadana se trouvait le trône du souverain. Les deux escaliers extérieurs étaient décorés de reliefs évocateurs : les représentants de 28 pays, étirés en une longue procession, sont conduits devant le Grand Roi et lui apportent des cadeaux typiques de leurs pays pour la nouvelle année. Le grand roi Xerxès Ier l’a fait reconstruire, notamment en remplaçant un relief qui le représentait encore comme un prince. Ce grand roi a également entrepris la construction de la salle des Cent Piliers, la plus grande salle du monde antique, dont le toit était soutenu par dix rangées de dix colonnes chacune, couronnées par des protomés de taureaux à deux têtes. Des reliefs de divers registres encadrent les portails et matérialisent le pouvoir et la force du souverain. Le palais le mieux préservé est celui de Tachara, le palais d’hiver de Darius situé directement au sud de l’Apadana. Des reliefs ornent les murs : à l’entrée principale figure le Grand Roi avec une couronne à créneaux, mais aussi des porte-lances, des maîtres de cérémonie, des représentants des provinces avec des hommages, un héros au combat avec un lion et un monstre. En 330 avant J.-C., les troupes du roi Alexandre le Grand ont mis le feu à Persépolis, ce qui a été revendiqué plus tard comme une vengeance en réponse à la destruction de l’Acropole athénienne. Le sable du désert a recouvert et protégé les ruines. Pour la dynastie Pahlevi, Persépolis est devenue un lieu d’identification.
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Marvdacht, Iran, 2019
Les visiteurs de Bishapur ne manquent presque jamais de s’émerveiller devant les six reliefs sculptés dans la paroi rocheuse d’une gorge voisine, célébrant les exploits des souverains sassanides Chapour Ier, Bahram Ier et Chapour II. La ville ellemême est moins souvent visitée et n’est que partiellement explorée. Vers 266 après J.-C., Chapour Ier fit construire sa capitale sur un ancien village abandonné. Elle était structurée selon un plan hippodamien et dotée d’un magnifique palais, dont il fit décorer la salle du trône de mosaïques et de statues. Au nord se trouvait un temple du feu où, protégé des rayons du soleil, le feu brûlait jour et nuit. Dans les bâtiments situés à l’ouest, des marches raides mènent à une pièce située à sept mètres en dessous du niveau du sol. Sa surface est creusée de façon à créer un bassin. Des corridors aménagés dans les quatre murs de la pièce communiquaient avec la rivière voisine. Le bâtiment était sans doute voué à honorer la déesse Anahita. Dans la religion zoroastrienne, originellement abstraite, Anahita était vénérée comme une déesse puissante gardienne de l’eau, comme la divinité immaculée de la fertilité, en tant que déification du fleuve universel qui alimente l’océan. L’Avesta la décrit comme une belle et forte fille portant une couronne d’étoiles, des bijoux en or et un fagot de branches. Son rôle est défini principalement à partir de sources écrites plus récentes, qui l’assimilent à l’Astarté babylonienne et à l’Artémis grecque.
RESTE DU VILLAGE DE TENTES MONTÉ POUR LE 2 500 E ANNIVERSAIRE, PERSÉPOLIS Aujourd’hui, une forêt de mâts de tente érigés sur la plaine de Persépolis témoigne encore de l’un des plus grands spectacles qu’a connu l’histoire récente de l’Iran. Mohammad Reza Chah Pahlevi avait pris l’initiative de célébrer le 2 500e anniversaire de la monarchie iranienne afin d’honorer le fondateur de l’Empire perse, Cyrus II, de mettre en lumière les réalisations de la dynastie et de renforcer la position internationale de l’Iran. Des congrès scientifiques, des expositions et des publications de livres étaient prévus à cette occasion. Une célébration grandiose a eu lieu en octobre 1971. Au total, 69 hommes d’État étrangers, têtes couronnées et présidents, avaient annoncé leur présence. La Maison Jansen à Paris a fourni des armatures de tentes tubulaires et des toiles en plastique; Maxim’s était chargé de la restauration. Outre un congrès des Iranistes à Shiraz réunissant 500 scientifiques, il y eut un banquet pour 600 invités, une réception d’État pour l’anniversaire de Shahbanu Farah, un spectacle historique et une installation lumineuse dans les ruines de Persépolis. Les opposants au régime ont été arrêtés « par précaution ». La presse occidentale en a parlé avec un enthousiasme débordant. Pourtant depuis Paris, l’ayatollah Khomeini a déclaré que les participants à ces festivités étaient des ennemis de l’islam. De façon générale, les gens ont critiqué les coûts exorbitants de cette fête. Mais les investissements durables qui ont pris la forme de 3 200 écoles primaires, une mosquée, des routes, des aéroports et des hôtels n’ont pas été mentionnés. Jusqu’en 1978, le village de tentes est resté intact. En 1982, il est devenu un camp militaire pour les soldats de la guerre Iran-Irak et les fenêtres pare-balles ont été utilisées pour des exercices de tir. Aujourd’hui, les mâts nus de ce village de tentes attirent les touristes en mal de sensations ou bien servent de modèles pour des installations artistiques.
TEMPLE D’ANAHITA
Bishapur, Iran, 2017
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ZENDAN-E SULEIMAN ET STATION DE BUS TOURISTIQUE Pasargades, Iran, 2019
« Ô homme, je suis Cyrus, qui a établi la suprématie des Perses, et qui a régné sur l’Asie ! Ne m’envie pas de ce monument » selon un récit de l’historien Arrien, Aristobule de Cassandreia, qui fut l’historien d’Alexandre le Grand, aurait lu l’inscription cunéiforme dans la tombe du roi perse lorsqu’il l’a visitée à la demande du roi. Le roi achéménide Cyrus II (559-529 av. J.-C.) avait installé le camp de son armée sur un plateau des monts Zagros et y fonda Pasargades. Ses palais, son portique, ses pavillons et son temple du feu étaient entourés de grands jardins irrigués par un système élaboré de tunnels souterrains. L’installation reste encore aujourd’hui un mystère. Moins de dix ans après sa mort, Darius Ier déplaça sa résidence vers le sudouest, où elle devint célèbre sous le nom de Persépolis. Un certain flou continue aussi d’entourer l’existence à proximité d’une tour appelée Zendan-e Suleiman, la prison de Salomon, faite de pierres de taille massives. D’après la méthode de construction, on s’accorde à dire qu’elle daterait du VIe siècle avant J.-C. Elle semble inachevée et la question de savoir s’il s’agissait d’un tombeau, d’un trésor ou d’un temple — ou d’un bâtiment à la finalité complètement différente — reste un sujet de controverse entre spécialistes.
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VUE DE LA TERRASSE (TAKHT-E MADAR-E SULEIMAN) Pasargades, Iran, 2019
Dans le Coran, le roi Salomon — sous le nom de Suleiman — se voit attribuer des pouvoirs surnaturels : il peut parler aux animaux et aux démons, se procurer des trésors marins ou forcer le diable à faire des travaux difficiles comme la construction du temple de Jérusalem. Selon la légende, il possédait un talisman sur lequel était écrit le vrai nom de Dieu et avec lequel il pouvait tout contrôler. Il n’est donc pas étonnant que des bâtiments inexplicables aient été associés au roi Salomon par la population islamique. Takht-e Madar-e Suleiman, le Trône de la Mère de Salomon, est le nom donné à un complexe de grands blocs de pierre, autrefois assemblés, construit avec un mur de soutènement à la façon du VIe siècle. Il offre une vue dégagée sur la plaine en direction de Persépolis. Depuis quelques années, le barrage de Sivand est visible entre les villes en ruines. La submersion de Persépolis et surtout de Pasargades, redoutée par les archéologues, semble infondée puisque le rebord du barrage se trouve sous le niveau des ruines. Mais on ignore totalement quels effets produira l’humidité accumulée sur les monuments.
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MARCHAND DE RUE
Sarch, Iran, 2017
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RÉSERVOIR D’EAU ET ÉOLIENNES D’ASRABAD Ashkezar, Iran, 2017
La vente de marchandises en Orient est traditionnellement associée aux bazars. Il s’agit souvent de fondations créées par des souverains, des vizirs ou de riches citoyens, de grands bâtiments historiques comme à Shiraz et Ispahan, coiffés de dômes, couverts de tuiles colorées. Les magasins s’accumulent, tout est proposé à proximité immédiate, dans un esprit de concurrence amicale. Il n’est pas surprenant que l’Occident nomme ses grands magasins à la mode « bazars » : « Au petit Bazar » à Dresde, « Grand Bazar » à Anvers, « Bazar de l’Hôtel de Ville » à Paris, par exemple. Il n’ y a guère de grands bazars historiques dans la petite ville de Sarch, près de Yazd. Pourtant les commerçants, dont le sens des affaires est bien aiguisé, savent très bien y faire. Installés directement sur les artères très fréquentées, ils ont des maisons simples et fonctionnelles, cubiques, modestes, construites dans les matériaux les plus simples. Comme dans les grandes gares européennes, les voyageurs peuvent y trouver tout ce dont ils ont besoin pour le voyage, et bien plus encore. Ils peuvent faire une pause et boire du thé, se ravitailler, acheter des souvenirs, laver leur voiture. De la peinture rouge vif est souvent utilisée pour attirer les clients de loin.
L’eau propre est un bien précieux, surtout dans les régions arides. Ce n’est pas sans raison qu’en Perse centrale, sur le plateau situé entre les monts Zagros et les déserts de Dasht-e-Kavir et Dasht-e-Lut, les zoroastriens ont toujours vénéré la déesse de l’eau Anahita. Quelle que soit l’époque, de grands efforts ont toujours été consentis pour collecter l’eau, la préserver et la garder fraîche et pure. Mozaffareddine Chah (1896-1907), de la dynastie Qajar, a fait construire un réservoir d’eau spécial dans le village d’Asrabad, aujourd’hui abandonné, sur la route menant de Yazd à Mashhad. L’ab anbar (réservoir d’eau) consiste en deux pashirs (citernes) souterrains, de forme carrée, d’environ 6 mètres de profondeur. Elles sont voûtées avec des coupoles faites de briques d’argile, qui ont été enduites à l’intérieur d’un mélange de chaux, de sable et de cendres, frittées au fil du temps. Un large escalier mène au pansheer, la plate-forme située à environ un mètre au-dessus du fond de la citerne, d’où l’on pouvait puiser l’eau. Personne n’avait d’accès direct à l’eau, donc elle restait propre. L’eau était refroidie selon le principe de l’échange d’air, par circulation au moyen de badguirs. Le réservoir d’eau d’Arsabad compte à lui seul sept tours, chacune dotée de quatre ouvertures qui captent le vent venant des quatre points cardinaux. Mozaffareddine Chah était, à juste titre, fier d’avoir des plaques placées au-dessus des entrées, sur lesquelles son nom était incrusté en argent, avec la date de fondation 1321 selon le calendrier islamique.
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PONT SI-O-SE-POL
Ispahan, Iran, 2017
Le pont Si-o-se-pol relie deux quartiers dans le centre d’Ispahan. Son nom indique le nombre d’ogives présentes dans la rangée inférieure du pont à double niveau : 33. Au-dessus se trouve un chemin piétonnier bordé des deux côtés par des ogives plus étroites. Les chemins et les niches sont un lieu de rencontre prisé où les habitants et les touristes peuvent se promener, se rassembler, se reposer. Le pont a été construit en trois ans seulement sous le règne du réformateur safavide Shah Abbas Ier (1587 à 1629), lorsqu’il a déplacé sa capitale de Qazvin à Ispahan. D’une largeur de près de 14 mètres et d’une longueur de 297 mètres, cette structure construite en blocs de calcaire et en briques de terre cuite est le plus important des onze ponts d’Ispahan. Le pont enjambe le Zayandeh Roud, raison pour laquelle Shah Abbas a déplacé sa capitale. Il faudrait plutôt dire enjambait. Car la puissante rivière des monts Zagros, autrefois la plus abondante d’Iran, s’est largement tarie. La sécheresse, l’extraction d’eau pour les réservoirs, le forage illégal de puits et une irrigation inefficace ont conduit à un épuisement alarmant des réserves d’eau dans l’ouest de l’Iran — jusqu’à la nappe phréatique. Il faudra déployer des efforts démesurés pour mettre fin à la mauvaise gestion de l’utilisation de l’eau et éviter une crise. Que les pédalos gisent sur la terre ferme est finalement le moindre des soucis.
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CONFISERIE
Ispahan, Iran, 2017
La douceur intense de l’Orient. Incroyable la quantité de miel, d’amandes, d’eau de rose, de cardamome et de précieux safran qui est utilisée. Ni le Sacher à Vienne, ni la Maison Pierre Hermé à Paris ne peuvent concurrencer cela. Un régal pour les yeux, un délice pour le nez et le palais. L’une des activités principales réside dans la fabrication de bonbons traditionnels et de confiseries. Sous de nombreuses formes et couleurs, blanc laiteux, jaune, orange, rouge, vert, avec du citron, de l’orange, de la pêche ou de la menthe, ils brillent dans les bocaux et sont particulièrement convoités par les enfants. Connaisseurs comme touristes ont bien du mal à choisir parmi les nombreuses spécialités. Parmi elles le gaz, connu sous le nom de nougat persan, une spécialité d’Ispahan faite de miel et de blancs d’œufs battus, agrémentée au choix de noix ou de pistaches. Difficile de résister au Nan Berenji, la pâtisserie à base de farine de riz du Kurdistan, au safran et à la cardamome. L’Aard Nokhodchi, la pâtisserie traditionnelle de la fête de Nowruz (Nouvel An), est si riche en beurre qu’elle fond dans la bouche quand on la goûte. Le baklava persan aux amandes, pistaches et sirop de rose est beaucoup moins collant que ses cousins arabe ou turc. Vous pouvez également trouver le qottab, une pâtisserie aux noix en croissant de lune frite, originaire de Yazd. La spécialité de Kerman, le Kolompeh, une pâtisserie à base de dattes, peut être emportée sans problème. Elle convient aussi comme souvenir à ramener à ceux qui sont restés à la maison — du moins si vous ne le mangez pas avant ! Un pays de Cocagne, un avantgoût des joies du paradis.
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GRAND BAZAR
Ispahan, Iran, 2019
« Ispahan est la moitié du monde » est le surnom qui lui est donné en persan. Située dans la partie sud de la route de la soie, la ville a un passé parthe, achéménide, sassanide et perse. Elle fut la capitale des Seldjoukides occidentaux, devint mongole et enfin turkmène. Elle a connu son premier essor sous le règne du roi safavide Abbas Ier (1587-1629), qui a fait venir à Ispahan des artisans et des artistes de toutes les régions du pays. C’est à lui aussi que l’on doit la première expansion du grand bazar à côté de l’immense place Naqsh-e Jahan (« place du portrait du monde ») ou Meidan (aujourd’hui place de l’Imam) ; La place, le bazar, le palais et les mosquées sont réunis pour former un centre urbain commercial, culturel et spirituel. Aujourd’hui, le bazar est particulièrement célèbre pour son commerce de tapis et son artisanat local. Les petits métiers se sont installés dans les salles voûtées, si bien que l’on peut observer partout des forgerons, des rétameurs, des relieurs ou des cordonniers à l’œuvre.
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Mahshahr, Iran, 2017
Des pylônes électriques acheminant des kilomètres de lignes à haute tension audessus de terres arides — le tableau semble aussi triste qu’anodin. Pourtant à maintes reprises, la centrale nucléaire située près de Bouchehr a fait la une des journaux. La dernière fois c’était en juin 2021, lorsqu’elle a dû s’arrêter en raison d’une « défaillance technique ». On soupçonne que les pièces de rechange nécessaires n’ont pas pu être achetées du fait des sanctions internationales. La centrale nucléaire a été mise en service en septembre 2011. Il s’agit d’un système de réacteur hybride avec deux lignes de construction différentes. Prévu à l’origine par Siemens AG et AEG avec des réacteurs à eau pressurisée, il a été complété par un nouveau réacteur VVER de 1 000 MW pour en faire un projet prestigieux initié par l’Iran et la Russie. Les médias s’y sont intéressés à plusieurs reprises pendant sa construction, car on soupçonnait l’Iran de développer un système secret d’armes nucléaires. Des efforts sont actuellement déployés pour agrandir la centrale nucléaire de deux blocs. La ville voisine a une histoire mouvementée. On y retrouve des traces de peuplement des périodes élamite, séleucide, parthe et sassanide. Nouvelle ville fondée en 1736 par Nadir Chah de la dynastie des Afcharides, Bouchehr est devenue successivement le comptoir commercial des compagnies néerlandaise et britannique des Indes orientales, le siège du président britannique et un poste occupé par les Britanniques lors de la guerre anglopersane, ainsi que pendant les deux guerres mondiales. La jeune génération connaît probablement la ville comme le lieu de naissance du joueur national Mehdi Taremi.
Bandar Abbas est aujourd’hui la ville des superlatifs. Stratégiquement situé sur l’étroit détroit d’Ormuz, en face des îles d’Ormuz et de Qeshm, c’est le port ultramarin le plus important d’Iran, par lequel transitent près des trois quarts des importations. C’est aussi la base de la marine iranienne, le terminus de l’autoroute et une ville à la croissance démographique explosive. Les données historiques sont rares. L’ancien port était probablement situé à l’est de la ville actuelle et constituait le point de départ des voyages vers l’Inde et la mer Rouge à l’époque de Darius Ier. Le site était connu sous le nom d’Hormirzad à l’époque d’Alexandre le Grand. Au XVIe siècle, le port et la ville s’appelaient Gamrun, peut-être dérivé du mot turc gümrük, qui veut dire douane. En 1514, les Portugais conquirent l’île d’Ormuz, favorisèrent le port qui s’y trouve et le nommèrent Comorão, qui devient Gamron en anglais. Lorsqu’en 1615, le Chah safavide Abbas Ier, avec l’aide de la Compagnie des Indes orientales, parvint à reprendre l’île aux Portugais, il ramena le port sur le continent et donna à la ville portuaire son nom actuel. Son essor connut bien des difficultés. Les Baloutches pillèrent les colonies étrangères, la dynastie Afcharid favorisa Bouchehr, Bander Abbas tomba temporairement aux mains d’Oman. Son développement dut attendre les dynasties des Qajar et des Pahlevi. À côté de l’immense port commercial, le bâtiment de la télévision qui fut inauguré en 1966 et récompensé par un prix, est désormais un point de repère dans la ville moderne.
USINE DE DESSALEMENT DU COMPLEXE PÉTROCHIMIQUE Mahshahr, près de la frontière avec l’Irak, est l’une des villes portuaires majeures de l’Iran sur le golfe Persique. C’est de là que sont exportés le gaz et le pétrole de la raffinerie d’Abadan, le cœur de l’industrie pétrolière iranienne, située à seulement 95 kilomètres. L’industrie pétrochimique de Mahshahr est le projet emblématique de l’Iran, que ce soit sur le plan économique ou technologique. Mais le progrès a son revers, en l’occurrence une pollution à grande échelle. Avec la croissance de l’industrie, notamment la production de gaz de pétrole liquéfié, de plastiques, de fibres synthétiques et de pesticides, les émissions de gaz d’échappement non purifiés ont augmenté. Les quantités de métaux lourds tels que le cadmium, le nickel ou les toluènes mesurées dans l’eau, dans l’air et dans les sols y sont nettement plus élevées. Les fuites de pipelines entraînent une pollution des sols et des déversements de pétrole dans le golfe Persique. Dans le gigantesque bassin de dessalement pétrochimique près de Mahshahr, de nombreux mètres cubes de saumures fortement concentrées sont produits chaque jour, dont une grande partie est simplement rejetée dans la mer. Les dizaines de milliers de travailleurs, qui vont des ingénieurs spécialisés aux ouvriers non qualifiés, doivent faire face aux conditions les plus hostiles : contrats à court terme, absence d’assurance, durées de travail excessives, logement médiocre. Et Mahshahr s’est tristement illustré à deux reprises en 2019 : le 8 novembre en abattant un drone « étranger », huit jours plus tard par un massacre de manifestants qui protestaient contre une hausse du prix de l’essence.
Bouchehr, Iran, 2017
SUR LA PLAGE
Bandar Abbas, Iran, 2017
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ANCIEN BARRAGE
Guran, Qeshm, Iran, 2017
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ÉPAVE DU NAVIRE GREC Kish, Iran, 2017
Qeshm, sur le détroit d’Ormuz, est, avec ses 136 kilomètres de long, la plus grande île d’Iran, à peine à deux kilomètres du continent par endroits. Sa position stratégique a attiré la convoitise de presque tous les peuples et tribus de Perse depuis l’âge de pierre, que ce soit à des fins de conquête ou de visite, mais aussi des marchands, des aventuriers, des voyageurs de nombreuses nations maritimes européennes. On y trouve des traces des Élamites, des Achéménides, des Sassanides, des Omeyyades, des Abbassides, des Bouyides, des Dailamites. Les auteurs grecs et romains font mention de l’île. Les Britanniques, les Portugais et les Néerlandais se sont disputés sa possession. À l’ouest, dans la forêt d’Avicenne, à l’emplacement actuel de Guran, les Achéménides avaient construit un barrage pour approvisionner leurs colonies en eau tout au long de l’année. La nécessité d’un tel approvisionnement pendant les étés chauds n’est que trop évidente. Ce sont aujourd’hui les forêts de mangroves et l’eau cristalline qui attirent les visiteurs. Il est possible d’y observer des oiseaux rares à l’état sauvage, des pélicans et des flamants roses, des reptiles presque disparus ailleurs et des serpents. Des excursions en bateau sont également proposées vers les parcs à huîtres et les récifs coralliens, ainsi que des plongées qui permettent de voir des poissons irisés aux couleurs vives, des dauphins, des petites et grandes baleines à bosse qui aiment nager près de la côte, parfois même un petit requin inoffensif pendant la plongée. Depuis 1991, Qeshm est une zone de libreéchange jouissant d’une liberté économique et politique exceptionnellement grande, y compris le droit de production de pétrole et de gaz.
L’île de Kish se trouve à 20 kilomètres du continent, dans le golfe Persique. Pour les Iraniens, il s’agit d’une station balnéaire de luxe et d’une destination de vacances d’hiver aux eaux cristallines, aux larges plages de sable et aux récifs coralliens. La jet-set la connaît bien à titre de zone de libre-échange, de grand centre commercial. Vous pouvez y faire du shopping jusque tard dans la nuit — sans taxes ni de droits de douane. Les citoyens de l’UE sont autorisés à y venir sans visa via Dubaï. Reza Chah Pahlevi avait autrefois choisi Kish pour en faire sa destination de vacances. Toujours dans l’esprit de la dynastie Pahlevi, le Dariush Grand Hotel a vu le jour dans l’est de l’île sous l’impulsion de l’entrepreneur Hossein-Sabet, inspiré par l’architecture de Persépolis. Il s’agit d’un hôtel 5 étoiles de 185 chambres. La construction d’une station balnéaire avec un hôtel 7 étoiles, Flower of the East, qui devait concurrencer le Burj al Arab de Dubaï, a été abandonnée en 2007. De nombreux vacanciers aiment patauger dans la mer chaude, où, sur de grandes distances, l’eau ne dépasse pas un mètre de profondeur du côté de l’île faisant face au continent, aiment faire de la plongée ou prendre un bateau à fond de verre pour découvrir les récifs coralliens. Le « navire grec », épave du bateau à vapeur Khoula F, construit en 1943 à Port Glasgow sous le nom d’Empire Trumpet, échoué en 1966, attire également les visiteurs comme un aimant. Les qanats et citernes souterraines, qui forment une véritable ville-tunnel sous l’ancien village de Harireh, autrefois centre de transit de perles, attirent moins de touristes. Le fait que l’alcool soit strictement interdit à Kish, que les femmes ne puissent se baigner que dans des zones séparées et clôturées, et qu’il faille payer en espèces, est secondaire.
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MONUMENTS PERSANS, NAQSH-E ROSTAM Marvdacht, Iran, 2019
Il n’y a guère de voyage touristique à Shiraz et Persépolis qui ne propose pas de visite à Naqsh-e Rostam. Le secteur a trouvé la solution au problème des touristes qui veulent rapporter un souvenir pour évoquer leur voyage et faire plaisir à leur famille, leurs amis ou leurs collègues : le site regorge de centaines de magnets à coller sur le réfrigérateur. Peu coûteux, détaxés, passant facilement dans un bagage à main et pas tout à fait inutiles, ils sont achetés par dizaines et illustrent les merveilles de l’architecture et de l’art iraniens dans le monde entier, à travers les âges et les provinces.
COMMISSAIRE Ruud Priem, assisté par Lis Hausemer et Anouk Bernard
RÉALISATION GRAPHIQUE | A Designers’ Collective
LÉGENDES Friederike Naumann-Steckner TRADUCTIONS EN FRANÇAIS Peschel Communications REMERCIEMENTS Nous tenons à remercier tous les intervenants ayant contribué à la concrétisation de ce projet, avant tout M. Alfred Seiland.
Arg-e Bam, Bam, Iran, 2017 © Alfred Seiland