Montreux Jazz Chronicle - N°19

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MONTREUX JAZZ

N°19

CHRONICLE \ Le quotidien du Montreux Jazz Festival \ The Montreux Jazz Festival daily newspaper

N O I T I D E SPECIAL

FUNKY CLAUDE

VENDREDI 8 FÉVRIER 2013 GRANDE SOIRÉE EN HOMMAGE À CLAUDE NOBS ET À SA VILLE MONTREUX MUSIC & CONVENTION CENTER TONIGHT

AMY MACDONALD ANDREAS VOLLENWEIDER & FRIENDS BARBARA HENDRICKS BASTIAN BAKER DIETER MEIER «OUT OF CHAOS» FRANÇOIS LINDEMANN JEUNES TALENTS DE L’ECOLE DE JAZZ DE MONTREUX MARC SWAY MICHAEL VON DER HEIDE PAOLO NUTINI PASCAL AUBERSON PEPE LIENHARD AND HIS BIG BAND PHILIPP FANKHAUSER SOPHIE HUNGER STEPHAN EICHER STEVIE WOODS TIME MACHINE MOE SELECTOR

ZOOM

Les lettres de Claude Portfolio

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La première fois que j’ai rencontré Claude


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Montreux Jazz Chronicle

8 Février, 2013

Claude Nobs, 1967 IMPRESSUM Published by Fondation du Festival de Jazz de Montreux Creative Content, Brand & Development 2M2C / Grand-Rue 95 1820 Montreux Suisse

Translators Annouk Dietschi, James Tarpley, InPuzzle Multilingual Solution

PHOTOS Cover Claude Nobs © 1987 Edouard Curchod for GM Press

Artwork eikon EMF, Joackim Devaud

Impressum Claude Nobs © 1967 Claude Nobs’ Archives

Website www.montreuxjazz.com

Graphic Designer eikon EMF, Sara Hernandez

Edito Claude Nobs © 2007 FFJM - Lionel Flusin

Contact chronicle@mjf.ch

Layout Composer Aurélie Mathier

Founded by Claude Nobs CEO Mathieu Jaton

Printing Tamedia Pulications Romandes SA Printed in CIE Centre d’impression, Lausanne 80’000 copies Inserting «Le Matin»

Claude’s Letters Chaka Khan © 1986 Edouard Curchod for GM Press Claude Nobs’ Archives Claude Nobs and Keith Richards (1973), Bob Dylan (1994), David Bowie (1995)

Head of publishing Alexandre Edelmann

Advertising chronicle@mjf.ch

Project Coordinators Marine Dumas & Isabel Sánchez

THE CHRONICLE LOOKS BETTER IN A READER’S HAND THAN ON THE GROUND. Read the Montreux Jazz Chronicle on www.issuu.com/montreuxjazzchronicle

Portfolio Fire at the Casino © 1971 Alain Betex Claude Nobs & Chuck Berry © 1972 FFJM Philippe Dutoit Claude Nobs & Joan Baez © 1989 Edouard Curchod for GM Press Claude Nobs © 1990 Edouard Curchod for GM Press Claude Nobs & Herbie Hancock © 1994 Philippe Dutoit Claude Nobs © 2002 Sabine Papilloud

Claude Nobs & Ahmet Ertegun © 2004 Thierry Amsallem Claude Nobs & Wyclef Jean © 2009 FFJM Daniel Balmat Claude Nobs & Quincy Jones © 1990 Philippe Dutoit Claude Nobs’ Archives Claude Nobs (1943, 1960’s, 1976, 1981), Claude Nobs & David Bowie (1990), Claude Nobs and Keith Haring (1983), Claude Nobs in tutu (1991), Claude Nobs & Neil Young (2001) The first time I met Claude… Andreas Vollenweider © 2011 Andreas Vollenweider Archive - Photo by Danny Clifford Barbara Hendricks © Mattias Edwall Bastian Baker © Christoph Koestlin François Lindemann © 2010 Claude Dussex Paolo Nutini © 2011 FFJM - Lionel Flusin Philipp Fankhauser © 2012 FFJM - Daniel Balmat Droits Réservés Amy Macdonald, Dieter Meier - Out of chaos, Marc Sway, Michael von der Heide, Pascal Auberson, Pepe Lienhard, Stephan Eicher, Sophie Hunger

Merci à tous ceux qui ont rendu cette soirée possible. Thanks to all who participate to make this evening happened.


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EDITO

CHER CLAUDE, DEAR CLAUDE,

\ Tu nous as quitté ce jeudi 10 janvier, quelques jours après ton accident à Caux-sur-Montreux, dans ces montagnes que tu aimais tant, surplombant un lac que tu as si bien mis en valeur. Dans ton regard, il y a toujours eu cette étincelle lorsque tu surprenais les gens. Pour nous qui t’avons croisé, tu resteras celui qui a remis en question les certitudes. Pourquoi pas ? Ta question revenait sans cesse lorsque nous t’expliquions ce qui empêcherait un projet de se concrétiser. La réalité n’est jamais à la hauteur des rêves mais tu préférais les seconds. Le Festival en est la preuve la plus visible, mais pas la seule. En chacun de nous résonne cette audace, mélange d’envie et de partage, qui t’a permis de donner et de recevoir au-delà du raisonnable. Merci de nous avoir amené là où nous ne pensions pas pouvoir aller. Et comme il se doit, tu es parti par surprise pour nous rappeler que dans la vie comme dans la musique, chaque jam peut être la dernière. Tu voulais une sortie à l’image de ta vie, tu as réussi. Nous portons et porterons en nous tout ce que tu nous as appris. Merci Claude.

\ On January 10th, you left us ! Only a few days after your accident in Cauxsur-Montreux, in your beloved mountains, overlooking the lake that you were so fond of. You always had a sparkle in your eyes whenever you dealt with people. For all of us, who were fortunate enough to cross your path, you will always remain the one who questioned certainties. « And, why not ? » You would repeatedly ask the same question when we tried to explain why a project would not be feasible. Reality was never challenged only your wildest dreams. The Montreux Jazz Festival is the ultimate proof of that ! But not the only one ! Your audacity resonates in each one of us, a strong sense of generosity and sharing. Thank you for taking us where we never thought we could go. And in your typical spirit, you left by surprise as if to remind us once more, that in life as in music, each great performance could be the last one even if the show must go on. You hoped for an exit that reflected your life, you succeeded this as well. We carry, and will continue to carry on in your spirit everything you taught us.

Ton équipe, d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Thank you Claude. Texte publié le 10 janvier 2013 sur montreuxjazz.com

Your teams, of yesterday, today and of tomorrow. Text published on January 10th, 2013 on montreuxjazz.com


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PROGRAMME

8 FÉVRIER 2013

- le Montreusien -

! E T È L P M O C E É R I O S

AUDITORIUM STRAVINSKI

MILES DAVIS HALL

PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE / ALPHABETICAL ORDER

AFTER PARTY WITH

AMY MACDONALD ANDREAS VOLLENWEIDER & FRIENDS BARBARA HENDRICKS BASTIAN BAKER DIETER MEIER «OUT OF CHAOS» FRANÇOIS LINDEMANN JEUNES TALENTS DE L’ECOLE DE JAZZ DE MONTREUX MARC SWAY MICHAEL VON DER HEIDE PAOLO NUTINI PASCAL AUBERSON PEPE LIENHARD AND HIS BIG BAND PHILIPP FANKHAUSER SOPHIE HUNGER STEPHAN EICHER STEVIE WOODS

TIME MACHINE MOE SELECTOR


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Montreux Jazz Chronicle

TONIGHT

\ LA NAISSANCE D’UNE SOIRÉE \ THE BIRTH OF AN EVENT \ Dans la nuit du 10 au 11 janvier, quelques heures après le décès de Claude, nous nous sommes réunis. Pour être ensemble, comme il l’aimait tant. Nous avions besoin de nous réconforter, de pleurer mais aussi de se souvenir de la chance que nous avions eu de pouvoir faire un bout de chemin avec lui. Très vite, les sourires sont apparus, les anecdotes de chacun dressant en arrière-plan un portrait aussi unique que tendre.

\ The night of January 10th and into the morning of January 11th, a few hours after Claude’s death, we had a gathering. To be together, the way he liked it. We needed to console each other, to cry, but also to think back on our good fortune at having been able to share his life for a while. Soon smiles were appearing, and the anecdotes each person shared painted a tender portrait of the inimitable Claude.

Dans la nuit déjà, de nombreux témoignages nous sont parvenus, d’anonymes comme de célébrités. Nous savions que Claude était connu et aimé, mais l’ampleur et l’émotion des messages reçus nous ont montré à quel point il faisait partie de la vie de très nombreuses personnes. Et il a fallu penser immédiatement à la suite : comment respecter la volonté de Claude de dire au-revoir ?

Already that night many messages poured in, from the public and from celebrities. We knew that Claude was known and loved, but the volume and the emotion of the notes coming in showed us clearly the extent to which he was part of the lives of countless people. We had to start thinking about what came next: how to respect Claude’s wish to say his farewells ?

Par chance, il avait souvent exprimé sa vision sur son départ et sa volonté de faire la fête, la musique étant pour lui la meilleure manière de conjurer les mauvais tours de la vie. C’est ainsi que « Funky Claude – Le Montreusien » s’est imposé comme une évidence, première étape d’un dernier tour de piste. Où ailleurs qu’à Montreux pouvaiton imaginer cette soirée ? Lui qui a fait le tour du monde n’a jamais souhaité vivre ailleurs qu’ici, où les montagnes se baignent dans le lac.

Fortunately, he had often expressed the way he wanted to go and his desire to make it a party – music, for him, was the best way to move on from life’s difficult moments. For that reason, “Funky Claude – Le Montreusien” seemed the obvious first stage of his final curtain call. Where else but Montreux could this event possibly be held ? He traveled all over the globe, but never wished to live anywhere but here, where the mountains dip their toes in the lake.

Tous les musiciens à l’affiche sont là pour lui, pour témoigner de leur affection, pour partager avec le public ce qui a fait de Claude un être à part dans un monde qui s’arrête si peu: prendre le temps de vivre, de s’aimer et s’oublier un peu pour laisser la place à l’autre.

Merci à tous ceux qui ont permis d’organiser en si peu de temps cet au-revoir : musiciens, techniciens, staff, autorités, partenaires… et surtout LE PUBLIC, qui a toujours été au centre des préoccupations de Claude.

Et merci à Claude, de nous offrir encore un cadeau qui nous rappelle que l’esprit demeure.

All the musicians on the program are there for him, to show their love, and to share with the public what made Claude such an exception in this hectic world: taking the time to live, to love, and to forget oneself for a moment in order to really engage with others. We would like to thank all those who made it possible to organize this farewell so quickly: musicians, technicians, staff, authorities, partners…and above all, THE PUBLIC, who were always at the forefront of Claude’s mind. And thank you, Claude, for giving us yet another present that shows that the spirit remains. The Funky Claude’s team

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FOCUS

\ LES LETTRES DE CLAUDE \ CLAUDE’S LETTERS A

\ AC/DC ! J’ai organisé leur première tournée en Europe, je travaillais pour les disques Atlantic. Ils avaient fait une tournée en ouverture des Scorpions. On avait un camion qui tombait en ruine avec deux-trois amplis pour les guitares, et je n’oublierai jamais, on avait faim, ils n’avaient pas d’argent, on s’est arrêtés à un passage à niveau et on a demandé au fonctionnaire de la SNCF qui s’occupait du passage à niveau de nous faire à manger et je lui ai donné vingt ou trente francs français de l’époque… Eux qui sont multimillionnaires maintenant. C’était le début. Ça m’a toujours passionné, les découvertes, les débuts. Là, je vous raconte des histoires qui ne sont pas dans les livres, que personne ne connaît.

A

\ AC/DC ! I organized their first European tour – I was working for Atlantic Records at the time. They toured as the opening act for the Scorpions. We had a van that was falling apart and maybe two or three amps for their guitars… I’ll never forget, we were starving, they didn’t have any money…we stopped at a railroad crossing and we asked the guy in charge of the crossing to make us some food. I gave him twenty or thirty French francs. Those guys are multimillionaires nowadays, but that was at the very beginning. I have always loved that – discovering new talents, the beginnings. These stories I’m telling you are not in books – no one has ever heard them.

B

J’ai déjà le suivant, c’est Bob Dylan. Il est venu en 1994 (puis en 1998 et 2001), c’était une histoire abracadabrante, c’était au Casino. Il logeait au Palace, la voiture était au Palace, elle l’attend, pas de Bob Dylan. Je me dis: «Mais qu’est-ce qu’on va faire», le concert devait commencer.Tout d’un coup arrive dans le couloir du Casino un cycliste, avec le casque, les gants, la tenue de cycliste de course, avec un vélo de course: Bob Dylan.

B

That’s easy: Bob Dylan. He came in 1994 (then in 1998, and again in 2001), it was an unbelievable story. We were at the Casino. He was

staying at the Palace, the car was at the Palace, it was waiting for him, but no Bob Dylan. I was thinking, “What are we going to do?” The concert was supposed to be starting. Suddenly there appeared in the Casino hallway a bicyclist, in a helmet, gloves, and a bike-racing outfit, with a racing bike: Bob Dylan.

E

C’est Ella Fitzgerald... J’étais allé la chercher avec ma voiture, la Lagonda, elle était avec son manager, Norman Grantz, qui était connu comme étant pas trop gentil et sympathique, et cette Lagonda, que j’ai toujours d’ailleurs, sur l’autoroute qui n’allait que jusqu’à Lausanne, elle tombe en panne. Alors le manager dit: «Qu’est-ce que tu viens me chercher avec cette vieille cariole…» J’appelle le TCS, je vais vers une borne, il n’y avait pas les téléphones portables, le gars du TCS arrive et il me dit: «Voyez, monsieur Nobs, si vous pesez sur ce bouton, ça ouvre le deuxième réservoir d’essence…» Tu aurais dû voir la tête qu’il faisait. On arrive à l’hôtel. Et dans sa suite, Ella s’assied et allume la télévision, en 1969 il n’y avait que TF1 et «la Suisse», et rien d’autre. Et c’était en français ou en allemand, et au bout d’un moment je lui demande: «You understand French or German ?» Elle me répond: «No, where ever I am going in the world, I watch local TV.»

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Ella Fitzgerald - I went to pick her up in my car, the Lagonda…she was with her manager, Norman Grantz, who was known for not being too friendly…and that Lagonda – which I still have, by the way – on the highway, we were only going to Lausanne…it broke down. So her manager says “Why are you coming to get me in that old rattletrap?” I call roadside assistance, I had to find an emergency phone – there were no mobile phones – the mechanic arrives, and he says to me: “Look, Mr. Nobs, if you push this button, it opens the secondary fuel tank…” You should have seen the look on his face! We get to the hotel, and in her suite, Ella sits down and turns on the TV. In 1969 there were only two channels, one from France and one from Switzerland, nothing else. It was in French and in German, and after a few minutes, I ask her “You understand French or German?” and she answers “No, where ever I am going in the world, I watch local TV.”

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Dans I il y a Iggy Pop, il était très copain avec David Bowie et je les emmenais à Zermatt pour skier. David avait trouvé l’équilibre du premier coup, mais


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FOCUS

le pauvre Iggy Pop tombait dans tous les sens, ils n’avaient jamais fait de ski, ni Iggy ni David, mais comme Bowie avait fait du mime, du théâtre, de la danse, il avait une bonne balance, il a tout de suite compris, avec un instructeur, naturellement.

revenus, j’ai dû leur trouver à chacun une ferme, avec des vaches, et pour chaque famille une Range Rover. Ils voulaient tous leur machin à la montagne.

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“I” is for Iggy Pop. He was good friends with David Bowie and I took them to Zermatt to go skiing. David found his balance right off the bat, but poor Iggy Pop kept falling down. They had never skied before, neither Iggy nor David, but as David had done mime, theatre, and dance, he had good balance. He got it right away, with an instructor, naturally.

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Chaka Khan… Elle a eu une énorme carrière. Il y avait un concert spontané avec Miles Davis mémorable. Chaque fois qu’il venait je lui demandais si je pouvais inviter quelqu’un pour jouer avec lui. J’ai eu Sanborn, George Duke. Et puis, un jour, je vois Chaka Khan qui est derrière la scène, Miles jouait, elle monte sur scène, avec les paroles de « Human Nature », le grand titre de Miles Davis, elle prend un micro et elle commence à chanter, et Miles s’est dit: « Mais qu’est-ce qu’elle fiche dans mon show ? » Elle n’a rien dit, rien demandé… A la fin, tout s’était bien passé. Je vais chez Miles et lui demande: «Qu’est-ce que ça t’a fait de voir Chaka Khan monter sur scène, en plein show ?» Il m’a dit: « Tu sais, j’ai changé six fois les accords, et chaque fois elle s’est rattrapée. » Il voulait la prendre au piège, la shooter hors scène, mais elle a une oreille, c’est juste fabuleux…

K

Chaka Khan…She had an amazing career. There was a memorable spontaneous concert with Miles Davis. Every time he came I would ask him if I could invite someone to perform with him  –  I had gotten Sanborn, George Duke…and then one day I saw Chaka Khan in the backstage, Miles was playing, and she went on the stage, with the lyrics for “Human Nature,” a major Miles Davis hit, and she picked up the mic and started singing. Miles was wondering: “What in the world is she doing

in my show?” She hadn’t said a word, hadn’t asked or anything… It worked out fine in the end. I went up to Miles and asked him: “What did you think when you saw Chaka Khan take the stage in the middle of your show?” He told me: “You know, I changed up the chords six times, and each time she adjusted.” He had wanted to trap her, boot her off the stage, but she has an amazing ear…

L

Led Zeppelin ! Ils sont quatre, je les ai vus à leur premier concert en Amérique qu’ils ont fait au Festival de Newport. C’était l’année de Woodstock. On a bu un verre et j’ai dit au manager: « J’aimerais bien les avoir à Montreux.» Le manager me dit : « Vous pouvez venir me voir à Londres. » Je vais le voir, j’avais acheté une bouteille de Black Label, et il me dit: « c’est vraiment la première fois que quelqu’un m’apporte quelque chose avant de me demander quelque chose. » On discute, je lui parle de Montreux, la salle de 1000 places, etc. Il me dit: «Oui, mais j’ai une offre du Hallenstadion de Zurich, 12 000 places.» On n’a même pas parlé business, et il me dit: « Claude, make shure that the guys are happy. » Pas de contrat, pas de mention d’argent. Et pourtant, ce manager était considéré comme le pire du monde. Ils sont venus et

Led Zeppelin! There are four of them, I saw them at their first concert in America, it was at the Newport Festival. It was the year of Woodstock. We had a drink together and I said to their manager: “I would really like to bring them to Montreux.” The manager told me: “You can come see me in London.” I went to see him, and I had purchased a bottle of Black Label. He said to me: “That’s the first time someone has brought me something before asking me for something.” We chatted, I told him about Montreux, about our 1000-seat venue, etc. He said: “Yeah, but I have an offer from the Hallenstadion in Zurich, they have 12,000 seats.” We didn’t even talk business, he just said: “Claude, make sure that the guys are happy.” No contract, no mention of money. And that manager had a reputation for being one of the worst out there. They came, and they came back. I had to find a farm, with cows, for each of them, and a Range Rover for each family. They all wanted their thing in the mountains.

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Les Rolling Stones. En 1964, on avait fait une coproduction avec la télévision anglaise et la Suisse romande. J’avais proposé les Rolling Stones, ils étaient d’accord. D’abord, à Genève, ils avaient proposé Adamo et Petula Clark… Et pour les Rolling Stones, c’était la première fois qu’ils prenaient l’avion de leur vie ! Je suis allé les chercher avec ma vieille Lagonda, j’ai mis deux devant, quatre derrière, il y avait une banquette devant. Ils avaient à peine vingt ans mais ils avaient déjà fait «Satisfaction» et deux trois autres grands tubes. Mais les gens ne les connaissaient pas, ils ont juste applaudi parce qu’ils étaient invités, par politesse.

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The Rolling Stones. In 1964 we did a coproduction with the English and Swiss television channels. I suggested the Rolling Stones and they agreed. First, in Geneva, they had sug-


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FOCUS

Keith Richards, 1973

gested Adamo and Petula Clark…So for the Rolling Stones, it was the first time in their lives that they took an airplane! I went to pick them up in my old Lagonda, I put two in front, four in back – there was a bench seat in front. They were barely twenty years old but they had already done “Satisfaction” and two or three other big hits. But the audience didn’t know who they were, they just applauded because they had been invited, out of politeness.

M

Freddie Mercury… Il n’a jamais joué. Mais je le voyais très souvent… Parce qu’il a habité ici. Un jour, lui et les membres de Queen étaient chez moi pour manger, je faisais un barbecue, on était installés dehors, et il y avait Bowie qui nous rejoignait et, à minuit, je leur dis: « Vous avez le studio juste là, pourquoi n’allez vous pas au studio ? » Queen et David Bowie disent : « Pour quoi faire ? » Je dis: « Je ne sais pas, faites quelque chose, ensemble. » Alors ils sont partis et sont revenus deux heures après. Ils ont dit: « Eh bien voilà, on a fait un morceau, « Under Pressure », qui est devenu un gigantesque hit mondial. En deux heures. Queen with David Bowie.Vous connaissez la mélodie, elle est hyperconnue…

left and they came back two hours later. They said “Well, there you go, we did a song, ‘Under Pressure.’ It became a gigantic worldwide hit. In two hours. Queen with David Bowie. You know the tune, everybody knows that tune…

êtes fous, vous devez mettre ça sur l’album. » Ils disent: « Si tu penses, on va le mettre sur l’album.»

W

And “Z” is for Frank Zappa. On December 5th, 1971, everyone knows the story, “Smoke on the Water,” the fire at the Casino, during Zappa’s concert, Deep Purple was there to do a recording, they were in the bistro next door and they saw the flames. I managed to find them a replacement studio, they recorded the album “Machine Head,” and they came to my place to eat every evening. One night they brought me a cassette and they said “Here, this is not on the album, we did this for you, it’s a present.” I listened to it and then I told them: “You’re crazy ! You have to put this on the album.” They said: “If you think so, we’ll put it on the album.”

Il y a Stevie Wonder. Il n’est jamais venu à Montreux, mais je l’ai fait venir à Tokyo au Montreux Jazz Festival Tokyo. Là, il a touché un million de dollars, et en montant sur scène il me demandait « Pourquoi je ne fais pas Montreux ». Et je ne pouvais pas lui dire que je n’avais pas les moyens de le payer, j’ai dit: « Ecoute, j’ai essayé, mais ça ne marchait pas avec les dates, etc. »

W

“W” is for Stevie Wonder. He never came to Montreux, but I brought him to Tokyo for the Montreux Jazz Festival Tokyo. There, he earned a million dollars, and as he took the stage he asked me “Why don’t I do Montreux?” I couldn’t tell him that I didn’t have the budget to pay him…I said: “You know, I tried, but it just didn’t work out with the dates, etc.”

M Z

Freddie Mercury… He never played here, but I saw him all the time…because he lived here. One day he and the members of Queen were at my place for a meal, I was grilling, and we were all seated outside. Bowie joined us, and at midnight I said: “You’ve got the studio right there, why don’t you go into the studio?” Queen and David Bowie said “What for?” and I said “I don’t know, do something together.” So they

Et Z comme Frank Zappa. Et le 5 décembre 1971, l’histoire est connue, «Smoke on the Water», l’incendie du Casino, pendant le concert de Zappa, Deep Purple était là pour enregistrer. Ils étaient dans le bistrot à côté et ont vu les flammes. Je me suis débrouillé pour leur trouver un studio de remplacement, ils ont enregistré l’album «Machine Head» et ils venaient manger chez moi, tous les soirs. Un soir ils m’amènent une cassette, ils disent: «Tiens, ça c’est pas sur l’album, on a fait ça pour toi, cadeau.» J’écoute et je leur dis: « Mais vous

Z

Textes extraits du livre «Le Petit Prince du Jazz, Claude Nobs et ses musiciens». Interview de Claude Nobs par Peter Rothenbuhler. Réalisé par Le Matin, 2011 From the book «Le Petit Prince du Jazz, Claude Nobs et ses musiciens». Claude Nobs, interviewed by Peter Rothenbuhler. Le Matin, 2011


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David Bowie, 1995

MONTREUX JAZZ CHRONICLE en collaboration avec

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Herbie Hancock

Quincy Jones

Wyclef Je an

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Joan Baez gun

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HIGHLIGHTS

\ LA PREMIÈRE FOIS QUE J’AI RENCONTRÉ CLAUDE... \ THE FIRST TIME I MET CLAUDE... AMY MACDONALD

BASTIAN BAKER

FRANÇOIS LINDEMANN

\ La première fois que j’ai rencontré Claude, c’était lors des Swiss Music Awards 2009.

\ J’ai rencontré Claude en avril 2001 alors que je jouais dans une toute petite boîte de Zermatt, moi et ma guitare... Je ne savais pas qu’il était là... À l’issue de ma « représentation », il m’a rejoint sur scène et nous avons fait une jam session ensemble, avec lui et son harmonica : c’était super ! Après quoi il a pris le micro et a dit au public : « Je ne sais pas qui est ce jeune homme, mais il va venir jouer au Montreux Jazz Festival cet été !!! » Je n’en croyais pas mes oreilles !

\ J’ai rencontré Claude pour la première fois en 1975, dans les coulisses de la scène principale du Montreux Jazz Festival. C’était quelques minutes avant qu’il ne présente mon groupe, CM4, qui jouait ce soir du 5 juillet 1975.

C’était la première fois que je recevais un prix et Claude était là pour me le remettre. Il m’a dit qu’il était venu aux Awards rien que pour me voir, qu’il était un fan inconditionnel et qu’il aimerait vraiment que je joue un jour à Montreux. Je suis tellement contente d’avoir joué à Montreux l’an dernier et je me sens très chanceuse d’avoir rencontré Claude.

\ The first night I met Claude was at the Swiss Music awards in 2009. It was the first time I’d been given any sort of award and Claude was the man to present me with it. He told me the only reason that he had came to awards was to see me and that he was a massive fan and would really want me to play Montreux one day. I’m so grateful that I was able to play Montreux last year and feel very privileged to have met Claude.

Après le spectacle, nous sommes allés dans une boîte et nous avons passé une excellente soirée. Je me souviens que Claude avait pris une bouteille de champagne et se l’était versée sur la tête. Il était fou. Dès le début j’ai pensé, « cet homme est génial ». \ I met Claude in april 2011. I was performing in a very small club in Zermatt, just me and my guitar... I wasn’t aware that he was in the place... At the end of my «show» he joined me on stage and we did a jam session together, he and his harmonica, that was great ! After this, he took the microphone and told the audience :» I don’t know who this young man is, but he’s going to perform this summer at Montreux Jazz Festival !» I couldn’t believe my ears! We went into a club after the show, it was a great party, I remember Claude taking a bottle of champagne and throwing the liquid on his head. He was crazy. From the beginning I thought «this man is great»

J’étais assez impressionné par la situation puisque je jouais à Montreux pour la première fois, c’était la scène principale et le concert devait être enregistré pour un album. Je n’avais que 25 ans à l’époque et j’étais évidemment assez tendu avant d’entrer sur scène. Claude l’a remarqué. Il est venu me voir, a posé sa main sur mon épaule, m’a fait un petit sourire et m’a simplement dit : « Joue ! Ça va bien se passer. » \ The first time I met Claude was in 1975, backstage of the Montreux Jazz Festival main hall. It was some minutes before he introduced my band CM4 who played that night of 5 July 1975. The situation was impressive for me because it was the first time I played in Montreux, it was the main hall and the concert was supposed to be recorded for an album. I was only 25 at that time and of course, quite nervous before entering on stage. Claude noticed this and he came to me, his hand on my shoulders, and with a gentle smile, he simply said: « play ! It will be all right. »


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HIGHLIGHTS

PHILIPP FANKHAUSER

STEPHAN EICHER

MICHAËL VON DER HEIDE

\ Je n’avais que dix-sept ans, en 1981, quand j’ai entendu parler d’un festival de jazz quelque part sur les rives du lac de Genève. Il paraît que Chuck Berry a demandé de doubler son cachet la veille de son concert et que le fondateur du festival, un certain Claude Nobs, l’a remplacé par Albert Collins sans autre débat. Le spectacle, notamment le bœuf de Claude et Albert à l’harmonica, a été une vraie révélation ! C’est là-bas, à Montreux, que je me suis formé au blues pendant les 30 années suivantes, avec toi, Claude, comme professeur. Je ne l’oublierai jamais, merci mon cher ami ! Gros bisous.

\ Comme pour les nombreuses rencontres qui suivirent, la première eut lieu dans une cuisine. Claude se tenait derrière une poêle brûlante et vérifiait l’assaisonnement du fois-gras (mon premier) agrémenté d’un château Margaux….J’étais novice mais mon manager de l’époque, de bonne famille et habitué mondain, lâcha entre ses dents tachées de nicotine: « Mais c’est de la folie Claude ». Lorsque les plaques eurent été nettoyées, Monsieur Nobs me fit découvrir les premières ébauches de l’affiche de l’édition à venir créée par Andy Warhol et Keith Haring. « Ça c’est la classe ». Au moment de se dire au revoir, dans un suisse allemand parfait, il m’expliqua qu’il serait heureux que je joue lors de l’édition à venir. « Mais c’est la folie, la classe ! Merci Monsieur Claude »

\ A la fin des années 90, j’ai eu l’honneur et le plaisir d’apprendre à connaître Claude. Lors d’un gala auquel j’avais été invité à chanter, il me proposa de le rejoindre à sa table. J’étais un peu intimidé. Je m’asseyais enfin à côté du dieu du Festival de Jazz de Montreux. Il m’offrit un cigare. Avec désinvolture je répondis « Je suis bien trop jeune pour ça ». Il ne s’en offusqua pas, au contraire. A chacune de nos rencontres, il restait l’homme généreux, sérieux, naturel et plein d’humour qu’il avait été lors de ce premier échange.

\ I was just seventeen years old in 1981 when I heard about a Jazz Festival somewhere on the shores of lake Geneva. Supposedly Chuck Berry asked for double money the night before his concert, and the promoter, a certain Claude Nobs, replaced him with Albert Collins without further discussions. The show, including Claude’s bluesharp jam with Albert, was a revelation! For the following thirty years I got my education in the Blues right there in Montreux, and you Claude were my teacher. I shall never forget, merci mon cher ami! Gros bisous.

\ Like for the numerous encounters that would follow, my first meeting with Claude took place in a kitchen. He was holding a smoking pan, checking the seasoning of some foie gras (my first) to be served with a Chateau Margaux…I was a novice, but my manager at the time, from a good family and a habitué of the high life, said through nicotine-stained teeth: “You’ve got to be kidding, Claude!” When the stove had been cleaned, Mister Nobs showed me the first sketches of the upcoming Festival’s poster, created by Andy Warhol and Keith Haring. “That rocks!” As we were saying our farewells, he explained to me in perfect Swiss German that he would like me to play in the upcoming Festival. “You’ve got to be kidding! That rocks! Thanks Mister Claude!”

Il y a quelques mois nous nous sommes par hasard vus à Berlin. Il tenait un sachet de chocolat qu’il me tendit en ironisant : « Pour cela tu n’es certainement pas trop jeune. » \ At the end of the 1990s I had the honor and the pleasure of getting to know Claude. At a gala where I had been invited to sing, he invited me to sit at his table. I was a bit intimidated. I was sitting next to the god of the Montreux Jazz Festival. He offered me a cigar. I answered casually: “I’m too young for that.” He wasn’t at all offended. Each time we saw each other, he was the same generous, serious, natural man with a wonderful sense of humor that he had been at that first meeting. A few months ago we ran into each other by chance in Berlin. He had some chocolate which he handed to me, quipping: “For that, I am sure you are not too young.”


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Montreux Jazz Chronicle

8 Février, 2013

HIGHLIGHTS

DIETER MEIER \ Lors d’un concert il y a quelques mois, j’ai revu Claude et il avait comme à son habitude un sac qu’il trimballait. Ce qui me poussa à lui faire la même remarque ironique que je lui ai faite au fil de nos rencontres: «Claude, es-tu en tournée promotionnelle? «»Bien sûr, Dieter, je le suis toujours, il le faut!» Et il fouilla dans son sac de papier pour me tendre une petite pile de programmes de l’édition 2012 du Festival. Bien sûr, Montreux n’est pas un festival ordinaire c’est un événement musical empli de découvertes unique, qui rayonne à l’échelle mondiale. Claude n’était pas snob et ceci malgré le succès, il ne l’aurait d’ailleurs jamais été. Avec Montreux, il a su réunir tous les styles musicaux, du jazz à la pop jusqu’à la musique électronique. Pour lui il n’y avait pas de conception universelle, la barrière entre le D de divertissement et le S de savant, associée par certains à une musique dite sérieuse, était absurde et lui était complétement étrangère. Dès le départ, Claude fut inspiré et enthousiasmé par l’originalité et l’authenticité, dans la musique certes mais aussi dans sa vie. Au quotidien, Claude était Claude sans artifice. Mais la vie est faite de moments où il faut savoir tout mettre en œuvre et sortir les grands moyens avec l’agitation que cela suscite. Ceci afin de réunir les gens du monde entier autour d’une seule chose: la musique. Et c’est ce qu’il a fait.

\ At a concert a few months ago I ran into Claude, and as usual he was carrying a little bag. This led me to once again repeat the same ironic comment that I had made to him over the course of other meetings: “Claude, are you on a promotional tour?” “Of course, Dieter, I always am, I have to be!” He then dug into his paper bag and handed me a little stack of programs for the 2012 edition of the Festival. Of course, Montreux is not an ordinary festival; it’s a unique musical event full of discoveries, famous all over the world. Claude was not a snob despite this success. In fact, he never would have been a snob. With Montreux, he managed to bring together all styles of music, from jazz to pop and even electronic music. For him there was no call for universal design: the barrier that some have tried to erect between popular music and cerebral (or “serious”) music seemed absurd to him and so he discounted it entirely. From the beginning, Claude found inspiration and enthusiasm in originality and authenticity, not just in music but also in his life. In his everyday life, Claude was truly and simply Claude. But life is made up of moments when you have to know how to do everything possible and whatever it takes even if that shakes things up. All of this to bring the people of the world together around one thing: music. And that’s what he did.

PASCAL AUBERSON \ Dans les coulisses de la sainte scène d’Igor Stravinski Après un Big Bang mémorable Avec le Bovard comme capitaine Le trombone encore tiède Mouillé par la rude naissance Claude me pris dans ses bras C’est qu’il avait l’air heureux le bougre L’explosion machiavélique des trente deux cuivres Le lyrisme au taquet des rouages célestes Le bonheur d’un public aux anges L’avaient mis dans tous ses états Nous étions ivres de bonheur Simplement comme des enfants La musique nous avait transporté ailleurs Dans un monde de silence indicible Et j’ai cru voir à ce moment précis Dans son doux sourire en coin La fierté d’avoir été à l’origine De ce grand chaos organisé


February 8th, 2013

Montreux Jazz Chronicle

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HIGHLIGHTS

\ Backstage at the holy Igor Stravinski After a memorable Big Bang With Bovard as captain The trombone still warm Wet from its rude birth Claude took me in his arms The dude looked really happy The Machiavellian explosion of thirty-two brasses Lyricism to the beat of the heavenly clockwork The happiness of a beatific audience Had put him in a tizzy We were drunk with happiness In the simple way of children The music had taken us away To a world of inexpressible silence And at that very moment I thought I saw In his sweet lopsided grin The pride of having been the origin Of this great organized chaos

BARBARA HENDRICKS \ Un de mes rêves de jeunesse était d’un jour assister à un concert au Montreux Jazz Festival. Je l’ai réalisé il y a presque 30 ans lorsque je suis devenue Montreusienne et que j’ai rencontré Claude Nobs. Mes enfants Sebastian et Jennie n’ont jamais su résister à une promenade le dimanche chez Claude. C’était l’art de recevoir qui nous a tous attirés vers «funky» Claude. Il partageait généreusement sa passion pour le Jazz et les musiciens; il aimait raconter ses expériences autour d’un bon repas chez lui. Sa maison comme son coeur étaient toujours ouverts et cette générosité a touché tellement de monde. Son amour et respect pour la musique de mes racines: une musique née dans la souffrance de l’esclavage et l’injustice, m’ont touchée et inspirée. Lorsqu’il m’a proposé de me produire sur la scène du Festival en 1994, nous n’avions aucune idée que l’expérience allait ouvrir une nouvelle porte dans mon répertoire et me faire retourner vers la musique de mes racines. Merci Funky Claude et bon voyage.

\ One of my childhood dreams was to some day go to a concert at the Montreux Jazz Festival. This dream came true almost 30 years ago when I became a Montreux resident and met Claude Nobs. My children, Sebastian and Jennie, were never able to resist a Sunday walk to Claude’s place. His art of hospitality drew us all to “funky” Claude. He generously shared his passion for Jazz and jazz musicians—he loved to tell stories about his experiences over a good meal at his home. His house, like his heart, was always open, and that generosity touched so many people. His love and respect for the music of my roots, a music born in the suffering of slavery and injustice, touched and inspired me. When he invited me to perform on the Festival stage in 1994, we had no idea that this would enlarge my repertoire and bring me back to the music of my roots. Thank you, Funky Claude, and bon voyage.


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HIGHLIGHTS

ANDREAS VOLLENWEIDER \ La passion et la motivation de Claude tenaient en deux mots : la musique et les gens ! C’est comme si toute son identité et sa personnalité s’étaient forgées et formées grâce à ces deux éléments. C’est pour cela que quand on le rencontrait pour la première fois, on avait l’impression de le connaître depuis très longtemps. Claude avait cette capacité de voir très rapidement si la musique était ce qui vous animait. Si tel était le cas, il vous considérait comme un frère d’armes et vous permettait de profiter de sa générosité et de sa loyauté sans limite. Il a toujours eu conscience de l’énorme privilège dont il bénéficiait d’occuper un rôle si important. La société actuelle ne fonctionne plus autant autour d’icônes, de jeunes loups et d’hommes de réseaux comme Claude. Reste à voir comment ce changement va influencer la culture musicale internationale. Mais déjà nous pouvons imaginer à quel point il va tous nous manquer ! C’est vrai qu’il va cruellement nous manquer. \ Claude’s passion and motivation were music and people! It seemed as if his whole identity and personality were moulded and shaped by these two elements. That is why meeting him for the first time you felt you had known each other for a long, long time. Claude had a way of spotting really quickly if music was what was driving you. And if it were, he made you feel like a brother in arms and allowed you to participate in his limitless generosity and loyalty. He always knew how highly privileged he was to be the powerful enabler he undoubtedly was. Today’s society no longer works as much with icons, high flyers and charismatic networkers like Claude and it remains to be seen how this is going to effect the global music culture. Nevertheless, we can only begin to imagine how much all of us will miss him! He will, indeed, be sadly missed.

PEPE LIENHARD \ Ma première rencontre avec Claude remonte aux années 70, lors du « Newport Jazz Festival » à New York. Nous nous sommes rencontrés par hasard dans un bar et nous avons décidé d’assister à quelques concerts ensemble. Nous avons passé un merveilleux moment et nous sommes restés en contact depuis. Claude disait toujours : « Il faut vraiment qu’on fasse quelque chose de spécial ensemble ». L’occasion s’est présentée bien plus tard, quand Claude m’a appelé en 2007 : « Pepe, mon meilleur ami Quincy Jones va fêter ses 75 ans l’an prochain, et j’aimerais lui organiser un concert exceptionnel. Je sais que tu adores Quincy Jones et sa musique. Est-ce que tu aimerais travailler avec moi sur ce projet ? » Je serai éternellement reconnaissant à Claude de m’avoir offert cette chance. Mon rêve est devenu réalité : j’ai pu travailler sur scène avec mes idoles comme Al Jarreau, Herbie Hancock, Chaka Khan, Patty Austin, Toots Thielemans, Greg Phillinganes et bien d’autres. Claude était un homme exceptionnel et généreux, qui aimait la musique et les musiciens ! \ For the first time I met Claude in the 70ties in New York at the «New Port Jazz Festival». We met by chance in a bar and decided to watch some concerts together. We had an incredible time and stayed in touch ever since. Claude always said: «One day we gonna do something special together». That great opportunity came much later, when Claude called me in 2007. «Pepe, my dearest friend Quincy Jones will be 75 next year and I would like to put together a very special concert for him. I know you are a big fan of Quincy and his music. Would you like to collaborate with me for that project ?» I will for ever be grateful to Claude for giving me this chance. It was a dream come true to work on stage with all my heroes like Al Jarreau, Herbie Hancock,Chaka Khan, Patty Austin, Toots Thielemans, Greg Phillinganes and many more. Claude was a wonderful, generous man who loved the music and the musicians!

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HIGHLIGHTS

PAOLO NUTINI \ J’ai fait la connaissance de Claude et de sa vie riche et haute en couleurs pendant l’été 2006. Claude, un homme de 70 ans… Moi, un jeune de 19 ans mal coiffé. J’ai tout de suite été sidéré par son énergie, sa persévérance et sa générosité. J’avais enregistré mon premier disque et Claude et Ahmet Ertegun, décédé depuis, m’avaient invité à jouer. L’affiche était stupéfiante, comptant nombre de mes héros et sources d’inspiration... Robert Plant, Ben E King, Les McCann pour n’en citer que quelques-uns. La gentillesse et le respect qui nous avaient été témoignés, à moi et ma famille, parmi ces légendes, m’avaient bouleversé. Je me souviens qu’en quittant la Suisse après cette expérience sur scène et au « Picotin », je pensais : « Si le paradis existe, eh bien j’y étais ». Après cet été-là, j’ai eu la chance de jouer trois autres fois au festival. Nous nous y sommes bien amusés, nous avons beaucoup ri et « Funky Claude » nous a même rejoints sur scène avec son harmonica pour un numéro qui portait bien son nom : le « Funky Cigarette ». En bref, Claude était un homme extraordinaire, un vrai musicien doté d’une grande vision et d’un cœur encore plus grand. C’était un honneur de pouvoir l’appeler « mon ami » et il va me manquer terriblement.Voilà pour toi, Claude. Reste funky.

MARC SWAY \ La première fois que j’ai rencontré Claude, j’ai vu un homme dont les yeux brillaient quand la musique retentit. Comme un petit enfant.

\ The first time I met Claude, I saw a man, whose eyes lit up when music sounded. Like a little child.

\ I first met Claude in the summer of 2006, well into his rich and colourful life. Claude, a 70 year old man...Me, a 19 year old kid with a bad haircut. Immediately, I was blown away by his energy, his persistence and generosity. I had made my first record and was invited to play in Montreux by himself and the late Ahmet Ertegun. The bill was astounding, laden with heroes and inspirations of mine...Robert Plant, Ben E King, Les McCann to name a few. The kindness and respect shown to me and my family amongst these legends overwhelmed me. I remember leaving Switzerland after my experiences on stage and at ‘le Picotin’, thinking... if there’s a heaven - I’ve just been. Since that summer I have been lucky to play the festival on three more occasions and we had a lot of fun, shared a lot of laughs and even a stage when ‘Funky Claude’ and his moothy joined us for the aptly named number, ‘Funky Cigarette’. In short, Claude was an amazing man, a real music man with a big vision and a bigger heart. It was an honour to have called him my friend and I will miss him dearly. Here’s to you Claude. Stay funky

SOPHIE HUNGER \ J’ai rencontré et en fait parlé pour la première fois à Claude lors de notre concert à Cannes, en France. Non seulement il avait fait tout ce chemin en direction du Sud pour venir nous soutenir, mais il avait également invité son ami André Ménard, directeur du Festival International de Jazz de Montréal, parce que lui aussi voulait nous voir. Quand Claude vous soutenait, il le faisait totalement. Ils ont été les premiers à prendre leur place et sont restés jusqu’à la fin du concert. Après le concert, il nous a invités dans sa suite juste au-dessus de l’entrée principale de l’hôtel Carlton. Nous avons bu du champagne sur son balcon et il m’a demandé ce que j’aimerais faire à Montreux cette année. J’ai été surprise d’entendre qu’il m’invitait une fois de plus (ce serait mon troisième concert en 4 ans), et je lui ai répondu: «Et bien je serais ravie d’entrer sur scène directement depuis Paris sur le dos d’un éléphant!» Claude m’a regardé, rayonnant d’enthousiasme, et s’est écrié: «Sophie, c’est une idée géniale, nous devons le faire!». C’était Claude Nobs. \ When I first met and actually spoke to Claude was when he came to see our show at Cannes, France. Not only did he make the effort to come all the way to the South of France to support us but he also invited his good friend André Menard, head of the Montréal Jazz Festival, because he wanted him to see us. Claude either supported you or he didn’t, but when he did he was serious. They were the first people to take their seats and they’d stay till the very end of the show.After the show he invited us to his suite right above the main entrance of the Carlton hotel. We drank Champagne on his balcony and he asked me what I’d like to do in Montreux that year. I was surprised to hear that he’d invite me yet again (it would be my third show in 4 years) and said well, I’d love to enter the stage coming directly from Paris on the back of an elephant! Claude looked at me beaming with enthusiasm and said: «Sophie, that’s a brilliant idea, we have to do it!» That was Claude Nobs.


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NEXT

\ IL Y AURA… \ THERE WILL BE… \ Claude incarnait le Montreux Jazz Festival plus que n’importe qui. Mais sa plus grande fierté était que la notoriété de son Festival avait dépassé tout ce qu’il aurait pu imaginer et qu’il avait réussi à transmettre sa vision et sa passion à ses amis, son équipe et surtout, à un public fidèle. L’information n’a de valeur que si elle est partagée. Il n’y a pas de propriété des idées. Claude nous a donné toutes les clés possibles pour comprendre un univers qu’il a habité pendant 50 ans. Il nous a prouvé que l’on pouvait rester soi-même, et plutôt dix fois qu’une. L’authenticité est le meilleur chemin pour durer sans se renier.

l’impossible, l’envie d’aller voir plus loin, le partage d’une passion pour la musique qui efface tous les obstacles : c’est là que se trouve le véritable héritage de Claude Nobs. Il n’y a pas de rappel sans public. Merci à vous.

\ Claude incarnated the Montreux Jazz Festival more than anyone else. But he was proudest of the way the Festival’s fame had gone beyond anything he could have imagined, and that he had succeeded in transmitting his vision and his passion to his friends, his team, and, above all, to a faithful public.

La photographie de Claude, qui illustre l’affiche de cette soirée du 8 février, le montre face à son miroir. Jusqu’au bout, il s’y est regardé avec une satisfaction toute relative, toujours pondérée par l’envie de faire mieux, d’innover, de créer. C’est cet esprit qui continuera à nous habiter : celui qui nous rend fiers de ce que nous faisons et qui nous pousse à nous remettre perpétuellement en question.

Information only has value if it is shared. There is no ownership of ideas. Claude gave us everything possible to help us understand a universe he lived in for 50 years. He proved to us time and time again that you can remain yourself. Authenticity is the best way to stay the course without losing yourself along the way.

Au delà de l’événement de ce soir, il y aura encore bien sûr des moments dédiés à Claude, au Festival, à Londres ou à New York, pour permettre à chacun de lui rendre hommage à sa manière. Mais l’essentiel pour lui n’aurait pas été là. Le refus de

The photograph of Claude on the poster for the February 8th event shows him looking in the mirror. To the very end he gazed upon himself with a satisfaction always tempered by the desire to do better, to innovate, and to create.

Auditorium Stravinski, 2012

That’s the spirit that will continue to inspire us: it makes us proud of what we do and pushes us to continually challenge ourselves. Beyond the event this evening, there will of course be moments dedicated to Claude at the Festival, in London, and in New York – everyone will be able to honor him in their own manner. But that wouldn’t have been the main thing for Claude. The refusal to accept impossibility, the desire to see what’s around the next bend, and sharing a passion for music that overcomes all obstacles: this is the true heritage of Claude Nobs. There is no curtain call without an audience. We thank you.

Mathieu Jaton CEO Montreux Jazz Festival


February 8th, 2013

Montreux Jazz Chronicle

MERCI POUR TOUT CLAUDE.

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L’homme que tu es devenu a été fidèle aux rêves de l’enfant que tu étais. The man you became was true to the dreams of your childhood.


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