№3
Dimanche, 03 juillet 2016 Sunday, 03 July 2016
Montreux Jazz Chronicle Le quotidien du Montreux Jazz Festival, 5e édition
The Montreux Jazz Festival daily newspaper, 5th edition
Muse, Auditorium Stravinski, 02.07
TONIGHT
HERBIE HANCOCK
F Artiste le plus invité du Festival dont il est devenu un formidable ambassadeur, Herbie Hancock est l’un des pianistes les plus influents de l’histoire du jazz et, à septantesix ans, une des légendes musicales les plus actives! Il fut le premier à fusionner le jazz avec le rock, le funk, la soul, le R&B et même le hip-hop. Récompensé par quatorze Grammy Awards et reconnu pour ses talents d’improvisation et son approche harmonique unique, Herbie Hancock sera présent à ce 50ème le temps d’une soirée où il retrouvera plusieurs de ses complices.
HERBIE HANCOCK
E Herbie Hancock is the artist who
has been invited to the Festival the most. He has become its true ambassador. He is one of the most influential pianists in the history of jazz, and at 76 he remains the most active of all music legends! He is the first to fuse jazz with rock, funk, soul, R&B, and even hip hop. Holder of 14 Grammy Awards and recognised for his immense talents in improvisation, and his unique harmonic approach, Herbie Hancock will be at the 50th Festival for an amazing evening with some special musical friends.
EPIC
8 Interview: Randy Weston
9 Last Night: Muse
10 50 Summers of Music: John McLaughlin
HERBIE HANCOCK, Auditorium Stravinski, 20:00
75 ANS DE LIBERTÉ. MAIS L’AVENTURE NE FAIT QUE COMMENCER.
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F Aucun de mes amis n’était venu. Depuis le premier jour du Festival, nous faisions tous les concerts ensemble mais ce soir-là, personne n’avait voulu venir au Stravinski écouter deux vieux brésiliens assis sur une chaise avec leur guitare en bois. Mais Caetano et Gilberto, ensemble, ça ne se rate pas. Même si l’on déteste aller seul à un concert. Ils sont arrivés, fragiles et légers, souriants et discrets. Des mythes, certes, mais débordants d’humanité. Ils se sont assis, ont joué un premier morceau, cela s’annonçait très touchant. Je m’attendais à un doux courant de nostalgie ensoleillée. Mais au deuxième morceau, c’est un torrent qui m’a pris. Au refrain de «Coraçao Vagabundo», la salle s’est mise à les accompagner. Pas les dévots du premier rang, pas un fan déraisonnable gênant ses voisins, pas même quelques grappes d’enthousiastes, non: la salle. Tout le monde chantait, dans un murmure presque religieux, sans une voix qui dépasse. Je regardais autour de moi, et tous, tous chantaient, un sourire aux lèvres. On m’avait souvent loué le lien fort qui lie Montreux et la musique brésilienne. J’avais vu dans les archives les délires de Gal Costa, les concerts festifs de Jorge Ben Jor, la poésie d’Hermeto Pascoal, la joie touchante d’Elis Regina. Mais rien ne m’avait préparé à ce qui m’a submergé ce soir-là. Se trouver au Stravinski, c’était être à une soirée à Rio, c’était partager la belle, la respectueuse passion du Brésil pour sa musique. En Suisse.
CHRISTOPHE ABRIC
FONDATEUR DE LA BLOGOTHÈQUE* ET PRODUCTEUR DU DOCUMENTAIRE "MORE THAN JAZZ" CONSACRÉ AU 50e ANNIVERSAIRE DU MONTREUX JAZZ
TODAY'S GUEST CAETANO VELOSO & GILBERTO GIL 15TH JULY 2015 AUDITORIUM STRAVINSKI
E None of my friends came. We hadn’t missed a concert all Festival, but that night nobody had wanted to go see two old Brazilians sitting on chairs playing wooden guitars in the Stravinski. However, Caetano and Gilberto playing together is a must-see, even if it means going to a concert alone. The fragile, smiling old men walked on stage slowly and humbly. They were legends, yes, but very down to earth. They sat down and played a first very moving song. I expected them to continue with the same soft sweet nostalgia, but the second song took me by surprise. The whole hall joined them for the “Coraçao Vagabundo” chorus. Not just the devout in the first row, or an unruly fan disturbing everybody else, or a few groups of enthusiastic concert goers, but the whole house. Everyone sang softly without trying to outdo anyone else. I looked around me, everyone was singing and smiling. I’d often heard about the strong ties that linked Montreux to Brazilian music. I’d read about Gal Costa’s wild ideas, Jorge Ben Jor’s party gigs, Hermeto Pascoal’s poetry and Elis Regina’s touching happiness in the archives. However, none of that had prepared me for what I’d been part of that night. Standing in the Stravinski was like spending a night in Rio, and sharing Brazil’s respect and passion for music with others. But in Switzerland.
COUPS DE CŒUR MONTREUX JAZZ 2015 Caetano Veloso & Gilberto Gil D'Angelo and the Vanguard Nils Frahm
Alabama Shakes Leon Bridges
*www.blogotheque.net
CLAUDE'S COLLECTION F Le choc des civilisations. C’est ce qu’il faut imaginer du premier des trois concerts de Led Zeppelin à Montreux, royaume des villégiatures bourgeoises. Le groupe hirsute, formé en 1968, débarque sur la Riviera le 7 mars 1970, hors festival. Les deux mille places sont déjà vendues, mais les guichets fermés n’arrêtent pas un fan récalcitrant: on retrouvera les plus hardis cachés dans les conduits d’aération ou sur le toit du Casino. Et pourtant, miracle. Pas d’échauffourée, aucun incident et des bars réjouis de leur chiffre d’affaire. Surtout, les organisateurs profitent de l’occasion pour créer leur première mailing list, promettant de tenir informés les éconduits du retour de la bande à Plant. Un coup de génie pour l’avenir du Festival. © Yann Gross
Main Partners
E A culture shock. Just imagine the first of Led Zeppelin’s three concerts in Montreux, the home of fancy villas. The hairy, two-year-old band arrived off-season on the 7 March 1970. All two thousand tickets were sold out, but determined fans can’t be stopped. The most committed always find their way in, whether through air ducts, or via the roof of the Casino. Against all odds, the night was a success. No scuffles, no incidents, and good sales at the bars. What’s more, it gave the organisers a chance to create the first mailing list, which would tell people when Plant’s band was returning. This stroke of genius was not only welcomed by fans, but also proved useful for the Festival’s future.
Sunday, July 3rd 2016 | Montreux Jazz Chronicle
EDITO CAETANO VELOSO & GILBERTO GIL 15 JUILLET 2015 AUDITORIUM STRAVINSKI
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PAYING
SUNDAY 03.07
AUDITORIUM STRAVINSKI
MONTREUX JAZZ CLUB
ALINA ENGIBARYAN SHURE MONTREUX JAZZ VOICE COMPETITION WINNER 2015
FREE
SCOFIELD MEHLDAU GUILIANA JOHN MCLAUGHLIN & THE 4TH DIMENSION MUSIC IN THE PARK
PETIT BISCUIT MURA MASA
FLUME
HERBIE HANCOCK
WITH JAMES GENUS, TREVOR LAWRENCE JR., TERRACE MARTIN
MONTREUX JAZZ LAB
AL JARREAU DUO
MONTREUX JAZZ BOATS
PIER CGN, MONTREUX
MONTREUX JAZZ CREATIONS
HOTEL DES 3 COURONNES, VEVEY
21:00 BOWIE: THE SWISS YEARS
HOMMAGE DE LA HAUTE ÉCOLE DE MUSIQUE DE LAUSANNE (HEMU)
EL MURA Y SU TIMBRE LATINO, SON
POOL PARTY
DEL NENE, ABLO GANDEMA & BENDRÉ
NOBODY'S PERFECT
SOUND ORCHESTRA , DJ RUMBA STEREO
12:00 ALEX MOTA
15:00 SALSAFRICA BOAT
14:00 THE COASTAL CAROLINA UNIVERSITY
13:15 FRED
14:30 BROWN S
JAZZ COMBO
ATELIERS ROCK – CONSERVATOIRE MONTREUX-VEVEY-RIVIERA 16:00 FIFTY FIFTY, HOLIDAY STREET
UNICORN PARADOX, FLYING GIRAFFES
18:00 GARFIELD HIGH SCHOOL
JAZZ ENSEMBLE
20:00 THE MOORINGS 22:30 SON DEL NENE
THE ROCK CAVE 21:30
HERE HARE HERE
23:00 THE TEMPERANCE MOVEMENT
SPECIAL EVENTS
11:00
CASINO BARRIÈRE
MONTREUX MUSIC MEMORABILIA –
EXPOSITION
MUSIC IN THE PARK
15:00 PEINTURE PARTICIPATIVE
MONTREUX 50e
Greg Guillemin et Giovanni Riva
F Entrée de la piscine CHF 5.E Swimming pool entrance CHF 5.-
16:00 LOST HERITAGE (LIVE) 17:00 SONNY CATANESE B2B
LUCAS RAMIREZ
18:30 ME & her
MONTREUX JAZZ COMPETITIONS
SOCAR MONTREUX JAZZ ELECTRIC GUITAR COMPETITION
MONTREUX PALACE
MAIN ENTRANCE, 2M2C
17:00 SEMI-FINAL
16:00 BOOK BOX
CINÉMA HOLLYWOOD, MONTREUX
INFORMATION
President of the Jury: John McLaughlin
00:30 AFTERSHOW: FRED BERNARD
STROBE KLUB
18:30 PROJECTION "MORE THAN JAZZ"
programme, veuillez télécharger la «Montreux Jazz App»
VIDENCE
BAR EL MUNDO
22:00 REBER
LATINO HOUSE SHOW
23:00 SEVERAL DEFINITIONS (LIVE)
16:00 ZUMBA JUNIOR
00:00 ARCHITECTURAL
18:00 IGOR BLASKA & VKEE MADISON
ELLUM SHOWCASE – VJING JOCELYN DE LA PRO-
02:00 MACEO PLEX
F Pour toutes les informations sur les prix et mises à jour du E For information on the prices and updates on the program, please download the “Montreux Jazz App” www.montreuxjazzfestival.com
F Né à Cuba, grandi à Dallas et désormais basé à Barcelone, Eric Estornel trône sur le toit du monde électro. Élu parmi les meilleurs artistes techno du monde par le très influent site Resident Advisor (aux côtés de Âme ou Seth Troxler, pardonnez du peu), le DJ connaît depuis le début des années 2010 une trajectoire idéale. Et une actualité débordante. Quand il ne tourne pas pour éreinter les dancefloors de la planète, Maceo Plex assure par ailleurs cet été sa première résidence tous les mardis soir au Pacha d’Ibiza, avec une liste d’invités impressionnante (Daniel Avery, Radio Slave…) S’acoquinant avec l’underground comme le mainstream, peu étonnant donc que Maceo Plex s’affirme en sauveur des travers bling-bling de la reine de la nuit des Baléares. Auteur de productions titanesques signées pour le label Crosstown Rebels (Life Index, etc) ou bien publiées sur Ellum Audio, sa propre plateforme, l’auteur du tube «Vibe Your Love» revient à Montreux accompagné cette fois de son poulain Architectural, un DJ espagnol ténébreux rompu aux territoires glacés de l’intelligent techno. Le Strobe n’aura qu’à bien se tenir.
MACEO PLEX
HIGHLIGHTS
E Born in Cuba, raised in Dallas and now based in Barcelona, Eric Estornel rules the electro world. He was chosen to appear among the best techno artists, like Âme and Seth Troxler, on the very influential Resident Advisor website. For the last six years, the DJ has been on the path to success and now dominates the techno circuit. This summer, as well as his usual tour of the world’s clubs, he’ll be making his debut as a resident DJ in Pacha, Ibiza, along with Daniel Avery and Radio Slave. As a master of both underground and mainstream sounds, he will no doubt be able to handle Ibiza’s queen of the night bling. He produced massive material, like Life Index, with Crosstown Rebels and on his own platform, Ellum Audio. The mastermind behind “Vibe Your Love” is returning to Montreux, but this time with the mysterious Spanish DJ Architectural, who has perfect command of intelligent techno. ELLUM SHOWCASE – MACEO PLEX 04.07.2016 - 02:00 Strobe Klub
Montreux Jazz App Accédez à la programmation complète et aux infos pratiques en tout temps en téléchargeant l’application du Festival 2016.
Sunday, July 3rd 2016 | Montreux Jazz Chronicle
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Muse Auditorium Stravinski
Randy Weston Montreux Jazz Club
Aruรกn Ortiz Trio Montreux Jazz Club
Max Cooper Montreux Jazz Lab
PORTFOLIO JULY 2ND 2016
Moderat Montreux Jazz Lab
Dimanche, 3 juillet 2016 | Montreux Jazz Chronicle
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Quand il évoque la musique africaine, le jazzman mythique a toujours des étoiles dans les yeux. Propos recueillis par Steve Riesen
F Pourquoi s’intéresser aux racines africaines
RANDY WESTON
INTERVIEW
du jazz? Que ce soit au Brésil, à Cuba ou aux Etats-Unis, partout où les Africains ont été emmenés, ils ont créé de la musique. Il suffit de suivre leurs itinéraires pour faire des découvertes musicales. Tout a commencé en Afrique. Ils se sont mis à composer en s’inspirant de la nature. Les bruits des insectes, le souffle du vent, les grondements du tonnerre. Le rythme, c’est la clef de voûte de l’univers. Et puis, il y a l’improvisation. Quand j’entends le chant d’un oiseau, je m’installe au piano et je joue.
1961, votre première visite en Afrique avec Nina Simone... C’est exact. Avec vingt-neuf autres, dont Nina Simone, nous avons participé à un festival au Nigeria. L’idée était d’observer la relation entre Afro-Américains et Nigérians. D’un côté, il y avait des danseurs traditionnels, et des danseurs jazz de l’autre. On a commencé à jouer, et il est devenu évident que ce que nous faisons est réellement africain. On l’ignorait tout simplement.
"Soyez curieux, explorez tous les styles de musique." Qu’avez-vous ressenti lors de cette toute première visite? Je me suis senti chez moi. Mon père m’avait préparé à cette rencontre avec l’Afrique sur le plan spirituel. Je suis né à New York, mais je dois mon rythme et ma spiritualité à ma mère et à mon père, originaires respectivement de Virginie et des Caraïbes. Grâce à eux, la maison vibrait au rythme des meilleurs sons, au jazz et à la musique spirituelle. Ils m’ont dit que je devais voir l’Afrique, pour comprendre mes racines. C’est le berceau de nos ancêtres et on leur doit l’amour et le respect. Votre message aux jeunes? Soyez curieux, explorez tous les styles de musique. C’est l’enseignement de nos parents, ne vous arrêtez pas au hiphop, n’en restez pas au rap. Appropriez-vous le jazz, la musique spirituelle, puisqu’ils s’affranchissent des frontières. Mes écoutes sont aussi bien européennes et chinoises qu’indiennes. Le monde nous appartient. Mozart nous appartient au même titre que Dizzy Gillespie. Rien ne nous sépare, nous sommes tous des génies à part entière. Faire de la musique, c’est montrer son chez-soi.
Whenever he thinks of African music, the 90-year-old jazzman’s eyes always light up. Interview by Steve Riesen
E Why is it important for you to learn about jazz’s African roots? Wherever African people were taken, whether Brazil, Cuba or the United States, they created music. When you trace African people, you discover music. It all began in Africa. They created music by listening to mother nature. They listened to the sound of the insects, the sound of the wind and the thunder. The whole universe works on rhythm. In addition to that, you have improvisation. When I hear a bird sing, I go to the piano and play something. The first time you went to Africa was in 1961, with Nina Simone… Yes, twenty-nine of us went to a festival in Nigeria, including Nina Simone. We wanted to see what the relationship was between African Americans and Nigerians. There would be traditional dancers on one side of the stage and jazz dancers on the other side. So we played music and we realised what we do is really African. We just didn’t know it…
“Learn about all kinds of music.” How was it to be there for the first time? I felt completely at home, because my father had spiritually prepared me for Africa. I was born in New York, but my rhythm and spirituality came from my mother who was from Virginia and my father who was from the Caribbean. They brought the best music into the house, like spiritual music and jazz. They said that I had to go to Africa to understand my origins. It’s our ancestor’s home and we have to love and respect them. What would you like to tell the younger generation? Learn about all kinds of music. That’s what our parents gave us, don’t stay with hip hop, and don’t stay with rap. Jazz music is yours, spiritual music is yours, because music has no boundaries. I listen to music from Europe, China or India, because it all belongs to me. Mozart belongs to me. Dizzy Gillespie belongs to me. There is no separation because everyone is a genius and can describe where their home is through music.
LAST NIGHT MUSE
AUDITORIUM STRAVINSKI
F L’enjeu est de taille. Les fans agglutinés devant le Stravinski depuis le début de journée se questionnent. Que nous réserve le trio britannique rompu aux tournées des stades dans une salle aussi «petite» et dans le cadre d’un tel anniversaire? Réponse en deux temps. Les applaudissements sont insistants. Muse se fait désirer. Dans un nuage de fumée, Matthew Bellamy et ses acolytes entrent sobrement. Et envoient. Le voilà, le show brut, incisif, rock’n’roll que l’on attendait. Un retour aux sources plongeant aux origines de la carrière du groupe. La quadra embourgeoisée à ma droite se décoiffe: «Dis donc, c’est rock ça», s’étouffe-t-elle. Peu d’interactions. Un bisou du chanteur. Des «bonsoir Montreux» conventionnels. Et «Uprising» repris par tous en refrain fédérateur. La salle est soudée, en veut. Il faut dire que la setlist a été repensée pour la soirée, livrant son lot de raretés aux adorateurs. Après une heure de show, le retour sur scène crée la surprise. Les trois musiciens, affublés de collants et de fourrure, débarquent avec un LEGO, un kangourou, un panda, et autres énergumènes sur échasses. Vent de fête. On dirait un bal costumé, une boum d’anniversaire géante. Les ballons et les confettis agrémentent les derniers tubes, dont «Time Is Running Out» sera le grand absent. Un show trop court, mais surprenant. Alexandre Caporal
RANDY WESTON MONTREUX JAZZ CLUB
F «Africa is a swinging continent», clame Randy Weston. Sa mission depuis toujours: rappeler que l’Afrique est le berceau de la musique jazz. À nonante ans – oui, nonante ans! – le pianiste est une force de la nature. Ses mains gigantesques frappent les touches de son clavier telles les baguettes d’un percussionniste. Chacune de ses compositions est un voyage, du Sahara à Cuba, en passant par son New York natal. Comme on le dit dans la plus pure tradition du solfège, ça groove méchant ce soir! Les morceaux du maestro se déploient sous forme de crescendos intenses. L’arme fatale du quintet: le jeu atypique du contrebassiste, Alex Blake. Assis, la tête collée à la caisse de son instrument, il l’utilise tour à tour à la manière d’une percussion, d’une guitare et d’une kora. Médusé, le public n’ose pas battre le rythme, de peur de gâcher ce groove complexe, magique. L’Afrique était bien à Montreux ce soir. Steve Riesen
E The stakes were high. Fans waited all day in front of the Stravinski with one thing on their minds. What did the British trio, who are used to big stadium tours, have in store for them in such a “small room” to celebrate this big anniversary? The answer came in two parts. Insistent clapping called Muse to the stage. Through a cloud of smoke, Matthew Bellamy and his crew soberly walked on and let rip. The long-awaited raw and punchy rock’n’roll show started. It was a blast from the past going right back to the groups beginnings. The messy, gentrified fortysomething to my right mumbled a “hey, this is rock’n’roll”. After a slow start, a kiss from the singer, and the usual “good evening Montreux”, the hall came together singing the “Uprising” chorus. The night’s line-up had obviously been well planned to give admirers the oddities they expected. After an hour, the groups’ second entrance caused quite a stir. The three musicians appeared in tights and fur, followed by a LEGO, a kangaroo, a panda and other bizarre creatures on stilts. What a party! It could have been a fancy dress ball or big birthday disco. Balloons and confetti were even thrown to spice up the last songs, of which “Time Is Running Out” was not one. It was a show full of surprises that ended too soon.
E Randy Weston claims “Africa is a swinging continent”. His lifetime mission is to remind people that jazz was born in Africa. At ninety years old – yes ninety – the pianist is a force to be reckoned with. His giant hands hit the piano keys in the same way as a percussionist hits a drum. His compositions all travel from the Sahara to his hometown of New York and then to Cuba. As true musical theorists say, tonight was groovy! The maestro’s music unfolded with intense crescendos. The quintet’s secret weapon was their bass player’s unusual style – Alex Blake sat with his head resting on the double bass that he used as a drum, a guitar and a kora. The intimidated crowd didn’t dare clap to the beat for fear of ruining the complex and magical groove. Africa was definitely in Montreux tonight.
Les plus grands concerts du Montreux Jazz Festival en DVD, Blu-ray, CD et Digital
COLLECTION
Sunday, July 3rd 2016 | Montreux Jazz Chronicle
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JOHN MCLAUGHLIN
50 SUMMERS OF MUSIC
«
J’AI AMENÉ L’INDE À MONTREUX
F J’ai commencé à méditer en 1968. J’avais le corps baigné de LSD, de
À LIRE →
E I started meditating in 1968. My body was awash with LSD and magic
mushrooms. Like The Beatles. Like all musicians. Like everyone, in fact. I gave up red meat, cigarettes … I wanted to clean my system. I went on a retreat at a monastery in the Alps. One of the monks there hadn’t spoken for sixty years. He had the most fantastic eyes. And then I went to see Claude Nobs. He knew I was going through a crisis. He cooked for me, I stayed for a few days, digging into his collection of videos, driving around in his old Aston Martin convertible, like two bachelors in the mountains. Shortly after that I came to the Festival with my Indian group, Shakti. This was in 1976. My agent was really angry that I was playing with Indians. “What the hell are you doing, sitting on your carpet like a little idiot with your exotic friends?” But I was sure of myself. I was working like mad. The North Indian flute. The South Indian vina. I soon realized that I wasn’t cut out to play several instruments, so I concentrated on my guitar. I had to fight. Even in India, people were shocked by me bringing together musicians from the North and the South of the country. But I kept going. On July 6, 1976, there were four of us on stage. We played four pieces, no more. I could still feel the shock from when I first heard A Love Supreme by John Coltrane. I had to immerse myself in the album dozens of times just to get a vague idea of what he was doing. My only way into his music was that text, that prayer that he wrote, on the back of the cover. In any event, I was at the meeting point of two worlds: Jazz and Indian music. When I came back with the new Shakti lineup, Remember Shakti, in 1999, there were again four of us on stage, and we played five pieces. Zakir Hussain was on tablas once more. Our meeting was written in the stars. I’ve known him since 1969, the day he gave me a singing lesson. I sing 50 SUMMERS OF MUSIC like a drain, and so does he. But Textes d'Arnaud Robert this whole history, over thirty (en collaboration avec Salomé Kiner) years or more, is stored away in Coédition Montreux Jazz Festival boxes in Montreux. et Editions Textuel
champignons magiques. Comme les Beatles. Comme tous les musiciens. Comme tout le monde en réalité. J’ai arrêté la viande rouge, les cigarettes, je souhaitais me nettoyer. J’ai fait une retraite dans un monastère des Alpes. Il y avait là un moine qui n’avait pas parlé depuis soixante ans. Son visage était sublime. Et puis, je suis allé voir Claude Nobs. Il savait que je traversais une crise. Il a cuisiné pour moi, je suis resté quelques jours à écumer sa collection de vidéos, à me promener dans sa vieille Aston Martin cabriolet. Nous étions deux garçons dans la montagne. Dans la foulée, je suis venu au Festival avec mon groupe indien, Shakti. C’était en 1976. Mon agent était très fâché que je joue avec des Indiens: «Mais qu’estce que tu fous assis sur ton tapis comme un petit con avec tes potes exotiques ?» J’étais sûr de moi. Je travaillais comme un fou. La flûte de l’Inde du Nord. La vîna de l’Inde du Sud. Je me suis vite rendu compte que je n’étais pas doué pour jouer plusieurs instruments. Alors, je me suis contenté de ma guitare. Il fallait se battre. Même en Inde, les gens étaient choqués que j’associe des musiciens du nord et du sud du pays. Mais je continuais. Ce 6 juillet 1976, nous étions quatre sur scène. On a joué quatre morceaux, c’est tout. J’avais encore en tête le choc de ma première écoute du Love Supreme de John Coltrane. Il m’avait fallu me plonger des dizaines de fois dans l’album pour que je commence vaguement à comprendre ce qui s’y tramait. Ma seule porte d’accès vers sa musique, c’était ce texte, cette prière, qu’il avait rédigé au dos de la pochette. Bref, j’étais au carrefour de deux mondes. Le jazz, la musique indienne. Quand je suis revenu avec la nouvelle mouture de Shakti, en 1999, nous étions encore quatre sur scène et nous avons joué cinq morceaux. Zakir Hussain tenait une nouvelle fois les tablas. Notre rencontre était inscrite dans les étoiles. Je le connais depuis 1969, le jour où il m’a donné une leçon de chant. Je chante comme un concierge. Et lui aussi. Mais toute cette histoire, sur trente ans et plus, est préservée dans les coffres de Montreux.
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I BROUGHT INDIA TO MONTREUX
Texts by d’Arnaud Robert (in collaboration with Salomé Kiner) Co-published by the Editions Textuel and Montreux Jazz Festival
CHF 69.-
Disponible à la boutique Festival ou sur www.montreuxjazzshop.com
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IMPRESSUM
HERBIE HANCOCK - 1981
HEROES
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© 1981 Gérald Bosshard
F Regardez ce garçon, quarante-et-un ans alors. Au débotté, on le croirait arraché à un film de la Blaxploitation, Shaft (1971) ou Coffee (1973), sinon à un récit tordu de Donald Goines ou Iceberg Slim, chroniqueurs des violences des ghettos américains des seventies. Mais cette photo ment. Elle ne dit pas ce qu’on sait aujourd’hui d’Herbie Hancock et qu’on percevait probablement alors que le pianiste foulait pour la deuxième fois seulement la scène du Festival. En tout, et jusqu’à aujourd’hui, le natif de Chicago devait visiter la Riviera vaudoise à trente-neuf reprises. Un record. La première fois, c’était en duo avec Chick Corea (1979). Deux ans plus tard, un 16 juillet, l’ex-membre du Miles Davis Quintet offrait sa classe en deux temps. En compagnie d’Oscar Peterson d’abord, lors d’un dialogue entre Steinway et synthé. Puis accompagné de Wynton Marsalis, Ron Carter et Tony Williams. Du cinq étoiles. Et bourré d’intuitions féroces. Car 1981, pour Hancock, est synonyme d’un pic de créativité. Hier, il rénovait le jazz en puisant dans le funk et les Moog (Head Hunters, 1973)? Demain, Herbert Jeffrey Hancock devait fonder les tables de loi d’un électro grave et funky dans lequel, notamment, devait puiser les pionniers techno de Détroit (Future Shock, 1983). David Brun-Lambert
Director Nicolas Stevan Art Director Joackim Devaud Graphic Designer Manuel Schaller Layout Composers Nadine Schneuwly, Nicolas Nydegger, Manuel Schaller
E Look at him – he was only 41 then. He could
have stepped straight out of a poster for a Blaxploitation film, maybe Shaft (1971) or Coffee (1973). Or out of a twisted plot written by the ‘70s authors of violent stories set in American ghettoes, Donald Goines and Iceberg Slim. But the photo lies. It doesn’t communicate what we now know about Herbie Hancock – something that was probably already obvious when the pianist stepped onto the Festival stage for the second time. Up to now, this Chicago native has played on the Swiss Riviera 39 times – more than anyone else. The first time was with Chick Corea (1979). Two years later, on 16 July, this former member of the Miles Davis Quintet performed twice. First with Oscar Peterson – a dialogue between Steinway and synths, and then with Wynton Marsalis, Ron Carter and Tony Williams. Both were five-star performances crammed with flair. 1981 was a really creative year for Hancock. One moment he was reinventing jazz by mixing funk with the sounds of the Moog synthesiser (Head Hunters, 1973). The next, Herbert Jeffrey Hancock was rewriting the rules with serious, funky electro that put Detroit’s techno pioneers centre stage (Future Shock, 1983).
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Sunday, July 3rd 2016 | Montreux Jazz Chronicle
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