Montreux Jazz Chronicle 2015 - N°5

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N°5

Mardi, 07 juillet 2015 Tuesday, 07 July 2015

Le quotidien du Montreux Jazz Festival, 4e édition The Montreux Jazz Festival daily newspaper, 4th edition

Tony Bennett & Lady Gaga, Auditorium Stravinski, 06.07

MONTREUX JAZZ

HIGH CLASS

TONIGHT

SAM SMITH

F  Révélation de l’année, Sam Smith rafle les prix et les cœurs. Il a fallu que le sien saigne et qu’il essore ses peines amoureuses pour en extraire tout son art. Tourmenté et inspiré dans le même temps, le jeune anglais révélé par un featuring sur le hit «Lash» de Disclosure en 2012, s’est retrouvé In The Lonely Hour. Sur ce tout premier album catharsis qui cartonne aujourd’hui à l’échelle planétaire, Sam Smith porte sa croix sur l’oreille gauche et monte dans les aigüs jusqu’à son propre firmament. Dans son

6 Best Of: Die Antwoord

discours aux Grammy Awards, l’artiste a d’ailleurs remercié celui qui l’avait quitté, pour lui avoir permis d’arriver jusqu’ici… Sam Smith nous recueillera au Lab pour nous rappeler, sans doute, comme il est bon d’avancer…

SAM SMITH

E  Sam Smith is the revelation of the year, winning hearts—and prizes—all over. His art is rooted in personal heartache; at once tormented and inspired, this young Brit first burst onto the scene through his participation in the hit “Lash” by Disclosure in 2012

and then found his own path In The Lonely Hour. On this cathartic first album which is currently a planet-wide hit, Sam Smith wears a cross on his left ear and ascends the high notes to his own personal heaven. In his speech at the Grammy Awards, the artist actually thanked the person who left him for having helped him get to where he is now. Sam Smith will gather us together at the Lab in order to remind us that it is good to move forward…

8 Interview: Dianne Reeves

Sam Smith, Montreux Jazz Lab, 20:30

11 Postcard: Sam Smith



TODAY’S SOUNDTRACK

EDITO F  «Je tripais sur ces gars quand je les ai découverts à 14 ans. Là, je les vois, et c’est comme si je me retrouvais soudain dans ma piaule d’ado!». Et l’adolescente enfouie quelque part dans le corps de cette jolie rousse, la petite trentaine, d’exulter à nouveau. Se rendre à un concert n’est jamais anodin. Mais on y cherche quoi exactement? L’expérience du «être ensemble», d’abord. La jouissance des sens aiguisée par la combinaison lumièresson, ensuite. La convocation du gamin qu’on a autrefois été, enfin. Celui qui s’émerveillait pour un rien, les bras levés et le corps en sueur, gueulant de plaisir comme pas croyable parce qu’un riff lui offrait soudain l’illusion de la liberté. Le premier concert fait office de rituel initiatique après lequel la perception de notre individualité se trouve pour toujours bouleversée. Dix ou cinquante ans après cet instant, le gamin que l’on a été attend, assoupi. Le convoquer et à nouveau «sentir» à travers lui n’est pas chose aisée. Néanmoins, il est des lieux et des temps où il est possible de le retrouver. Les lignes redécouvertes d’un roman dévoré à «l’âge bête». Un coup de pied à la lune balancé depuis un plongeoir à dix mètres. L’attaque d’un short break en surf et la gaufre qui va avec. Un concert donné par un artiste pour qui on aurait tué, ado. Moi, c’était Prince. Vous, c’était quoi? David Brun-Lambert

E  “I discovered these guys at 14 and worshipped them. Watching them now takes me back to the time spent in my teen digs!” Thirty years on, this pretty redhead’s inner teenager is living it up once more. The reason is never trifling, but why exactly do we go to concerts? Firstly, just to experience “being together”, then to indulge our senses in the sound-light combo, and finally to bring back that kid we once were. The one who used to be amazed by the slightest thing, and who, with arms stretched above his head and body drenched in sweat, now screams louder than humanely possible, because a riff just gave him a feeling of absolute freedom. Our first concert is an initiation; a deflowering that completely changes how we see ourselves for the rest of our lives. After a ten, maybe fifty year slumber, waking up the kid we used to be is not easy. Our emotions are no longer as strong or our appetites as big. That’s just what happens. Nevertheless, there is always something to help us reconnect with the kid we once were. All we need to do is rediscover the words of that novel devoured during those awkward teenage years; reach for the moon while jumping off a 10 metre diving board; enjoy surfing that wave and the welldeserved waffle afterwards; see that concert we would have killed to see as a teenager. My teen hero was Prince. What was yours?

By

Sebastien Schuller

Montreux Jazz Workshops Soundtrack interaction between sounds and films 07.07.2015 - 17:00

«New Grass» Talk Talk

Laughing Stock, 1991, Verve Polydor

«A soapbox Opera» Supertramp

Crisis? What Crisis, 1975, A&M

«Ashes to Ashes» David Bowie

Scary Monsters (and Super Creeps), 1980, RCA

«Walking in my Shoes» Depeche Mode

Songs of Faith and Devotion, 1993, Intercord Record Service

BUBBLE OF THE DAY BY

«Immortels» Dominique A

La Musique, 2009, Cinq7

3

30

«Pass this On» The Knife Deep Cuts, 2003, Mute Corporation

«Track 2» Sigur Rós

(), 2002, FatCat/BadTaste

«A Whiter Shade of Pale» Procol Harum Procol Harum, 1967, Deram

34

10

«Last Night» Lush

Lovelife, 1996, 4AD

«Well I Wonder» The Smiths

Meat Is Murder, 1985, Tokuma Japan Communications

Main Partners

Tuesday, 07 July 2015 | Montreux Jazz Chronicle

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PAYING

PROGRAM 07.07

AUDITORIUM STRAVINSKI

20:00

MONTREUX JAZZ CLUB

20:00

MONTREUX JAZZ LAB

MARIAM THE BELIEVER NILS FRAHM

HUGH COLTMAN

NICK MULVEY

DAMIEN RICE

DIANNE REEVES

SAM SMITH

MUSIC IN THE PARK

AFTERSHOWS

BAR EL MUNDO

ST AUGUSTINE’S JUNIOR, SENIOR AND MALE VOICE CHOIRS PASCHAL HIGH SCHOOL JAZZ ENSEMBLE FEAT. JOHN THOMAS GLENELG HIGH SCHOOL JAZZ ENSEMBLE THE MIRO FUNKY SHOW AND THE MINIMALISTICS BOYS TAHUNA BREAKS

F Dès la fin des concerts E Start when concerts end

14:00 16:00 18:00 20:00 22:30

Montreux Jazz Lab ORAM MODULAR MAREK HEMMANN ORAM MODULAR VJing SOPHIE LE MEILLOUR

23:30 01:00 03:00

20:30

15:00

VIVA MEXICO! AFROHOUSE, ISSA APERO JAZZ COLLECTIVO CASA VERDE DJ RUMBA STEREO

16:00 18:00 20:00 22:00

Montreux Jazz Club F Jam Sessions improvisées et DJs. E Improvised Jam Sessions and DJs.

THE ROCK CAVE

20:30

JOHN DEAR MORELAND & ARBUCKLE

21:30 23:00

WORKSHOPS

THE STUDIO

22:00

Petit Palais LE SOUFFLE ET LA VOIX

15:00

Présenté par Prof. Laurent Nicod (CHUV) Et Dr. Mary-Louise Dutoit-Marco, phoniatre

NORDSTERN 15 YEARS

DJ LE ROI 22:00 GIANNI CALLIPARI 23:30 tINI 01:15 ANDREA OLIVA 03:15

Petit Palais SOUNDTRACK INTERACTION BETWEEN SOUNDS AND FILMS

17:00

Sebastien Schuller

INFORMATION

FREE

F Pour toutes les informations sur les prix et mises à jour du programme, veuillez télécharger la «Montreux Jazz App» E  For information on the prices and updates on the program, please download the “Montreux Jazz App”  www.montreuxjazzfestival.com

#LIVETHELAB Nick Mulvey 07.07 - 20h30 Retrouvez le live streaming sur

www.montreuxjazzfestival.com


A l’issue d’une finale au cordeau, le jeune Chinois Dai Liang remporte la Parmigiani Montreux Jazz Solo Piano Competition F Virtuosité et chaleur! Dans l’écrin raffiné du Montreux Palace, la finale du Parmigiani Montreux Jazz Solo Piano Competition a tenu hier toutes ses promesses: des finalistes de classe mondiale s’affrontant non seulement pour ravir un titre parmi les plus courus de la galaxie pianistique, mais aussi pour participer à la deuxième édition de la Montreux Jazz Academy l’automne prochain. Présidé par Yaron Herman, le jury a bataillé ferme pour départager les participants, tous chargés de présenter une composition personnelle et proposer leur interprétation d’un classique jazz: «How High The Moon» ou «All The Things You Are». Durant la demi-finale de dimanche, déjà, tous avaient montré l’étendue de leur talent. Fort remarqué, le jeune Dai Liang aka A Bu, 15 ans, venu tout droit de Beijing, a finalement raflé la mise. Hormis sa technique hors-pair et de sa folle virtuosité,

RENCONTRE AVEC DAI LIANG AKA A BU, LAURÉAT DU PARMIGINANI MONTREUX JAZZ SOLO PIANO COMPETITION 2015. F  Quelles sont tes premières émotions après ce prix? Tout d’abord, je me sens vraiment honoré d’être sur cette scène et de jouer à la Parmigiani Montreux Jazz Solo Piano Competition.

«Mon cerveau est sur on quand je joue.» Ça me fait un effet incroyable. C’était comme vivre un rêve lorsqu’ils ont prononcé mon nom pour le prix du choix du public.

le jeune Chinois a fait preuve d’une sensibilité remarquable dans son jeu, laissant son monde bluffé. Durant la remise des prix, Yaron Herman a admis combien la délibération du jury avait été «difficile». Complice, Quincy Jones s’en est amusé. L’Israélien Yakir Arbib et le Hongrois Olah Kristian décrochent quant à eux la deuxième et troisième place d’une édition enlevée du Parmigiani Montreux Jazz Solo Piano Competition. Place à présent aux concours de chant et de guitare, qui s’annoncent tout aussi passionnants. Edouardo Mendez

At the end of a well-fought competition, the young chinese Dai Liang has won the Parmigiani Montreux Jazz Solo Piano Competition. E Brilliant and intense, the Parmigiani Montreux Jazz Solo Piano Competition held within Montreux Palace’s ornate walls did not disappoint. World-class finalists competed against each other to win not only one of the most sought after prizes in the piano world, but also a place in the second edition of the Montreux

A ton si jeune âge, où vas-tu chercher toutes ces émotions que tu mets dans ton jeu ?  Je pense que pour moi, le plus important est de me laisser aller. Je ne pense pas à beaucoup de choses quand je joue, ce qu’il faut faire ou ne pas faire… Je laisse juste mes doigts faire tout le travail. Mon cerveau est sur on quand je joue. C’est plus ou moins la seule expérience que j’ai acquise. Mon prof est un bon ami et la vie est belle.

Jazz Academy next autumn. The jury, chaired by Yaron Herman, deliberated long and hard before deciding which of the participants would be this year’s winner, based on a personal composition and an interpretation of a jazz classic, namely “How High The Moon” and “All the Things You Are”. They all showed promise during Sunday’s semi-final. At only 15 years old, and just off the plane from Beijing, the well-known young Dai Liang aka A Bu won the contest. His unparalleled technique and unbelievable virtuosity aside, the young Chinese kid’s remarkable delicate skills on the keys left the audience speechless. To the amusement of Quincy Jones, who had been part of the jury, Yaron Herman admitted how difficult it had been to choose only one winner during the prize giving. Israeli and Hungarian candidates, Yakir Arbib and Olah Kristian, were respectively awarded 2nd and 3rd place in the 5th edition of the Parmigiani Montreux Jazz Solo Piano Competition. It’s time now for the singing and guitar competitions, which promise to be just as thrilling.

MEETING WITH DAI LIANG AKA A BU, WINNER OF THE PARMIGINANI MONTREUX JAZZ SOLO PIANO COMPETITION 2015. E  How did you first react to the verdict ? First of all, I feel really honoured to be on the stage, to play at the Parmigiani Montreux Jazz Solo Piano Competition. It’s just amazing. I mean, it felt like a dream when they called my name for the audience’s choice award. At such a young age, how do you pour so many emotions into your playing ? I think the most important thing for me is to let myself go. I don’t

think about much when I play, like what I should or shouldn’t do...

«My brain is on when I play.» I let my fingers do all the work. My brain is on when I play. It’s more or less all I know. My teacher is a good friend, and life is great.

Tuesday, 07 July 2015 | Montreux Jazz Chronicle

Crédit photo: Damien Richard

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PORTFOLIO

06 JULY 2015

Tony Bennett & Lady Gaga Auditorium Stravinski

BEST OF TONY BENNETT & LADY GAGA

F  Un vrai défilé de mode! Lady Gaga aura cumulé huit tenues et cinq coupes de cheveux ce soir. A chaque retour sur scène, c’est comme si son complice lui avait déjà manqué. Jamais à plus d’un mètre l’un de l’autre, le duo est inséparable, tels un magicien et son assistante. Ils dansent serrés sur «Cheek to Cheek». Lady Gaga lui met délicatement une main sur l’épaule et l’embrasse sur la joue. Classe, mais toujours un brin provocatrice, elle soulève sa robe pour nous révéler un tatouage sur sa cuisse. Tony Bennett la suit du regard, charmé. Convaincante dans son rôle de diva du jazz, elle se sublime sur «La Vie en Rose». Elle s’essaye au français avec ses fans qui la comblent de roses et autres présents. Lorsqu’elle quitte la scène, le crooner joue lui aussi avec le public, un sourire contagieux aux lèvres. Il nous raconte cette fois où Charlie Chaplin lui a envoyé une lettre de Suisse pour le remercier d’avoir repris sa chanson. Il nous rappelle que Frank Sinatra aurait eu 100 ans cette année, avant de lui rendre hommage en musique. Précis, sobre, à l’ancienne. La grande classe. Puis Tony s’en va, main dans la main avec Stefani. Steve Riesen

TONY BENNETT & LADY GAGA

E  A real fashion show! Tonight, Lady Gaga changed outfit eight times and haircut five times. Each time she came back on stage, it was as if she couldn’t bare to be away from her partner. They were never more than a metre away from each other and seemed as inseparable as a magician and his assistant. They danced ”Cheek to Cheek”, before Lady Gaga softly placed her hand on his shoulder and kissed him on the cheek. Classy, but she still had to be provocative, so she lifted up her skirt to reveal a tattoo on her thigh. Tony Bennett kept his eyes on her, bewitched. Convincing as a jazz diva, she surpassed herself with her cover of «La Vie en Rose». As she sang in French, her fans showered her with roses and praise. The crooner with his warm smile continued to entertain the audience even when Lady Gaga left the stage. He told us about the letter he’d received from Charlie Chaplin, thanking him for doing a cover of his song. He mentioned that this year would have been Frank Sinatra’s 100th birthday, before honouring him with a couple of his songs. It was spot on, old school, simple and a great show. Tony and Stefani finally left hand in hand.


Die Antwoord Montreux Jazz Lab

Lizz Wright Montreux Jazz Club

Die Antwoord Montreux Jazz Lab

Christian McBride Trio Montreux Jazz Club

BEST OF DIE ANTWOORD

Buraka Som Sistema Montreux Jazz Lab

F  La réponse, oui, mais la réponse à quoi? À la misère, à l’injustice, à la souffrance. Ils sont sales les Sud-Africains, ils dérangent mais ils transforment une colère intime, réelle ou factice, en une musique jouissive. On jouit, oui, presque littéralement. Un DJ bodybuildé entre en scène, ses lourdes basses font frissonner la forêt de poils que je porte sur les tibias. Des pénis énormes déboursent, on reçoit de l’eau fraîche en plein visage, crachée par un Ninja furieux, pendant que son double féminin, Yo-Landi Vi$$er, enfile son mini-short. Les corps en sueur deviennent fous. On ne pense plus, on danse, on bouge, on évite les coups. Les codes se renversent: les garçons font des cœurs avec leurs doigts, les filles pogotent à torse poil. Les lumières s’allument, l’audience hurle pendant deux minutes. Je n’avais pas entendu ça depuis Bruel début nonante. Laurent Küng

DIE ANTWOORD

E  The answer, yes, but the answer to what ? Misery, injustice, suffering. Those South Africans are crude and disturbing, but they successfully transform inner rage, both real and fictious, into exhilarating music. It’s brilliant fun. A muscular bodybuilder walked on stage to heavy basslines that made my bushy legs tingle. Giant penises spent a penny, a furious ninja spat fresh water in our faces while his female counterpart, Yo-Landi Vi$$er, slipped into hot pants. Sweaty bodies went crazy. No-one thought, they just danced, moved and dodged blows. Roles were reversed; boys formed hearts with their hands and shirtless girls danced the pogo. When the lights came on, the audience yelled for two whole minutes. I hadn’t heard anything like it since Bruel in the early 90s.


DIANNE REEVES

Profondément marquée par sa rencontre avec Nina Simone, Dianne Reeves poursuit toujours l’exploration du répertoire de la diva.

Dianne Reeves continues to expand her repertoire ever since her encounter with Nina Simone left a lasting impression on her.

Propos recueillis par David BrunLambert

E So, like your repertoire, Nina Simone had a profound impact on your life? How come? Well, for me, she represents strength, bravery and self-sacrifice. She was a black woman who used her music as weapon in the fight for civil rights and for those of black people around the world under the thumb of cruel and oppressive governments. Her music touched thousands of people and probably changed the futures of many for the better. But in private, Nina was plagued by doubt and nurtured her inner demons. There were never any half measures with her, ever.

F Votre vie et votre répertoire ont été profondément influencés par Nina Simone. Pourquoi? Parce qu’elle demeure pour moi ce symbole de force, de courage, de don de soi. Nina était cette femme noire pleinement investie dans la lutte pour les droits civiques, puis pour la liberté des peuples noirs soumis à des autorités étrangères, écrasantes, impitoyables. De son art, elle a fait une plateforme pour partager son combat. Elle a touché des milliers de gens. Et probablement bouleversé des destins. Dans la vie, en revanche Nina était une femme très seule, rongée par le doute, couvant également une violence sourde. Il n’y avait aucune demi-mesure avec elle. Jamais. Nina a vécu une cruelle traversée du désert durant les années 80. Au cours de ces années, son discours s’est radicalisé encore davantage… En effet. A la ville, on pouvait par exemple la découvrir en colère, affreusement contrariée pour des motifs étranges. Je me souviens notamment de l’avoir vue à New York dans une fureur terrible, pestant contre ceux qui l’avaient dupée des années plus tôt.

INTERVIEW

Mardi, 07 juillet 2015 | Montreux Jazz Chronicle

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Sur scène, elle était encore à cette époque capable de tout. Par exemple, de se présenter au public en annonçant, fière, ou dédaigneuse: «Je suis Nina Simone. Pas Michael Jackson! Moi, on ne peut pas me dire quoi faire!». Puis elle délivrait un récital enchanteur, spirituel, bouleversant. L’instabilité: c’est ce qui la caractérisait.

«Il n’y avait aucune demi-mesure avec elle. Jamais.»

Que vous a- t-elle enseigné en tant qu’artiste? L’importance d’être fière de soi et d’affirmer son art. Et qu’importe si le monde n’est pas toujours bienveillant avec l’audace ou la différence. Nina a incarné dans sa chair et sur scène ce en quoi elle croyait. Il reste d’elle une figure remarquable et d’une beauté particulière, qui a survécu à un environnement – l’Amérique des années 60 - où affirmer sa négritude était un choix risqué. Combien ont préféré se taire et se dissimuler plutôt que de subir les coups. Mais esquiver ou se préserver, cela, Nina en était incapable.

Nina’s views became stronger after her tough experiences and trials in the 1980s. You would generally find her in an awful state around town. She’d be really upset for bizarre reasons. I remember seeing her once in New York; she was fuming, ranting about those who had mistreated her in the past. Back then, anything could happen when she was on stage like saying proudly, or disdainfully, to the audience at the beginning of a gig, “I am not Michael Jackson, I am Nina Simone, you can’t tell me what to do.” Then she would give some sort of enchanting, spiritual and moving

reading. She was instability personified. As an artist, what have you learnt from her? It’s important to be proud of who you are and assert your talents; who cares if the world isn’t cool with your pride or even just the fact you’re different.

“There were never any half measures with her, ever.” Both on and off stage, Nina personified what she believed in and is remembered as a remarkable woman with a certain beauty, who survived 1960s America, when asserting your black identity had its consequences. How many preferred to keep quiet and do as they were told to save their skin? For Nina, keeping her head down was as good as sin.


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© 1979 FFJM-Dany Gignoux

Tuesday, 07 July 2015 | Montreux Jazz Chronicle

ON THIS DAY

Albert Collins - 07 July 1979 F Oh ce qu’elles furent difficiles, ces dernières années, Albert. Passé le Blues Revival à la fin des années 1960, tu retombes dans l’oubli. La musique ne nourrit plus ton corps et tes ambitions, tu retrouves un job dans le bâtiment, ta Telecaster se recouvre d’ennui et de poussière. Heureusement, ta femme efface la flemme et ravive ta flamme. Fin 1970, tu resplendis à nouveau ; le capo en haut du manche, les bends tendus comme un slip. Les femmes t’adulent, les moustachus lubriques te désirent. Alors oui, tu peux l’avoir ce regard serein, le futur sera rayonant, Iceman.

E Boy, the years haven’t been kind to you Albert. When the Blues Revival of the late 60’s came to an end, you fell into obscurity. Music was no longer the focus of your passions, so you went back to working in construction while your Telecaster slowly gathered dust and got bored. Fortunately, your wife swept away the laziness in you and rekindled the flame. By late 1970, you were back with the capo high on the fretboard and pulling the bends tight like a catapult. Women idolised you and lustful moustachioed men desired you. So yes, Iceman, you deserve your calm look since the future is the future is bright.

Retrouvez la rubrique #OTD sur Instagram et Twitter @montreuxjazzfestival @montreuxjazz

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CHF

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«NINA EN SON ROYAUME»

Héritières naturelles de l’oeuvre de Nina Simone, Dianne Reeves et Lizz Wright convoquaient son essence à Montreux lors d’un concert en 2009 Par David Brun-Lambert

READ

Nina Simone, roman, Gilles Leroy, Mercure de France, 2013 F Texte bouleversant dans lequel Gilles Leroy, Prix Goncourt 2007 pour Alabama Song, se met dans la peau de Nina, relatant ses derniers jours dans un monologue déchirant. Malade, amère, depuis longtemps déchue de son trône, la diva se penche froidement sur la course folle que fut sa vie: de triomphes en ruptures, le portrait d’une femme au supplice. E Gilles Leroy, winner of the 2007 Prix Goncourt with Alabama song, tells Nina Simone’s story through the singer’s eyes in this very moving text. Ill, bitter and toppled from her throne, the diva coolly examines her chaotic life through the tattered triumphs of a tortured woman.

LISTEN

Nina Simone 1968 -The Essentials-, Montreux Jazz Festival - RTS F Le concert légendaire donné par Nina lors de sa première visite au Montreux Jazz Festival en juin 1968. Alors au sommet de sa carrière discographique et déjà ouvertement impliquée dans la lutte pour les droits civiques, la pianiste alternait en instants suspendus et brûlots soul. Un double vinyle comme un document de premier plan.

2009

JULY 13 Montreux Casino

JULY 11 Hommage to Nina Simone, Auditorium Stravinski

E A double album featuring Nina’s legendary performance during her Montreux Jazz debut in June 1968. At a time when she was at the peak of her recording career and heavily involved in the fight for civil rights, the pianist switched between hung silences and burning soul music. A double album to showcase her career.

1990

JULY 10 Montreux Casino

JULY 03 Montreux Casino

1987

Nina épouse docile et mère éplorée. Nina cachée sous les traits d’une Violetta âbimée dans les hommes. Nina transfigurée en Pirate Jenny - la souillon meurtrière de L’Opéra de quat’ sous de Brecht. Passons sur la classe éco du groupe chargé d’accompagner cette célébration à laquelle participaient aussi Angélique Kidjo et Liza Simone (fille unique de Nina). Et disons les choses: ça sentait le sapin avant que Dianne Reeves et Lizz Wright accomplissent ce qu’on attendait sans plus vraiment l’espérer: convoquer l’essence d’une artiste d’abord venue en reine au Festival en 1968 et qui s’y dévoila naufragée huit ans plus tard. Ce qui est aujourd’hui a conserver de Nina demeure dans ces deux figures indivisibles et contradictoires. Auxquelles s’ajoutent peutêtre une dernière: une artiste glissée dans les ténèbres et progressivement devenue comme une énigme à elle-même.

1976

JUNE 16 Montreux Casino

1968

F 11 juillet 2009. Dianne Reeves et Lizz Wright partagent la scène de l’Auditorium Stravinski pour un hommage donné à Nina Simone, six ans après sa disparition. On s’étonnerait aujourd’hui d’un tribute si tardif. Car si la mémoire de l’interprète de «Feelin’ Good» est désormais partout saluée, reprise, célébrée, la curieuse vérité est qu’en cette fin de décennie son influence commençait tout juste à croître. Qui pour préssentir que bientôt, en 2015, l’ombre de Nina serait écrasante, son œuvre étudiée, sa vie décortiquée, ses combats passés relatées? Dianne Reeves probablement, qu’on rencontrait à quelques heures de ce récital. «Elle était toute la femme», jurait-elle. Durant cette nuit d’été à Montreux, on tâcha alors de révéler quelques mystères de Nina. D’abord ces fameux archétypes de femmes noires détaillés dans «Four Women», un boléro cru, comme mis à nu et achevé dans un cri. Quelles sont-elles?

GRAND ANGLE

Mardi, 07 juillet 2015 | Montreux Jazz Chronicle

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NINA SIMONE AU MONTREUX JAZZ EN 5 DATES.

«NINA’S KINGDOM»

The inheritors of Nina Simone’s legacy, Dianne Reeves and Lizz Wright, pay tribute to the singer in a 2009 Montreux concert. E On the 11th July 2009, Dianne Reeves and Lizz Wright shared the Stravinski stage to honour Nina Simone, six years after her death. Nowadays, such a late tribute may seem surprising, but the truth is that even if the ‘Feeling Good’ singer’s memory is now honoured, rerun and celebrated, her influence had only started to spread as the decade reached its end. With the possible exception of Diane Reeves whom we met only hours before the show, who could have predicted that Nina would have such a compelling legacy come 2015? Her work is studied, her life is dissected, and her troubled past is discussed. She used to swear “she was womanhood”. Over the course of that summer evening we set about getting to the bottom of some of Nina’s mysteries. We started with the famous archetypes of black women described in “Four Women,” like a crude bolero stripped bare and finished with a scream. Who are they? Nina was first both the tame wife and teary-eyed

mother; a Violetta wrecked by men, before finally becoming Pirate Jenny, the slovenly woman from Brecht’s Threepenny Opera. Let’s look at the group responsible for the celebration that Angélique Kidjo and Liza Simone (Nina’s only daughter) also took part in. To be honest, it was on its last legs before Dianne Reeves and Lizz Wright had accomplished what we were expecting without knowing it. In other words, we were all searching for the essence of an artist, who’d already been crowned queen of the Festival in 1968, and shown us her true metal when eight years later she fell from grace. What’s left of Nina today are her two inseparable yet contradictory personas, to which we can also add the artist who fell into obscurity and gradually became an enigma.


Bast ia n, y our dev

2015

M

Sam Smith Montreux Palace Suite ??? , Av. Claude-Nobs 2 H 1820 Montreux - C

ote d fa n

POSTCARD

Bast ia n, t on fa n.

juillet

Switzerlan d

vo mil eq Je t’avais en û le recevoir. J’espèr i le garçon transi au ly One). Mais d n ra s O a se e p h je s T : ’a t b n o a L N ce Tu s ce soir au bien qu’I’m Awards g râ reconnaîtra rçons transis (je sais rté quatre Grammy ble en le o u a p g T u as rem en ferai gag ner le do y Me Down! les autres t’ i différent. , La moi, je sera i a brisé ton cœur? Je le dis si bien). Sam te ta voix et u tu ua q o e t i m u ja q u m l o g co ie au ues, ort , le m (Restart, p t p n u a S d u x de tes jo e o le if m L el o n m to e le tr raccom e ê tr x ê Je veu x e! Je veu Stay with M recueille ton souffle. a x dans tes cheveu x. w i u la q t e ro le mic sourcils joins-moi. exe de tes re fl n r, o ve rc o L ci r le ou m, Leave Y Ce soir, Sa h, r Sam Smit e you still haven’t seen a e d y m , ayb L ab am Sam, my Smy number on T witter,rdbuyot um’ll recognise me aetmthoest k li u ca e I inboxed yo hope by reading this are glued to the st ag l be mesmers o’l ,I it. A nyhow e the boy whose eye not the only one wh e your heart b m k I’ ll ro I’ w b o t: o n h h k ig w (I n t to e as s. The ra the crowd er u w in tw ic in th o yo ys e o ve th b a h to d t ! I’ other t en w u er o b y Me D n mmys, I’ll be diff rt. Sam, La eetness in four g ra ised). But ta w es u R yo a d y, e elp y sa e sw may have h ng it; as you so rightl upport you need, th t to be the n eS xi a if fi w L y I e b . y th es n e a ss b m hair. ath care want to re I b a x in your e! r w u M e h yo it th e n d o n h a p s Stay W w ro ic ro e, the m of your b in your voic ur cheeks, the arch d take my hand. n yo a in r, s ve le o dimp Your L am, Leave S t, h ig n o T

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ith, phone. m, Sam Smitter avec mon numéro deeettéqléue tu me a S n o M , Sam cette cart ieu de tous x sur T w ue tu liras yé un inbo

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IMPRESSUM Published by Fondation du Festival de Jazz de Montreux Creative Content 2M2C / Avenue Claude Nobs 5 / 1820 Montreux Switzerland www.montreuxjazz.com CEO Mathieu Jaton Project Coordinators Marine Dumas Isabel Sánchez Editor-in-chief David Brun-Lambert Project Assistant Thibaud Mégevand Editorial Secretary Renata Vujica Contact chronicle@mjf.ch

Contributing Editors David Brun-Lambert, Salomé Kiner, Laurent Küng, Thibaud Mégevand, Eduardo Mendez, Steve Riesen Photographers FFJM : Vincent Bailly, Daniel Balmat, Mehdi Benkler, Alain Betex, Marc Ducrest, Lionel Flusin, AnneLaure Lechat, Damien Richard GM Press : Georges Braunschweig, Edouard Curchod, Inès Galai, Lauren Pasche Maison de disques : EMI, Musikvertrieb, Phonag, Sony, Universal Music, Warner

Advertising Mathilde Blandin, m.blandin@mjf.ch Designed by eikon Wilhelm Kaiser 13 / 1700 Fribourg / Switzerland www.eikon.emf.ch/anthracite Art Director Joackim Devaud Graphic Designer Lea Berchtold

Infography Thibaud Mégevand et Freepik (Creative Commons)

Layout Composers Emilie Renevey, Nicolas Nydegger

Translators Sandra Casas, Marielle Jacquier, Louise Fudym John Powell, Emma Harwood, Tiago Brissaud

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Printed by PCL Presses Centrales SA Av. de Longemalle 9 CH - 1020 Renens

F  Le Chronicle est plus beau dans les mains d’un lecteur plutôt qu’au sol. E  The Chronicle looks better in a reader’s hand than on the floor.

Tuesday, 07 July 2015 | Montreux Jazz Chronicle

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Parmigiani_HQ • Visual: Tonda 1950 MOP • Magazine: Chronicle Juillet_15 (CH) • Language: English • Doc size: 234 x 320 mm • Calitho #: 06-15-109423 • AOS #: PF_02006 • EB 08/06/2015


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