№6
Mercredi, 06 juillet 2016
Wednesday, 06 July 2016
Montreux Jazz Chronicle Le quotidien du Montreux Jazz Festival, 5e édition
The Montreux Jazz Festival daily newspaper, 5th edition
TONIGHT
Mogwai, Auditorium Stravinski, 05.07
PJ HARVEY
F Bijou britannique, Polly Jean Harvey est l’une des grandes figures rock des deux dernières décennies et une référence pour de nombreux artistes. Cinq ans après Let England Shake, son nouvel album est l’un des plus attendus de 2016. D’autant que quelques ficelles fascinantes de son processus créatif ont déjà été dévoilées à des grappes de chanceux. En effet, enregistré en partie en public dans un studio éphémère aménagé dans le cadre d’une installation artistique à la Somerset House de Londres, The Hope Six Demolition Project comporte onze titres aux guitares rageuses inspirés par les voyages de l’artiste. Le retour de PJ Harvey à Montreux après douze ans d’absence fait figure d’évènement incontournable.
PJ HARVEY
E Englishwoman Polly Jean Harvey
DANGER
has been a key player in the world of rock for the past twenty years, and is a reference for many artists. Five years after Let England Shake, PJ Harvey’s new album is one of the most highly anticipated this year, all the more so because some lucky souls have already had the opportunity to hear a few snippets of her creative process. Parts of The Hope Six Demolition Project were actually recorded in public, in a temporary studio set up as part of an art installation at Somerset House in London. It’s got eleven tracks of angry guitar, inspired by the artist’s travels. PJ Harvey’s return to Montreux after twelve years promises to be an unmissable event.
8 Interview : Shemekia Copeland 9 Last Night : Sigur Rós
10 50 Summers of Music : Les McCann
PJ HARVEY, Auditorium Stravinski, 20:00
75 ANS DE LIBERTÉ ET D’INNOVATION.
Réservez un test drive durant le Montreux Jazz Festival: ✆ +41 75 409 70 09 booking@jeep-mjf.com
Pour fêter notre anniversaire, profitez du Jeep® Grand Cherokee avec un Bonus jusqu‘à CHF 11 000.–, un leasing à 3,9% et 10 ans de Swiss Free Service. Découvrez nos offres spéciales pendant le festival au Temporary Store situé Quai de la Rouvenaz à Montreux. Essayez-le maintenant!
Jeep® Grand Cherokee SRT® 6,4-l-V8-HEMI®, 8ATX, 4×4, 468 ch/344 kW, catégorie de rendement énergétique G, consommation mixte: 14,0 l/100 km, émissions de CO2 mixtes: 315 g/km, prix catalogue CHF 101 950.–, moins Bonus CHF 11 000.– (Cash Bonus CHF 3 000.–, SRT® Bonus CHF 5 000.–, Stock Bonus CHF 3 000.–), prix au comptant (prix net) CHF 90 950.–. Moyenne des émissions de CO2 de tous les véhicules neufs de toutes les marques en Suisse: 139 g/km. Sous réserve de modification des prix. Offre valable uniquement sur les véhicules en stock et jusqu’à nouvel avis. Offres uniquement valables chez les distributeurs participants. Conditions valables pour tous les calculs de leasing: mensualité de leasing dès CHF 769.–, paiement extraordinaire CHF 21 308.–, durée de 48 mois, 10 000 km/an, intérêt annuel effectif 3,9% avec assurance casco complète obligatoire et assurance mensualités «Comfort» optionnelle pas incluses dans le calcul. Recommandation de prix sans engagement. FCA Capital Suisse SA. L’octroi d’un crédit est interdit s’il entraîne le surendettement du consommateur. Modèle illustré: Jeep® Grand Cherokee 75th Anniversary Edition 3,0 l CRD, 8ATX, 4×4, 250 ch/184 kW, catégorie de rendement énergétique E, consommation mixte: 7,0 l/100 km, équivalent essence: 7,8 l/100 km, émissions de CO2 mixtes: 184 g/km, prix catalogue CHF 74 850.–. Tous les prix s’entendent avec 8% de TVA incl. Swiss Free Service: jusqu’à 10 ans ou 100 000 km. Au premier terme échu. Jeep® est une marque déposée de FCA US LLC
FCA_000119-00_Jeep_Anz_Chronicle_Gran_Cherokee_210x296_V1_FR-CH_03.indd 1
30.06.16 16:02
F 1991-1993. Ces trois années coproduites par Quincy Jones furent hautes en couleur, démontrant à quel point Claude méritait bien son surnom de «Nothing Impossible». Ce sont alors mes balbutiements au Festival et je reste éblouie par l’étendue de ce qu’implique sa coordination: de l’assistante de Quincy voulant s’assurer que le vol Los Angeles-Montreux passe par l’Asie, à la recherche d’un casque professionnel pour la mise en plis de James Brown. De l’affrètement de carsstudio TV en HD venant du Japon par bateau à la coordination de l’équipe de production… Nous ne sommes que trois au bureau, le panel de nos activités est presque sans limite. Les joutes entre Claude et Quincy sont riches en surprises et en rebondissements. Rien n’est impossible pour ces deux grands enfants pourvu que la fête montreusienne soit belle et riche en rencontres inoubliables: Miles Davis partageant la scène avec Quincy en directeur d’orchestre, la soirée «from Bebop to Hip Hop». Plus que jamais, je me rends compte qu’il faut être curieux et que le plaisir vient souvent de ce que l’on ne connaît pas. Imaginer et oser sont les maîtres-mots de ces années et produisent des moments mémorables tels que les «MTV Unplugged», le concert d’Annie Lennox, celui de Sting qui initie sa carrière solo, la toute jeune Tori Amos qui commence à sortir des églises et démontre combien cette école produit des virtuoses… Vive Montreux!
STÉPHANIE-ALOYSIA MORETTI
DIRECTRICE ARTISTIQUE DE LA MONTREUX JAZZ ARTISTS FOUNDATION
TODAY'S GUEST E 1991-1993. The three really colourful years that Quincy Jones and Claude co-produced the Festival show just how Claude got the nickname “Nothing Impossible”. I had only just started at the Festival and was amazed by the amount of coordination needed. We had to deal with Quincy’s assistant wanting to ensure the flight went from Los Angeles to Montreux via Asia, finding a professional hair-styling machine for James Brown, chartering boats to bring HD TV coaches from Japan and coordinating the production team. There were only three of us in the office and the tasks were endless. Quincy and Claude’s arguments were always full of surprises and outcomes. Nothing was impossible for the two big kids. The Montreux party just had to be great and full of unforgettable moments like Miles Davis sharing a stage with Quincy as a conductor, and the “from Bebop to Hip Hop” night. Working there made me realise more than ever before that you have to be curious and that happiness often comes from the unknown. Imagine and dare were key words then. They led to many memorable moments such as the “MTV Unplugged” shows, Annie Lennox’s concert, Sting’s debut as a solo artist and the young Tori Amos who left the church scene and showed just how good her musical education was in creating talent. Long live Montreux!
COUPS DE CŒUR MONTREUX JAZZ 2016 Al Jarreau
Randy Weston Kiasmos
Marcus Miller
Compared to What revisited
CLAUDE'S COLLECTION F Il y a vingt ans cette année qu’Ella Fitzgerald nous quittait. Michaela Maiterth, programmatrice, se souvient du jour où Claude Nobs, en larmes au téléphone, lui annoncait la mort de la grande dame du jazz: «Elle ne m’a jamais rien demandé, pas même une tasse de thé.» Contrairement à Nina Simone ou Billie Holiday, divas promptes aux colères, la reine du scat et protégée de Norman Granz était toute en douceur et gentillesse. Et en malice radieuse, comme en témoigne la couverture de ce Live in Montreux, gorge offerte et regard mutin. Juillet 1977. Cet étélà, il fallait la voir, honnête comme une jeune épouse dans sa longue robe blanche, jurer à son public qu’il est le «sunshine of {her} life». Qui ne reprendrait pas un peu de baume? Salomé Kiner © Yann Gross
Main Partners
E Ella Fitzgerald passed away twenty years ago. Programme coordinator, Michaela Maiterth, remembers the day Claude Nobs phoned her in tears to tell her that the First Lady of Jazz had died. “She never asked me for anything, not even a cup of tea.” Unlike Nina Simone and Billie Holiday who were both divas and quick to anger, Norman Granz’s protégée, the queen of scat, was very kind and gentle. She was especially radiant when mischievous, as seen in her rebellious sideways glance on the cover of this live in Montreux album. She was a must-see in July 1977, when she swore to her audience that they were “the sunshine of {her} life” in a long white dress resembling that of a young bride. Who would not feel uplifted after that?
ELLA FITZGERALD WITH THE TOMMY FLANAGAN TRIO, MONTREUX '77 PABLO RECORDS - 1977
Wednesday, July 6th 2016 | Montreux Jazz Chronicle
EDITO
3
PAYING
WEDNESDAY 06.07 AUDITORIUM STRAVINSKI
PATTI SMITH AND HER BAND
MONTREUX JAZZ CLUB
MONTREUX JAZZ ACADEMY PROJECT WITH
MONTREUX JAZZ LAB MESHUGGAH
YARON HERMAN, ZIV RAVITZ, JOE MARTIN, YUMI ITO, VUYO SOTASHE, PEDRO MARTINS
SLAYER
FREE
PJ HARVEY
MUSIC IN THE PARK 14:00 COLUMBIA JAZZ BAND
FRENCH QUARTER WITH
GOLDENPASS JAZZ TRAIN
BLUE MOUNTAIN JAZZ BAND,
MACADAM JAZZ BAND
SPECIAL EVENTS
JAM SESSIONS
CASINO BARRIÈRE
18:00 UTRECHT STUDENT BIGBAND
MONTREUX MUSIC MEMORABILIA –
EXPOSITION
LOLA MARSH
22:30 VOXSET
MAIN ENTRANCE, 2M2C
16:00 BOOK BOX
THE ROCK CAVE
21:30 ASTORIAN
WORKSHOPS
23:00 FAI BABA 00:30 AFTERSHOW: ALEX ATTIAS (LILLYGOOD PARTY !)
STROBE KLUB AUDIOTHEQUE – VJING SOPHIE LE MEILLOUR 22:00 ROBEL B2B HUAZEE 00:00 BAUCHAMP (LIVE) 01:00 JEREMY UNDERGROUND 03:00 MOTOR CITY DRUM ENSEMBLE
MONTREUX GARE
11:44
11:00
HUGH COLTMAN, AIRELLE BESSON, ÉMILE PARISIEN, VINCENT PEIRANI, THOMAS ENHCO, THOMAS BRAMERIE, ANNE PACEO
16:00 CRD SWING ORCHESTRA 20:15
MONTREUX JAZZ TRAINS
Collaboration Festival Images Vevey - Montreux Jazz Festival
PETIT PALAIS
15:00 EMOTION JAM SESSION
17:00
par Prof. Dider Grandjean, Dr. Donald Glowinski, Prof. Patrik Vuilleumier, Nils Hasler & Marco Gaudina (UNIGE, CISA)
PETIT PALAIS
RICHARD BONA
MONTREUX JAZZ CLUB
F Jam Sessions improvisées après les concerts E Improvised Jam Sessions after the concerts
BAR EL MUNDO SOIRÉE LaVIVA 18:00 DJ DON PEPE
DJ RUMBA STEREO
Un événement en collaboration avec Procap Suisse
INFORMATION
F Pour toutes les informations sur les prix et mises à jour du programme, veuillez télécharger la «Montreux Jazz App»
E For information on the prices and updates on the program, please download the “Montreux Jazz App” www.montreuxjazzfestival.com
F À la publication de leur EP You’re Mine au printemps der-
nier, les éloges pleuvaient aussitôt, hissant le duo israélien au rang de «nouvelle sensation impossible à rater». On vous a déjà fait le coup dans le passé? Sauf que cette fois, c’est pour de vrai! Juré. Composé du multi-instrumentiste Gil Landau et de la chanteuse Yael Shoshana Cohen, ce beau navire pop-folk fondé à Tel Aviv enchante par son répertoire situé quelque part entre celui de The Dø, Lana Del Rey ou Moriarty. Une oreille aux tubes en puissance «On My Shoulders», «Video Games» ou encore «Jimmy», et une nostalgie ancienne vous étreint net. Miracle largement dû à la voix éraillée de Yael dont le timbre est un authentique miracle de souplesse. Après un concert bouleversant donné au Printemps de Bourges et une tournée européenne marquée par plusieurs triomphes récoltés sur les scènes parisiennes, Lola Marsh offre cette fois sa classe à Montreux: instant sorcier mémorable que l’on serait bien sot de bouder.
LOLA MARSH
HIGHLIGHTS
E Their You’re Mine EP received accolades galore as soon as it was released last spring, and made the Israeli duo the “new unmissable sensation”. We may have said something similar before, but this time it’s true! I swear. The multi-instrumentalist, Gil Landeau, and singer, Yeal Shoshana Cohen, delight their audience with their Tel-Aviv-born pop-folk music that hints at The Dø, Lana Del Rey and Moriarty. Just listening to the first seconds of their powerful songs, “On My Shoulders”, “Video Games”, and even “Jimmy” is enough to bring back old nostalgia. Yael’s husky voice is just so naturally flexible that the miracle just happens. After a mind-blowing concert at the Printemps de Bourges festival and huge success in Paris during their European tour, Lola Marsh is bringing its style to Montreux. Only a fool would miss such an enchanting and memorable moment. LOLA MARSH 06.07.2016 - 20:15 - FREE Music in the Park
Pour la 50e édition du Montreux Jazz Festival, le restaurant le Trio vous invite dans un cadre avec une vue imprenable sur les quais du festival et sur le lac Léman. Tous les produits proposés et travaillés sont frais du jour et issus de l’agriculture vaudoise afin de vous offrir une réelle expérience culinaire au sein de ce mythique Festival de Jazz.
Pour toutes réservations veuillez contacter Benjamin Thouvenin, responsable du Restaurant, par e-mail (restaurant@mjf.ch) ou par téléphone (021 966 45 65)
Wednesday, July 6th 2016 | Montreux Jazz Chronicle
5
Selwyn Birchwood Montreux Jazz Club
Aurora Montreux Jazz Lab
PORTFOLIO JULY 5TH 2016
RY X Montreux Jazz Lab
Mogwai Auditorium Stravinski
M83 Montreux Jazz Lab
Sigur Rรณs Auditorium Stravinski
Shemekia Copeland Montreux Jazz Club
Mercredi, 6 juillet 2016 | Montreux Jazz Chronicle
8
SHEMEKIA COPELAND Fille du bluesman texan Johnny Copeland, la chanteuse a le blues dans le sang. Elle se produit sur scène depuis ses huit ans et perdure cet héritage avec une voix digne des plus grandes.
INTERVIEW
Propos recueillis par Steve Riesen
F Qu’est-ce que vous ressentez en revenant
à Montreux? Sérieusement?! Tout à l’heure, quelqu’un m’a dit «oh, c’est dommage, le ciel est un peu couvert…». Je m’en fiche! C’est la Suisse, c’est Montreux, qu’importe s’il neige! C’est magnifique, j’ai toujours adoré cet endroit. La dernière fois, j’étais sur scène avec Bonnie Raitt, c’était cool. Et par le passé, j’ai pu chanter avec Santana et B.B. King. Montreux m’a offert plein de belles choses, qui resteront avec moi pour toujours. Vos albums contiennent peu de classiques du blues. Ça vous tient à cœur de chanter ce style au travers de nouveaux titres? Je reviens toujours aux classiques. Mais même si je les aime plus que tout, je veux faire évoluer et grandir le blues afin qu’il demeure pour toujours. Ça implique de dépasser ma zone de confort. Je trouve qu’aujourd’hui, plus que jamais, il y a plein d’artistes incroyables qui prennent le relais. Ça me plaît de voir de jeunes artistes chanter le blues, sous une forme ou une autre. Le blues est partout, dans tout ce que l’on écoute!
«Je veux faire évoluer et grandir le blues.» Le blues, c’est avant tout des chansons sur l’amour et le sexe, mais vous traitez de problèmes très graves… Oui. Il y a tellement de morceaux qui traitent d’amour et de sexe, c’est fou! Tout le monde aime les chansons d’amour, c’est clair, mais j’ai passé ce cap. J’ai envie de faire des choses différentes. Je parle d’hypocrisie religieuse, de violence domestique et de viol par les proches. Où je vis, ça arrive fréquemment. Je ressens le besoin de chanter tout ça. Hormis votre père, quels sont les artistes qui vous influencent le plus? Aïe! Koko Taylor m’a beaucoup influencée, bien évidemment. Ruth Brown aussi. Mais ils ont été tellement nombreux à m’inspirer au cours de ma carrière! James Cotton, Dr. John ou Buddy Guy, qui était ici avant-hier. Ils ont tous été gentils avec moi. Et B.B. King, j’ai passé beaucoup de temps avec lui en tournée. Jamais je n’ai pensé qu’on le perdrait. C’est dur, surréaliste.
Blues runs in the Copeland family. As the daughter of Texan bluesman Johnny Copeland, Shemekia Copeland has sung on stage since she was eight and continues to make her family proud with her great voice. Interview by Steve Riesen
E How does it feel to be back in Montreux?
Are you kidding me? Somebody was telling me earlier “oh you know, it’s a little overcast…”. I was like “who cares! This is Switzerland, it’s Montreux, I don’t care if it’s freaking snowing!” It’s beautiful; I’ve always loved this place. Last time I was here, I was on stage with Bonnie Raitt, which was cool. Before that, I was with Santana and B.B. King. I’ve done a lot of great things here that will go with me for the rest of my life. Montreux’s been good to me. You don’t sing a lot of blues standards in your albums. Is it important for you to share new songs in this style? I always tend to go back to the old stuff. But as much as I love the classics more than anybody, I want to see this music grow and evolve, so that it can be around forever. For that to happen, I try to go beyond what I’m confortable with. I think, now more than ever, there are a lot of great artists coming up. I’m so happy because young artists are singing the blues or some form of it. I mean, there’s blues in everything you hear, anyway!
“I want to see this music grow and evolve.” There are a lot of songs about love and sex in the blues, but you talk about very serious issues… Absolutely. There are so many songs about love and sex, it’s crazy! Everyone loves a good love song, but I’m pretty done with that. I want to do different things. I’m singing about religious hypocrites, domestic violence and date rape, which happens a lot where I live. It’s important to me to sing about all of this. Aside from your father, who are the artists who influenced you the most? Oh boy… Koko Taylor was a big one, of course. Ruth Brown as well. But there are so many others that have affected me over the years. James Cotton, Dr. John or Buddy Guy who was here the other day. They were all very good to me. And B.B. King… I spent so much time with him on the road… I never imagined a world without him. It’s surreal. It’s hard.
MOGWAI
AUDITORIUM STRAVINSKI
F Les membres du groupe sont tapis dans l’ombre, à la façon d’un pianiste de film muet. Sur l’écran, un film retrace l’histoire de la bombe atomique. Mogwai nous propose un regard lourd et froid sur le XXe siècle, à la limite de la dystopie. Mais c’est bien de notre histoire qu’il s’agit. Les images d’archives, dignes d’un documentaire d’Arte, nous montrent les conséquences terribles d’Hiroshima. Le dernier album du quatuor écossais, Atomic, est maîtrisé au millimètre près, se muant en bande son épique pour l’occasion. On se rappelle la série Les Revenants et le film The Fountain, dont les bandes originales étaient signées par les Écossais. Leur performance d’orfèvre sonore est toujours aussi pointue, étourdissante. Seul hic: Atomic est un album avant d’être une bande son. Les images nous enlèvent une précieuse liberté d’imagination et les voix off du documentaire masquent parfois trop les harmonies lancinantes du groupe. Mais au final, le public aura vécu une expérience émotionnelle singulière, que seul Mogwai est capable de procurer. Steve Riesen
SIGUR RÓS
AUDITORIUM STRAVINSKI
F Le concert n’a pas encore débuté que l’on s’entend déjà pousser un «wouah»! Une scène magistrale remplie de LED, de projecteurs et autres structures géométriques. 22h15: Sigur Rós apparaît entre deux écrans. Le trio islandais se confond avec des images projetées. La musique est minérale, la voix cristalline et les visuels se jouent de notre rétine. Après cette introduction, le premier écran se lève, les trois musiciens s’arment de leurs instruments et quatre, trois, deux, un: les quatre mille spectateurs du Stravinski prennent une claque sonore monumentale! Cette énergie nous prend par les tripes et l’on s’accroche à cette voix si fragile et vertigineuse qu’on ne lâche plus. On oublie tout, on ferme les yeux, les cœurs battent au rythme de la grosse caisse, on ne fait plus qu’un. Si par malheur le voisin nous bouscule et nous ramène à la réalité, le spectacle visuel nous replonge immédiatement dans cet univers élégiaque. En sortant du concert le public est unanime: «concert énooooorme!»; «oh mon dieu c’était magnifique, je vais pleurer», «un truc de malaaade!». Vrai. Et effectivement, pour chacun au Stravinski ce soir, il y eut un avant et un après Sigur Rós. Eduardo Mendez
E The band was hidden in the shadows, as if a pianist in a silent film. The
history of the atomic bomb was retold on screen. Mogwai’s view of the 20 th century is severe, cold and almost dystopian, but that is our history. They used archived images worthy of an Arte documentary to illustrate the terrible consequences of Hiroshima. The Scottish quartet mastered their latest album, Atomic, both musically and effect-wise. Their concert thus turned into an epic soundtrack that matched the images shown on screen and reminded us of the music they created for the French series, The Returned, and the film, The Fountain. Their state-of-theart sound work was just as refined and stunning in concert as it was on film. The only hiccup is that Atomic is first and foremost an album, not a soundtrack. The images somewhat killed our imagination and the documentary voice-over sometimes muffled the group’s haunting harmonies. At the end of the day, however, the crowd experienced a particular mix of emotions that only Mogwai knows how to create.
E The concert hadn’t even started yet, and “wows” were already erupting
from the crowd. The remarkable stage was filled with LED lights, projectors and other geometric structures. At 10:15 pm, Sigur Rós appeared between two screens. The Icelandic trio merged with the projected images to become one and the same. Their music was fresh, their voices pure and the visuals played tricks on our eyes. After the introduction, the first screen was raised to reveal the three musicians and their instruments. Four, three, two, one, the Stravinski’s four thousand spectators were hit with a monumental bang! We were lost in the energy and forced to hold onto the breath-taking and fragile voice for dear life. We forgot everything, closed our eyes and let our heartbeats become one with the drum. Even if someone shoved us back to reality, the amazing visuals soon transported us back to the elegiacal universe. As the hall started to empty, everyone was under the same spell. “What a concert!”, “oh my god, that was so amazing I’m going to cry”, “that was sick!”. Too true. No one who was at the Stravinski tonight will ever be the same again after Sigur Rós.
Wednesday, July 6th 2016 | Montreux Jazz Chronicle
LAST NIGHT
9
Mercredi, 6 juillet 2016 | Montreux Jazz Chronicle
10
LES MCCANN
50 SUMMERS OF MUSIC
«
PROPULSER MONTREUX SUR LA CARTE DU MONDE F Mon producteur chez Atlantic Records a eu l’idée de nous réunir, Eddie
Harris et moi, pour enregistrer un Live in Montreux. J’adorais la musique d’Eddie, on n’était jamais au même endroit au même moment, l’occasion était parfaite. On est arrivés en Suisse. Eddie m’appelait «le gros». Il m’a défié au basket et il a vu que je pouvais encore bouger mon cul. Je l’ai terrassé. Mais on n’avait pas que ça à faire. Il nous fallait trouver absolument un trompettiste. Clark Terry était là. La seule chose qui l’intéressait, c’était de savoir combien il allait être payé. On a préféré chercher quelqu’un d’autre. C’est tombé sur Benny Bailey qui était ravi d’enregistrer un disque. Franchement, rien n’était prévu. C’était une énorme jam. À la fin du concert, j’avais les nerfs. Le groupe avait merdé. Personne ne jouait juste, les musiciens ne s’étaient même pas pointés à la répétition. Je suis retourné à l’hôtel et j’ai appelé ma femme pour me lamenter. Elle a essayé de me rassurer: «Si j’étais toi, je ne m’angoisserais pas. Vous êtes des professionnels.» J’ai à peine eu le temps de poser le combiné que le téléphone sonnait de nouveau. C’était mon producteur. Je lui ai dit d’aller se faire voir parce que le concert avait été un naufrage. Il m’a convaincu d’aller écouter les bandes. Je suis tombé par terre. La puissance de la musique écrasait toutes les petites fautes. On ressentait l’énergie de la salle, la présence d’Ella Fitzgerald qui nous donnait une ovation au premier rang. C’était une grande leçon. J’ai compris qu’il valait mieux que je ne sois pas trop strict dans mes arrangements, que je laisse de la place aux musiciens. J’ai compris qu’il y avait une magie de l’instant. La même nuit, un type m’a suivi partout en me disant qu’il aimait ma musique. Il était complètement imbibé. J’ai remarqué qu’un tas de billets dépassait de sa poche. Comme je suis un fameux pickpocket, je lui ai tiré son cash. Je me suis dit que ça l’empêcherait de boire encore. Mais la police a fini par débarquer dans ma chambre. J’ai rendu le magot et Claude Nobs m’a évité de finir au violon.
...
THE MAN WHO PUT MONTREUX ON THE MAP
E My producer at Atlantic Records had the idea of getting me and Eddie Harris together to record a Live in Montreux. I loved Eddie’s music, but we were never in the same place at the same time. It was a perfect opportunity. We got to Switzerland. Eddie called me fat - I have been big all my life- but I beat the shit out of him at basketball. Still, we had other problems. We needed a trumpeter. Clark Terry was there. All he wanted to know was how much he’d be paid. We decided to find someone else. We got Benny Bailey, who was really happy to be making a record. Honestly, none of this was planned. It was a huge jam. At the end of the show I was nervous. The group messed up. They didn’t play the right notes, musicians didn’t show up at the rehearsal. I went back to the hotel and called my wife for a moan. She tried to reassure me: “If I was you, I wouldn’t worry too much because you are professionals.” I’d only just put the handset down when it rang again. It was my producer. I told him he’d better kiss my ass because the show had been a disaster. But he talked me into going to hear the tapes. It was mindblowing. The power and energy were bigger than the mistakes. You could feel the electricity in the room, the presence of Ella Fitzgerald in the front row, giving us an ovation. It was a real lesson. I realized that it was better not to be too strict with my arrangements, to let the musicians do their own thing. I understood the magic of the moment. That night there was this guy following me all over the place, telling me that he loved my music. He was completely over his head. I noticed he had money sticking out of his pocket, big money. I’m a famous pickpocket so I took his money. I told myself it would keep him from drinking any more. Later, though, the police came to my room. I gave back the dough and Claude Nobs made sure I didn’t end up in the can.
50 SUMMERS OF MUSIC
À LIRE →
Textes d'Arnaud Robert (en collaboration avec Salomé Kiner) Coédition Montreux Jazz Festival et Editions Textuel Texts by d’Arnaud Robert (in collaboration with Salomé Kiner) Co-published by the Editions Textuel and Montreux Jazz Festival
CHF 69.-
Disponible à la boutique Festival ou sur www.montreuxjazzshop.com
...
»
← TO READ
IMPRESSUM Published by Fondation du Festival de Jazz de Montreux Creative Content 2M2C / Avenue Claude Nobs 5 / 1820 Montreux Switzerland www.montreuxjazz.com
PRINCE – 2013
CEO Mathieu Jaton
HEROES
Project Coordinators Marine Dumas Isabel Sánchez Editor-in-chief David Brun-Lambert Project Assistant Thibaud Mégevand Editorial Secretary Lucie Gerber Contact chronicle@mjf.ch Contributing Editors David Brun-Lambert, Alexandre Caporal, Salomé Kiner, Eduardo Mendez, Steve Riesen, Arnaud Robert Photographers Daniel Balmat, Mehdi Benkler, Marc Ducrest, Lionel Flusin, Emilien Itim, Anne-Laure Lechat Translators Bridget Black, Sandra Casas, Emma Harwood, Marielle Jacquier, Amandine Lauber Printed by PCL Presses Centrales SA Av. de Longemalle 9 CH - 1020 Renens Advertising Kevin Donnet, k.donnet@mjf.ch Designed by eikon Wilhelm Kaiser 13 / 1700 Fribourg / Switzerland www.eikon.ch
© 2013 FFJM - Marc Ducrest
F Six ans plus tôt, on chialait sur «Sometimes It Snows in April» joué torse nu et Telecaster au poing en final d’un premier concert hors de toute proportion. En près de trois heures et vingt titres, Prince avait résumé un siècle de musique afro-américaine, disant la rugosité du jazz, le venin du funk bayou, les saillies du swing électro ou le furibard du rock’n’roll. Une question s’imposait dès lors: pourquoi avoir attendu si longtemps avant de se produire ici? «The Artist» lui-même dut buter sur la question, visitant ensuite le Festival à deux reprises – et avec la manière! 2009: Prince offrait un 18 juillet deux concerts coup sur coup au Stravinski, crucifiant qui respirait encore par un «Purple Rain» stellaire. «Encore!» on gueulait. Mais lui qui s’éloignait. Et pour quatre ans. Quatre années pour méditer ce qui allait être le legs offert par le chanteur à Montreux: soit une suite de shows égrenés entre les 13 et 15 juillet, dont un sous pavillon Larry Graham Central Station. Trois nuits durant lesquelles ce fut Prince impérial, Prince en conquête, Prince chez lui. Aussi: Prince fait humble lorsqu’il saluait ses héros personnels (Miles, Marvin, Sly, George Clinton…) qui, tous, l’avaient précédé ici. David Brun-Lambert
Director Nicolas Stevan Art Director Joackim Devaud Graphic Designer Manuel Schaller Layout Composers Nadine Schneuwly, Nicolas Nydegger, Manuel Schaller
E Six years earlier, we were crying as he held his Telecaster and played “Sometimes It Snows in April” bare-chested at the end of his first, out-ofthis-world concert. Prince had covered a century of African-American music in three hours and twenty songs, in other words he had created a combination of rough jazz, poisonous bayou funk, witty electro swing and furious rock’n’roll. You just had to ask yourself what took him so long to perform here? The Artist himself must have thought the same thing, as he came back to the Festival in style twice more! On 18 July 2009, Prince ended two back-to-back concerts at the Stravinski with a breath-taking rendition of “Purple Rain” that finished off those still standing. Despite cries of “Encore!”, he left and stayed away for four years. The four years it took him to plan a series of shows, one of which involved Larry Graham Central Station, from 13-15 July and turned out to be his bequest to Montreux. On all three nights, Prince had been a king, a conqueror, and above all, at home. He had humbly greeted his personal heroes, Miles, Marvin, Sly, George Clinton and others who had all been here before him.
Retrouvez tous nos numéros sur issuu.com/montreuxjazzchronicle Suivez nous sur les réseaux sociaux facebook.com/montreuxjazzfestival twitter.com/MontreuxJazz
F Le Chronicle est plus beau dans les mains d’un lecteur plutôt qu’au sol.
E The Chronicle looks better in a reader’s hand than on the floor.
Wednesday, July 6th 2016 | Montreux Jazz Chronicle
11
Š UBS 2016. All rights reserved.
Listening together At the unique Montreux Jazz Festival. ubs.com/montreuxjazzfestival
6K_0006_UBS_MJF_Chronicle_210x296_EN-US_v1.indd 2
14.06.16 10:05