Journal de grève du Cégep de Drummondville

Page 1

e t s i v Gré

Une création du comité médias du mouvement de grève du cégep de Drummondville

Photos : Alexandre Jacob Roussel, cégep de Drummondville

À l’intérieur : de l’informations et des opinions quant à la hausse des frais de scolarité

Une manif réussie le 6 mars dernier à Drummondville


2

La grève à Drummondville

Trois semaines de grève plus tard Par Stéphanie Proulx Eh oui, le temps passe vite, c’est bien connu. Près de trois semaines se sont écoulées depuis

lesquelles les débats concernant la hausse ont été omniprésents dans nos vies. Trois semaines pendant lesquelles un noyau d’une centaine de grévistes s’est profondément engagé dans cette cause pour gagner l’appui de la population.

Photo : Alexandre Jacob Roussel, cégep de Drummondville

le premier vote de grève. Trois semaines pendant

Depuis quelques semaines, on dit souvent des cégepiens qu’ils sont en vacances. C’est le cas

Le mardi 6 mars, cette manifestation, qui

Tout au long des trois dernières semaines, les

pour certains étudiants, mais il ne faut pas non

avait pour thème les funérailles de l’éducation

étudiants du Cégep de Drummondville – mais

plus tomber dans la généralisation abusive. Le

accessible, s’est déroulée de manière exemplaire.

aussi ceux de partout au Québec – ont cherché à

Cégep de Drummondville a bougé depuis qu’il

Plus de 250 personnes – des professeurs, des

faire monter la pression par l’entremise de diverses

est en grève. Des activités de mobilisation ont été

étudiants et des parents – étaient présents pour

tactiques : manifestations, tournées d’information,

organisées à chaque jour – ou presque ! – pour

décrier non seulement la hausse des frais de

lettres aux journaux et au gouvernement,

dénoncer la hausse des frais de scolarité.

scolarité, mais aussi cette direction que prend la

pétitions… Un véritable mouvement de masse

société québécoise en réduisant l’accessibilité aux

s’est créé. En date du 20 mars, plus de 200 000

Matchs d’impro, tournée des écoles secondaires,

études postsecondaires. Les manifestants ont,

étudiants à travers la province sont en grève.

marathon, « talent show », yoga, discussions à

entre autres, sillonné les rues St-Pierre, Heriot,

Nous, étudiants du Cégep de Drummondville,

saveurs politique, philosophique, économique et

St-Georges et le boulevard St-Joseph, avec un

ne sommes pas seuls. Ce n’est pas le moment

historique, les étudiants n’ont pas attendu d’être

slogan particulièrement percutant aux lèvres : «

de courber l’échine. Au contraire, c’est plus que

de retour en classe pour continuer à apprendre.

Un peuple instruit, jamais ne sera vaincu. »

jamais le temps de garder le cap et de rester debout pour affronter la tempête.

Et outre ces initiatives qui ont surtout fait des vagues au sein des grévistes eux-mêmes, une manifestation a également été organisée pour

les rues de Drummondville, les étudiants ont voulu montrer que leur combat ne touche pas uniquement les gens qui vont à l’école à l’heure actuelle. Ils désiraient faire prendre conscience à la population que le débat qui se joue sur la place publique les concerne tous.

Photo : Alexandre Jacob Roussel, cégep de Drummondville

promouvoir le mouvement. En marchant dans

Il n’y avait pas que des étudiants à la manifestation drummondvilloise.


Avancer

3

Trop tard pour reculer

semaines n’ont été qu’un réchauffement en vue

défaveur de la grève générale. Le sujet de la

de la vraie bataille.

hausse des frais de scolarité est devenu un débat émotif où tout le monde a quelque chose à dire.

croyance en l’éducation accessible, elles n’osent pas se manifester contre cette décision. Pourquoi ces gens ne font rien? La peur.

La peur est une arme redoutable, et nos dirigeants la maîtrisent parfaitement. On nous menace d’annuler la session, on nous a menacés

Étudiants du cégep de Drummondville, que Photo : Alexandre Jacob Roussel, cégep de Drummondville

Charest. Elles n’osent pas faire valoir leur

même après la grande manifestation, alors là,

risque de perdre s’il ne recule pas. Ces dernières

affluvent des deux côtés, autant en faveur qu’en

pas foncer dans ce mur qu’est le gouvernement

pris peur. Cependant, si le mouvement perdure

vrai. Ce n’est pas qu’une session d’études qu’il

Des arguments, parfois plus ou moins valides,

il reste que beaucoup de personnes n’osent

gagné son pari : les étudiants auront effectivement

c’est le gouvernement qui aura peur. Et peur pour

Par Olivier Dénommée

Si on se dit que ce combat en est un de société,

abandonne maintenant, le gouvernement aura

vous soyez pour la grève ou contre la grève, voire pour la hausse des frais de scolarité… nous sommes aujourd’hui tous dans le même bateau: notre session est en partie compromise. Nous avons déjà perdu deux semaines de cours, en plus de notre relâche. Si nous reculons, on aura vraiment juste perdu tout ça, pour ne rien gagner en retour. Mais si on assume qu’on prend un « On avance, on avance, on ne recule pas! »

risque calculé pour que ce soit le gouvernement qui plie et qu’on fonce malgré les menaces, on aura fait ce sacrifice pour gagner quelque chose.

de nous retirer notre semaine de mise à jour, on

les centrales syndicales appuient maintenant

dépeint les grévistes comme des gens violents

Attention, voici une métaphore : après le 22, les

officiellement la masse étudiante, et même une

et inconscients dans les manifestations… Rien

deux véhicules idéologiques vont rouler face à

école secondaire se joindra à la manifestation de

pour donner envie à un militant timide de quitter

face à pleine vitesse… reste à savoir lequel des

jeudi. C’est rendu quelque chose de gros, quelque

sa confortable passivité pour se lancer dans cette

deux va « avoir la chienne » le premier et changer

chose que la ministre Beauchamp ne pourra pas

guerre aux frais de scolarité qui s’annonce tout

de direction.

ignorer. Malgré tout, elle maintient son discours

sauf gagnée. Tout sauf gagnée? La donne a peut-

et ne bouge pas d’un poil, même si jamais le

être changé en faveur des étudiants…

mouvement anti-hausse n’a été aussi fort.

Plus forte que notre peur, notre volonté va nous guider vers une société un peu plus juste pour tous si on y croit jusqu’au bout. « On avance!

Cela va faire trois semaines que le cégep de

Une des craintes que l’on a tous au fond de nous,

Drummondville a joint le mouvement de grève,

On avance! On ne recule pas! », crient certains

c’est de ne pas savoir ce qu’il adviendra de notre

qui était lui-même entamé depuis quelques

manifestants. Même si Line Beauchamp a des

session. Elle est légitime et parfaitement normale,

semaines auparavant. Le nombre d’étudiants

bouchons dans les oreilles, elle n’aura plus

cette crainte. Mais en trois semaines de grève à

québécois en grève a dépassé le cap des

le choix de l’entendre lorsque tout le monde,

Drummondville, il y a une chose que j’ai réalisé:

200 000, en vue de la manifestation nationale

collectivement, le lui criera. Plus on est nombreux,

après tout le chemin qu’on a fait, ici et ailleurs au

du 22 mars prochain à Montréal. Les profs et

plus on est forts, plus elle devra se rendre

Québec, on n’a plus le choix d’avancer. Si on

rapidement à l’évidence.


4

Historique

Il était une fois...

L’éducation au Québec

Par Véronique Hamel

un rôle important dans cet état des choses, mais le principal reste l’accessibilité aux études. Soit que les études coûtent trop cher pour la famille, soit que les parents des milieux ruraux décident de garder leurs enfants à la maison ou à la ferme pour permettre

Malgré notre belle devise nationale, je me

et gérés par des religieux. C’est là que l’on

à la famille de subsister. Les filles, pour leur part,

souviens, les Québécois ont une fâcheuse

forme l’élite intellectuelle et le futur clergé

étaient souvent gardées à la maison pour aider

tendance à avoir la mémoire courte. Notre

de la province. Les collèges classiques se

aux tâches ménagères et apprendre à devenir une

histoire n’est vieille que d’à peine quatre

multiplieront et perdureront jusqu’en 1966, où

bonne femme au foyer. Je suis bien contente de ne

centaines d’années, mais la condition des

l’on en dénombrera 98 à travers la province!

pas vivre à cette époque!

Québécois, entre le XVIIe siècle et aujourd’hui, a fait un saut prodigieux en avant, tant dans

Ensuite, on assiste, en 1663, à la naissance

La situation étant loin de s’être améliorée, en 1960,

le domaine de la santé qu’en économie et en

de la toute première « université » canadienne:

ce n’est que 63 % des enfants francophones qui

éducation. En ces temps de revendication

le Séminaire de Québec, qui deviendra, en

terminent leur septième année à l’école de rang ;

étudiante, il est bon de se rappeler les grandes

1852, l’Université Laval. Ce n’est que plusieurs

seulement 13 % finiront leur onzième année, ce

lignes de l’histoire de l’éducation au Québec,

anné es plus tard que d’autres universités

qui équivaut à peu près à la cinquième secondaire

afin de pouvoir mieux comprendre les enjeux

seront fondées : l’Université McGill, en 1821,

actuelle. Chez les anglophones, c’est un peu plus

de société actuels autour de l’éducation.

l’Université Bishop’s en 1843, et l’école

du triple de cet effectif, soit 36 % des étudiants, qui

Polytechnique de Montréal (la seule institution

terminent leur onzième année. Pendant près d’un

universitaire laïque à l’époque) en 1873. En

siècle, le système d’éducation des Québécois reste

Au temps de la Nouvelle-France, il n’y a

1868, une première tentative d’instauration d’un

sur place, et l’accès à l’instruction est limité. Une petite

évidemment pas de système d’éducation ni de

ministère de l’Éducation publique au Québec a

amélioration cependant : en 1961, le corps enseignant

ministère de l’Éducation à proprement parler ;

lieu. Celui-ci sera néanmoins aboli en 1875 pour

est maintenant composé majoritairement de laïcs

à peine quelques missionnaires et instituteurs

être remplacé par le Département d’Instruction

(69%), une grande première pour le Québec.

ici et là qui prodiguent leur enseignement aux

publique (DIP), formé d’un comité catholique

mieux nantis. La majorité des Canadiens

et d’un comité protestant. Et tout ce temps,

Parallèlement, plusieurs universités sont créées:

français d’alors ne sont pas éduqués et sont

l’éducation très coûteuse demeure réservée à

l’Université de Montréal, en 1878, le HEC (1907)

même, pour la plupart, illettrés.

la bourgeoisie et au clergé québécois.

et l’Université Sir John William’s (1926). Dernière

Avant 1875 : premiers balbutiements

de file, l’Université de Sherbrooke ne voit le jour Néanmoins,

petit

à

petit,

quelques

établissements d’enseignement dit supérieur

Entre 1875 et 1966 : Piétinement

qu’en 1954, sous le nom du Séminaire St-Charles

ou petits pas?

de Borromée. Un système de bourses a aussi été

commencent à apparaître dans ce que sera

À l’aube du XXe siècle, le Québec affiche encore

mis sur pied, mais en 1948, ce ne sont que 6 %

la province de Québec: d’abord, dès 1635, le

un haut taux d’illettrisme, comparativement aux

des étudiants universitaires qui y ont accès; un

Collège des Jésuites est ouvert à Québec. Ce

autres provinces du Canada. Selon le recensement

bien petit nombre compte tenu du flagrant manque

collège est constitué selon le modèle classique

de 1891, 30 % des Québécois ne savent ni lire ni

d’accessibilité aux études de l’époque. D’ailleurs,

français et servira à son tour de modèle à tous

écrire, alors que ce ne sont « que » 15 % de la

en 1953, seuls 6 % des jeunes du Québec en

les autres collèges classiques du Québec,

population du Nouveau-Brunswick et 7 % de celle

âge de fréquenter l’université sont aux études,

spécialisés en théologie et en études classiques

d’Ontario qui sont illettrés. Plusieurs facteurs jouent

soit 4 % des jeunes francophones pour 18%


Historique

5

des jeunes anglophones. Pis, ce nombre va en

on fait disparaître les collèges classiques ; on

descendant : en 1960, ce n’est plus que 3% des

les remplace par les collèges d’enseignement

jeunes francophones de la même tranche d’âge

général et spécialisé, mieux connus sous le nom

qui fréquentent l’université, et seulement 11% de

de cégeps. Aussitôt qu’ils sont instaurés, la gratuité

leurs compatriotes anglophones. Et sur tous ces

scolaire s’étend jusqu’à ces derniers. C’est donc

étudiants, mes chères féministes, seulement 14%

maintenant les niveaux primaire, secondaire et

sont des femmes. Il n’y a de cela que 50 ans.

collégial qui sont accessibles à tous.

en 2005. C’est une montée remarquable, si on la compare au siècle de stagnation qui avait précédé!

Et maintenant? Rappelons-nous qu’une des principales assises de la Commission Parent qui nous a fait tant avancer était de considérer l’éducation comme un

1966-Aujourd’hui : avancée à pas de géant!

Finalement, en 1969,

pour faciliter l’accès

C’est cette déficience criante du système

aux études des jeunes en région, l’État crée

d’éducation québécois d’avant la Révolution

le réseau de l’Université du Québec, d’abord

tranquille qui pousse le gouvernement à

à Montréal, à Chicoutimi et à Trois-Rivières.

demander une commission d’enquête sur l’état

Suivront plus tard l’UQAR (1973), l’UQO (1981)

de l’Éducation au Québec. Vous l’aurez deviné,

et l’UQAT (1983). Dans la même visée, la Téluq

il s’agit de la Commission Parent, qui s’étale sur

voit le jour en 1972 et permet depuis à plusieurs

trois ans, de 1963 à 1966. Les conclusions sont

adultes et jeunes parents de poursuivre leurs

unanimes : le système d’éducation en place est

études à domicile. De plus, un vrai système de

sclérosé et chaotique et ne répond plus depuis

prêts et bourses (AFE) est finalement instauré

longtemps aux besoins de la population du

par le gouvernement, afin de permettre aux plus

Québec. La thèse principale ressortissant de

démunis d’avoir la chance d’accéder aux études

ce rapport est que l’éducation est un droit, et

universitaires, bien que tous les étudiants n’y

non plus un luxe. Des recommandations sont

soient pas admissibles.

droit et de promouvoir la gratuité scolaire en prenant des mesures en faveur de celle-ci. Seulement quelques années après la fin de la commission d’enquête, plusieurs promesses ont été oubliées ici et là, dont celle de la gratuité scolaire, de l’accès facilité aux études, du droit à l’éducation.

Les dernières mesures prises par le gouvernement

du

Québec

concernant

l’éducation rejettent totalement tout ce qui a été avancé avec la Commission Parent, sans laquelle, je vous le rappelle, le cégep de Drummondville serait sûrement un collège classique où l’on nous enseignerait la parole de Dieu avant les arts et les sciences (naturelles et

faites, entre autres celle que l’État prenne en main l’éducation, que des mesures soient prises

Évidemment, avec tous ces changements

pour augmenter l’accessibilité aux études et que

majeurs et bénéfiques, le nombre d’étudiants

la gratuité scolaire soit envisagée sérieusement.

québécois fréquentant les universités augmente

C’est alors que tout le Québec se met en branle.

sans cesse depuis les années 1970, tout comme le pourcentage de ces étudiants que représentent

D’abord, on coupe à grands coups de hache

les filles. À titre d’exemple, en 1971, 17 % des

dans le nombre de commissions scolaires ; de

jeunes de 20-24 ans étaient étudiants à temps

1500 entités indépendantes à travers la province,

plein au niveau postsecondaire, c’est-à-dire 22%

on passe à seulement 55 commissions scolaires

des garçons et 12 % des filles de cette tranche

catholiques pour 9 protestantes. On met sur pied

d’âge. En 2001, c’est 41 % des jeunes de 20-24

des écoles secondaires polyvalentes, semblables

ans qui étudient à temps plein au collégial ou à

aux écoles secondaires actuelles. L’Église n’a

l’université, donc 39 % des garçons et 44 % des

plus rien à voir avec le système d’éducation,

filles. Le pourcentage de jeunes qui accèdent à

mis à part quelques collèges privés qui gardent

la cinquième secondaire a également grimpé :

une vocation religieuse particulière. Plus encore,

de 57 % en 1982, on passe à 76 % des jeunes

humaines). Il ne faut pas croire que le Québec tel que nous le connaissons est acquis depuis et pour toujours : si la commission Parent a eu tant d’impact, c’est en grande partie en raison du contexte socio-économique de l’époque, et on parle ici de la Révolution tranquille.

Si vous avez la chance d’être aux études en ce moment, ou de pouvoir aller à l’hôpital sans vous endetter, c’est grâce à vos parents et vos grands-parents, qui ont milité et se sont battus pour le Québec, dont nous profitons aujourd’hui. À nous maintenant d’en faire de même, et de faire respecter les droits que les Québécois ont gagnés à la sueur de leur front!


6

Sondage

Grève générale illimitée :

Ce qu’en pensent les étudiants Par Véronique Hamel Dans la semaine qui a suivi la première

grève étudiante ? ». 91 % de ceux qui étaient pour

la grève disent être aidés financièrement par leurs

assemblée générale de grève, un sondage portant

la grève ont répondu oui, alors que seulement

parents, pour 62 % des étudiants contre la grève.

sur l’opinion des étudiants face à la grève ainsi que

48% de ceux qui étaient contre affirment participer

Par contre, 35 % des premiers ont accès aux prêts

leur situation économique quant à la hausse des

activement aux débats et activités en lien avec la

et bourses (pour la majorité, seulement des prêts),

frais de scolarité a été distribué en papier et par

grève, ne serait-ce qu’en exerçant leur droit de

alors qu’uniquement 19 % des seconds y ont

MIO à plusieurs étudiants et déposé un peu partout

vote et prenant part aux débats sur le sujet. C’est

accès. En somme, ce sont seulement 28 % des

dans le cégep de Drummondville. Le but était de

donc le double des étudiants qui s’implique dans

étudiants qui ont accès aux prêts et bourses, soit

toucher une grande partie des étudiants du cégep,

la lutte contre la hausse des droits de scolarité

à peine plus d’un quart des étudiants du collégial.

autant ceux qui sont pour la grève générale illimitée

comparativement à ceux qui militent contre la grève.

Par ailleurs, il n’est nullement question ici de la

que ceux qui s’y opposent, bien que de tous les

J’espère que cela amène une nouvelle vision de la

proportionnalité prêts/bourses (qui est souvent

rejoindre était malheureusement impossible,

situation à ceux qui clament que les étudiants qui

majoritairement ou totalement représentée par des

puisque je ne fais pas partie du corps administratif

votent pour la grève ne s’impliquent pas dans leur

prêts) ou de montants alloués. En effet, quelqu’un

du cégep.

lutte. Ce serait en ce moment plutôt à ceux qui sont

qui reçoit à peine 250 $ de bourses par année ne

contre la grève de déployer plus d’efforts pour faire

pourra pas vraiment mieux subvenir à ses besoins

valoir leur point.

qu’avant de recevoir toute forme de bourses.

Je tiens d’abord à remercier tous ceux qui ont répondu à ce sondage. Sur environ 400 étudiants sollicités, 46 y ont répondu, ce qui est, selon moi, un

Les questions qui suivent ont présenté un écart

Finalement, à la question « avez-vous un emploi

taux d’échantillonnage raisonnable (un peu plus de

assez faible entre les étudiants des deux camps.

à temps partiel durant vos études? », un peu plus

10 %). Les questions posées étaient neutres, et ne

61 % des gens pro-grèves sont touchés par la

de la moitié, soit 52 %, des étudiants en faveur de

visaient pas plus une catégorie d’étudiants qu’une

hausse, pour 57 % des gens contre la grève.

la grève ont répondu oui. Par contre, c’est 81 % des

autre; ainsi, sur les 46 répondants, 23 étudiants

61% des premiers sont en DEC préuniversitaire et

étudiants en défaveur de la grève qui ont répondu

ont affirmé être pour, 21 être contre, et seulement

39% sont en DEC technique, alors que 48 % des

à cette question par l’affirmative. Ainsi, c’est une

deux ont dit être indécis face à la grève étudiante.

étudiants contre la grève étudiante sont en DEC

plus grande partie des étudiants contre la grève

Plusieurs m’ont dit être satisfaits de l’impartialité

préuniversitaire et 52 % sont en DEC technique. Il

qui sont plus autonomes sur le plan financier que

du sondage, ce qui me confirme que cet objectif

y a donc une majorité d’étudiants inscrits au DEC

chez leurs camarades dans l’autre camp. Peut-

particulier a bel et bien été atteint. J’ai cependant

préuniversitaire parmi les étudiants militant pour la

être qu’envisagez la hausse, pour cette raison, est

séparé les statistiques en deux groupes, à toutes

grève. 87 % de ces derniers envisagent d’aller à

moins angoissant pour eux que pour ceux qui n’ont

fins comparatives : les réponses de ceux qui sont

l’université pour 76 % de leurs « opposants ». Il y a

pas encore d’emploi à temps partiel et qui ont déjà

pour la grève (en %) et celles de ceux qui sont

donc un peu plus de futurs universitaires parmi les

de la difficulté à joindre les deux bouts au cégep.

contre.

étudiants en faveur de la grève que parmi ceux qui

Peut-être ce résultat est-il aussi lié à la mentalité

sont contre.

selon laquelle il faut payer individuellement pour

La deuxième question était « participez-vous activement aux débats et activités concernant la

tout ce que l’on veut obtenir et que c’est ce qui Sur le plan monétaire, 65 % des étudiants pour

pousserait les étudiants à travailler dès qu’ils en


Sondage

7

ont l’âge afin de défrayer d’abord leurs dépenses

parallèles à la grève, comme le mouvement de

car c’est le moyen de pression le plus efficace

personnelles, puis leur vie au complet. Il ne faut pas

spam du gouvernement, par exemple).

contre le gouvernement, et ce, de toute l’histoire du

oublier, cependant, que l’idéologie selon laquelle

mouvement étudiant. Faire la grève est par ailleurs

l’éducation est un droit et qu’étudier est un emploi

Quant aux arguments de ceux qui sont pour la

un droit des citoyens qui est inaliénable et qui

à temps plein existe et mérite tout aussi bien de se

grève générale illimitée, les deux plus répandus

permet de rétablir la démocratie quand l’État prend

faire valoir.

sont que l’éducation est un droit et devrait donc

des décisions qui ne conviennent pas au peuple.

être accessible à tous et que les universités ne sont

Deusio, c’est vrai que si nous gagnons cette lutte,

La quatrième question du sondage, la plus

pas sous-financées, mais mal-financées. Ensuite,

le dégel des frais de scolarité menacera toujours

importante, demandait d’exposer l’argument le

plusieurs ont répondu que c’est l’éducation des

d’être levé à tout moment dans le futur; mais les

plus fort appuyant le point de vue de l’individu.

citoyens qui permet à la société d’être saine et

frais augmenteront tout de même ultérieurement si

Les mêmes arguments sont ressortis à plusieurs

d’avancer. En effet, si le peuple n’est plus éduqué,

on ne réussit pas à bloquer la hausse actuellement

reprises. Par ailleurs, une personne pour la grève

ce sont les nouvelles technologies, la recherche

prévue : le problème sera donc éventuellement

et quatre personnes contre sont restées sans

scientifique, les avancées en santé, la politique, la

amplifié dans le cas où le gel des frais de scolarité

argument. Voici donc, par ordre d’importance, les

langue, l’éducation, et j’en passe, qui stagneront

serait levé maintenant. L’État ne commencera pas

arguments invoqués par les étudiants s’opposant

ou même se dégraderont. C’est par la suite toute

à épargner les étudiants à partir du moment où

à la grève : premièrement, la grève est légitime

la société qui en souffre, c’est notre richesse qui

la hausse sera établie; au contraire, si on ouvre

puisque le coût de la vie et le salaire minimum

s’écoule jusqu’à dépendre des autres pays, c’est

les vannes à la tarification de l’éducation, les frais

ont également augmenté (pas dans les mêmes

la condition de vie des Québécois qui recule. Rien

pourront être augmentés sans cesse, et ce, tant

proportions,

la

n’est acquis, il faut toujours continuer à avancer et

que les frais de scolarité au Québec ne seront

grève est inutile puisqu’une victoire ne fera que

à investir dans le futur de notre société. Finalement,

pas les plus chers du pays, tant qu’ils ne seront

repousser le problème des frais de scolarité dans

certains ont signalé que la grève étudiante était

pas les pires qui existent, car avant d’atteindre

le futur. Je reviendrai sur cet argument à la fin de

le seul moyen de pression efficace contre le

cette limite, il y aura toujours un endroit avec lequel

l’article. Troisièmement, la grève nous fait perdre du

gouvernement. Ce n’est probablement pas le

nous comparer à la baisse pour nous consoler. Je

temps, et donc de l’argent, en plus de bouleverser

seul, mais c’est de loin le plus efficace jusqu’à

referme la parenthèse.

nos stages et nos sessions. Finalement, il existe

maintenant.

cependant).

Deuxièmement,

de meilleurs moyens de gagner cette lutte (à part

J’espère sincèrement que les résultats de ce

une suggestion de grève estivale, aucune autre

J’ouvre ici une petite parenthèse pour revenir sur

sondage ont pu répondre à quelques-unes des

alternative n’a été suggérée, et peu de gens contre

le deuxième argument des étudiants se dressant

questions que vous vous posiez quant à la grève

la grève s’impliquent dans des mouvements

contre la grève : primo, la grève n’est pas inutile,

et, plus encore, qu’ils ont pu abolir certains préjugés que vous vous étiez peut-être faits à propos des

Photo : Cégep de Drummondville

étudiants du camp opposé. La grève générale illimitée est une période turbulente, qui peut être autant passionnante qu’angoissante pour certains, mais rappelez-vous que ce n’est pas en se tenant à l’écart et en restant fermé aux propos de nos compatriotes que l’on sort gagnant d’une telle situation. Plus de 50 % des étudiants du cégep ont participé aux deux assemblées générales de grève


8

Hausse des frais

Les impacts de l’accroissement des frais de scolarité Instiguée

depuis

quelque

temps,

d’école uniquement en raison de la hausse des

l’augmentation des frais de scolarité quant aux

droits de scolarité universitaires. À ce sujet, une

études postsecondaires apparaît, d’emblée, sur

manifestation étudiante d’envergure inégalée,

le budget 2011-2012 que le ministre du Revenu,

en dehors des rassemblements effectués dans

député d’Outremont, Raymond Bachand, a

le cadre d’une grève générale, s’est déroulée le

déposé en mars à l’Assemblée nationale du

10 novembre 2011. Effectivement, elle a rejoint

Québec.

approximativement 30 000 étudiants et partisans de la cause.

Cette hausse des droits d’éducation se réalisera

Photo : Alex Jacob, cégep de Drummondville

Par Frédéric Comeau

sur une période de cinq années. Entre 2012 et

Au-delà des motifs monétaires, deux idéologies

2017, la facture étudiante croîtra de 325 $ par

s’affrontent dans la vision de l’éducation. D’une

poursuit et plusieurs mouvements de part et

an pour atteindre la somme de 3793 $ d’après

part, le Parti libéral de Jean Charest prône

d’autre seront à prévoir.

les indications du gouvernement Charest.

la responsabilisation des étudiants. Celui-ci

Initialement de 2168$, cette progression des

affirme que la population étudiante doit défrayer

coûts scolaires se chiffrera à 1625$. Ce plan de

les montants correspondant à leur juste part.

une grève générale a été déclenchée par

financement des universités permettra de faire

D’ailleurs, il insiste sur le privilège que possèdent

plusieurs associations étudiantes dernièrement.

avancer la part des étudiants dans celui-ci de

les étudiants québécois en comparaison

À l’heure actuelle, environ 150 000 étudiants

12,7 % à 16,9 % du total. Par le fait même, la

aux frais exorbitants retrouvés ailleurs en

se retrouvent dans cette situation dont,

part du gouvernement dans les investissements

Amérique du Nord. D’autre part, le mouvement

depuis le mercredi 29 février 2012, le cégep

dans les universités, originairement de 54,0 %,

étudiant ainsi que le Parti québécois, Québec

de Drummondville. Présentement, plusieurs

s’établira à 51,4 %. Ainsi, M. Bachand affirme

solidaire de même qu’Option nationale, misent

initiatives sont entreprises par les grévistes pour

que les étudiants payeront leur juste part dans

davantage sur une meilleure accessibilité aux

aller chercher l’appui de la population. Au cégep

l’éducation universitaire. Pour compenser cette

études supérieures. Alors que l’ensemble

de Drummondville, plusieurs comités tels que

majoration des coûts, le gouvernement bonifiera

désire l’annulation de cette hausse des frais de

ceux des médias, des manifestations ou des

le programme de prêts et bourses avec 35 % de

scolarité, plusieurs proposent même la gratuité

arts ont été formés dans l’objectif d’augmenter

celle-ci.

scolaire à l’endroit des études postsecondaires.

la visibilité de leur cause. Des actions concrètes

Les étudiants comparent plutot la situation

seront réalisées prochainement. En outre, les

En réaction à cette mesure du budget étatique,

québécoise avec celle de plusieurs pays

interventions accomplies, depuis le dépôt du

les étudiants se sont mobilisés en grand nombre

d’Europe, qui offrent des coûts moindres ou

budget, semblent avoir convaincu une part de

contre l’élévation des frais de scolarité. D’ailleurs,

inexistants.

la population. Dans les sondages, la proportion

Devant

l’immobilisme

du

gouvernement,

d’après une étude du Comité consultatif sur

À ces balbutiements, la grève générale du

des Québécois s’opposant à l’accroissement

l’accessibilité financière aux études (CCAFE),

cégep de Drummondville comme dans plusieurs

des frais de scolarité est passée de 36 % en

jusqu’à 7000 étudiants pourraient quitter les bancs

établissements postsecondaires au Québec se

novembre 2011 à 53 % en février 2012.


Avis d’un père

9

Par Sylvain Hamel

C’est encore le même principe qui s’applique pour Star Académie. Quatorze jeunes chanceux,

C’est vraiment spécial le monde!

Plus tu

qui se sont mérité une place dans ce prestigieux

es riche et à l’aise, plus tu attires l’appui des

concours grâce à une simple chansonnette,

foules. Mais à l’inverse, si tu as un revenu «

se voient aussitôt grassement nourris, logés,

minus » et que tu luttes comme un forcené pour

éduqués (pour chanter et danser, ce qui est très

réussir, tu fais peur, comme si en t’appuyant

rentable pour notre avenir de divertissement à

le monde risquait de s’appauvrir. Je crois que

tous [sans vouloir dénigrer les artistes qui sont

c’est comme ça depuis le début de l’humanité.

très importants dans une société saine]) et, en

On a juste à se remémorer la visite du fameux

plus tout ça, gratuitement ! Et le monde trouve

couple princier cet été, à se rappeler comment

moyen de les prendre en pitié alors que leur

le Québec était à leurs genoux. Pourtant, qu’est-

formation (leurs études supérieures à eux)

ce qu’il représente pour notre avenir, ce couple ?

ne durera à peine que deux mois ?! Pas pire

Absolument rien, contrairement à ce que pourrait

comparé aux études universitaires qui durent

nous apporter une éducation supérieure de

souvent plus de quatre ans et qui exigent bien

qualité pour nos jeunes Québécois! Et pourtant,

des sacrifices – je ne parle pas ici d’étudiants de

ils ont de la difficulté à mobiliser des centaines

familles riches qui donnent mauvaise réputation

de personnes sur la place publique malgré les

aux autres en allant dépenser leurs prêts et

énergies phénoménales qu’ils déploient dans

bourses dans le sud à la première semaine de

leurs manifestations. Et la cause ? Ils n’ont pas

vacances venue –, des nuits blanches à étudier

de millions pour se pavaner couverts d’or et de

et des logements minables à se partager entre

gloire.

colocataires. Non, ces étudiants-là, vous avez de la misère à leur consacrer quelques minutes M. Hamel a créé cette banderole.

Photo : Courtoisie Véronique Hamel

Ferveur pour les académiciens de Julie Snyder vs l’appui pour les étudiants contre la hausse des frais de scolarité

Trois des enfants de Sylvain Hamel

pour les écouter ou lire leurs cris du cœur! Mais les académiciens, vous avez le temps de les suivre sur le net, de les regarder cinq soirs par semaine à la télé après le souper, de passer toute votre soirée du dimanche avec eux et de suivre leur autobus par centaines, de payer des billets près de 100 $ pour aller voir leur show et même de voter par MILLIERS pour eux et les sauver! Et pourtant, pour votre avenir, ils n’apporteront que bien peu comparativement à ceux qui, sans votre aide, vont quand même devenir des médecins, des chirurgiens, des astrophysiciens, des ingénieurs, des chercheurs et j’en passe. Ceux-là qui, par l’ironie du sort, veulent vraiment travailler pour vous bâtir un avenir meilleur plutôt que de s’emplir les poches à vos dépens !

Photo : Alexandre Pouliot

Oui, le monde est vraiment bizarre !

Sylvain Hamel, Papa de six enfants qui, j’en suis convaincu, enrichiront votre avenir


10

Sources du problème

Un Québec malade

sombre dans l’oubli. Les gains sont

Par Stéphanie Proulx et Camille Dupuis

puisqu’on propose rarement des solutions

Dans les dernières semaines, 200 000

politique

québécois.

Et

c’est

rares et n’ont pas de portée significative,

cette

étudiants ont voté en faveur d’une grève

maladie qu’il faut guérir, collectivement,

générale illimitée pour contrer la hausse

conjointement. Il faut mettre un terme

des frais de scolarité imposée par le

à l’incompétence d’un parti depuis trop

gouvernement Charest. L’augmentation

longtemps assis sur le pouvoir. Mettre

prévue de 1625 $ sur cinq ans est censée

un terme à la corruption, aux bonis et

permettre de renflouer les coffres des

aux parachutes dorés qui nous privent

universités, qu’on dit sous-financées.

d’importantes sommes d’argent chaque année. Mettre un terme à la couardise

On parle de sous-financement, mais

des gouvernements qui se sont succédé

on devrait plutôt traiter de mauvaise

depuis quarante ans. Mettre un terme à

gestion. Gaspillage honteux, manque

ce refus de faire le ménage d’un État qui

inacceptable

de

alourdit son système à coups de sous-

abusive.

comités de consultation au détriment de

Injecter plus de fonds ne réglera pas le

réels résultats pour nous, citoyens. Mettre

problème. L’argent existe, mais il a un

un terme à tout cela.

de

transparence,

clairvoyance

bureaucratie

et

peu trop tendance à disparaître dans les

contribuables,

peut-être

avez-vous

l’impression que c’est un problème qui ne vous concerne pas ? C’est là que vous vous méprenez. La question ne touche pas uniquement les pouilleux de l’UQAM, les étudiants en sciences politiques et les

une fois de plus, le débat aura tôt fait de resurgir. C’est un cercle vicieux : les étudiants manifestent pour contrer la hausse, le gouvernement plie, augmente les impôts et, cinq ans plus tard, quand il ne sait plus où trouver l’argent, propose à nouveau d’aller le chercher dans les poches de la jeune génération. On s’acharne à patcher les trous dans les murs, mais on ne prend jamais le temps de s’attarder à la structure qui vacille et menace de s’effondrer. Idéalistes,

façon de gérer notre argent, il faut que toute la société s’indigne et se joigne au mouvement initié par les étudiants.

Le défi qui nous attend est grand, mais laissons tomber le cynisme et l’attitude Jean Charest est au pouvoir depuis 2003.

d’à-plat-ventrisme. Laissons tomber cet air blasé qui nous colle au visage dès

en ce moment sur la place publique est un

vous avez le devoir de vous impliquer.

guerre, faire flancher le gouvernement

Pour forcer le gouvernement à revoir sa

gauchistes acharnés. Le débat qui se joue

débat de société. Un débat dans lequel

Les étudiants auront beau gagner leur

mais, à eux seuls, la tâche est colossale.

Photo : Le Québec Times

citoyens,

travailleurs,

problème.

les étudiants ont beaucoup de volonté,

trous noirs du Ministère de l’Éducation.

Retraités,

qui s’attaquent aux véritables causes du

Depuis longtemps, on mène ses batailles chacun de son côté. Chaque syndicat, chaque groupe de pression revendique

La hausse des frais de scolarité n’est

son dû avec les moyens dont il dispose. On

que le symptôme d’une maladie bien

en parle un peu dans les médias, l’espace

plus grave qui s’attaque à tout le système

de quelques semaines, puis l’histoire

qu’on parle de politique. La différence, c’est à nous de la faire. Aujourd’hui, pas demain ou dans vingt ans. Levons-nous. Unissons-nous. Parce que, comme on nous l’a déjà dit, on est peut-être quelque chose comme un grand peuple.


Témoignage

11

Témoignage d’une étudiante Par Véronique Hamel

Nous sommes une famille unie, et mes parents souhaitent de tout leur cœur pouvoir nous aider dans la poursuite de nos études, mais nous sommes loin d’être riches, et appuyer un seul enfant dans ses études supérieures est très

Je suis l’aînée d’une famille de 6 enfants,

Jusqu’à présent, étant l’aînée, je suis encore

difficile ; ce le sera encore plus dans quelques

dont trois sont atteints d’une maladie génétique

la seule à être aux études, en plus de ma

années, quand nous serons plusieurs à être

rare qui nécessite une diète spéciale et une

mère qui complète à distance un certificat en

rendus à ce stade.

alimentation nocturne, entre autres. Je suis l’une

administration. Bientôt, mes petits frères me

des trois. Je ne suis encore que partiellement

suivront: la famille ne pourra pas se permettre

Nous n’adhérons pas à la mentalité « ils sont

indépendante du nid familial, puisque je travaille

de tous nous aider dans notre cheminement

grands, on leur donne un bon coup de pied au

encore très peu pendant la semaine et que je

scolaire.

cul et il se démerderont avec la vie ». Selon nous, c’est la meilleure source de décrochage,

paie mes études avec mes emplois d’été. Je vis Ça me brise le cœur, chaque fois que je les

car c’est à ce moment que le travail devient

« moi,

nécessaire et évince les études, que les

je veux devenir architecte », « et moi, roboticien,

problèmes de colocation se succèdent et que les

Je ne suis pas pour le compromis travail-

pour pouvoir concevoir des robots qui pourront

« dépenses personnelles » pleuvent par millier

études, car je considère que les études SONT

aider les personnes qui meurent de faim en

(chauffage, électricité, char, téléphone, internet,

un travail, un service rendu à la société, et

Afrique » (rêve assez farfelu, mais bon), « quand

cellulaire, habillement, etc.)

qu’en plus j’ai CHOISI de m’investir à 100 %

je serai grand, je serai paléontologue », etc.

dans mes études pour donner le meilleur de

Ce sont souvent des métiers qui nécessitent

Pour conclure, je souligne qu’avec la hausse

moi-même et de devenir un atout, et non un

des études universitaires, études universitaires

des droits de scolarité, ce n’est pas seulement

fardeau, pour ma société.

qu’ils ne pourront sûrement pas s’offrir, à moins

moi qui ne pourrai pas aller à l’université, mais

d’alterner années d’études et années de travail

aussi toute ma famille qui se mettra dans le trou

Je ne suis pas dépensière - je ne magasine

à temps plein, ce qui est très mauvais pour la

et tous les enfants qui mettront une croix sur leurs

pas, je n’ai aucun gadget, je n’ai pas de voiture,

motivation à long terme et qui peut mener aussi à

rêves et qui rayeront de la carte leurs meilleures

je ne fête pas, j’assiste malgré moi à très peu de

« l’éparpillement » total (faire des petites jobines

perspectives d’avenir, seulement parce qu’on a

concerts et d’évènements. Ma famille non plus.

ici et là, ne pas obtenir de diplôme significatif au

jamais eu le luxe d’être riche. Et je sais que nous

Nous vivons avec des moyens très simples, et

terme de ses études, etc.)

ne sommes pas seuls dans cette situation.

notre budget est très serré.

Photo : Courtoisie Véronique Hamel

en appartement, mais je reviens chez ma famille presque toutes les fins de semaine.

Mes parents m’aident encore à payer mon loyer comme ils le peuvent, mais j’essaie de subvenir à mes besoins de façon de plus en plus indépendante. Je ne suis par ailleurs encore qu’au cégep, et les dépenses liées aux études sont

entends parler de leur rêve d’avenir:

minimes, comparées à ce qu’elles seront à partir de l’an prochain, quand j’entrerai à l’université.

Véronique (à droite) avec sa famille lors de la manifestation familiale du 18 mars 2012


12

La source de l’indignation

Avis d’un enseignant

Par Grégoire Bédard, enseignant en littérature et en cinéma au Cégep de Drummondville On dit qu’ils ont tous des voitures, qu’ils ont

de se chicaner que de débattre.

En 1981, un an après l’échec référendaire, René Lévesque et son ministre des finances Jacques Parizeau prévoient des coupures de l’ordre d’un demi milliard de dollars dans l’éducation et la santé. L’objectif est de réduire l’imposition des contribuables en s’inspirant des politiques de Ronald Reagan. Au Canada, le Premier ministre Conservateur Brian

tous des iPhones, qu’ils vivent dans le luxe tout en exigeant la gratuité scolaire. On dit

Ainsi, on parle bien davantage de la paresse

Mulroney fait du libre-échange avec les États-

que ce sont des enfants gâtés individualistes

des profiteurs en congé que de la conscience

Unis l’enjeu principal de l’élection de 1988. Le

qui ne connaissent pas l’effort et la valeur

sociale de ceux qui s’engagent dans la lutte.

Premier ministre Robert Bourassa continue

de ce qu’ils ont. Ils veulent tout, maintenant,

Et, encore une fois, on détourne le débat qui,

de faire tourner à droite le Québec en mettant

sans rien en retour.

pourtant, repose sur des questions de fond

la priorité de ses politiques à l’économie.

bien plus importantes. Pourquoi parle-t-on de

Mais c’est surtout en 1996, avec l’arrivée

gratuité scolaire ? Qu’entend-on par gratuité?

au pouvoir de Lucien Bouchard, ancien

D’une part, reprocher aux étudiants d’être

conservateur sous Mulroney, que le Québec

des consommateurs est une accusation que l’on peut rarement faire la conscience

Trente ans de néolibéralisme

prend définitivement le virage néolibéral,

tranquille, si elle ne relève tout simplement

La situation actuelle de l’éducation au

notamment avec l’application de mesures

pas de la mauvaise foi et de l’hypocrisie.

Québec prend ses racines dans un courant de

économiques draconiennes qui ont pour

Les ados et les jeunes adultes sont la cible

néolibéralisme vieux de plus de 30 ans. Dans

conséquences des coupures budgétaires

de la majorité des publicités produites dans

les années ’80, le discours dominant répète

drastiques dans les programmes sociaux. Le

notre société de surconsommation débile,

sans cesse que les employés du secteur

gouvernement de Jean Charest, lui aussi un

alors ne soyons pas trop sévères s’ils cèdent

public jouissent de privilèges inacceptables

ancien conservateur de l’équipe Mulroney, ne

aux pressions de nos corporations. D’autre

sur le plan de la sécurité d’emploi et des

fait que poursuivre le mouvement. Et on ne

part, quand on les traite d’enfants-rois

salaires. Comme s’il s’agissait de politiques

parle pas encore de Stephen Harper.

irresponsables, on applique à une majorité

malpropres, il faut désormais «assainir»

les caractéristiques d’individus particuliers,

et «dégraisser» les finances publiques qui

Depuis les années ’80, presque partout

car il existe aussi des étudiants travaillants,

ne servent qu’aux profiteurs et qui font de

sur la planète, le politique abdique devant

responsables et appliqués dans leurs études,

nous des insouciants qui vivent au-dessus

l’économique. Les progrès sociaux, résultats

mais ceux-ci ne servent pas l’argumentaire

de leurs moyens. On affirme qu’il faut

de luttes collectives acharnées, reculent

biaisé que l’on tente de présenter. Ce sont

procéder à un «redressement», comme si

d’une mesure à l’autre. Les chiffres, les

des généralisations abusives fondatrices

les politiques antérieures étaient bancales.

statistiques et les théories économiques

de préjugés et d’idées fausses. De telles

Ainsi, on remet en cause le rôle de l’État

ont préséance sur les réalités sociales et

affirmations ne font pas avancer la discussion

dans le développement économique, social

historiques et le néolibéralisme devient un

de façon rationnelle. Elles ne font que l’enliser

et culturel puis on lance l’offensive contre les

modèle systématiquement appliqué par le

dans la perception et l’émotion et aboutissent

chômeurs, les travailleurs, les employés de

Fonds Monétaire International. Chez nous,

à des chicanes stériles bien plus qu’à des

l’État et les professeurs.

on ne cesse de se comparer à l’Ontario, aux

débats féconds. Or, c’est toujours plus facile

États-Unis et à des moyennes nationales


Avis d’un enseignant

13

qu’il faut absolument rattraper. De plus en

sérieuse. C’est à un autre monde qu’aspirent

plus, notre façon de penser le monde est

les étudiants et de nombreux autres acteurs

déterminée par la pensée économique, ses

sociaux à travers la planète.

concepts, ses mots. En éducation, on parle

Un autre monde est possible

de cibles de performance, de profil de sortie,

Le but premier de l’école n’est pas de former

de compétitivité des universités, comme s’il

des travailleurs et de créer des emplois, car

s’agissait d’une industrie où l’humain est

le but de l’existence n’est certainement pas

devenu une marchandise.

de travailler pour gagner des sous afin de consommer des biens et des services. Cette

Photo : Alexandre Jacob Roussel, cégep de Drummondville

de clientèle étudiante, de taux de réussite,

La thèse principale du néolibéralisme

logique du travail et de la consommation est

est que le marché «libéré des entraves

intimement liée à un système de pouvoir basé

politiques» créera un équilibre naturel dont

sur l’argent et, forcément, sur l’exploitation

tout le monde jouira parce qu’il sera juste et

et

libre. Cet équilibre transcendant est créé par

là pour nous aider à être autonomes et

la «main invisible» du marché prophétisée

libres, à être conscients et responsables, à

par Adam Smith en 1776. Mais, dans les

discerner les idéologies et les systèmes de

faits, cette croyance théorique appliquée par

pouvoir qui nous entourent, à développer une

bonne partie ce qui fait la noblesse de la lutte

les gouvernements contemporains ne fait

pensée critique et une liberté intellectuelle.

étudiante. Elle est plus large que l’unique

que consolider les structures actuelles du

L’éducation est là pour nous aider à vivre et,

enjeu de la hausse des droits de scolarité.

pouvoir en amenant les individus à abdiquer

en ce sens, elle est un bien collectif précieux.

Il faut remettre l’école gratuite au centre de

au nom d’un ordre supérieur à venir. La

Elle est un outil de liberté et non pas un outil

notre société et cesser de la sous-financer.

réalité sociale démontre en fait le contraire

de compétition. La gratuité de l’éducation est

Les étudiants nous invitent au ralliement. «Je

: le «laisser faire» économique est créateur

un choix politique qui repose sur des valeurs

me révolte, donc nous sommes !» écrivait

d’inégalités, de chaos et de guerre. Sans

collectives. L’éducation peut être gratuite si la

Camus. Unissons-nous!

cesse tout ramener au simple marché est

collectivité décide d’en faire un bien commun

extrêmement réducteur, mais depuis la chute

et… de payer ses impôts.

l’injustice. L’éducation est justement

Que l’école soit accessible à tous ne signifie pas que poursuivre des études soit facile et

du communiste, à la fin des années ’80, il n’existe plus de contre-poids idéologique au

Marc-André Brie est un autre enseignant du cégep de Drummondville à appuyer le mouvement étudiant.

L’éducation nous permet de nous affranchir

dépourvu d’efforts et de sacrifices. Il s’agit

C’est

là parfois d’un saut logique que font bien

l’idéologie

des opposants à la grève, particulièrement

néolibérale du laisser-faire est très forte

les plus vieux. Attention ! Rappelons-nous

Les expérimentations de démocratie directe

aujourd’hui que l’éducation est en péril.

les cours de logique que nous avons eu en

du mouvement «Occupy» et des Indignés

C’est à cette idéologie dominante qu’il faut

philo ou en français. On nous disait que ces

sont encore trop embryonnaires pour y

résister et c’est elle qu’il faut rejeter. C’est

connaissances nous serviraient toute votre

voir une alternative crédible. Malgré tout, la

elle et ses conséquences qui sont la source

vie, vous souvenez-vous ?

contestation des politiques actuelles n’est

de l’indignation. Défendre l’éducation relève

pas dépourvue d’une pensée structurée et

d’une autre vision de la société. Et c’est en

néolibéralisme. Il est triomphant, dominant et

de

la

logique

arrogant.

malheureusement

de

l’exploitation.

parce

que


14

Contre la hausse

Pourquoi être contre la hausse? Par Frédéric Comeau et Zacharie Audet-Vallée Le gouvernement libéral de Jean Charest semble croire, à l’opposé de plus de 200 000 étudiants, d’une grande partie de la communauté artistique québécoise, de centaines, voire de milliers de professeurs de tous les domaines d’étude, des trois grands regroupements

pour défrayer les droits de scolarité ou de

seulement un étudiant sur quatre y a accès.

syndicaux du Québec, des partis Québécois,

s’endetter

Enfin, est-ce que l’argent permettra d’améliorer

Québec solidaire et Option nationale, que

heures par semaine, en moyenne, alors que

l’augmentation des droits de scolarité est

15 heures hebdomadairement affectent les

justifiée. Nous vous expliquerons, dans le texte

études selon diverses études québécoises, les

Quant aux alternatives à la hausse des frais de

qui suit, ce qui nous amène à avoir la conviction

étudiants devront revoir ce nombre d’heures à

scolarité, nous abondons dans le même sens

que le gouvernement est dans le tort.

la hausse pour encaisser l’augmentation des

que celle proposée en conférence de presse

droits de scolarité. Malgré tous ces efforts, les

par Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de la

pencher

étudiants ressortent de l’université avec une dette

Coalition large de l’association pour une solidarité

sur la question de l’accessibilité aux études

moyenne de 14 000 dollars selon un sondage du

syndicale étudiante (CLASSE). Le plan consiste

postsecondaire, car selon le Comité consultatif

Consortium canadien de recherche. Imaginez

à réduire les impôts de 87 % de la population

sur l’aide financière aux études (CCAFE),

les résultats avec un accroissement de 1625 $

et d’augmenter de 2,3 % les impôts des 13 %

ayant comme mandat de conseiller le ministère

annuellement en droits de scolarité.

plus fortunés. Le plan pourrait être mis en action

D’emblée,

nous

devons

nous

davantage.

Travaillant

déjà

16

les compétences des enseignants?

en changeant le système d’imposition actuel,

de l’Éducation, la hausse présentée par le détracteurs

fonctionnant avec trois paliers, par un système

universitaire québécoise de 7 000 étudiants

qu’aujourd’hui, les technologies sont devenues

de dix paliers. L’alternative irait récupérer 1,2

comparativement à aujourd’hui. Par ricochet, les

des biens importants, voire requis dans le

milliard de dollars de plus dans les poches des

libéraux provinciaux dépouillent les Québécois de

cheminement des études postsecondaires. Il

contribuables, tout en laissant souffler la classe

médecins compétents, d’enseignants impliqués,

suffit de remarquer le rôle prépondérant qu’ont

moyenne.

de méthodiques biologistes ou encore de

joué les communications et les médias sociaux

politiciens instruits à l’heure où la pénurie de main-

dans les révolutions arabes pour comprendre

Si vous désirez conserver l’héritage majeur de

d’œuvre se fera fortement sentir avec le départ

l’importance pouvant leur être attribuée. Nous

la Révolution tranquille qu’est l’accessibilité aux

des « baby-boomers » vers la retraire.

leur rappelons également que la majorité des

études postsecondaires, si vous voulez laisser

nouveaux montants injectés se présenteront

cet acquis aux générations qui nous succèderont

Pour ceux qui choisiront de poursuivre leurs

sous forme de prêts avec des taux d’intérêt qui

et si vous croyez en notre cause, nous vous

études vers l’université, trois voies s’offrent à

ne feront qu’augmenter le fardeau fiscal déjà

invitons à venir appuyer le mouvement lors de

eux, soit ceux d’avoir des parents financièrement

lourd des étudiants. De plus, ces investissements

la manifestation du 22 mars 2012 à la place du

aisés prêts à les aider, de travailler davantage

demeurent amplement inaccessibles. En effet,

Canada à Montréal!

gouvernement

diminuerait

la

population

Nous

répondons

à

nos


Financement

15

Sous-financement ou mal financement? Par Frédéric Comeau et Hélène Cajolet-Boisclair Précédemment, le ministre des Finances,

l’augmentation des investissements dans

représente 26,2 % du budget total consacré

Raymond Bachand, avait annoncé un

les établissements postsecondaires en

aux

financement universitaire de l’ordre de 850

raison d’un manque de fonds criant.

supérieur du Québec. Au Canda, ce

l’augmentation de la contribution étudiante. Le gouvernement affirme qu’entre 50 % à 60 % des revenus additionnels seront utilisés pour augmenter l’efficacité de l’enseignement. Le Parti libéral du Québec compte favoriser les investissements dans l’amélioration du milieu étudiant, les taux de diplomation, la recherche ainsi que le soutien aux étudiants. Le reste du montant servira à financer la recherche, à assurer

d’enseignement

pourcentage s’établit à 21,5 %. Ainsi, la

millions de dollars, qui sera atteint en 2017. À ce sujet, 265 millions proviendront de

établissements

Au contraire de ce que le gouvernement semble dire, 1,5 milliard de dollars est investi annuellement dans la recherche universitaire, ce qui représente 26,2% du budget total consacré aux établissements d’enseignement supérieur du Québec.

belle province offre 283 millions de dollars de plus en recherche qu’au Canada. Il faut rappeler que la plupart de ces recherches ont des visées commerciales peu rentables pour l’Assemblée nationale. Les étudiants, ainsi que leurs partisans, pensent qu’une partie, voire l’entièreté de cette somme, devrait être versée à l’amélioration des services universitaires ou, du moins, mieux administrée.

Enfin, les étudiants considèrent qu’il

la compétitivité des universités sur la scène nationale et internationale de même qu’au

Les opposants à cette hausse déclarent

existe d’autres sources de revenus pour

développement d’une meilleure gestion de

que la problématique ne provient pas du

l’État qu’une augmentation des frais de

celle-ci.

sous-financement des universités. En effet,

scolarité. Parmi les propositions faites, on

ils soulignent qu’il s’agit davantage d’une

retrouve notamment l’accroissement des

En outre, en novembre dernier, le document

question de mal financement. Au contraire

redevances sur les ressources naturelles,

« Urgence d’agir pour les universités »,

de ce que le gouvernement semble dire, 1,5

l’instauration d’un impôt plus progressif ou

publié par les recteurs des universités du

milliard de dollars est investi annuellement

l’incitation aux contributions volontaires

Québec, recommandait au gouvernement

dans la recherche universitaire, ce qui

dans l’éducation.

Ce journal est créé à partir de l’initiative du comité médias du mouvement de grève du cégep de Drummondville et de l’investissement constant de ses membres. Ces gens ont tous quelque chose en commun : ils croient en une éducation de qualité accessible à tous. Direction du projet

Photographies

Infographie

Corrections

Stéphanie Proulx

Olivier Dénommée

Alex Jacob

Stéphanie Proulx

Textes

Zacharie Audet-Vallée Grégoire Bédard Hélène Cajolet-Boisclair Frédéric Comeau Olivier Dénommée

Camille Dupuis Sylvain Hamel Véronique Hamel Stéphanie Proulx



Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.