PUISQUE CHARLIE N'EST PAS MORT

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JEREMY.CLAUSSE « V U DU DEHORS , TOUT SYSTEME PARAIT LA PRISON DE L ' ESPRIT ; VU AU DEDANS , C ' EST UN MONDE . » V ICTOR H UGO C’est un vendredi, un vendredi 13 novembre 2015 sur la planète. Une série de fusillades et d'attaques-suicides meurtrières frappe la France. Revendiquée par l'organisation terroriste Etat islamique (dite «Daech»), ces attentats visent notre système de vie et de valeurs. Au 14 novembre 2015, le bilan total des victimes fait état de 129 morts et de 352 blessés, dont 99 en situation d'urgence absolue. Un blessé décède quelques jours plus tard. De par le nombre total de victimes, ces attentats sont les plus meurtriers perpétrés en France depuis la Seconde Guerre mondiale et les seconds en Europe après les 191 morts des attentats de Madrid du 11 mars 2004. Selon plusieurs spécialistes du Moyen Orient ou du terrorisme, à propos de ces terroristes «tous sont portés par une idée de régénération et une vie d'ascèse contrôlée par la police des mœurs». Interrogé au lendemain des attentats, l’anthropologue Scott Atran estime que les candidats au terrorisme sont psychologiquement malléables, ce dont profitent les recruteurs de Daech, lesquels parviennent à utiliser leur histoire personnelle, leurs frustrations, leurs doléances et leurs aspirations, de manière à ce qu'ils convertissent celles-ci en une cause globale, «ce qui fait que la frustration personnelle s’universalise en une indignation morale».

Selon Olivier Roy, politologue spécialiste de l'Islam, les djihadistes occidentaux sont avant tout des nihilistes: «Ils ne représentent jamais une tradition qui se révolterait contre l’occidentalisation. Ils sont occidentalisés, ils parlent mieux le français que leurs parents. Tous ont partagé la culture « jeune » de leur génération, ils ont bu de l’alcool, fumé du shit, dragué les filles en boîte de nuit. Une grande partie d’entre eux a fait un passage en prison. Et puis un beau matin, ils se sont (re)convertis, en choisissant l’islam salafiste, c’està-dire un islam qui rejette le concept de culture, un islam de la norme qui leur permet dese reconstruire tout seuls. Car ils ne veulent ni de la culture de leurs parents ni d’une culture «occidentale», devenues symboles de leur haine de soi. […]» Les cibles: un match amical de football, des terrasses de café et de restaurant, un concert dans une salle de spectacle. Mais alors…la culture et la création sont elles passibles de mort? “CREER, DANS L'ORDRE DE LA CHAIR, OU DANS L'ORDRE DE L'ESPRIT, C'EST SORTIR DE LA PRISON DU CORPS. CREER C'EST TUER LA MORT.” ROMAIN ROLLAND « L’art est souvent compris comme un commentaire, comme une réflexion sur la société. En tant qu’observateurs, les artistes sont capables de nous tendre le miroir de nos actes, de nos croyances et

de nos systèmes politiques. Directement versés dans l’esthétique, ils sont aussi en mesure de récuser notre façon de percevoir notre environnement, ou même de remettre en question les certitudes de leurs prédécesseurs. Présenté à la vue de tous, l’art a la possibilité éventuelle et particulière de polariser et d’offenser. Les artistes continuent à affronter la censure des autorités politiques et religieuses, des protestataires et, parfois, des galeristes eux-mêmes. La récente interdiction d’œuvres dans des pays comme la Syrie et la Russie rend manifestes les difficultés actuelles rencontrées par des artistes qui, délibérément ou non, produisent des travaux provocateurs. De nos jours, nombre de travaux considérés comme exemplaires ou exceptionnels ont à l’origine fait l’objet de censure de la part des figures politiques ou religieuses qui jugeaient leur contenu inapproprié ou offensant. Au cours des années 1600, les fresques de Michel-Ange ont suscité un déferlement de critiques scandalisées de la part des visiteurs, qui y voyaient non point du talent, mais de l’obscénité. À propos de l’œuvre, le poète et satiriste Pierre l’Arétin écrivait : « Est-il possible que vous, si divin que vous ne daignez fréquenter les hommes, ayez commis un tel acte dans le plus haut temple de Dieu ? Au-dessus du premier autel


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PUISQUE CHARLIE N'EST PAS MORT by JEREMY CLAUSSE - Issuu