Vol.8, no 2
Dépêches BULLETIN
MSF
CANADA
DANS CE NUMÉRO 2
L’Expo de MSF 2006 : en mission au Canada
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L’accès aux médicaments essentiels et DNDi
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Les carences causées par le Chagas
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Un traitement pour préserver la vie
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L’horreur de la mort blanche en Ouzbékistan
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Un programme communautaire pour le traitement de la malaria
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Les patients doivent avoir accès à des médicaments efficaces
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La tuberculose à l’ère du VIH
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Portrait : Dr Peter Saranchuk
L’ACCÈS aux médicaments essentiels pour les maladies négligées
Lauréat du prix Nobel de la paix 1999
© linda o. nagy
ne femme se meurt et selon les médecins, il existe un médicament qui pourrait peutêtre la sauver. Il a été mis au point par un pharmacien local qui doit lui-même dépenser beaucoup pour le fabriquer. Toutefois, cet homme vend son médicament 10 fois le prix qu’il lui en coûte pour le produire. L’époux de la femme malade demande donc à tout son entourage de lui prêter de l’argent, mais il ne peut amasser que 1000 $, soit la moitié du prix à l’achat. L’époux plaide auprès du fabricant et lui dit que sa femme se meurt. Il lui demande de le lui vendre à prix réduit ou de lui accorder un crédit, mais le pharmacien refuse. Désespéré, l’homme entre par effraction dans la boutique et vole le médicament pour sauver son épouse.
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Tous les ans, partout dans le monde, des millions de personnes malades meurent inutilement parce qu’elles sont pauvres. Le lien qui existe entre la pauvreté et le manque d’accès aux médicaments peut sembler évident, comme l’illustre l’histoire ci-dessus, mais les problématiques et l’élaboration de solutions sont extrêmement complexes. Les questions de droit international, l’investissement dans des activités de recherche et de développement (R et D) de plus en plus axées sur les patients des pays développés ainsi que la volonté et la capacité des gouvernements à offrir des traitements adéquats aux populations des régions pauvres et souvent isolées du monde figurent parmi les enjeux importants. Médecins Sans Frontières (MSF) veille à ce que la question de l’accès aux médicaments essentiels pour guérir les maladies négligées demeure à l’ordre du jour des décisionnaires du monde. Ce numéro de Dépêches et l’exposition interactive de MSF qui fera une tournée canadienne cet été visent tous deux à sensibiliser la population aux souffrances de millions de gens qui ont très peu accès aux médicaments salvateurs en raison de leur pauvreté ou de l’absence de volonté politique. Par ailleurs, des années de travail novateur sur le terrain et d’activités de sensibilisation portent fruits et MSF a joué un rôle prépondérant dans le cadre de plusieurs initiatives récentes, notamment en ce qui concerne une résolution votée à l’Assemblée mondiale de la santé en mai 2006. Celle-ci décrète la mise en place d’un plan d’action international visant à s’attaquer à la crise qui sévit actuellement en R et D. Toutefois, de telles possibilités de percées ne peuvent être considérées comme des solutions finales à la crise d’accès aux médicaments. L’été qui s’annonce offre une occasion d’introduire des changements encore plus importants. En août 2006, la XVIe Conférence internationale sur le sida se déroulera à Toronto et accueillera environ 20 000 participants en provenance de partout dans le monde. MSF sera sur les lieux et fera état de ses recherches et de ses apprentissages, tout en insistant sur la nécessité d’accélérer la cadence. L’un des messages clés qu’il livrera portera sur le rôle des gouvernements en tant que force motrice qui doit assurer des activités de R et D dynamiques et axées sur les besoins. MSF sommera donc le gouvernement canadien de relever le défi. L’histoire racontée au début de cet article est en fait un dilemme hypothétique qui a été conçu par un psychologue il y a plus de 50 ans en vue d’examiner les valeurs morales de l’être humain. Dans le cadre de ce scénario, les personnes qui ont accordé plus d’importance à la vie humaine qu’à l’argent ou à la propriété ont été jugées comme ayant acquis un niveau de jugement moral des plus élevés. En tant que société mondiale, nous n’en sommes pas encore rendus là, mais grâce à votre aide, nous nous en approchons. Nous vous invitons à visiter notre site Web www.msf.ca pour en savoir d’avantage sur les maladies négligées et l’accès aux médicaments essentiels. Vous pourrez y lire le message que nous avons adressé au Premier ministre Stephen Harper concernant les gestes que le gouvernement canadien peut poser pour assurer aux personnes gravement malades un accès aux médicaments essentiels.
Ben Chapman - directeur général par intérim MSF Canada
Dépêches Vol.8, no 2
EN MISSION AU CANADA
L’EXPO a campagne continue que mène Médecins Sans Frontières (MSF) pour améliorer l’accès des plus démunis de la planète aux médicaments essentiels est, d’une certaine manière, le fruit de frustrations. Partout dans le monde, dans tous les pays, les médecins de MSF faisaient face à des maladies qui se répandaient à une allure vertigineuse. Ils devaient soigner des centaines et même des milliers de patients qui avaient besoin de médicaments salvateurs. Mais ils ne pouvaient leur venir en aide parce qu’ils ne disposaient que de vieux outils de dépistage et les médicaments dont ils avaient besoin étaient inabordables. Pour nombre de ces professionnels habitués à travailler avec les ressources qu’offraient les réseaux de santé dans les pays nantis, cette situation était insoutenable.
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Cet été, les Canadiennes et les Canadiens auront la possibilité de s’initier à la réalité d’une telle situation. L’exposition de MSF est un événement interactif qui se rendra dans huit villes de l’Ontario et du Québec. Elle offrira à la population canadienne l’occasion de « partir en mission » avec MSF et de confronter certaines des maladies les plus négligées du monde. On estime que l’Expo logée dans une remorque de 48 pieds accueillera 10 000 visiteurs. Ceuxci tourneront une roue qui leur indiquera le pays où ils devront travailler et les défis particuliers qui le caractérisent. Par exemple, ceux qui seront affectés à une mission en Bolivie devront affronter le Chagas, une mala-die quasi-inconnue au Canada mais qui, selon les estimations, tue 50 000 personnes tous les ans en Amérique latine. En Ouzbékistan, ils devront s’attaquer à la tuberculose, notamment à sa forme multirésistante. Ayant surtout comme outil un test de dépistage développé en 1882 et des médicaments mis au point dans les années 50 et 60, les volontaires luttent
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© MSF
DE MSF 2006 pour dispenser des traitements dispendieux qui constituent un vrai fardeau pour les patients. Dans les pays où la population est déjà pauvre, le traitement de courte durée directement observé (DOTS) qui dure plus de six mois, ou jusqu’à deux ans dans les cas de multirésistance, peut s’avérer difficile à prodiguer, sinon impossible. À la fin de sa mission virtuelle, chaque visiteur aura la possibilité de livrer un compte rendu au personnel et aux bénévoles de MSF, qui ont eux-mêmes affronté ces défis sur le terrain. L’exposition a été créée à partir du vécu de ces derniers, et bien que le message traduit une certaine frustration, il véhicule aussi de l’espoir. « Grâce à de bons soins infirmiers, à un traitement adéquat des infections et à l’introduction des ARV (médicaments antirétroviraux), notre équipe a vraiment réussi à
ramener nombre de personnes « à la vie » – en quelques mois, des patients sont passés de l’agonie à une vie normale », raconte le Dr Peter Saranchuk, qui témoigne du travail accompli auprès des patients sidéens dans un hospice de l’Afrique du Sud. L’an dernier, par le biais de ses projets de lutte au sida qu’il mène dans 29 pays, MSF a traité plus de 60 000 patients, dont 3500 enfants. L’exposition de MSF présentera de l’information sur quatre maladies qui sévissent dans quatre pays. Nous espérons qu’elle stimulera la curiosité des visiteurs et les amènera peut-être à poser des gestes concrets. Le travail que mène MSF pour améliorer le dépistage et les soins au chapitre des maladies négligées comporte plusieurs volets : la stimulation des acti-vités de recherche et de développement en vue d’obtenir de
nouveaux outils de dépistage et de meilleurs médicaments; un assouplissement des lois, qui améliorerait l’accès à des médicaments génériques plus abordables; et la multiplication des traitements contre les maladies négli-gées dans des contextes dépourvus de ressources et aux prises avec des problèmes de sécurité. Les visiteurs de l’Expo apprendront ce que le Canada et ses habitants peuvent faire pour générer des résultats concrets. La signature d’une pétition de MSF qui exhorte le gouvernement canadien à en faire davantage et le soutien à nos travailleurs du terrain pour qu’ils puissent accomplir leur travail médical figurent parmi ces moyens. Pour de plus amples renseignements concernant l’Expo, veuillez visiter notre site www.msf.ca.
CET ÉTÉ,
QUÉBEC
L’EXPOSITION DE MSF SE RENDRA DANS LES VILLES SUIVANTES : TORONTO HAMILTON LONDON WINDSOR
MONTRÉAL OTTAWA
SHERBROOKE
Ottawa . . . . . . . . 17 au 28 mai Hamilton . . . . 31 mai au 4 juin Windsor . . . . . . . . 7 au 11 juin London . . . . . . . . 14 au 18 juin Montréal . . 28 juin au 9 juillet Sherbrooke . . . 12 au 16 juillet Québec . . . . . . 19 au 23 juillet Toronto . . . . . . . . 2 au 18 août
Pour plus de renseignements sur les lieux où se déroulera l’Expo ou pour toute autre information pertinente, veuillez consulter www.msf.ca.
© linda o. nagy
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DNDi
L’ACCÈS
AUX MÉDICAMENTS ESSENTIELS POUR LES MALADIES NÉGLIGÉES
haque jour, partout dans le monde, environ 35 000 personnes meurent de maladies comme la malaria, la tuberculose, le VIH/sida et le kala azar. Même si ce chiffre est énorme, ce dossier ne figure pas parmi les priorités de la communauté internationale. En 1999, mettant à contribution l’attention médiatique et l’argent reçu avec le prix Nobel de la paix, Médecins Sans Frontières (MSF) s’est donné comme objectif de changer la situation et a lancé sa campagne Accès aux médicaments essentiels. Cette initiative a pour but de donner aux plus défavorisés de la planète un accès à des médicaments abordables, de diminuer les prix des médicaments existants, de convaincre les fabricants de reprendre la production de médicaments abandonnés, de stimuler la recherche et le développement dans le domaine des maladies qui touchent surtout les défavorisés et d’éliminer les autres obstacles entravant l’accès.
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La campagne a récolté des succès importants, mais nous avons encore beaucoup à faire. Par exemple, le traitement du sida peut coûter annuellement aussi peu que 165 $ par patient, comparativement aux 10 000 $ qu’il en coûtait il y a quatre ans. Toutefois, les médicaments antirétroviraux de seconde intention peuvent coûter de quatre à 10 fois plus que les médicaments de première intention, même à rabais. En 2003, MSF s’est joint à six autres organisations pour former le Groupe de travail sur les médicaments pour les maladies négligées (DNDi). Cette instance avait pour objectif de
© Christian Schwetz
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favoriser la collaboration internationale, notamment avec et entre les pays en développement, de partager les connaissances et de stimuler la recherche et le développement. Les maladies négligées sont celles qui touchent surtout les populations des pays en développement et qui ne représentent pas un marché commercialement viable pour les sociétés pharmaceutiques. Bien que certaines de ces maladies sont plus connues, comme la tuberculose, la malaria et le VIH/sida, d’autres, comme la trypanosomiase africaine (maladie du sommeil), la maladie de Chagas et la schistosomiase, pour n’en nommer que quelquesunes, sont la moindre des préoccupations des pays comme le Canada. Bien que nous entendions parler rarement de ces maladies, le nombre de décès qu’elles causent est extrêmement élevé. Chaque année, la malaria tue de un à deux millions de personnes et le Chagas en tue près de 50 000. Les défis qu’imposent la prévention, le dépistage et le traitement de ces maladies sont énormes. Ces dernières sont courantes, notamment dans les pays pauvres qui possèdent peu d’infrastructures et où la présence d’un personnel médical hautement qualifié se fait rare. Ceux qui en sont victimes sont souvent pauvres et subissent le stigmate associé aux maladies dont ils souffrent. À ces énormes obstacles s’ajoute la pénurie de ressources. Les outils pour dépister et traiter la tuberculose chez les bébés ne sont pas disponibles. Les doses de médicaments contre le VIH/sida pour enfant doivent être
façonnées à partir de pilules pour adultes, que l’on coupe à la main avec beaucoup de précautions. De plus, les médicaments contre la maladie du sommeil et le kala azar sont nocifs, douloureux et les dernières versions datent des années 30 et 40. Pendant de nombreuses années, la communauté internationale a tout simplement refusé de reconnaître l’étendue du problème. Non seulement les activités de recherche et de développement sont elles commercialement non rentables, mais les outils de dépistage et de traitement sont très difficiles à utiliser dans des pays dépourvus de ressources et ravagés par des conflits. Le travail de pionnier accompli par MSF, particulièrement au chapitre du VIH/sida, a démontré que non seulement la mise en place de telles ressources est possible mais qu’elle est vitale. Les médicaments influent non seulement sur la santé des individus mais aussi sur la santé des communautés, qui sont souvent anéanties par les effets socioéconomiques de la maladie. MSF continue d’exercer activement des pressions pour la mise au point d’outils simples et abordables, qui peuvent être utilisés pour freiner l’impact mortel des maladies négligées, dans les pays les plus défavorisés de la planète.
Pour plus d’information concernant la campagne Accès aux médicaments essentiels, veuillez consulter www.accessmed-msf.org [en anglais seulement]
© Eric Miller
Chagas
Les carences et les souffrances causées par © Juan Carlos Tomasi
ne autre journée de travail au Guatemala. Nous enfilons nos chemises avec le petit personnage rouge placé stratégiquement sur le cœur et nous partons voir nos patients, dont la plupart sont âgés de 10 ans. Ce sont des enfants malades qui seront un jour handicapés, non pas parce qu’il leur manque un membre ou qu’ils sont privés d’un sens, mais à cause d’une déficience cardiaque qui les empêche de travailler, de courir et parfois même de vivre. Ces patients ont la maladie de Chagas. L’insuffisance cardiaque compte parmi les nombreuses complications à long terme que provoque cette affection.
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Ici la déficience commence avant même la naissance. Avec un peu de chance, la mère vivra une grossesse à terme; le nourrisson naîtra dans une maison aux conditions sanitaires douteuses, que l’on appelle une « maison détritus » (faite de feuilles de bananier séchées et d’une structure de bambou), dont la surface est insuffisante pour abriter 10 personnes. Tout devrait bien aller si les carences alimentaires dont souffre la mère, qui s’alimente surtout de tortillas de maïs et de frijoles, le permettent. Toutefois, il ne faut pas oublier que la mère, dont l’âge moyen au premier accouchement est de 14 à 16 ans, pourrait déjà être atteinte du Chagas, ce qui fixerait déjà son destin. Dans ce pays, la chance est une commodité rare et lorsqu’elle touche une personne, elle est généralement insuffisante.
LE CHAGAS
Retournons à notre patient. Dans l’hypothèse où il aurait débuté sa vie avec un peu de chance, sans d’autres problèmes qu’une alimentation et une éducation insuffisantes, l’obligation de travailler dur dès sa petite enfance et des conditions d’hygiène et des soins de santé minimes, il atteindra l’adolescence et se taillera une place dans un monde rempli d’insuffisances qui ne touchent pas uniquement son cœur.
continue à augmenter. Elles sont des millions dans le monde et ceux qui sont en position d’agir ne sont nullement intéressés à changer la situation.
Plus tard dans la vie, il réalisera que son salaire ne suffit pas pour nourrir sa famille ou acheter des médicaments à ses enfants. La production des médicaments utilisés pour traiter le Chagas est insuffisante parce que les fabricants jugent qu’il n’y a pas assez de clients qui ont l’argent pour les acheter. Pour couronner le tout, les symptômes dont il souffre ne seront pas assez visibles pour être détectés à temps par un médecin qui connaît mal cette maladie, puisque le Chagas est peu connu non seulement des médecins mais aussi de la population générale.
La trypanosomiase américaine, ou maladie de Chagas, est transmise par des insectes que l’on trouve souvent dans les fentes des murs et des toits faits en paille et en boue; ces habitations sont typiques des régions rurales pauvres et des bidonvilles d’Amérique Latine. La piqûre n’est pas visible en général, et il n’y a pas de symptômes évidents au cours de la phase aiguë; ceci permet au parasite de se multiplier dans le corps pendant des années, voire des décennies. Lorsque commence la phase chronique de la maladie, il est déjà trop tard pour un traitement : des symptômes comme l’insuffisance cardiaque peuvent être irréversibles et causer une affection graduelle, résultant en une diminution de la qualité et l’espérance de vie.
La vie de ces gens se déroule donc sous le régime de l’insuffisance, qui produit des conditions parfaites pour la propagation de maladies comme le Chagas, la tuberculose, le sida et potentiellement une très longue liste d’affections qui continuent de tuer les plus pauvres des pauvres. Mais le plus étrange, c’est que le nombre de victimes
Jorge Nyari Médecin, Guatemala Texte traduit de l’espagnol
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VIH/sida
Un traitement pour préserver
LA VIE © Jonathan Torgovnik
elon les chiffres de l’ONUSIDA émis en décembre 2005, la planète compte quelque 40 millions de personnes atteintes de VIH/sida. Dans les pays pauvres, sur les 6,5 millions de personnes qui ont besoin immédiatement de médicaments pour survivre, seul 1,3 million d’entre elles ont accès aux traitements. Malgré les promesses et les discours, les actions concrètes sont insuffisantes pour améliorer et maintenir l’accès aux médicaments pour les gens dont la survie en dépend se font rares.
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NOS ÉQUIPES, QUI ASSURENT À 60 000 PATIENTS DANS 29 PAYS UN ACCÈS AUX MÉDICAMENTS ANTIRÉTROVIRAUX CONNAISSENT D’EXPÉRIENCE LES RÉSULTATS
résistance qu’ils développeront. Aujourd’hui, ces nouveaux médicaments sont vendus à des prix beaucoup trop élevés. Sans une baisse importante des prix, les patients risquent de devoir interrompre leur traitement vital parce qu’ils n’auront pas les moyens de s’offrir ces médicaments. Il faut intensifier grandement la recherche et le développement au chapitre des outils de dépistage et des médicaments. Ceci ne représente que quelques-uns des nombreux obstacles aux traitements
POSITIFS QUE PRODUISENT LES TRAITEMENTS PRODIGUÉS AUX ADULTES ET AUX ENFANTS DANS DES CONTEXTES PRIVÉS DE RESSOURCES. CES PATIENTS SONT
Nos équipes, qui assurent à 60 000 patients dans 29 pays un accès aux médicaments antirétroviraux (ARV) qui prolongent leur vie, connaissent d’expérience les résultats positifs que produisent les traitements prodigués aux adultes et aux enfants dans des contextes privés de ressources. Ces patients sont la preuve vivante que cela peut être fait.
LA PREUVE VIVANTE QUE CELA PEUT ÊTRE FAIT.
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Inévitablement, les patients auront besoin de médicaments de seconde intention après quelques années de traitement en raison de la
« Aujourd’hui, 95 % de nos patients adhèrent à leur traitement. Ils savent que s’ils veulent vraiment survivre, ils le peuvent. » – Loy Diep, intervenant de MSF au Cambodge, où MSF dispense des médicaments ARV qui prolongent la vie, à plus de 5400 des 25 000 personnes dans le besoin.
UN BESOIN URGENT DE NOUVEAUX MÉDICAMENTS ADAPTÉS ET ABORDABLES « Si [mes pilules] ne sont pas conservées au réfrigérateur, voici ce que vous obtenez après quatre semaines à des températures moyennes de 45 degrés : une compote de pilules fondues et complètement inefficaces… [La nouvelle version du médicament, le Kaletra], semble la solution idéale puisqu’elle ne nécessite aucune réfrigération, mais elle n’est pas disponible ici. Cette situation réduit à néant tout cet exercice. Si ces médicaments ne deviennent pas disponibles dans notre pays, beaucoup de gens périront. » – Ibrahim U., un patient du programme de MSF à Lagos, au Nigéria Les versions non réfrigérées qu’Ibrahim décrit ne sont disponibles qu’aux États-Unis où, ironiquement, 99 % des Américains possèdent un réfrigérateur. UN DUO MORTEL : LA CO-INFECTION TUBERCULOSE / SIDA La tuberculose est une infection opportuniste fréquente et l’une des principales causes de mortalité chez les personnes atteintes du VIH/sida. La vie ne peut être prolongée que si la tuberculose est dépistée de façon précoce, le traitement rapidement amorcé et des ARV administrés. Selon une étude menée par MSF en Chine rurale auprès de la population séropositive, une personne sur quatre serait
atteinte de tuberculose active. De ce nombre, un pourcentage important ne peuvent mener à termes leur traitement contre la tuberculose et risquent de mourir. Les médicaments actuels contre la tuberculose ont été mis au point il y a plus de 50 ans et les outils de dépistage sont désuets et inadéquats.
l’achat des ARV dont l’accès est acquis dans les pays développés. Nos médecins sont condamnés à utiliser des médicaments qui ne conviennent pas aux pays pauvres, ni aux enfants séropositifs. Ils sont aux prises avec une absence d’infrastructure et une pénurie de ressources humaines.
« Je n’en peux plus de voir mes patients mourir de tuberculose. J’ai souvent l’impression de pratiquer la médecine avec les mains liées dans le dos. Puisque je dois utiliser un outil de dépistage du 19e siècle qui donne des résultats pour la plupart du temps erronés, c’est comme si j’avais aussi les yeux bandés. » – Dre Martha Bedelu, médecin de MSF œuvrant en Afrique du Sud.
Malgré la situation, les programmes de MSF produisent des résultats concrets. Ils permettent de réaliser de précieuses recherches qui nous permettent d’identifier les besoins, les leçons apprises, les obstacles et les réussites. Fait important, MSF est aussi témoin de l’efficacité des traitements dans des contextes dépourvus de ressources et de la grande amélioration de la qualité de vie des gens qui ont accès à des médicaments.
PLEINS FEUX SUR LE SIDA À TORONTO, EN AOÛT 2006 : MAINTENONS LE CAP La XVIe Conférence internationale sur le sida, un important événement biennal sur la pandémie du sida, aura lieu à Toronto du 13 au 18 août 2006. Nul doute que les gens du Canada et de partout sur la planète entendront beaucoup parler de sida cet été. Par ailleurs, il faut maintenir le cap et poursuivre les actions bien au-delà de ces dates.
« Je suis mère de deux enfants. J’ai le sida depuis 11 ans maintenant et je prends des ARV depuis un an et huit mois. Vivre au grand jour avec ma maladie est une véritable vocation, notamment parce que je suis une professionnelle. Selon la croyance, le sida est une maladie de pauvres, mais nous, nous pouvons nous lever et dire : « Tout le monde peut la contracter et nul n’est obligé d’en mourir. » – Monique, étudiante et économiste sociale au Kenya
Les équipes de MSF sont témoins des ravages quotidiens du sida. Ils voient mourir les patients, dont des enfants, qui ne sont pas traités. Ces gens ne peuvent se permettre
Carol Devine Agente des programmes
XVIe Congrès international sur le SIDA à Toronto :
2006 • MSF parlera des effets positifs chez les adultes et les enfants traités aux ARV, du Cambodge à Cape Town. • MSF partagera de l’information concernant les soins directs qu’il dispense contre le sida et les infections opportunistes ainsi que sur les obstacles qui entravent ces soins. • MSF a soumis 57 résumés de recherches scientifiques et non scientifiques pour diffusion à la conférence. Ces études ont été menées dans le cadre de ses programmes de lutte contre le sida dans plus de 20 pays. Elles témoignent du processus d’apprentissage continu qui constitue une part vitale des efforts que MSF déploie constamment pour améliorer les soins contre le VIH/sida dans les pays en développement. • Le Dr David Tu, conseiller en matière de VIH pour MSF Canada, livrera une présentation le 12 août, lors d’un événement préliminaire sur le VIH/sida, les conflits et les déplacements. Le Dr Tu parlera de l’expérience qu’il a vécue en lien avec la prestation d’un traitement novateur contre le sida en République démocratique du Congo. • L’Expo de MSF sur l’accès aux médicaments essentiels fera cet été une tournée du Québec et de l’Ontario et terminera son parcours à Toronto à l’occasion de la XVIe Conférence internationale sur le sida.
« J’ai peine à y croire. J’étais presque morte! Je suis si emballée. Je peux faire tout ce que je veux maintenant. Je suis tellement heureuse. » – Prudence Radebe. Prudence est l’une des 40 000 personnes séropositives en Afrique du Sud qui prennent des ARV et l’une des 4000 au Cap-Oriental, l’une des régions les plus pauvres du pays. Elle prend des ARV que MSF lui remet depuis au moins 14 mois. La chaîne de télévision BBC l’accompagne dans son cheminement et son combat. L’état de cette femme prouve que le traitement peut être efficace à tous les stades de la maladie.
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La tuberculose
© Tom Craig
L’HORREUR DE LA
MORT BLANCHE
• Tous les ans, la tuberculose tue deux millions de personnes; huit millions de gens contractent la tuberculose active. • Le tiers de la population mondiale est actuellement infecté; 16 millions de personnes sont atteintes de tuberculose active. • C’est dans les pays pauvres que l’on retrouve 95 % des cas de tuberculose et 98 % des décès causés par cette maladie. Les prévisions indiquent que dans les prochaines années, l’épidémie s’aggravera, surtout en Afrique et dans le Sud-Est asiatique. • Tous les ans, plus de 1,5 million de personnes contractent la tuberculose active en Afrique subsaharienne. Ce nombre augmente rapidement en raison de l’épidémie de VIH/sida. La tuberculose est une infection opportuniste qui attaque les personnes séropositives dont le système immunitaire est affaibli. • La tuberculose est la principale cause de décès chez les personnes atteintes du sida et dans certaines régions d’Afrique, les trois quarts des patients souffrant de tuberculose sont séropositifs. • La tuberculose, qui se répand dans l’air, est une maladie très contagieuse. En moyenne, une personne atteinte de tuberculose infectieuse contamine annuellement 10 à 15 personnes.
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EN OUZBÉKISTAN lles étaient là, huit femmes, étendues dans des lits de métal écaillé, quatre contre chaque mur, dans la petite pièce délabrée de l’hôpital. Chacune d’elles est immobilisée dans un plâtre qui les serre comme un étau, pour une période de six à neuf mois. Cette coquille est leur traitement contre la tuberculose vertébrale, un diagnostic qu’elles ont toutes reçu. Aucune stimulation, aucun répit pendant d’interminables journées et seulement un membre de la famille à leur chevet pour répondre à leurs besoins et cuisiner leur maigre repas. Dans les autres salles de cet hôpital postsoviétique, privés des commodités de base et de médicaments essentiels, 250 patients arpentent les couloirs et le terrain de l’établissement, des fantômes à la recherche d’une vie qui les quitte lentement, sans pitié. Toutes ces personnes séjournent dans ce lieu pendant au moins neuf mois; nombre d’entre elles y demeurent pendant des années.
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Cette scène figure parmi les images que j’ai vues lorsque j’ai œuvré comme médecin bénévole avec Médecins Sans Frontières (MSF) dans le cadre d’un projet de lutte contre la tuberculose en Ouzbékistan. Elles sont restées dans mon esprit. La tuberculose, surnommée la mort blanche, continue de ravager cette région de l’Asie centrale, démunie et frappée de misère. Dans cette zone jadis prospère, la mer d’Aral grouillait de poissons dont se nourrissaient des milliers de Russes frappés par la famine après la Première Guerre mondiale. Une culture abusive du coton a été pratiquée pendant 80 ans dans cette région, irriguée par un système qui a vidé la mer de ses eaux porteuses de vie. La zone est maintenant vide et abandonnée. La mer, devenue peu profonde et très saline, est morte, sa superficie réduite à une fraction de ce qu’elle était. Le port de Muynak est maintenant à plus de 100 kilomètres du littoral, qui recule constamment. C’est la région de l’Aral en Ouzbékistan et au Turkménistan. Arrivé en 1997, MSF a identifié la tuberculose comme une importante cause
de morbidité et de mortalité et a mis en place un programme de dépistage et de traitement pour lutter contre cette maladie.
engagées à mettre au point un protocole de traitement de la TMR. Une fois de plus, MSF tire des apprentissages de son expérience.
Utilisant le protocole de traitement de l’OMS, connu sous le nom de traitement de courte durée directement observé (DOTS), MSF a débuté à la case départ. Il a installé des laboratoires de dépistage, établi des procédures de traitement, assuré un accès à des médicaments appropriés, donné des formations intensives et documenté les échecs et les réussites.
Les laboratoires et les centres de recherche médicale se sont très peu intéressés à la tuberculose, puisqu’elle a presque été éliminée en Occident grâce à l’amélioration de l’hygiène et des conditions de vie et grâce à la découverte dans les années 60 de la Rifampicine, un médicament miracle. L’Organisation mondiale de la Santé avait même prédit qu’en 2050, la tuberculose aurait totalement disparu de la planète.
À part les bâtiments décrépits, MSF ne disposait d’aucune autre ressource. Le personnel du ministère de la Santé était en poste, mais la plupart des effectifs étaient payés de façon sporadique et travaillaient avec des équipements désuets et des médicaments d’efficacité douteuse. Nombre d’entre eux se méfiaient du programme de MSF et des « usurpateurs » qui l’avaient introduit. Toutefois, au fil du temps et des guérisons, le programme a peu à peu acquis une crédibilité. La précision des diagnostics s’est améliorée, des traitements continus administrés avec des médicaments appropriés ont remplacé des traitements interrompus prodigués avec des médicaments inadéquats et les périodes d’hospitalisation se sont limitées aux stades contagieux. Pour les patients non infectieux, les traitements à domicile ont remplacé les séjours prolongés en institution, et la majorité du personnel du ministère ont accepté peu à peu la nouvelle approche. MSF continue d’œuvrer dans cette région oubliée, anciennement la route de la soie, mais il a modifié le programme de façon à intégrer la collaboration du personnel du ministère de la Santé. La mission conjointe était d’identifier et de traiter les cas les plus difficiles et les plus complexes de la mort blanche : les cas de tuberculose multirésistante (TMR). MSF a identifié certaines lacunes du programme DOTS et en a informé l’OMS. Elle est l’une des rares organisations médicales internationales qui se soient
Malheureusement, à moins de mettre au point des médicaments améliorés, abordables, à effet plus rapide et dont la posologie se résumerait à une ou deux pilules par jour, la tuberculose ne disparaîtra pas de notre monde. Cette maladie a développé une résistance à nombre d’anciens médicaments de première intention, y compris la Rifampicine. Les médicaments de rechange sont extrêmement chers. Ils sont aussi très nocifs et doivent être administrés pendant de longues périodes pour produire la guérison espérée chez un patient atteint de TMR. Sans l’apport de nouvelles activités de recherche et de développement visant à s’attaquer à ces problèmes, la mort blanche sera avec nous encore très longtemps. L’impact de cette maladie en co-infection avec le VIH/sida constitue un autre facteur inquiétant qui complique la situation. Avec le VIH/sida qui se répand à l’échelle mondiale, la tuberculose a connu un regain en tant qu’infection opportuniste importante. Porté par le VIH/sida, elle s’est répandue de plus en plus et apparaît maintenant dans des régions du monde où elle avait presque été éliminée.
Douglas Kittle Médecin
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Lettre du terrain
© Stephan Grosse Rüschkamp/MSF
© Sebastian Bolesch
UN PROGRAMME COMMUNAUTAIRE POUR
le traitement de la malaria a malaria est de loin la maladie la plus menaçante dans les Chittagong Hill Tracts du Bangladesh. La plupart des populations tribales du pays vivent sur des lopins de terre en montagne et ont peu d’accès aux soins de santé. Tous les mois, les dirigeants des communautés signalent le décès de une ou deux victimes de la fièvre.
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En l’absence d’évaluations cliniques et de tests de dépistage adéquats, les gens de nombreuses collectivités du Bangladesh reçoivent des traitements inefficaces puisqu’il n’y a aucune réglementation qui régit la vente des médicaments, souvent faite sans l’avis d’un médecin. Quand j’ai débuté au programme de lutte contre la malaria de Chittagong Hill Tracts régit par MSF, je me suis retrouvé déchiré entre mon désir d’appuyer les croyances traditionnelles locales en matière de maladie et la nécessité de mettre en place des pratiques et médicales occidentales modernes dynamiques pour combattre la malaria.
LA MALARIA TUE ANNUELLEMENT DE UN À DEUX MILLIONS DE PERSONNES. LES ENFANTS DES RÉGIONS RURALES ÉLOIGNÉES, LES FEMMES ENCEINTES ET LES RÉFUGIÉS OU PERSONNES DÉPLACÉES SONT LES PLUS À RISQUE.
Dépêches Vol.8, no 2
Pour mener des évaluations dans certaines communautés, les équipes de MSF doivent faire une heure de voiture sur des routes cahoteuses et abruptes. Elles doivent ensuite grimper et traverser à gué des cours d’eau pendant une ou deux heures. J’étais heureux de marcher dans une si belle jungle, mais je ne pouvais m’empêcher de penser aux difficultés qu’entraînerait le transport d’un villageois gravement malade jusqu’au dispensaire. À notre arrivée dans le village de 40 familles, l’agent de liaison m’a présenté à l’intervenant de terrain en poste sur les lieux. L’intervenant de terrain est un membre de la communauté formé par MSF pour identifier et traiter la malaria à P. falciparum, le parasite causant la plupart des infections paludiques et le plus mortel de tous. Cette personne œuvre sur le terrain dans le cadre du programme de lutte contre la malaria de MSF. Elle se rend dans des régions éloignées pour sensibiliser la population, mener des évaluations et prodiguer des soins. Le village que j’ai visité ce jour-là contenait des bâtiments entièrement faits de matériaux naturels, et la communauté semblait tout à fait autosuffisante. Les gens étaient dynamiques et semblaient tous avoir un rôle précis. Les hommes et les femmes étaient maquillés et parés de fleurs et de bijoux. On nous a offert une brève visite du village, puis les membres de la communauté se sont rassemblés pour assister à la séance d’éducation sanitaire qu’offrait l’agent de liaison de MSF.
Avant la présentation, une femme atteinte de fièvre est venue consulter l’intervenant. Cet intervenant peut identifier la malaria à P. falciparum à l’aide d’un test paracheck, une lame jetable qui réagit au contact d’une goutte de sang infecté. Si le test indique que le patient est atteint de la malaria à P. falciparum, l’intervenant peut traiter le patient avec des doses adéquates de Coartem, un protocole connu sous le nom de thérapie combinée à base d’artémisinine, de plus en plus utilisé pour traiter la malaria. Dans ce cas, la femme n’a pas voulu subir le test quand elle a vu l’aiguille pour piquer le doigt et extraire le sang. Craintive, elle s’est mise à l’écart. Les enfants et les autres personnes de la communauté ont entamé une chansonnette en frappant des mains, ce qui a convaincu la villageoise. Après avoir subi le test, elle s’est jointe à l’intervenant pour l’aider à convaincre les autres personnes atteintes de fièvre de subir le test. Elle offrait ainsi à la communauté un message rassurant sur l’innocuité du processus. Cette scène confirmait que le village approuvait le programme de lutte contre la malaria qui sauvait des vies et qu’il en acceptait la présence. À mon avis, il est vital d’obtenir la collaboration de la collectivité lorsque nous traitons la malaria dans des communautés éloignées.
Kevin Barlow Infirmier autorisé Bandarban, Bangladesh
Malaria
Les patients
DOIVENT AVOIR ACCÈS À DES MÉDICAMENTS EFFICACES
chinoise. La thérapie combinée à base d’artémisinine (TCA) est la méthode la plus rapide et efficace pour éliminer une infection paludique, avec peu d’effets secondaires. Le recours à ce médicament, combiné à d’autres, diminue la durée du traitement et prévient la résistance à chacun de ces médicaments.
© Carlos Quarenghi
a chloroquine, l’un des médicaments contre la malaria les plus utilisés, a été mise au point en 1934. C’était le médicament idéal – efficace, produit à très peu de frais (environ vingt cents par traitement) et facile à administrer. Mais après 60 ans, l’efficacité de ce produit a énormément diminué en raison d’une résistance de plus en plus grande au médicament.
L
Les scientifiques sont maintenant d’avis que le traitement le plus efficace contre la malaria est une combinaison de médicaments comprenant des dérivés de l’artémisinine, des extraits très puissants d’artemesia annua, une plante
En 2005, MSF a traité approximativement 1,8 million de patients atteints de malaria, dans 40 pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. MSF exhorte les soignants à utiliser la TCA depuis 2001 et utilise ce protocole dans ses programmes partout dans le monde. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) invite vivement les pays aux prises avec la malaria endémique à changer leur protocole et à recourir uniquement à la TCA. Au total, 40 pays utilisent maintenant la TCA pour traiter la malaria et 14 autres envisagent actuellement de le faire. Par ailleurs, plus de 70 % de ces pays n’appliquent pas ce protocole ou l’appliquent à pas de tortue. Cette situation est causée par plusieurs facteurs : un manque de volonté politique et de ressources financières et humaines; une absence de formation destinée aux travailleurs de la santé, et par con-
séquence, de reconnaissance des bienfaits de la TCA dans les communautés; une pénurie de TCA de qualité certifiée; l’impossibilité pour les professionnels de la santé d’accéder à des outils de dépistage rapide; et une absence répandue de services de santé. La malaria, une maladie guérissable, continue donc à tuer un enfant toutes les 30 secondes. « Sans l’introduction rapide de mesures qui assurent aux personnes atteintes un réel accès à des médicaments efficaces, les décisions des gouvernements demeurent virtuelles et n’ont aucune conséquence sur la vie des gens qui devraient en bénéficier », affirme le Dr Karim Laouabdia, directeur de la campagne Accès aux médicaments essentiels. « Administrer de la chloroquine aux patients pour les guérir de la malaria est aussi efficace que de leur remettre un sac de sucre. C’est commettre une faute médicale et déontologique. Nous savons que l’adoption d’un protocole de TCA n’est pas une tâche facile, mais nous devons nous assurer que nul ne se traîne les pieds dans le processus d’acheminement de médicaments salvateurs à ceux qui en ont besoin. »
LA MALARIA TUE UN ENFANT AFRICAIN TOUTES LES 30 SECONDES ET EST LA PREMIÈRE CAUSE DE DÉCÈS CHEZ LES ENFANTS DE MOINS DE CINQ ANS.
© Stephan Grosse Rüschkamp/MSF
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VIH/TB co-infection
© Mariella Furrer
La tuberculose maginez que vous vous sentez mal depuis des semaines. Vous toussez et vous vous réveillez la nuit couvert(e) de sueur, au point où vos draps sont trempés. Vous n’avez plus faim et vous avez perdu cinq kilos.
I
Votre conjoint(e) est mort de la tuberculose, il y a quelques années. Un membre de votre famille vous suggère d’aller passer un test à la clinique locale. Vous remettez à l’infirmière deux échantillons de crachat et on vous dit de revenir dans deux semaines pour obtenir le résultat des tests. Le laboratoire local a recours au test de dépistage de la tuberculose conventionnelle et il examine les échantillons de crachats sous un
Dans le but de sauver des vies partout dans le monde, MSF demande que tous les enfants et les adultes séropositifs aient accès aux ressources suivantes : • des tests plus rapides et plus précis pour détecter la tuberculose; • de meilleurs médicaments contre la tuberculose qui comportent moins d’effets secondaires; • des protocoles de traitement de la tuberculose moins lourds que celui lié au traitement de courte durée directement observé (DOTS) pour réduire le risque de développer une tuberculose multirésistante causée par l’interruption d’un traitement.
Dépêches Vol.8, no 2
microscope pour déceler les germes de la tuberculose. Dans votre cas, il n’en trouve aucun. Votre test est donc déclaré négatif. Quand vous vous présentez à votre rendez-vous de suivi, on vous dit que vous n’avez pas la tuberculose. Mais votre état a empiré. La toux persiste, vous avez perdu cinq kilos de plus et vous n’avez jamais été aussi fatigué. Que se passe-t-il? En fait, vous êtes victime d’une nouvelle forme de tuberculose, une conséquence de la pandémie du VIH. Sans le savoir, votre conjoint(e) vous a transmis le VIH et ce virus a peu à peu affaiblit votre système immunitaire. Malgré ce que l’infirmière de la clinique vous a dit, vous êtes atteint(e) de tuberculose pulmonaire. Les germes de la tuberculose se multiplient dans vos poumons et causent la toux, les sueurs nocturnes et la perte de poids. Par ailleurs, le test traditionnellement utilisé pour dépister la tuberculose (microscopie) n’est plus efficace chez la majorité des personnes qui sont infectées à la fois du VIH et du germe de la tuberculose. Actuellement, ce scénario peut prendre deux tournures : 1. Vous avez quelques économies et vous les utilisez pour consulter un médecin du secteur privé, qui vous envoie passer une radiographie pulmonaire. Le médecin détecte des traces de tuberculose et vous aiguille vers la clinique spécialisée dans le domaine de la tuberculose afin d’amorcer un traitement. La bonne nouvelle c’est que vous
commencez à vous sentir mieux – les sueurs nocturnes ont disparu, la toux diminue, votre appétit augmente et vous commencez à reprendre du poids. La mauvaise nouvelle est que le traitement contre la tuberculose dure six mois et la clinique insiste sur l’application du protocole DOTS (traitement de courte durée directement observé), ce qui signifie que vous devez personnellement vous rendre à la clinique tous les jours, sans exception, pour recevoir vos médicaments. Vous ne pouvez donc plus travailler pendant six mois. Six mois plus tard, vous êtes plus pauvre, mais au moins, vous êtes guéri(e) de la tuberculose. Votre médecin vous informe alors que vous devez prendre des ARV pour améliorer votre système immunitaire affaibli (un résultat du VIH) et prévenir d’autres infections potentiellement mortelles. Vous n’avez pas les moyens d’acheter les ARV et vous continuez à contracter des infections jusqu’à ce que vous mourriez éventuellement d’une infection cérébrale l’année suivante. 2. Vous n’avez pas les moyens de consulter un médecin du secteur privé ni de subir une radiographie. Le médecin qui travaillait à la clinique publique a quitté son poste pour travailler dans un pays occidental et les autorités ne trouvent pas de remplaçant. L’infirmière de la clinique vous reçoit à nouveau et elle vous remet des vitamines et des antibiotiques pour une semaine, mais ces médicaments n’ont aucun effet. Vous devenez de plus en plus malade au fur
et à mesure que les germes de la tuberculose se multiplient et se répandent dans votre organisme. Vous commencez à vomir régulièrement et vous perdez encore plus de poids. Vous êtes alors confinée au lit et vos enfants font de leur mieux pour assurer votre confort à la maison. Vous décédez au cours du mois d’une tuberculose non dépistée, pour la simple raison que vous n’avez pu bénéficier d’un test de dépistage rapide et précis destiné à dépister la tuberculose et le VIH chez les personnes atteintes d’une double infection. Ce scénario se produit souvent et on le retrouve sans cesse dans toutes les communautés du monde où le taux de VIH est élevé. D’innombrables personnes meurent de la tuberculose pulmonaire parce que le test traditionnel (microscopie) ne produit pas des résultats précis chez les personnes séropositives. Pire encore, la pandémie du VIH augmente le taux de tuberculose extrapulmonaire (à l’extérieur des poumons). En raison de l’affaiblissement du système immunitaire, le germe de la tuberculose peut causer des affections dans presque toutes les parties du corps, notamment le cerveau (méningite), les ganglions lymphatiques, l’enveloppe
du cœur, les seins, l’abdomen, la moelle osseuse, les articulations et autres. Souvent la tuberculose extrapulmonaire est difficile à dépister et cause la mort chez les adultes et les enfants séropositifs. Heureusement, certains progrès ont été accomplis dans la lutte contre la tuberculose. Médecins Sans Frontières (MSF) a mis sur pied une clinique de lutte intégrée contre le VIH et la tuberculose à Khayelitsha, en Afrique du Sud, où diverses stratégies sont utilisées pour dépister avec précision et de façon plus précoce tant la tuberculose pulmonaire que la tuberculose extrapulmonaire chez les enfants et les adultes. Ces mesures préviennent le décès de nombreux patients séropositifs, qui mourraient autrement de la tuberculose. De plus, tous les patients atteints de cette maladie sont invités à subir un test de dépistage de VIH. Si le test s’avère positif, ils sont aiguillés vers des soins contre le VIH intégrés, qui les préservent d’une mort causée par d’autres maladies.
Peter Saranchuk Médecin Khayelitsha, Afrique du Sud
Pourquoi le VIH combiné à la tuberculose mène-t-il à la
« catastrophe » Dans les communautés où le VIH et la tuberculose sont répandus : • Toutes les années, plus de 10 % des patients séropositifs contractent la tuberculose; 5 à 10 % de patients séronégatifs risquent de contracter une tuberculose active après avoir été exposés au germe de la tuberculose. • Le test traditionnel pour dépister la tuberculose pulmonaire ne donne pas des résultats précis pour la majorité des personnes séropositives. Le dépistage de la tuberculose active est donc retardé (ou pire, la maladie n’est jamais détectée). Par conséquent, la tuberculose est la première cause de mortalité chez les personnes séropositives. • Le nombre de cas de tuberculose continue à grimper chaque année, au fur et à mesure que la pandémie de VIH se répand.
à l’ère du VIH
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Portrait
Peter Saranchuk, Médecin près avoir exercé la médecine familiale et la médecine d’urgence pendant 10 ans partout au Canada, Peter est parti pour une première mission à l’étranger avec Médecins Sans Frontières en 2002. Il partage dans cet article les raisons qui l’ont motivé à travailler sur le terrain et les expériences qu’il y a vécues.
A
« D’ABORD ET AVANT TOUT, JE VEUX POSER DES GESTES QUI AIDENT À RÉDUIRE L’ÉNORME ÉCART ENTRE LES PAYS DU MONDE. »
Comment en êtes-vous venu à travailler avec MSF? J’ai développé un intérêt pour les problèmes médicaux qui entraînent des millions de jeunes personnes dans la mort, partout dans le monde. Ce sont des maladies qui frappent rarement au Canada. Plus je réfléchissais à cette disparité, plus j’étais perturbé. J’ai fait des études dans le domaine de la malaria, la tuberculose et le VIH à la London School of Hygiene and Tropical Medicine. J’ai pris conscience que je ne pouvais être tout à fait satisfait sur le plan professionnel que si j’œuvrais comme médecin à l’échelle internationale. MSF avait bonne réputation et j’ai finalement plongé. J’ai postulé comme volontaire. Qu’avez-vous vécu sur le terrain? J’ai d’abord travaillé en République démocratique du Congo, un pays ravagé par un conflit chronique. Le projet de MSF a démontré que la prestation de soins intégrés contre le VIH peut produire d’excellents résultats, même dans de tels contextes. Lorsque je suis arrivé sur les lieux, j’ai vécu un léger choc culturel. Je n’étais pas préparé à vivre les restrictions imposées par la menace constante de violence. J’avais aussi de la difficulté à composer avec la barrière de la langue. Quand nous étions avec les patients, la plupart du temps, nous devions traduire nos propos de l’anglais vers le français, puis du français vers le swahili (et en sens inverse!).
Vous êtes intéressé à travailler outre-mer? Veuillez visiter www.msf.ca pour en apprendre davantage.
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Ma mission en Afrique du Sud offrait un cadre dans lequel j’étais totalement à l’aise. J’ai trouvé l’expérience si enrichissante que je suis demeuré sur les lieux pendant deux ans. J’ai travaillé avec des infirmières et des médecins locaux dans une clinique de
traitement du VIH, soignant des milliers d’enfants et de jeunes adultes atteints d’infections (surtout de la tuberculose) causées par les effets du VIH, qui affaiblit le système immunitaire. Nous avons traité la plupart de ces infections avec succès et nous avons ensuite administré des médicaments antirétroviraux (ARV) pour prévenir d’autres infections qui pouvaient entraîner la mort. Que diriez-vous aux gens qui sont intéressés à travailler avec MSF? Si vous êtes intéressé, foncez! Votre télévision, votre voiture, votre argent et vos possibilités d’emploi seront toujours là à votre retour! Vous vivrez des défis qui ne se présenteront peutêtre pas au Canada, comme gérer du personnel, former un grand nombre de gens, livrer des conférences ou mener une recherche opérationnelle dans le cadre de votre projet, pour le bien-être de vos patients. Les moments que j’ai vécus en Afrique sont parmi les meilleurs de ma vie, que ce soit d’être le seul muzungu sur l’équipe de football de MSF qui joue sur le sommet d’une colline luxuriante au Congo, d’être ému par une simple musique traditionnelle ou de camper dans le désert de Kalahari dans la nature sauvage. Je prévoie poursuivre mon travail avec MSF parce que j’apprécie les défis et la richesse de cette expérience. J’aime voyager et être en contact avec d’autres cultures, et l’exercice de ma profession au sein du réseau de santé d’un pays est un excellent moyen de s’initier à une culture! Mais d’abord et avant tout, je veux poser des gestes qui aident à réduire l’énorme écart entre les pays du monde.
LES CANADIENNES ET CANADIENS EN ANGOLA
IRAN
Anne Henderson
Magdalena Gonzalez
ARMÉNIE
KENYA
Robert Parker
Sylvain Groulx
BURUNDI
LIBÉRIA
Francine Bélisle Michel Dumont Pierre Labranche Catherine Mason Richard Poitras Diane Rachiele Raghu Vengupal
Brian Baker Patricia Gould Patrick Laurent Miguel Mendoza Allana Shwetz Hidi Ullah
CAMBODGE
Vinay Jindal
Nicole Tanguay
NÉPAL
CHINE
Katja Mogensen
Michelle Chouinard Yvan Marquis
NIGÉRIA
COLOMBIE Tyler Fainstat Darryl Stellmach
CÔTE D’IVOIRE Andrea Boysen Denise Chouinard Kevin Coppock Steve Dennis Vincent Échavé Hélène Lessard Jean-Pierre Pagé Elaine Sansoucy Arun Sharma
ÉTHIOPIE Isabelle Aubry Jaroslava Belava
MYANMAR
Stephanie Gee Michel Lacharité John Pringle
OUGANDA Eileen Skinnider Heather Thompson Claude Trépanier
OUZBÉKISTAN Michelle Tubman
PAKISTAN Ian Adair Justin Armstrong Joe Belliveau David Croft Cara Kosack Thierry Petry
RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE Noah Bernstein Geneviève Côté Ivan Gayton Sherri Grady Pierre Kronstrom Mélanie Marcotte Jean-François Nouveaux
RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO Nathalie Belleau Erwan Cheneval Stéphanie Ferland André Fortin Jean-François Harvey Thomas Kelley Dolores Ladouceur Michael Lewis Judy MacConnery Frédéric Manseau John Paul Morgan André Munger Ivik Olek Alexis Porter Marlene Power Dominique Proteau Leslie Shanks James Squier Julienne Turcotte Fred Wiegand
RÉPUBLIQUE DU CONGO Brenda Holoboff Jessika Huard Kurt Jansen Pikka Lam Grace Tang Martine Vézina
MISSION SOMALIE Reshma Adatia Violet Baron Lindsay Bryson Sylvain Deslippes Naomi Fecteau Megan Hunter Tabata Malo David Michalski
SOUDAN Lori Beaulieu Indu Gambhir Joni Guptill Caroline Khoubesserian Evelyn Lam Tiffany Moore Julia Payson Luella Smith Sheila Stam Susie Tector Danielle Trépanier Vanessa Van Schoor
TCHAD Christine Bonneau Maryse Bonnel Annie Desilets Mike Fark Mario Fortin Michelle Lahey Marie-Claude Lemay Paul N’guyen Omar Odeh Gislaine Télémaque Benoît Wullens
© Didier Ruef / pixsil.com
Dépêches Médecins Sans Frontières 720, av. Spadina, bureau 402 Toronto, Ontario, M5S 2T9 Tél. : (416) 964-0619 Téléc. : (416) 963-8707 Numéro de téléphone sans frais : 1.800.982.7903 Courriel : msfcan@msf.ca Site Web : www.msf.ca
Rédactrice : Clea Kahn Directrices de la rédaction : Laurence Hughes linda o. nagy Réviseurs : Dominique Desrochers Jennifer Hoff Gregory Vandendaelen
Collaborateurs : Kevin Barlow, Carol Devine, Clea Kahn, Douglas Kittle, Jorge Nyari, Peter Saranchuk Tirage : 95 000 Graphisme : Artshouse Communications Inc. Impression : Warren's Imaging and Dryography
Été 2006
ZAMBIA Farah Ali Paulo Rottman Chris Warren Vanessa Wright
INDE
PAPOUASIENOUVELLE GUINÉE
Karen Abbs
Adam Childs
INDONÉSIE
PÉROU
SIERRA LEONE
ZIMBABWE
Asha Gervan
Yanik Delvigne
Concetta Buonaiuto
Joel Melanson
Crédit photo 1re de couverture: Pep Bonet ISSN 1484-9372
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UN DON À MSF SOUS FORME DE LEGS ’un des grands plaisirs dont je jouis en tant que directrice du financement à Médecins Sans Frontières est de constater les effets que la générosité de nos donateurs produit, notamment sur le travail salutaire que nos équipes accomplissent quotidiennement sur le terrain.
L
MSF dépend du soutien qu’offrent un grand nombre de personnes partout dans le monde, des gens qui, comme vous, se préoccupent des populations en danger. Cet appui se manifeste non seulement par des dons financiers, mais aussi par l’apport d’une aide qui nous permet de parler au nom des personnes dont la voix est rarement entendue. En discutant avec les Canadiennes et les Canadiens, je constate avec émotion la
présence d’une énorme compassion et d’un désir de tendre la main à ceux qui souffrent et qui sont dans le besoin, partout sur la planète. Aujourd’hui, nombre de nos souscripteurs choisissent d’aider ces populations en offrant un don sous forme de legs. En nommant MSF comme bénéficiaire dans votre testament, vous continuez d’offrir un bien de première nécessité : l’espoir.
Nancy Forgrave Directrice du financement
Quelques mots dans votre testament suffisent...
Pour des renseignements sur la façon de faire un legs testamentaire à MSF, veuillez utiliser l’enveloppe ci-jointe ou communiquer avec : Nancy Forgrave Directrice du financement (416) 642-3466 / 1 800 982-7903 nforgrave@msf.ca
www.msf.ca 342, rue Sherbrooke Est, bureau 2 Montréal QC H2X 1E6
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