Dépêches (Été 2007)

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Vol.9, no 2

Dépêches BULLETIN

MSF

CANADA

DANS CE NUMÉRO Soins d'urgence pour femmes enceintes

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« Ici, il n'y a pas de bonheur »

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Lutter contre le choléra en République du Congo

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Blogue du terrain : « Soudainement... Soudan »

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Des choix impossibles : la dure réalité de l'aide humanitaire

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Travailler de nuit en Somalie

© Julie Rémy

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HAÏTI

SOINS D'URGENCE POUR FEMMES ENCEINTES aïti est tristement connu pour être l'un des pays les plus pauvres de l'hémisphère occidental et celui où le taux de mortalité puerpérale est le plus élevé. Lorsqu'on sait que ce pays n'est qu'à quatre heures de vol de Montréal, cela peut sembler irréel. Aujourd'hui, les Haïtiens subissent les conséquences d'une violence systémique et insidieuse. Les femmes enceintes en sont les victimes les plus vulnérables.

H 14

Le régime canadien d'accès aux médicaments est inefficace

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Compute rendu : L'inspiration qui mène à l'action

UN ENVIRONNEMENT HOSTILE En dépit de la réussite des élections en 2006 et de la présence d'une mission d'interposition onusienne, Haïti continue de connaître des explosions de vio-

lence comme des enlèvements, des viols ou des tirs croisés entre des groupes armés et les forces des Nations Unies. C'est dans ce contexte d'extrême instabilité sociale et politique que MSF a ouvert, en mars 2006, un hôpital d'urgences obstétricales dans la capitale du pays, Port-au-Prince. L'hôpital Jude Anne de MSF dessert les femmes qui ont un accès très limité aux soins de santé, qui vivent dans les quartiers les plus déshérités de la ville et qui sont, de fait, les plus susceptibles d'être victimes d'actes de violence. Les femmes enceintes vivant dans les bidonvilles de Port-au-Prince sont exposées à une violence quotidienne. Une future maman de Cité Soleil peut être (suite à la page 2)

Lauréat du prix Nobel de la paix 1999


Haïti

© Julie Remy

© Julie Rémy

© Julie Rémy

agressée sexuellement par un membre de sa famille, un voisin ou un membre d'un groupe armé. Elle peut se retrouver au beau milieu de tirs croisés entre deux groupes armés, ou souffrir de traumatismes psychiques causés par la violence. Comme elle vit dans un bidonville contrôlé par des gangs armés, elle peut se voir ostraciser par les habitants d'autres quartiers de Port-au-Prince par peur qu'elle ne soit associée à l'un d'entre eux. Éventuellement seule à élever ses enfants, elle lutte contre cette grande vulnérabilité qui accompagne l'extrême pauvreté. Elle est systématiquement oubliée par sa société et par la communauté internationale. Très peu d'options, si jamais, s'offrent à ces femmes lorsqu'elles ont besoin de soins. Le système de santé à Haïti n'est accessible qu'à celles et à ceux qui peuvent se l'offrir et reste hors de portée pour les femmes vivant dans les quartiers pauvres de la ville. Les services médicaux des hôpitaux publics sont trop chers pour la majorité des femmes enceintes. Pour un enfant qui naît naturellement et sans complications dans un hôpital public, la mère doit débourser 13 $, six fois le salaire moyen journalier d'une Haïtienne.

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Voilà qui est hors de prix pour une maman sans emploi. Les femmes des bidonvilles n'ont d'autre choix que d'accoucher à domicile, avec peut-être l'aide d'une matrone une sage-femme du coin sans formation appliquant la médecine traditionnelle qui peut, dans bien des cas, augmenter le risque de complications à la naissance. « Malgré les promesses faites à la population, selon lesquelles les fonds internationaux couleraient à flots dans le pays, la situation des femmes est inchangée. MSF offre à ces femmes une chance d'accéder à des soins obstétricaux d'urgence gratuits », explique Colette Gadenne, chef de mission MSF en Haïti.

MSF OUVRE UN HÔPITAL DE SOINS OBSTÉTRICAUX D'URGENCE Lorsque l'hôpital Jude Anne a ouvert ses portes en mars 2006, MSF prévoyait 300 accouchements par mois. Au mois de septembre de la même année, l'équipe hospitalière en avait facilité 1300, soit un bébé toutes les demi-heures. Ce flot imprévu nécessita la planification d'une infrastruc-

ture inventive, dont la création d'une aire de triage sur le parc de stationnement de l'hôpital. Fait important, cet afflux, qui représentait le cinquième du nombre total de naissances à Port-au-Prince ce mois-là, attira l'attention des femmes haïtiennes en quête de soins gratuits et de qualité. L'équipe médicale de l'hôpital, composée pour l'essentiel de Haïtiens, s'est parfois sentie débordée par le nombre élevé de naissances. Toutefois, le plus difficile est de ne pas pouvoir sauver la vie des bébés, et parfois des mères, qui se présentent à l'hôpital lorsqu'il est déjà trop tard. La majorité des morts puerpérales est causée par des crises d'éclampsie, une augmentation de la pression artérielle qui provoque des convulsions et la mort soudaine de la mère et du fœtus. Si les crises d'éclampsie sont traitées à temps, la mère et son enfant peuvent survivre pour autant que l'accouchement se fasse par césarienne. En juin 2006, MSF a lancé un programme de prévention contre la transmission du VIH au fœtus en dépistant les futures mamans et en les transférant à un hôpital qui offre un traite-


ment pour protéger le fœtus. MSF dispense également du counseling psychosocial ainsi que des soins pré- et postnatals. Une équipe de proximité visite régulièrement les bidonvilles de Port-au-Prince pour identifier les femmes enceintes potentiellement à risque. Ses membres enseignent aux femmes les symptômes à surveiller comme les saignements et les maux de tête inhabituels qui pourraient nécessiter des soins d'urgence. Ils chantent des chansons en créole et jouent à divers jeux pour faire passer le message à des publics attentifs. Une clinique mobile visite également les bidonvilles et offre des soins prénatals aux femmes directement dans leur quartier. Depuis l'ouverture de l'hôpital Jude Anne, MSF a facilité la naissance de plus de

10 000 bébés. Ce chiffre reflète manifestement un besoin massif et permanent de soins obstétricaux d'urgence pour les femmes des bidonvilles de Port-au-Prince. Tout au long de l'année en cours, MSF exercera des pressions sur le gouvernement haïtien et la communauté internationale pour que les besoins des femmes enceintes deviennent une priorité et pour qu'elles reçoivent les soins obstétricaux requis. Pour connaître les activités de MSF en Haïti, visitez notre site Internet au www.msf.ca et cliquez sur « pays ».

Isabelle Jeanson Conseillère en communications © Julie Rémy

La photographe Julie Rémy a voyagé en Haïti en mai 2007 pour documenter le travail qu'y fait MSF. Voici les histoires de deux femmes enceintes qu'elle a rencontrées.

JEANISE Lorsque je suis entrée dans la salle d'accouchement et que j'ai rencontré Jeanise, 38 ans, j'ai eu du mal à croire qu'elle était sur le point d'accoucher tellement elle était maigre. Je fus encore plus surprise en apprenant qu'elle était sur le point d'avoir des jumelles.

sages-femmes les nettoyaient. Jeanise semblait heureuse. Quelques minutes après avoir accouché, elle alla rejoindre un lit dans la salle de récupération pour laisser la place à la prochaine parturiente. Sous-alimentée, avec peu de moyens et six autres enfants à sa charge, je me demande bien comment Jeanise fera pour nourrir ces deux nouvelles bouches.

il n'y avait tout simplement pas assez de lits pour l'accueillir. J'étais impatiente qu'elle accouche pour que cessent ses souffrances. Ses hanches n'étaient pas encore formées, et bien trop étroites pour accoucher naturellement, sans compter qu'elle était beaucoup trop faible. Les docteurs ont donc décidé de pratiquer une césarienne. Elle donna naissance à une ravissante petite fille de 2,2 kg. © Julie Rémy

NERLANDE Nous avons rencontré Nerlande lors d'une visite à La Saline avec l'équipe d'information, d'éducation et de communication (IEC) de MSF. Cette fillette de 13 ans, enceinte, souffrait et les larmes roulaient le long de ses joues.

© Julie Rémy

Jeanise a été admise à l'hôpital Jude Anne en raison de son hypertension, qui pouvait éventuellement déclencher une éclampsie fatale. Le fait que cet accouchement serait son sixième, et le second où elle donnerait naissance à des jumeaux, justifiait également son admission. Même si la douleur se lisait sur son visage, Jeanise ne se plaignait pas. Elle donna naissance à deux petites filles pesant moins de deux kilos chacune. Les nouveau-nées se cramponnaient l'une à l'autre pendant que les

Ses contractions avaient débuté la nuit précédente et elle se sentait prête à accoucher, mais elle n'avait pas d'argent pour se rendre à l'hôpital et était effrayée. L'équipe IEC organisa rapidement son transport vers Jude Anne. À l'hôpital, il fut établi que Nerlande souffrait de prééclampsie. Les médecins ont estimé que sans l'intervention de l'équipe, elle aurait probablement perdu son bébé ou aurait pu succomber aux crises. Nerlande a encore souffert durant deux longues journées au milieu des cris des autres femmes et du grondement des générateurs. La plupart du temps, elle était allongée sur un simple banc en bois à l'entrée de l'hôpital, car

Après deux jours de repos à la maternité avec les autres nouvelles mamans, Nerlande retourna chez elle. Quelques jours plus tard, elle fut obligée de revenir nous voir parce que l'incision s'était infectée en raison des conditions de vie insalubres à La Saline.

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© Eddy van Wessel

Bangladesh

« ICI, LE BONHEUR N'EXISTE PAS » n 1992, plus de 250 000 musulmans rohingyas ont fui l'État du Nord Rakhine pour rejoindre le Bangladesh. Ils avaient été chassés de leurs terres par la discrimination, la violence et les travaux forcés que leur imposaient les autorités du Myanmar. Au fil des années, la plupart de ces Rohingyas sont retournés au Myanmar, mais d'autres continuent de venir au Bangladesh.

E

Du côté bangladeshi de la frontière, plus de 2000 réfugiés rohingyas ayant refusé de retourner au Myanmar s'entassent dans les deux camps officiels de Kutupalong et Nayapara, au sud de la ville de Cox's Bazaar. Et un nombre indéterminé de Rohingyas vivent dans la région de Teknaf, près de la frontière avec le Myanmar. Plus de 7500 réfugiés peuplent le camp improvisé et sordide de Tal, et 2200 vivent sur les plages de Shamlapur. Une minorité de Rohingyas a réussi à s'intégrer dans la société bangladeshie; certains d'entre eux y sont retournés après avoir été rapatriés au Myanmar. MSF a commencé à s'occuper des Rohingyas du Bangladesh à l'époque de leur exode massive du Myanmar, il y a 15 ans, en leur fournissant une vaste gamme de soins de santé de base dans les camps de réfugiés. Après

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avoir quitté cette région en 2003, j'y ai repris mes activités l'année dernière.

DE MAL… Les Rohingyas qui avaient été enregistrés officiellement à l'époque de l'afflux de réfugiés de 1992 et qui vivent depuis dans les camps de réfugiés officiels ont accès à des rations alimentaires, à des soins de santé de base et à une certaine forme d'éducation. En avril 2007, MSF a ouvert une unité de soins pour patients hospitalisés dans les camps de Kutupalong et Nayapara. Durant les deux premiers mois d'activité, ces installations ont accueilli 650 patients. L'équipe de MSF se prépare à ouvrir des salles d'accouchement dans ces deux camps. Même si ces Rohingyas sont mieux lotis que les réfugiés non enregistrés, leurs vies sont confinées derrière les grilles des camps. Ils n'ont pas le droit de travailler à l'extérieur. Leur avenir est sombre. R. est une jeune mère de 17 ans. Elle n'avait que deux ans à son arrivée au camp de Kutapalong, où elle vit toujours. Elle ne connaît rien du monde extérieur. Elle est arrivée avec sa mère, son frère et ses grands-parents, mais sa mère a dû retourner au Myanmar; son frère est parti

après avoir eu des démêlés avec les autorités du camp, et ses grands-parents sont décédés. R. est mariée, mais son mari doit se cacher, car il n'est pas enregistré auprès des autorités du camp. « Je ne l'ai pas vu depuis plus de cinq mois, dit-elle. Je veux rester au Bangladesh, mais pas dans ce camp. Ici, le bonheur n'existe pas. »

… EN PIS La vie des réfugiés rohingyas éparpillés dans la région de Teknaf est encore plus difficile. Ils survivent en faisant de durs travaux sous-payés et doivent constamment lutter pour combler des besoins de base comme la nourriture, l'eau et les soins de santé. Le camp de Tal est constitué de petites cabanes branlantes bâties entre la rivière Naf et la route qui mène à Cox's Bazaar. Plus de 7500 hommes, femmes et enfants rohingyas ont trouvé refuge sur cette bande de terre de 800 mètres qui n'a que 30 mètres de largeur. L'eau potable et la nourriture y sont rares et l'accès aux établissements de santé, limité. En avril 2006, MSF a mené une enquête dans ce camp de fortune et constaté que


les indicateurs de santé y sont préoccupants en raison des conditions de vie sordides qui y règnent. Parmi les problèmes de santé graves figurent les diarrhées, les infections respiratoires et la malnutrition. En mai 2006, MSF a ouvert une clinique et un centre de nutrition thérapeutique près de ce camp improvisé. À la fin de l'année, on parvenait à assurer plus de 140 consultations par jour en moyenne à la clinique, et le centre de nutrition avait soigné un total de 665 enfants. J. est arrivée à la clinique MSF avec ses jumeaux prématurés. Âgée de 18 ans seulement, elle s'était mariée huit mois auparavant, mais son mari l'avait quittée. Ayant trouvé une autre épouse, il refusait de s'occuper de J. et de ses deux bébés. En mars, les autorités l'ont chassée de son abri parce que celui-ci était situé trop près de la route. Elle habite maintenant avec sa mère, et les deux femmes mendient pour survivre.

LIEU D'ARRIVÉE, LIEU DE VIE

dit-elle. Ici, nous vivons de la pêche. Tout le poisson que nous pêchons est réquisitionné par le propriétaire du bateau, qui nous paie à la pièce. » La pêche est praticable en moyenne 10 jours par mois, à l'exception des trois mois de la saison des pluies, de juin à août; il est alors presque impossible de pêcher. Par conséquent, le revenu de cette activité est insuffisant pour soutenir une famille de dix personnes. Quoi qu'il en soit, de nombreux Bangladeshis vivent les mêmes problèmes que ces réfugiés. Au moins, ici, la vie des Rohingyas n'est pas menacée. « Si je retourne [au Myanmar] après tout ce temps, ils me mettront en prison ou me tueront, ajoute-t-elle. Au moins, ici, on nous laisse tranquilles. »

sont venus faire des affaires dans la région du Chittagong, au nord de Teknaf. Les Rohingyas sont musulmans, comme la majorité des Bangladeshis, et leur langue n'est pas très différente des dialectes de l'Est du Bangladesh. Toutefois, aujourd'hui, ils éprouvent de lourdes difficultés quant à leur intégration dans la société bangladeshie. Depuis 1994, ils ne sont plus reconnus comme des réfugiés et se heurtent à la discrimination et à l'exploitation. Leurs conditions de vie dans le camp de Tal et sur les plages de Shalampur sont épouvantables. Et pourtant, ils continuent d'y venir, abandonnant leur terre d'origine. S'ils préfèrent vivre dans le camp de Tal, on peut s'interroger sur la situation qui prévaut de l'autre côté de la frontière.

AU-DELÀ DE CETTE FRONTIÈRE Il existe chez les Rohingyas une longue tradition de traversée de la frontière entre le Myanmar et le Bangladesh. Jadis, certains

Elena Torta Conseillère en communications

Certains Rohingyas n'ont jamais quitté le secteur de plages où ils sont arrivés en bateau après avoir fui le Myanmar. Ils vivent sur la longue plage de Shamlapur, où la pêche constitue la seule source de revenus. Ils travaillent pour des propriétaires de bateaux bangladeshis, qui les paient très peu. Chaque semaine, MSF offre des services sur la plage de Shamlapur, dans une clinique mobile qui fournit des soins et de l'éducation à la santé aux réfugiés rohingyas qui y vivent. Les pathologies respiratoires et les infections cutanées constituent les problèmes les plus fréquents. Étant donné le banditisme qui sévit sur les routes, l'équipe est obligée d'emprunter le trajet qui longe la plage; il lui faut donc une heure pour atteindre la clinique et elle doit coordonner ses déplacements avec les heures des marées. Une fois sur place, MSF s'active dans un local d'entreposage converti en salle de soins et divisé par des pans de plastique.

© Eddy van Wessel © Eddy van Wessel

N. est arrivée du Myanmar il y a 14 ans. Depuis lors, elle vit sur cette plage avec 10 membres de sa famille : quatre filles et deux fils avec femmes et enfants. Son mari est mort il y a six ans. « Nous sommes venus au Bangladesh parce que l'armée birmane a pris notre terre, nos vaches et tout ce que nous possédions,

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© Jiro Ose

République du Congo

Lutter contre

le choléra Katja Mogensen est une infirmière autorisée de Canmore en Alberta. Elle a séjourné deux mois en République du Congo avec MSF en 2007. es premiers cas de choléra ont été détectés à la fin du mois de novembre 2006 dans la ville côtière de Pointe-Noire en République du Congo. Même si le laboratoire avait confirmé l'épidémie dès la mi-décembre, celle-ci ne fut annoncée publiquement qu'en janvier. Il est fréquent que les gouvernements hésitent à déclarer publiquement les épidémies, en raison principalement de l'impact négatif qu'elles ont sur le commerce et le tourisme.

L

MSF travaille maintenant depuis plusieurs années dans la région du Pool, à l'est de Pointe-Noire, et offre des services de soins aux populations affectées par les violents conflits que subit la région. Notre présence antérieure a facilité la collaboration avec le ministère de la Santé congolais.

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Une équipe d'urgence MSF fut dépêchée début janvier, alors que la situation devenait critique. Plus de mille cas de choléra et une quarantaine de décès avaient été rapportés entre novembre et janvier. L'équipe a ouvert quatre centres de traitement du choléra (CTC) au sein des hôpitaux locaux ainsi que des centres de soins, en installant des tentes pour augmenter la capacité. On a embauché des infirmiers et des médecins de la région; ils ont reçu une formation pour apprendre à reconnaître les symptômes de la maladie et à mettre en pratique le protocole de MSF. En collaboration avec leurs collègues du ministère de la Santé, ils ont réussi à soigner plus de 200 patients par jour répartis dans les quatre centres. Dans le CTC, les patients se voient attribuer une de trois catégories (A, B ou C) selon leur degré de déshydratation, la cote C représentant les cas les plus graves. Ce triage est extrêmement important pour réhydrater rapidement les patients qui en ont le plus besoin.

Les patients les plus gravement atteints se voient donner des lits percés pour qu'ils n'aient pas à se lever, car avec la maladie, la diarrhée est presque constante. Le traitement consiste en une hydratation rapide par intraveineuse. Un patient gravement malade peut nécessiter de 8 à 16 litres de fluides par jour. Les antibiotiques, quant à eux, ne sont utilisés qu'en dernier recours. Une des fonctions principales d'un centre de traitement est de contenir la maladie, puisque le choléra est extrêmement contagieux. Une équipe sanitaire spécialement formée utilise une solution à base de chlore pour nettoyer les mains et les souliers, décontaminer les selles, les vomissures, le plancher et les murs. Le corps et les vêtements des patients sont désinfectés avec la solution dès qu'ils sont admis au CTC. Lorsqu'un patient est admis à l'hôpital, l'équipe sanitaire doit se rendre à son domicile pour désinfecter l'extérieur et l'intérieur de l'habitation ainsi que les latrines.


© Jiro Ose

Dès l'annonce publique faite par le gouvernement, des comités de crises nationaux et locaux furent établis. Leurs tâches principales consistaient à éduquer la population et à prévenir les poussées d'épidémies à l'aide de dépliants et de messages diffusés à la radio et à la télévision. Le choléra est appelé la maladie des mains sales, puisqu'il peut se transmettre si l'on oublie de se laver les mains après être allé aux toilettes. Par conséquent, il s'accompagne d'un sentiment de honte, d'autant plus que les connaissances de la population sur la maladie sont parfois superficielles, ce qui laisse la place à la peur et l'ostracisme des patients atteints par la maladie. Une attitude que l'on trouve même parmi le personnel médical local. Dans les écoles, les marchés et les centres de soins de la ville, des équipes mobiles MSF, composées d'hygiénistes et d'infirmiers, donnent de l'information sur le choléra et les pré-

© Jiro Ose

cautions nécessaires pour prévenir les nouveaux cas d'infection. Lorsqu'une équipe rencontre une personne souffrant de diarrhée, elle lui offre des sels de réhydratation dans de l'eau potable. Dans de nombreux quartiers, les habitants n'ont pas accès à l'eau potable; dans d'autres, un robinet dessert parfois des centaines de personnes. Les latrines sont souvent construites près les unes des autres, ce qui contamine les sources d'eau.

MSF continuera de fournir les solutions intraveineuses, le chlore et les autres fournitures médicales requises jusqu'à ce que le gouvernement décide de fermer les centres.

À la fin de janvier, le choléra a fait son apparition à Brazzaville, la capitale. MSF et le ministère de la Santé ont immédiatement installé un CTC dans l'hôpital principal et ont offert des services de proximité à la population locale. Les nouveaux cas de choléra approchaient le nombre de 45 par semaine, mais n'ont jamais atteint les niveaux de Pointe-Noire. En avril 2007, avec la récession des nouveaux cas, MSF a remis les CTC de Pointe-Noire et de Brazzaville aux mains du ministère de la Santé.

Katja Mogensen Infirmière autorisée Brazzaville, République du Congo

*La République du Congo est souvent appelée Congo-Brazzaville, d'après le nom de sa capitale, pour la différencier de son imposant voisin du sud, la République démocratique du Congo.

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© Jehad Nga

Soudan

« SOUDAINEMENT... SOUDAN » BLOGUER D'ABYEI : UNE COMMUNAUTÉ RURALE RECULÉE L'article qui suit est un extrait de « Soudainement... Soudan, » le blogue (sorte de journal électronique intime) du D r James Maskalyk, un urgentiste à Toronto. Le D r Maskalyk travaille avec MSF à Abyei depuis six mois. Il a l'habitude de rédiger ses articles tard le soir, à l'abri dans son tukul (hutte faite de boue et de paille).

ner un peu de relief à nos journées, et encore plus lorsqu'il s'agit de nous libérer de la chaleur. c'est l'occasion de nous allonger dans nos lits et d'écouter le doux battement de la pluie sur nos toits de paille. la saison des pluies s'est laissée désirer cette année. nous nous levons chaque matin et, avec les autres habitants, nous faisons le tour de l'horizon pour repérer les nuages.

le 24 mai 2007 : « des foules de nuages » fatigue. c'est comme si le ciel allait nous tomber sur la tête. après une douzaine de réveils sans nuage, d'après-midi toutes bleues et de nuits étoilées étouffantes, de gros nuages noirs, menaçants, prêts à s'éventrer, pendent au-dessus de nos têtes. le vent balaye le sable et nous nous dépêchons de fermer la porte de notre tukul, mais nous nous faisons piquer par ses grains même à l'intérieur. jamais d'entre-deux. changement de météo, qui transforme notre humeur. nous apprécions tout ce qui vient don-

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sur terre, en ville, l'atmosphère est différente également tendue. elle attend le changement, que le ciel s'effondre. il y a eu une bagarre cette après-midi, et quelqu'un s'est fait poignarder. j'étais à l'hôpital lorsque c'est arrivé. j'ai quitté la salle d'opération pour trouver une foule de personnes à l'entrée des urgences massée autour de la porte en acier fermée. de temps en temps, la porte s'ouvrait pour laisser entrer ou sortir un infirmier ou un médecin qui refermait aussitôt la porte derrière lui. « qu'est-ce qui se passe? », demandai-je à mon interprète qui était adossé au mur. « frappé…avec un couteau. », répondit-il. je me suis frayé un chemin à travers la

foule et j'ai frappé à la porte. la porte s'est entrouverte et un œil m'a dévisagé. les personnes derrière moi tentaient de me dépasser pour entrer elles aussi dans la pièce. je les ai repoussées gentiment dans la foule et refermé la porte derrière moi. la salle était bondée et il était difficile de se déplacer. trois infirmiers, des soldats, des parents, et un autre médecin. « ok! tout le monde dehors à l'exception du personnel médical et d'un membre de la famille. s'il vous plaît! tout le monde dehors. vous! vous! vous! dehors! » un par un, ils quittèrent la salle à contrecœur. en sortant, d'autres tentaient de se faufiler pour y rentrer, ne retirant leur main du battant de la porte qui se refermait qu'au tout dernier moment. un jeune homme était allongé, les yeux écarquillés par la terreur. sa chemise rouge de sang. tout comme les draps. « deux perfs, ordonnaije, jauge 19, et ouvrez-les. appelez le labo pour un groupe sanguin et trouvez un donneur dans la foule au dehors. pression artérielle? »


c'est le genre de médecine que je pratique au pays. comme un réflexe. j'ai examiné le patient et ses plaies. il en avait deux. l'une superficielle sans l'ombre d'un doute, mais l'autre, je n'arrivais pas à dire si elle allait vers la poitrine ou l'abdomen. son estomac était mou et sa respiration sans entrave. c'est un bon signe. j'ai enfilé une paire de gants stérilisés et j'ai introduit mon petit doigt dans le trou. le poumon n'était pas atteint. je pouvais sentir un éclat d'os, aussi fin que la dent d'un peigne, tailladé par le couteau, mais je n'arrivais pas à sentir le passage de la lame au-dessous. peut-être le couteau avait-il rebondi simplement et fini sa course sur un chemin moins périlleux. nous avons décidé de passer en salle d'opération pour explorer la plaie. j'ai ouvert la porte en acier et la foule était encore plus importante qu'auparavant. au moins une trentaine de personnes, et encore plus sont arrivées. deux femmes se sont jetées par terre, pleurant et gesticulant. quelqu'un a essayé de me pousser pour entrer. non. il n'a pas capitulé. moi non plus. il y avait bien trop de gens pour que nous puissions passer avec une civière. la petite cour est bondée, prête à basculer dans le chaos. « écartez-vous s'il vous plaît, attendez derrière les grilles. je viendrai vous parler tantôt. », dis-je. quelques membres de notre personnel venaient d'arriver du campement et nous aidèrent à faire reculer la foule. nous avons fermé les grilles, mais les gens passaient pardessus. nous avons quitté l'unité des urgences avec notre civière, la foule se pressant autour de nous. je m'interposais chaque fois que possible. nous avons bloqué l'entrée de la salle d'opération et sommes entrés à l'intérieur.

nous avons préparé sa poitrine, désinfecté la plaie. j'ai essayé de passer une pince jusqu'à son abdomen ou sa poitrine, mais apparemment la trajectoire longeait la peau plutôt que d'aller en profondeur. beaucoup de chance. pour lui comme pour moi. j'ai laissé l'autre médecin refermer les plaies et suis sorti. la majorité des gens était maintenant derrière les grilles, tournant le dos à l'hôpital pour observer une bagarre à 500 mètres de là, de l'autre côté du terrain de football. je suis allé leur parler. une heure plus tard, je marchais sur le chemin usé du retour, accompagné de mon interprète. « aujourd'hui est une journée difficile, dit-il, je ne pense pas que je ferai quoi que ce soit ce soir. » j'acquiesçai. une excellente nuit pour rester tranquille chez soi.

notre solidarité avec une population déchirée par la guerre, mais aussi pour encourager la paix. on y arrive en restant neutre, en ne s'alliant qu'avec les malades. on crée un espace, l'hôpital, où tous peuvent trouver un certain répit, peu importe le clan dont ils se réclament, la frontière qu'ils ont dû traverser pour venir ici. mais nous l'avons aussi fait quand nous avons mis notre drapeau en berne, déjà sale et déchiré. nous devions, dès le départ, garantir notre sécurité et celle de notre personnel. les autorités s'efforcent, en partie, de sécuriser les routes, parce que si elles ne sont pas sûres, nous ne pouvons pas nous déplacer. l'hôpital doit être sûr, lui aussi, sinon nous ne pourrions pas travailler. la pluie commence à tomber. je suis au lit. une excellente nuit pour rester au calme. j'espère que les habitants d'abyei seront d'accord avec moi.

« mais tu sais, poursuivit-il, abyei est mieux qu'avant. il y a deux ans, personne ne sortait. le marché fermait tôt. tout le monde avait peur. tu pouvais sortir de chez toi le matin et te retrouver devant un corps. personne n'était en sécurité. » « ben ça a l'air d'aller beaucoup mieux maintenant. », répondis-je. « oh oui! beaucoup mieux. », dit-il. « on est en sécurité, maintenant c'est la paix. » la paix. après tant de guerres, j'entends ce mot tout le temps. je l'utilise tout le temps, mais jamais il n'avait sonné aussi juste, jamais son sens ne m'avait semblé aussi clair. avant et maintenant sont aux antipodes. comme le changement qui s'est opéré dans le ciel. c'est une des raisons pour lesquelles MSF est ici, bien sûr. pas simplement pour témoigner de © Sven Torfinn/HH

D r James Maskalyk Médecin Abyei, Soudan

© MSF

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© David Levene

Soudan

DES CHOIX IMPOSSIBLES

© Ian Cumming

La dure réalité de l'aide humanitaire ers la moitié des années 1990, alors que la guerre faisait rage dans le Sud Soudan, sévissait une nouvelle épidémie d'une maladie mortelle : le kala azar. Cette maladie avait déjà ravagé de nombreux villages, tuant quelque 100 000 personnes.

ment de nos projets et notre capacité à fournir des soins de qualité. Nous avons donc décidé de traiter des patients là où nous avions davantage la certitude que nous pourrions mener le traitement à son terme et effectivement sauver les vies des malades.

Bien que cette nouvelle épidémie n'ait pas eu l'ampleur des précédentes, elle n'en a pas moins fait son lot de victimes. Notre équipe MSF a lutté de son mieux pour y faire face, malgré les obstacles importants créés par la guerre ainsi que la pénurie mondiale de médicaments pour soigner cette maladie mortelle.

Cette logique imparable signifiait néanmoins qu'il fallait abandonner un groupe d'individus se trouvant dans l'une des régions les plus dévastées. Car cette population gravement touchée par la maladie et à laquelle nous venions à peine d'accéder se trouvait dans des conditions d'insécurité trop grandes pour que nous puissions y maintenir une équipe sur le terrain.

V

Nous avons dû décider quelles seraient les populations qui recevraient les médicaments susceptibles de leur sauver la vie. Nous avons dû décider qui vivrait et qui devrait mourir. Tout en nous efforçant de trouver des stocks du médicament indiqué, le Pentostam, nous avons ratissé un pays après l'autre pour tenter de trouver des médicaments génériques et des traitements de remplacement. Même si ces efforts ont contribué à sauver davantage de vies, nous manquions toujours de médicaments. Il a donc fallu faire des choix inacceptables à la fois pour les personnes atteintes de la maladie et pour celles qui se voyaient obligées de prendre de telles décisions.

COMMENT CHOISIR? Deux éléments ont guidé notre réflexion : le degré de sécurité dans les zones d'emplace-

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Les individus déjà sous traitement se sont vu offrir la possibilité de le suivre jusqu'au bout. Mais nous avons dû renoncer à aider ceux que nous pensions atteints, mais n'avions pas encore commencé à traiter. Ces choix impossibles pour nous se sont transformés en choix impossibles pour les patients et leurs familles. Le seul espoir qu'il leur restait, c'était de tenter de parcourir, en deux semaines de marche et à travers une ligne de front du conflit, la distance les séparant de la base MSF la plus proche. Beaucoup ont entrepris ce voyage épuisant et dangereux. Plusieurs fois, les employés de MSF ont été bouleversés de voir arriver à pied ces familles dont certaines avaient dû transporter leurs malades sur de longues distances à travers la savane.

TIRER LE MAXIMUM DE MAIGRES RESSOURCES Aujourd'hui, la situation s'est stabilisée dans de nombreuses régions du Sud Soudan. Les plus grands défis consistent maintenant à accéder à des régions éloignées, former le personnel et aider les autorités locales à édifier un réseau de soins de santé. Cet état de fait a des implications liées au degré d'engagement de MSF. MSF croit que l'aide humanitaire, tout comme la médecine, exige une spécialisation. Devant une crise, nous fournissons une réponse humanitaire centrée sur les urgences et les besoins des plus démunis, particulièrement dans des contextes d'instabilité tels que les guerres, les conflits, la violence et l'oppression. Lorsque la sécurité commence à se rétablir, la participation d'organismes spécialisés en développement devient de plus en plus nécessaire. Cela a entraîné pour nous une nouvelle série de choix impossibles au Sud Soudan. En effet, nous avons commencé à transférer des responsabilités au fur et à mesure que d'autres organismes entraient en jeu. Lorsque l'état d'urgence prend fin et que la situation se stabilise, nous croyons qu'il est de notre responsabilité d'élaborer une stratégie et de relocaliser nos ressources limitées dans des zones où d'autres organismes ne peuvent pas ou ne veulent pas aller. Parfois, cela attire des critiques à MSF, car il est difficile pour ceux qui


bénéficient de notre aide de comprendre que nous voulons partir. Il est aussi difficile pour certains membres de l'équipe de terrain, qui ont noué des liens avec les habitants de l'endroit, d'accepter qu'il faille passer à autre chose. En général, le niveau d'aide offert est encore largement en dessous de ce que l'on trouve au Canada. Alors, comment est-il possible de faire une passation de projet tout en sachant que les soins médicaux qui seront fournis par la suite risquent d'être moins complets? Par exemple, il y a quelques mois, l'équipe de MSF basée à Aweil, dans le Sud Soudan, a connu une petite fille nommée Nyanut. Elle souffrait du kala azar. La maladie se développait depuis déjà plusieurs mois, et en conséquence, Nyanut souffrait de malnutrition sévère. Un groupe de Canadiens voyageant avec des journalistes l'a amenée à notre hôpital.

© David Levene

À leur arrivée à l'hôpital, les Canadiens ont appris que nous étions en pleine passation de projet, chose inconcevable à leurs yeux. Comment pouvions-nous envisager de partir alors que des individus comme Nyanut avaient besoin de soins? Même si, finalement, nous avons réussi à sauver la vie de Nyanut, ainsi que celle de nombreux patients qui l'ont précédée durant les sept dernières années, cette question nous a hantés. Car elle touche le cœur de la dure réalité de notre travail, ces choix impossibles que nous sommes obligés de faire. En ce qui concerne Aweil, il y a un hôpital à 20 kilomètres, un médecin soudanais œuvre sur place et au moins trois autres ONG fournissent des services de soins de santé dans le secteur. Cela représente-t-il un niveau acceptable de soins pour cette population? Certainement pas. Mais seulement 25 % des habitants du Sud Soudan environ ont accès aux soins de santé les plus élémentaires.

© Tomas Van Houtryve © David Levene

En tant qu'organisme d'aide humanitaire se consacrant à sauver des vies et à soulager des souffrances, il est du devoir de MSF de détecter les zones où les besoins sont les plus criants et de répondre à ceux-ci. En fin de compte, les choix impossibles que nous faisons nous amènent au-delà des secteurs, déjà réduits, où sont fournis au moins un minimum de soins de santé. Ils nous amènent vers des lieux où des fillettes comme Nyanut n'auraient, autrement, accès à aucun soin.

Marilyn McHarg Directrice générale de MSF Canada

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Somalie

Dépêches Vol.9, no 2

© Magnus Hallgren

TRAVAILLER DE NUIT


© Magnus Hallgren

© Magnus Hallgren

Darryl Stellmach, de Calgary, est récemment rentré de Somalie où il travaillait comme coordonnateur de projet dans la ville de Marere. Dans son entrevue, il confie à Dépêches comment son équipe a fait face à une épidémie de choléra. Il s'agissait d'une quatrième mission auprès de MSF pour Darryl, qui prévoit repartir à l'automne 2007. 'ai occupé à Marere, dans la vallée de Juba, un poste qui consistait à gérer un hôpital dans lequel MSF fournit à la population locale des soins de santé de base, y compris des soins à la mère et à l'enfant, des services de vaccination et un programme de nutrition destiné aux enfants de moins de cinq ans.

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La vallée de Juba est une région très fertile, mais en raison de conflits entre clans et groupes ethniques ainsi que de la discrimination exercée à l'encontre de certains groupes, beaucoup de ses habitants subissent des problèmes de santé, essentiellement causés par la malnutrition. En octobre 2006, la vallée a subi de très fortes inondations qui ont détruit la majeure partie des récoltes, contaminé les sources d'eau et rendu très difficiles nos déplacements dans notre clinique mobile de détection des pathologies liées à la nutrition. Peu après les inondations, nous avons commencé à observer des cas de choléra. Nous avons immédiatement mis sur pied notre système d'urgence : une unité de traitement du choléra (UTC) ainsi qu'une unité d'isolation, que nous avons montée près de notre hôpital. Nous avons envoyé des équipes volantes dans les régions touchées par le choléra. Ce

© Tom Quinn/MSF

déploiement avait un triple objectif : sensibiliser la population locale aux symptômes de la maladie, distribuer des comprimés de chlore pour que les gens puissent purifier l'eau qu'ils recueillent dans des seaux et détecter les nouveaux cas de choléra. Nous emmenions les nouveaux patients à l'UTC dans un minibus de location. Bien que le trajet ne soit que de 40 kilomètres, il pouvait nécessiter jusqu'à six heures en raison des mauvaises conditions routières. L'aspect le plus difficile de cette mission était la nature imprévisible de notre travail. Nous allions nous coucher sans jamais savoir si notre nuit de sommeil serait complète, sans jamais être sûr de ce qui pouvait se présenter.

Malgré la fatigue, notre équipe est devenue une experte du travail rapide. Après avoir trouvé notre rythme, nous avons travaillé à merveille ensemble. Nous avons rapidement adopté une routine qui nous permettait de réagir aux urgences de manière professionnelle et organisée. Depuis janvier 2007, plus de 250 patients atteints du choléra ont été soignés au projet MSF de Marere. Avec l'arrivée de la saison des pluies, nous nous attendons à une baisse du nombre de cas, car les gens seront alors en mesure de collecter de l'eau de pluie fraîche et non polluée au lieu de puiser dans les mares et les lacs stagnants qui subsistent après les inondations.

Par exemple, une nuit, vers 22 heures, nous étions sur le point d'aller dormir lorsqu'un membre du personnel est venu nous prévenir de l'arrivée d'un minibus rempli de patients. Ceux-ci nous étaient envoyés par un travailleur sanitaire local qui avait pris l'initiative de détecter les cas de choléra dans sa communauté. Il avait conduit le minibus chargé d'adultes et d'enfants malades sur les 40 kilomètres qui les séparaient de l'UTC. Les membres de notre équipe se sont alors rhabillés et sont retournés à l'hôpital pour faire le tri des patients. Les plus atteints ont été envoyés à l'unité d'isolement, où ils ont reçu un soluté intraveineux. À ceux dont les symptômes étaient moins graves, nous avons fourni des sels de réhydratation, des matelas et des filets antimoustiques pour les aider à se prémunir contre la malaria.

Darryl Stellmach Coordonnateur de projet Marere, Somalie Propos recueillis par Isabelle Jeanson

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© Ton Koene

Accès aux médicaments essentiels

LE RÉGIME CANADIEN D'ACCÈS AUX MÉDICAMENTS

EST INEFFICACE epuis 2003, MSF Canada travaille à élargir l'accès aux médicaments essentiels pour qu'ils soient à la portée des patients, s'appuyant sur la Loi de l'engagement de Jean Chrétien envers l'Afrique, aujourd'hui connue sous le nom de Régime canadien d'accès aux médicaments (RCAM).

D

Le RCAM constitue un amendement à la Loi sur les brevets, en accord avec les modifications apportées aux règles régissant la propriété intellectuelle adoptées en 2003 par l'Organisation mondiale du commerce (OMC) dans sa décision du 30 août (Accord sur les ADPIC). Ces modifications autorisent les pays en développement à importer des médicaments génériques même si ces médicaments sont encore sous brevet. L'objectif de cette exemption est de permettre l'accès universel aux médicaments dans l'éventualité d'une crise majeure de santé publique. Dans le numéro précédent de Dépêches (hiver 2007), nous rapportions que le gouvernement canadien s'apprêtait à entamer une révision du RCAM. En janvier 2007 a eu lieu une consultation publique au cours de laquelle de nombreux intervenants, dont MSF, ont présenté des mémoires. Par la suite, le Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie de la Chambre des communes a mené une étude et des débats. Cette fois encore, MSF a expliqué que la législation canadienne était trop bureaucratique et coûteuse pour inciter de quelque manière que ce

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soit les pays en développement et les fabricants de médicaments génériques à s'en prévaloir. L'un des premiers « tests » des nouveaux règlements de l'OMC a été effectué par les autorités thaïlandaises, qui ont émis, en janvier 2007, une licence obligatoire permettant de produire une version meilleur marché du Kaletra, un médicament contre le sida. Les laboratoires Abbott, qui détiennent le brevet du Kaletra, ont répliqué en annonçant qu'ils allaient retirer toute demande d'enregistrement de nouveaux médicaments en Thaïlande. Ce cas semble indiquer que la bataille sera rude pour les pays en développement ou récemment industrialisés qui oseront défier l'industrie pharmaceutique.

DES LACUNES ÉVIDENTES Certains ont critiqué les activités de MSF sur le front canadien de la bataille pour l'accès aux médicaments en soulignant les nombreuses complications juridiques qui entourent cette question. Néanmoins, MSF a réussi à sensibiliser le public canadien et à rallier des sympathisants. L'organisme a, à juste titre, signalé au gouvernement canadien que celui-ci se conformait à un mécanisme de commerce international lui-même défaillant, et lui a rappelé le rôle qu'il doit jouer par rapport à l'OMC pour corriger ces lacunes. Les lacunes du RCAM sont évidentes. À ce jour, pas un seul comprimé n'a quitté le pays. Qui en est responsable? MSF a souligné sa position

dans des rapports écrits, des présentations effectuées devant des comités parlementaires, des entrevues dans les médias et des communications publiques : les compromis qu'a faits le Canada pour tenter de concilier les intérêts des sociétés pharmaceutiques de marques et les producteurs de génériques n'ont pas permis d'acheminer de médicaments à ceux qui en ont le plus besoin.

VERS QUELLE ÉVOLUTION? Le Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie présentera un rapport sur son examen du RCAM au moment où la présente édition de Dépêches ira sous presse. L'on ne s'attend pas à ce que des changements notables soient apportés à ce régime. Entre-temps, MSF continuera de faire ce qu'il réussit le mieux : fournir des soins médicaux à ceux qui en ont le plus besoin et sauver des vies. MSF Canada gère directement des programmes de santé dans cinq pays d'Afrique de l'Ouest et d'Amérique latine, et continuera d'obtenir des médicaments de qualité auprès des sources les plus accessibles et les meilleur marché dans le monde. Nous ne pouvons pas nous limiter à ce qui existe au Canada. Nos patients n'ont pas le luxe d'attendre.

Lai-Ling Lee Agente de programmes


Compte rendu du livre

L'INSPIRATION QUI MÈNE À L'ACTION avid Morley a été inspiré par la curiosité pleine de compassion qu'il a rencontrée chez des étudiants alors qu'il était directeur général de MSF Canada. Dans son livre Healing Our World, il présente aux jeunes le travail de MSF autour de la planète.

D

L'ouvrage fournit d'abord un bref historique de l'organisme, de sa création au lendemain de la guerre civile du Nigeria jusqu'à son envergure actuelle, celle du plus important organisme d'aide humanitaire indépendant dans le monde. Il examine également la structure de MSF et explique comment l'organisme fonctionne dans des milieux difficiles, s'occupant d'une multitude de problèmes qui vont de la santé mentale à la malnutrition. Il contient des extraits saisissants du journal de l'auteur, qui décrivent ses expériences dans des régions touchées par des

catastrophes naturelles, des crises de réfugiés ou encore l'épidémie du sida. Le cœur de Healing Our World réside dans les réflexions des travailleurs de MSF en mission. Qu'est-ce qui inspire ces gens, dont un vendeur de motocyclettes et un régisseur de théâtre, à partir travailler dans des camps de réfugiés et des zones sinistrées? David Morley propose un éclairage sur leurs motivations. Photographies, courriels, extraits d'entrevues et de journaux de bord évoquent l'inspiration de ces volontaires, les rencontres qu'ils vivent, les situations déchirantes dont ils sont témoins ainsi que les petites victoires qu'ils accomplissent. Au final, à la lecture de ce livre, les jeunes lecteurs découvrent la force spirituelle de l'être humain ainsi que sa capacité universelle de compassion. Healing Our World est un ouvrage de David Morley, directeur général de MSF Canada de 1998 à 2005, et actuellement président et directeur général d'Aide à l'enfance Canada. Publié par Fitzhenry & Whiteside, il est vendu en librairie.

NIGER Farah Ali

Healing Our World: Inside Doctors Without Borders* Par David Morley À partir de 12 ans; 121 pages; 22,95 $CAD / 18,95 $US

Amy Coulterman Assistante en dons spécialisés

* Guérir le monde : MSF vu de l'intérieur [traduction libre]

SIERRA LEONE Erwan Cheneval

Dépêches Médecins Sans Frontières

NIGERIA Richard Gosselin Paulo Rottmann Mary-Ellen Sweetnam OUGANDA Maguil Gouja Mathieu Léonard PAKISTAN Justin Armstrong Fahreen Dossa

LES CANADIENNES ET CANADIENS

EN MISSION

ANGOLA Anne Henderson ARMÉNIE Robert Parker BANGLADESH Julia Payson BURUNDI Annie Desilets Danielle Trepanier COLOMBIE Tyler Fainstat CÔTE D’IVOIRE Patrick Boucher Asha Gervan

Nicolas Hamel Diane Rachiele Lori Ann Wanlin

KENYA David Michalski Tiffany Moore

ÉTHIOPIE Wendy Rhymer Ivan Zenar

LESOTHO Peter Saranchuk

GUINÉE Dawn Keim HAÏTI Lynn McLauchlin Sylvie Savard INDE Leanne Pang INDONÉSIE Patrick Laurent

MALAWI Michelle Chouinard Chantal St-Arnaud MOLDAVIE Steffen Kramer MYANMAR Nadine Crossland Frédéric Dubé NÉPAL Assad Menapal Grace Tang

RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE Magdalena GonzalezFernandez RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO Laura Archer Maryse Bonnel Anne-Josée BoutinTrudeau Guylaine Houle Elisabeth Martel Tara Newell Nicole Parker Vivian Skovsbo RÉPUBLIQUE DU CONGO Ahmed Alas Jeremy Parnell Shauna Sturgeon

SOMALIE Denise Chouinard Joli Shoker SOUDAN Reshma Adatia Carolyn Beukeboom James Maskalyk Daniel Nash Alexis Porter SRI LANKA Megan Hunter Krista Mckitrick TCHAD Rink De Lange Marise Denault Frédéric Élias André Fortin Lori Huber Michel-Olivier Lacharité Leanne Olson Allison Strachan Gislène Télémaque

720, av. Spadina, bureau 402 Toronto, Ontario, M5S 2T9 Tél. : (416) 964-0619 Téléc. : (416) 963-8707 Sans frais : 1.800.982.7903 Courriel : msfcan@msf.ca www.msf.ca Rédacteur : Jake Wadland Directrice de la rédaction : Avril Benoît Conseillière à la rédaction : linda o. nagy Coordonnatrice de la traduction : Julie Rémy Collaborateurs : Amy Coulterman, Isabelle Jeanson, Lai-Ling Lee, James Maskalyk, Marilyn McHarg, Katja Mogensen, Julie Rémy, Darryl Stellmach, Elena Torta Tirage : 90 000 Graphisme : Tenzing Communications Impression : Warren's Imaging and Dryography Été 2007

ZAMBIE Chris Warren ZIMBABWE Carmen Bellows David Croft Jean-François Lemaire Joannie Roy

ISSN 1484-9372

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Quelques mots dans votre testament suffisent... Constituer un patrimoine durable afin d'apporter des soins assurant la survie des populations en détresse à travers le monde.

Photo © Didier Lefevre

Pour des renseignements sur la façon de faire un legs testamentaire à MSF, veuillez utiliser l'enveloppe ci-jointe ou communiquer avec : Service des dons planifiés (416) 964-0619 / 1 800 982-7903 msfcan@msf.ca

www.msf.ca 720, av. Spadina, bureau 402 Toronto, Ontario M5S 2T9 Numéro d'enregistrement d'organisme de bienfaisance : 13527 5857 RR0001

Dépêches Vol.9, no 2


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