Napoléon Bonaparte - Une jeunesse Corse

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Napoléon Bonaparte

NAPOLéON 1

l’épopée impériale

Une jeunesse Corse

le R ubicon

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l’épopée impériale - illustrée -

Collection créée et dirigée par Stéphane Chauvin

Napoléon Bonaparte NAPOLéON 1

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Une jeunesse Corse Jean-Baptiste Marcaggi

Illustration de couverture Philippe Munch

Le Rubicon Éditeur


A la mémoire de M. H enri Coty (1922-2007) Figure de la Résistance, pionnier de la production audiovisuelle en France.

Remerciements Nous tenons tout d’abord à témoigner notre gratitude aux différents musées nous ayant accordé le droit de reproduire des tableaux provenant de leurs collections : Le Musée Reattu (Arles), le Musée Pascal Paoli (Morosaglia), le Musée Baron Gérard (Bayeux), le Musée Bonaparte (Auxonne), le Musée Gajac (Villeneuve sur Lot) et le Napoleonmuseum (Arenenberg). Nous souhaitons ensuite remercier les personnes envers lesquelles nous avons une dette de reconnaissance : Philippe Bera : ancien conservateur du Musée de Brienne-le-Château qui nous a transmis de la documentation sur l’école royale où Napoléon passa six années. Maurice Brunet : vice-président de l’Association pour la Conservation des Monuments Napoléoniens et membre-fondateur de l’Association Bonaparte à Valence. Bernard Chevallier : conservateur général honoraire du patrimoine, vice-président de la Fondation Napoléon. Toujours disponible et de bons conseils. Son soutien professionnel et son amitié ont été fort précieux à chacune des étapes de la création de l’ouvrage. Jean-Pierre Commun : directeur scientifique du Musée de la Maison Bonaparte qui a pris l’initiative d’organiser une exposition de nos illustrations à Ajaccio. Jean-Claude Lachnitt : ancien vice-président du Souvenir Napoléonien, secrétaire général des Grands Prix de la Fondation Napoléon qui nous a manifesté une constante bienveillance. Il a de plus accepté de nous consacrer de son temps pour relire les textes et les légendes. Jean-Pierre Martinetti : fondateur de l’association A Bandera. Présent à nos côtés depuis le début de nos recherches, il a su nous aiguiller en Corse et nous a maintes fois renouvelé ses chaleureux encouragements pour mener à bien l’opération éditoriale. Philippe Martinetti : conservateur des cimetières de la «Cité Impériale», chercheur, collectionneur et érudit ajaccien (véritable «Pic de la Mirandole» pour tout ce qui a trait à la Corse). Notre ami nous a très largement ouvert sa prodigieuse collection. Sans lui, nous n’aurions pas pu disposer de l’iconographie nécessaire pour ce livre. Il a par ailleurs suivi au plus près la réalisation d’illustrations relatives à Ajaccio. François Ollandini : voyagiste et mécène corse, fondateur du Lazaret. Il nous a lui aussi permis de contribuer à la promotion du riche patrimoine historique de son île. Rennie Pecqueux-Barboni : ethnologue, artiste peintre, spécialiste de l’histoire du costume corse. Sa collaboration désintéressée fut un plus inestimable. Ses nombreux dessins scientifiques en amont et ses corrections en aval ont permis à nos illustrateurs de travailler avec un certain confort sur toutes les reconstitutions de scènes se déroulant en Corse. Martine Speranza : bibliothécaire d’Auxonne, responsable du Musée Bonaparte et présidente de l’Association AuxonnePatrimoine. Très réactive, elle s’est particulièrement impliquée pour répondre à chacun de nos besoins relatifs aux séjours de Bonaparte dans sa ville. Enfin, nous ne pouvions pas oublier des proches qui par leurs présences dans les moments de doutes ont eux aussi apporté leurs petites pierres à cette aventure artistique. Nous pensons tout particulièrement à Geneviève de Broche des Combes, Emmanuel Novaro-Leroi, Marthe Paoli et Bernard Pillet. Le Rubicon Editeur 35 rue Savier 92240 Malakoff France ISBN 978-2-9537293 © Le Rubicon 2010. www.lerubicon.com Tous droits réservés pour tous pays. Il est strictement intrerdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie ou numérisation) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit. Imprimé en Europe par Proost. Dépot légal : Juin 2010 numéro en cours.

Maquette intérieure et couverture : David Pairé - Myrtille Vardelle - dpcom.fr


Préface

Bernard Chevallier

Vice-président de la Fondation Napoléon Conservateur général honoraire du patrimoine

La redécouverte de l’un des travaux de Marcaggi sur Napoléon Bonaparte peut-être considérée comme un événement, sa biographie sur la jeunesse du futur empereur etant l’une des plus passionnantes. Jean-Baptiste Marcaggi (1866-1933) est un écrivain Corse injustement oublié sur le continent alors que ses compatriotes ne s’y sont pas trompés, allant jusqu’à donner son nom à une rue d’Ajaccio. Non seulement il a fait œuvre d’historien, mais il est aussi l’auteur de romans, de pièces de théâtre et a collaboré à plusieurs journaux. L’édition originale du livre dans lequel était reproduite cette biographie étant devenue quasiment introuvable, sa réédition s’offre le luxe d’être accompagnée d’une abondante iconographie dont de nombreuses illustrations. Si Napoléon a bénéficié plus que tout autre d’une véritable débauche de représentations dans tous les domaines artistiques, la période de sa jeunesse est réduite à sa plus simple expression. À peine quelques planches, pas toujours exactes d’ailleurs, figurent-elles dans les merveilleux ouvrages de Job mais rien de vraiment convaincant n’existe concernant les vingt-quatre premières années de la vie de Napoléon. Pour la première fois ce sont des illustrations inédites, œuvres de plusieurs dessinateurs, qui vont retracer cette période peu connue, en combinant la plus minutieuse démarche scientifique à un dessin digne de nos plus grands artistes néo-classiques. Pour ce faire, les recherches les plus poussées ont été réalisées tant sur les lieux mêmes que dans les archives et dans la mémoire corse. Il convient donc de saluer ce travail émérite sur la figure la plus célèbre de notre histoire nationale. Ce livre marquera une étape d’un genre tout à fait nouveau dans l’importante bibliographie napoléonienne.

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Bonaparte

Les Bonaparte proscrits de la Corse

Si ma famille eût été plus connue, si nous eussions été plus riches, plus en évidence, même en suivant la route de la Révolution, jamais je n’eusse commandé une armée ; ou, si je l’eusse commandée, je n’eusse jamais osé tout ce que j’ai fait.

(Napoléon Bonaparte)

Les Bonaparte proscrits de la Corse

Les ennemis de Paoli ne manquèrent pas d’imputer à ses menées secrètes l’échec de l’expédition de Sardaigne ; Aréna l’accusait ouvertement, à Nice, d’être hostile à la République, de vouloir donner la Corse à l’Angleterre ; les Marseillais de la phalange propagèrent dans les clubs de Provence des calomnies contre Paoli et les Corses qu’ils rendaient responsables de la honteuse retraite des troupes. Saliceti, le seul représentant de la Corse qui avait voté la mort du Roi, qui s’était créé une situation en vue dans le groupe des Montagnards, manœuvrait habilement, depuis quelques mois, pour dépouiller Paoli de son pouvoir ; le 17 janvier 1793, il avait fait rattacher la 23e

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L’expédition de la Madeleine laissa un goût amer à Bonaparte qui connut là son premier échec militaire.

© Lithographie de François Le Villain d’après le dessin de Raffet. Collection Philippe Martinetti.

division de l’armée du Var, et plaçait ainsi Paoli sous les ordres du général Biron, commandant en chef de l’armée d’Italie ; le 30 janvier, la Convention ayant déclaré la guerre à l’Angleterre, il faisait porter des soupçons du Comité de salut public sur Paoli, qui avait été pendant vingt ans pensionné par cette nation, et obtenait l’envoi de trois commissaires extraordinaires en Corse “pour mettre ses ports en état de sûreté”. Clavière, Ministre des Contributions, à la tribune de la Convention, et Volney, dans le Moniteur des 20 et 21 mars, donnaient une publicité retentissante aux suspicions jetées par Aréna et Saliceti contre Paoli. Le Directoire du département, dans de nombreux


L’entrevue de Bonaparte et Paoli en 1793 au couvent d’Orezza, symbole d’une rupture politique inéluctable. © Peinture (vers 1840) de Ignace-Louis Varèse (1797-1852). Photo et collection du musée départemental de Morosaglia.

appels, s’efforçait de réfuter les calomnies répandues contre Paoli. “Venez, disait-il dans une adresse, venez, citoyens commissaires, et vous verrez le patriotisme et l’ardeur du peuple, vous le verrez Français, non pas parce qu’on offre des emplois, mais parce que les Français sont libres et que les Corses veulent l’être avec eux”. Les commissaires de la Convention, Delcher, Lacombe Saint-Michel, Saliceti, arrivés à Toulon le 2 mars, furent retenus par le mauvais temps au Golfe Juan jusqu’au 31 mars ; ils débarquèrent à Saint-Florent le 5 avril, et, le 6 avril, ils étaient rendus à Bastia ; ils furent l’objet d’ovations enthousiastes, et accompagnés jusqu’à leur demeure aux cris de : “Vive la République !”. Ils étaient fêtés, entourés, circonvenus, par les ennemis avérés de Paoli, les Bonaparte, les Pompéi, les Giubega, les Galeazzini, les Massoni et le haineux Aréna. La confusion était extrême, l’anxiété grande dans l’île. Les ennemis de Paoli, aveuglés par l’esprit de parti, affirmaient que le vieux patriote voulait livrer la Corse à l’Angleterre ; ses fidèles et dévoués partisans, au contraire, se plaignaient que les commissaires de la Convention fussent venus en Corse provoquer des troubles et désordres. Or, ceux-ci s’appliquaient à faire la conciliation. Le 10 avril, ils adressaient une circulaire aux Corses pour les engager à faire cause commune avec le peuple français, attaqué dans sa liberté par “tous les despotes couronnés de l’Europe”.

Saliceti espérait qu’on pourrait s’entendre avec Paoli, qui était victime, à cause de son grand âge, des intrigues de son entourage, entre autres du procureur général syndic Pozzo-di-Borgo ; celui-ci n’avait délégué personne pour recevoir les commissaires de la Convention, et il paraissait méconnaître leur autorité. Il eut une entrevue avec Paoli à Corte, le 14 avril ; il le conjura de se rendre à Bastia pour travailler, d’un commun accord, à la défense de la Corse et à l’apaisement du pays. Paoli, gagné par la chaude affection que lui témoignait le rusé Saliceti, promit de se rendre à son invitation dès que sa santé le lui permettrait. Sur ces entrefaites, le 17 avril, les Commissaires de la Convention recevaient par un courrier extraordinaire une nouvelle qui les jetait dans la consternation. Par décret du 2 avril, Paoli, et Pozzo-di-Borgo étaient décrétés d’accusation et traduits à la barre de la Convention ; ils devaient s’assurer de leurs personnes par tous les moyens possibles. Dès qu’on eut connaissance du décret de la Convention, la surprise, la colère et l’indignation furent extrêmes en Corse ; les sociétés populaires, les municipalités adressèrent des appels à la Convention pour protester contre cet “acte foudroyant” qui atteignait un homme qui avait jusque là “joui de l’estime de la Patrie et de celle de l’Europe entière”. À Ajaccio, où le décret de la Convention était connu officieusement le 21 avril, le capitaine Bonaparte

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La pointe de la Parata où Bonaparte se réfugia sûrement au mois de mai 1793.

Les Bonaparte proscrits de la Corse

© Photo Christian Angeli.

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partageait l’émotion générale, et il rédigeait une adresse à la Convention pour la prier de rapporter, en ce qui concernait Paoli, le décret du 2 avril ; certes, il avait applaudi aux attaques contre Paoli, parce qu’elles étaient destinées à ruiner le crédit de ses ennemis personnels, les Pozzo-di-Borgo, les Peraldi, les Colonna-Cesari, tous les familiers, du grand homme, mais ordonner au Père de la Patrie, à un vieillard septuagénaire, accablé d’infirmités, de comparaître à la barre de la Convention, comme un “scélérat conspirateur”, ou un “coupable ambitieux” c’était une criminelle folie. Il adressait d’autre part, une pétition à la municipalité pour l’engager à rallier tous les citoyens d’Ajaccio dans une même pensée d’union envers la France ; mais la municipalité refusa d’organiser la manifestation patriotique qu’il sollicitait. On se méfiait des Bonaparte, notés comme des adhérents de Saliceti, et des ennemis irréductibles de Peraldi et Pozzo-di-Borgo, les représentants de Paoli à Ajaccio. Depuis quelques jours, d’étranges soupçons pesaient sur le capitaine Bonaparte qui se livrait à des études mystérieuses sur le Golfe d’Ajaccio. On l’accusait de tramer une conspiration pour s’emparer de la Citadelle et en chasser les gardes civiques dévoués à Paoli, qu’on venait d’y établir. Ayant voulu se rendre aux îles Sanguinaires pour inspecter la tour de la Parata, on le prévint secrètement, chemin faisant,

que des sicaires étaient postés le long de la route pour l’assassiner. Il dut retourner sur ses pas. Les soupçons des Peraldi et des Pozzo ameutaient contre lui la population ; son séjour à Ajaccio n’étant plus tenable, il prit le parti de se rendre à Bastia. Le 3 mai, il se mit en route, accompagné de Santo Bonelli, dit Santo Ricci, un des dévoués partisans de Bocognano. Arrivé à Corte, son parent Arrighi le prévint que le Directoire du département avait

> Bonaparte en fugitif à la pointe de la Parata – 1793 (Illustration : Philippe Werner)

Un homme n’est qu’un homme. Ses moyens ne sont rien si les circonstances et l’opinion ne le favorisent pas. (Napoléon) Après l’échec de l’expédition de la Madeleine, alors que la Révolution Française se radicalise, Bonaparte part pour Corte, désireux de s’entretenir avec son ex-mentor, espérant encore éviter une rupture. Mais le jeune Lucien a mis le feu aux poudres en dénonçant Paoli comme traître à la Patrie, de sorte que son cousin Arrighi explique à Napoléon qu’il est vain d’essayer de rencontrer Paoli. De retour sur Ajaccio où les paolistes le recherchent, Bonaparte va se cacher du côté de la grotte du Casone, le refuge de son enfance, d’où il peut se rendre à la Parata dans l’espoir d’y apercevoir un brick militaire républicain.



Général Raphaël de Casabianca (1738-1825), engagé dans l’expédition de La Madeleine, il suivit sur le Continent Bonaparte qui le couvrit de bienfaits sous le Consulat et l’Empire.

Les Bonaparte proscrits de la Corse

© Peinture du XIXe siècle de Marie-Guilhemine Benoist (1768-1826). Photo et collection du musée Gérard à Bayeux.

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intercepté une lettre de Lucien Bonaparte dans laquelle il avouait avoir provoqué le décret du 2 avril contre Paoli et Pozzo et qu’on ne manquerait pas de l’arrêter, si sa présence en ville était connue ; il rebroussa chemin ; arrivé à Bocognano, le 4 mai, il passa la nuit chez un de ses parents Tusoli, au hameau de Poggiolo ; le 5 mai, les Morelli, informés de la présence du capitaine Bonaparte à Corsacci, où il avait donné rendez-vous à Santo-Ricci, le mirent en état d’arrestation ; Santo Ricci et Vizzavona, soutenus par de nombreux parents en armes, le délivrèrent des mains des paolistes ; Santo Ricci et Bonaparte firent halte à Tavera, chez Mancini ; le soir, ils reçurent l’hospitalité chez Poggioli, maire

d’Ucciani ; le lendemain soir, 6 mai, à la nuit tombante, Bonaparte se faufilait, furtivement, dans la maison de son parent, Jean-Jérôme Levie, qui habitait le faubourg, le Borgo ; l’arrivée de Bonaparte avait transpiré en ville ; le 8 mai il y eut une alerte ; des gendarmes vinrent enquêter si Bonaparte n’était pas caché dans la maison Lévie ; dans la nuit du 9 mai, il s’embarqua sur la gondole du patron Ucciani, et, le lendemain, il débarquait à Macinaggio. De là, il allait rejoindre à Bastia les commissaires de la Convention. Le conflit entre Paoli et les commissaires de la Convention paraissait inévitable. Des troubles, des désordres, se produisaient en Balagne et à Cervione ;


Joseph Bonaparte (1768-1844), l’aîné des Bonaparte était déjà auprès des commissaires de la République quand sa famille fut menacée par les fidèles de Paoli, Peraldi et Pozzo di Borgo. © Portrait au crayon noir sur papier de Joseph Bonaparte vers 1795 par Jacques Réattu (1760-1833). Collection musée Réattu, Arles – legs Elisabeth Grange, 1868.

le Directoire du département laissait brûler et saccager les demeures et propriétés des adversaires de Paoli. Les commissaires de la Convention répondirent à ces tentatives d’émeutes par la suspension du Conseil Général et du Directoire du département, la révocation de Léonetti, colonel de gendarmerie, la dissolution des quatre bataillons de volontaires nationaux. Cependant Paoli, effrayé de la tournure grave que prenaient les événements, voulut tenter un dernier appel à la conciliation ; il demandait aux commissaires de la Convention, le 15 mai, le renvoi de Saliceti qui était en Corse “pour se faire un parti”, qui “avait la maladie insensée de vouloir être le gouverneur de la Corse” ; il les prévenait que Saliceti les tenait dans “l’ignorance des faits”, qu’il les faisait entourer “du petit nombre de personnes intéressées à le tromper”, les “Bonaparte, les Pompéi, et autres de cette trempe dont la vile intrigue était suffisamment connue”. Il terminait en leur donnant l’assurance que tout rentrerait dans l’ordre après le départ de Saliceti. Les commissaires de la Convention ayant dédaigné de répondre, le Conseil Général adopta la convocation d’une Assemblée des Communes à Corte, le 26 mai 1793, afin “d’aviser aux moyens les plus propres pour préserver la Corse de l’anarchie et des désordres dont elle était menacée”. Les réunions de la Consulte eurent lieu du 26 au 29 mai et les délégués Corses arrêtaient que Saliceti, Delcher et Lacombe Saint-Michel cessaient d’être

Lucien Bonaparte (1775-1840), jeune homme brillant mais par trop fougueux dont les accusations contre Paoli furent à l’origine des vengeances de ses partisans. © Portrait au crayon noir sur papier de Lucien Bonaparte vers 1795 par Jacques Réattu (1760-1833). Collection musée Réattu, Arles – legs Elisabeth Grange, 1868.

reconnus comme commissaires de la Convention ; que le Conseil Général et le Procureur Général Syndic étaient maintenus dans leurs fonctions ; que Paoli était invité à veiller au maintien de la sûreté et la tranquillité publiques ; que les députés de la Convention étaient déchus de leurs pouvoirs, et enfin que “le peuple corse prenait sous la sauvegarde de sa bravoure et de sa loyauté la conservation et la défense de son territoire contre toute invasion ennemie et étrangère”. La rupture avec la France était ainsi consommée. A la séance de clôture, l’Assemblée votait, à l’unanimité une motion “infligeant aux individus composant les deux familles Bonaparte et Aréna une flétrissure éternelle qui rendit leur nom et leur mémoire détestables aux patriotes du département”. À Ajaccio, la famille Bonaparte vivait dans les transes. Le 25 mai, Costa, de Bastelica, l’informait qu’un détachement de paolistes se dirigeait vers Ajaccio, et qu’il avait ordre de s’emparer des Bonaparte. Letizia, Fesch, et les enfants, à l’exception de Jérôme et Caroline, escortés par des hommes en armes, quittèrent Ajaccio pendant la nuit et se réfugièrent aux Milelli. À Bastia, le capitaine Bonaparte avait proposé aux commissaires de la Convention une expédition pour délivrer Ajaccio qui était au pouvoir des insurgés. L’escadrille destinée à opérer à Ajaccio appareilla à Bastia dans la nuit du 23 mai ; une forte tempête l’ayant secouée en mer, elle ne peut rentrer dans la golfe d’Ajaccio que le 29 mai ; Bonaparte inquiet sur le sort

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Les Bonaparte proscrits de la Corse

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de sa famille, avait pris les devants sur un chebeck et était allé relâcher à Provenzale ; il débarqua à terre, se mit en communication avec des bergers qui lui annoncèrent que sa famille était en fuite, que sa maison et ses propriétés avaient été saccagées ; il leur demanda de battre la campagne dans tous les sens et de dire à sa mère d’aller le rejoindre à la tour du Capitello. L’escadrille alla mouiller à la tour de Capitello, les commissaires de la Convention, Saliceti et Lacombe Saint-Michel, qui se trouvaient à bord de la Belette, firent des signes de ralliement aux troupes françaises et aux amis de la France. Personne ne bougea. Dans ces conditions, une attaque devenait inutile. Le 3 juin, ils donnèrent l’ordre du départ. La famille Bonaparte, l’abbé Coti et quelques autres partisans de la France avaient pris passage sur les frégates françaises. Les Bonaparte reçurent à Calvi, où ils arrivaient dans la soirée, l’hospitalité la plus affectueuse dans la famille Giubega. Le 10 juin, ils partaient pour la France. Ils se trouvaient dans le dénuement le plus complet. Le capitaine Bonaparte arriva à Toulon, avec sa famille, le 13 juin 1793. Il ne devait plus revoir la Corse qu’une seule fois, à son retour d’Egypte.

La tour du Capitello, lieu des retrouvailles de Bonaparte avec sa famille alors pourchassée par les paolistes. © Lithographie de G. Engelmann 1821-1824. Collection Philippe Martinetti.

> Napoléon retrouve sa famille au Capitello – 1793 (Illustration : Philippe Munch)

Il est noble et courageux de surmonter l’infortune. (Napoléon) Enfin en sécurité auprès des troupes républicaines, après avoir trouvé le moyen de quitter Ajaccio grâce à son parent Jean-Jérôme Lévie, ancien maire de la ville, Napoléon apprend quelques temps après que sa maison a été saccagée et incendiée par ses ennemis, que sa famille est proscrite et en fuite. Elle longe les côtes avec quelques bergers pour seule escorte, fuyant la vindicte des paolistes et des péraldistes. Napoléon parvient à reprendre contact avec les siens, leur fixant un rendezvous près de la tour du Capitello où il finit par récupérer sa mère, ses trois soeurs et ses deux plus jeunes frères Louis et Jérôme.



Tables des matières

Tables des matières page 2 : Remerciements page 3 : Préface page 4 : Le tempérament Corse de Napoléon page 8 : Les ancêtres de Napoléon page 10 : L’enfance de Napoléon page 16 : Bonaparte élève à Autun, Brienne et Paris

page 20 : Bonaparte lieutenant d’artillerie au régiment de La Fère page 24 : Bonaparte mêlé aux mouvements révolutionnaires en Corse page 28 : Le lieutenant Bonaparte à Auxonne et Valence page 32 : Bonaparte lieutenant-colonel des volontaires corses page 40 : Les Bonaparte proscrits de la Corse page 48 : La formation Corse de Napoléon à son départ définitif de l’île page 52 : L’appel de la Corse à Sainte-Hélène


isbn 978-2-9537-293

le R ubicon

www.lerubicon.com

9

782953 729306

18 â‚Ź TTC

Couverture : dpcom.fr / Illustration : Philippe Munch

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