Livre À l'orée du bois - Collection Nature sauvage (extrait)

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INTRODUCTION Il y a des lustres que les mammifères arpentent les terres, nagent dans les eaux ou volent dans les cieux de notre planète. Les caribous imperturbables franchissant les torrents du Nord durant leur longue migration, l’agile loutre de rivière capturant avec facilité un véloce poisson, la chauvesouris rousse, tête en bas, roupillant tranquillement à la branche d’un arbre : autant de spectacles qui nous rappellent combien est remarquable l’adaptation de ces animaux à leurs milieux naturels. L’origine des mammifères remonterait à la période jurassique, quelque part entre 205 et 145 millions d’années avant aujourd’hui. Les dinosaures, dit-on, régnaient alors en maîtres absolus : une affirmation maintes fois reproduite dans les ouvrages documentaires traitant de l’évolution de la vie sur Terre. Brachiosaures, stégosaures, allosaures et autres reptiles géants dominaient les terres du Jurassique, et les espèces mammaliennes, petites et furtives créatures à poil, apparemment peu diversifiées, exploraient l’humus à 6


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la recherche d’insectes pour se nourrir, évitant à tout prix leurs prédateurs reptiliens, menant une vie nocturne ou s’enfouissant dans des galeries souterraines. Ce n’est qu’à la fin du Crétacé – 65 millions d’années avant aujourd’hui –, avec la soudaine disparition des dinosaures, que les mammifères auraient profité de l’espace laissé vacant pour prendre d’assaut le monde. Mais est-ce vraiment ainsi que les choses se sont passées ? Certains sites fossilifères, comme celui de Guimarota, au Portugal, suggèrent qu’en fait, voilà 150 millions d’années, les mammifères formaient déjà un groupe diversifié (26 espèces ont été identifiées sur ce seul site). Haldanodon, petit animal semi-aquatique apparenté à une musaraigne, chassait ses proies en bordure des marais ; Henkelotherium, mammifère arboricole de la taille d’une souris, utilisait sa longue queue pour garder son équilibre et ainsi poursuivre plus aisément les insectes dans le feuillage des arbres et des arbustes. Des études génétiques réalisées sur plusieurs fossiles mammaliens tendent à confirmer que la diversification de la classe Mammalia aurait bel et bien commencé longtemps avant la catastrophe marquant la fin du Crétacé. Si certains paléontologues ne sont pas d’accord avec cette affirmation, une chose est néanmoins certaine : les mammifères ont évolué rapidement et se sont adaptés de manière formidable aux différents écosystèmes terrestres. Plusieurs facteurs expliquent le succès évolutif de ces animaux : un cerveau volumineux, de bonnes capacités sensorielles, une spécialisation de la dentition, des stratégies de recherche alimentaire et de reproduction efficaces, de même qu’un meilleur contrôle de la température corporelle (les mammifères ne sont pas soumis aux contraintes thermiques des reptiles ou des amphibiens, par exemple, dont la température interne est tributaire de celle de l’environnement immédiat). 7


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COMME DES FRÈRES La présence de poils et de mamelles constituent deux des caractéristiques distinctives des animaux faisant partie de la classe Mammalia. Bien que l’effectif de la classe des mammifères soit modeste (environ 4400 espèces, alors qu’on compte un million d’espèces dans celle des insectes), cette classe est, avec celle des oiseaux, la plus étudiée et la mieux connue du règne animal. Les mammifères nous fascinent parce que leurs comportements sont captivants et que leurs capacités à nager, courir, bondir, grimper aux arbres, planer ou voler de manière aussi efficace nous impressionnent. Ces frères nous émerveillent aussi, sans doute, parce qu’ils partagent bien des points communs avec nous. À L’ORÉE DU BOIS L’ouvrage que vous tenez entre les mains est le fruit du travail de cinq auteurs dont les articles ont été publiés dans le magazine Nature sauvage de 2008 à 2012. Les 16 portraits de mammifères assemblés ici composent un bel échantillon de la faune des bois québécois, laquelle comprend 71 mammifères terrestres. Les espèces sélectionnées pour ce livre sont parfois communes (le castor du Canada, la souris sylvestre, le cerf de Virginie), parfois rares (le carcajou, le couguar), mais toujours intéressantes, notamment en ce qui concerne leurs habitudes de vie (le loup gris, le lynx du Canada). Du polatouche des forêts tempérées à l’ours blanc du Québec nordique, de la loutre de la vallée du Saint-Laurent au bœuf musqué de la toundra, ces espèces sont aussi représentatives de nos écosystèmes et de l’étendue de notre territoire. Le texte est divisé en trois parties, chacune regroupant les mammifères traités au sein de leur ordre d’appartenance (rongeurs, carnivores, artiodactyles). À l’intérieur de ces 8


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parties, les espèces sont présentées suivant la classification courante de l’ordre phylogénique, qui tend à suivre l’histoire évolutive et les liens de parenté entre les espèces (au sein de l’ordre des rongeurs, par exemple, le polatouche est traité avant le castor, considéré « plus évolué », et ainsi de suite). Grâce à cet ouvrage, vous serez à même de mieux connaître nos frères les mammifères. Croiser, en pleine nature, le regard vif d’un lynx ou d’un loup est une expérience rare et précieuse, le genre d’événement qu’on n’oublie pas. Sait-on jamais, le présent livre vous aidera peut-être à faire de telles rencontres à l’orée du bois ? C’est notre vœu le plus cher.

Michel Leboeuf Auteur et rédacteur en chef Nature sauvage

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Quand la nuit tombe en forêt, de mystérieux lutins s’ébrouent et commencent leur ronde dans la haute futaie. Voici venue l’heure des glisseurs de l’ombre, des polatouches, des écureuils volants.

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L E S P O L AT O U C H E S , A C R O B AT E S D E L A N U I T Par Jacques Prescott

La présence d’écureuils roux, d’écureuils gris ou de tamias égaie souvent nos randonnées en forêt. Tout le jour, ces rongeurs hyperactifs parcourent la canopée et le sol forestier à la recherche de quelque aliment à grignoter. Ils taillent les bourgeons, grugent les champignons, collectent les graines et cachent leurs réserves dans des endroits secrets. Lorsque tombe la nuit et qu’ils entrent tous au nid pour un repos bien mérité, on est loin de se douter qu’une équipe noctur ne prend la relève : les polatouches, écureuils volants appelés aussi assapan par les Autochtones. 15


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Il est vigilant, le castor du Canada, et il n’a pas tort : on le traque depuis des siècles pour sa fourrure et on le déteste souvent pour son impact sur le territoire. Pourtant, ses interventions ne sont pas toujours nuisibles, bien au contraire. Portrait du plus écolo des ingénieurs forestiers.

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UNE DENT CONTRE L E C A S T O R D U C A N A DA ? Par Michel Leboeuf

Premier animal, après l’humain, à modifier son environnement sur une grande échelle, le castor du Canada, Castor canadensis, abat en moyenne 216 arbres et arbustes par année pour s’alimenter ou pour construire ou entretenir ses barrages et sa hutte. Une colo nie, ou groupe familial (moyenne de 3,6 castors par colonie), consomme annuellement, à elle seule, 778 arbres pour satisfaire ses besoins. Si l’impact de ce mammifère se constate facilement en forêt et peut parfois s’avérer problématique pour la santé d’un cours d’eau (notamment en raison de la diminution du taux d’oxygène), il faut aussi réaliser que ses faits et gestes ont 25


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Longtemps dans l’ombre de son grand et sauvage cousin le loup, et de son docile et fidèle cousin le chien, le coyote occupe nos forêts depuis quelques décennies. Secret, rusé et d’une surprenante adaptabilité, il est, parmi nos grands prédateurs, l’un de ceux qui réussissent le mieux à tirer leur épingle du jeu.

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L E C O YO T E , ENTRE CHIEN ET LOUP Par Joëlle Taillon

Lors d’une première rencontre, on note les longues et larges oreilles pointues du coyote, qui lui donnent incontestablement l’allure d’un petit curieux. La coloration de son pelage varie du gris brun au brun jaunâtre sur le dos, alors que sa gorge est plus pâle. Ses pattes, les côtés de sa tête et son museau sont typiquement plus foncés, d’un brun rougeâtre. Le long de son dos s’étire une bande de poils de garde noirs qui dessine une croix au-dessus des épaules. Sa queue, qui a la forme évasée d’une bouteille, a un pinceau noir à son extrémité. Avec son corps svelte et musclé et ses longues pattes fines, le coyote est un coureur d’une rapidité et d’une endurance remarquables. Il peut galoper à 40 km/h, atteindre des 49


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− À l’orée du bois −

TA B L E D E S M AT I È R E S INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .6 PREMIÈRE PARTIE Les rongeurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .11 I. Les polatouches . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .14 II. Le castor du Canada . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .24 III. La souris sylvestre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .34

DEUXIÈME PARTIE Les carnivores . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .45 IV. Le coyote . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .48 V. Le loup gris . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .60 VI. Le renard roux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .70 VII. L’ours noir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .80 VIII. L’ours blanc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .90 IX. Le carcajou . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .102 X. La loutre de rivière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .112 XI. Le couguar de l’Est . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .122 XII. Le lynx du Canada . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .132

TROISIÈME PARTIE Les artiodactyles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .143 XIII. Le cerf de Virginie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .146 XIV. L’orignal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .158 XV. Le caribou toundrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .168 XVI. Le bœuf musqué . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .178

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