Vers un avenir meilleur : santé publique et populationnelle chez les Premières Nations, les Inuits

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LE RACISME Dre Margo Greenwood, leader académique au Centre de collaboration nationale de la santé autochtone, vice-présidente de la Santé des Autochtones à la Northern Health Authority et professeure au programme d’études des Premières Nations à l’Université du Nord de la Colombie-Britannique La société canadienne est imprégnée d’un racisme alarmant qui se manifeste tout particulièrement dans le système de santé. Il suffit d’évoquer l’exemple du traitement horrible qu’a subi Joyce Echaquan, une mère atikamekw de 37 ans qui est morte à l’hôpital, ou celui des allégations de racisme liées aux « jeux » cruels rapportés dans le système de santé de la ColombieBritannique, ou encore ceux de la négligence extrême ayant causé la mort de Brian Sinclair, un Autochtone de 45 ans, et de la stérilisation forcée de filles et de femmes autochtones. Toutefois, une prise de conscience est en cours, et on reconnaît l’urgence de s’attaquer au racisme insidieux qui prévaut dans les institutions canadiennes, notamment dans les services de santé. Le 26 février 2021, le Dr Alika Lafontaine, le futur président de l’Association médicale canadienne (AMC) et le premier Autochtone à occuper ce poste, a déclaré : « Il est […] temps d’éliminer la discrimination fondée sur la race, le sexe, la capacité physique, la classe sociale ou toute autre forme de discrimination qui imprègne la culture du système de santé » (CMA, 2021, para. 8). Ancrées dans un passé colonial, ces réalités quotidiennes sont bien celles des Premières Nations, des

Inuits et des Métis, qui réclament des changements de société devant forcément comprendre une transformation du système de santé. Dans la société canadienne actuelle, il existe un lien direct entre les expériences issues de l’histoire et du colonialisme d’une part, et la question du racisme ciblant les Autochtones dans le système de santé d’autre part (Turpel-Lafond, 2020). Que la colonisation soit définie comme une série d’événements ou comme un déterminant de la santé, elle laisse dans son sillage des conséquences désastreuses et durables dans la vie des Premières Nations, des Inuits et des Métis. La colonisation était et demeure une attaque délibérée à l’essence même des Autochtones, aussi bien en tant qu’individus, que communautés et que nations. La langue et la religion ayant jusque-là servi d’attributs distinctifs, le concept de race s’est formé au 16e siècle pour identifier les populations et s’est largement imposé pour justifier la colonisation européenne des autres continents. Alors que se développaient les idées fondées sur la race, la notion que les États coloniaux représentaient la « civilisation » et que les

peuples autochtones incarnaient la « sauvagerie » s’est bientôt imposée. Cette perspective odieuse se justifiait, dans l’esprit des colonisateurs, par le fait qu’ils avaient découvert des terres et affirmaient leurs droits sur elles, commettant dans la foulée des violations extrêmes des droits de la personne et des saisies illégales de territoires et de ressources (PAHO, 2019). Les conséquences intergénérationnelles du colonialisme et du racisme sur la santé et le bien-être des peuples autochtones ne peuvent être plus criants que dans les iniquités qu’ils vivent dans tout le spectre des déterminants de la santé (PAHO, 2019) : leurs indicateurs de santé et de bienêtre comptent presque tous un écart avec ceux de la population canadienne générale (de Leeuw et al., 2021). Ce legs bien concret de la colonialité ne se limite pas aux expériences individuelles des peuples autochtones, mais se retrouve aussi dans les fondements mêmes du système de santé. Malgré ces faits troublants, « beaucoup de Canadiens n’ont pas encore compris que la société dans laquelle ils vivent est injuste et que les institutions coloniales dans lesquelles ils travaillent

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