L'Eglise du Silence au Chili

Page 1

L'Eglise du Silence au Chili U11 Cardinal progressiste plonge so11 pays dans le communisme Le pa_,,:\¡ e11 n!chappe _ ,., ( ¡c nlinal vapplit1m' a l'y rep!on/:cf'

(,:-1/tit1,11.; 'TR.\OITIO:\ F\\11 LIS PRO PR JETE "


A


L'EGLISE DU SILENCE AU CHILI



SOCIETE CHILIENNE DE DEFENSE DE LA TRADITION, FAMILLE ET PROPRIETE

L'Eglise du Silence au Chili

EDITION S « TRADITION - FAMILLE - PROPRIETE »

6, Av . Chauvard - 92600 ASNIERES


@

Tous droits réservés. 1976 . Editions« Tradition - Famille - Propriété ».


TABLE DES MATIERES

Lettre Présentation

15

INTRODUCTION

Subversion ecclésiastique et formation d'une Eglise du Silence au Chili . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

21

PREMIERE PARTIE Préparation ecclésiastique au gouvernement démocrate-

chrétien de Frei. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

31

CHAPITRE I. L'annonce du chemin choisi par le Primat de l'Eglise du Chili. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

32

t. Fait Cardinal, il émet des éloges ambigus au communisme. . 2. Réforme agraire dans les terres de !'Archevêché; afin d'ou-

33

vrir un processus qui détruirait la campagne chilienne . . . .

34

CHAPITRE II. Tolérance permissive de /'Episcopat tandis que s'organise e t se développe l'effervescence « catholique de gauche » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

38

1. Les jésuites du Centre Bellarmin lancent le programme de

la révolution égalitaire . . .. , , , . . . . . . . . . . . . . . .

39

2. L'hebdomadaire de !'Archevêché de Santiago défend la

révolution de « Mensaje » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

40

3 . Le Centre Bellarmin rehausse le prestige des dirigeants

politiques qui conduiront futur .. . . . . . . , .. • • 4. A partir de ce mom ent, la ne fit qu'augmenter . . . . . S. Le mal s'é tend, en toute la corruption des mœurs . •

le processus révolutionnaire • • • • •• • • . , . . . . . . . . . pression commune-progressiste , . , . . . . . . . . . . . . . . . . impunité, à d'autres secteurs : , , . . . . . . . . . . . . . . . . .

43 44 46


8

TABL E DES M A TIER ES

DEUXIEM E PARTIE

Sous le gouvernement « socialo-chrétien » de Frei .

53

CH APITRE 1. Orentations ambigu ës pour soutenir l'im planta tion du socialisme « à la Kerensky » de Frei. . . . . . . . . . . . . .

54

1. Le Card inal-Prim at confirm e l' influence décisive de l'Eglise dans la constitution et la montée de la Démocratie-Chrétienne ch ilienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2. Les missions ru ra les de 1965, fer de lance de l'agit at ion paysanne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3. Face au x projets socialistes et co nfisca toire s, le silenc e des p asteurs devient collaborat ion . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4. Du silenc e de collabora tion aux équivoques q u i forti fi ent l'agro-ré formisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5. Les é tudes de !a réform e se détaillaient et l' appui amb igu du Cardin al deven ait de plu s en plus insout enable . . . . . . 6 . Les ap puis vagues e t voilés a u processus agro-réform iste contint. èront. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . CH APITRE ! I. S ou tien episcopal au communo-progressism e dans la préparation du triomphe d 'Allende . . . . . . . . . . . . . . 1. Avec la médiation directe du Ca rd inal , l'Un iversité Catholique devient un foye r de prop agande et d 'agit ation m arxist es . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 . L'Arch evêc hé de Santi ago Jette de l'huile su r le fe u : co nvocat ion d 'un Sy node Diocésain . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3. Not e de Co nd am na tio n à la T FP po ur avoir dé noncé l' infil tration marxiste dan s le Clergé . . . . . . . . . . . . . . . . 4. Réunion é piscop ale de La Flo rida : cond amn atio ns trop gé né ra l~s . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5. La tensio n dialec tiq ue entre révolutionnaires de marche rapid e et révolutionn aires de marc he lent e vers la synt hèse m arxiste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6. Le Pasteur modéré présen t à so n troupeau des agissements co mrnuno-pro gressites sou s un jour sym pat hique et at tray ant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7. Educ ation post-syno dale dans des co llèges cath o liqu es . . . . 8. La TfP dé nonce une nouvell e fo is le complot subve rsif dans l'Eg lise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9. Deu x po ids et deu x mesures : !'A rch evêc hé de San t iago étou ffe l'acl ion des ca tholiques anti-co m mun istes . . . . . .

55 58 61 66 68 72

82

83 91 9S 98

102

10 6 109 112 11 S


TABLE DES MATIERES CHAPITRE III. L'intervention directe de /'Ep iscopat et du Clergé dans la victoire finale d'Allende et l'installation de son régime marxiste au pouvoir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

9

120

I. Le Cardinal fait savoir qu'il considère qu'il est permis à

un catholique de voter pour un candidat marxiste . . . . . . 2. Le Secrétaire Gé néral de !'Episcopat réitère le critère fixé par le Cardinal. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 . Significa tives « orientations pastorales » de l'Assemblée Plénière de la Conférence Episc op ale du Chili ( CECH ) à Concepcio n . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4. Da ns les dernières semaines de la campagne électorale , l' autorité ecclésiastique n'interdit rien qui puisse servir Allende . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5. Dans l'incert itu de, importa nt seco urs épiscopal pour l'asce nsion définitive d 'Allende au pouvoir

12 0 12 3

1 24

129 132

TROISIEME PARTIE Soutien épiscopal au gouvernement marxiste d 'Allende.

136

CHAPITRE I. L'engagement des pasteurs avec le programme de destruction morale et économiqu e d'une nation catholiqu e . . .

13 7

1. L'appui joyeux du Cardinal dès la pre mière heure sus-

2. 3. 4. S. 6.

7. 8. 9.

cita la sympat hie des cat holiques envers le programme d'Allende. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le Te Deum « œcum énique » d'Action de Grâc es pour la prise en charge du pouvoir par le présid ent marxiste . . . . . Des déclarations révé lat rices du Cardinal à des reporters cubains .. .. . . . . . . . . . . . . . Le Cardinal condam ne l'emploi d' arguments religieux contre des ca ndidats marxistes . . . . . . . . . . . . . . . . . Premier Sé minaire Nation al de Resp onsables de Pastorale . . Réprobation du militan tisme partisan de prêtres communoprogressistes, mais pas de leur « option individuelle » marxiste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le Cardinal pa rticipe à un e manifestatio n o uvrière organisée par le co mmunism e. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Un Document Episcopal sur « Evangile, Politique et Socialismes » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Blasphèmes contre la Mère de Dieu dans une publication du gouverneme nt d'A!lende . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

137 J 39

140 145 146

150 1 52 154 157


10

TABLE DES MATIERES

1o. L 'Evêque auxiliaire de Santiago suit des cours d'engagement révolutionnaire chez Castro . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11. Le Cardinal met en valeur les dirigeants de la Jeunesse de la CUT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12. Le rapport épiscopal au Synode de Rome .. . .- . . . . . . . 13 . Réception enthousiaste du dictateur communiste Fidel Castro, par le Cardinal et !'Episcopat . . . . . . . . . . . . . .

160

CHAPITRE Il. Devan t la résista11ce du peuple, la collaborotion des évêques prolonge les fours du régime néfaste . . . . . . . . . . .

164

1 58 159 160

1. L'Episcopat propose un chemin: faire l'unité autou r des

changements du gouvernement d'Allende . .

. . . . . . .

165

2. La « Première Réunion Latino-américaine des Chrétiens

pour le Socialisme » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

16 7

3 . Prestige réservé aux institutions et aux personnalités marxis-

tes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

17 2

4 . Les appels à l'unité en fave ur de la survie du régime d'Al-

lende . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . le projet d'é ducat ion totalitaire marxiste, une nouvelle attitude conc iliatric e du Cardinal. . . . . . . .

187

CHAPITRE III. Les dP.rniers efforts de l 'Episcopa t en faveur d'A 1/ende, alors que celui-ci préparait l 'effusion de sang...

1 92

173

S. Devant

1. A la recherche d'une formule de tra nsaction . . . . . 2 . Le Cardinal veut que les hommes poli tiques catholiques

19 3

s'entendent avec le marxisme ch ancela nt. . . . . . . . . . . . 3 . Dialogue Allend e-OC: le Cardinal sollicite une trève pour gagner du temps. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4. Réponse bien significative des communistes à l'appel du Cardinal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . S. Le Gouvernem ent a intérêt à ouvrir le dialogu e . . . . . . . . 6. La lettre du Cardinal au secrétaire général du Parti Communiste. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7. Collaboration des démocrates-chrétiens pour un dialogue de rapprochement des points de vue . . . . . . . . . . . . . . 8. La propagande du journal communiste en faveur du « dialogue» . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9. Interprétation donnée par Fidel Castro au dialogue AllendeOC . . . . . . . . . . . . . . l o. Jusqu'aux derniers jours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .'

196 199

20 1 202 203 203 204 205 20 6


TABLE DES MATIERES

11

CHAPITRE IV. « En retour de mon affection, ils me combattent, et moi, je ne fais que prier» ( Psaume 109) . . . . . . . . .

211

QUATRIEME PARTIE Opposition subversive du clergé au gouvernement de la Junte Militaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

226

CHAPITRE I. Comment le marxisme pou"ait-il tenter de reconquérir le pouvoir au Chili ? - L 'Episcopat, une force dé ter• minante dans les pays à majorité catholique. . . . . . . . . . . . . .

227

1. Difficultés pour le communisme à convaincre les masses populaires à adopter son idéologie . . . . . . . . . . . . . . . 2 . L'impasse de la Révolution communiste en Amérique clu Sud . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3. La consigne de Mgr. Helder Camara: prêter la voix du clergé à ceux qui n'ont pas la parole... . . . . . . . . . . . . 4. Une hypothèse que nous ne pouvons pas ne pas envisager . . CHAPITRE II. Au premier abord le clergé décourage la ferveur anti-communiste et tente de sauvegarder l'utopie égalitaire . . . . .

227 231 233 234

238

l. La première déclaration épiscopale après le soulèvement. . . 2. Le Cardinal évite de tirer des conclusions anti-communistes de l'expérience allendiste . . . . . . .. . . . . . . . . . . 3. La Pastorale théoriquement « anti-marxiste » publiée un mois après la chute d'Allende . . . . . . . . . . 4. Le noble geste de justice qui n'a jamais été fait 5. Le Cardinal réitère ses aspirations socialistes.

248 254 255

CHAPITRE Ill . La seconde étape : /'Episcopat prêche avec insistance une réconciliation fallacieuse

259

1. A Noël 1973, Je goût amer du fiel. . 2 . Les pasteurs montrent maintenant, en faveur des marxistes, une sensibilité qui leur a manqué lorsqu'il s'agissait de défendre leur troupeau des attaques allendistes . . . . . . . . 3. Le mythe iréniste de la « réconciliation » : une sorte d'entêtement dans la politique épiscopale de collaboration avec l'erreur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

240 244

259

262

26 5


12

TABLE DES MATIERES

4 . La politique « de réconciliation , conduit certains évêques au comble de ne pas accepter d'actes religieux officiels le jour anniversaire du soulèvement militaire qui délivra le Chili de la guerre civile . . . . . . . . . . . . . . .

268

CHA PITRE IV. Evêques et prêtres form ent l'avant-garde d e l'opposition révolutionnaire au gou vernement anti-communiste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

270

1.

2.

3.

4. S.

6.

7.

8.

9. 1o. 1 J.

Arsenal terroriste dans la cave des locaux d'une œuvre de bienfaisance de !'Archevêché de Santiago . . . . . . . . . . . Le Message de Noël du Comité Permanent de !'Episcopat porte le mécontentement au paro xysme . . . . . . . . . . . . « Orientations Pastorales» pour la réalité actuelle du Chili . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Un prêtre, vic e-président de « Caritas » , demande le libre accès aux mass media. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Message du Cardinal aux ouvriers: aucun avertissement sur le communisme, et dramatisation généralisée de la situation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le Vicaire Episcopal de la Zone Rurale-Côtière de !'Archevêché de Santiago , considère comme légitime le processus de Réforme Agraire socialiste et spoliateur . . . . . . . . . . Les Evêques de Los A ngeles, Talca et Chilien réaffirment aussi leur adhésion à la Réforme Agraire socialist e et confiscatoire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le <c Comité pour la Paix» découvre sa vraie fonction: prot éger et stimuler les éléments terroristes d 'ex trêmegauch e non résignés. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le document « Evangile et Paix » . . . . . . . . . . . . . . . . A nouveau la dénonciation ecclésiastique de la « misère » et de la « violence institutionnelle » . . . . . . . . . . Les propos réservés de Mgr. Camus: un signataire de la déclaration « Evangile et Paix » , sans masque .

CHAPITRE V. A lliance du Clergé révolutionnaire de « marche rapide » avec le terrorisme, sou8 les yeux de / 'Episcopat. . 1- Premières complicités de prêtres avec le terrorisme. 2. L'infiltration marxiste dans le « Comité pour la Paix » reconnue par Mgr . Camus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3. Tel un abcès, un scandale impressionnant éc late: L'alliance organisée entr e le terrorism e et un secteur important du clergé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

272 273 275 277

278

2 79

283

287 290 300 304

309 309 314

31 S


TABLE DES MATIERES

4. L'ancien Vicaire Episcopal de !'Archevêché de Santiago, !'Abbé Rafael Ma:roto, exerça une « act ivité pastorale » auprès des révolutionnaires les plus radicaux . . . . . . . . . S. Prêtres marxistes arrêtés dans le Nord. Plan d 'infiltration subversive à travers la Cordillère des Andes . . . . . . . . . . 6. L'at titude ambiguë de !'Archevêché de Santiago, vis-à-vis de la subversion communiste déclaré , le compromet 7 gravement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7. Le Père José Kuhl , trésorier de la Coopérative du Clergé de Santiago, aurait rompu l'engagement de rése·rve entre le Gouvernement et les autorités ecclésiastiques . . . .. ·, . . . CHAPITRE VI. Combat contre la subversion présenté comme une persécution contre l'Eglise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1. Le Cardinal démoralise les catholiques chiliens en condamn ant leur indignation devan t la connivence scandaleuse du clergé avec les terroristes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2. Surprenantes révélations contenues dans un document du MIR sur l'opposition de !'Episcopat au Gouvernement militaire du Chili . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3. Les réactions populaires contre la subversion ecc lésiastique s'amplüient . . . .. . .. . . · . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4. Au comble de la stupeur, les catholiques se trouvent devant la m enace d'exc ommunication du Cardinal . . . . . . . . . . S. La dissolution du « Comité Pro -Paz » , présentée par les autorités ecclésiastiques de Santiago comme une limitation injuste imposée par le Gouvernement à l'Eglise . . . . . . . . 6 . Le Chef d e la Zone Militaire de Sécurité de Santiago dénonce l'existence d'un plan mar xiste en vue d'utiliser le pélerinage religieux au Sanctuaire de Maipu . . . . . . . . . . 7. Au lieu et place de la marche vers Maipu, une manifestation de poings levés en faveur du Cardinal se déroule dans la cathédrale de Santiago . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

13

320 324

325

330

332

332

334 33 s 338

341

34S

349

CONCLUSfON

En défense de l'Eglise et de la Patrie . 1. R écapitulation de la conduite d'évêqu es e t de prêtres en faveur de la ré volution marxiste au Chili . . . . . . . . . . . . . . . . II . Analyse de la réalité à la lumière de la Doctrine Catholiqu e et du droit canon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

353

3S6 364


14

TABLE DES MA TIERES

lll. En défense de l'Eglise et de la Patrie, résister conformément aux lois divin es et humaines. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

369

J. Les intérêts de l' Eglise et de la Civilisation Chrétienne dans

notre Patrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2. Nos relations de fidèles catholiques pratiquants avec les ecclésiastiques démol isseurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

369 372

ANNEXES I. Respectueuse interpellation à Son Excellence Don Eduardo Frei Montalva Président de la République . . . . . . . . . .

383

Il . Manifeste à la Nation Chilienne sur le projet de réfonne agraire du Président Eduardo Frei. . . . . . . .

38 8

Ill . Pri11cipes inspiron t l 'ac tion de la TFP.

IV .

Un prêtre belge prône la subversion au Brésil.

V . Message révérend e t filial à Sa Sainte té Paul VI .

416 418

423

VI. Deux cents Pères conciliaires démandent au Concile Vatican Il une condamnation catégorique des erreurs socialistes e t communistes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

427

VII. Une minorité marxis te préparait l'instauration dans le sang de la dic tature du prolé tariat. . . . . . . . . . . . . . .

433

VIII. Clergé anti-marxiste e t attitudes restrictives ou moins radicales d e certains prélats face au processus de démolition de l'Eglise e t du Chili . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

438


Les français n'auront plus l'occasion de voir ou d'entendre le Président de la République sans que celui-ci n'en tonne son étonnant couplet des réformes. Comme pour la Marseillaise, il en modifie le rythme et la tonalité à chaque interprétation . Mais la coutume en est prise : le chef de l'Etat s'interroge douloureusement à toute occasion sur ceux qui empêchent les réformes prétendûment réclamées par la France. On ne saurait dire avec certitude si Monsieur le Président de la République utilise la méthode Coué à sa propre intention ou à celle de ceux qui on t voté pour lui en croyant barrer la route au socialisme. }rfais on est désormais à même de prendre conscience d'une réaction que peut-ê tre personne ·n'osait espérer: cette opinion anti-socialiste se détache massivement du Président, et exprime sa cruelle déception devant une politique de réformes que pas un français de bonne foi ne juge con crètement nécessaire et honnête; c'est-à-dire que personm ne croit que ces réformes ont véritablement un lien avec le problèmes qu'elles prétendent résoudre, quand ils ne sont pa artificiellement suscités à cette in ten tian . Tous ces français sentent confusément que cette politiqu mène à la destruction de tout ce qu'il restait de sain dans not, société, et donc au succès de la coalition révolutionnaire, qu sam gagner en popularité, profite de l'affaiblissement et c l'auto-destruction des forces anti-marxistes. Les méthodes du communisme ont en effet bien chani depuis la révolu tion d'octobre. fl y eut une phase en thousit te, dans le mouvement révolutionnaire, celle de l'en tre-de1


16 guerres, celle où le terroriste se livrait aussi à l'action politique, syndicale et au sabotage économique ou militaire. A la fin de la seconde guerre mondiale, /'Occident abandonna .lâchement les peuples d'Europe Centrale et Orientale au communisme. Mais celui-ci ne put être instauré dans ces pays naguère civilisés qu'à force de « coups d ;état » truqués et d'invasions perpétrées au profit de sanglants fantoches qui se sont succédés au pouvoir avec le bonheur que l'on sait: le simple usage de la force a obtenu ce qu'il suscite partout et toujours, la répulsion de ceux qui n'en sont pas victimes, et la résistance au moins passive de ceux qui y sont asservis. La stratégie commimiste s'est alors enrichie d'une nouvelle méthode de combat: la persuasion . Dès les dernières années de la guerre froide, on peut distinguer cette volonté de co11vai11cre l'opinio11 . Cet objectif n'a fait que prendre de l'importance depuis, et il est intéressant de remarquer qu'au moment précis où les soviétiques ont ressenti le besoin urgent d'une propagande extérieure, les occidentaux leur en ont donné les moyens en collaborant à la détente. Mais cette tentative « pacifique » de convaincre l'opinion occidentale par une participation « normale » à la vie politique, qui a été le grand caractère des démocraties de l'Europe de l'Ouest de la mort de Staline jusqu'aux années 70, a elle-aussi échoué et déterminé les forces marxistes à élaborer de nouvelles tactiques de montée au pouvoir. Ces méthodes se ramènent à deux grandes ten dances tactiques dont l'aboutissement, aux yeux des stratèges révolutionnaires, ne saurait être que la victoire totale du marxisme et la déroute complète de ses ennemis; car il s'agit tout à la fois de faire croire que le communisme n'est plus le communisme, et d'anéantir, par un patient travail de sape et sous différentes pressions, la capacité de résistan_ce à celui-ci. « Le communisme n 'est plus le communisme » : c'est ce bluff insolent qui explique tous les changements spectaculaires intervenus ces dernières a11nées, ces derniers jours, dans les partis communistes européens. Désormais, les vrais patriotes,


17

,..

1.-,

les défenseurs sincères de l'armée, ce sont les communistes. L'Union Soviétique n'est pas un modèle, mais un collègue gênant, critiqué avec tristesse mais fermeté. Enfin les PC ne répugnent plus à s'allier aux forces de la « gauche modérée », honnies naguère comme « partis bourgeois ». Ne cherchons pas, d'ailleurs, à dresser le catalogue des offensives tous azimuts de la démagogie marxiste, car ses manifestations sont trop claires et tiennent toutes entre la main tendue par Thorez et ses successeurs aux catholiques, et l'autre main tendue par Marchais aux gaullistes. L'image traditionnelle et véridique du communisme commence donc à s'estomper dans un brouillard qui permet toutes les manœuvres d'encerclement. En même temps, la capacité de résistance au marxisme elle-même est attaquée par de continuelles campagnes de propagande auprès de l'opinion publique. L'idée d'une droite ignoble, égoïste, repliée sur de sordides intérêts matériels s'est diffusée et imposée si fortement que plus personne n'ose encore défendre des droits aussi légitimes· que celui de la propriété privée, par exemple. L'idée s'est répandue que l'anti-communisme, toujours primaire, viscéral ou rabbique ( c'est la dernière trouvaille du Monde) était une preuve de sous-développement intellectuel et culturel, et qu'on n'avait pas le droit de s'opposer en son nom au communisme dont on se demande avec perplexité ce que son anti-catholicisme et son anti-capitalisme ont perdu de viscéral ou de rabbique. Mais quand on ne sait plus contre qui l'on se bat, lorsqu'on est persuadé de représenter le camp des méchants et des retardataires, il ne reste que le désespoir des causes perdues pour animer un combat d'arrière-garde. A quoi sert donc le fameux « sens de l'histoire )) si ce n'est à convaincre les anti-marxistes que leur lutte est condamnée à l'échec ? Tous ces efforts déploy és, le communisme n'a connu qu'un progrès vacillant. fi lui a fallu mobiliser le ban e t l 'arrière-ban , tous ceux qui, dans les socié tés occidentales, étaient susceptibles


18 de renforcer ses méthodes par leur autorité morale ou leur prestige intellectuel. L'exem ple du clergé chilien est, de loin, le meilleur qu'on puisse don ner de cette nouvelle stratégie, pour bien faire corn· prendre jusqu'où pe ut mener une confian ce aveugle dans les autorités ecclésiastiques de notre époque. La TFP chilienne a rassemblé une impressionnan te documenta tion sur cette épouvantable situation, et c'est ce livre que nous vous proposons maintenant, alors qu 'il en est au Chili à sa 3ème é_dition, et connaît en A rgentine, au Brés(l en Colombie et en Espagne, où il vient de sortir, un succès gigantesque. Ce livre établit et met en lumière le fait suivant: les marxistes se sont établis au pouvoir, s'y sont maintenus malgré le mécontentement général, et de puis leur chute, ont réussi à éviter le démantèle· ment complet de leu r organisation, grâce au patronage du Cardinal-Archei1êque de .Santiago et avec la solidarité plus ou moins claire, directe et proche de la quasi-to talité de /'Episcopat et d'une grande partie du Clergé chiliens. L'évolution des positions de la _Hiérarchie et du Clergé français n'est pas sans donner des inquiétudes analogues quant à l'avenir de notre pay s. Bien sûr, ils ne sont pas allés aussi loin que leurs confrè:-es chiliens. Mais face à la montée du com munisme et devanr le risque pressan t qu'un gouvernement marx iste s'emparât de la Fra nce, qu'ont-ils fait? Pas une seule mise en garde contre la coalition marxiste n'est venue de leurs rangs lors des dernières élections présiden· tielles. Mais des membres éminen ts du clergé n 'on! pas hésité à soutenir publiq uement la candida ture marxiste, sans provoquer la moindre mise au poin t ( le Provincial des Domin icains de Lyon prit la tête d'un appel invitant à voter pour Mitterand, et con tresigné par des prê tres, des religieux et des laïcs). Déjà, à l'occasion du Congrès de la JOC, ten u à Paris du 2 9 juin au 1er Juillet 19 74, le Cardinal Marty n 'avait pas cru bon d'explique r le sens de sa visite aux congressistes qui allaien t recevoir M. Marchais, chanter l'Jn;emationale et lei•er Le poing.


,._,

~-

!

19 Rappelons aussi les déclarations de NN.SS. Etchegaray, Archevêque de Marseille, et Matagrin, Evêque de Grenoble, respectivement Président et Secrétaire de la Conférence Episcopale Française, reproduites par Le Monde du 11/12-1-19 76 . Pour Mgr. Etchegaray, le marxisme est un « chenùn de traverse », tandis que pour Mgr. Matagrin, « le marxisme, à cause de Fa théisme qu'il professe , débouche sur le' totalitarisme » ( C'est nous qui soulignons le tex te). On pourrait déjà s'étonner de l'ambiguïté doctrinale de ces formules face au marxisme. Le Président de la Commission Sociale de /'Episcopat, Mgr. Fauchet, Evêque de Troyes, renforce cette mauvaise impression: « Le catholique ne peut ni se dresser dans un anti-communisme systématique (. .. ) ni manquer de lucidité. (. .. ) Même s'il est engagé parfois ·dans une collaboration plus ou moins intensive avec le Parti Communiste, il doit prendre les moyens de nourrir sa foi(. .. ). Et moi, évêque qui appelle sans cesse à la mission, je me sens poussé (. .. ) à aider mes frères catholiques qui font parfois des choix risqués en gardant la volonté d'être témoins fidèles du Christ » (Le . Monde du 3-2-1976 - C'est nous qui soulignons le texte) . Mais que valaient ces mises en garde et quelle en était la sincérité, quand leurs auteurs, détenteurs des plus hautes fonctions au sein de /'Episcopat français, ont supporté sans mot dire les réactions de prêtres résolument engagés dans la voie de la Révolution, et qui s'exprimaient à travers !'Equipe centrale de la Mission de France ( qui regroupe les prê tres-ouvriers): « Ces déclarations expriment, à l'égard des réalités humaines, une attitude qui contredit ce que nous vivons collectivement depuis plus de vingt ans». Voilà ce qu 'en guise de commentaire à propos des déclarations « anti-marxistes » de NN.SS. Etchegaray et Matagrin et du document sur la morale sexuelle de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, des prêtres jugent bon de rendre public ( Le Monde du 23-1-76) tandis que les évêques mis en cause se contentent de ne pas déclancher de « polémique ». On pourrait parler de ce prêtre militant CFDT, candidat PSU de sa circonscription lors des cantonales, in culpé de coups


20 et blessures sur la personne d 'un directe ur d 'entreprise, sans que son évêque estime nécessaire de pren dre position ( Le Monde du 26-2-76 ). On attend aussi vainemen t qu'un mem bre de la Hiérarchie reme tte les choses au point après les décisions prises au dernier congrès national de la JEC, tenu du 22 au 24 mars dernier à Lyon. la JEC sy affirme proche du combat « pour un socialisme auw gestionnaire », et con damne une Eglise « qui sert les intérêts de la classe doininante ». Elle décide d'aider à la création d 'une section nationale des Chrétiens pour le Socialisme. Cet organisme, créé en 1972 à Santiago, et dont les lecteurs pourront mieux connaitre les activités révolutionnaires après avoir lu ce livre, veut rassembler « ceux qui vivent leur Foi dans la lutte contre l'exploitation capitaliste » ( Le Monde du 27-3-76 ). On com m ence à comprendre, alors, les encouragements qui s 'élèvent de toutes parts depuis l'élection de Monsieur Giscard d'Es taing pour des réformes qui amèneront un Allende quelconque au pouvoir. On comprend mieux aussi que, confrontr!e à la crise de notre société et d'un certain clergé, notre Hiérarchie n'éprouve que très peu d'inquiétudes sur le rôle destructeur qu'y joue une partie de l'Eglise et s11r la « formation » reçue par les prêtres dans les « séminaires ». Tous ces manquements, to11tes ces ambiguïtés ne sont pas sans rappeler douloureusement ce qui s'est produit au Chili, où des prêtres et des prélats ont délaissé la charge que leur avait confïée /'Esprit-Saint. Si une chose pareille est théologiquement possible, et il est certain qu'elle l 'est; s'il est possible qu'elle survienne parmi nous, et il n'est que trop clair qu'elle le puisse, 012 trouvera dans ce livre un cri d'alarme pour les catholiques français. Dans ce drame que vit l'Eglise, qu'ils soient en alerte contre de semblables manœuvres menées à bien par des institu tions catholiques qui conduiraient ain si les catholiques français à une si tuation analogue à celle que connut le Chili sous A llende . JEUN ES FRANÇA IS POUR UNE CJ VTLISA T/ON CHRETIENNE


INTRODUCTION

SUBVERSION ECCLESIASTIQUE ET F0Ri"1ATION D'UNE EGLISE DU SILENCE AU CHILI

L'histoire d'une société humaine , pour être vue avec plus de réalisme, doit être analysée de la même façon que l'on considérerait le cours de la vie d'une personne seule, c'est-à-dire en étudiant le dénominateur commun des tendances , conceptions et attitudes qui expriment la mentalité, la façon d'être et de réagir des composants du corps social, comme s'ils étaient ceux d'un être humain dont l'existence se déroule avec tous les va-et-vient et les étapes qui lui sont propres. En effet, di x ans de la vie d'une personne sont comparables à cent dans la vie d'un peuple. Ce principe universel qui permet de comprendre plus profond ément et plus subtilement les phénomènes sociaux , s'applique aussi, évidemment , à notre Patrie. Cet ensemble humain appelé Chili, issu du tronc de la Civilisation Chrétienne, et né il y a plus de l 50 an s à l'indépendance - avec son territoire propre , son tempérament, sa façon d'être et de vivre - a déjà laissé derrière lui son adolescence sur le chemin d'une jeunesse entreprenante. Comme il franchissait ce seuil , une crise terrible l'a surpris , et au milieu des angoissantes alte rnatives qu'elle suscita, il trouva les conditions d'un e prise de conscience de lui-même . - - ---


22

INTR OD UCTION

En réalité, le Chili d'aujourd'hui est un Chili distinct de celui qui s'engagea avec plus ou moins d'insouciance, il y a quelques années, sur la pente qui le conduisit à l'abîme marxiste. Imperceptiblement, un crépuscule artificiel prit possession du Chili catholique. A un certain moment , l'horizon chargé de nuages, que beaucoup n'avaient pas voulu voir clairement, apparut traversé d'éclairs, de tonnerre et de foudre, et une véritable « procella tenebrarum » ( Jude I, 13 ) fit sentir à tous que la tragédie nous avait visités .

*

*

*

Plus de deux ans ont passé depuis que le pays a émergé de la crise angoissante où l'avait jeté !e gouvernement d' Allende. L'énorme poussière soulevée par la funeste expérience marxiste est retombée; mais ce peuple pacifique, travailleur, ordonné et serein que nous étions , est entré dans une étape de son existence qui n'a pas encore pris fin . Le Chili fut travaillé, ces dernières années, par un antiChili, et la force des choses l' a obligé à entrer en lutte . Dans cette lutte, du sang a coulé, moins cependant qu'il n'en aurait été répandu sans le soulèvement patriotique des Forces Armées et des Carabiniers, à l'aube mémorable du 11 Septembre 1973. Mais il y a un aspect de cette lutte qui, pour être spirituel, est plus terrible et douloureux encore. Depuis une quinzaine d'années - pour fixer une limite une « Eglise du Silence » a commencé à se former dans notre Patrie. Oui, une Eglise du Silence qui n'est pas subjuguée par la violence physique existante dans les pays qui gémissent derrière le rideau de fer. C'est une Eglise du Silence qui souffre une violence psychologique et spirituelle, peut-être plus tragique que la violence physique. Comment parvint à son actuelle apogée cette oppression spirituelle qui afflige tant de catholiques, même depuis qu'en sortant des ténèbres marxistt:s, le 'Chili a pris le chemin de sa reconstruction morale?

.

,


FORMATION D'UNE EGLISE DU SILEN CE

23

Comment se forma, parmi nous, l' « Eglise du Silence »?

*

.;

ir--

Dans les années 60 commença à se manifester au Chili sous des contours plus précis ce qui dans l'histoire d'un homme serait une effroyable crise de conscience. En effet, dans un pays à majorité catholique comme le nôtre, un nombre très considérable de personnalités de la hiérarchie ecclésiastique chilienne se lança dans un mouvement d'abandon progressif de la diffusion de l'Evangile authentique de Notre-Seigneur Jésus-Christ, passant, peu à peu, à collaborer à la diffusion d'un contre-évangile, le contre-évangile marxiste ; et de telle sorte qu'un regard en arrière permet de voir aujourd'hui clairement comment la diffusion de ce contre-évangile devint l'objectif fondamental, l'effort le plus continu, l'activité la plus soutenue de ces personnalités de la structure ecclésiastique. Pourtant, un des aspects les plus angoissants de cette situation, pour les catholiques chiliens, est que la propagation des erreurs marxistes à partir d'éléments du clergé ne s'est pas faite, dans la plupart des cas, avec un poing levé rageur, ni sous ce signe méprisable et rejeté de la faucille et du marteau. La réalité présente des aspects beaucoup plus subtils et nuancés. Les Pasteurs qui ont ainsi délaissé le soin de leur troupeau ont été constants, mais non directs, dans leur compromis avec la diffusion de l'erreur: nous voyons, tout au long de ces quinze ans, d'abord le silence fait sur les principes de la doctrine sociale catholique qui s'opposaient le plus à l'anti-credo communiste comme il se présente généralement aujourd'hui; puis l'exaltation exacerbée et à caractère émotionnel de quelques notions relatives à la justice sociale, surévaluées de façon qu'il parût qu'elles constituaient à elles seules la conception chrétienne de la société. Il y eut, ensuite, la dissémination d'idées équivoques et la tolérance en toute impunité de minorités pro-marxistes dans les milieux catholiques, minorités qui, au pire, reçurent des


24

INTRODUCTION

Pasteurs des reproches dérisoires, alors que ces mêmes Pasteurs procédaient à l'abaissement systématique de ceux qui se levaient en défenseurs de la doctrine et de la tradition catholiques, ou les symbolisaient de quelque façon. Le terrai.ri ainsi préparé, des figures représentatives de !'Episcopat osêrent manifester un appui mal dissimulé à ceux qui prêchaient clairement les doctrines erronées, atteignant le comble en favorisant la montée au pouvoir des marxistes comme en les y soutenant. Après que nous avons traversé la tourmente communiste, quand il était imaginable d'espérer enfin un changement d'attitude, Je même dessein pro-marxiste, toujours vivace, adopta des formes diverses selon les nouvelles circonstances que connaissait le pays. A présent, nous sommes en présence d'une opposition voilée ou bien ouverte dont de nombreux Pasteurs ont pris la tête , contre les autorités gouvernementales qui répriment la diffusion de la gangrène marxiste. Tout au long de ces années, pour un grand nombre de chiliens, l'image de l'Eglise Catholique s' est modifiée douloureusement dans les esprits. L'image de cette Eglise authentique et traditionnelle, qui protégeait le pauvre sans haïr Je riche, cette Mère et Maîtresse des peuples , qui enseignait la vérité avec une pleine autorité et un équilibre supérieur, et qui a constitué la patrie de nos âmes; cette Eglise immortelle, qui sut dénoncer avec la fermeté voulue les excès qu'avait connus en de nombreux endroits l'application du capitalisme, mais qui , conformément aux principes immuables de sa doctrine, se manifestait aussi comme l'ennemie irréconciliable du communisme, coordonnant et prenant la tête d'une continuelle et vigilante croisade internationale, d'ordre spiri tuel, contre la secte rouge, l'image de cette Eglise s'est troublée . Ce soleil resplendissant de Justice et de Vérité a décliné en un terrible et mystérieux crépuscule qui assombrit de ses ténébres des milliers de consciences ca tholiques stupéfaites. Les chefs de cette Hiérarchie Sacrée, en laq uelle nous étions habitués à contempler avec admiration et respect la lumière immortelle _qui avait t raversé les siècles, étaient devenus, lentement et


_,

FORMATION D'UNE EGLISE DU SILENCE

25

confusément, des complices de l'ennemi du nom de chrétien qu'ils combattaient auparavant. Ce fut de cette manière que naquit au Chili une authentique Eglise du Silence. En effet, les catholiques fidèles et aimant la tradition véritable, continuèrent à fréquenter les cérémonies religieuses, mais en sentant au fond de leur cœur qu'ils étaient traités, en de nombreux temples, et de façon impalpable, comme en terre étrangère ( Ps. LXVIII , 9 ). Leurs mains se virent garrotées par d'invisibles menottes spirituelles, qui les empêchaient de résister avec vigueur à la déviation qu'ils contemplaient. Devant eux , ils ne voyaient qu 'un chemin, celui du silence. Si les historiens de l'avenir savent pénétrer dans la dra matique réalité vécue en cette seconde moitié du XXème siècle par les fid èles de notre Patrie , co mme par ceux d'a utres nations de l'Occident Chrétien, ils décriront le martyre spirituel d'innombrables catholiques qui - cela nous brûle les lèvres de le dire - furent victimes de Pasteurs institués pour les gouverner, les alimenter du bien et de la vérité et les défendre des pièges de l'ennemi . Les catholiques les plus capables de réagir contre l'avance marxiste étaient ainsi emprisonnés dans cette situation que nous appelons Eglise du Silence. Cependant, les artisans ecclésiastiques de « l'autodémolitio n » réalisaient leur tâche néfaste d'encouragement di;: la révolution sociale collectiviste et d'une gigantesque transformation « progressiste » dans le domaine religieux lui-même. Les historiens pourront montrer combien terribles fure nt les fers qu i ligotèrent , plus que les mains, l'âme-même de tan·t de fidèles chiliens. *

*

*

Le premier de ces liens tient à la confusion q ui inlùbe et décourage: Confusion de celui qui recourt au Pasteur, à la recherche des enseignements de vie éternelle et qui reçoit , avec stupeur, le mépris, l'orienta tio n ambiguë , la parole qui éteint


26

INTRODUCTION

l'ancienne ferveur, la phrase qui endort la vigilance et rehausse l'adversaire, l'attitude qui favorise les desseins de la doctrine la plus antinaturelle et antichrétienne qu'ait connue l'humanité . Mais confusion aussi, car l'impact de cette gigantesque altération des missions et des valeurs n'est pas subi dans toute sa brutalité d'une seule fois ... La conscience des catholiques fidèles fùt frappée avec une graàation intelligente tout au long des années. De cette façon, s'il est certain que quelques attitudes de Prélats influents en faveur du communisme sont de la connaissance publique, très peu de fidèles sont parvenus à se faire une vision d'ensemble du processus d'autodémolition ecclésiastique dont des Evêques et des Prêtres ont pris la direction . A la confusion qui résulte de ce que depuis les Chaires de la Vérité on favorise l'erreur, on a ajouté, pour le tourment des fidèles , la confusion créée par la méthode graduelle et sibylline de mener cette propagation. *

*

*

Le second anneau qui lie les mains du catholique qui n'a pas renié la tradition véritable naît ·de l'énorme pouvoir que le Clergé détient dans une Eglise hiérarchique par institution divine. En effet, alors que la majorité des fidèles a vaguement l'idée qu'il y eut, dans le passé, des Evêques et des Prêtres qui, trahissant leur mission, se mirent à la tête d'hérésies qui ravagèrent les rangs des catholiques, jamais ces fidèles n'ont imaginé qu'ils pouvaient se trouver dans des situations semblables, de telle sorte que les catholiques conservent la peur de dire ou de faire quoi que ce soit qui contrarie ouvertement la déviation de leurs Pasteurs, de crainte d'encourir des peines ecclésiastiques. De nombreux fidèles en arrivent même à ne pas penser à cette dramatique réalité, et évitent de se situer face à elle, de peur d'être condamnés. Au plus intime de leur âme, dans leur capacité-même d'observer, de discerner et de juger, les catholiques sont prisonniers de ces terribies fers qui paralysent leur conscience.


FORMATION D'UNE EGLISE DU SILENCE

* *

. '

27

,i,

La Société Chilienne de Défense de la Tradition, Famille et Propriété - TFP - manifesta sa perplexité et son désaccord de nombreuses fois au cours de cette évolution systématique d'une grande partie de la Hiérarclùe et du Clergé de notre Patrie vers la collaboration directe ou indirecte avec les objectifs du communisme. Pourtant, nous avons attendu ces derniers mois, dans une observation patiente, attentive et pleine d'espoir, que la Hiérarclùe ecclésiastique, détachée du climat idéologique et passionnel si malsain créé par le gouvernement d' Allende, s'éveille à l'authentique réalité, réalise quel était le précipice où le Pays était tombé avec sa collaboration, et répare, de façon à ne laisser aucun doute, l'énorme dommage causé. Mais ce fut en vain. Il est certain que quelques personnalités ecclésiastiques, sans renoncer clairement à leur compromission avec les idées socialistes et confiscatoires, relevèrent quelques-unes des fières bannières de la bataille idéologique qui avaient été jetées avec mépris au cours du triste cheminement antérieur. Cependant, la partie la plus dynamique du Clergé clùlien, sous la direction de Son Eminence le Cardinal-Archevêque de Santiago Mgr. Raul Silva Hemiquez, continua à emprunt er les voies tortueuses qui nous conduisirent à l'abîme, tout en s'adaptant aux nouvelles circonstances nationales. Excepté quelques éloges protocolaires et creux adressés aux autorités militaires qui prirent à leur charge la tâc_he surhumai_ne de redresser le Pays, la principale figure de l'Eglise chilienne, et une impressionnante partie de !'Episcopat et du Clergé se .mirent à faire obstacle à l'héroïque lutte· du Chili catholique pour affirmer son destin . Ni leur zèle pastoral, ni leur patriotisme ne parurent s'émouvoir du spectacle d'une petite nation qui, telle David centre Goliath, résolut d'affronter Je colosse communiste devant lequel se courbaient, mystérieusement, des dirigeants religieux, politiques et économiques de diverses nations du monde entier.


28

INTRODUCTION

Aussi le danger demeure. Il n'est donc pas possible d'attendre un instant de plus. Catholiques apostoliques romains aimant leur Eglise et leur Patrie, les associés et les militants de la TFP se voient poussés par lew· conscience à rompre les cruels liens spirituels qui lient les mains des catholiques fidèles.

*

*

*

Rompant le lien de la confusion, la TFP expose aux yeux du Chili et du monde l'éclaircissement des faits. La réalité positive et prouvée est la suivante: ces éléments de la Hiérarchie ecclésiastique ont constitué dans le passé récent et continuent à constituer une force entreprenante et dynamique pour l'implantation d'un régime de gauche au Chili. Mais il est nécessaire de souligner que, dans les circonstances que connait aujourd'hui la dynamique subversive , il s'agit là de la force la plus efficace qui se puisse trouver pour le retour du marxisme au Chili. En effet, quand le pouvoir ecclésiastique se place au côté de la subversion, cette dernière y puise son meilleur moyen d'action ; entre autres raisons, parce qu'elle se transforme en une force plus ou moins assurée de l'immunité. Les dirigeants gouvernementaux de l'anti-subversion sont déjà affrontés à la campagne de diffamation internationale an imée par le communisme et ses partisans, ainsi qu'aux circonstances économiques difficiles venant de la catastrophe allendiste et de la crise internationale. Ils vont se trouver dans une situation délicate: s'ils prennent des mesures contre le pouvoir ecclésiastique, ils courent le risque de transformer en ennemis du gouvernement les éléments les plus anticommunistes du Pays, qui pourraient voir dans ces mesures une persécution contre l'Eglise. Et à cette occasion, nous avons la certitude que cette même Hiérarchie se présenterait revêtue de tous ses anciens et vénérables ornements et privilèges qu'elle a aband onnés avec mépris ces dernières années.


FORMATION D'UNE EGLISE DU SILENCE

29

Le bien de l'Eglise et du Chili imposent, par conséquent, que l'œuvre destructrice de la confusion soit défaite publiquement.

* *

*

De même, la TFP doit briser la seconde emprise spirituelle qui contraint les catholiques: la peur du pouvoir canonique sur lequel s'appuient les Pasteurs. Est-il licite aux fidèles de résister à une politique ecclésiastique qui favorise l'erreur et empêche notre Patrie d'écarter définitivement le péril communiste? Les fidèles qui le font dans les limites permises par la doctrine catholique et le droit canon doivent-ils redouter une juste condamnation de leurs Pasteurs? Trouve-t-on dans la communion de l'Eglise Catholique et , en conséquence, en possession de leurs juridictions, des Pasteurs qui ont abandonné des aspects essentiels du devoir de leur charge et qui ont continuellement et gravement favorisé l'erreur? Que penser de tout ceci, et en particulier quelle attitude prendre?

*

* *

Face à ces problèmes qui se précisent aux yeux des catholiques chiliens comme des figures de cauchemar, il n'est pas licite de prolonger le silence. Au long de ces pages , écrites avec un courage respectueux et un cœur attristé, mais avec fermeté et résolution, les associés et militants de la TFP se voient dans l'obligation d'affronter ces questions graves et délicates, car ils sentent que l'heure de le faire est arrivée et ne peut être repoussée . De la résolution de cette question de conscience dépendent peut-ê tre l'avenir de notre Patrie et , dans une certaine mesure , la restauration de la Chrétienté , au-delà des bourrasques qui sillonnent la seconde moitié du XXème siècle.


30

INTRODUCTION

* * * Disons enfin que nous n'avons pas oublié l'autre partie du Clergé chilien: Il y a dans notre Patrie des ecclésiastiques doctes et respectables qui manifestement n'applaudissent pas à la position ~e !'Episcopat et du Clergé menés par le Cardinal Silva Henriquez. Si le bon fidèle avait pu recevoir la parole du bon Prêtre et du bon Evêque , il aurait su que penser et quelle position prendre. Mais l'histoire dira un jour que la plus grande partie des clercs hostiles aux principes démolisseurs s'est maintenue dans un étrange silence. A ces membres du Clergé, qui constituent des exceptions, nous adressons un appel respectueux pour qu'ils rompent ce silence, qu'ils se sont peut-être vu contraints de garder, sur le fond du terrible drame moral que souffrent les catholiques chiliens. Car si terrible que soit l'hypothèse qu'un Cardinal et plusieurs Evêques aient abandonné l'identité avec leurs charges respectives, et favorisent l'erreur, en un certain sens il est peutêtre encore plus grave que ceux qui constituent les réserves morales de l'Eglise et de la Nation se taisent devant l'abomination qui envahit le sanctuaire.


.

PREMIERE PARTIE

PREPARATION ECCLESIASTIQUE AU GOUVERNEMENT DEMOCRATE-CHRETIEN DE FREI


CHAPITRE PREMIER

L'ANNONCE DU CHEMIN CHOISI PAR LE PRIMAT DE L'EGLISE DU CHILI

Dès qu'il prit possession de sa charge d' Archevêque de Santiago, le 29 juin 1961, Mgr. Silva Henriquez laissa entrevoir, par l'ambiguïté de sa première déclaration, ce qu'allait être le développement progressif de son gouvernement ecclésiastique, et celui de la plus grande partie de -!'Episcopat qui devait adopter une attitude solidaire de cette conduite. En effet, la presse de cette époque consigne l'insistance spéciale que le nouvel Archevêque avait portée sur l'urgence d'entreprendre une réforme agraire et sur le devoir pour tout catholique de contribuer à accélérer les transformations nécessaires pour mettre en pratique la doctrine chrétienne de la justice sociale. ( « Ercilla » 5-7-61 ; « Le Monde » 23-10-61 ) . Il existait déjà une effervescence politique de gauche dans certains milieux catholiques, et la puissance de manœuvre atteinte par les partis marxistes chiliens était importante à cette époque. En formulant, dans ce climat idéologique, une déclaration comme celle que nous rapportons, sans préciser les termes de la réforme agraire et des autres réformes de structure qu'il encourageait si véhémentement , !'Archevêque de Santiago omettait ainsi une précieuse parole d'avertissement à son troupeau en face de la propagande de gauche . Il laissait aussi entrevoir de la sorte qµe sa position n'avait pas pour motif une orientation

...

J


L 'ANNON CE D U CHEMIN CHOISI

33

pastorale et une stimulation de ses br'ebis contre les revendications, à la fois osées et ambiguës, par lesquelles l'adversaire essayait de les dévoyer. 1.

Fait Cardinal, il émet des éloges ambigus au communisme.

De cette première attitude publique, nuisible par son omission , Je Prélat passa peu après à une conduite directement capable de désorienter son troupeau. Si un esprit prudent jusqu'au comble du scrupule avait consid éré sans fo ndement le malaise que ses premières déclarations en ta nt qu' Archevêque avait déj à provoqué, Mgr. Silva Henriquez, une fois fa it Cardinal, donna de nouvelles manifestations publiques du sens qu'il imprimerait à son action future. En effet, le quotidien « La Nacion », sous le titre suggestif « fl ne f au t pas être réactionnaire ... » ( extrait des déclarations du Cardinal ) relate que le Prélat chilien affirma entre autres choses: « fl est malh on nête de rejeter to ut ce qui es t communiste parce que c'est co mmuniste. fls ont o btenu des réalisations positives dans l'ordre moral public qui es t le plus délicat et qui est négligé ici ... » ( « La Nacion » 25-11-62 ). L'effrayan te ambiguïté et l'imprécision de ces affirmations du Primat ( 1 ) de l'Eglise chilienne et Pasteur de !'archidiocèse le plus peuplé et le plus important , sautent aux yeux. Plus déconcerta nt encore est le fait que ce nouveau Cardinal propose aux fi dèles - en termes génériques - des agissements du communisme comme exe mples de réalisations positives dans l'ordre moral public , en opposition à la négligence qu'on trouverait , dans ces domaines , dans le Chili non communiste. ( 1) A différent es occasion s au lo ng de ce livre, o n fera référence à Mo nsieur le Card inal-A rchevêq ue de Santiago , en tant que Prim at du Ch ili . No us avo ns vo ulu suivr e, en effe t , par respec t à so n égard , l'habitude obse rvée jusqu 'a uj o urd'hui dans le pays. Ce fai sa nt , no us n 'avons pas eu, évidem ment, la moi ndre in tentio n de co nt es ter l' int éressa nt e déc laratio n de !'Archevêqu e de La Serena, Mgr . Francisco Frez no , parue dans « El Merc urio » du 25 Ja nvie r 1976. selo n laqu elle le Prélat affirm ait no tam me nt que co ntrair eme nt à ce qu e pense gé néralement l'o pinion ca th o liq ue chilien ne, le Cardin al n'a pas ce tt e di gnit é .


34

LE CLER GE O UVRE LA VOIE A FREI

De fait, ses paroles tendaient à canaliser en faveur du communisme le mécontentement que suscitaient les insuffisances de l'ordre des choses en vigueur. De telles affirmations marqueraient-elles seulement un fau xpas regrettable ou seraient-elles le reflet d'une ligne de conduite adoptée par le Pasteur chilien pour sa haute et importante mission? 2. Réforme agraire dans les terres de l' Archevêché, afin d 'ouvrir un processus qui détruirait la campagne chilienne.

Durant le Carême 1962, une let tre Past orale Collective de !'Episcopat National fut publiée sous le titre L 'Eglise et le Problème de la Paysannerie Chilienne. ( Publication du Secrétariat Général de !'Episcopat du Chili, Santiago, 1962 ). Dans ce long document, on trouve encore , ici ou là , des références génériques en faveur du droit naturel de propriété privée, y compris celle des moyens de production, et soutenant le principe de subsidiarité, la nécessité d'éviter les excès fiscaux qui équivalent à l'abolition virtuelle de la propriété, et les mesures légitimes et nécessaires d'amélioration de la condition paysanne conformément aux principes de la morale catholique. On enregistre même une rapide mise en garde contre les agitateurs et les démagogues « dépourvus d'idéologie fond ée », qui s'infiltrent dans la masse paysanne. Cependant la Pastorale Collective laisse poindre une vision partiale de la réalité agricole chilienne de cette époque, dans laquelle, précisément à la ressemblance de la propagande de gauche, les jugements défavora bles sont généralisés avec une injuste facilité et les aspects positifs existants sont laissés prudemment dans l'ombre. En détachan t, à bon droit , la nécessité que la propriété remplisse sa fonction sociale, les évêques affir ment, pourtant, que la situation de l'agriculture chilienne est telle qu'il leur parait que le moment est venu de commencer les expropriations des fo nds agricoles particuliers. Cette appréciation était formulée de façon tellement imprécise qu'elle repré-


L'ANNONCE DU CHEMIN CHOISI

35

sentait la première approbation épiscopale d'ensemble aux expropriations agro-réformistes en série. Dépourvue des preuves indispensables, la Pastorale Collective donnait pour un fait établi que d'autres mesures susceptibles d'élever le niveau économique et culturel de la paysannerie, en facilitant aux travailleurs les plus efficaces l'accès progressif à la propriété, et l'adoption d'un système de distribution des terres de l'Etat, constituaient déjà une solution dépassée. C'était là un oubli évident des normes nettement fi xées par la Morale catholique pour justifier des expropriations aussi générales que celles que l'imprécision des Evêques suggérait. Dans la pratique, cet abandon des exigences morales en matière d'expropriation de biens particuliers établissait une base ambiguë de collaboration entre les catholiques qui sentaient la nécessité de réaliser des réformes pour obtenir un ordre plus juste, et les communistes qui voulaient les réformes pour aboutir au chaos injuste. En violant le principe qui veut qu'on ne peut rogner des droits certains en se fondant sur des données incertaines, la Pastorale Collective ouvrait aussi une porte par laquelle, en toute facilité, entreraient les agitateurs et les démagogues qui y étaient critiqués, entrainant avec eux l'ouragan de l'agro-réformisme socialiste et confiscatoire. Et ce, d'autant plus que la Pastorale Collective exhortait « toutes les personnes de bonne volonté » à agir au Parlement, dans les organes de diffusion, etc ... afin de « préparer l'ambiance et faciliter le chemin » pour le succés de ces idées qui, malheureusement, contenaient déjà le germe d'un processus agro-réformiste extérieur aux voies de la Morale Chrétienne. Finalement, le document rend compte d'un accord intervenu à l'Assem blée Episcopale Plénière de cette année-là, et commandant « l'étude d'une éventuelle colonisation des propriétés agricoles qui son t en propriété et libre usage de la Hiérarchie ( ... ) afin de faciliter l'accès des paysans à la propriété de la terre ».


36

LE CLERGE OUVRE LA VOIE A FREI

* * * De son côté, avant de terminer l'année 1962, Mgr. Silva Henriquez, qui multipliait depuis plusieurs mois les démarches en vue de mettre en pratique l'initiative recommandée lors de cette Assemblée Episcopale, lançait à grande publicité une réforme agraire dans les terres appartenant à l' Archevêché de Santiago. Une distribution de propriétés agricoles en termes de réforme agraire, par la libre volonté des maîtres-mêmes, n'est pas en soi digne de réprobation, et peut même mériter des éloge_s, selon l'esprit que l'auteur veut lui donner. Une fois posées les lacunes et les idées erronées qui fondaient la Pastorale Collective de l'Episcopat, et les immenses efforts de propagande que la gauche marxiste faisait au Chili en faveur de l'agro-réformisme socialiste et confiscatoire, la décision du Cardinal-Archevêque contribua au moins à octroyer Jeurs droits de cité aux desseins réformistes de caractère marxiste, aux yeux du catholique moyen. Cet effet psychologique de la décision cardinalice se vit renforcé par Je fait que Je Prélat n'accompagna l'impact de son attitude d'aucun éclaircissement apologétique des principes _de la Morale catholique plus particulièrement niés par Je collectivisme .

* * * Huit ans après le lancement de cette initiative, lors de lacérémonie de remise des titres de propriété aux récipiendiaires d'une de ces propriétés soumises à la réforme agraire réalisée par l'Archevêché de Santiago, Je Cardinal Silva Henriquez luimême définit l'esprit et les motifs de la décision qu'il avait prise alors. Son Eminence déclara textuellement: « Ces terres ont servi pendant longtemps à aider le culte de Dieu, les œuvres de /'Apostolat, l'entretien du Clergé, mais nous considérons que l'avenir des travailleurs de la terre, leur dignité et leurs possibi-


L'ANNONCE DU CHEMIN CHOISI

37

lités de culture étaient au-dessus de ces besoins. Nous avons cru que notre exemple contribuerait à créer un esprit de réforme et de transformation de nos campagnes, en changeant des systèmes de dépendance et d'oppression pour de nouvelles formes d'existence; où le paysan travailleur se sentirait responsable, respecté et digne. ( ... ) Aujourd'hui Je processus de réforme agraire est en marche . Aujourd'hui de nombreux propriétaires agricoles doivent remettre Jeurs terres pour qu'elles soient réparties selon la loi. ( « El Mercurio » Mars 1970. Le texte est souligné par nous). Mgr. Silva Henriquez se félicitait ainsi d'avoir contribué à la réalisation du catastrophique processus agro-réformiste chilien, donnant pour légitime la loi de réforme en vigueur, promulguée par le Président Eduardo Frei en 1967. Le caractère socialiste, confiscatoire et anti-chrétien de cette loi était largement démontré par plusieurs personnalités et associations corporatistes. Il revint de manière spéciale aux dirigeants de la TFP chllienne - alors jeunes universitaires groupés autour de la revue « Fiducia » - de l'attaquer de façon détaillée, dès ses premiers moments, au moyen de trois manifestes publics largement diffusés dans tout le pays, et dont nous parlerons plus loin ( cf. infra 2ème partie Chap . 1 n. 4 ).

* * * Coïncidant avec les voies suggérées par ces premiers agissements du Prélat chilien, le diocèse de Santiago allait connaître la première d'une série de grandes explosions d'idées de gauche, soutenues publiquement par· d'influentes personnalités du Clergé et des institutions qui lui étaient liées . C'est ce qui sera l'objet du chapitre suivant.


CHAPITRE II

TOLERANCE PERMISSIVE DE L'EPISCOPAT TANDIS QUE S'ORGANISE ET SE DEVELOPPE L'EFFERVESCENCE

« CATHOLIQUE DE GAUCHE»

Le 18 Septembre 1962, une nouvelle Pastorale Collective fut signée par 24 Archevêques et Evêques, parmi lesquels on comptait encore Mgr. Silva Henriquez. Ses auteurs appelaient les catholiques à s'unir face au communisme qu'ils condamnaient. Mais une telle unité devait se réaliser précisément autour du programme réformiste de la gauche catholique, qu'un groupe de jésuites allait expliciter à travers leur revue « Mensaje ». Plus tard, ce programme, rehaussé par une grande partie du Clergé, aurait la possibilité d'être mis en pratique par le Parti Démocrate-Chrétien sous le gouvernement d'Eduardo Frei ( 1964 - 1970 ), et contribuerait efficacement à préparer le triomphe postérieur du marxiste Salvador Allende ( cf. « Frei, el Kerensky chileno », « Frei, le Kerensky chilien », de Fabio Vidigal Xavier da Silveira, Editions Cruzada, Buenos Aires, 1967 ). « Le chrétien - disait la Pastorale - doit appuyer les institutions de revendications sociales, et, s'il le peut, y participer. fl devra aussi appuyer les changements institutionnels, tels qu'une authentique réforme agraire, la réforme de l'entreprise, la ré-


TOLERANCE PERMISSIVE DE L'EPISCOPAT

39

forme fiscale, la réforme administrative, et d'autres semblables » ( Lettre Pastorale « Le devoir social et politique à l'heure présente », publication de Secrétariat Général de !'Episcopat du Chili, 1962,p.15 ). Les Evêques n'expliquaient pas quelles étaient, de façon précise, les limites et les voies de ces réformes, ni les raisons concrètes et suffisamment fondées qui justifiaient un ensemble aussi impressionnant de chlrurgies sociales simultanées telles que celtes qu'ils proposaient. Ils n'expliquaient pas non plus de quelle façon on devait sauvegarder, en elles, des principes aussi fondamentaux que ceux du droit naturel de propriété privée, de la libre entreprise, du principe de subsidiarité, etc ... , auxquels la Lettre Pastorale sur la paysannerie faisait des références génériques au début de la même année ... Etait-il donc étrange que le groupe de jésuites de la revue « Mensaje », d'une influence très grande dans tes milieux universitaires et, bien entendu, parmi les catholiques tournés vers le politico-social, sente de la facilité à commencer la propagation ouverte du socialisme confiscatoire?

1. Les jésuites du Centre Bellarmin lancent le programme de la révolution égalitaire. L'année de 1962 ne devait pas passer sans que les jésuites du puissant Centre Bellarmin, qui dirigeaient et éditaient « Mensaje », publient une tristement fameuse édition spéciale de la revue, intitulée « Révolution en Amérique Latine - Vision Chrétienn e ». Définissant le motif du numéro spécial, la direction de l'organe jésuite disait textuellement: « Des airs révolutionnaires soufflent, en effet. Une immense, et toujours croissante, majorité est en train de prendre conscience de sa force, de sa misère et de l'injustice de cet ordre politique, juridique, social et économique qu'on la contraint à accepter; et cette majorité n'est pas disposée à attendre davantage. Elle exige un changement rapide, profond et total des structures. »


40

LE CLERGE OUVRE LA VOIE A FREI

L'éditorial de « Mensaje » continuait en montrant que la « révolution est, par conséquent, réforme. Pas telle ou telle ré·

forme, mais une réforme intégrale et radicale. ( ... )La révolution authentique recouvre tous les domaines. Elle est l'évidence claire de l'inadéquation, de l'inopérance et de l'injustice des structures en vigueur; elle est, par là-même, l'inébranlable dé· cision de rompre radicalement avec l'o rdre actuel, d'en finir avec le passé, et en partant de zéro, de construire un ordre totale· ment nouveau ». Enfin, l'éditorialiste concluait sur une exhortation sibylline : « La révolution est en marche. Ne pas s'.Y opposer, mais encore l'en courager contient évidemment un risque ( personne ne peut savoir exactement où se termine la révolution ). Mais la vie est risque, et le christianisme n 'est pas une religion de mol· les sécurités, mais de gén éreuses folies ». ( « Mensaje », n. 115, décembre 1962 - pages 589 à 591 ). Le réformisme socialiste et confiscatoire était lancé dans l'arène. Le mot d'ordre insinué serait recueilli, après le premier choc, par les hommes politiques de la gauche catholique: pour combattre le communisme , il faut réaliser graduellement, et dans la liberté, les réformes que le communisme veut faire par la violence... Bourgeois, qui craignez la violence persécutrice des marxistes, soutenez une « révolution chrétienne »... 2. L'hebdomadaire de l'Archevêché de Santiago défend la révolution de <i Mensaje ».

L'opinion publique, qui n'était pas complètement préparée « Mensaje », fut traumatisée par ce numéro spécial de la plus influente publication liée au Clergé chilien. Mais elle espéra un mot de rectification du CardinalPrimat. A l'opposé de son attente, l'hebdomadaire « La Voz », propriété de l' Archevêché de Santiago, et habituellement considéré comme son organe officieux, se solidarisa avec enthousiasme avec le numéro spécial de « Mensaje » dans ses éditions du 16 à accepter les formulations de


Le Cardinal Silva Henriquez: Révolution « bonhomme , et dégu isée .

Le Père Hernan Larrain, directeur dè « Mensaje »: Révolution agressive.

-----


42

LE CLERGE OUVRE LA VOIE A FREI

et 23 décembre 1962 : « En tant que chrétiens, nous nous félicitons de sa publication » dit l'éditorial de « La Voz », se référant au numéro de la revue jésuite sur la révolution, ajoutant peu après qu' « en tant que chiliens, nous sommes fiers que cet effort pour actualiser la pensée chrétienne sur le grand problème du continent soit parti de notre patrie » ( « La Voz » 16-12-62 ). D'autre part, le propre sous-directeur de « La Voz », Alejandro Magnet, fut l'un des rédacteurs du numéro special en question ( cf. article « Panorama Politico de America Latina », de « Mensaje », n. 115, décembre 1962 ) . La surprise s'accrût encore parmi les fidèles, et comme il était naturel des voix de protestation s' élevèrent chez les laïcs catholiques chiliens. Les dirigeants du Parti Conservateur, catholique confessionnel, manifestèrent « la surprise et le dégoût qu 'ont provoqués quelques articles parus dans le périodique « La Voz », appartenant à ['Archevêché, et la revue « Mensaje » , propriété de la Compagnie de Jésus ». ( « El Diario llustrado » 27-12-62 ). De là naquit une polémique entre le Parti Conservateur d'une part, et la revue « Mensaje » et l'hebdomadaire « La Voz » de l'autre. Le directeur de ce dernier, Gaston Cruzat , déclara à cette occasion: « M. Bulnes ( il désigne l'ancien sénateur Francisco Bulnes, président à cette époque du Parti Conservateur) estime que les déviations commises par « La Vaz » et mon manque de pondération compro mettent l'Autorité Ecclésiastique. fl faut croire que le sénateur Bulnes n'a pas été informé que samedi dernier, à midi, le Cardinal-Archevêque de Santiago a participé à l'inauguration des nouveaux bureaux de « La Vaz », et qu 'il a dit des journalistes qui y travaillaient qu'ils étaient l'un des groupes les plus chers à son cœur de prêtre. De plus, il a refusé la démission que je lui présentai de ma charge de directeur de « La Voz » dans le but de lui laisser pleine liberté d'action ». ( « El Diario Ilustrado » 28-12-62 ).


TOLERANCE PERMISSIVE DE L'EPISCOPAT

43

3. Le Centre Bellarmin rehausse le prestige des dirigeants politiques qui conduiront le processus révolutionnaire futur. On a une idée de la tempête de ténèbres qui planait sur le Chili sous le silence complaisant ou les ambiguïtés du Cardinal dans Je fait que l'un des auteurs de l'édition spéciale de « Mensaje » était aussi le futur homme-clef du collectivisme agraire sous les gouvernements de Frei et d'Allende, M. Jacques Chonchol, qui écrivit pour ce numéro l'article intitulé « Les facteurs de l'accélération révolutionnaire ». D'autres noms hautement représentatifs du réformisme socialiste et confiscatoire mis en pratique quelques années plus tard, à la venue au pouvoir de la Démocratie-Chrétienne, figuraient dans la liste des rédacteurs de cette édition et d'autres numéros de « Mensaje », ainsi que d'autres publications liées au Centre Bellarmin. Mais M. Chonchol fut l'un des plus caractéristiques. Il avait déjà eu une importante participation à la réforme agraire de Fidel Castro à Cuba, et publié dans les numéros 232 et 233 de la revue « Panorama Economico » en 1962, deux articles sur le thème de la réforme agraire. Dans l'un , il affirmait qu' « ou bien on paie la terre, ou bien on fait une réforme agraire » et dans l'autre, il suggérait la façon dont devraient être utilisés les syndicats paysans comme armes de pression sur les propriétaires qui résistent à l'injuste violation de leurs droits, quand arrive le moment de mettre en pratique les expropriations confiscatoires massives: il s'agit de conduire les corporations paysannes à occuper les terres dont la distribution sera sollicitée par la suite ... C'est la « mobilisation des forces politiques au service de la réforme », dont le plan était déjà tracé plusieurs années d'avance et que M. Chonchol commença à appliquer en tant que vice-président exécutif de l'Institut de Développement de l' Agriculture et de !'Elevage ( Instituto de Desarrollo Agropecuario - INDAP ) - organisme d'état qui sera un foyer d'agitation paysanne sous le gouvernement démocrate-chrétien de M. Eduardo Frei - et en tant que Ministre de !'Agriculture du marxiste Salvador Allende.


44

LE CLERGE OUVRE LA VOIE A FREI

4. A partir de ce moment, la pression communo-progressiste ne fit qu'augmenter.

La pression des groupes sacerdotaux communo-progressistes ne fit, à partir de ce moment-là, qu'augmenter. En octobre 1963, l'hebdomadaire « Ercilla », de diffusion nationale, et généralement bien informé, publia une entrevue avec les pères Comblin, Hofmans et Baga. Les deux premiers étaient professeurs à la Faculté de Théologie de l'Université Catholique de Santiago et le troisième, à cette époque, venait d'être chargé de la « Distribuidora Latino-americana de Publicaciones » - DILAPSA - formée sous les auspices de !'Archevêché de Santiago. Dans cette entrevue , qui eut une grande répercussion, spécialement dans les milieux catholiques de Santiago, Je Père Comblin ( 1 ), sans subir aucun reproche public de la part du Cardinal-Archevêque, fit des déclarations dont celle qui suit donne une idée : « La péniciline est la pire ennemie de l'Eglise ... parce qu'elle sauve les vieillards. L 'Episcopat à vie a pour résultat une moyenne d'âge de 70 ans, et quand cette moyenne chronologique est aussi mentale, le résultat est fatal. Il y a eu un projet pour limiter l'âge des Evêques, mais il est resté limité pour des raisons évidentes ... Ce sont tous des ancêtres ». Toute l'entrevue se poursuit sur ce ton renversant . ( 1) Le Père Comblin, après sa funeste activité au Chili, partit au Brésil où il fut nommé Professeur à l'Institut Théologique de Recife par ('Archevêque Helder Camara. A ce titre, il prépara un document scandaleux d'une inspiration marxiste-léniniste claire, comme texte de travail devant être présenté par )'Episcopat brésilien à l'Assemblée Episcopale LatinoAméricaine de Medellin, en 1968. A la suite d'une circonstance fortuite, ce texte du prêtre communoprogressiste fut publié par la presse, et on sut alors que le professeur de l'Institut Théologique de Mgr. Helder Camara donnait en exemple les sanglantes révolutions du Mexisque et de Cuba, et proposait une révolution stalinienne viol ente au Brésil, pour imposer le socialisme à un peuple qui se montrait majoritairement buté contre les idées révolutionnaires. Le président du Conseil National de la TFP brésilienne, le Pr. Plinio Correa de Oliveira, écrivit à cette époque une éloquente lettre ouverte à


TOLERANCE PERMISSIVE DE L'EPISCOPAT

45

Finalement, le programme « religieux » des trois prêtres interrogés est résumé dans les termes suivants: « Supprimer toutes les institutions anachroniques, libérer les forces vives et suivre les ordre du peuple chrétien, avec ses propres bannières que le communisme lui a arrachées ... » ( cf. « Fiducia », décembre 1963 ). La mise en marche de la révolution de gauche « dans la liberté » poursuivait ainsi son cours ascendant. Il n'y avait plus devant elle l'obstacle infranchissable d'un Primat et de plusieurs Princes de l'Eglise chilienne pour convoquer des théologiens, des prêtres, des professeurs, des intellectuels et les fidèles en général à une saine et constructive réaction salvatrice, capable d'apporter la paix à l'Eglise et la grandeur et la prospérité à la Patrie. Mois après mois, la revue « Mensaje » continua à diffuser son programme de réformes socialistes et confiscatoires, d'où se détache une nouvelle édition spéciale intitulée « Réformes révolutionnaires en Amérique Latine - Vision chrétienne » ( « Mensaje » n. 123 Octobre 1963 ). En avril 1964, « El Mercurio » publia, en en faisant grand cas, la conférence par laquelle le jésuite Gerardo Claps - vicerecteur de l'Université du Nord et sous-directeur de « Mensaje » - ouvrit les cours de l'année universitaire. Le Père Claps ne perdit pas cette occasion de stimuler le programme révolutionMgr. Helder Cam ara. L 'Archevêque gauchiste se vit réduit à un silence significatif. Plus tard, en 1969, le Père Comblin organisa un symposium pour encourager le groupe de prêtres rebelles pro-marxistes « Reflexion », à Quito (Equateur). Quelques prêtres de Colombie participèrent aussi à ce symposium et constituèrent bientôt, avec !'Evêque colombien de Buenaventura, le groupe de gauche « Golconde », qui se prétendit l'interprète du prêtre apostat guerrillero Camilo Torres. Durant le gouvernement ·marxiste de Salvador Allende, I' « apôtre» communo-progressiste retourna au Chili où il fut très bien accueilli par !'Archevêque de Talca, et il n'eut pas de problème pour éc.r ire pour ta revue « Mensaje ». Le lecteur peut trouver le texte de l'impressionnante lettre du Pr. Plinio Corrêa de Oliveira en annexe.


46

LE CLERGE OUVRE L A VOIE A FREI

naire en cours en utilisant la même technique psychologique qui consiste à proposer aux catholiques « le suicide par peur de mourir »: « ( ... ) Tout facilite la révolution. Tl y a une vague irrésistible de mécontentement. De nous dépend le chemin que prendra cette vague: le christianisme ou le marxisme. Le marxisme est en train de détruire la possibilité d'une authentique révolution latino-américaine. Le désir de révolution se répand parce que le pauvre manque des recours nécessaires » ( « El Mercurio » 18-4-64. C'est nous qui soulignons le texte ). Le Père Claps répète ici, avec le caractère sibyllin qui a marqué la promotion de ce processus révolutionnaire prémarxiste , la consigne que le Centre Bellarmin diffusait en imprimés, conférences et contacts: il s'agit de « christianiser » une révolution supposée inévitable, en proposant un communautarisme social qui se distingue mal du communisme. Pour éviter le triomphe de ce dernier, il serait nécessaire d'appliquer le programme économico-social du marxisme, dépourvu de ses aspects violemment anti-religieux, et de ses poteaux d'exécution. De cette façon on ne faisait pas autre chose que de préparer un triomphe plus solide du marxisme-même sur une opinion catholique confondue et rongée dans ses convictions par la prédication de cet amalgame christiano-marxiste. 5. Le mal s'étend, en toute impunité, à d'autres secteurs: la corruption des mœurs.

L'œuvre d'érosion de la Doctrine et de la Morale Catholiques - qui trouvait la voie libre devant elle, grâce au permissivisme incitateur du Primat chilien - gagna facilement d'autres domaines. Le même Père Claps, qui était aussi critique cinématographique de « Mensaje », fut interrogé par la revue « Ercilla » dans son édi.ion de janvier 1963. Il s'agissait de classer, avec d'autres critiques de cinéma, les meilleurs films de l'année 1962. Le Père Claps n'eut aucune difficulté à classer parmi les meilleurs deux films notoirement immoraux et pornographiques que la propre


TOLERANCE PERMISSIVE DE L'EPISCOPAT

47

censure de l'Action Catholique avait publiquement déclarés inconvenants quelque temps auparavant. Le jésuite ne se vit pas contraint de rectifier ses appréciations, et continua normalement pendant les années suivantes à prodiguer ses avis dans sa colonne de critique cinématographique de « Mensaje », où il applaudit à tant d'autres films immoraux et pornographiques ( qu'on lise, par exemple, « Mensaje » n. 166-167-168 de 1968 ). Parallèlement au processus de renversement généralisé, systématique et intensif des barrières idéologiques et du mur psychologique d'horreur qui séparait les catholiques du communisme, un autre immense rempart de la citadelle catholique subit les mêmes assauts et des destructions catastrophiques qui frappèrent cruellement le cœur des fidèles chiliens: c'était alors la doctrine traditionnelle de l'Eglise sur la pudeur et les bonnes mœurs qui, par la dynanùque unitaire du processus révolutionnaire, était en train d'être démolie par des hommes appelés à la défendre et à la propager. Pendant des années, sous le gouvernement du CardinalArchevêque de Santiago, cette autre phase de la tragédie chilienne connut une action dévastatrice dans la populeuse province ecclésiastique de Santiago. Bien qu'il se soit agi là d'un phénomène plus ou moins universel, dans ce domaine non plus le Pasteur Primat de l'Eglise chilienne n'opposa la résistance organisée requise par la situation . Au contraire, nombreux sont les faits et les situations qui continuèrent à alourdir en ce domaine l'angoisse de son troupeau. Nous ne nous arrêterons pas dans cet ouvrage à un problème si délicat et si grave; nous nous contenterons d'y jeter un coup d'œil discret, suffisant pour nùeux juger l'ensemble des ouragans qui s'abattirent sur les catholiques chiliens et nous reviendrons tout de suite au fil central de notre étude. La presse révéla en 1966 un achat décisif d'actions des éditions de revues et publications « Zig-Zag » par l' Archevêché de Santiago, à travers la Société « Dilapsa ».


48

LE CLERGE OUVRE LA VOIE A FREI

« Zig-Zag » publiait, entre autres, des revues franchement pornographiques. Les catholiques avaient Je droit d'espérer sous l'influence décisive de « Dilapsa » et des capitaux appartenant à des personnalités connues du Parti Démocrate-Chrétien, non seulement la complète cessation de ces immoralités, mais encore une action publique pour les combattre. La nouvelle direction de « Zig-Zag » supprima en effet la revue spécifiquement pornographique, mais ce fut pour passer à l'édition, par elle-même, aussi inouï que cela paraisse, de la revue intitulée « Adan » ( Adam ), dans laquelle l'unique changement consista à présenter la pornographie sous des airs de « légalité », avec la circonstance aggravante de compromettre, au moins indirectement, l'honneur de tous les propriétaires de cette maison d'éditions. La revue « PEC » dénonça ce cas aberrant en publiant un fac-simile de la première page et de l'éditorial qui apparaissait sur Je numéro 1 de la revue pornographique « Adan ». La première page reproduit une photographie obscène accompagnée de titres sordides ; l'éditorial porte l'épigraphe de « La morale n ·est pas une vierge pudique ». Il avertit sous la forme d'une cynique « justification », que « la société toute entière est ébranlée jusque dans ses fondements les plus intimes. Il est inutile d'imiter la perdrix et de se refuser à l'évidence, la tête cach ée sous l'aile ». ( « PEC », 9-12-66 et « Las Noticias de Ultima Hora », 11-6-68 ). Quelle est la portée de cette épouvantable position? Les journaux apportaient, comme nous l'avons vu, des données précises. Les auteurs dénonçaient avec plus ou moins de violence . L'Archevêché de Santiago, autant que nous le sachions, n'a pas éclairci publiquement ces faits devant lesquels l'opinion catholique resta étourdie et sans savoir que penser.

* * * Quelques mois plus tard , Je prêtre Rafael Sanchez, jésuite lié aussi au Centre Bellarmin et directeur-fondateur de l'Institut


w

TOLERANCE PERMISSIVE DE L'EPISCOPAT

49

de Cinéma de l'Université Catholique de Santiago eut l'inqualifiable attitude de se laisser interroger par la revue « Adan »... dans son édition de la Semaine Sainte 1967 ! Ses appréciations ne méritent pas d'être retenues , et seul l'amour indéfectible que nous professons à l'égard de la Sainte Eglise Catholique Apostolique et Romaine si horriblement défigurée par un prêtre comme celui-là - sacré lui-même en son investiture - nous oblige à faire référence à ce fait, même en passant, car la juste répulsion que ces terribles réalités publiques méritent ne peut rester étouffée dans le silence de nos âmes.

* * * Cette même année 196 7, un autre scandale bouleversa les catholiques de Santiago et de tout le Chili. Il s'agissait des excès et des imprudences commis dans plusieurs collèges catholiques de la capitale, au cours de l'enseignement à des enfants et à des jeunes des deux sexes d'une prétendue « éducation sexuelle », entièrement contraire aux normes traditionnelles de l'Eglise sur la pudeur et la pédagogie chrétienne (Revue « Vea », 28-7-66 ). Justement indigné par cette intolérable situation, l'ancien Archevêque de la Serena, Mgr. Alfredo Cifuentes, à cette époque déjà démissionnaire, adressa , une lettre publique au « Diario llustrado » par laquelle il félicitait ce quotidien d'un éditorial traitant de la question et intitulé « Grave problème spirituel ». Monseigneur Cifuentes signale dans un paragraphe de sa lettre: « Cet article recueille l'angoisse justifiée de pères de famille qui, ayant inscrit leurs enfants dans des collèges catholiques parce qu'ils croyaient y trouver la garantie d'une formation intellectuelle et morale qui fût la continuation de l'atmosphère de leurs foyers, se voient trompés par des enseignements et des positions qui règnent dans quelques-uns de ces collèges, et sont en opposition à la saine pédagogie chrétienne tant de fois enseignée par le Magistère suprême de l'Eglise » ( « El Diario lllustrado » 6-10-67 ).


50

LE CLERGE OUVRE L A VOIE A FREI

Le Cardinal-Archevêque de Santiago ne formula aucune protestation semblable. Les choses continuèrent plus ou moins de la même manière et dans son numéro 281 du 17-5-68, l'hebdomadaire « PEC » publia une lettre d'un groupe de 57 pères d'élèves du Collège Saint-Ignace ( établissement dirigé par des jésuites) dans laquelle, en même temps qu'ils critiquent l'enseignement de doctrines politiques révolutionnaires, ils décrivent d'incroyables turpitudes apprises en matière d'éducation sexuelle, dans ce même établissement éducatif officiellement catholique. Si l'on admet selon la doctrine catholique que la famille est le fondement de l'ordre civil, ce venin pernicieux et corrupteur que des prêtres lançaient à l'intérieur des foyers chrétiens ne constitue-t-il pas une œuvre de démolition du Pays? Il est clair que oui. Ou alors on devrait dire, avec le communisme, que la famille n'est plus le fondement de la société et que la morale n'est plus le soutien de la famille .

* * * Nous ne nous appesantirons pas ici sur le nombre impressionnant de désertions sacerdotales enregistrées dans la Province Ecclésiastique de Santiago et dans d'autres du pays durant ces années ( plus de 400, selon des calculs approximatifs) , ni sur des scandales sacerdotaux individuels bien connus.

* * * Pour en finir avec ce rappel très pénible, nous ne faisons que mentionner les films immoraux qui furent fréquemment diffusés dans des programmes du Canal 13 de Télévision de l'Université Catholique, le Cardinal-Archevêque de Santiago étant déjà le Grand Chancelier de celle-ci, et les thèses contraires à la moralité et aux bonnes mœurs défendues dans plusieurs numéros du mensuel « Mundo 71 » lié à des prêtres des congrégations du Verbe Divin et des Missionnaires du Cœur de Marie,


,A

TOLERANCE PERMISSIVE DE L'EPISCOPAT

51

dans lequel figurait, comme rédacteur, le Directeur du Département de !'Opinion Publique de l' Archevêché de Santiago, Sergio Prenafeta ( qu'on se reporte, par exemple, aux numéros 37 et 40, respectivement de juin et octobre 1971 de « Munda 71 » ). Nous nous trouvions face à un nouvel aspect de ce que Paul VI appellerait le mystérieux processus d' « autodémolition » existant dans l'Eglise ( allocution du 7-12-68 au Séminaire Lombard ), et qui embrasse des domaines encore plus étendus que ceux qui ont été analysés dans ces pages.

* * * Nous reprenons donc l'analyse de l'aide progressive d'une grande partie de la Hiérarchie et du Clergé chilien au processus de gauchisation du Chili. En 1964, les conditions pour que les partisans du réformisme socialiste et confiscatoire lancé de façon ambiguë par les jésuites du Cntre Bellarmin puissent parvenir au pouvoir, étaient déjà posées. Le Parti Démocrate-Chrétien avait été présenté par la plus grande partie de la Hiérarchie et du Clergé qui la secondait soit, dans sa ligne modérée, en faveur d'un gouvernement à la Kerensky, soit en radicalisant les positions pour garantir l'avance du processus révolutionnaire - comme corespondant à une interprétation légitime de la pensée sociale de l'Eglise et donnant ainsi une garantie aux fidèles que ce parti ne serait pas un pont vers le marxisme. D'autre part, les principes immuables de l'Eglise les plus opposés au régime économico-social communiste avaient été progressivement obscurcis, dilués dans leurs contours les plus nets et les plus précis, tus et parfois contestés ouvertement par les secteurs les plus révolutionnaires du Clergé avec la complaisance des membres de la Hiérarchie qui les assurait de l'impunité. Le communautarisme collectivisant proposé par la Démocratie-Chrétienne chilienne et dont les différences qu'il présentait avec le régime économico-social du communisme ne


52

LE CLERGE OUVRE LA VOIE A FREI

furent jamais expliquées, était aussi légitimé par action ou par omission de la quasi-totalité des membres de la Hiérarchie de notre Patrie. En même temps que lui, était accepté le concept libéral et relativiste que le Parti Démocrate-Chrétien ( PDC ) arbore, à savoir la prédication d'un « pluralisme idéologique » qui, par principe, présentait comme un bien la liberté d'action et de propagande du marxisme destructeur de toute morale et de tout droit. Enfin, ainsi couverte du manteau attrayant et tranquilisant du nom de chrétien, la DC, avec son candidat Eduardo Frei Montalva, fut présentée aux catholiques comme l'unique recours réel pour éviter le triomphe communiste aux élections présidentielles qui devaient avoir lieu en septembre de cette même année. De la sorte, le 4 septembre, était élu le démocrate-chrétien Eduardo Frei, qui se mettrait à développer une singuliére méthode de « lutte » contre le communisme, consistant à rendre le régime économico-social du Chili toujours plus semblable à celui que le programme des marxistes exigeait. On peut alors s'expliquer la tranquillité avec laquelle, le 9 août de cette année 1964, le Secrétaire général du Parti Communiste chilien, Luis Corvalan, déclarait à la presse étrangère de gauche que si le candidat de son parti était battu - à cette époque c'était déjà le marxiste Allende - « le processus révolutionnaire continuerait; nous ferons levier sur les contrastes sociaux, nous frapperons pour que la DC respecte son programme » ( « El Mercurio », 22-8-64 ).

....J


DEUXIEME PARTIE

SOUS

LE

GOUVERNEMENT

« SOCIALO-CHRETIEN » DE

FREI


CHAPITRE I

ORIENTATI ONS AMBIGUES POUR

SOUTENIR

SOCIALISME

L'IMPLANT ATION DU

« A LA KERENSKY » DE FREI

Le 4 novembre 1964 , Eduardo Frei assumait le mandat suprême de la Nation . Peu de mois après, le Président démocrate-chrétien effectua une tournée dans plusieurs pays d'Europe, et il déclara au quotidien « Le Monde » que « le changement d'attitude de l'Eglise du Chili, dans les de rnières années, a été une des causes décisives du succès obtenu dans ce pays par la démocratie chrétienne » ( « El Diario llustrado », 10-7-65 ). L'ex-président Frei a raison . Le caractère hiérarchique de la sacrosainte structure de l'Eglise et l'immense influence qu'il revient au Clergé d'exercer sur les fidèles selon l'ordre naturel des choses, font que l'attitude des catholiques face aux problèmes politico-sociaux dépend, au plus haut degré , de la position que peuvent pren dre les Evêques et les prêtres . Les faits relatés dans la première partie de cet ouvrage sont en nombre suffisant pour qu' on puisse se former un jugement d'ensemble de cette réalité. Il y a d'innombrables autres faits et détails éclairants que nous taisons pour ne pas allourdir ce livre. De tels faits montrent à quel point la majorité des Evêques chiliens et de vastes secteurs du Clergé, placés à des endroits d'influence décisive ont préparé le terrain pour que les

•,!


L'APPUI AU KEREN S KY CHILIEN

55

catholiques anticommunistes, progressivement enfermées dans cette Eglise du Silence qui se formait dans notre Patrie, appuient ou acceptent dans la résignation la montée au pouvoir de la Démocratie Chrétienne chilienne. L'aide de quelques-uns de ces Evêques et Prêtres au PDC se montrait déjà active bien avant les années 60 , mais nous avons voulu circonscrire dans le temps notre analyse, afin qu'elle s'inscrive dans une période historique plus dense en faits publics et notoires en ce qui concerne l'impulsion ecclésiastique à la gauchisation de notre Patrie.

l. Le Cardinal-Primat confirme l'influence décisive de l'Eglise dans la constitution et la montée de la Démocratie-Chrétienne chilienne. Dans une interprétation rétrospective du « processus de libération » que subissait le Chili, ce fut le Cardinal-Archevêque de Santiago lui-même qui confirma de ses lèvres le soutien ecclésiastique fourni au parti d'Eduardo Frei, le « Kerensky chilien », qui devrait servir de pont vers la phase marxiste de la révolution égalitaire dans notre pays. Effectivement, à la fin de 1975, parvenait au Chili le volume « Théologie de la Libération », récemment publié en Espagne. On y trouve le texte de l'intervention de Mgr. Raul Silva Henriquez dans une rencontre ecclésiastique réalisée à Toléde, le 12 juin 1973 . Fréquemment, tout au long de ces pages, nous ferons allusion à cette significative conférence du Primat chilien. Une note préalable de l'édition en question indique qu' « évidemment, nous avons supprimé de nombreux paragraphes que, dans l'atmosphère de la confiance ecclésiale, il dut bien exprimer ( le Cardinal ) pour notre meilleure compréhension du Chili. » La note signale aussi que ces mots du Cardinal-Archevêque furent « prononcés sans aucune in tention de les rendre publics ». Mgr. Silva Henriquez rappelle dans sa conférence, alors que Je marxiste Allende, successeur du démocrate-chrétien Frei,


56

SOUS LE GOUVERNEMENT « SOCIA LO-CHRETIEN .»

se maintenait encore au pouvoir: « Dans les derniers temps, cela revient à dire dans les vingt ou vingt-cinq années qui ont précédé ce momen t-là, la pression de l'Eglise se fi t résolue, dans le sens d 'aborder la solution des problèm es sociaux, ainsi que l'exigence de l'Eglise à l'égard des hommes politiques et des chrétiens pour qu'ils affrontent le problème du sous-déveleppement, et par dessus tout, celui des injustices sociales, qui étaient immenses comme dans tous les pays d'Amérique Latine ». Le Cardinal-Archevêque raconte ensuite qu'existait au Chili un « Parti Conservateur », parti confessionnel catholique, que « l'Eglise s'était vu amenée à la nécessité de créer » au siècle précédent. Il ajoute que les « catholiques étaient à l'intérieur de ce parti; et durant tout le siècle passé jusqu'au début de celuici, l'Eglise était unie à eux. Jusqu'à ce qu'arrive un moment où l'Eglise se sépara de son parti. « Et ainsi naquit un nouveau parti, un parti de chrétiens, un parti de jeunes qui sont nés à l'ombre de l 'Eglise et qui furent les grands dirigeants de l'Action Catholique. Au début, ce parti s'appela « Parti de la Phalange » ( ... );puis il prit le nom de « Parti Démocrate-Chrétien ». Ce parti fut très combattu par les catholiques de droite, c'est-à-dire par l 'ancien « Parti Conservateur». Cette division existait jusqu'au sein de la Hiérarchie et du Clergé; mais il y avait des hommes d'Eglise qui encouragèrent la jeunesse, et qui avaient ces idées, qui étaient des idées fondées sur les grandes encycliques des Papes. « Ces jeunes qui se sentirent éperonnés par l'Eglise. vers la cause de la rédemption du prolétariat, vers la rédemption chrétienne du prolétariat, formèrent ce parti ( .. . ). Et alors nous avons le « Parti Démocrate-Chrétien », parti né de l'Eglise, je ne dirai pas créé par l'Eglise, mais créé par les laïcs ( .. . ). En interprétant la pensée sociale de l'Eglise, ils ont créé ce parti ( ... ) qui arriva au pouvoir et a gouverné pendant six ans, sous la présidence de Frei ( « Théologie de la Libération », Conversations de Tolède, Espagne, juin 1973 , extraits de « El Mercurio » 2-12-75 . C'est nous qui soulignons le texte ).

1


L'APPUI AU KERENSKY CHILIEN

57

Cette interprétation rétrospective du Cardinal chilien ne laisse place à aucun doute.

• •

Ceux qui voudraient, cependant, rappeler dans ses détails impressionnants la façon dont M. Frei et son parti démocratechrétien préparèrent la mentalité des chiliens et la structure juridique et sociale du Pays à la phase marxiste du processus révolutionnaire, peuvent lire le brillant et très documenté bestseller de Fabio Vidigal Xavier da Silveira, « Frei, el Kerensky chileno » ( Frei, le Kerensky chilien - Editions Cruzada, Buenos Aires, Argentine). Cette étude pour ainsi dire photographique de la révolution « socialo-chrétienne » de Frei démontre que, depuis ses débuts, le groupe idéologico-politique qui deviendrait avec l'appui ecclésiastique le PDC chilien avait un caractère de gauche prononcé et pratiquait la politique de la « main tendue » vers le communisme, condamnée par les Pontifes Romains ( 1 ). « Frei, le Kerensky chilien » retrace avec vivacité et précision les aspects sous lesquels le gouvernement démocrate( 1) Dès ses origines dans les années 30, le groupe de dirigeants du futur PDC, orientés et stimulés par quelques représentants du Clergé, manifest ait son gauchisme collaborationniste avec le communisme et une conception laïciste et fièrement relativiste de la démocratie. En 194S, la Démocratie-Chrétienne naissante, qui s'appelait alors la Phalange Nationale, conclut un pacte électoral avec les partis marxistesléninistes chiliens signé par celui qui serait par la suite Président du Chili, Eduardo Frei Montalva. Elle soutint aussi la formation de la Centrale Unique des Travailleurs - CUT - inspirée par les communistes pour établir un contrôle tyrannique du mouvement syndic.al. Cette position de sympathie peu dissimulée pour les communistes valut au futur PDC une condamnation officielle du Cardinal José Maria Caro, alors Archevêque de Santiago, qui mit publiquement les fidèles en garde contre cette position erronée . Malgré tout, des Prêtres bien placés à des positions influentes, à Santiago et dans d 'autres villes du Pays, continuèrent à fournir leur appui décisif au parti gauchiste qui devait servir de pont pour l'arrivée au pouvoir du marxisme au Chili. Parmi les Evêques qui depuis le début préparaient par leur appui pu-


58

SOUS LE GOUVERNEMENT

<r

SOCIALO-CHRETIEN »

chrétien contredit l'esprit et la doctrine de l'Eglise en matière politique et sociale, et a le remarquable mérite d'avoir prévu trois ans à l'avance que ce gouvernement servirait de pont pour l'implantation du marxisme au Chili. Avec ses dix-sept parutions en Amérique Latine et en Europe, cette œuvre devint un facteur qui accentue plus encore la responsabilité du Cardinal-Archevêque de Santiago, de la Hiérarchie et du Clergé qui se compromirent dans le processus de démolition de l'Eglise et de la Patrie. Aucun d'eux ne pourra, en effet, alléguer de son ignorance de la réalité que par leurs charges ils étaient en condition de connaître parfaitement et qui leur fut montrée de façon réitérée et opportune au long de ces lamentables années. 2. Les missions rurales de 1965, fer de lance de l'agitation paysanne.

Peu de semaines après avoir assumé le pouvoir, le Président Frei annonça les projets de réformes à caractère socialiste et confiscatoire qui constitueraient la base de son action gouvernamentale. Les thèses « légitimées » par l' « intelligentsia » blic les progrès de la Démocratie-Chrétienne chilienne, on doit compter Mgr. Manuel Larrain qui avait été évêque de Talca. Les positions publiques de ceux qui allaient devenir les principaux dirigeants du PDC en faveur des objectifs marxistes sont nombreuses. Ces objectifs étaient tellement subversifs qu'ils obligèrent le Président Gabriel Gonzalez Videla et le Congrès National à décréter hors-la-loi le Parti Communiste chilien. En l 958, le Parti Démocrate-Chrétien entra dans une coalition de parlementaires de gauche qui réussirent à faire abroger la loi interdisant les activités du Parti Communiste. La déclaration publique faite à cette époque par le Cardinal Jose Maria Caro, et qui rappelait les règles fixées par le Saint Office sur l'interdiction faite aux catholiques de collaborer directement ou indirectement avec les communistes, n'arrêta pas les dirigeants du PDC . La Démocratie-Chrétienne chilienne, qui était prép arée à être présentée aux fidèle s comme une alternative valide au communisme, était sûre de compter sur un appui ecclésiastique décisif et elle poursuivit son chemin vers le pouvoir.

ll


L'APPUI A U KERENSKY CHILIEN

59

réunie autour de « Mensaje » - épaulées avec effusion par l'hebdomadaire « La Voz » - sortirent de l'enclos initiatique des petits clubs de pensée de la gauche catholique et de la sphère du prestige intellectuel, pour passer dans l'enceinte gouvernementale et être incorporées au droit positif du Pays. Pendant ce temps, ces mêmes théories que le gouvernement de Frei essayait de transformer en lois, étaient portées au vif de la réalité, afin de transformer les mentalités en leur faveur. Cela était le fait del' Archevêché de Santiago. En effet, au début de 1965, on décida d'organiser dans l' Archidiocèse une grande Mission officielle pour toute la zone rurale . Des missions semblables furent décidées dans l'ensemble de la vaste Vallée Centrale du Chili (2). Cette tâche fut l'œuvre combinée de membres du Séminaire de Santiago et de l'Institut d'Enseignement Rural sous la responsabilité de Mgr. Rafael Larrain, et d'une équipe de prêtres de nationalité hollandaise, dont les antécédents exacts ne purent jamais être établis avec précision, car les autorités ecclésiastiques de Santiago furent toujours évasives à ce sujet. Les singulières modalités de travail apostolique des membres de la Mission éveillèrent rapidement l'alarme chez les propriétaires des fond s, objets de cette mission. La rébellion et la haine que jusqu'alors les agitateurs marxistes n'avaient pas réussi à faire prendre à la campagne, il y avait cette fois les plus grandes chances qu'elles fussent obtenues: en peu de temps, des scènes d'agitation sociale, de lutte des classes commencèrent à se produire simultanément dans plusieurs propriétés « de mission », et des pétitions se mirent finalement à surgir en série. (2) Ce sera dans la Vallée Centrale agricol e du Chili que la réforme ·agraire socialis te et confiscatoire promulguée par Frei en 1967 , commencera à être app liquée de faço n dracon ie nne. Comme l'on sait, cette région accu eille le plus fort indice de popul ation du Chili. La possibilité de stimuler l'agro-réformisme socialiste et co nfisca toire à partir des centres urbains était bien plus grande dans cet important secteur de la vie agricole chilienne.


60

SOUS LE GOUVERNEMENT « SOCIALO-CHRETIEN »

Ces dernières, peut-être à cause de l'inexpérience des missionnaires dans leurs nouvelles fonctions, présentaient en de nombreux cas un incroyable lapsus: elles revendiquaient durement des améliorations salariales et des avantages inférieurs à ceux que les travailleurs de ces propriétés recevaient déjà. Mais la zizanie était déjà introduite, sous le manteau chrétien. Des personnalités en vue de la vie agricole eurent recours aux autorités ecclésiastiques - au moins dans la Province de Santiago, pour ce qu'on sait - pour protester contre l'abus et l'imposture qu'ils affrontaient dans leurs champs: c'est-à-dire l'action de ces nouveaux prédicateurs qui, en se présentant au nom de l'Eglise et de la doctrine du Christ, apportaient un message plus conforme aux postulats de la subversion marxiste. Les agriculteurs touchés, conformément aux témoignages fondés qui sont parvenus à notre connaissance, ne reçurent que des réponses ambiguës et parfois acrimonieuses, tant de la part de Mgr. Rafael Larrain que de celle de !'Evêque auxiliaire de Santiago de l'époque, Mgr. Gabriel Larrain. La tension sociale ainsi créée acquit un tel caractère public et notoire que l'ex-sénateur et écrivain Eduardo Moore la relata dans un long article à ce sujet, dans le quotidien « El Mercurio », sans crainte d'être démenti. Après avoir décrit les lieux et la méthode d'action des séminaristes de Talca, Valparaiso et Santiago durant cette Mission paysanne, l'auteur de l'article synthétise de la manière suivante les résultats obtenus : « En résumé: ce qui peu de jours auparavant était cordialité entre les membres de cette petite société humaine ( la propriété) - les foins se passèrent normalement - , s'est maintenant transformé en gestes provocateurs, discussions aigres et désordre dans le travail qui assure les gains de tous. La semence, lancée par des mains faites seulement pour bénir, a pris au sol de l'ignorance et de la crédulité humaine. Une nouvelle hérésie se dresse-t-elle, une fois de plus, des versets du Livre Saint ?» ( « El Mercurio » 30-10-65 ). L'intrigue, la lutte des classes, l'incitation à la rébellion, la prédication d'un égalitarisme collectiviste présentées à l'hum-


L'APPUI AU KERENSKY CHILIEN

61

ble individu de nos campagnes comme un droit soutenu par des ministres de Dieu, préparaient le terrain pour faire éclater la structure agraire chilienne. Il ne s'agissait pas seulement de corriger telles ou telles injustices. Trompeusement et dans l'ombre de la nuit, recouvert du manteau religieux, abusant de la confiance qu'inspirait l'autorité ecclésiastique, on préparait les conditions socio-idéologiques qui rendraient possible · une révolution de gauche dans un peuple à majorité catholique. 3. Face aux projets socialistes et confiscatoires, le silence des pasteurs devient collaboration.

La première des grandes réformes présentées par Eduardo Frei au Congrès National fut le projet de réforme constitutionnelle qui altérait les dispositions en vigueur au Chili en ce qui concernait le droit de propriété privée. L'amendement proposé transformait celui-ci, dans la pratique, en une pure concession de l'état. Pour cette modification idéologique et institutionnelle dont la véritable portée n'était pas évidente, en première analyse, pour le chilien moyen - on éliminait de la Charte Fondamentalle les garanties qui assistaient précédemment la propriété privée en tant que droit antérieur à l'Etat lui-même, et qui se fonde sur la loi naturelle et divine. Cette réforme de la Constitution chilienne laissait la porte ouverte à une future communisation qui pourrait ainsi être effectuée sous la protection de la « loi bourgeoise » ( por employer l'expression qu'aimait Allende, le successeur marxiste de Frei). Il était normal que les catholiques chiliens aient espéré une orientation du Cardinal-Primat sur une question d'une telle transcendance. Mais, qu'il nous soit permis de le dire ici, dans le silence général de la Nation, seul un groupe d'étudiants catholiques, réunis au nombre de 800 autour de la revue « FIDUCIA » organe de la TFP chilienne, éleva la voix pour interpeler le Pré:


62

SOUS LE GOUVERNEMENT « SOCIA LO-CHRETIEN »

sident Frei sur la réforme constitutionnelle attentatoire au droit de propriété ( 3 ). Le Pasteur de Santiago garda le silence . Quelques prêtres attaquèrent publiquement l'action des 800 étudiants catholiques. Seul Mgr. Alfredo Cifuentes, à l'époque Archevêque de La Serena, envoya aux directeurs de « FIDUCIA » une lettre publique d'appui et d'éloge pour leur interpellation ( « El Mercurio » 15-5-65 ). Contrastant avec l'absence de mot d'orientation de la part du Primat de l'Eglise chilienne et de celle d'autres personnalités de !'Episcopat, d'importants représentants de la vie civique, culturelle et économique de tout le Chili repoussèrent publiquement la réforme constitutionnelle du Président Frei: le doyen de la Faculté de Droit de l'Université Catholique, en signant une résolution adoptée par les juristes les plus éminents de la Faculté; d'autres notables professeurs <l'Université, tels que l'ex-ministre d'Etat Don Julio Phillipi, le professeur et historien Don Jaime Eyzaguirre; le Comité Exécutif du Parti Conservateur, qui de plus adhèra par décision unanime à l'interpellation de « FIDUCIA » ; le Président du Parti Liberal, des parlementaires et des journalistes, la Société Nationale d'Agriculture, la Société Nationale des Mines, la Société pour le Développement Industriel, la Chambre Centrale de Commerce, la Confédération Interaméricaine de la Production et du Commerce, l'Union Sociale des Entrepreneurs Catholiques, l'Institut Chilien <l'Administration des Entreprises, et l'Association Nationale des Propriétaires Urbains, qui envoya aussi pour sa part un message d'adhésion à la revue « FIDUCIA » ( « FIDUCIA » n. 17, mai-juin 1965 ). Depuis les secteurs les plus divers, on se plaignait ainsi de l'atteinte au droit naturel de propriété privée, en tant que pilier de la Civilisation Chrétienne. Et cepandant, le Pasteur de Santiago et la quasi-totalité de !'Episcopat se taisaient . ( 3) Ce document eut une énorme répercussion lecteur pourra trouver son texte intégral en Annexe .

au Chili.

Le


Devant le silence épiscopal, « FIDUCIA » se lance, pour sa première campagne, contre la réforme confiscatoire de Frei.


64

SOUS LE GOUVERNEMENT « SOCIALO-CHRETIEN »

* *

*

A la suite de l'amendement qui supprimait les garanties constitutionnelles sauvegardant la propriété privée en tant que droit naturel, le Président Frei présenta le projet de réforme agraire socialiste et confiscatoire. La polémique qui agitait déjà le pays autour de la Réforme Constitutionnelle prit encor plus de force quand on vit le premier grand effet du pouvoir arbitraire que l'Etat prendrait sur les droits des chiliens. Le mutisme des Pasteurs se poursuivait. Dans un pays où plus de 80% des habitants confessent le catholicisme, il aurait suffi d'un mot catégorique du CardinalPrimat - et mieux encore de !'Episcopat dans son ensemble rappelant opportunément l'authentique doctrine de l'Eglise en matière sociale pour qu'il devînt complètement impossible au gouvernement démocrate-chrétien de continuer à promouvoir le projet collectiviste. On aurait préservé de la sorte l'intégrité des convictions social-catholiques de la majorité des chiliens et sauvé les hommes de nos campagnes, propriétaires et paysans, de la ruineuse et injuste destruction qui anéantit plus tard leurs droits . En interrompant de la sorte le processus néfaste qui conduirait le marxisme au pouvoir, les Pasteurs auraient ouvert à notre Patrie - dans toute la mesure que les circonstances exigeaient des possibilités de progrès et d'améliorations nouvelles et authentiquement chrétiennes, dans lesquelles le droit naturel de propriété privée aurait été préservé comme tel, accomplissant en même temps la fonction sociale qui lu i est inhérante ( 4 ). (4) Les Evêques Mgr. Antonio de Castro Mayer et Mgr. Geraldo Sigaud, avec les écrivains Plinio Corrêa de Oliveira et Luiz Mendonça de Freitas, écrivirent en 1960 le livre « Réforme Agraire - Affaire de Conscience », qui fut d'une importance décisive pour défendre l'opinion catholique du Brésil contre la démagogie marxiste. Sa partie doctrinale est un magistral abregé de la pe nsée catholique sur la réforme agraire . Le livre distingue avec precision et loyauté ce que pourrait être une réforme agraire conforme au droit naturel et à la doctrine de l'Eglise et ce qu 'est


L 'A PPUI A U KERE NSK Y CHILIEN

65

Par ailleurs, les dramatiques échecs du socialisme égalitaire déjà mis en pratique dans d'autres pays, et plus récemment dans l'infortunée Cuba de Fidel Castro, invitaient nos Prélats, d'une façon qui ne permettait aucune excuse, à promouvoir une saine et constructive réaction de cette nature . Mais rien de tout cela ne parut suffisant pour modifier le chemin qui, sauf exception, la Hiérarchie ecclésiastique chilienne s'était évidemment tracé. Beaucoup ignoraient alors ce que le Cardinal-Archevêque de Santiago avait répondu dans une lettre personnelle, datée du 2 mars 1965, au Supérieur de la Cornla réforme agraire socialiste et confiscatoire, opposée au x au thentiques principes chrétiens. Comme il arrive d' habitud e avec ce genre de public a tions, les éléments de la prétendue « gauche catholiqu e » ne purent jamais démontrer que ce texte magistral fût éloigné , ne fut-c e que d'une virgule, de la pensée officielle de l'Eglise . L'œuvre circula largement au Brésil, en Argentine, au Chili, en Colombie, en Equateur, en Espagne et en Uruguay, et n 'a pu être jusqu'aujourd'hui réfuté e. En Colombie, où a été appliquée un e loi de réforme agraire semblable à celle que Je gouvernement démocrate-chrétien avait lancée au Chili, l'illustre Evêque Mgr. Migu el Angel Builes, dans sa Lettre Pastorale « La Colomb ie dans le chaos » , fit référence à cett e œuvre en termes élogieux, recommand ant sa lecture à « nos législateurs pour qu 'ils soient éclairés, afin que tou tes leurs lois soient en conformité avec la loi de Dieu, soient fondées sur la justice et cherch ent le bien de tous. Cette lec ture conviendrait aussi à nos vénérables prê tres et à nos gouvernants ». De son côt é, Mgr. Arturo Duque Villegas, Archevêqu e de Manizales, dans une lettre du 26 août 1972 adressée aux membres de la TFP colombienne, affirme : « Vous êtes ven us dif fuser un livre de grande importance qui s'intitule Réforme agraire - Affaire de conscience. Vous m e l'avez aimablement offert, alors qu e je l'avais déjà lu avec le plus grand intérêt, car je partage le jugement éclairé de ses éminents auteurs. Ecrit par deux Prélats du Brésil, d 'une grande culture, et par d eux spécialistes laïcs très experts en questions sociales, il situe, sans exagérations d 'aucune sorte, la réform e agraire sur un terrain ém in emment pratique, qui permet aux d épossédés de d even ir propriétaires e t à la productivité de s 'élever tandis que le coût de la vie diminue; mais il défen d le droit d e proprié té auquel on ne peut s'attaquer sans causer de plus grands maux que ceux auxquels la réalisatio n d e ce proje t si poursuivi prétend rem éd ier. L'entreprise privée ne mérite pas seulem ent d'ê tre stimulée mais quand elle est p ersécu tée e t privée d e soutien, un malaise social vient à se créer, don t personne ne sait où il pourra nous amener » .


66

SOUS LE GOUVERNEMENT « SOCIALO-CHRETIEN »

pagnie de Jésus au Chili, le Révérend-Père José Aldunate. Dans ce document, le Prélat répondait à une consultation du jésuite sur l'utilité ou la nécessité de la remise des terres de l'Eglise à une réforme agraire. Le Cardinal-Primat justifie, dans sa lettre, la remise des propriétés de l' Archidiocèse à la réforme, en se fondant sur la décision de l'Assemblée Plénière de !'Episcopat de 1962, affirmant en même temps: « Il s'ajoute à ceci que le gouvernement du Chili a sollicité la coopération de l'Eglise dans ce domaine, et estime qu'elle serait suprêmement utile pour résoudre un problème qu'il considère comme vital pour le pays ». ( « La Mission Sociale du Chrétien: conflit de classes ou solidarité chrétienne », Cardinal Silva Henriquez, Editions Paulinas, pp . 9 à 12 . C'est nous qui soulignons ). 4. Du silence de collaboration aux équivoques qui fortifient l'agro-réformisme.

Enfin, après un an de débat , Mgr. Silva Henriquez rompit son silence, si utile au projet démocrate-chrétien, mais qui devenait insoutenable devant l'opinion publique. Pourtant, quelle fut cette parole d'orientation que l'on espérait? Le Prélat se mit à soutenir publiquement - bien qu'en termes relativement équivoques - le projet agro-réformiste démocrate-chrétien. Effectivement , le 5 janvier 1966, la revue « Ercilla » publia une entrevue avec le Cardinal-Archevêque de Santiago dans laquelle celui-ci déclara qu'ù ne pouvait pas juger les aspects techniques du projet de réforme agraire , ajoutant cependant: « Je crois qu'il ( le projet ) correspond, dans ses grandes lignes, à ce que demande la doctrine sociale de l'Eglise ». Aprés cet aval , le Prélat manifesta en termes dubitatifs, quelques remarques insouciantes, déclarant « qu 'on critique quelques aspects, qui apparemment ne seraient pas d'accord avec les principes d'équité qu'exige le bien commun »... précisant ensuite que « quelques paragraphes - peut-être par manque de clarté - peuvent être interprétés comme des marques de


L'APPUI AU KERENSKY CHILIEN

67

revanche. ( ... ) fl nous parait que, d'accord avec les principes chrétiens, on devrait éviter tout étatisme en stimulant mieux l'initiative privée ». Entre toutes les interprétations que suggèrent au lecteur ces affirmations du Prélat, celle qui surgit le plus immédiatement à l'esprit du commun des fidèles est la suivante: le projet de réforme agraire de Frei, d'un socialisme fondamentalement étatiste et confiscatoire, et pour celà essentiellement contraire à la morale catholique, dans les conditions concrètes du Chili était approuvé, dans cette première appréciation publique du Cardinal-Primat, comme étant conforme à la doctrine sociale de l'Eglise. Il y aurait seulement de si petites rectifications à faire que, peut-être, il serait nécessaire d'entrer dans une étude technique plus attentive du projet pour corriger d'éventuels aspects accidentellement étatistes afin de ne pas retirer en excès aux propriétaires particuliers chiliens. Bien que le chemin choisi par Mgr. Silva Henriquez pour sa première déclaration n'était pas celui d'une déclaration avec tout le caractère formel des documents pastoraux officiels, le principal était fait. Le gouvernement démocrate-chrétien pourrait présenter son projet collectiviste devant l'opinion catholique majoritaire du Pays, comme étant, fondamentalement, une application de la doctrine de l'Eglise. Il était difficilè à un Pasteur, dans le climat idéologique tendu créé par l'opposition d'innombrables fidèles au réformisme confiscatoire mené par M. Frei, de trouver une façon plus subtile et moins compromettante de favoriser un processus révolutionnaire dont les chiliens commençaient déjà à sentir confusément l'objectif marxiste final. Pour sa part, Fidel Castro allait déclarer à une délégation de députés démocrates-chrétiens qui visitèrent Cuba que la réforme agraire chilienne lui paraissait plus draconienne que celle qu'il avait lui-même appliquée à la malheureuse Ile des Caraïbes ... ( « El Mercurio » de Valparaiso, 27-2-66 ). Le procédé du Cardinal, tout en renforçant un processus essentiellement collectiviste et confiscatoire de nos campagnes,


68

SOUS LE GOUVERNEMENT

<!'

SOCJALO-CHRETIEN »

projette une ombre sur le sens de certaines ambiguïtés auxquelles le Pasteur recourra continuellement. En réalité, maintenant que nous pouvons avoir une vision historique d'ensemble de plus de 15 ans, le caractère sibyllin de certaines positions assumées par les Pasteurs ne parle pas très bien en leur faveur. Dans ce cas, par exemple, on doit tenir compte de ce que nous avons déjà mentionné en faisant référence à la signification que le Cardinal donna à la répartition des terres de l' Archevêché, réalisée en 1962: dans un discours prononcé en 1970, le Cardinal déclara que son intention, dans cette répartition, avait été de lancer le processus agro-réforrniste concrétisé par la loi approuvée par Eduarto Frei en 1967 ( cf. supra Partie I, N. 2 ). Comme on le verra plus loin, la loi de réforme agraire socialiste et confiscatoire du Président démocrate-chrétien fut approuvée en 1967 avec ses aspects contraires à la doctrine sociale de l'Eglise tels que le caractère essentiellement étatisant, destructeur du droit de propriété privée et de son importante fonction sociale; destructeur de l'initiative particulière et du principe de subsidiarité; confiscatoire et arbitraire dans les critères d'expropriation massive et égalitaire qu'il décrétera et manifestement injuste eu égard aux indemnisations versées pour les biens spoliés; collectivisant et dirigiste quant au traitement réservé aux paysans, prétendûment bénéficiaires de la réforme; enfin, il avait, en même temps, intronisé la lutte des classes dans la campagne chilienne. S. Les études de la réforme se détaillaient et l'appui ambigu du Cardinal devenait de plus en plus insoutenable.

Le débat au Parlement sur la réforme agraire en venait déjà aux détails du projet. Cela imposait aux laïcs catholiques de se livrer d'urgence à l'étude du corps légal proposé, à la lumière de Magistère de l'Eglise. Ce fut alors que des étudiants catholiques réunis autour de la revue « FIDUCIA » publièrent dans la presse nationale une


L'APPUI AU KERENSKY CHILIEN

69

longue déclaration intitulée Manifeste à la nation sur le projet de réforme agraire du Président Frei. On y prouvait par Je détail comment ce projet, dans son ensemble, était une atteinte au droit naturel et à la doctrine sociale catholique, et menaçait d'entraîner des conséquences catastrophiques, morales et économiques, pour Je Pays. On citait, dans ce document, d'une manière précise et par leur numéro, les articles du projet qui donnaient à l'accusation une base justifiée, en les comparant par contraste avec les enseignements lumineux des Pontifes Romains à ce sujet, et en les accompagnant de Jarges citations tirées des Encycliques papales ( cf. « El Mercurio » 26-2-66; « El Diario Ilustrado » 27-2-66; « Fiducia » n. 23, février 1966) (5). Ce document fut suivi immédiatement d'un autre rendu public par la presse nationale Je 28 février, sous le titre: Est-il licite aux catholiques de ne pas être d'accord avec Je projet de réforme agraire du Président Frei? ( « El Mercurio » 28-2-66; « El Diario Ilustrado » 1-3-66; « Fiducia » n. 23, février 1966 ). Dans ce second manifeste, nous nous reportions directement aux déclarations déjà citées de Mgr. Silva Henriquez à la revue « ErciJla ». Pressés par les affirmations du Prélat, nous étions face à un dilemme: D'une part, la vénération et l'attachement que nous inspirait notre infinie dévotion à la Sacrée Hiérarchie; ( 5) Le 20 août, une déclaration signée par mille étudiants de différentes universités du Pays fit publiée par la presse nationale. Les étudiants s'y solidarisaient avec la position assumée par les collaborateurs et propagandistes de « FIDUCIA » dans leur Manifeste à la Nation chilienne sur le projet de réforme agraire du Président Frei ( « El Mercurio » 20-8-66 ). Quelques jours plus tard, 500 collégiens de Santiago rendirent publique une déclaration d'appui au manifeste de « FIDUCIA » , intitulée Les socialistes-marxistes sont anachroniques: le Chili de demain ne leur appartiendra pas ( « El Mercurio » 25-8-66 ). Les collaborateurs et propagandistes de « FIDUCIA » effectuèrent une intense campagne d'éclaircissement idéologique sur ce thème, en prenant un contact direct avec l'opinion dans des réunions et des manifestations publiques réalisées pendant 7 mois à travers 22 provinces, en recevant l'appui de milliers de chiliens et en constatant que le projet socialiste et confiscatoire n'aurait jamais été approuvé si les Evêques avaient exposé la véritable pensée sociale de l' Eglise dans cette urgence. Le lecteur trouvera en Annexe le texte intégral de ce document .


70

SOUS LE GOUVERNEMENT « SOCIALO-CHRETIEN »

de l'autre, l'évidence du caractère anti-chrétien du projet agroréformiste, ainsi que la falsification de la réalité concrète sur laquelle ce projet se fondait. Nous avons préféré choisir l'interprétation la plus bénigne qu'il nous fut possible en considération des affirmations ambiguës du Prélat, qui n'auraient pas pu être plus précises en faveur de la réforme agraire en discussion sans entrer en conflit clair et direct avec le Magistère Ecclésiastique lui-même. Nous faisions remarquer aussi le caractère non formel dont le Cardinal lui-même les avait revêtues, pour conclure en définitive qu'il était parfaitement licite aux catholiques de poursuivre le combat idéologique contre le projet socialiste et confiscatoire. Une fois les deux manifestes livrés à la publicité, le Cardinal-Archevêque de Santiago se retira de nouveau dans le silence. Le Primat resta de cette façon , et contre notre volonté, dans la position difficile de celui qui, en exprimant une première impression générale, avait montré son désir de faciliter l'approbation du projet anti-chrétien, et qui, au moment où les éléments de jugement lui étaient fournis avec respect, et en détail, omettait une déclaration explicative sur son appui ambigu au projet confiscatoire ( 6 ). ( 6) Le président de la Commission de l' Agriculture de la Chambre Hau te lui-même, !'Honorable Sénateur Don Enrique Curti C. écrivit à ce sujet , le 3 mars 1966 , la letre suivante au directeur de « FIDUCIA » : J'ach ève de m'instruire par la presse du manifeste que la revue que vous dirigez a donn é à connaître à l'opinion nationale, avec les sérieuses observations que m érite le proje t de réforme agraire que le Président de la R épubliqu e a soumis à la considération du Parlement National. L'analyse très poussée que vous en avez faite vous a permis de conclure, avec une authentique raison, combien il est attentatoire au droit naturel de proprié té privée, et comment il tend, selon l'idée centrale de ses promoteurs, à implanter le dirigisme socialiste ou la collectivisation des terres, deu x régimes vainement funest es à l'activité d'une Nation et à la paix sociale de ses habitants, et, en outre, incompatibles avec les principes de l'ordre chré tien e t de la liberté. Ce manifeste constitue de votre part - ainsi que l'interpellation qu e vous avez adressée en mai d ernier au Présiden t de la République à propos du droi t de propriété privée - une inestimable attitude de patriotisme et de civisme, conséqu entes avec les principes religieux qui inspirent votre


L'APPUI AU KERENSKY CHILIEN

71

En outre, il est nécessaire de faire remarquer qu'aucune voix ne s'éleva non plus des rangs démocrates-chrétiens, ni de ceux du Clergé pour réfuter sérieusement les affirmations que nous formulions dans les deux manifestes ( 7). Aucune réfutation sérieuse ne s'élèvera non plus contre le troisième manifeste qui, sous le titre « Céder pour ne pas perdre ou lutter pour ne pas perdre? » fut publié par les journaux de Santiago et de province en septembre de cette année à propos du même projet agro-réformiste. Ces documents furent amplement diffusés par les collaborateurs et propagandistes de « FIDUCIA » dans une campagne publique du Nord au Sud du Pays. Aujourd'hui, en considérant les évènements avec le recul du temps, on constate plus clairement encore que la détermination de la Hiérarchie et du Clergé menés par le Primat chilien était stable et définie en faveur de la gauchisation de notre Patrie, au-delà des apparents reculs qui se produisaient lors des moments de tension. action e t que vous défendez avec tant de zèle en défense de la dignité de la personne humaine. Rece vez l'adhésion enthousiaste, et les salutations les m eilleures d e Enrique Curti C., Sénateur de la R épu blique et Président de la Commission de /'Agriculture de /'H onorable S énat. ( publiée dans « El Diario llustrado », 6-3-66 ). ( 7) Le silence des partisans de l'agro-réformisme socialiste de Frei fut lui aussi publiquement démasq ué par le député Gustavo Monckeberg Barros, dans une lettre adressée au directeur de « FIDUCIA » et datée du 7 mars 1966, que nous reproduisons ci-dessous : « Ces lignes sont porteuses de mon adhésion la plus enthousiaste pour la défense vaillante et décidée que la revue « FIDUCIA » que vous dirigez a faite du droit naturel de propriété. J'ai lu avec attention les principes exposés par (( FIDUCIA », e t devant la situation que le Pays connait, je dois dire que les analyses e t les positions prises par la revue « FIDUCIA » l'ont amenée à dévenir l'interprète de tous les chiliens qui ne sont ni marxistes ni d émocra tes-chré tiens et qui à ca use de leu r amour pour notre Patrie dans toute sa dimension, toute son histo ire et toute sa tradition souffrent terriblem ent des erreurs que commettent ceux qui nous gouver'. nent. La défense élevée que vous avez faite du droit naturel de proprié té, si gravement menacé par le projet de réforme agraire présenté par les démocrates-chrétiens, est un docum ent qui, par son envergure et son sérieux,


72

SOUS LE GOUVERN EMEN T «- SOCIA LO-CHRETIEN »

6. Les appuis vagues et voilés au processus agro-réformiste continuèrent.

L'appui épiscopal, suffisamment clair entre les lignes et assez général pour ne pas courir le risque d'être discuté , continua donc à surprendre les catholiques chiliens. On avait inauguré à l'Université Catholique de Valparaiso, le 30 mars 1966, une « Troisième Semaine Sociale du Chili », pour laquelle les autorités ecclésiastiques obtinrent une lettre de Son Eminence le Cardinal Cicognani. Le thème central du forum fut l'analyse du droit de propriété. Le président de la Semaine, Carlos Dominguez Casanueva, était notoirement connu pour ses idées démocrates-chrétiennes. Dans une entrevue de presse accordée le 29 mars, M. Dominguez Casanueva dit que le forum était destiné à l'étude des problèmes soulevés par la réforme agraire . En de confuses affirmations, il signala que « la propriété privée est une idée qui s'est maintenue pendant des décennies mais qu 'on doit abolir, car elle ne répond ni à la pensée chrétienne, ni à la charité, pas plus qu'aux principes de la justice » . C'est peut-être une erreur de transcription qui explique ces surprenantes déclarations. Mai s la suite de l'entrevue fait penser, pourtant, que M. Dominguez estimait que la propriété privée individuelle était une institution parfa itement superflue, qui, au aurait dû être contesté par ceux qui ont la responsabilité de le faire; s 'ils ne l'ont pas fait, c'est parce qu'ils 11 'ont sa11s doute pas trouvé les arguments nécessaires pour insister dans leurs positions erronées, ou parce qu'ils craig11ent qu'en insistant, leur véritable visage ne soit découvert à l'opinion publiqu e, puisque cette fois ils n'auraient pas pu répondre par de vagues aspirations réformist es, mais concrè tem ent e t de façon précise aux charges concrètes et précises que vous avez portées si catégoriquement et si justement. Je pense que tant que nous aurons au Chili u11 e jeunesse comme celle qui collabore à la re vu e « FIDUCIA » , e11 marge de toute ambition m esquin e et inspirée exclusivem ent par un christianism e sans qualificatifs, nous pouvons garder 1'espo ir qu 'un jour la vérité s'impose dans notre Patrie. Avec m es m eilleurs se11riments, Gustavo Mo nc k eberg Barros » ( publiée dans « El Mercurio » , 1 0- 3-66 ) .


L'APPUI AU KERENSKY CHILIEN

73

milieu d'autres systèmes de propriété - « propriété privée dirigée, » ( sic! ) « communautaire, coopérative » - pourrait peut-être être tolérée ( « El Mercurio », 30-3-66 ). Thèse qui, en outre , intégrait la doctrine du « communautarisme social » soutenue par des théoriciens éminents du PDC chilien. Dans les tables rondes au programme de la Semaine, on remarqua la participation de l'homme de la réforme agraire socialiste et confiscatoire chilienne, et futur ministre d'Allende, Jacques Chonchol. La Semaine Sociale fut clôturée en présence de l' Archevêque-Evêque de Valparaiso, Mgr. Emilio Tagle.

* *

*

Dans ce climat d'appui ecclésiastique, les partisans de l'agroréformisme socialiste et confiscatoire couvert du nom de chrétien se sentirent assez sûrs pour radicaliser leurs positions, certains de ne pas rencontrer d'opposition chez les Prélats chiliens. En août de la même année , trois autres évènements, cette fois dûs à des organismes officiels du Parti Démocrate-Chrétien - si épaulé par la majeure partie du Clergé - permirent de significatives rencontres idéologiques. La jeunesse démocrate-chrétienne arriva, à son troisième congrès, à des conclusions suivant lesq uelles, entre autres choses, elle: 1. « Réaffirme les principes du Socialisme Communautaire comme orientation finale de son action historique ». 2. « Exprime sa profo nde préoccupation de ce que les Banques, les monopoles et les sociétés anonymes, après presque deux ans de R évolution n 'aient mêm e pas é té touch és de façon déterminante ( ... ) » . 3. « Propose au Deuxième Congrès Na tional du Parti la définition impérative d'un e voie non capitaliste de développement, caractérisée par un e réforme agraire rapide, drastique e t massive, qui en finisse avec la propriété latifundiaire ( ... ) et crée de nouvelles form es de propriété paysan ne cautionnant les


74

SOUS LE GOUVERNEMENT « SOCIALO-CHRETIEN »

expériences communautaires qui surgiraient au cours de son application ». 4 . Considère qu'il est nécessaire d'agir « en un mouvement unitaire et combatif qui nourrisse la DC et son gouvernement dans la marche vers le Socialisme Communautaire » ( « El Diario llustrado », 17-8-66 ). Le secteur paysan de la DC, de son côté, réunit un conclave où l'on demanda que les clauses étatistes et confiscatoires n'épargnent ni le bétail, quel qu'en soit le type, ni les « machines, les outils, les instruments et accessoires dont se trouvent normalement dotées les propriétés ». En cela, ils allaient plus loin que les parlementaires communistes eux-mêmes qui réclamaient au Parlement la spoliation des biens annexes aux propriétés agricoles en termes moins radicaux et moins complets. ( « El Diario Ilustrado », 25-8-66 ). Le Congrès National de la Démocratie-Chrétienne réunit finalement les plus hauts dirigeants du Parti au pouvoir, y compris le Président Frei que la presse donna pour le triomphateur de la rencontre. Quelques-unes des conclusions du Parti, qui selon le Cardinal-Archevêque interprétait la doctrine de l'Eglise, furent significatives: 1. « La Révolution dans la liberté est le pas de la société capitaliste à la société communautaire. La DC proclame que sa finalité historique est de réaliser la société communautaire ». 2. « La nouvelle société ne sera pas une société de classes, mais une société solidaire ( ... ) ». 3. La troisième conclusion réaffirme la conception libéralpermissiviste qui permet au communisme et à ses agents de détruire les nations occidentales sous la protection d'une fausse liberté. Les démocrates-chrétiens proclament comme un bien que « la nouvelle société soit pluraliste », acceptant l'existence de n'importe quel parti ou idéologie. Dans le même paragraphe, ils déclarent que la nouvelle société sera aussi « communautaire, dans le sens où il s'agit d'une société de travailleurs où les moyens de production qui requièrent le travail collectif appar-


L'APPUI AU KERENSKY CHILIEN

75

tiennent à la communauté nationale ou aux communautés de travailleurs ». 4. La quatrième conclusion n'est pas moins éloquente. Le Congrès National démocrate-chrétien dit : « La voie de développement non capitaliste est caractérisée par: Planification démocratique de la vie économique; ( ... ) Réforme agraire rapide, drastique, massive, qui mette fin à la propriété latifundiaire et établisse des formes de propriété paysanne non patronales ( ... ) » ( « La Nacion », 28-8-66. C'est nous qui soulignons le texte ). L'année suivante, le bulletin « Documentacion, Jdeologia y Politica », publié par Alberto Jerez , alors député démocratechrétien, et d'autres parlementaires de son parti, cita Che Guevara, et ne craignit pas de révéler la stratégie révolutionnaire collectivisante qui était en cours d'application: « le changement des structures commence presque toujours par la réforme agraire. Tel est le premier front qui s'écroule ( ... ). Si nous faisons la réforme agraire, le reste viendra de surcroît. Si nous ne la faisons pas, nous sommes politiquement éliminés. Si le combat contre l'oligarchie a commencé par la réforme agraire, c'est parce que le secteur terrien était le plus faible et le plus symbolique » ( bulletin cité, 6 et 21-2-67 ). En 1967, la revue « 7 Dias » - éditée par Zig-Zag - présenta un reportage sous le titre de « Concile à la chilienne » sur une réunion plénière des Evêques du Chili dans la localité de Punta de Tralca. Le cheminement du projet de réforme agraire au Congrès National était en train d'arriver à ses phases finales. Le Père Arroyo , S.J., « spécialiste des problèmes agraires » - selon la revue « 7 Dias » - agissant en tant que porte-parole des Prélats, résuma les objectifs de la réunion épiscopale pour cette publication. Ce même Père Arroyo, très influent à cette époque, allait devenir, sous le gouvernement d'Allende, à partir de I 971, secrétaire d'une organisation de Prêtres et de laïcs clairement pro-marxiste, appelée « Cristianos por el Socialismo » ( Chrétiens pour le Socialisme ) qui scandalisera les catho-


76

SOUS LE GOUVERNEMENT

<I'

SOCIALO-CHRETIEN »

ligues chiliens et latino-américains par ses théories et ses activités contraires à la Doctrine de l'Eglise . A ce moment-là, quand il n'extériorisait pas encore publiquement toute sa pensée en faveur du marxisme, le Père Arroyo confia à la revue « 7 Dias »: « La principale mission de l'Eglise est d'annoncer la bonne nouvelle ( ... ) Je crois qu'il n'y a pas de secteur dans notre société qui soit soumis à des changements aussi révolutionnaires que le secteur agraire. La bonne nouvelle doit être prêchée avec un nouveau langage, vers une mentalité et une culture nouvelles, dans toute la campagne. La structure sociale de la campagne, jusqu'à nos jours, presente une relation verticale entre patron et fermier, traitement paternaliste qui prédomine encore, jusque dans le religieux. ( ... ) La religion vécue dans un contexte où le prestige du patron se trouvait fortement marqué, doit être distincte de celle qui donne une grande importance aux relations fraternelles et communautaires ». Le Père Arroyo mettait en relief dans ses déclarations que dans la Lettre Pastorale de 1962, !'Episcopat chilien avait défini les grandes lignes d'action et que « ces jours-ci, les Evêques reviennent sur le problème, mais en donnant une réponse aux cas concrets qui touchent les paysans ». Le Père Arroyo affirma aussi que , naturellement, la réforme agraire fut considérée pendant la réunion ( « 7 Dias » , n. 3 231, 17-3-67. C'est nous qui so_u lignons le texte) .

*

*

*

Peu de jours après le « Concile à la chilienne » , le Cardinal Silva Henriquez reçut à son bureau divers représentants de la presse qui voulaient connaître son opinion sur !'Encyclique du Pape Paul VI « Populorum Progressio », publiée ces jours-là. Questionné sur la ressemblance que pourraient avoir les postulats soutenus par Sa Sainteté et le marxisme, le Prélat crut opportun de dire: « Nous nous approchons d'un dénominateur


Persécution agraire. Les agriculteurs et les paysans invitent ll visiter une propriété « mal exploitée » expropriée par la CORA Dirigeants paysans avec le Président de la TFP .


78

SOUS LE GOUVERNEMENT « SOCIA LO-CHRETIEN »

commun dans le bien de l'humanité, et quand on formule des postulats qui tendent à combattre la faim et la misère, nous ne devons pas leur mettre d'étiquettes, mais voir les choses comme elles sont réellement ». ( «El Mercurio » 30-3-67. C'est nous qui soulignons le texte ). Avec une ambiguïté de saveur relativiste qui est devenue une caractéristique de tant de déclarations épiscopales, les opinions cardinalices introduisaient ce doute amer dans l'esprit de nombreux fidèles tourmentés : alors la lutte contre la faim et la misère agirait comme un talisman, surpassant, comme s'il s'agissait d'un problème secondaire, la question de savoir si les thèses avancées correspondent à l'orthodoxie catholique ou à la pensée marxiste ? Il est, pour le moins, réellement déconcertant que le Cardinal laisse tourner dans les esprits une question comme celle-ci enveloppant la propre pensée pontificale - sans plus de préoccupations. Un tel procédé devenait plus nuisible encore si on considère l'atmosphère déchirée par la confusion doctrinale sous laquelle la gauche catholique submergeait le Chili. Il est intéressant, pour comprendre la portée de cette formulation des opinions révolutionnaires, de lire l'essai magistral du Professeur Plinio Corrêa de Oliveira, personnalité catholique renommée, « Trasbordo Ideologico Inadvertido y Dialogo » ( Transbordement Idéologique Inaperçu et Dialogue ). Cette étude, qui a obtenu une vaste répercussion internationale, montre avec une clarté méridienne de quelle manière une fermentation passionnelle créée autour de concepts comme celui de la lutte contre la faim et la misère - exprimés avec une saveur relativiste - servent les nouvelles stratégies du marxisme ( Editorial C.I.O., Madrid, Espagne, 1971; cf. aussi « FIDUCIA », n. 21 et 22, novembre-décembre 1965 et janvier 1966 ).

* * * Le jour du 16 juillet 1967, fête de la Très Sainte Vierge du Mont-Car mel, Reine et Patronne du Chili, fut choisi pour la


L'APPUI AU KERENSKY CHILIEN

79

promulgation de la loi de réforme agraire socialiste et confiscatoire, comme un geste vain de défi de l'utopie égalitaire à Celle qui « seule écrase les hérésies dans le monde entier.» ( Office divin, Fêtes de la T.S.Vierge ) . Le premier grand progrès du processus de collectivisation de notre Patrie fut fait vers la destruction de la structure agraire; tactique révolutionnaire que Lénine - il est nécessaire de le remarquer - recommanda comme l'un des points de base dans la stratégie communiste pour réduire un peuple en esclavage. En un jour d'une telle signification pour les catholiques chiliens, on consolidait ainsi l'une des plus monstrueuses injustices commises dans !'Histoire du Chili grâce aux omissions, ambiguïtés et encouragements donnés par le Cardinal-Primat et le Clergé qui le suivait. Le vol légalisé et la lutte de classe institutionnalisée étaient consacrés dans le Pays. Viendrait ensuite la destruction d'une classe rurale qui, avec plus ou moins de défauts, comme n'importe quelle autre, avait fait d'importantes contributions au bien de la Patrie. La spoliation et la faillite morale et économique qui se sont abattues sur elle sous l'empire d'une loi injuste ne méritèrent pas la préoccupation paternelle des Pasteurs chiliens. L'abandon et la soumission d'esclaves dans lesquels tomberaient les travailleurs des champs face à un pouvoir d'Etat omnipotent n'eurent pas un meilleur sort que l'infortune de leurs patrons spoliés face au zèle pastoral des Prélats ( 8 ). ( 8) Même avant la catastrophique expérience marxiste-léniniste qui ferait de la loi agraire démocrate-chrétienne l'une de ses armes principales pour la communisation du Pays, l'agro-réformisme appliqué par Eduardo Frei produisit déjà ses fruits néfastes. Outre son caractère intrinsèquement injuste et immoral le processus agraire socialiste commença à entraîner de graves conséquences économiques dès les premiers moments de son application. Selon des données d'organismes internationaux qui n'ont pas caché leurs sympathies pour des réformes de cette nature, comme par exemple la FAO, il était déjà possible, en février 1968, d'établir les préjudices éco nomiques dûs à la loi démocrate-chrétienne . Quand on compare les données relatives à la productivité, à la situation


80

SOUS LE GOUVERNEMENT « SOCIALO-CHRETIEN .»

On a dit à plusieurs reprises que la cause de l'appui ecclésiastique à l'agro-réforrnisme était la faim et la misère des plus nécessiteux. Lorsque, sous Allende, le manteau noir de la misère commença à couvrir effectivement le Chili comme conséquence inévitable de l'application intégrale du socialisme confiscatoire, ce même Clergé parut oublier les besoins matériels de son peuple! Les années sont passées, et on ne peut plus se payer de présociale et aux résultats économiques de différentes propriétés encore en la possession de particuliers, avec celles qu e l'on obtint dans plusieurs « asentamientos » ( nom donné aux domaines agricoles expropriés dans lesquels les paysans prétendûm ent bénéficiaires de la réforme devaient travailler sous la direction de l& bureaucratie d'Etat sa ns titre définitif de propriété, situation qui pourrait se prolonger indéfiniment), les conclusions obtenues pouvaient se résumer ainsi: Dans les propriétés privées, la productivité était de 28,60 escudos par journée de travail, alors qu e dans les « asent amientos » collectifs créés p ar la réform e, elle n'était que de 17 ,4S esc udos. En ce qui concerne la situation sociale, les travailleurs « bénéficiaires » de la réforme - qui pouvaient demeurer indéfiniment salariés dans les « asentamientos » - recevaient 6,67 escudos par journée de travail. A la mêm e époque, les travailleurs des entreprises agricoles privées reçurent une moyenne de 11,S9 à 11,24 escudos par journée de travail. C'està-dire qu e le résultat dans les propriétés privées ét ait supérieur de 73% à celui des « asentamientos ». L'étude de la rentabilité dans ces derniers était aussi significative. Ils perdirent une moyenne de 2,3%. Cette situation représentait, pour les organismes d'état, un déficit moyen de 17 000 escudos par « asentado » . A m esure que s'élargirait l' application de la réforme agraire socialiste et confiscatoire de Frei, qui promettait d'inst aller 100 000 familles dans les « asentamientos » collectifs, l'état chilien serait déficitaire de près de 1 700 millions d'escudos, so it , approxim ativement 200 millions de dollars au cours de l'époqu e ( Communiqué de la Société Nationale d 'Agriculture avec des données de la FAO et de la !CIRA, dans « El Mercurio » , 28-2-1968). A cette réalité, qui se faisait déjà sentir dans les premiers moments, on devrait ajouter les protestat ions de nombreux paysans qui, de façon méritoire, et prévoyant avec une compréhension lucide, le destin trompeur qu e leur offrait la réforme agraire socialiste et confiscatoire, m anifest èrent leur opposition publique à la spo liation des terres privées où ils travaillaient comme salariés dans de bien meilleures conditions que celles qu 'offrait la loi injuste. Parmi ces prot estat ions, il fa ut sou ligner, pour le retentissement national qu'elle obtint , celle des paysans du domaine de Santa Marta en Longotom a, et le manifeste des 800 travailleu rs agricoles de la Vallée de Curacavi, da ns la Province de Santiago.


L'A PPUI AU KERENSKY CHILIEN

81

textes d'amour pour le pauvre pour voiler l'acte qu'on recouvrit alors de vêtements chrétiens. C'était l'ordre moral lui-même fondement de toute organisation sociale - qui était en train d'être sacrifié en cette sainte fête, sur les autels d'une pseudomystique égalitaire et antichrétienne.


CHAPITRE II

SOUTIEN EPISCOPAL AU COMMUNO-PROGRESSISME DANS LA PREPARATION DU TRIOMPHE D' ALLENDE

Un groupe de jésuites du puissant Centre Bellarmin se montraient peu à peu plus sous leur véritable visage. Le directeur de « Mensaje » à ce moment-là, le Père Hernan Larrain, prit la défense, dans des déclarations qu'il fit à la revue « Ercilla », du prêtre apostat Camilo Torres qui s'était joint, comme l'on sait, à la guérilla communiste en Colo~bie ( « La Guerrilla, el Sacerdote y la Politica » dans « Ercilla », 9-3-66 ). La gauche catholique entrait dans une nouvelle phase d'activité. Elle semblait prendre lentement ses distances d'avec le réformisme confiscatoire de Frei - ou mieux, tirer de lui ses ultimes conséquences - pour se mettre à préparer l'avènement d'un régime plus clairement marxiste. Des « tensions dialectiques » dans ce même sens étaient provoquées au sein-même du PDC et se manifestaient par des « divisions » entre dirigeants démocrates-chrétiens modérés, centristes et gauchistes avancés ( l ). ( 1) Un courant de sénateurs et de députés du Parti Démocrate-Chrétien, soutenus par l'organisation de ta jeunesse de ce parti, commença à critiquer, comme trop modéré, le réformisme socialiste « à la Kerensky » de Frei, exigeant qu'il soit appliqué à d'autres secteurs de l'activité

,

Î


PREPARATION DU TRIOMPHE D'ALLENDE

83

En juillet 1967, une bruyante manifestation de jeunes en faveur du Nord-Vietnam fut organisée; à côté des directions des jeunesses des partis socialiste et communiste - tous deux marxistes-léninistes - apparurent les dirigeants de l'organisation de jeunes du Parti Démocrate-Chrétien et de l'Association des Etudiants Catholiques ( « Mensaje » n. 161, août 1967; « El Siglo », 13-7-67 ). 1. Avec la médiation directe du Cardinal, l'Université Catholique devient un foyer de propagande et d'agitation marxistes.

Pendant l'année 1967, de nombreux articles attisant la création d'un conflit à l'Université Catholique Pontificale de Santiago firent leur apparition dans « Mensaje ». Un nombre considérable et représentatif de professeurs catholiques de position notoirement anti-communiste enseignait dans cet établissement supérieur. De larges contingents d'étudiants, qui voyaient avec alarme le chemin par lequel le gouvernement démocrate-chrétien conduisait le Chili à la collectivisation, y menaient une vie culturelle et civique active. A cause de la répercussion que l'activité universitaire a dans la vie civique chilienne en général, il était fondamental pour la gauche catholique et le marxisme d'essayer d'éteindre les foyers anti-communistes existants dans cette université. économique nationale, et ne cachant pas son désir d'entrer en collaboration politico-idéologique avec les marxistes. Ces éléments, finalement, vont « rompre » avec leur parti et intégrer la coalition de !'Unité Populaire, donnant leur soutien à la candidature de Salvador Allende. Dans ses déclarations durant la Conférence de Tolède en 1973, le Cardinal-Archevêque de Santiago se réfère à l'alliance de ce groupe avec les partis marxistes-léninistes dans les termes suivants: « n y a un groupement de partis où l'on trouve les socialistes et les communistes un groupe de libéraux et un groupe de chré tiens sortis de la Démocratie Chrétienne ( qui, parce qu'ils considéraient qu e les réformes effectuées n'é taien t pas suffisamm ent rapides ni aussi énergiques et aussi profondes qu'il le fallait, s'é taient séparés de la Démocratie Chrétienne, et avaient form é un groupe qu'ils appelèrent le mouvement MAPU, un mouvement d 'action populaire ) ». ( « Théologie de la Libération » , Conversation de Tolède, juin 1973, apud « El Mercurio » , 2-12-75 ) .


84

SOUS LE GOUVERNEMENT «- SOCIA LO-CHRETIEN »

Le 11 août 1967, le batiment central de l'Université Catholique de Santiago fut pris d'assaut par des brigades d'étudiants démocrates-chrétiens. Le conflit était créé, avec pour prétexte des exigeances étudiantes de cogestion universitaire . Il culmina avec la démission du recteur, Mgr. Alfredo Silva Santiago, et la prise de contrôle de l'Université par le groupe de jésuites du Centre Bellarmin et la gauche catholique en général. Un rôle spécial dans cette transformation gauchiste décisive de l'Université revint au Cardinal-Archevêque de Santiago, nommé médiateur par le Saint-Siège pendant le conflit. Dans une lettre publique adressée au Cardinal, le Doyeri. de la Faculté <l'Economie de l'Université Catholique, M. Sergio de Castro, l'accuse de ne pas avoir agi comme médiateur, mais en réalité comme un contrôleur, en faveur des étudiants insurgés ( « El Mercurio » 24-8-67 ). Mgr. Alfredo Silva Santiago, le recteur, déclare, quant à lui, dans le télégramme de démission adressé au Saint-Siège, qu'il a pris cette décision parce que la formule d'arrangement à laquelle arriva le Cardinal-Archevêque de Santiago « sur des points essentiels, est préjudiciable au présent et à l'avënir de l'Université ». ( « El Diario llustrado » 24-8-67 ). M. Julio Philippi, membre du Conseil Supérieur de l'Université Catholique et ancien ministre d'Etat, démissionna aussi parce qu'il était en désaccord avec les termes dans lesquels le Cardinal résolut le problème ( « El Diario llustrado » 24-8-67 ). Avec la nomination du nouveau recteur, M. Fernando Castillo Velasco, l'Université Catholique Pontificale de Santiago demeura sous la tutelle directe du Cardinal qui fut désigné Grand Chancelier. Le directeur de « Mensaje », Je Père Hernan Larrain, S.J. fut nommé directeur de l'Ecole de Psychologie de 'l'établissement; Je Père Juan Ochagavia fut maintenu comme Doyen de la Faculté de Théologie et le Père Gonzalo Arroyo , éminant partisan de J'agro-réformisme confiscatoire, se mit à diffuser ses thèses avec une entière désinvolture en tant que professeur d'Economie Agraire. L'Equipe du Centre Bellarmin et


PREPARATION DU TRIOMPHE D'A LLENDE

85

d'autres dispositifs de la gauche « catholique » renforçaient ainsi leurs moyens d'influence déjà puissants. Pendant ce même mois d'août, la revue « Mensaje » dans son numéro 261, contenait un article sur les « R éformes des Universités catholiques » où Je commentaire avouait qu'il était probable qu'il y eût une infiltration marxiste dans ces Universités pour se demander aussitôt comment l'éviter et même pourquoi l'éviter. .. Les catholiques de Santiago et de tout le Chili assistaient, frappés de stupeur, à la précipitation de la funeste œuvre de bouleversement moral qui se développait avec l'appui du Cardinal. *

*

*

On peut se faire une idée du nouveau climat qui régna bientôt dans l'Université Catholique sous la Grande Chancellerie du Cardinal-Primat en lisant l'article écrit sous le titre « Grotesque et indigne » dans « El Mercurio » par Mgr. Alfredo Cifuentes, qui avait déjà , à cette époque, renoncé à l' Archevêché de La Serena. Dans cet article , il décrit avec une juste indignation la parodie blasphématoire exécutée par des élèves de l'Université Catholique, sans qu'ils aient subi une quelconque sanction canonique des autorités religieuses de Santiago. Mgr. Cifuentes raconte : « Des élèves de l'Université Catholique Pontificale, dans leur célébration de la Semaine universitaire, n 'o nt pas hésité à tomber au plus bas et au plus indigne, en organisant un défilé d'élèves déguisés en prêtres, tenant par le bras, d'une façon irrespectueuse, des élèves vê tus d'habits de religieuses. Un peu plus tard, comme ils arrivaient à un endroit de spectacles indécents pour parodier des absolutions sacramentelles à celles qui en étaient les actrices ( ... ) des spectateurs de cette mascarade, à juste titre, ( ... ) la condam nèren t avec indignation » ( « El Mercurio » 2-9-68 ). Il est terrible de le dire , mais il fut rapporté que les spectateurs de ces spectacles immoraux finirent par expulser, indignés,


86

SOUS LE GOUVERNEMENT « SOCIALO-CHRETIEN »

les élèves de l'Université Catholique qui avaient participé à l'infâme parodie, tandis que le Cardinal préféra passer tout cela sous silence, sans la réparation publique que cette turpitude exigeait.

*

*

*

Mais un nouveau choc secouait la conscience des catholiques: la chanteuse communiste Violeta Parra s'était suicidée, et pendant plusieurs jours l'Université Catholique rendit hommage à sa mémoire de façon ostensible. Peu de jours après, le journal « Ultimas Noticias », de Santiago, avisait que l'organisation communiste de caractère terroriste MIR - Mouvement de la Gauche Révolutionnaire fondait une section parmi les étudiants de la nouvelle Université Catholique ... La philosophie du groupe, issu de la fermentation catholique de gauche, se résume ainsi: « L'action, la violence, la ligne rouge de Mao »... ( « Ultimas Noticias » 24-9-68 ).

*

*

*

L'année universitaire de 1969 fut inaugurée à l'Université Catholique de Santiago par l' Archevêque brésilien Mgr. Helder Camara - connu sous le surnom d' « Archevêque Rouge ».( 2) ( 2) Les agissements publics de !'Archevêque de Olinda et Recife, toujours accompagnés d'une grande répercussion publicitaire à l'intérieur comme à l'extérieur du Brésil, sont largement connus par leur caractère démagogique et gauchiste. Nous détachons ici, parce qu'elle est spécialement suggestive pour l'analyse de la réalité que nous en sommes à décrire, la révélation faite par le théoricien communiste français Roger Garaudy dans son livre « Parole d'Homme » . Garaudy, qui considère possible l'union entre le christianisme prêché par les communautés de base progressistes et le communisme anarchique de type tribal structuraliste, a dit que Mgr. Helder Camara l'a constamment encouragé dans sa recherche de la synthèse que l'ex -sénateur français expose dans son livre gnostique et nihiliste. En effet, comme preuve de son affirmation , Garaudy fait des citations d' une lettre que Mgr . Helder Cam ara lui avait écrite. L'Archevêque de Olinda et Recife écrit au communiste Garaudy :


Helder Camara, !'ArchevĂŞque rouge .


88

SOUS LE GOUVERNEM ENT « SOCIALO-CHRETIEN »

qui avait été spécialement invité au Chili à cet effet ( « El Mercurio » 18-4-69 ). Le Prélat brésilien profita du voyage - entouré d'une grande publicité - pour prodiguer son appui à la gauche catholique, arrivant même à une entrevue avec Je groupe « catholique »marxiste récemment constitué, appelé « Iglesia Joven » ( Jeune Eglise) , auquel il adressa des paroles compréhensives. Dans une conférence de presse à Santiago, Mgr . Helder Camara déclara: « Je respecte très profondément les mémoires de Camilo Torres et du Che Guevarra et en général de tous ceux qui, en conscience, se sentent obligés d'opter pour la violence. Les seuls que je ne respecte pas sont les guérilleros de salon .. . » ( « El Siglo » 16-4-69 ). Naturellement , l' Archevêque de Olinda et Recife ne se sentit aucunement gêné de faire ces déclarations dans Je Diocèse du Cardinal Silva Henriquez, qui l'accueillit dans sa propre résidence ( « Ercilla » 23-4-69 ).

* * * Tandis que les jésuites de « Mensaje » multipliaient Jeurs articles pro-marxistes, un autre professeur de l'Université Catholique de Santiago, l'abbé Eduardo Kinnen, fit de scandaleuses déclarations au journal « El Mercurio ». L'abbé Kinnen était à cette époque professeur d'éthique et de philosophie sociales à l'établissement pontifical. Il dit dans son entrevue: « Il y a beaucoup de coïncidences entre la Tradition occidentale et la pensée de Marx. Si la thèse défendue dans mon essai est exacte ( il fait référence à son livre « Le prochain pas à accomplir, pour nous chré tiens, c'est que soit proclamé publiquem ent que ce n'est pas le socialisme mais le capitalism e qui est intrin sèquem ent pervers, et que le socialisme n'est condamnable que dans ses p erversions. Et pour vous, Roger, le prochain pas à accomplir c'est de montrer que la révolution n 'est pas liée d'un lien essentiel, mais seulement his toriqu e, avec le matérialisme philosophique e t l'athéisme, et qu'elle est au contraire consubstantielle au christianisme.» ( Roger G araud y - « Parole d'homme » chez Robert Laffont , p. 118 ) .


PREPARATION DU TRIOMPHE D 'ALLENDE

89

« L'Humanisme social de Marx », qui achevait d'être édité), l'anthropologie marxiste se situe dans la continuation du réalisme spirituel occidental, c'est-à-dire qu'il n'y a aucune différence essentielle et infranchissable entre la conception que Marx a de l'homme et la nôtre, en dehors, assurément, du problème religieux ». Plus loin , l'abbé Kinnen signale: « Nous nous retrouvons avec Marx dans sa condamnation du régime capitaliste traditionnel. On peut aussi accepter, je crois, son idéal de la société sans classes » . Le professeur d'éthique prenait ses distances, cependant, vis-à-vis des méthodes sanglantes qu'utilise la révolution communiste, mais non pas de l'idéal de société inspiré par le marxisme. ( « El Mercurio » 11 -6-69. C'est nous qui soulignons le texte ). Comme dans tous les autres cas, le Grand Chancelier de l'Université ne fit rien pour éclairer les fidèles de son Archidiocèse , ni pour sanctionner l'auteur, qui continua à assurer ses singulières leçons d'éthique .

*

* *

Un tragique couronnement de l'œuvre du Cardinal chilien en tant que Grand Chancelier de l'Université Catholique, en faveur du transbordement idéologique des fidèles vers le marxisme fut la concession qu'il fit en août de la même année 1969 du titre de Docteur Scientiae et Honoris Causa au poète Pablo Neruda, militant actif du P.C. Justifiant sa position à la session du Conseil Universitaire du 27 juin , le Prélat avait affirmé, entre autres choses, ce qui suit: « Dans notre attitude se reflètent trois valeurs d'extraordinaire importan ce ( ... ). La première valeur est que, une fois pour toutes, on m ontre et on croit que l'Eglise apprécie la vérité, le bien et la beauté, même représentés par ceux qui ne participent pas de sa conviction religieuse. En d'autres termes, que


90

SOUS LE GOUVERNEMENT « SOCIALO-CHRETIEN »

l'Eglise Catholique, par sa nature; que le christianisme, par sa nature, ne peuvent être sectaires, que le sectarisme est contraire à notre essence profonde. Ici s'enracine l'existence d'un sain pluralisme. « Qu 'est-ce que cela signifie ? Peut-on donner une chaire d'athéisme ou de marxisme dans une université catholique? Je dis que oui: on peut la donner, parce que nous, chrétiens, sommes convaincus qu'aucune de ces sciences ou doctrines n'est dépourvue d'une partie de vérité, et parce que parfois elles dessinent une critique qu'il s'avère pour nous très utile de connaître » ( « Ultimas Noticias » 21-8-69; « lglesia de Santiago » Bulletin Archidiocésain d'information, juillet 1969 n. 38. C'est nous qui soulignons le texte ). C'était un acte supplémentaire de démolition des barrières idéologiques qui séparaient les catholiques des communistes, mené à bien par des mains consacrées pour protéger et propager le dépôt de la Foi absolue. Le Pasteur de Santiago fit ces graves affirmations, imprégnées d'un pernicieux relativisme, peu de jours après la création à l'Université Catholique Pontificale d'un « Commando contre la répression », formé par des miristes et d'autres marxistes . Ce commando avait mis aux voix, dans une assemblée , la question de savoir « si on tuerait ou si on frapperait simplement » des dirigeants étudiants et des professeurs anti-communistes ... ( « El Diario llustrado » 22-6-69 ). Là, une définition radicale anti-chrétienne; ici, un relativisme insouciant et joyeux en faveur du marxisme athée et de ses hommes-symboles ... Il est opportun de rappeler, pour terminer, que l'hommage de l'Université Catholique et de son Grand Chancelier à l'athée Pablo Neruda, avait lieu quand des secteurs de la gauche catholique s'.efforçaient d'attirer les fidèles vers une position de sympathie insouciante pour le marxisme, et quand il ne manquait plus qu'un an jusqu'à l'élection présidentielle. Les communistes surent bien voir le bénéfice de propagande que cette nomination apporterait à la cause anti-chrétienne, car


PREPARATION DU TRIOMPHE D'ALLENDE

91

ils proclamèrent tout de suite le brillant Docteur Honoris Causa pré-candidat présidentiel.

2. L'Archevêché de Santiago jette de l'huile sur le feu: convocation d'un Synode Diocésain. Parallèlement à cette offensive destructrice contre l'opinion catholique anti-communiste, lancée depuis le plus important établissement d'enseignement supérieur catholique, l'action de démolition pratiquée sous les auspices du Cardinal se développait activement sur d'autres fronts. Tel est le cas du Synode convoqué par !'Archevêché de Santiago en 1967. Ce fut de l'huile jetée sur l'incendie communo-progressiste et qui contribua à sa meilleure propagation. Selon « El Mercurio », dans son édition du 12 août 1967, Mgr. Silva Henriquez invoqua la transcendance de ce Synode Diocésain qui allait se tenir à partir du mois de septembre, et qui était le septième dans l'histoire du diocèse et le premier du siècle. A cette occasion, le Cardinal-Archevêque annonça que les structures de l'Eglise Catholique de Santiago seraie.n t soumises à un processus de profondes transformations pour les adapter aux nécessités du monde moderne et les mettre au service de l'homme et de ses inquiétudes actuelles. Les suggestions reçues de la part de croyants et de noncroyants furent recueillies en trois cents pages , classées par matières, et remises à l'étude de sept commissions de base. Les conclusions finales de ces commissions pré-synodales furent regroupées en un texte volumineux que le Cardinal remit aux 500 participants du synode au cours d'une cérémonie solennelle. Ce texte contenait, entre autres choses, un rapport d'information critique sur « L'Eglise et le monde de Santiago ». Le Père jésuite Manuel Ossa, lié au Centre Bellarmin, était l'un de ses rédacteurs.


92

SOUS LE GOUVERNEMENT « SOCIALO-CHRETIEN »

A la manière d'une grande partie des fameux cahiers de doléances portés aux Etats-Généraux à la veille de la Révolution Française, l'information sur l'Eglise et le monde de Santiago traçait une description fausse et tendancieuse de la réalité chilienne. On préparait ainsi les membres du Synode à déboucher sur les projets révolutionnaires pré-établis. On y lit, après de·s descriptions dramatiquement exagérées des conditions de vie du peuple chilien pendant les années antérieures au processus en marche, que: « Des siècles durant notre peuple a vécu sa misère - une vie épuisante, tendue, sans perspectives - avec résignation et fatalisme. Face aux patrons, il n'y avait qu'à s'incliner et obéir. Une phrase très répandue dans le peuple synthétisait cette attitude: le pauvre n'a pas de droits. Mais les circonstances ont changé et notre peuple a pris conscience de sà misère. La technique a rapproché les nations ( cinéma, radio, télévision ). Notre peuple se compare à celui d'autres pays et peut apprécier l'abîme des différences. n faut ajouter à ceci l'influence conscientisante de certains partis politiques, surtout de gauche. La misère vécues 'est transformée en misère consciente et en conscience d'injustice. On ne respecte plus les patrons, mais on tend à voir en eux les exploiteurs. Le peuple compare son niveau de vie avec celui des classes aisées et n'accepte pas la terrible différence. Tout ceci fait que notre peuple désire et exige des changements rapides, radicaux et globaux des structures sociales, économiques et politiques qui lui permettent un niveau de vie plus humain .. . » Plus loin, on trouve encore le suivant :« Face à cette volonté de changements de notre peuple, exprimée politiquement en volonté de révolution - dans ou hors de la légalité, avec ou sans liberté - et politiquement canalisée et utilisée par la plupart des différents partis, les classes favorisées économiquement, socialement et culturellement se sentent menacées ». ( cf. doc. cit. 1ère Partie - « Diagnostico del mundo de Santiago ». Le texte est souligné par ses auteurs ). Ces premières sessions du Synode de 1967 avaient uniquement pour but - comme le dit à cette occasion Mgr . Silva


PREPARATION DU TRJOMPHE D'ALLENDE

93

Henriquez - « la prise de conscience » des réalités du Pays ( « ABC », Madrid, 22-9-67 ). Ainsi donc, dans le climat idéologique tendu de 1967, le Cardinal avait convoqué un Synode qui se cantonnerait au domaine glissant des prises de conscience et de l'échange des expériences « pastorales ». C'est-à-dire qu'il n'y aurait pas de définitions doctrinales qui risquent de rendre manifeste le choc entre les nouvelles tendances révolutionnaires et les vérités immuables du magistère. Tout restait confiné au terrain des inquiétudes, avec d'entières possibilités pour que la « gauche catholique » accélère à l'intérieur des cadres ecclésiastiques son travail préparatoire pour la phase clairement marxiste du processus révolutionnaire chilien, qui était déjà en gestation. Il était donc naturel que la revue « Mensaje » fût nommée organe officiel de ce Synode.

*

*

*

De nouvelles sessions du Synode furent convoquées pour l'année 1968, afin de concrétiser et d'approfondir les propositions formulées dans les assemblées de l'année précédente. « Jeune Eglise » - même après la prise de la cathédrale que nous analyserons plus loin ( cf. infra Partie II, chap. II n. 3 ) prit une part active à cet évènement officiel. Selon la presse de l'époque, ce groupe constitua un front commun formé de « prêtres et de travailleurs » pour . rejeter comme « bourgeois » le rapport sur le secteur des entreprises, pourtant clairement gauchisant par lui-même. La description suivante par un journaliste donne une idée du climat qui régnait dans les assemblées: « Sous une pluie soutenue d'applaudissements qui unissait les Evêques aux domestiques et les entrepreneurs aux journalistes, le sous-directeur de « Mensaje », le Père Manuel Ossa Bezanilla, S.J., proposa : qu 'à ce même endroit, vis-à-vis de l'entreprise , l'Eglise s'était compromise dans les faits; que de la même manière qu'elle avait donné le départ de la réforme agraire, elle avait maintenant


94

SOUS LE GOUVERNEMENT « SOCIALO-CHRETIEN »

lancé la réforme de l'entreprise ». ( « El Mercurio » 21-9-68. C'est nous qui soulignons le texte ). Le rapport du Père Ossa, applaudi avec tant d'effusion, proclamait que: « fl faut un changement radical dans la conception et le fonctionnement de l'entreprise. « Ce qui nuit à l'entreprise est le système dans lequel elle est insérée, c'est-à-dire le capitalisme. « Le Synode rappelle aux entrepreneurs que tout ce qu'ils peuvent faire pour développer le communautarisme sera insuffisant. Cet effort ne sera acceptable que s'il est conçu comme un pas décisif vers les étapes suivantes d'une socialisation ». Une autre information de presse apprend que « Jeune Eglise », celle de la prise de la Cathédrale, « a précisé qu'une authentique charité ne peut se comprendre qu'en tant qu'elle peut détruire les structures actuelles », ajoutant que « Nouvelle Eglise », « plus schismatique, qui a torpillé les quatre documents du Synode, n'a pas accepté qu'un seul accord laisse passer quelque chose qui puisse se comprendre comme une position antimarxiste » ... ( « La Nacion », 22-9-68 ).

*

*

*

Le même jésuite Manuel Ossa, auquel les autorités ecclésiastiques permirent une participation aussi éminente à la préparation et au déroulement du Synode - et qui passa même pour modéré face aux églises « catholico »-marxistes « Nouvelle » et « Jeune » - écrivit un article pour la revue communiste « Aurora ». Dans cet article, faisant preuve d'un relativisme moral épouvantable chez un Prêtre, il affirme: « A Cuba, l'unique parti qui peut promouvoir le bien commun, parce que c'est le seul qui existe ( ... ), c'est le parti communiste » ... ( « Loyauté, respect et confiance uniraient chrétiens et marxistes » Père Manuel Ossa, S.J., in revue « Aurora >> n. 1S, 1968 ).

* * * A la suite de tout ce qui vient d'être vu dans ce chapitre, seule une personne qui aurait porté l'ingénuité aux limites de


---------

PREPARATION DU TRIOMPHE D'ALLENDE

95

l'imaginable pourrait ne pas comprendre la terrible réalité: Des Evêques et des Prêtres de l'Eglise Catholique préparaient activement leur troupeau déconcerté à l'acceptation d'un régime de gauche plus radical que celui de Frei. Mais il restait encore beaucoup à voir et à entendre!

* *

*

3. Note de Condamnation à la TFP pour avoir dénoncé l'infiltration marxiste dans le Clergé.

Devant l'importance et la gravité que prenait la crise politico-religieuse dans notre patrie, les collaborateurs et propagandistes de « FIDUCIA » - déjà groupés depuis un an au sein de la Société Chilienne de Défense de la Tradition, Famille et Propriété - TFP - lancèrent un « Message filial et respectueux » adressé à Sa Sainteté Paul VI. Dans ce message, écrit en termes dignes et révérencieux, ils dénonçaient le fait qu'une active minorité d'ecclésiastiques et de laïcs préparait déjà l'avènement du communisme au Chili. Le message de la TFP contenait des accusations précises, dans une forme sereine et choisie. Il implorait filialement Sa Sainteté d'adopter, de toute urgence, des mesures pour que fût entièrement éliminée l'action des ecclésiastiques et des laïcs progressistes favorables au communisme. Ce message fut soutenu par les signatures de plus de 120 000 chiliens. Une fois de plus, l'illustre Archevêque qui avait dirigé !'Archidiocèse de La Serena, Mgr. Alfredo Cifuentes, envoya une lettre publique d'éloge à la TFP au sujet de ce message à Paul VI ( « FIDUCIA » n. 26, janvier-février 1969 ) ( 3 ). ( 3) Des messages analogues à celui de la T FP chilienne furent envoyés au Pape Paul VI par les TFP du Brésil, d 'Argentine et d ' Uruguay . Les messages des quatre associations furent soutenus, dans leur ensemble, par plus de deux millions de Sud-américains qui les signèrent, et demandaient au Pape, en termes révérencieux et filiaux , une action urgente pour faire cesser dans leur pays respectifs l' infiltration communiste dans le Clergé et dans les organismes catholiques en général.


96

SOUS LE GOUVERNEMENT « SOCIALO-CHRETIEN »

Quelle fut alors l'attitude de l' Archevêché de Santiago? Ce même Archevêché qui avait toléré sans réagir d'épouvantables excès en faveur du marxisme, cette fois sortit de son silence: ce fut pour manifester - à travers une note de !'Evêque auxiliaire de Santiago, Mgr. Fernando Ariztia Ruiz - « son malaise », dû à la dénonciation de l'infiltration marxiste dans le Clergé qu'avait lancée la TFP ... ( « El Siglo » et « Clarin » 8-8-68, « El Mercurio » 11-8-68 ). Aucune réfutation directe ni sérieuse n'était donnée par l' Archevêché aux accusations fondées et précises faites par la TFP dans son message à Sa Sainteté Paul VI. Nous nous approchions des 6 ans d'un processus d'agitation communo-progressiste en constant progrès dans les milieux catholiques. Si quelqu'un pensa que cet ensemble impressionnant de faits était passé inexplicablement inaperçu des autorités ecclésiastiques de Santiago, l'attitude de celles-ci devant l'accusation objective et sereine de la TFP ne laissait plus aucun doute. Le sens des préférences idéologiques des Pasteurs de Santiago se manifestait ainsi obstinément et consciemment en faveur de la gauche. En outre, Mgr. Ariztia affirmait dans son communiqué contre la TFP que l'Eglise « ne se sent compromise avec aucun système social, qu'il soit capitaliste ou socialiste ». Cette affirmation, en elle-même équivoque , était d'autant plus pernicieuse dans le délicat climat politique où elle fut publiée. Elle mettait sur un pied d'égalité un régime légitime dans son essence, le capitalisme ( dont la doctrine catholique ne condamne que les excès qu'a connus, en de nombreux endroits, son application ) et le socialisme, condamné en tant que tel et de façon réitér~e par le Magistère Pontifical. Il faut ajouter à ceci que dans le dispositif d'action du marxisme-léninisme chilien pour la conquête du pouvoir, il y avait l'alliance du Parti Socialiste et du Parti Communiste.

* * *


REVERINTI Y FILIAL MENSAJE A SU SANTIDAD EL PAPA PAULO VI ~

~~·-•. '7

;:i Seuls quelques prêtres pretent attention au cri d'alarme lancé par « FIDUCIA ».

Message à Paul VI contre l'infiltration de gauche dans les milieux catholiques.

Mgr. Alfredo Cifuentes, ancien Archevêque de La Serena.


98

S OUS LE GO UVERNEMEN T « SOCIA LO-CHRETIE N »

Trois jours après la note de réprobation de l' Archevêché de Santiago contre la dénonciation à laquelle tant de milliers de chiliens avaient souscrit, un groupe de prêtres et de laï cs, appartenant à ce qu'ils appelaient « lg!esia Joven » ( Jeune Eglise ), prirent d'assaut la Cathédrale de Santiago. Ils accompagnèrent cet acte de la diffusion de slogans pro-communistes. Les journalistes purent même photographler, écrite à la peinture sur la pierre qui marque le lieu de sépulture des restes du regretté prédécesseur de Mgr. Silva Henriquez, le Cardinal José Maria Caro, une phrase qui disait « Le peuple souffre. JJ CC » ( initiales de bataille des « Jeunesses Communistes » ). Une vague d'indignation nationale et internationale s'éleva contre l'audace sacrilège de ceux qui, au nom de l'anti-credo de Sa tan, profan aient le principal de nos temples pour y faire étalage de leur doctrine infâme . Le Cardinal de Santiago, pour la première fois, sentit qu'il ne pouvait éviter de prendre des mesures contre les coupables, et il ne le fit pas parce qu'ils étaient des militants communistes mais parce que les excès profanateurs de la prise violente du temple étaient réellement sans précédents ... ( « El Mercurio » 13-8-6 8 ). Mais, conséquent avec toute sa conduite antérieure , le-Prélat suspendit les sanctions le lendemain , après que le groupe marxiste rebelle eut donné d'équivoques « explications ». Cette « Jeune Eglise » continua à partir de ce moment , et chaque fo is de façon plus claire, à diffuser pratiquement impunément sa propagande marxiste. En effet, comme on l'a vu plus haut à propos des sessions du Synode Diocésain de 1968, des membres de ce groupe prirent une part active à cette réunion ecclésiastique . 4 . Réunion épiscopale de La Florida : condamnations trop générales. En octobre de la même année, la Conférence Episcopale se réunit à La Florida. Le Cardinal-Archevêque de Santiago se tro uvait naturellement parmi les Evêques.


l..-

t

~

..

~

. • •- • ,·

1

_. •• .:

. : ,;. . .-: . M

_.

O

•.,

.. .

.. •

-

4

~ '"'

;[Pi!LS'IARI\ CAROROORl&L[Z 1 ôll·4 r !Il

.( r, •

• ... ,

, ,_)

Des graffiti dans la cathédrale. La « réconciliation » du Cardinal avec les agresseurs , le lendemain de l'attaque.

SIERRA MAESTRA E LA CATEDRAL

,!

,;:~~H


! 00

SOUS LE GOUVERNEMENT « SOCIALO-CHRETIEN »

Devant l'énorme émotion que venait de produire dans l'opinion publique catholique la marée montante des scandales communo-progressistes, les Evêques estimèrent opportun de remettre une déclaration à la fin de l'Assemblée. Cette déclaration désapprouvait « certaines attitudes de quelques dirigeants étudiants de l'Université Catholique », ainsi que « certains articles parus dans Mensaje ». On ne précisait ni les attitudes ni les articles dont il s'agissait . De même, ils estimèrent prudent de déclarer que « la justice est une chose, le marxisme une autre. Nous ne disons pas que tout le marxisme est faux ou mauvais. Mais nous disons bien, appuyés sur l'expérience d'un demi-siècle de communisme, que la philosophie marxiste à laquelle l'athéisme est essentiel, que la morale marxiste et en particulier sa mCJrale politique et en général la mentalité marxiste sont incompatibles avec la foi chrétienne ( ... ). Les marxistes savent qu'on ne peut être à la fois un bon marxiste et un bon chrétien. En cela, nous sommes d'accord avec eux . Les Prélats ajoutaient aussitôt « qu'il y a sans doute une grande force dans l'œuvre de Marx. Mais il y a infiniment plus de force, plus de lumière et plus de vérité dans l'Evangile de Jésus-Christ et dans l'enseig,:zement et la -pratique de l'Eglise à travers 20 siècles » ( «·El Diario-Ilustrado » 5-10-68 ). ' Comment · pourrà-t-on expliquer les étranges ondoiements que d·e se~blables ~é.clarations impliquent chez les Pasteurs et en particulier chez le Cardinal-Archevêque de Santiago ? Les flammes de la dispute · Jevée par des consignes pro-marxistes impunément répandues pendant des années brûlent dans la poitrine des catholiques. Les prêtres qui y ont participé demeu1 rent à leur p osition d'influence. Aucune mesure· effective, systématique et organisée rie fut .adoptée pour contenir cette corrosion spirituelle et c,loctrinale. Tout au contraire, les autorités ecclésiastiques de· Santiago ignorent, tentent de discréditer et vont jusqu'à condamner publiquement l'action de cath~liques fidèles quiluttent i,d éolbgiquement contre le communisme. Quel séneux ' pouvait'· a-voir, dans la situation du Chili de cette époque, un petit paragraphe de désapprobation vague et en


PREPARATION DU TRIOMPHE D'ALLENDE

101

même temps réduite, adressée à « certains articles » et « certaines attitudes » de Prêtres et de dirigeants étudiants qui développaient et continuaient à développer une action constante et d'une immense ampleur? La Déclaration Episcopale ne dit rien, par exemple, des parodies blasphématoires publiques des étudiants démocrateschrétiens; des programmes socialistes et confiscatoires de réformes agraire, urbaine et de l'entreprise promues par la gauche catholique; de son communautarisme social et économique, qui se distingue mal du communisme, et qui doit tourner à l'élimination de toutes les inégalités de classe; etc ... Il y a, c'est certain, après toutes ces années d'omission et de collaboration coupables, un avertissement sur l'incompatibilité entre le marxisme et le christianisme, une déclaration générale, isolée, qui au milieu de la confusion et de l'effervescence existentes à ce moment des évènements, signifiait bien peu de choses. D'autant plus que la gauche catholique ne se présentait pas, évidemment, comme composée par des cellules du Parti Communiste. Cela est manifeste. Tout son potentiel corrupteur consistait précisément à soutenir, comme s'il s'agissait de thèses chrétiennes de progrès, ce qui, concrètement, n'était pas autre chose que les postulats économico-:ociaux du marxisme. C'est exactement cet aspect de la doctrine marxiste, qui se rapporte principalement à la négation de la propriété privée et de sa fonction sociale, catholiquement comprise, qui est omis dans la condamnation générale formulée par les Evêques dans un but tactique bien évident. D'autre part, l'affirmation épiscopale sur l'existence d'une « grande force dans l'œuvre de Marx » continuait à flotter dans l'atmosphère. Ainsi au moment-même où ils adoptaient une position apparemment moins à gauche, les Evêques laissaient se créer les conditions pour que leurs paroles fussent utilisées en faveur d'une démobilisation des esprits face au communisme. Ce recours à l'ambiguïté du langage, qui relativise ces condamnations générales du marxisme, s'est transformé en une habitude de ce genre de déclarations épiscopales.


102

SOUS LE GOUVERNEMENT

«'

SOCIA LO-CHRETIEN »

En fin, si nous considérions l'hypothèse selon laquelle l'avertissement contenu dans ce document à propos du marxisme était suffisamment sérieux, combien terriblement incompréhensible serait l'appui épiscopal fourni plus tard au gouvernement marxiste d'Allende! Quelle valeur peut-on donc accorder à des déclarations « anti-marxistes » de cette espèce, écrites sous la contrainte d'une opinion catholique indignée , et qui arrivent à être d'au: tant plus graves et insultantes qu'elles seront démenties sous peu par de nouvelles déclarations et attitudes épiscopales? Ah! Que les fidèles chiliens regrettaient l'ancien langage de toujours, celui que le Divin Maître avait fixé par ces paroles: « Mais que votre langage soit: oui, oui; non, non »... ( Mt, 5-3 7 ). Quelle confusion sibylline et épouvantable précédait et préparait l'heure ténébreuse où la secte communiste tenterait de prendre le pouvoir au Chili! S. La tension dialectique entre révolutionnaires de marche rapide et révolutionnaires de marche lente vers la synthèse marxiste.

Le processus révolutionnaire dans notre Patrie vers l'implantation du communisme arrivait à l'un de ses moments décisifs. Le Cardinal chilien, lors de la conférence déjà citée prononcée à Tolède en juin 1973, explique que le gouvernement de Frei voulut obtenir « au moyen de la législation, les moyens pour changer les structures, et il fit ce qu 'il appela une révolution, mais une révolution dans la liberté; mas une révolution violente, mais une révolution pacifique et une révolution légale ». Cependant, signala le Prélat, le Parti Démocrate-Chrétien de Frei « eut un défaut très grand, le défaut capital diraisje, qui consista à trouver des solutions bien plus te chniques que sociales et politiques; il ne sut pas se gagn er la sympathie et la compréhension du prolétariat ou du peuple, de façon qu'il apparut un tant soit peu pa ternaliste et que les solutions qu 'il


PREPARATION DU TRIOMPHE D'ALLENDE

103

imposa du haut vers le bas n'ob tinrent pas la compréhension du peuple ( ... ). « Le parti ( démocrate-chrétien ), délibérément, ne voulut pas toucher à la réforme de l'entreprise; il fit la réforme de l'agriculture, celle de la possession de la terre, la réforme agraire, mais il ne se risqua pas à toucher en même temps à la réforme de l'entreprise, de peur de désorganiser de telle façon la production que cela pût lui causer de très graves dommages ». ( cf. « Théologie de la libération » Conversations de Tolède, juin 1973, apud « El Mercurio » 2-12-75. C'est nous qui soulignons le texte ). II est curieux de noter que Mgr. Silva Henriquez se fait ici le prophète de la catastrophe, même économique, que les processus socialistes et confiscatoires provoquent, ce qui rend encore plus impressionnant le fa it qu'il ne l'avait pas dit publiquement et au moment opportun, pour le salut de la Patrie et le bien de l'Eglise.

* * * Le mythe d'un « socialisme catholique », qui se ferait à travers les réformes révolutionnaires effectuées sous le sceau de la Démocratie Chrétienne, était politiquement dépassé au Chili. La gauche catholique décida alors de traverser le Rubicon . Dans l'édition d'août 1968 de son organe d 'expression le plus représentatif, la revue « Mensaje », on trouve un article qui caractérise extraordinairement bien le pas qui était en train d'être fai t. Il portait ce titre: « Le droit en vigueur: un obstacle pour la Révolution ». Dans cet article, « Mensaje » manifeste sa satisfaction que les réformes de Frei aient été approuvées. Tout indique, pour lui, qu'avec ces réformes, « c'est un certain type de société qui est en voie de disparaitre >>. Mais il révèle son mécontentement que de telles réformes soient parvenues à une certaine limite et que le comrnunautarisme social intégral ait été impossible à mettre complètement en application .


104

SOUS LE GOUVERNEMENT « SOC/A LO-CHRETIEN »

Vient alors une plainte révélatrice: « Comme ils apparaissent, par là-même, simples et stériles dit Mensaje - les arguments de ceux qui veulent réformer la Constitution ou changer quelques lois pour sortir de l'impasse sociale, économique et politique où se trouve le pays! Le pays a vécu, durant plus de trois ans, l'expérience d'un gouvernement qui se proposait de faire une révolution dans la liberté. fl eût été meilleur d'appeler ce projet une révolution dans la légalité! Aujourd'hui, rares sont ceux qui mettent en doute, tout en reconnaissant les progrès atteints dans quelques domaines, que cette révolution s'est frustrée ». ( « Mensaje » n. 171, août 1968, pp. 327 à 329. C'est nous qui soulignons le texte). C'est-à-dire qu'un régime plus extrémiste que celui de Frei allait maintenant être préparé. Dorénavant, les manifestations d'appui au marxisme montreront très clairement que la gauche catholique considère la « phase démocrate-chrétienne » de la révolution chilienne comme dépassée. C'était la victoire d'un marxiste comme Allende qui était à ce moment-là le point de mire. La revue « Mensaje », le centre d'études DESAL ( du Père Roger Veckemans ), le groupe « Jeune Eglise » et le secteur extrémiste du Parti Démocrate-Chrétien, entre autres, formèrent le courant qui ne connut aucun frein dans la préparation des consciences catholiques à vivre dans un système marxiste. Le Cardinal-Archevêque de Santiago, placé quant à lui dans une position-clé qui le rendait capable de retenir ou de promouvoir la nouvelle phase révolutionnaire, choisit la dernière solution, à partir d'une analyse stratégique de marche révolutionnaire lente ( 4 ). ( 4) La distinction entre « révolutionnaires de marche lente » et « révolutionnaires de marche rapide » est décrite de façon magistrale et synthétique dans le célèbre essai du dirigeant catholique Plinio Corrêa de Oliveira, intitulé « Révolution et Contre-Révolution ». Se référant au long processus révolutionnaire q ui, d'étape en étape, tente d'amener l'Occident à l'objectif communiste final, l'aut eur souligne que ce processus « se déroule à deux vitesses différentes. L'une, rapide, est généralement destinée à un échec sur le plan immédiat. L'autre a


PREPARA TION DU TRIOMPHE D'ALLENDE

105

Lorsque, contraint par les circonsta nces, il devait se prononcer contre les révolutionnaires gauchistes les plus exaltés, les prises de position du Primat ne furent jamais de nature à retenir réellement la radicalisation du processus. Elles semblent exactement calculées pour se fondre dans le débit des grands encouragements que lui-même ou ses auxiliaires immédiats donnaient à la nouvelle phase de marxisation du Chili dans le domaine économico-social. Le communiqué émis par Mgr. Silva Henriquez en mars 1969 à propos de la prétendue « Jeune Eglise », dont l'audace n'avait plus de limite, fut caractéristique de cette façon de . procéder. Le Cardinal dit à cette occasion : « 1 - « Jeune Eglise » n'est pas un organisme de l'Eglise Catholique de Santiago, et /'Arch evêché n'a rien à voir avec elle. 2 - ni « Jeune Eglise », ni personne ne peut s'attribuer la représentation de l'Eglise sans l'avoir ». ( « El Mercurio » 27-3 -69 ). Autrement dit, ça suffit . Son Eminence est libre de ses compromis, et « Jeune Eglise » n'a qu'à continuer son œuvre néfaste ... L'action des autorités ecclésiastiques menées par Mgr. Silva Henriquez, toujours un peu en arrière de celle des groupes partisans d'une collaboration exaltée avec les courants marxishabituellement é té couronnée de succès et est beaucoup plus lente » . L'auteur catholique brésilien ajoute plus loin qu ' il fout étudier le rôle de chacune de ces vitesses dans la marche de la révolution. « On pou"ait penser que les mou vem ents les plus rapides sont inutiles. Pourtant ce n'est pas la vérité. Ces extrémism es, lors de leur explosion, brandissent un étendard, créent un point de cible rixe, qui fascine les modérés par son propre radicalisme et vers lequel ceux-ci s'acheminent lentement. Ainsi le socialisme répudie le communisme, mais l'admire en silence et est attiré par lui. Précédemmen t on aurait pu dire la même chose du communiste Babeuf et de ses partisans dans les dernières lueurs de la R é volution française. Ils furent écrasés. Mais la société s 'engagea lentement dans le chemin où ils avaient voulu la conduire. L'échec des extrémistes n'est donc qu'apparen t. Ils collaborent indirectement, mais puissamment à la R évolution, entrainant p eu à peu vers la réalisation de leurs chimères • coupables et exacerbées, la foule des prudents, des modérés et des m édiocres ». ( « Révolution et Contre-Révolution » , Plinio Corrêa de Oliveira !ère Partie, Chap . VI, Editions « Catolicismo » ). '


106

SOUS LE GOUVERNEMENT «' SOCIALO-CHRETIEN .»

tes, prêta au processus révolutionnaire anti-chrétien le type d'aide le plus efficace que ce dernier pouvait exiger de ces autorités. 6. Le Pasteur modéré présente à son troupeau des agissements communo-progressistes sous un jour sympathique et attrayant.

Ce fut le même cardinal qui, avant que quatre semaines fussent passées depuis la déclaration que nous venons de rapporter, déclara, dans une « rencontre avec la presse », sur le Canal 9 de TV le 21-4-69 : « Ici existent les tensions entre les jeunes et les plus âgés. Entre ceux qui son t plus conservateurs et ceux qui sont plus avancés, aussi. Mais je crois que jusqu'ici nous avons assumé cette difficulté avec compréhension, avec bonté entre nous; un fait: Il y a quelques jours, un groupe de prêtres s'est réuni à Santiago, environ 19 prêtres, appelés, à tort, prêtres rebelles. Autrement dit, ceux qui ont eu des tiraillements avec l'autorité. J'ai été les voir, je suis resté avec eux, nous avons eu un dialogue très ouvert et je suis resté dans l'admiration de leur bonté, de leur amour pour leur vocation, de leur amour pour l'Eglise et de leur désir très sincère de faire que l'Eglise chemine en améliorant son action, tout en étan t généreuse au service des hommes. Je crois que c'est bien qu'ils le fassent. Je crois que c'est bien qu'il y ait ces deux tensions ». Le Cardinal utilisa , pour expliquer la situation, une figure de Jean Guitton qui compara l'Eglise à une automobile:« Quelques-uns veulent que cette au tomobile ait deux freins et aucun accélérateur. D'autres veulent qu'elle ait deux accélérateurs et aucun frein . L'Eglise doit avoir un frein et un accélérateur » ( 5 ). ( 5) Il est difficile de concilier les affirmations du Primat chilien à propos de cet antagonisme, prétendûment créateur, en tre une force plus conservatrice et une autre force plus avancée au se in de l'Eglise, et la condamnation par Saint Pie X, dans sa fameuse E ncyclique « Pascendi Dominici Gregis » , des erreurs modernistes. En effet, Saint Pie X désigne comme l'une des ca ractéristiques de l'évolutionnisme propre au x modernistes le fait de soutenir qu'à l'intérieur de l'Eglise « l 'évolution résulte du conflit d e deux forces, dont


PREPARA T/ON D U TRIOMPHE D 'A LLENDE

107

Le résultat de ces « tensions dialectiques » est que les fidèles sont conduits de façon plus lente et plus sûre à accepter ou à tolérer la révolution gauchiste, comme les chiliens purent Je constater tragiquement. Au cours de la même rencontre télévisée, un autre journaliste interrogea le Cardinal sur le cas de Mgr. Gabriel Larrain qui, alors qu'il était Evêque auxiliaire de Santiago, abandonna sa charge, demanda la dispense de ses engagements et entra comme fonctionnaire laïc à l'organisme culturel des NationsUnies - l'UNESCO - à Paris ... ( cf. « El Siglo », 27-3-69 ). A cette question, le Cardinal répondit: « Il a senti qu'il ne pouvait pas, à l'intérieur de l'actuelle structure de l'Eglise, faire ce qu'il croyait qu'il était nécessaire de faire, et il a été déçu de la structure de l'Eglise. li a ressenti de11ant cette structure l'impuissance qui lui paraissait empêcher la réalisation de ses idéaux. C'est ce qui l'a am ené non à quitter l'Eglise, pas le moins du monde, mais à méditer, à étudier, à travailler dans d'autres domain es, pour connaître - selon ce qu 'il a dit - la volonté de Dieu sur lui. Je crois que cette attitude est suprêmement respectable ». l'une pousse au progrès, tandis que l'autre tend à la conservation. La forc e conservatrice, dans l'Eglise, c'est la tradition, et la tradition y est représentée par l'autorité réligieuse. Ceci, e t en droit e t en fait : en droit, parce qu e la défens e de la tradi tio n est comme un instinct naturel de l'autorité; en fait, parce qu e, planant au-dessus des contingences de la vie, l'autorité ne sent pas, ou que très peu, les stimulants du progrès. La force progressive, au contraire, qui est celle qui ré pond aux besoins, couve et f ermente dans les consciences individuel/es, e t dans celles-là surtout qui sont en contact plus intim e avec la vie. ( ... ) Or, c'est en vertu d'une sorte de compromis et de transaction entre la force conservatrice et la force progressive que les changements e t les progrès se réalisent. Il arrive que les co nsciences ind ividu elles, certaines du moins, réagissent sur la conscience collective: celle-ci, à son tour, fait pression sur les dépositaires de l'autorité, jusqu 'à ce qu'enfin ils viennent à composition » . En cond amn ant ce tte conception évolutionniste incompatible avec la doctrine catholique, Saint Pie X affir me : « Pour tout cela, rien, Vénéra bles Frères, ne p eut è tre considéré stable ou immuable dans l'Eglise, selon la façon d 'agir et de penser des modernistes ». ( « Pasce ndi Dominici Gregis » , AAS, vol. XL).


108

SOUS LE GOUVERNEMENT « SOCIALO-CHRETIEN »

Toutes sortes d'attitudes semblent rencontrer chez le Cardinal l'accueil d'un relativisme sans préjugé et apparemment amène, qui cache le sinistre processus d'autodémolition de l'Eglise. Répondant à une autre question, il se rapporte, en termes analogues, à l'athéisme : « Je crois aussi, comme vous le dîtes, que le phénomène de l'athéisme s'explique aussi en grande partie parce que ces hommes luttent contre un Dieu qui n'existe pas, qui n'est pas le véritable Dieu. fls se sont fait un Dieu - peut-être avons-nous été coupables de leur avoir donné une image de Dieu si imparfaite qu'ils croient devoir lutter contre elle ». Comme on lui demandait son avis sur la position de l'Archevêque de gauche brésilien Mgr. Helder Camara, le Pasteur chilien répondit sans hésitation: « Je puis vous dire que je partage pleinement les opinions de Mgr. Camara. Je les ai toujours partagées, j'ai toujous été avec lui; les moyen qu'il propose lui sont propres, évidemment. Certaines de ses phrases peuvent être mal compn·ses, et il faudrait les mettre au point. Je pense cela aussi, mais pour l'essentiel de ses idées, je pense comme lui ». A une question à propos du colombien Camilo Torres le Prêtre apostat qui devint un guérillero communiste - la réponse du Cardinal fut la suivante: « Je comprends la situation de cet homme. Je crois qu'il a immensément souffert et je le respecte. Je demande au Seigneur qu 'Il le juge avec une immense bonté parce qu'il s'est sacrifié pour ses frères ». ( « Rencontre avec la presse » 21-4-69, édition du Département de !'Opinion Publique de l' Archevêché de Santiago. €'est nous qui soulignons le texte ).

*

*

*

Quinze jours n'étaient pas passés depuis ces déclarations du Cardinal que le mouvement extrêmiste « Jeune Eglise » interrompait la cérémonie de consécration d'un nouvel Evêque auxiliaire de Santiago, Monseigneur Ismael Errazuriz, pour


P~PARATION DU TRIOMPHE D'ALLENDE

109

protester non pas contre sa personne, mais contre le système de désignation des Evêques. . ., Le groupe rebelle donna ensuite une conférence de presse au siège du Cercle des Journalistes. Ses représentants déclarèrent: « Nous encourageons toute tentative qui prétende détruire le système .actuel fondé sur l'exploitation dt! l'homme par l'homme. Nous croyons au dialogue et à l'action pratique avec les marxistes, non au niveau académique qui a été défini en Europe, mais dans l'action avec le peuple. C'est là _le véritable se.ns du ,dialogue chrétiens-marxistes en Amérique Latine ». («El Mercurio » 7-5-69. C'est no1,1s qui soulignons le texte) .. 7. :Education post-srnodale dans des collèges catholiques. Une action intense et géné{ali~ée de la ~au,che . catholique se développait de toutes parts pour préparer les mentalités.des fidèles .- il ne restait qu'µn an jusqu'à l'électi9n présidentielle qui devaient être ,apte_s à s'intégrer dans une société marxiste. . En juijlet ;1 969, le journal <i. El Me,rcurio » publia un repqrtage sous le _titre . « Effervescence au Saint George's College: inciden_ts dus à la _pénétration Tflarxiste dans un Collège catholique ». C'était le fruit des travaux d\l, Synode Diocésain de Santiago réuni en 1967 et en 1968, comme nou~ \'avons vu, qu_i fermentaient dan.s le climat passionnel c~éé par l'offen$ive générale du communo-progressisme . . • «. El Mercurio » cite les activités d'un ·« Çomité .q:Etudes };:~Ç?nomiql,leS et Sociales », .fond~ dan.s le Collège Saint-G_eorg~ ~t. formé principalement pa,r des élèves de cinquième ou-si?Çième année d'h.~manités. , Le Comité établit un programme .de fçm1ms .fondés sur un 1, thème et un .. guide élaborés ,ayec 1'.assistan~~ des prêtres. Fern3I1do Vial Clark et Robert Plasker, ce dernier ,de · natïon?lité américaine . , .Une part spéciale. dans la préparation -de .ce débat revint au professeur de philosophie. de l'établi~sement, Gustave;>. Miranda N~rea, qui avait déjà été.professeur dans d'autres établissements


110

SOUS LE GOUVERNEMENT

«'

SOCIA LO-CHRETIEN »

d'éducation catholique comme le Petit Séminaire Pontifical et le Collège de la Divina Pastora, à Santiago. Pour avoir une idée de la mentalité du Professeur Miranda, il suffit de savoir que lorsqu'éclatèrent à Paris les graves émeutes communo-anarchistes de mai 1968, ce monsieur affirma aux élèves du Collège catholique Saint-George qu'il regrettait de ne pas être en France à ce moment-l à pour prendre une part active à la révolution et « détruire à coups de pierres tout le système éducatif français, parce qu 'il faut tout détruire ». Les autres maîtres de conférences furent M. Juan Urrutia, professeur d'Histoire et d'Education Civique, réputé aussi comme marxiste, et le prêtre Canepa Ossa, qui remplissait la charge de directeur du groupe théâtral de Saint-George. Le Père Canepa s'était laissé photographier pour une revue de circulation interne de ce collège, publiée en décembre 1968 , en train de lire avec un sourire complaisant le journal de campagne du Che Guevara. Les documents distribués à profusicn dans le collège pour « animer » les débats était d'une évidente inspiration marxiste. Ils identifiaient, sans réserves ni nuances, le capitalisme à l'exploitation. Ils affirmaient, de façon catégorique et absolue, que « dans notre réalité, il n'y a ni justice, ni amour, ni liberté ( ... ). A cause de cela, l'éducation chrétienne doit combattre cette réalité et le système qui la soutient ». Ainsi, les théories de la revue « Mensaje » lancées dans l'édition spéciale sur la « Révolution en Amérique Latine » en 1962, et appuyées, à cette époque par l'hebdomadaire officieux de l' Archevêché de Santiago, étaient maintenant devenues monnaie courante : Tout était mauvais dans l'ordre social chilien; non les excès, mais le capitalisme en soi devait être rasé et il faudrait partir de zéro et faire de l'éducation chilienne un système de conscientisation en faveur de cette révolution destructrice. Dans le guide élaboré pour « orienter » les forums, on recommandait textuellement : « Mentionner !'Armée comme un exemple de cette corruption dans l 'édu ca tion »; pour parler un peu plus loin de « la profonde perversion humaine et chrétienne


PREPARA TION DU TRJOMPHE D 'ALLENDE

111

de la prétendue civilisation actuelle, et décrire avec mépris des valeurs com me celles d'ordre public » et d'autres encore. On voit clairement que de telles théories, sans mentionner directement le marxisme, en étaient inspirées. Pour une infiltration plus facile et moins compromettante, ces idées devaient être transmises par des groupes d'étudiants, soigneusement choisis, aux élèves des cours inférieurs. Evidemment, on excluait de ces groupes les élèves qui avaient une pensée différente . La semaine de débat commença par un « acte poéticofolklorique au th éâtre du collège argentin du Sacré-Cœur. Le poète Jaim e Gomez Rogers, marxiste ( ... ) et le chanteur commun iste contestataire Victo r Jara intervinrent ». ( Reportages de Hernan Gonzalez Valdevenito dans « El Mercurio », 12-7-69 et de Tomas P. Mac Hale dans Je même journal, 9-11 -75 ; cf. aussi « El Mercurio » 18-7-69 ). · L'activisme « conscientisateur » dans Je collège SaintGeorge transpira dans le public, provoquant un scandale chez les catholiques. Le recteur du Collège fit publier dans la presse une copie de la circulaire qu'il adressa aux pères de famille de l'établissement, et où il mettait en valeur la qualité professionnelle de M. Miranda, Je principal impliqué de l'affaire, et niait « qu 'il existât au collège une infiltration communiste ou marxiste ». Il ne démentit pas, cependant, les concepts apparus dans les documents cités. Bien plus , il dit que Je collège avait une pleine assuran ce de « la pensée éducative qui les inspire » et que celleci « se maintiendra f ermement, sans aucune varia tion ». S'il était resté quelque doute, Je recteur explique la position du collège en affirmant que dès Je début du Synode Diocésain en 1967, l'établissement « se définit comme un collège postsynodal chrétien. Dès cette époque , il s'est intégré dans l'action du Synode, et fait des efforts concre ts pour s 'acquitter envers ses directives » ( « El Mercurio » 15-7-69. C'est nous qui soulignons Je tex te ).


112

SOUS L E GOUVERNEMENT « SOCIALO-CHRETIEN »

Aucune rectification ni démenti d'aucune sorte ne fut constaté de la part del' Archevêché de Santiago. En revanche, on publia l'ad hésion de la communauté du Petit Séminaire à la Direction du Collège Saint-George, exprimée dans ces termes : « Nous soutenons pleinemen t la nouvelle ligne du collège. Notre opinion est qu'avec le témoignage donné par la Direction du Collège et par son comité des Pères, vous agissez avec la communauté nationale et en toute fidélité au message libérateur du Christ dans notre Amérique d'aujourd'hui ». La lettre de soutien est signée par le Recteur du Petit Séminaire, l' Abbé Julio Dutilh, et par les présidents du comité des Pères, du Comité des élèves et du Conseil Pédagogique ( « El Mercurio » 31-7-69. C'est nous qui soulignons le texte ). Comme on pourra le voir plus loin , la Congrégation Holy Cross, qui dirigeait le Collège Saint-George , continuera à être utilisée par des prêtres de gauche pour aider la subversion communiste, y compris après la chute d' Allende.

8. La TFP dénonce une nouvelle fois le complot subversif dans l'Eglise. En juin 1969, devant le pouvoir et l'influence toujours plus grands que s'étaient acquis les forces de l' « autodémolition » au sein de l'Eglise du Chili, la TFP publia une nouvelle dénonciation très longuement documentée. Un numéro spécial de sa revue , « FIDUCIA », retranscrit deux études substantielles, l' une de la revue « Ecclesia » de Madrid, l'autre de « Aproaches » de Londres, sur l'existence, respectivement, de petites communautés semi-clandestines, répandues dans tout le corps ecclésiastique , et se nommant elles-mêmes « groupes prophétiques » et d'une gigantesque , et tout à la fois discrète, centrale de propaga nde communoprogressiste, « IDO-C ». « FIDUCIA » montrait l'étendue et l'unité, en différentes parties d_u monde, de ces organisations secrètes qui favorisaient la subversion des struct ures ecclésiastiques en mêm e temps


PREPARATION DU TRJOMPHE D'ALLENDE

113

qu'elles appuyaient le processus révolutionnaire égalitaire et collectiviste dans la société temporelle. Ces organisations avaient, au Chili, des ramifications très nettes qui travaillaient fébrilement à la préparation du climat psychologique et idéologique du triomphe marxiste déjà proche . L'idéologie de ces micro-organismes « prophétiques » de base était en synthèse la suivante: a) Toute subordination d'un être doué de raison à un autre est une aliénation, une exploitation que l'évolution doit faire cesser. b) Cette évolution est facilitée par l'avant-garde du progressisme, par les présumés « prophètes » de l'Eglise du futur, qui sur le terrain religieux , promeuvent la subversion de l'Eglise, pour la remplacer par une Eglise Nouvelle; et qui, en politique, sympathisent avec le marxisme. c) Pour eux, Dieu n'est ni personnel ni transcendant, mais il est répandu et imm anent da ns le cosmos dont il est l'énergie qui favorise cette évolution . d) Ceci étant, ils concluent que les urtiques problèmes réels de l'homme sont ceux de cette terre, et que l'Eglise doit abandonner le supra-terrestre et se dédier à la solution des problèmes humains . Considérant que l'Eglise doit renoncer à son caractère sacral, ils luttent pour qu'elle se transforme en une entité profane, sans structure juridique définie, qui promeuve la « révélation désalienante contre les ex ploiteurs », dans le style, comme on l'a dit, des théories marxistes . Dans le cas contraire, disent-ils, l'Eglise sera repoussée par l'humartité . 24 000 exemplaires de « FIDUCI A », relatant cette dénonciation grave et détaillée furent diffusés par les associés et militants de la TFP, dans une campagne de vente publique dans les rues des principales villes chiliennes. Comme en d'autres précéden tes occasions, aucun Evêque ou Prêtre ne put réfuter cette dénonciation publique que nous avions formulée. Nous devons faire état, avec gratitude et joie, de ce qu'une fois de plus l' Archevêque Alfredo Cifuentes nous avait adressé 0


114

SOUS LE GOUVERNEMENT « SOCIALO-CHRETIEN »

son précieux appui public. Nous transcrivons ici les termes éloquents de sa lettre: « Comme les précédents numéros de « FIDUCIA », le dernier, publié en numéro double ( n. 29-30 ), vient de me parvenir. « Je lis toujours avec grand intérêt cette revue d'une si haute valeur doctrinale, si riche en documentation choisie, si fidèle à l'authentique esprit catholique, apostolique et romain. Mais le dernier numéro mérite une attention spéciale et un éloge justicier. « Vous y démasquez, à l'aide de documents authentiques, le caractère fallacieux l'hypocrisie et l'orgueilleuse audace avec· lesquels les ennemis de l'Eglise du Christ prétendent non seulement réformer celle-ci à leur manière, mais encore la détruire. fls n'y parviendront certainement pas: le Christ Lui-même veille pour Elle. « Déjà, même pendant le Concile, nous pûmes constater comment se mobilisait le courant souterrain d'un Néo-Modernisme qui prétendait s'infiltrer et influencer. « Vous avez accompli une grande œuvre, très utile et méritoire. Car, pour vaincre l'ennemi, il est nécessaire de dévoiler ses funestes plans, ses tactiques trompeuses qui sont les mêmes que celles qu'utilisa le démon depuis la création du monde et dont il continue invariablement à se servir avec ses alliés, et qui peuvent mettre en péril les ignorants et les imprudents. « Je sais très bien que durant cette campagne, vous avez dû souffrir des sacrifices qui n'étaient pas minces, et de lâches attaques. Je ne le regrette pas, mais vous en félicite, au contraire, car cela est un présage de plus grande vigueur et de triomphe, puisque la vertu, spécialement dans la jeunesse, se fortifie précisément dans la lutte. « En avant! Vous savez bien que vous accompagnent tous ceux qui aiment l'Eglise en vérité, et qui, pour cela, sont vos amis sincères et fidèles, comme l'est et l'a toujours été celui qui maintenant vous félicite et vous bénit. + Alfredo Cifuentes G., Archevêque titulaire de Tapso » .


PREPARATION DU TRIOMPHE D'ALLENDE

115

Un nouvel avertissement contre la catastrophe marxiste qui s'approchait restait ainsi gravé dans les pages de l'histoire ecclésiastique et civile chilienne; un avertissement de simples fidèles qui aggrave la responsabilité de la quasi-totalité de la hiérarchie ecclésiastique et d'une part décisive du Clergé dans la progression de l'hérésie marxiste au Chili. Ces Autorités et ces Prêtres ne peuvent plus arguer validement d'une supposée ignorance des résultats de leurs agissements démolisseurs, qui se présentaient donc comme un but consciemment recherché.

9. Deux poids et deux mesures: !'Archevêché de Santiago étouffe l'action des catholiques anti-communistes. Les encouragements apportés par les autorités ecclésiastiques à la gauche pro-marxiste allaient en augmentant, devant l'opinion catholique nationale abasourdie. « El Mercurio » publia qu'une « Messe pour le MIR » ( l'organisation terroriste ), avait été célébrée à l'Institut Pédagogique de l'Université du Chili ( « El Mercurio », 7-9-69 ). En réaction à cette nouvelle, le Département de !'Opinion Publique de l' Archevêché de Santiago, sous la signature de son directeur, M. Sergio Prenafeta J., rendit public un singulier démenti où il était dit: « 1 - La Messe à laquelle il est fait allusion n'était pas à l'intention du MIR puisque cette célébration liturgique n'a rien à voir avec une stratégie politique déterminée, et « 2 - L'intention de la communauté présente et celle du célébrant, l'Abbé José Ruiz Guinazu, ne fut autre que de prier pour les humiliés et les opprimés, qui par leur condition sociale n'ont pas de moyens de défense devant la justice ». Tout de suite après cette rectification, la rédaction du journal explique:

« 1 - L'invitation à cette messe, datée du 4 septembre et signée par le « Mouvement Jeune Eglise » signalait que la


116

SOUS LE GOUVERNEMENT « SOCIALO-CHRETIEN .»

cérémonie était pour ceux qui sont victimes de la persécution et de la répression ». « 2 - A la fin de la messe, on lut une déclaration signée aussi par Jeun e Eglise, et dont les premiers paragraphes sont intégralement reproduits ci-après: « Le voilà, l'homme! « n s'appelle Jorje Silva. Et il est devenu le. symbole de nombreux ouvriers et étudiants arrêtés et brutalement frappés dont les noms restent inconnus de l'opinion publique ». « ( ... ) 3 - Durant la célébration de la messe, plusieurs assistants ( mais pas /'Abbé Ruiz) parlèrent sans équivoque des étudiants miristes fugitifs en les assimilant à des perséçutés par la justice, en guise de commentaire à la lecture . cj'un pass(Ige de /'Epître de Saint Paul aux Hébreux ». La note de la rédaction d' « El Mercurio » se terminait par la précision que lors de la Messe célébrée le vendredi 5 septembre entre 19h30 et 20h20 dans une salle du Département d'Histoire de l'Institut Pédagogique, étaient présents deux journalistes de ce journal ( « El Mercurio » 12-9-69 ).

* * * Alors que cet acte de « Jeune Eglise » avait été autorisé ,' puis couvert, une fois qu'il fut dénoncé, l' Archevêché de Santiago donna une démonstration de ce qu'était sa' conduite inflexible contre toute activité catholique inspirée par la doctrine traditionnelle et immuable de l'Eglise , En effet, la TFP sè v oyait' contrainte de publier dans la presse nationale - un mois et demi après l'évènement scandaleux que nous venons dé rapporter '·. le communiqué suivant : « A !'Eminentissime Cardinal-Archevêque et ati ·Révérend Clergé de Santiago . · ' · « En novembre prochain aura lieu le 52èrhe -ann'iversaire de l'imposition du régime soviétique en Russie, prophétisé -par Notre-Dame de Fatima . La Société Chilienne de· D éfense de la T.radition, Famille et Propriété désire que soit célébrée un.e


HO. IE. :., JE .\ L E ·1. -

Les portes du temple s'ouvrent pour l'hommage à Lénine ...

V

:r.

HOV SAB lDO !S, A L\~

DE LA T RDï

"l!.N!tl EN OC!l!BRE"

AL EW ,MO. GAKDEl•iil A'.foui

1

U

y REVERENDO CLERO DE S.NTI 10 ...et se ferment aux prières pour les victimes du communisme.

T u,,.,t.hJrr1«Nio ,,, ,, ~ • :..e.:Jn.1..~ ,.,,,,,,rur .4) de • P<•~•.do por l',Jllt ·,.,. "• Oc·t>"\" ~e b T •1

f"'\v ....,.,

dt ,..:;:i. ,, .... ·t dt' " !'rt

t; •~ .J

., t.cl• ,,.

WY

M'"'

oo• •'

a lia• •,1r~•l1\S

d,n

•'t• r"'!

J,1 ..on\Un• mo. C

ié.n de 1, '. ' 1,1 '• Tf P

'1'IIO 1r, •tr-·

~ ! 1<, a ~,i\~l lr.t (;'t ttr,,f • m,e,

1,,

':,e

ri <.1rl

Ct'A-' i,xl1.: •

u,..,,

C•1r-ifn Pa11 'Il'\,! <:o CJ-, t •n.t. ,c..,n del .-,•i,

~,.c C;n de 1,, "''"''l ..

uu1•1"!.

•::•~.. c

1~ trnMV'I

'•·" u

.1 ,,

., ••

< ,.

S!• .. - ~

'J'

t

.r ,.. ,.,,,,.,o.,v . .,r'"•"-''t· ·•Q,~r r •

1!

d1. • '-'"•

'•' "-41 ;)

,, U,., H• •• ,.

J•

SOCIEDAD CHIL(NA. O[ DHENSA DE U. TIU,OIC IO N , FA.M ILi .A. Y P'ROPIEDAD


118

SOUS LE GOUVERNEMENT « SOCIALO-CHRETIEN »

Messe pour le repos éternel de tous ceux qui, depuis cette date, sont morts dans le monde entier, victimes du communisme. « La TFP souhaite aussi inclure dans les intentions de cette Messe, une prière à Notre-Dame du Carmel, Patronne du Chili, pour qu'Elie préserver notre pays des machinations du communisme . « La TFP s'est adressée successivement à plusieurs prêtres, demandant l'autorisation de faire célébrer cette Messe dans leurs églises respectives. Ayant obtenu de ceux-ci des réponses négatives, la TFP lance un appel publique à tous les Révérends prêtres de cet Archidiocèse afin que quelques-uns d'entre eux, avec l'assentiment de /'Eminentissime Cardinal-Archevêque, autorisent cette Messe dans l'église dont ils ont la charge. « Ce serait une tristesse pour tout le Chili catholique et un motif de vive appréhension s'il devenait patent pour tout notre Pays qu'il est impossible, dans cet Archidiocèse, de dire une Messe publique dans une intention si sainte et si patriotique ». ( « El Mercurio », 31-10-69 ). Finalement, le refus de l' Archevêché de Santiago à ce sujet se fit formel et catégorique dans une note écrite par le Vicaire Général de l' Archevêché, Mgr. Jorge Gomez Ugarte , adressée à la TFP au nom de la Curie Métropolitaine ( cf. « FIDUCIA », n. 31, janvier 1970, article « Comment la Curie de Santiago tyrannise le laïcat adulte dans l'ère conciliaire - Ceux qui sont tombés en défense de la Foi sont privés du Sacrifice de l'autel » ). Les deux poids et les deux mesures utilisés par le Cardinal et ses auxiliaires immédiats - en faveur du progrès des procommunistes d'un côté, et pour limiter l'activité des anticommunistes de l'autre - se transformaient alors en une brûlante accusation qui, issue de l'éloquent langage des faits, s'exprimait d'elle-même.

* * * A la fin de cette année 1969, l'éducation post-synodale produisait aussi d'autres effets. Au collège dirigé par la Congré-


PREPARA TJON DU TRIOMPHE D 'A LLENDE

119

gation des Sacrés-Cœurs ( pères français ), situé rue Alameda, des collaborateurs et des sympathisants de la TFP étaient attaqués et finalemen t expulsés du Collège par quelques prêtres gauchisants qui les accusaient de rompre l'unité par leur désaccord avec la prédication révolutionnaire. Le Recteur lui-même , dans un entretien avec les dirigeants de la TFP chilienne au siège que cette organisation possédait au n. 8 de la rue Seminario, donna à entendre clairement que pour cette sévère décision il comptait sur l'appui du Cardinal. Le cas surprit les milieux catholiques chiliens par la brutale intolérance dont le Collège des Sacrés-Cœurs faisait montre envers ces jeunes, au moment précis où les mêmes prêtres qui punissaient ainsi des catholiques fidèles, prêchaient le dialogue permissiviste, y compris avec les non-catholiques ( cf. reportage cité de Tomas P. Mac Hale, « El Mercurio », 9-11-75 ). Le président de l'Association des Parents et des Correspondants du Collège, le député catholique Gustavo Monckeberg Barras et le député catholique Miguel Luis Amunategui Johnson dénoncèrent la significative et unilatérale action persécutrice de ces prêtres contre les jeunes collaborateurs et sympathisants de la TFP, au cours d'incidents survenus à la Chambre des Députés, le 6 janvier 1970.


CHAPITRE III

L'INTERVENTION DIRECTE DE L'EPISCOPAT ET DU CLERGE DANS LA VICTOIRE FINALE D'ALLENDE ET L'INSTALLATION DE SON REGIME MARXISTE AU POUVOIR

1. Le Cardinal fait savoir qu'il considère qu'il est permis à un catholiqÙe de voter pour un candidat marxiste.

Ainsi que nous l'avons vu à propos de la gauchisation de l'Université Catholique ( cf. supra, Hème Partie, chap. II, n .l ), le Cardinal-Primat, en Août 1969 , avait accordé Je titre de Docteur « Scientiae et Honoris Causa » au militant communiste Pablo Neruda. En décembre de cette année , quand le Pays était déjà en pleine campagne présidentielle, comme on lui demandait si l'Eglise permettait qu'un catholique vote pour un candidat marxiste, le même Pasteur déclara : « S 'il le fait en accord avec sa conscience, c'est bien. L'important est qu'il estime en ; onscience que' ce qu'il fait est bien fait ». ( « Ultima Hora », 2412-69 ). Le quotidien « Clarin » publia la version suivante de la mê{lle entrevue: « On lui demanda si l'Eglise, dans son nouvel esprit, maintient la punition contre ceux qui votent pour les


ACTION DIRECTE DA NS LA VICTOIRE D'A LLENDE

12 1

marxistes, s'ils sont chrétiens. fl ( le Cardinal) répondit : Si un chrétien vote en conscience pour un marxiste, s'il le fait parce qu'il pense que c'est son dev~ir, je le comprends » ( «· Clarin », 24-12-69 ). La TFP adressa alors une respectueuse lettre ouverte à Son Eminence, l'implorant d'expliquer ou de démentir la grave affirmation qui lui était attribuée, et qui donnerait un avantage indubitable à la candidature du marxiste Allende. En outre, la TFP faisait remarquer que les déclarations du Prélat créaient une situation délicate vis-à-vis du décret d'excommunication en vigueur pris par Sa Sainteté Pie XII contre ceux qui collaborent avec le communisme ( « El Mercurio », 24-1-70) ( 1 ). Cependant, le Primat de l'Eglise du Chili jugea préférable de ne pas démentir et de ne pas expliquer son affirmation publique, et de refuser, d'une manière peu pastorale et tout-à-fait grossière, une réponse quelconque à la TFP. ( 1 ) La Sacrée Co ngrégation du Saint Office, par mandat et avec l'autorité du Souverain Pontife Pie XII , promulga le 1er juillet 1949 un décret par lequ el elle condamne catégoriquement le communisme et toute collaboration avec lui, par des réponses aux question suivantes : « I - Est-il permis aux catholiques de donner leur nom et d 'apporter leur aide au x partis communistes? R éponse: Ce n 'est pas permis, le communisme est matérialiste et anti-chré tien; en effe t, les dirigeants communistes, m êm e quand ils disent en paroles qu'ils ne combattent pas la religion, en réalité, malgré tout, tant par la doctrin e que par l'action, se montrent ennemis de Dieu, de la véritable R eligion et de l'Eglise du Christ. « II - Est-il permis d'é diter, de diffuser et de lire des livres, revues, journaux et brochures qui défendent la doctrine et les activités communistes? R éponse: ce n 'est pas permis; c 'est interdit par le droit lui-m êm e ( canon 13 99 du Code ·de Droit Canon ). « III - Les fidèles chrétiens qui, sciemment et librement , ont commis les actes visés par les n. I et II peuvent-ils être admis aux Sacrements? R éponse: Ils ne pourront être admis aux Sacrem ents; selon les principes généraux , on doit refuser les Sacrem ents à ceux qui ne sont pas dans les conditions requises pour les recevoir. ~ IV - Les fidèle s chrétien s qui professe nt la doctrine matérialist e antichrétienne des communistes, et principalement ceux qui la défendent et la divulguent, encourent-ils , ipso fact o, l'excommunication réservée de fa çon spécial e au Siège Apostolique comme apostats de la Fo i Catholique? R éponse: oui, ils l'encourent » . ( AAS vol. XLI, 1949 - p. 33 4 ) .


122

SOUS LE GOUVERNEMENT

<r

SOCIALO-CHRETIEN »

Ce fut le loup qui sortit en défense du Pasteur. .. Le journal officiel du PC chilien, « El Siglo », sortit un long article intitulé « Une nouvelle attaque réactionnaire », signé Raul Iturra Falka. L'organe communiste y prend la défense de Mgr. Silva Henriquez et attaque violemment la TFP. Il fait ressortir que le temps est déjà passé où l'Eglise interdisait aux catholiques de voter pour des candidats marxistes. « Depuis lors - affirme le journal communiste - beaucoup d'eau a coulé sous les ponts du monde entier, et il n'est plus rare d'apprendre qu'une autorité de l'Eglise Catholique puisse assurer que les fidèles de sa religion peuvent, si leur propre conscience leur en fait une nécessité, voter pour un marxiste. Seuls les groupes minables ou très engagés avec ce qu'il y a de plus régressif dans notre Pays et dans le monde peuvent faire des simagrées pour un fait aussi simple et rationnel. Dans un monde où le dialogue entre marxistes et catholiques croît et s'enrichit, les pensées préhistoriques de ceux qui voudrairm t que le marxisme soit balayé du monde n 'ont plus de place » ... ( « El Siglo », 27-1-70 ). L'article publié par « El Siglo » ne mérita pas non plus d'être démenti par les autorités ecclésiastiques de Santiago. A la suite de tout ce qui précède, les fidèles pouvaient interpréter, dans le sens des affirmations cardinalices publiées par « Ultima Hora » et « Clarin· » ( ci-dessus rapportées ) une nouvelle déclaration du Prélat chilien dans une entrevue exclusive accordée au journal « La Tercera de la Hora » - d'une large diffusion nationale - où il signale : « Je crois qu'il existe aussi une vocation à la vie politique: vocation de consécration et de service à la grande communauté nationale. Un laïc chrétien qui reconnait en lui cette vocation ne peut s'y soustraire. ( ... ) Normalement, cela exigera de lui qu'il adhère à un certain parti - celui que sa conscience choisit librement comme approprié - et qu 'il accepte les règles - parfois très dures - du jeu politique, dans le respect de ceux qui, librement aussi, font une option différente . Pour eux - les laïcs - c'est un droit et un devoir ». ( « La Tercera de la Hora », 15-1-70. C'est nous qui soulignons le texte) .


ACTION DIRECTE DANS LA VICTOIRE D'ALLENDE

123

Cette déclaration, qui venait s'ajouter à la précédente, reléguait au subjectivisme de la conscience, sans une norme morale objective, la possibilité de soutenir le candidat Salvador Allende à travers l'un quelconque des partis de la coalition qui présentait sa candidature: deux d'entre eux étaient marxistes-léninistes, le communiste et le socialiste ; un troisième , le Parti Radical, était de tendance socialiste-démocratique; sans compter les groupes de la gauche catholique comme « Jeune Eglise » ou les dissidences du PDC . 2. Le Secrétaire Général de !'Episcopat réitère le critère fixé par le Cardinal.

En avril, le Secrétaire Général de !'Episcopat, Mgr. Carlos Oviedo Cavada , se chargea de rappeler le critère fixé par le Cardinal. Le journal communiste « El Siglo » met en valeur cette nouvelle avec une joie manifeste . A la question de savoir si un catholique peut voter pour un marxiste, Mgr. Oviedo répondit en qualifiant étrangement la question de « captieuse » ou d' « anachronique » . « Elle peut être ca ptieuse, précisa-t-il, parce qu 'e lle peut sous-entendre un désir d'encadrer l'opinion de la Hiérarchie en faveur d 'un certain candidat ou pour exclure un certain candidat. Et comme nous sommes devan t une élection concrète, ces candidats ont un nom et un prénom qui sont du domain e public ». Le Secrétaire Général de !'Episcopat ajouta: « Elle peut être anachronique car nous, les Pasteurs, nous avons prêché que les chrétiens ont une auton omie dans leur vie temporelle qui leur permet, en accord a11ec leurs principes de l'Evangile , de définir la diversité de situations que la vie leur présente ». Il expliqua, finalement, que « le citoyen vo te au Chili pour une doctrine ou pour une personne, e t le ca th olique se touve dans les mêmes conditions » . ( « El Siglo » 20-4-70 . C'est nous qui soulignons le texte ). En langage plus direct , cela signifi e qu'il fallait engager le prestige et l'autorité des Pasteurs pour éviter - dans la mesure


124

SOUS LE GOUVERNEMENT

<t'

SOCIALO-CHRETIEN »

du possible - que les catholiques, qui sont au Chili l'immense majorité, fussent conséquents avec la fidélité à la doctrine traditionnelle et immuable de l'Eglise et refusassent leurs voix au candidat marxiste-léniniste.

* * * Les déclarations précédentes ouvraient la voie au directeur de « Mensaje », le Père Heman Larrain, S.J., et il ne se priva pas de faire les siennes. 'En effet , au cours de l'émission périodique « Réunion de Presse » du Canal 9 de TV, le 29 juin 1970, il avertit que : « Si on établit une plate-forme concrète de lutte, à partir de laquelle on se propose réellement de reconquérir la terre pour l'homme, de rendre l'homme plus fraternel, de faire que nous ayons tous les mêmes possibilités et que l'homme se réalise pleinement, évidemment je ne vois aucune raison qui pourrait empêcher un chrétien de voter pour un marxiste s'il juge que c'est la façon la plus convenable de réaliser cette ligne politique et ce des tin historique ». Il n'est pas nécessaire de souligner que le journal « El Siglo » s'empressa aussi - à deux mois des élections présidentielles - de publier ces déclarations sous de gros titres ( « El Siglo » 3-7-70 ). 3. Significatives « orientations pastorales» de l'Assemblée Plénière de la Conférence Episcopale du Chili ( CECH ) à Concepcion.

En mars 1970, l'Assemblée Plénière de la Conférence Episcopale du Chili se tint dans la cité méridionale de Concepcion. La Commission Pastorale des Evêques publia en juin 1970 un texte intitulé « Orientations Pastorales » . Nous en détachons quelques extraits significatifs. Le texte est rédigé de façon extrêmement schématique, et avec un langage dont le sens ambigu prend toute sa valeur dans


ACTION DIRECTE DANS LA VICTOIRE D'ALLENDE

125

la perspective du processus et des évènements relatés dans les chapitres antérieurs mais spécialement dans celui-ci et ceux qui suivent. En guise d'introduction, la Commission Pastorale des Evêques déclare: « L'Eglise chilienne a pris, ces dernières années, un chemin 'de mûrissement où l'on remarque deux grandes lignes. « La première ligne reçut une accentuation spéciale lors des' Assemblées Plénières de Chillan ( 1968) et de La Serena ( 1969 ), et s'est orientée vers la formation de Communautés ·chrétie~es de Base et vers des aspects catéchétiques et liturgiqûes. · « La seconde ligne vise la présence évangélisatrice de i'Eglise dans les différents milieux humains ( .. . ) et conduit à établir /'engagement de l'Eglise dans le Monde. ·· · «·. L'Assemblée de Concepcion a spécialement considéré '1é 'm;nde' des pauvres dans notre Patrie et a vu les changements qµi se font et qui restent à faire pour atteindre la pleine libération de l'homme chilien. << Donc, gardant en mémoire la Conférence Episcopale de Medel(in, elle affirme sa résolution d'adopter .des engagements concrets face.au processus de changements. · « Elle veut que l'Eglise ( ... ) se trouve présente activement au _côté de l'homme à la rech erche de sa libération. ,·· « La · Commission Pastorale des Evêques chargée de cette publication ( ... ) invite aussi, · partout où cela paraîtra opportun, à la -confronter avec les actes des Synodes diocésains eux-mêmes, dans les .églises respectives ·où -ils ont eu-lieu. Cette dernière suggestion vise à vérifier comment les orientations pastorales se sont déjà concrétisées au Chili ». , Quand on pense aux faits survenus dans les sessions synodales de l' Archidiocèse de Santiago en 1967 et 1968 ( cf. supra Hème Partie, chap. II, n . 2 ), nous demeurons réellement stupéfaits devant cette approbation. Le lecteur dispose ici d'une preuve ·supplémentaire de là ligne de conduite fermement 0


126 SOUS LE GOUVERNEMENT

<r

SOCIALO-CHRETIEN »

établie par ces évêques, dans leur compromis avec le processus démolisseur de l'Eglise et de la Patrie.

*

* *

Le document est alors consacré aux orientations « pastorales ». « Dans les commissions de l'Assemblée, le désir des Evêques d'assumer des engagements concrets pour rendre l'Eglise présente dans les milieux sociaux les plus vitaux a été mis en évidence. « Les critères d'orientations de ces options sont les suivants: « a) insister dans l'évangélisation de ces milieux les plus dynamiques, qui impliquent une plus grande influence dans les processus de changement de la société ( jeunesse; monde rural, ouvrier; étudiants, journalistes, intellectuels, artistes et professeurs). « b ) prendre les options pastorales en vue de l'avenir, en montrant ce que l'on peut prévoir de la précipitation des évènements ». Quels étaient les évènements qui se précipiteraient au Chili et de quelle façon leur prévision déterminerait-elle des « options pastorales » ? Les Evêques formulaient ces directives en mai 1970, à six mois de l'élection présidentielle qui porterait les partis marxistes-léninistes au pouvoir. Si l'on garde à l'esprit les déclarations faites par le Cardinal et le Secrétaire Général de !'Episcopat, Mgr. Oviedo, pour éviter que les catholiques - en vertu de leur doctrine et de leurs convictions - rejettent le candidat marxiste, la signification que prennent ces orientations vagues et schématiques est impressionnante. Les faits qui survinrent par la suite ne font que confirmer le service « pastoral » rendu par ces Prélats au progrès de la cause marxiste au Chili. Les « orientations pastorales » continuent: « fl s'agit de s'adresser à ces personnes qui bougent ou seront capables de bouger, à ces milieux les plus dynamiques et


A CTION DIRECTE DA NS LA VICTOIRE D'ALLENDE

127

qui sont le principe actif dans la construction d'un humanisme positif « fl faut situer ces personnes ( ... ). « La position des milieux et de ces personnes suppose une étude particulière dans chaque diocèse ( ... ). « Obtenir que le message chrétien explicite la relation entre libération du Christ et libérations humaines ( ... ). « Il est nécessaire que l'Eglise, ses membres et ses institutions acquièrent les traits que semblent demander les nouvelles circonstances ( ... ). « On doit bien tenir compte de ce que pour une période, dont Dieu seul connait la durée, nous aurons une Eglise avec peu de prêtres. « Cela nous oblige à insister sur la formation des laïcs ».

* * * Le document continue par ce qu'il appelle des « résolutions concrètes ». « Dans chaque diocèse, /'Evêque et son équipe de pastorale étudieront et fixeront des priorités pastorales selon les pointsclés de plus grande influence dans le changement social de la région, en détachant à cet effet les meilleurs éléments au service de ces priorités. « L 'Evêque se rapprochera et cherchera à appuyer spécialement la tâche des personnes ( prêtres, religieux et laïcs) qui sont plus engagées dans ces points-clés du changement social. « La révision pastorale des réunions de Provinces Ecclésiastiques se fera à la lumière de ces actes ».

* * * Le texte donne ensuite une « règle pour une réflexion pastorale »: « En se livrant à ces révisions pastorales, il convient de se demander sincèrement quel a été jusqu'à maintenant l'apport de l 'Eglise dans ce qui se rapporte aux nécessaires changements


128

SOUS LE GOUVERNEMENT

,r

SOCJALO-CHRETIEN »

sociaux; les a-t-elle favorisés, les a-t-elle ignorés ou les a-t-elle freinés ? Pourquoi? A -t-elle formé des personnes engagées, et dont l'engagement soit un témoignage de foi dans le Christ? ».

* *

*

Plus loin, le document épiscopal s'étend sur les « Commu nautés Chrétiennes de Base ». A ce sujet, les Evêques précisent que l' « 011 constate que les Communautés Chrétiennes de Base, encore naissantes, sont en train de surgir de part et d'autre. Les Communautés Chrétiennes de Base ont pour mission de reconstruire l'Eglise d'aujourd'hui en partant d'en-bas ». Cependant ce mouvement de base doit être promu d'enhaut, car le document épiscopal propose, deux paragraphes plus bas: « Former dans les diocèses des promoteurs de Communautés Chrétiennes de Base ». Nous voyons ici se dessiner l'instrument souple et dynamique destiné à porter les idées des Pasteurs et des Prêtres démolisseurs aux capillarités de l'Eglise et du Pays.

*

* *

Enfin , le texte rapporte que les nouveaux statuts de la Conférence Episcopale signalent comme une nouveauté spéciale quelques points parmi lesquels nous détachons les suivants : « a) l'aspe ct théologico-pastoral de la mission collégiale de la Conférence; « b) la structuration d'un Comité Permanent plus réduit et plus dynamique, fondé plus sur l'opérationnel pastoral que sur la représentativité locale » ( « Orientations Pastorales - III », Conférence Episcopale du Chili, Assemblée Plé1ùère, Concepcion mars 1970. C'est nous qui soulignons le texte ). Ce sera le Comité Permanent, agissant au nom de !'Episcopat dans la mesure où l'y autorisaient les statuts de la CECH et que lui permettaient les Evêques, que nous verrons aider si activement le processus marxiste de changements révolutionnaires .


ACTION DIRECTE DANS LA VICTOIRE D'ALLENDE

129

4. Dans les dernières semaines de la campagne électorale, l'autorité ecclésiastique n'interdit rien qui puisse servir Allende. A cette phase finale de la campagne présidentielle qui conduirait le marxiste Allende au pouvoir, tous les agissements non-sanctionnés de la gauche catholique acquièrent un caractère accusatoire beaucoup plus direct et grave pour celui qui était le détenteur du gouvernement del' Archidiocèse de Santiago et de la primauté dans la direction de l'Eglise Catholique au Chili, comme pour toutes les autorités ecclésiastiques qui se solidarisèrent avec lui ou gardèrent le silence. Par exemple, ce fut avec épouvante que les catholiques chiliens apprirent que le journal « El Siglo » publiait en bonne place une propagande, ornée de la faucille et du marteau, qui invitait à un hommage à Lénine qui aurait lieu, selon l'organe officiel du Parti Communiste, dans l'Eglise Paroissiale de Santa Catalina, dans le quartier « Salvador Cruz Gana » de Santiago. L'annonce mettait aussi en évidence que M. Carlos Maldonado, Secrétaire Général de l'Institut de Recherches Marxistes, prendrait la parole, et que serait projeté le film « documentaire » « Lénine en Octobre » ( « El Siglo », 18-4-1970 ). L'hommage blasphématoire eut effectivement lieu , sans que rien fût tenté pour l'empêcher de la part du CardinalArchevêque de Santiago qui considérait qu'il était licite à un catholique de voter pour un marxiste, et qui refusait l'autorisation de célébrer une Messe pour les victimes du communisme .. . Avec une satisfaction non-dissimulée, le journal du Parti Communiste rapporta à ce sujet: « L'hommage a été organisé par les cellules communistes des quartiers Villa Olimpica, Villa Canada et Salvador Cruz Gana, et dès le début, il a compté sur l'adhésion enthousiaste du Curé de la Paroisse, !'Abbé Pablo. ( ... ) A la présidence, prirent place le dirigeant du Comité local du PC, Hector Benavides; le Curé de la Paroisse, /'Abbé Pablo », etc .. . ( « El Siglo », 22-4-70. C'est nous qui soulignons le texte). Cette terrible distorsion de la mission pastorale de l'Eglise, pratiquée par un Prêtre au bénéfice du communisme , dans une


130

SOUS LE GOUVERNEMENT

«'

SOC/A LO-CHRETIEN»

Paroisse d'une zone éminemment ouvrière , rappelle les paroles de Notre-Seigneur Jésus-Christ contre ceux qui scandalisent les tout-petits ( Mt. XVIII, 6 ). N'importe quoi semblait pouvoir être auto risé, aux yeux des autorités ecclésiastiques : le sort était jeté en faveur du marxisme. « Haec est hora vestra et potestas tenebrarum » ( Le. XXII, 53 ).

* * "' Un nombre considérable de prêtres se manifestèrent ouvertement et publiquement en faveur du candidat marxiste Allende, quelques-uns en arrivant à prononcer des discours au cours de réunions publiques pendant la campagne électorale. Vingt prêtres et religieux, menés par l' Abbé Dario Marcotti, publièrent à Valparaiso un manifeste d'adhésion à la candidature d'Allende ( « Portada », n. 15, Octobre 1970 ). Le canal 13 de TV - propriété de l'Universi té Catholique, dont le Primat chilien est Grand Chancelier - ret ransmit une entrevue avec Fidel Castro. A ce propos, le quotidien « El Siglo » donna l'information que la pellicule de la discussion avec Fidel Castro avait été apportée à Santiago par le prêtre Juan Ochagavia, Doyen de la Faculté de Théologie de l'Université Catholique. L' Abbé Ochagavia faisait partie de la délégation de professeurs de l'Université Catholique qui visita Cuba, et qui était présidée par le recteur Fernando Castillo Velasco ( « El Siglo », 7-8-70 ). Dans la même édition , l'organe officiel du Parti communiste chilien publiait aussi avec allégresse les textes de prières remises par !'Episcopat chilien pour étre dites par les catholiques jusqu'au 4 septembre, jour des élections présidentielles. Sous le titre de « Evêques : veto indirect à Jorge A lessandri », « El Siglo » commente que par ces prières on « s'oppose indirectement aux positions de droite qu'incarne le candidat Jorge Alessandri » ( « El Siglo », 8-8-70 ). Une telle u tilisation politique par les communistes prouve jusqu'à quel point la propagande marxiste y trouva des avantages.


ACTION DIRECTE DANS LA VICTOIRE D'ALLENDE

131

L'un des quatorze textes de prières dit: « Ote de notre cœur toute angoisse et toute crainte devant les changements sociaux, afin que nous élisions l'homme qui puisse conduire notre patrie à des changements plus profonds pour le bien de tous les chiliens, comme Tu le désires. Prions le Seigneur » ( « El Siglo », 8-8-70; « El Mercurio » 10-8-70. C'est nous qui soulignons le texte ). En guise d'unique rectification, le Secrétaire Général de !'Episcopat, Mgr. Oviedo, affirma dans un communiqué: « Devant des interprétations nettement politiques qui ont été portées sur ce texte de prière, je dois déclarer qu 'elles sont entièrement étrangères à leur auteur » ( « El Mercurio », 11-8-70 ). La signification de ces prières n'en est pas pour autant moins claire ... Peu de jours avant les élections du 4 septembre, le prêtre Gonzalo Valdivieso ( qui avait été professeur dans le même établissement éducatif des Sacrés-Cœurs d'où les coopérateurs et sympathisants de la TFP furent expulsés pour leur position anti-communiste ) tenta de célébrer une Messe à la fabrique de polyester Yarur qui était occupée à main armée par d'anciens ouvriers de gauche et où il y eut même, pendant plusieurs heures, des otages. La police empêcha le Père Valdivieso de mettre son projet à exécution, mais le fait eut une grande répercussion dans la presse favorable au candidat marxiste ( « Portada », n. 15 ,octobre 1970 ).

* * * D'autre part , ainsi que la TFP aura l'occasion de le signaler dans le manifeste publié par la presse nationale le 27 février 1973 , l'attention du public fut spécialement attirée par le mutisme absolu, presque sans exception, du reste du Clergé qui ne faisait pas partie du courant communo-progressiste pendant la campagne présidentielle ; mêmes les voix les plus autorisées du Clergé anti-communiste gardèrent le silence. Cela pesa aussi sérieusement sur les évènements et, dans le contexte décrit dans ces pages, il est très révélateur du genre de direction que


132

SOUS L E GOUVE RNE ME NT «' SOCIA LO-CHRETIEN »

le Cardinal-Archevêque et d'autres figures représentatives de !'Episcopat National imprimèrent , avec énergie, à leur gouvernement ecclésiastique ( cf. « L'autodémolition de l'Eglise, facteur de la démolition du Chili » - « La Tercera de la Hora » et « Tribune », Santiago 27-2-73 ). 5. Dans l'incertitude, important secours l'ascension définitive d'Allende au pouvoir.

épiscopal pour

Ayant obtenu la majorité relative de 36% des votants à l'élection du 4 septembre 1970 , Allende devait attendre 45 jours de tension jusqu'à la réalisation de l'élection définitive du Président du Chili : La Constitution du Pays exige , comme on sait, qu'elle soit faite par les deux Chambres réunies du Congrès National entre les deux candidats ayant obtenus les meilleurs résultats, au cas où le vainqueur de l'élection directe n'obtiendrait pas la majorité absolue . Telle était précisément la situation. Salvador Allende, triomphant par un maigre 1,6% du second candidat appuyé par les forces de droite , avait devant lui une lutte difficile : une énorme majorité de chiliens, parmi lesquels d'innombrables électeurs du candidat marxiste au pouvoir. Il y eut même des organisations de base du Parti Démocrate-Chrétien qui rendirent public leur désir de voir les députés du PDC voter contre Allende ( « Portada » n. 15, octobre 1970 ). Au Congrès National lui-même, les parlementaires de droite et démocrates-chrétiens constituaient, par rapport à ceux de la coalition qui soutenait Allende, une écrasante majorité. Sans compter naturellement « Jeune Eglise » - qui , dans une déclaration publique, fit pression sur le Cardinal-Archevêque pour qu'il anticipe le verdict du Congrès National en appuyant l'élection d' Allende à la présidence de la République ( « C!arin », 13-9-70) - divers organismes d'apostolat officiel de l'Eglise s'empressèrent de serrer les coudes aux cô tés du candidat marxiste.


ACTION DIRECTE DANS LA VICTOIRE D'ALLENDE

133

En effet les organisations « Mouvement Ouvrier d'Action Catholique », « Jeunesse Ouvrière Catholique », « Action Catholique Rurale », « Jeunesse Etudiante Catholique » et « Jeunesse Universitaire Catholique » rendirent publique une déclaration conjointe par laquelle ils affirmaient, entre autres choses: « Devant le triomphe des travailleurs à travers la candidature de /'Unité Populaire ( UP ) dans la personne du Dr. Salvador Allende G., nous lançons un appel aux ouvriers, paysans et étudiants, pour que, dépassant les différences idéologiques pré-électorales, nous affrontions la construction d'une nouvelle société, où nous ayons tous une possibilité de participer. En tant que mouvements apostoliques membres de l'Eglise, signe du Christ libérateur dans /'Histoire, et dont la mission est de servir l'homme, nous nous engageons à continuer à travailler pour que le processus de changements qu'a indiqué la majorité signifie une authentique libération, où les valeurs de l'Evangile se réalisent » ( « Clarin », 13-9-70 ). Le Père Manuel Segura, à l'époque Provincial de la Compagnie de Jésus, adressa une lettre à tous les jésuites, les appelant à collaborer avec le programme de !'Unité Populaire. Réservant la possibilité de s'opposer à une éducation matérialiste obligatoire que le gouvernement marxiste viendrait éventuellement à établir, la lettre disait: « Le programme de l'UP, connu de vous tous, fixe quelques objectifs que nous pourrions considérer comme authentiquement chrétiens ( ... ). Ce doit être pour nous un motif de joie profonde que le groupe qui a obtenu la majorité aux urnes promette de travailler pour le peuple et pour les pauvres. ( .. . ) Notre attitude sincère doit être de collaborer loyalement pour tout ce qui signifie le bien des pauvres et pour la création d'une société plus juste. En aucune manière nous ne devons apparaître comme alliés à ceux qui s 'opposent à ces transformations, très souvent en défense de leurs intérêts personnels » ... ( « SIC », n . 328 ). De son côté, !'Evêque Jorge Hourton, Administrateur Apostolique de Puerto Montt, allant au devant du verdict du


134

SOUS LE GOUVERNEMENT « SOCIALO-CHRETIEN .»

Congrès National, donnait comme certaine la ratification définitive de l'élection d'Allende ( « CIDOC », n . 251 ). *

*

*

La Conférence Episcopale chilienne se prononça, dans ces jours de tensions, par une déclaration datée du 24 septembre 1970 à Punta de Tralca. La déclaration était signée par Mgr. José Manuel Santos, Evêque de Valdivia, et Mgr. Carlos Oviedo Cavada, Evêque auxiliaire de Concepcion, respectivement Président et Secrétaire Général de la CECH. Les Evêques commençaient leur déclaration en rappelant que « quelques jours avant le 4 septembre, quand il n'était pas encore possible de prévoir lequel des trois candidats obtiendrait la première majorité, nous, Evêques, avions déclaré que nous rendrions visite uniquement au candidat qui aurait la majorité absolue; dans le cas contraire, nous attendrions la fin du processus constitutionnel ». Pourtant, dans le même document où la Conférence Episcopale du Chili faisait état de sa décision de ne pas rendre la visite de reconnaissance au candidat vainqueur s'il n'avait pas obtenu la majorité absolue, une fois que le candidat placé dans ces conditions fut le marxiste Allende, les Evêques trouvèrent le moyen de le reconnaître implicitement. En effet, la Conférence Episcopale exprimait, en appliquant au Chili un extrait de la Déclaration de Medellin, ce qui suit: « Nous sommes au seuil d'une nouvelle époque historique de notre continent, pleine du désir d'émancipation totale, de libération de toute servitude, de mûrissement personnel et d'intégration collective. Nous ne pouvons manquer d'interpréter ce gigantesque effort pour une transformation et un déveleppement rapides comme un signe évident de !'Esprit, qui conduit !'Histoire des hommes et des peuples vers leur vocation ». Pour ajouter bientôt que « nous, chrétiens, nous voulons participer avec les valeurs de l'Evangile à la formation de l'hom me nouveau »... poursuivant plus loin : « Nous avons coopéré et nous


ACTION DIRECTE DANS LA VICTOIRE D'ALLENDE

135

voulons coopérer aux changements , spécialement à ceux qui favorisent les plus pauvres. Nous savons que les changements sont difficiles et qu'ils comportent de grands risques pour tous. Nous comprenons qu'il coûte de renoncer à quelques privilèges » ( « El Mercurio», 26-9-70; « Documentas del Episcopado », Chili, 1970-1973, pp. 28 et 29. C'est nous qui soulignons le texte ). Cette déclaration, dans les circonstances qui l'accompagnaient, fut interprétée par tous les milieux politiques comme une manifestation d'appui implicite à Allende, car elle appelait les catholiques à perdre leur crainte de la tragédie qui s'approchait et insinuait de façon ambiguë que l'avènement du marxisme au pouvoir était comme une sorte de signe des temps plus ou moins inévitable , et même désirable . Ils écartaient ainsi le moindre risque qu'un parlementaire du Parti Démocrate-Chrétien votât contre A11ende lors de l'élection que le Congrès devait effectuer en séance plénière sous quelques semaines. Pour sa part , le candidat marxiste et franc-maçon A11ende paraissait tellement sûr de l'appui de !'Episcopat à son futur gouvernemen t qu'il faisait ces déclarations significatives au « New York Times », en octobre 1970: « On sait parfaitement que les vieilles in compatibilités entre la franc-maçonnerie et l'Eglise son t dépassées. Ce qui est plus important, l'Eglise Ca tholiqu e a subi des changements fondam entaux ( ... ). J'ai eu l'occasion de lire la déclaration des Evêques à Medellin et le langage qu'ils utilisent es t celui que nous utilisons depuis notre initiation à la vie politique, il y a trente ans de cela. A cette époque nous étions condamnés à cause de ce langage qui est aujourd'hui celui des Evêques Catholiques. Je crois que l'Eglise ne sera pas un fa cteur d 'o pposition au gouvernement de /'Unité Populaire. A u contraire, ce sera un élément en notre fave ur, car nous serons en train d'essayer de convertir en réalité la pensée chrétienne ». * * * Une longue étape du chemin vers le calvaire où était conduit le peuple chrétien du Chili était accomplie.


TROISIEME PARTIE

SOUTIEN EPISCOPAL AU GOUVERNEMENT MARXISTE D'ALLENDE


CHAPITRE PREMIER

L'ENGAGEMENT DES PASTEURS AVEC LE PROGRAMME DE DESTRUCTION MORALE ET ECONOMIQUE D'UNE NATION CATHOLIQUE

Après que l'élection de M. Allende fut ratifiée par le Congrès National, le Cardinal Archevêque de Santiago mit à parler un langage plus clair. 1. L'appui joyeux du Cardinal dès la première heure suscita la sympathie des catholiques envers le programme d'Allende.

A l' occasion de la visite qu'il fit au marxiste Salvador Allende pour le féliciter de son élection, Mgr. Silva Henriquez déclara : « Nous sommes venus présenter nos compliments au Président du Chili et lui dire que nous sommes à sa disposition pour servir notre peuple et aider à la réalisation des grands programmes de bien public qui sont les siens » ( « Ercilla », 4-11-70 . C'est nous qui soulignons le texte). Le 27 octobre, le président marxiste élu se rendit à l'Archevêché de Santiago pour rendre sa visite au cardinal. Le Prélat se laissa photographier en compagnie du dirigeant marxiste dans des poses souriantes et amicales et lui fit cadeau d'une Bible. Au moment où le cardinal se sépara d' Allend e, il lui dit : « Comptez sur moi, Président » ( « El Sig)o », 28-10-70 ).


138

SOUTIEN EPISCOPAL AUX MARXISTES

La célèbre revue française « Informations Catholiques Internationales », en rendant compte du même fait, ajouta: « En expliquant plus tard aux journalistes le sens de ces derniers mots, le cardinal affirma qu'ils voulaient dire que l'Eglise du Chili désire aider en tout le nouveau Président ». La revue cite ensuite ces phrases du Prélat chilien: « Il fau t que tous les chiliens travaillent pour réaliser concrètement les idéaux de bien commun et de rédemption sociale, qui sont ceux du président » ( « ICI», 15-11-70, pages 12 et 13. C'est nous qui soulignons le texte). De son côté, le journal « Clarin » eut une entrevue avec Mgr. Silva Henriquez peu après que le président élu eut quitté le siège de !'Archevêché. Le périodique dit qu'il demanda au Cardinal comment il voyait le rôle de l'Eglise dans un gouvernement présidé par un marxiste: « Je crois que ce doit être un rôle de coopération franche et loyale dans toutes les choses de bien commun » - répondit le Primat de l'Eglise du Chili, émettant tout de suite après des réserves inconséquentes et générales à propos des prêtres qui désiraient faire de la politique ( « Clarin », 1-11 -70 ). On trouve dans ces expressions le ton du comportement que Je Cardinal-Archevêque maintiendra au cours de toute son activité collaborationniste. En effet, elles ont pour but de défaire tout sentiment de prévention ou de vigilance de la part des catholiques chiliens face aux programmes marxistes d'Allende et en plus, d'attirer l'enthousiasme des fidèles pour de tels programmes. A chaque fois que l'occasion s'en est présentée, le Pasteur de Santiago a fait preuve d'un enthousiasme pour Allende et son gouvernement qui semblait presque n'avoir pas de limites. En de telles opportunités, il oublia - avec beaucoup de facilité - d'ajouter qu'il devait combattre l'action du gouvernement marxiste en tout ce qui fût contraire à la loi de Dieu et au droit naturel. D'un autre côté, quand la pression anti-communiste de l'opinion catholique, scandalisée par les excès alarmants de la faction extrême du communo-progressisme, exigeait du Pasteur quelque prise de position, Mgr. Silva Henriquez, pour ne pas


COMPROMIS DANS LA DESTRUCTION DU PAYS

139

perdre clairement l'identité avec lui-même et avec sa charge, s'est toujours montré ambigu, confus et faisant perdre de l'élan à la légitime réaction anti-marxiste de l'immense majorité de ses fidèles. 2. Le Te Deum « œcumemque » <l'Action de Grâces pour la prise en charge du pouvoir par le président marxiste.

L'arrivée au pouvoir de Salvador Allende - premier Président marxiste-léniniste du Chili - fut l'occasion pour le cardinal de promouvoir un Te Deum « œcuménique » <l'Action de Grâces à la Cathédrale de Santiago, avec la participation de pasteurs protestants et de rabbins ( « La Revista Catolica », n . 1015, septembre-décembre 1970, page 5885 ). Pendant cette cérémonie - selon la revue « Ercilla » - au lieu de faire le signe de croix , les prélats étendirent leurs bras en avant . Chacun prononça une invocation selon son rituel. Ensuite, il y eut une prière en commun: « A ccorde le succès à ton fils président dans sa nouvelle charge » ... ( « Ercilla », du 4 au 10-11-70 ). Pendant les « Conversations de Tolède », déjà citées plusieurs fois, Mgr. Silva Henriquez - qui, comme on se le rappelle, avait prononcé ces mots en juin 1973, alors que le gouvernement marxiste avait déjà fait une bonne partie de son chemin vers le communisme - déclare, faisant référence au Te Deum « œcuménique » demandé par Allende: « Un dirigeant communiste, qui était recteur de l'université technique ( ... )à Santiago, à la réception qu'il y eut à l'A mbassade Soviétique ( après le Te Deum) et à laquelle j'ai été invité, me dit ceci: Eminence, je n'avais jamais assisté à une cérémonie religieuse qui me touchât aussi profondément. C'est là effectivement que s'est fait la transmission du pouvoir au Chili: à la Cathédrale de Santiago. C'est là une chose étrange, quelque chose d 'a-typique : nous sommes en dialogue avec un gouvernement qui est marx iste, qui est athée, mais qui jusqu'à présent n'a pas été contraire à l'Eglise. La Vérité est celle-là . Et l'Eglise non plus ne veut pas


140

SOUTIEN EPISCOPAL AUX MARXISTES

être contraire au gouvernement » ( « Teologia de la Libéracion », Conversations de Tolède, juin 1973, cf. « El Mercurio », 2-12-75. C'est nous qui soulignons Je texte) . Les affirmations du cardinal parlent d'elles-mêmes. 3. Des déclarations révélatrices du Cardinal à des reporters cubains. Non content de tout ce qui s'était déjà passé, Mgr. Silva Henriquez décida de porter un nouveau coup à la conscience catholique - déjà affligée - de son troupeau. Il fit les déclarations suivantes à deux reporters cubains, Luiz Baez du périodique « Juventud Rebelde » et Gabriel Molina de Radio Havane: « Les réformes de bases contenues dans Je Programme de !'Unité Populaire sont appuyées par l'Eglise Chilienne ». Il ajouta tout de suite après - selon les reporters cubains que « c'est un travail très difficile qui est en train de commencer au Chili, mais on s'attend à ce que maintenant il puisse être accéléré ». C'est-à-dire - le commentaire est de nous - que le Cardinal manifeste ici qu'il a pleine conscience de la nature du processus socialiste et confiscatoire du gouvernement Frei, qu'il appuya si chaleureusement; processus qu'il s'attendait à voir poursuivre et, plus encore, accélérer par l'arrivée du marxisme au pouvoir. Il était donc naturel qu'à la suite il renchérit: « Nous voyons cela, l'Eglise voie cela, avec une immense sympathie ». Plus loin, Mgr. Siva Henriquez exprima qu' « en beaucoup de choses, nous allons travailler en accord avec l'actuel gouvernement ». Le Cardinal fit référence aux relations de l'Eglise avec des dirigeants de l'UP dans les termes suivants « elles sont très bonnes, nous n'avons aucun dissentiment avec eux . Nous sommes d'accord en beaucoup de choses »... 11 mit de suite de côté les pse udo-réserves générales qu'il parut avoir auparavant - à des moments de réaction populaire catholique anti-communiste - envers les groupes « catholi-


COMPROMIS DANS LA DESTRUCTION DU PAYS

141

ques »-marxistes qui donnèrent ouvertement leur appui à l'élection présidentielle d' Allende. En effet le Cardinal continua sur le même ton ses déclarations en affirmant nonchalamment que « Nous savons aussi qu'il y a un nombre de fidèles, de catholiques pratiquants qui font partie de !'Unité Populaire ». En faisant à nouveau référence aux réformes qu'Allende prétendait réaliser, le Prélat chilien témoigna: « Il se peut très bien que nous ne concordions pas pleinement quant à l'action de réformes; c'est-à-dire, que nous n'ayons pas le même critère. Cependant ce n'est pas à nous qu'il revient de déterminer ni quelles sont les réformes à faire, ni quelle est la méthode à employer. Cela est du ressort du gouvernement. Ce qui nous intéresse, c'est que le résultat de ces réformes soit celui que nous attendons tous ». Tout en octroyant au nouveau régime socialiste-marxiste une compréhension indulgente qu'il nia combien de fois au régime capitaliste, Mgr. Silva Henriquez crut qu'il était de son devoir de déclarer aussi que « sien parcourant ce chemin l'on commet des erreurs, je crois qu'il n'y a aucun gouvernement de ce monde et d'aucune idéologie dont on puisse assurer qu'il ne comettra jamais une erreur. Nous devons comprendre et savoir quelle est la finalité que l'on poursuit; quelle est l'intention droite et honnête qu'il y a. Et c'est cela que nous devons appuyer ». Le Cardinal poursuit: « L'Eglise doit être la servante de cette grande cause des pauvres et Elle doit se mettre de son côté. Nous sommes appelés à être les premiers à lutter contre toutes les injustices ». C'est-à-dire que les catholiques n'avaient qu'à oublier que le gouvernement d' Allende faisait partie de la stratégie de domination impérialiste d'une secte intrinsèquement perverse. Ils auraient dû penser que la cause marxiste du Président était la cause sympathique des pauvres ... Et que le chemin de la justice se trouverait par l'injustice d'un régime comme celui que l'on prétendait imposer au Chili!


142

SOUTIEN EPISCOPAL AUX MARXISTES

En insistant à nouveau sur les réformes, le Cardinal-Arche· vêque affirma que « la plupart des réformes souhaitées par !'Unité Populaire coïncidaient avec les désirs et les souhaits de l'Eglise. De la sorte, nous les appuyons clairement »... En plus il ajoute que l'Eglise désire un gouvernement qui ait « du succès et qu'Elie va collaborer loyalement dans ce sens ». Se sentant peut-être encouragés par ces déclarations véritablement terrifiantes et incroyables , les reporters cubains demandèrent à Mgr. Silva Henriquez ce qu'il pensait des relations de l'Eglise avec les états socialistes. Le Cardinal s'expliqua de la sorte: « Je crois que le socialisme a d'énormes valeurs chrétiennes qui sous beaucoup de points de vue sont très supérieures au capitalisme: la valeur que l'on donne au travail; que l'on donne à la personne humaine sur le capital. fl me semble qu'il est d'une valeur extraordinaire de pouvoir rompre l'exigence, la tyrannie du bénéfice, la soif de bénéfice et de pouvoir aussi organiser toute la production. Il me semble que tous ces idéaux que l'on poursuit sont très près de ce que souhaite l'Eglise pour l'organisation de la société ». Que peuvent dire devant le Tribunal de Dieu, à propos de ces effroyables déclarations, les milliers de catholiques qui sont morts, victimes du « respect de la personne humaine » qui se pratique dans les camps de concentration de Cuba , de Russie et d'autres nations socialistes? Qu'y a-t-il de commun entre la conception matérialiste et mécanique du travail d'esclave dans les camps et fabriques socialistes et la notion chrétienne qui valorise dans une mesure juste et équilibrée l'effort produit par l'ouvrier? Et que dire de cette dérision qu'est l'éloge du cardinal à l'organisation étatiste de toute l'économie, pour les peuples soumis à l'orbite socialiste qui souffrent des terribles conséquences de la planification totale et inhumaine ? Comment ne pas être stupéfait face au mépris démontré par un Prince de l'Eglise dans ces déclarations envers le droit naturel et la doctrine sociale catholique sur la propriété, le désir

/


COMPROMIS DANS LA DESTRUCTION DU PA YS

143

légitime du bénéfice, l'initiative privée, la subsidiarité et la conception de l'Etat? Le Prélat chilien se compromet ainsi d'une telle manière avec le socialisme, que ses déclarations pourraient parfaitement être souscrites par quelqu'un qui professe ouvertement et fanatiquement l'utopie égalitaire et anti-chrétienne étroitement mêlée au système économique et social du marxisme. En même temps, aussi bien à cette occasion qu'à beaucoup d'autres, le Cardinal critique, sans y mettre les nuances de la Doctrine Catholique, le capitalisme, qui étant bon en lui-même , est condamnable seulement dans ses abus. Après ce terrible compromis socialiste, le Cardinal ajouta: « Nous devons collaborer réellement avec les hommes de bonne volonté qui sont en train d'améliorer le monde et nous ne de vons pas nous attacher à des insti utions ou des organisations économiques et sociales qui sont transitoires, et, pour beaucoup d'entre elles, déjà périmées. L'Eglise ne peut se sentir obligée à maintenir des institutions ou des·régimes économiques qu'Elie n'a même pas établis et qu'Elie n'est pas appelée à maintenir » ... Quels sont ces institutions, ces organisations et ces régimes socio-économiques auxquels nous ne devons pas nous attacher, étant vu que le socialisme présente tant d'avantages aux yeux du Cardinal et le capitalisme tant de défauts? Dans le contexte de rentrevue, la formulation ambiguë et générale de Son Eminence - qui suggère plutôt qu'elle affirme - se prête aux plus grandes désorientations pour les fidèles catholiques. Et cette désorientation se passait justement pendant que ceux-ci se trouvaient plongés dans le climat émotionnel et idéologique d'un régime qui prétendait détruire le droit de propriété privée, l'initiative privée et instaurer à sa place le collectivisme égalitaire de l'état. Le Cardinal termina en faisant comme deux espèces de demand es à propos de l'œuvre de destruction morale et économique de deux nations chré tiennes. Nous ne savons vraiment pas comment qualifier de telles demandes sur les lèvres d'un Pasteur catholique .


/ 144

SOUTIEN EPISCOPAL AUX MARXISTES

En effet, parlant d' Allende - l'homme qui avant de se suicider deviendrait le fléau de son peuple pendant qu'il luJ préparait hypocritement un terrible bain de sang ( 1) - Je Cardinal déclara : « fl s'agit d 'un politicien loyal et honnête qui a lutté pendant toute sa vie pour un idéal et qui à présent est en condition de pouvoir le réaliser. Je demande à Dieu qu'il puisse réaliser effectivement tout le bien qu'il souhaite pour sa Patrie ». S'adressant ensuite au peuple cubain - après que le dictateur communiste de l'île-prison lui-même eut reconnu à plusieurs reprises son échec et les pénuries économiques auxquelles il était en train de soumettre le glorieux et éprouvé peuple des Caraïbes, l' Archevêque de Santiago ne craignit point de dire : « Je demande au Seigneur qu'il aide le peuple cubain dans la tâche qu'il est en train de réaliser »... ( « Ultima Hora » , 12-11 -70. C'est nous qui soulignons le texte ). Quand on pense à la misère et au manque de bonheur que le marxisme - soit dans notre Patrie, soit dans n'importe quel autre endroit - a apporté aux peuples qui l'on souffert ; quand on pense au travail d'esclave que subit l'infortuné peuple cubain, au « paredon » ( mur où l'on fusille les condamnés ) et aux horribles prisons comme celle de La Cabana, ces deux souhaits du Prélat chilien nous rendent stupéfaits, c'est le moins que l'on puisse dire . Mais surtout quand l'on considère l'affront à Dieu et à son Eglise qu'est l'existence des régimes marxistes et anti-chrétiens sur la face de la terre, il est impossible de ne pas faire allusion à la question qui , tout au long de cette tragique série de faits que nous décrivons, se présente plusieurs fois à l'esprit : Qu'a fait le Pasteur chilien de la Sainte Mission qui lui fut confiée de conduire les âmes à Notre-Seigneur Jésus-Christ?

( 1) A propos de la pré parati o n de la dictature sa ngl a nt e du prolétaria t, vo ir note 1, ch apitre Ill - lllèm e partie et ann exe Vil.


COMPROMIS DANS LA DESTRUCTION DU PAYS

145

4. Le Cardinal condamne l'emploi d'arguments religieux contre des candidats marxistes.

Après avoir expliqué avec tant de cruauté sa position de collaboration avec le régime marxiste - dans ses déclarations aux reporters cubains, que nous venons de voir - le Cardinal est resté cohérent en se déterminant quelques mois plus tard face à la première élection générale qui se réalisait sous la présidence d'Allende. Les fidèles purent lire le communiqué suivant signé par lui et ses évêques auxiliaires : « Chaque croyant est libre d'assumer ses propres engagements politiques, selon sa conscience éclairée par l'Evangile. C'est pour cela que nous déplorons et dénonçons, comme une agression abusive contre les consciences, l'utilisation d'arguments électoraux basés sur des faits ou des motifs religieux ». Cette élection générale était l'une des premières grandes occasions pour les catholiques de réunir des efforts et de pouvoir opposer une résistance à la communisation du Chili et cela dans le régime démocratique-même stipulé par les lois du Pays. La déclaration du Cardinal et des évêques avait comme conséquence inhérente d'éliminer le motif le plus profond de cette réaction: il niait la possibilité de soulever des arguments religieux pour appeler l'électorat à ne pas voter pour des candidats marxistes . Pour que l'on puisse se rendre compte de la paralysie qui toucha les fidèles par ce communiqué, il est nécessaire de considérer que les causes principales qui obligent un catholique à refuser sa collaboration au communisme sont précisément d'ordre religieux et moral. D'un autre côté, l'appui apporté au président marxiste par le Cardinal se voulait basé sur des exigences évangéliques d'extirpation de l'injustice et de la misère .. . Le même communiqué auquel nous faisons allusion lance un peu plus loin un appel « aux cath oliques ( ... )pour surpasser des tentions et des conflits inutiles. Visez plus loin qu'un pro-


146

SOUTIEN EPISCOPAL AUX MA R X ISTES

cessus électoral; soyez les premiers à lutter pour les transformations profondes des hommes et des structures exigées par· l'Evangile » ( « El Mercurio », 31-3-71 ). Ainsi, pour le Cardinal et les évêques de Santiago, la position anti-communiste d'un catholique, en tant que tel, paraîtrait ne plus avoir de sens. Leur recommandation pastorale était d'oublier les incompatibilités irréductibles entre le catholicisme et le marxisme, ou peut-être d'établir une parenthèse entre elles, pour collaborer à l'évolution irréversible des temps en une synthèse commune qui serait la profonde transformation des structures. Les transgressions morales impliquées par une telle attitude semblent ne rien représenter aux yeux du Cardinal et des évêques, du moment que le vague changement social prévu se produise le plus tôt possible. En outre, parler de transformation de structures sans précisions concrètes, au moment de la confusion existante et pendant qu'une révolution marxiste était en cours, constituait une collaboration inéquivoque avec le régime d'Allende. 5.

Premier Séminaire National de Responsables de Pastorale.

En mars 1971, le bulletin « lglesia » du Département de Communications Sociales de la Commission Episcopale Chilienne publia dans son numéro 5 les conclusions du « Premier Séminaire National de Responsables de Pastorale » réalisé au moment-même où les convulsions provoquées par l'application du marxisme au Clüli agitaient le Pays. Dans l'introduction des « Conclusions », la Commission Pastorale de !'Episcopat fait allusion de nouveau aux Assemblées Episcopales Plénières successives de 1968, 1969 et 1970, ainsi qu'à leurs Orientations Pastorales respectives pour l'Eglise du Chili ( cf. supra partie Hème, chap. III, n . 3 ). Il est déclaré aussi dans cette introd uction que les « responsables de pastorale » - Evêques , vicaires généraux, curés et membres d'équipes auxiliaires de tout .le Chili - feraient une

/


COMPROMIS DANS LA DESTRUCTION DU PAYS

147

évaluation du programme d'orientation pastorale des fidèles, qui était en train de se développer ces dernières années. Parmi les objectifs que se proposait l'évaluation , nous signalons les suivants: « Le deuxième objectif était de se faire une idée de la réalité que vivait le pays et de la direction que prenait cette réalité, spécialement après les changements politiques qui s'étaient produits dans le pays ». « Le quatrième objectif était de faire faire aux participants du Séminaire une confrontation des Orientations Pastorales avec ces éléments de jugement pour déclarer si ces orientations continuaient d'être valables, sur quoi il fallait insister ou quelles nouvelles choses devraient être proposées » ( C'est nous qui soulignons le texte ). La Commission Pastorale de !'Episcopat ne craignit pas d'affirmer - après ce processus par lequel Allende est monté au pouvoir grâce à l'intervention décisive de l'Eglise en faveur du gauchisme et du marxisme-même - que : « Il est encourageant de pouvoir vérifier l'unité de fond sur laquelle nous avons travaillé, ainsi que la validité des Orientations que nous avons fournies au cours de ces dix dernières années. « Il manque toutefois que l'on s'engage plus à fond et que l'on soit plus conséquent avec les lignes que nous avons découvertes » ( C'est nous qui soulignons le texte ). Semblant ignorer l'évidente réalité du processus de destruction de l'existence du Chili comme nation chrétienne, le Séminaire adopte des « Conclusions » du genre: « Il est nécessaire de promouvoir une étude critique de la réalité actuelle qui ait pour objet de découvrir dans les personnes, dans les actions et dans les réalisations, les coïncidences et différences entre les visions chrétienne et marxiste de la réalité » ( C'est nous qui soulignons le texte ). C'est-à-dire , encore une fois , que l'on peut faire la preuve de ce qui , au fur-et-à-mesure que le gouvernement Allende faisait du chemin , devenait plus aberrant: ces autorit és ecclé-


148

SOUTIEN EPISCOPA L AUX MA RXISTES

siastiques-là avaient abandonné leur devoir de lutte idéologique contre le communisme. Il s'agissait de dialoguer, de chercher des coïncidences et des différences, tout comme si l'on était pas face à face avec la stratégie d'une secte internationale qui prétendait dominer le Pays. Il est clair que le Chili catholique n'aurait pas toléré une déclaration marxiste de la Hiérarchie ecclésiastique. Il ne s'agissait pas de cela . L'action des autorités ecclésiastiques engagées dans le processus révolutionnaire chilien était beaucoup plus subtile et en conséquence, plus pénétrante et plus efficace: il s'agissait de considérer le marxisme comme une science et un phénomène historique de plus, dans lequel il est nécessaire de voir des aspects positifs et négatifs, en toute impartialité. La militance et l'apologétique catholique face à un ennemi formidable , qui, contrôlé de Moscou ou de Pékin, asservit des millions d'êtres, viole les traités, poursuit la Religion et adopte des formes tactiques adaptées aux circonstances, voilà ce qui était en train d'être mystérieusement mis de côté. Quelle réalité nationale « en ses aspects socio-économiques, idéologiques, culturels et politiques » avaient étudiée les responsables de la Pastorale ecclésiastique au Chili ? Certainement une réalité bien différente de celle que le peuple catholique sentait peser sur ses épaules sous l'oppression marxiste. Il était donc naturel que les participants du Séminaire en arrivent à la conclusion qu'il était nécessaire de rendre urgente la « mise en pratique » des Orientations Pastorales antérieures . Autrement dit - comme nous l' avons déjà vu -, accentuer la dynamisation des changements sociaux, toujours vagues et toujours urgents, et celle du processus de gauchisation du Chili. Quand on pense comment ces Pasteurs ont aidé le marxiste Allende à se maintenir au pouvoir jusqu'au dernier moment , il est terrible d'avoir en vue les conclusions suivantes du Séminaire d'évaluation pastorale: « Orienter le respect de la présence du Chris t dans /'Histoire du Chili d'aujourd'hui.

/


COMPROMIS DANS LA DESTRUCTION DU PA YS

149

« Que l'on accentue les valeurs en vigueur aujourd'hui. « Respecter le processus de mûrissement du peuple, non pas en passant d'une orientation à l'autre, mais en permettant bien plus un approfondissement de chacune d'elle » ( le texte est souligné par ses auteurs). Tout en se moquant brutalement de la réalité du processus qui déchirait la Nation, ou plutôt en faisant fi de son caractère essentiellement funeste, les participants du Séminaire déclarèrent ensuite: « Au Chili, actuellement, l'on est en train de passer d'un contexte capitaliste à un contexte socialiste. Le chrétien doit vivre ce processus de l'intérieur, non pas comme un spectateur, mais avec une attitude généreuse et constructive, car le Christ est en train d'animer ce monde nouveau, et découvrir le besoin d'une libération totale de l'homme » ( le texte est souligné par ses auteurs ). Dans les termes ambigus dans lesquels cette appréciation est formulée à propos du devoir du chrétien de s'insérer dans le processus marxiste qui sévissait au Chili, l'on insinue que NotreSeigneur Jésus-Christ était en train d'animer le nouveau monde qu'Allende développait! Des éléments des plus dynamiques et capillaires des structures ecclésiastiques, sous la direction de leurs Pasteurs, insinuent un accommodement blasphématoire entre les desseins de Notre-Seigneur et ceux du monde égalitaire, collectiviste et anti-chrétien que la secte rouge, derrière Allende, était en train de construire au Chili ! Comment certains Pasteurs pourront-ils dire à la suite de cela qu'ils n'ont pas collaboré au maintien du marxisme au pouvoir? Nous ne fatiguerons pas le lecteur avec le reste de ces conclusions. Elles sont toutes du même genre. Nous rappellerons seulement que parmi les participants de ce Séminaire se trouvaient le Cardinal Raul Silva Henriquez, alors déjà Président du Comité Permanent de ('Episcopat, et du Prêtre Rafael Maroto en sa qualité de Vicaire Episcopal de Santiago . ' Après un peu plus de trois ans , l'ex-Vicaire Episcopal, qui avait occupé une charge d'une telle responsabilité sous Je


150

SOUTIEN EPISCOPAL AUX MARXISTES

gouvernement ecclésiastique du Cardinal et qui avait été l'un de ses « Responsables de Pastorale » était arrêté, portant au cou un symbole du terrorisme communiste du MIR ! Nous nous occuperons toutefois de cette affaire, avec plus de détails, un peu plus loin ( cf. infra Partie IVème, chap. V, n. 4 ). 6. Réprobation du militantisme partisan de prêtres communoprogressistes, mais pas de leur « option individuelle » marxiste.

Le clergé communo-progressiste sentit que le moment était venu de transformer notre Patrie en un véritable rempart de son œuvre de transbordement idéologique des mentalités catholiques vers le communisme. D'innombrables et scandaleuses manifestations communo-progressistes eurent alors lieu, dévoilant une détermination de rendre publique l'existence d'organisations cléricales pour l'implantation du communisme au Chili ( cf. « L' Autodémolition de l'Eglise, facteur de la démolition du Chili », « La Tercera de la Hora » et « Tribuna », 27-2-73 ). Nous rendons compte ici, à titre d'exemple, de la déclaration publiée par pas moins de 80 prêtres au mois d'avril 1971, pour la collaboration militante et ouverte avec le marxisme ( « El Mercurio », 14-4-71 ). Plusieurs professeurs de théologie de l'Université Pontificale de Santiago ont adhéré aussi publiquement à cette déclaration. Ils déclarent en appui aux « 80 » prêtres : « Nous ne pouvons qu'être d'accord que les conditions d'exploitation dans lesquelles vivent les classes laborieuses et qui acquièrent une réalité dramatique dans le chômage, la mal nutrition et la misère d'ouvriers et de paysans sont le résultat du système capitaliste dont elles dépendent et qui existe au Chili. « ( ... ) Le processus de construction du socialisme est la voie concrète et réelle qui se présente aujourd'hui dans l'histoire de notre société, pour dépasser l'injustice et la misère. On ne peut nier, en outre, qu'un tel projet soit chapeauté par des partis


COMPROMIS DANS LA DESTRUCTION DU PAYS

151

d'orientation marxiste. Cela rend évident pour les chrétiens la nécessité de collaborer avec les marxistes. Vouloir construire une société libre et socialiste, à l'heure actuelle, en marge de ces partis marxistes, constituerait une ingénuité, une superficialité et un manque de sens de l'histoire. En plus, c'est déjà un fait notoire que Je nombre de chrétiens sérieusement engagés avec les partis d'orientation marxiste pour la construction du socialisme au Chili augmente chaque jour » ( « El Mercurio », 15-4-71. C'est nous qui soulignons le texte ). Devant des affirmations aussi engagées, d'abord le Vicaire Général de !'Archevêché, Mgr. Gomez Ugarte, à titre personnel, puis Je Cardinal et les évêques dans une déclaration commune, crurent de leur devoir de se prononcer à ce propos. Comme nous l'avions déjà signalé, chaque fois que le clergé révolutionnaire de « marche lente » est obligé d'intervenir publiquement face à des excès qu'il ne peut cacher sans perdre la face définitivement vis-à-vis de l'opinion catholique, il le fait le plus parcimonieusement possible et en essayant toujours de trouver Je moyen de continuer à prêter sa collaboration au processus marxiste qui existait au Chili. C'est ainsi que l'on peut lire dans la déclaration commune de l'Episc(?pat, souscrite dans la ville de Témuco : « Face au Gouvernement légitime du Chili, nous réitérons l'attitude qui nous vient du Christ: respect à son autorité et collaboration à sa tâche de service du peuple. Tout effort qui a pour but de construire une société plus humaine, d'éliminer la misère, de faire prévaloir le bien commun sur le bien privé, demande l'appui de ceux qui, comme chrétiens, sont engagés à la libération de l'homme ». La déclaration fait allusion ensuite à l'affirmation des << 80 » prêtres, pour regretter qu'ils aient donné à leur option politique l'appui moral dû à leur condition de prêtres. Elle ne réprouve pas, malgré tout, l'option individuelle des prêtres, même en faveur du marxisme. Elle se borne uniquement à critiquer l'activisme politique-partisan officiel de ceux-ci, qualifié par les évêques de « cléricalisme déjà dépassé » ( « El Diario Austral » de Temuco, 22-4-71 ).


152

SOUTIEN EPISCOPAL AUX MARXISTES

Autrement dit, les portes restent ouvertes à la collaboration des Prêtres à la destruction de leur Patrie et à la pénétration de l'erreur dans l'Eglise-même. La condition mise est que cela ne soit pas fait d'une manière si publique et si effrontée. D'un autre côté , cette même réprobation épiscopale à l'intromission organisée de prêtres , en tant que tels, dans la politique partisane est entièrement inconséquente. Les évêquesmêmes ne sont-ils pas en train d'intervenir d'une manière claire et efficace - bien que se soit d'une autre façon - en faveur de la politique marxiste du gouvernement de Salvador Allende?

7. Le Cardinal participe à une manifestation ouvrière organisée par le communisme. Pendant cette première année de gouvernement marxiste , les catholiques chiliens se trouveraient face à de nouvelles défections de l'autorité ecclésiastique. Envers et contre tout, le Cardinal semblait disposer à faire état de son désir d'accréditer le régime régnant. Pour la première fois dans l'histoire chilienne - le premier mai 1971 - un Prince de l'Eglise assista au Rassemblement de la Centrale Unique des Travailleurs ( CUT ) - contrôlée par le Parti Communiste - en s'asseyant à la tribune au côté du président marxiste et de ses ministres. En plus d'avoir envoyé un message ému au Secrétaire de la CUT , le Cardinal voulut aussi témoigner de son identité avec l'ère nouvelle qui enveloppait le Chili dan s de sombres nuages de tragédie , en participant au défilé de la Jeunesse Ouvrière Catholique, qui se dirigeait vers l'endroit du rassemblement ( cf. « La Nacion » et « El Siglo » du 2-5-71 ). Il est facile de comprendre pourquoi le ministre de !'Agriculture d' Allende, Jacques Chonchol , fit référence dans une entrevue à la presse à cet évènement dans les termes suivants: « La présence du Cardinal Raul Silva Henriquez signifie que cette fausse division, que certains secteurs essayèrent de faire, entre les travailleurs rattachés aux idéaux du Marxisme et les


Le Cardinal et Allende: collaboration contre-nature.

Mgr. Silva Henriquez fait un prĂŠsent au bourreau des catholiques cubains .


154

SOUTIEN EPISCOPAL A UX MARXISTES

autres, rattachés au Christianisme, est dépassée au Chili » ( « El Siglo », 2-5-71 ). Une telle déclaration , de la part de l'homme qui aida la Réforme Agraire de Castro à Cuba, qui implanta la Réforme Agraire socialiste et confiscatoire de Frei et qui dirigea la communisation de la campagne chilienne au temps d' Allende, ne fut l'objet d'aucune rectification de la part du Prélat chilien. 8. Un Document Episcopal sur « Evangile, Politique et Socialismes ».

Fruit de la même Assemblée Episcopale Plénière de Temuco, dont nous venons de citer la portée collaborationniste ( cf. supra Illème Partie, chap. I, n. 5 ), les évêques de la Commission Pastorale de la CECH remirent plus tard un « document de travail » sur « L'Evangile, La Politique et Les Socialismes »... La présentation signale que « les lignes générales de ce document ont été fixées à l'Assemblée Plénière et correspondent à la pensée de !'Episcopat chilien ». Ce document est un incroyable modèle de ces honteux méandres de la pensée, à la fin duquel réapparait, ni plus ni moins, le tragique refrain entonné par le Cardinal-Archevêque de Santiago en décembre 1969: il est permis aux catholiques d'appuyer les marxistes au gouvernem ent de la Nation ( cf. supra Hème Partie, chap. III, n. l ). En effet, après un labyrinthe idéologique long et embrouillé , au sein duquel on trouve quelques critiques au marxisme, le « document de travail » proposé par la Commission Pastorale des Evêques consigne le suivant: « Il semble que ce tte puissante présence du marxisme, dans le processus de construction du socialisme chilien, est ce qui rend plus complexe, pour les chrétiens, l'option face à celui-ci, car il fai t apparaitre le futur sous un jour fort incertain . Les chrétiens qui aspirent à la substitution du capitaiisme par quelque modèle socialiste désireraient - si cela dépendait d'eux - pouvoir en construire un qui of f rirait la certitude d'être


COMPROMIS DANS LA DESTRUCTION DU PAYS

155

un socialisme pleinement humaniste, sans les facteurs inhumanisan ts que nous avons constatés dans le marxisme ». Avec une parcimonie flegmatique, les Evêques réfléclùrent à des options hypothétiques pour un socialisme de caméléon, dont les couleurs idéologiques apparaissent et disparaissent sans que l'on sache exactement quels sont ses énigmatiques principes constitutifs. D'autant plus que, en fin de compte, le marxisme semblait être à leurs yeux une puissante présence , qui rendait plus pâle et plus timide l'aspiration des chrétiens - l'on ne sait même pas leur nombre et leur signification - qui souhaiteraient avoir la possibilité d'arriver à construire un socialisme indéfini, « si cela dépendait d'eux »... En outre, de telles élucubrations sont publiées explicitement comme étant une « orientation doctrinale » pour les fidèles, au moment où la maj orité catholique anti-marxiste s'inquiète, souffre et cherche une façon de secouer le joug du socialisme égalitaire et collectiviste qui l'opprime. Si l'option socialiste que les évêques de la Commission de Pastorale, épaulés par le reste des évêques de la CECH, cherchaient avec tant de peine , n'était que l'aspiration de quelques utopistes « chrétiens » - répudiés par la majorité catholique l' on est en droit de se demander: Etait-ce pour une chimère indéfinie et indéfinissable que de tels Prélats ont favorisé le triomphe de l'expérience d' Allende et l'ont tellement aidé à se maintenir? Les catholiques chiliens ont-ils été invités alors , par les paroles et l'exemple de leurs Pasteurs, à s'engager, insouciants et joyeux, dans une aventure socialiste, comme les voyageurs du dernier wagon d'un train marxiste, pour entendre dire , de la part de ces mêmes pasteurs, au moment où cette aventure devient une tragédie, que le voyage présente des difficultés ? N'est-il pas alors légitime, qu'en de pareilles circonstances, beaucoup de catholiques de cet te Eglise du Silence spirituelle , abattue et trompée , qui s'est constituée au Chili, en arrivent à se demander: Qui sont ces pasteurs? Quel genre de Pasteurs sont ceux-là qui osent agir d'une telle façon , avec une insensibilité morale déroutante face à la trituration du troupeau qui leur fut confié ?


156

SOUTIEN EPISCOPAL AUX MARXISTES

« Il y en a qui croient - poursuit le « document de travail » de la Commission Pastorale - que cette possibilité reste ouverte jusqu'à plus tard. D'autres constatent que les forces qui dirigèrent la construction du socialisme aujourd'hui au Chili sont majoritairement marxistes, mais ils pensent qu'il n'est pas possible d'établir une autre forme de socialisme parmi nous que l'actuelle, qui exige d'être construite avec la collaboration des marxistes, en acceptant que se soit eux qui dirigent le processus ». Autrement dit, tout ceci peut être considéré de cette façon avec insouciance et un relativisme « supérieur »: ce sont simplement des opinions, des options, des appréciations ... En poursuivant sur le même ton, les évêques ajoutent: « Avant d'opter pour le socialisme et pour la manière concrète de participer à sa construction, chaque chrétien, chaque groupe et chaque parti, doit peser les aspects positifs et négatifs aussi bien du socialisme en général que de celui qui se construit aujourd'hui au Chili, en se demandant à propos de ce dernier si son inspiration marquée par le marxisme permettra réellement que l'on y introduise tous les correctifs nécessaires pour assurer son application humaniste. Chacun doit préciser consciemment le degré des risques, en jugeant les avantages et les dangers, pour déterminer lequel de ces deux aspects lui semble capable, par le fait d'avoir une plus grande force dynamique dans le cas chilien, de pouvoir finalement s'imposer » ( « El Mercurio », 26-7-71; « Documentas del Episcopado », Chile, 1970-1973, page 85 . C'est nous qui soulignons le texte ). Il nous semble réellement impossible de trouver une façon aussi glissante d'aborder la tragédie qui se passait au Chili, ainsi que de paralyser l'esprit de lutte des catholiques face au communisme . On se reporte finalement en tout aux considérations plus ou moins subjectives de ceux qui veulent opter pour un « socialisme » à leur manière, même si c'est le marxiste ... Ajoutons encore que le Secrétariat Général de !'Episcopat ne rougira pas, plus tard, en faisant allusion à ce document d'anthologie comme


COMPROMIS DANS LA DESTRUCTION DU PAYS

157

étant l'une des plus claires orientations épiscopales ( cf. « Qué Pasa », 7-12-73 ). 9. Blasphèmes contre la Mère de Dieu dans une publication du gouvernement d'Allende. Dans ce climat de relativisme condamnable - toujours orienté en faveur du régime marxiste - peu de choses semblaient choquer la sensibilité morale du Pasteur de l'Eglise de Santiago, qui abandonna lentement les devoirs essentiels de sa charge sacrée, pour favoriser l'action de l'ennemi du nom chrétien. En effet, en juillet 1971, une revue officielle du Ministère de l'Enseignement du Chili publia en couverture une photographie de plusieurs wagons de train, dans lesquels étaient des jeunes des deux sexes se serrant aux fenêtres, au moment de partir pour les « travaux d'été » en faveur du marxisme. Sur l'une des voitures qui conduisait ces misérables vers leur œuvre de destruction de notre Patrie catholique, l'on pouvait lire clairement le blasphème suivant: « Vierge Marie, toi qui a conçu sans pécher, pourquoi ne nous aides-tu pas à pécher . ? sans concevoir . »... Du lointain Sud, !'Evêque d' Osorno, Mgr. Francisco Valdés Subercaseaux, se senti obligé d'écrire, « en assumant la responsabilité de chef spirituel des chrétiens catholiques d 'Osorno » une lettre de protestation au Président Allende ( « La Prensa de Osorno », 4-8-71 ; « El Mercurio », 10-8-71 ) . Cette circonstance ne rendit que plus manifeste l'incurie relativiste et méprisante avec laquelle Mgr. Silva Henriquez en particulier, et la majorité de la Hiérarchie en général, traitaient non seulement des doctrines, mais aussi des traditions saintes pour tout cœur véritablement catholique, comme c'est le cas envers la personne même de la Mère de Dieu . Ni le Primat de l'Eglise Catholique au Chili, ni aucune autre personnalité représentative de !'Episcopat n 'estimèrent nécessaire d'offrir une digne réparation à la Sainte Mère de Dieu,


158

SOUTIEN EPISCOPAL AUX MARXISTES

pour l'offense qu'Elie recevait de la part du gouvernement marxiste. Que penser de cela, alors que Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même ne permit pas , lors de Son adorable Passion, que l'on insultât Sa très Sainte Mère? 10. L'Evêque auxiliaire de Santiago suit des cours d'engagement révolutionnaire chez Castro.

L'action des autorités ecclésiastiques dans la destruction des barrières idéologiques qui séparent les catholiques du communisme se manifestait avec une extrême constance, malgré certaines critiques formelles au Clergé extrémiste. L'Evêque auxiliaire de Santiago, Mgr. Fernando Ariztia, accompagné de ]'Evêque de Talca, Mgr. Carlos Gonzalez, prit la décision d'aller à Cuba pendant quinze jours, en février 1971. A leur retour, la revue communo-progressiste « Mundo 71 » eut une entrevue avec Mgr . Ariztia, qui fut reproduite dans une incroyable version en juin de la même année. Mgr. Ariztia reconnut « l'existence étroite et même la pauvreté » qui régnait à Cuba sous Castro, mais il ajouta tout de suite après « mais sans misère ». Cependant, il ne craignit pas de faire des louanges à « l'égalitarisme » immoral et anti-chrétien sévissant dans l'île. Et pour se rapporter aux plus cruelles et tragiques réalités souffertes par le peuple cubain, Mgr. Ariztia - selon « Mundo 71 » trouve en guise de justification mal-dissimulée les euphémismes les plus ridicules: Il appelle par exemple le terrible rationnement alimentaire régnant à Cuba une (< répartition équitable des moyen disponibles »... 0 n ne lit pas, certainement, dans la version de « M undo 71 », les antiques et déclamatoires allégations contre la pauvreté résultant de l'injustice et de l'oppression prodiguées par le Clergé catholico-gauchiste quand il s'agit de combattre les régimes non-communistes.


COMPROMIS DANS L A DESTRUCTION DU PAYS

159

Finalement, dans un reportage du journal « La Tercera » signé par Juan Eduardo Prado, on signale que Mgr. Ariztia déclara à son retour de Cuba: « Notre peuple ne peut pas payer le prix élevé que payèrent les catholiques cubains pour leur opposition obstinée aux changements. Les chrétiens ne doivent pas se couper du processus révolutionna.ire. Ils doivent s'y incorporer et lui donner le meilleur d'eux-mêmes. fls ne doivent pas rester sur la touche en critiquant » ( « La Tercera de la Hora », décembre 1971. C'est nous qui soulignons le texte ). Cette déclaration de l'Evêque auxiliaire de Santiago correspondait parfaitement aux appréciations qu'en novembre 1970 le Cardinal-Archevêque avait faites aux deux jounalistes cubains, déjà cités ( cf. supra lllème Partie, chap. I, n. 3 ). En outre, elle recevrait bientôt une impressionnante ratification implicite du Prélat chilien, lors de la visite de Fidel Castro au Chili. 11. Le Cardinal met en valeur les dirigeants de la Jeunesse de la CUT.

Cependant, le Cardinal-Primat continua à mettre en valeur la Central Unique des Travailleurs, contrôlée par les communistes . Lors de la clôture de la IVème. Conférence organisée par la CUT, on organisa un déjeûner-débat entre le Cardinal-Archevêque et les dirigeants nationaux de la Jeunesse de la CUT, comme aboutissement d'un échange d'invitations entre le Prélat et ces dirigeants. Les dirigeants de la CUT informèrent bientôt la presse que le dialogue avec l'autorité catholique était très fructueux pour les deux parties et qu'il existait l'engagement de le poursuivre et de le stimuler dans les prochains jours ( « El Mercurio », 14-8-71 ). Si les lecteurs trouvent la fo rce et le courage de mesurer plus profondément l'abîme où la plupart de nos prélats ont voulu précipiter leur troupeau, qu'il compare ces attitudes cardin alices face à un régime essentiellement violateur - par doctrine - de tous les droits naturels, avec celles qui sont prises


160

SOUTIEN EPISCOPAL AUX MARXISTES

actuellement face aux autorités qui - avec ou sans lacunes veulent empêcher le regain de la sinistre peste communiste dans notre Patrie. Mais il est nécessaire - et on ne peut le remettre à plus tard - de suivre ce douloureux itinéraire et de boire cette coupe amère jusqu'au bout. Poursuivons donc notre description si attristante, où les faits eux-mêmes parlent de toute leur éloquence irréfutable. 12. Le rapport épiscopal au Synode de Rome.

Pendant ces jours-là, la Conférence Episcopale, qui s'était réunie à Punta de Tralca, approuva le rapport qui serait présenté au Synode de Rome le 30 septembre de la même année ( « El Mercurio », semaine du 9-14-8-71 ) . Le journal argentin « La Opinion », dans son édition du 23 octobre 1971, rapporte une information télégraphique, provenant de la Cité du Vatican, sur la participation de !'Episcopat chilien au Synode Romain . Il rapporte que Mgr. Sergio Contreras, Evêque de Ancud, prit la parole au nom du Cardinal et des évêques chiliens. Il interrompit son discours pour lire, en présence du Souverain Pontife, un télégramme qu'il venait de recevoir de sa Conférence Episcopale , dans lequel on demandait au Synode de se prononcer sur la moralité des expropriations et des indemnisations d'entreprises de pays riches par des nations du tiers-monde. Mgr. Contreras, selon le câble, proclama aussi que le Chili marchait vers le socialisme par la voie démocratique et demanda que l'on révise les concepts de liberté et de propriété, postulats de la doctrine sociale de l'Eglise, dans la perspective du bien commun. 13. Réception enthousiaste du dictateur communiste Fidel Castro, par le Cardinal et !'Episcopat.

En novembre 1971, le Prélat chilien alla recevoir le tyran Fidel Castro à l'aéroport de Santiago. Il assista ensuite à un cocktail offert au Palais Présidentiel de « La Moneda » au


COMPROMIS DANS LA DESTRUCTION DU PAYS

16 1

sanguinaire dictateur communiste de Cuba, sous les ordres duquel des milliers de catholiques anti-communistes sont morts ou gémissent, injustement et brutalement torturés ... Plus tard, il eut avec lui une cordiale entrevue au siège de l' Archevêché de Santiago, au cours de laquelle il lui fit cadeau d'une Bible, comme il l'avait fait avec le président marxiste Allende, se laissant aussi photographier dans des poses d'une amicale cordialité avec l'homme sinistre qui opprime l'ancienne perle des Antilles. A l'issue de l'entrevue, Fidel Castro déclara aux journalistes, à propos des positions assumées par le Cardinal: « Je connais ses affirmations, ses déclarations et j'ai ressenti une sympathie personnelle pour sa position ». Castro dit que le Cardinal est « une personne magnifique» ( « El Siglo » et « Clarin », 24-11-71. C'est nous qui soulignons le texte ). Castro avait de bien bonnes raisons pour faire de telles déclarations de son point de vue de révolutionnaire communiste! Le Chili étant un pays où l'Eglise est séparée de l'Etat, ni la réception à l'aéroport de Santiago à laquelle participa le Cardinal, ni la visite de Castro aux autorités ecclésiastiques n'avaient le caractère d'une exigence protocolaire officielle. Ce n'était qu'une nouvelle ouverture publicitaire à laquelle consentait le Prélat chilien en faveur d'une personnalité communiste (2 ).

( 2) Lors des Conversatio ns de Tolède , en juin 1973, Mgr. Silva Henriquez ébauche une explication de son acc ueil enthousiaste au tyran communiste Fidel Castro. Cette explication dans un certain sens est pire que la réception elle-m ême . Le Cardinal-Archevêque de Santiago explique que son attit ude s'appuie sur l'accu eil qu'avait donné le Pape Jean XXIII, au Vat ican, au gendre du maitre du Kremlin de l'époque, Nikit a Khrouchtchev, peu de semaines ava nt les élections en It alie et ajoute ensuite à propos de Fidel Castro :

« Et alors je lui dema11dai pourquoi il avait voulu me voir, c 'était une chose si étrange, et il me dit que c'étai t pour trois raisons: la première parce qu'il mbdmirait; la seconde, parce qu'il m'était très obligé de

1;


162

SOUTIEN EPISCOPA L A UX MA RXISTES

Il n'y eut aucune parole de critique ou de protestation, ni de la part du Cardinal, ni de celles de ses évêques auxiliaires, pour les tortures, jugements sommaires, violations des droits de l'homme, et l'injustice intrinsèque et généralisée du régime communiste que Fidel Castro représentait, ni pour la situation de misère qui accablait le peuple cubain, sous l'oppression de la dictature castriste.

fa çon dont j'a vais traité le régime politique au Chili ( dans nos pays, on croit que le Cardinal de la capitale est le chef de l'Eglise chilienne, celui qui commande tou te l'Eglise; je suis pour eux le cardinal qui commande à tous les autres; les évêques sont mes subalternes); et la troisième, me dit-il, parce que lors de son arrivée au Chili, le gouvernement chilien lui fi t la liste des personnes qu'il devait visiter et de celles qu'il ne devait pas voir, et j'étais parmi celles qu'il devait voir. « Je me suis rendu compte alors pourquoi, mais j'ai réalisé que ce n'é tait pas de la politique en absolu, ni de la propagande. Le salon était plein de photographes et de gens de la télévision; il prirent toutes les ph otos qu'ils voulurent. Au moment où nous avons commencé à parler, je lui dis: Voyez Monsieur le Ministre, je suis un homme d'Eglise, un homme qui croit profondément en sa Foi. Et je suis convaincu d'une chose: que l'Eglise n'est pas rétrogade, que l'Eglise n'est pas hostile aux ch angements qui tendent à rendre plus humaine la vie de l'homme et à ré aliser une plus grande justice en Amérique Latine. Et je suis convaincu d'une autre chose, Monsieur le Ministre : que la solution pour l' Amérique Latine sera impossible si l'Eglise ne l' appuie pas. Et il me dit qu'il croyait aussi tou t cela et qu'il se réjouissait de voir que l'Eglise n'était pas comme peut-être certains le pensaient »Dans les mêmes explications, on ne trouve pas la plus petite référence du Card inal à la terrible violation des droits de l'homme, que le régime de Fidel Castro signifie en lui-m ême et concrètement, avec ses milliers d' héro ïques catholiques, injustement victimes de la tyrannie rouge dans l'île des Caraïbes. Le Cardinal se montre satisfait d 'avoir remis une Bible au dict ateur se ctaire et d'avoir obtenu de lui l'autorisation d'un envoi à Cuba de dix mille exem plaires de la Sainte Ecriture. Puis le Cardinal poursuit son explication et raconte qu'il demanda à Fidel Castro : « Vous avez é té élevé dans des collèges cath oliques ?» « Oui ». « Et vous é tiez chré tien, et maintenan t vous ne croyez en rien ?» « N on » . « Mais, comm ent avez-vous perdu la Foi?» Il dit:


COMPROMIS DANS LA DESTRUCTION DU PAYS

163

Un commentaire analogue peut être fait de l'accueil reçu par le tyranneau cubain de la part des évêques de cinq autres diocéses chiliens ( Antofagasta, Iquique, Concepcion, Porto Montt et Punta Arenas ) qu'il visita au cours de son long séjour clownesque dans notre pays ( « La Tribuna », 25-11-71 ). Rien ne manqua pour que soit consommé ce fait innommable qui aujourd'hui se tourne en une fulgurante accusation contre les pasteurs qui se refusent à collaborer à l'actuelle reconstruction morale de la Patrie, prétextant d'éventuels excès répressifs , et menaçant de sanctions les fidèles qui essaient de montrer l'aberrante contradiction de leur conduite nuisible au bien commun et à la conservation de la Foi.

« Je n'ai jamais eu la Foi ». « Comment ça ? » « Non, je n'ai jamais eu la Foi » . « Mais alors, dans les collèges catholiques, que vous ont-ils appris ? » « Voyez - dit-il - au collège, ils nous apprenaient quelques pratiques religieuses, mais jamais ils ne m'ont appris à connaitre ce qu'était la Foi et je ne l'ai jamais eue» . Il faut prendre note - ajoute le Cardinal - des paroles de cet homme, sans émettre de doutes. Mais c'est une énorme critique qui peut avoir une certaine partie de vérité » ( cf. « Théologie de la libération », Conversations de Tolède, juin 19 73 ; apud « El Mercurio », 2-12-75 ). Ainsi, au moment où le Prélat chilien tente de justifier l'accueil de Fidel Castro, lors duquel il avait omis la moindre condamnation de la terrible opprobre morale et matérielle que souffre le glorieux peuple cubain, son inébranlable volonté de considérer le communisme sous un jour sympathique et optimiste devient manifeste, bien qu'elle ignore les enseignements répétés du Magistère Pontifical au sujet de la secte rouge , ainsi que la plus évidente vérité historique , et qu'elle diffuse une imprudente attitude collaborationniste, spécialement dommageable dans les moments que vivait le Chili. Aujourd'hui les guérilléros cubains servent d'instrument au communisme soviétique pour son installation militaire en Angola et à partir de là pour menacer l'Atlantique et le continent Sud-Américain lui-même'.


CHAPITRE II

DEVANT LA RESISTANCE DU PEUPLE, LA COLLABORATION DES EVEQUES PROLONGE LES JOURS DU REGIME NEFASTE

Après un an de gouvernement d'Allende, en dépit des menaces et des pressions qu'exerçait la minorité marxiste sur le peuple chilien, le malaise général commençait à se faire dangeureusement sentir pour le régime en place. De ce fait, la collaboration du Cardinal-Archevêque et Primat de l'Eglise du Chili, ainsi que celle de la Hiérarchie ecclésiastique qui l'appuie d'une façon ou d'une autre, se révèlait plus précieuse que jamais pour accomplir les desseins du communisme international. Ainsi, quelques semaines après avoir réservé un accueil des plus chaleureux au tyran de Cuba, Monseigneur Silva Henriquez participa à une émission de télévision sur le Canal 13 - appartenant à l'Université Catholique - au cours de laquelle il déclara que le gouvernement d' Allende « travaille sincèrement et activement au bien-être de la collectivité » ( « Ultima Hora », 27-12-71. C'est nous qui soulignons le texte ). Il faut souligner que ces déclarations spontanées de propagande en faveur d' Allende ont été faites par le Cardinal au moment-même où plus de cent mille femmes descendaient dans les rues de Santiago pour protester contre la pénurie alimentaire


ETOUFFER L A RESISTANCE POPULAIRE

165

due à la politique socialiste du Gouvernement - c'était l'une des ces marches que l' on a appelées les « marches des casseroles vides >>. Les historiens de l'avenir auront du mal à croire à une réalité aussi aberrante que celle que nous découvrons peu à peu. Cependant, nous le répétons, ce sont là des faits , que l'on ne peut contester, et qui nous montrent les voies douloureuses que les catholiques chiliens ont dû parcourir, et qui sont probablement sans précédent dans l'histoire de l'Eglise et de la Chrétienté. Nous ne faisons que rassembler les faits, afin d'en donner une vision globale, pour dissiper la confusion qui règne à ce sujet dans l'opinion publique. Comme nous l'avons vu , cette confusion est l'un des bâillons qui étouffent et musèlent la protestation respectueuse, mais combien juste, d'innombrables fidèles. 1. L'Episcopat propose un chemin : faire l'unité autour des changements du gouvernement d 'Allende.

Le 11 avril 1972, devant un pays bouleversé par l'implantation progressive du marxisme et ses séquelles de misère et d'opprobre, les Evêques chiliens, réunis à Punta de Tralca pour l'une de leurs fréquentes réunions collaborationnistes adressèrent un message public à la Nation sur la situation de la Patrie. Ironie mélancolique, ils ont choisi pour titre à ce document « Sur un chemin d'espérance et de joie >> ••• Le Cardinal et les Evêques ont tout d'abord déclaré qu'ils avaient étudié avec inquiétude la situation où se trouvait le Chili. Mais, tout de suite après, avec une désinvolture et une agilité réellement surprenantes, ils évitaient de se pronocer sur cette même situation et déclaraient, au grand étonnement des fidèles, que « plutôt que de Jouer ce qui est bien et critiquer ce qui ne va pas, nous avons estimé qu'il serait utile de rappeler aux Chiliens nos véritables besoins, nos aspirations communes, convaincus que l'unité de la famille chilienne, si dangereusement menacée aujourd 'hui, pourra se faire lorsque nous les aurons atteints >>.


166

SOUTIEN EPISCOPAL AUX MARXISTES

Les Evêques évitent de se prononcer clairement sur les justes revendications d'un peuple qui ne connaît que trop ses « véritables besoins », face à un gouvernement profondément injuste qui foule aux pieds le droit naturel et la morale catholique. Au lieu de prend re la tête de cette foule que les mythomanes de l'égalitarisme matérialiste, athée, antichrétien, maltraitent avec une injustice impie, le clergé montre sa ferme volonté de faire régner le calme au sein d'une unité détachée de la Vérité. En effet, le gouvernement marxiste a bien besoin de calme au moment où il subit les critiques acerbes d'une majorité anticommuniste, en proie à une indignation croissante. Mais il y a plus. Dans leur message conjoint, les Evêques chiliens en arriven t à nier la réalité chilienne d'une façon telle que le moins averti des observateurs ne peut manquer de s'en apercevoir : « Aujourd'h ui, justice es t synonyme de développement, participation, égalité; nous ne pouvons que nous réjouir des progrès que le pays a faits et est en train de faire dans cette voie ». La déclaration des évêques se poursuit, véritable prodige de déformation de la situation du pays; c'est ainsi que l'on peut lire: « Nous comprenons que le processus de changemen t, que beaucoup qualifient de révolutionnaire, dans lequel nous sommes engagés et qui correspond à la volonté de l'immense majorité, ne puisse se faire sans sacrifier les privilégi.Js d'hier et d 'aujourd 'hui. Nous vous rappelons l'enseignement de l'Evangile , qui insiste sur le détachement des biens de ce monde. ( ... ) La richesse, le luxe ou le gaspillage d'une m inorité son t une insulte permanente à ceux qui vivent encore dans la misère » ( « El Mercurio », 20-4-72 et « El Siglo », 16-4-72. C'est nous qui soulignons le texte ). Un peu moins d'un an avant le soulèvement g'néral dont la chute d' Allende marque ra le point culminant , les Evêques affi rment encore, contre toute évidence, que l'immense majorité du peuple chilien souhaite toujours les changemen ts révolutionnaires entrepris par le mouvement marxiste; en outre, ils passent sous silence la faillite dans laquelle le régime d' Allende


ETOUFFER LA RESISTANCE POPULAIRE

167

plonge à la fois riches et pauvres. Rappeler ainsi le « Détachement des biens de ce monde » à des milliers de chiliens injustement spoliés est, de la part de ceux qui ont tant contribué à l'établissement du système d'oppression qui étouffait notre Patrie, une ironie raffinée et cruelle. Nous le consignons ici comme un exemple de plus de l'inversion des valeurs et des réalités qui fait l'objet de ce travail, pour l'édification des générations à venir.

2. La « Première Réunion Latino-américaine des Chrétiens pour le Socialisme ». C'est alors que se produisit au Chili un événement qui, par sa portée nationale et internationale, ainsi que par le cynisme de ses auteurs, dépassait de loin les audaces précedentes du clergé révolutionnaire de « marche rapide », militant officiellement aux côtés du marxisme. Le « groupe des 80 » ( prêtres et religieux ), dont le nombre augmentait sans cesse et qui essaimait dans tout le pays, fonda un Secrétariat: les « Chrétiens pour le Socialisme ». Ce secrétariat, lié à des groupes étrangers, fit savoir que la « Première Réunion Latino-américaine des Chrétiens pour le Socialisme » se tiendrait à Santiago du 23 au 30 Avril 1972. Face aux fidèles de l'Amérique Latine confrontés à cette rencontre préparée par des prêtres militant ouvertement et activement en faveur du marxisme chilien et latino-américain, la position de l' Archevêque de Santiago devenait de plus en plus critique. La ligne de conduite de la Hiérarchie catholique - sauf cas exceptionnel - avait jusqu'alors fait naître un profond malaise et un grand dés.arroi dans le peuple chilien. A mesure que la collaboration des autorités ecclésiastiques se faisait davantage sentir, le clergé se trouvait dans l'obligation de rendre des comptes à ses ouailles, et de leur expliquer ce qui le poussait à agir dans un sens si contraire à ses obligations fondamentales. Mais cela ne pouvait pas durer, et le moment


168

SOUTIEN EPISCOPAL AUX MARXISTES

allait venir où il faudrait cesser de fermer les yeux devant la réprobation silencieuse mêlée d'angoisse de milliers de fidèles envers la conduite des Pasteurs. Nous avons vu jusqu'ici que les autorités ecclésiastiques ont vivement cherché à se soustraire à cette tâche épineuse, par des rappels à l'ordre sporadiques et inefficaces à l'ensemble des prêtres communo-progressistes, leur demandant de ne pas s'engager politiquement du côté du marxisme , compte tenu de leur condition sacerdotale. L'heure était venue pour le Cardinal et les prélats de s'expliquer publiquement sur la cohérence qui pouvait exister entre leur conduite, la Doctrine de l'Eglise et les devoirs de leur condition. C'est donc à cette occasion que l'épiscopat a jugé nécessaire de rendre des comptes, forcé, serions-nous tentés de dire, par la pression de l'opinion publique devant ce nouvel affront essuyé par les catholiques fidèles du Chili, de l'Amérique et du monde. Le Secrétariat général de la Conférence Episcopale du Chili se chargea de faire savoir à toutes les Conférences Episcopales du continent que la dite réunion, avec des prêtres communoprogressistes de divers pays latino-américains, n'avait pas le patronage officiel de !'Episcopat chilien, et se tiendrait sous sa seule responsabilité. Cependant cette communication se fit presque confidentiellement, et elJe serait probablement passée inaperçue si l'un des participants, prêtre pro-marxiste , n'en avait pas parlé ( 1 ). Invité à participer à la réunion, le Cardinal, dans sa réponse au Père jésuite Gonzalo Arroyo - premier orateur de l'assemblée socialiste - se déclara « profondément préoccupé par cette réunion politique de tendance nettement marxiste », et, faisant ( 1) Ce document régime marxiste, en dans un volumineux !' Episcopat, écrits de

confidentiel n ' a été publié qu ' après la chute du avril t 974, par le Secrétaire général de la CECH, ouvrage qui contient le recueil des documents de 1970 à 1973 ( p . t 21 à 124 ).


ETOUFFER LA RESISTANCE POPULAIRE

169

allusion à la Congrégation à laquelle appartient le Père Arroyo, demanda: « Comment la Compagnie de Jésus peut-elle laisser supposer qu'elle est de tendance marxiste ?» ( « La Segunda », 5-4-72 . C'est nous qui soulignons le texte) . Tout ceci n'empêcha pas - comme d'habitude - -que, par la suite, le prélat chilien ne réserve un accueil très chaleureux à une délégation de la « Réunion ». En commentant cette audience, Mgr. Mendéz Arceo, Evêque marxiste de Cuernavaca, et le plus représentatif de cette « Réunion », expliqua, en guise de conclusion, que l'attitude des autorités ecclésiastiques chiliennes répondait au désir de s'abstenir de toute participation, pour que les « Chrétiens pour le Socialisme >> soient plus à l'aise. ( « Qué Pasa », 4-5-72) (2). (2) Le Secrétaire Général de la CECH, Mgr. Carlos Oviedo , é"crivit une lettre personnelle à Mgr. Sergio Mendéz Arceo, Evêque de Cuernavaca, à l'occasion de sa participation à la Réunion latino-américaine des Chrétiens pour le Socialisme. _ Nous eûmes également connaissance de cette lettre en 1974, dans le recueil déjà cité des documents de !'Episcopat. La lettre est datée du 16 mai 1972. Mgr. Oviedo déclare que la participation de Mgr. Mendéz Arceo à cette Réunion, et en particulier les déclarations qu'il a faites à la presse et à la télévision ont été un sujet d'étude et de préoccupation pour la Conférence Episcopale chilienne, et que « de nombreux évêques les ont carrément réprouvées et rejetées » . Plus loin, il ajoute: « A11 cours de

cette étude, nous avons su apprécier les aspects positifs que votre présence avait pu avoir au sein de la Réunion, et nous ne pouvons que vous exprimer notre fraternelle reconnaissance ». Comme les autres fois, l'évêque regrette principalement le fait qu' un évêque participe à « une réunion de toute évidence clairement orientée » . Mgr. Oviedo précise que cette position n'est pas celle de !'Episcopat. Comme nous l'avons vu, la plupart des Evêques et des prêtres qui ont soutenu la cause marxiste l'ont fait d'une façon plus subtile, et par conséquent plus efficace, que s'ils avaient milité dans une -organisation partisane communisante. En effet, un tel scandale sans précédent, impliquant pratiquement tous les évêques, leur aurait ôté toute possibilité de neutraliser la réaction catholique anti-communiste. Une seconde fois , Mgr. Oviedo parle de malaise à propos de la conférence de presse de l'évêque de Cuernavaca, au cours de laquelle ce dernier avait amèrement critiqué les évêques chiliens. Mgr. Oviedo répond aux critiques de Mgr. Mendéz Arceo en soulignant que la Conférence Episcopale chilienne « s'applique sincèrement et loyalement à contribuer à la justice sociale dans le pays. Pour ne parler


170

SOUTIEN EPISCOPAL AUX MARXISTES

Les tensions entre le Cardinal et !'Episcopat national d'une part, et la toute récente organisation clérico-marxiste internationale née au Chili d'autre part, se sont révélées de très faible importance, comme si les deux parties souhaitaient rester commodément sur leurs positions. Cet incident de parcours, dans le processus d'endoctrinement communiste du Chili, a été sans gravité. Au contraire, la confusion n'a fait que mieux réduire au silence les fidèles naïfs, qui comprenaient de moins en moins l'ensemble du processus religieux idéologique qui les déchirait au plus profond de leur conscience. Par ailleurs, aucun des prêtres chiliens qui avaient participé à cette réunion - et qui, par là-même avaient prouvé qu'ils n'avaient pas l'aptitude morale et doctrinale nécessaire pour éclairer leurs ouailles dans cette situation délicate - ne semble avoir été privé de sa charge ou du prestige dont il jouissait juqu'alors pour accomplir sa funeste tâche. En effet, le souci majeur du Cardinal a été, comme auparaque des dix dernières années, nous pouvons rappeler les documents pastoraux e t les actions menées par l'épiscopat chilien en ce qui concerne la réform e agraire, la participation du peuple à la gestion du bien commun, à une action évangélisatrice justem en t dans les milieux les plus agissants qui conduisent ces changements, dans l'optique du chrétien qui a le devoir de bâtir le monde, etc., tout en respectan t le pluralism e dans la recherche du bien commun et du pouvoir politique parmi les chrétiens e t tous les citoyens » ( cf. « Documentos del Episcopado », Chili, 1970-1973, p. 137 à 139 ). En somme, il s'agit d'appliquer ici la même attitude qui a conduit à leur perte l'Eglise et le Chili: seule la participation à des organisations partisanes clairement marxistes est réprouvée, mais l'on considère que l'Eglise doit appuyer un processus de changements sociaux - lequel, au Chili, é tait devenu franchement marxiste - à condition qu'il ne se proclame jamais ouvertement athée, ni violemment persécuteur. Le Secrétaire Général de la CECH approuve le pluralisme idéologique qui permet aux chrétiens et aux marxistes chiliens de collaborer, laissant à ces derniers une liberté d 'a ction totale, qui les a mené s au pouvoir . Enfin, il est intéressant de noter que Mgr. Oviedo précise que trois évêq ues de provinc e ont demandé à la Conférence Episcopale de se prononcer publiquem ent contre les déclarations de Mgr. Mendéz Arceo. Cependant, le Comité permanant a pris la décision d'adresser une lettre perso nnelle à l'évêqu e de Cuernavaca pour lui faire part des réac tions que son attitude ava it provoquée au Chili.


Les « Chrétiens pour le Socialisme » : scandaleux engagement des clercs dans la politique.


172

SOUTIEN EPISCOPAL AUX MARXISTES

vant, d'obtenir que des prêtres prennent matériellement part, en tant que tels, à une réunion politique partisane. Nous critiquons ici une modalité de collaboration directe avec le marxisme .. . et surtout, un grossier scandale aux yeux d'un public hostile. Comme nous l'avons vu, les réserves du Cardinal n'ont été suivies d'aucune sanction canonique connue; l'action hérétique des prêtres pro-marxistes n'a pas davantage été empêchée par des mesures pratiques d'action doctrinale et pastorale. Ainsi donc, la tension entre le Prélat chilien et les « Chrétiens pour le Socialisme » est restée dans les limites nécessaires au déroulement du processus révolutionnaire, comme nous l'avons déjà dit plus haut. 3. Prestige réservé aux institutions et aux personnalités marxistes.

Quelques jours plus tard, Mgr. Silva Henriquez se rendra à nouveau au rassemblement populaire de la CUT, le Ier mai. C'est ainsi que pour la seconde fois, les Chiliens verront leur Cardinal et Primat, dont la photo paraît dans tous les journaux du pays, à la tribune, aux côtés du marxiste Allende, de Luis Figueroa, député communiste et président de la CUT et d'autres Ministres du Gouvernement. Du point de vue pédagogique, certaines attitudes sont plus formatrices de la mentalité du peuple que d'épais volumes difficiles à lire, comme « Le Capital », par exemple, de l'insipide Karl Marx . Et un homme de l'importance du Cardinal, élevé au rang de Prince de l'Eglise Catholique, ne peut ignorer ce principe de psychologie sociale. Le Cardinal-Archevêque, Grand Chancelier de l'Université Catholique de Santiago, n'a pas davantage été gêné lorsque cette institution supérieure organisa un cycle de conférences sur les pays du Tiers-Monde, placé sous le patronage du Recteur, et y invita l' Ambassadeur communiste de Cuba, en tant que conférencier ( « El Mercurio », 5-5-72 ). Il aurait fallu être bien


ETOUFFER LA RESISTA NCE POPULAIRE

l 73

naïf pour s'imaginer, à ce stade du processus révolutionnaire chilien, que le cabinet du Cardinal publierait un communiqué blâmant un si petit détail... Cependant, si, dix ans plus tôt, l'ancien Recteur de l'Université Pontificale avait donné son accord pour qu'un agent de Satan vienne parler dans ce vénérable établissement, fondé pour apprendre à vivre selon la Vérité, il aurait immédiatement été démis de ses honorables fonctions! Tempora Mutantur. .. ! 4. Les appels à l'unité en faveur de la survie du régime d'Allende.

La tension monte dans le pays. Les Chiliens ne supportent plus les souffrances que leur impose un système oppresseur et immoral. Le chef de l'Eglise de Santiago fait entendre sa voix. On peut croire que, cette fois-ci au moins, il prendra position aux côtés de mil.lions de Chiliens si injustement brimés dans leur dignité et dans leurs droits, en tant qu'hommes et que chrétiens, par une secte de mythomanes égalitaires. Il n'en est rien. C'est toujours le même refrain qui revient: « Ayez confiance en nos institutions démocratiques, dans les Pouvoirs Publics; ils sont appelés à être les serviteurs et les garants de /'Unité Nationale ». Il ne pouvait évidemment être question pour le Cardinal d'inciter à la lutte violente. Mais depuis longtemps déjà, en sa qualité de chef de l'Eglise Catholique du Chili, il aurait dû se faire l'interprète de son peuple de fidèles et , pour répondre à sa prière, se prononcer contre l'injustice. Tout en suivant les voies pacifiques qui s'imposaient, le Cardinal aurait pu prendre des mesures radicales pour que cesse l'ignominie dans laquelle Allende plongeait le Clùli. Bien au contraire, le Cardinal agite sous les yeux des Chiliens le spectre menaçant de la guerre civile. Il n'offre au peuple qu'une seule issue: en finir avec les dissensions - pourtant justifiées - qui risquaient de provoquer la chute du régime , et ouvrir les esprits à de vagues sentiments de confiance et d'espoir ... ( « La Prensa » 3-9-72 ) .


/ 174

SOUTIEN EPISCOPAL AUX MA R XISTES

*

*

*

A l'occasion du « Jour de Prière pour le Chili », le Cardinal insiste sur cette position. Il s'agit - dit-il - de prier pour « un renouveau de fraternité ». Voilà en apparence un objectif bien attrayant, mais ne présenter qu'un aspect, qu'une partie de la vérité est une bien meilleure façon de tromper que de laisser l'erreur éclater au grand jour. Comme si de rien n'était, comme si le peuple chilien tout entier n'était pas en butte aux humiliations et à l'injustice depuis qu'il était gouverné par une minorité marxiste, le Cardinal poursuit en affirmant: « La fraternité ne tolère pas l'humiliation des plus faibles. Elle est capable de pardonner et d 'arriver à vaincre le mal en faisant le bien . La fraternité ne tolère pas l'injustice. Elle est prête à tous les sacrifices pour donner à chacun son dû ». S'il en est ainsi, on est inévitablement amené à se demander alors pourquoi, au lieu de s'efforcer d'apaiser la juste indignation des foules, la simple fraternité ne poussait-elle pas les autorités ecclésiastiques à venir en aide à un peuple comme le nôtre, sans défense, discipliné et pacifique, victime des humiliations et des injustices que lui infligeait une minorité bien accrochée au Pouvoir. Quel était le but de ces paroles? La fraternité de qui envers qui? Quel dessein poursuivait le Cardinal en passant sous silence les tenants et aboutissants de cette étrange fraternité? Néanmoins, le Cardinal poursuivait: « Quelles que soient nos positions idéologiques ou politiques, il est indispensable que l'esprit de fraternité renaisse ». ( « El Mercurio », 22-9-72 . C'est nous qui soulignons le texte ). La fraternité ainsi proposée - coupée de la véri té, faisant abstraction de toute idée matérialiste, athée ou autre, et sans aucun rapport avec la situation réelle du Chili - devenait alors l'opium d'un peuple mécontent.


ETOUFFER LA RESISTA NCE POPULA IRE

175

Qui plus est, ceux qui prêchaient cette fraternité abstraite ne semblaient pas attacher d'importance au premier devoir du chrétien: aimer Dieu et son Eglise - devoir publiquement foulé aux pieds par la mise en place d'un régime anti-chrétien avilissant ...

* * ,, En octobre 1972, le mécontentement du peuple chilien est à son comble. Dans tou t le Pays, une grève nationale des chauffeurs et des petites entreprises de transports est déclanchée. Les grévistes, qui manifestaient contre les abus du régime marxiste, avaient l'appui de tous les secteurs d'activités . Allende avait déjà eu l'occasion de déclarer que, si tel était le souhait du peuple, il abandon nerait pacifiquement le Pouvoir. C'est le moment que les Evêques choisissent pour se manifester. Le Cardinal se trouvait à Rome. Mgr. Ismael Errazuriz, Evêque auxiliaire de Santiago, était à la tête du Diocèse. Tandis que se multiplient les manifestations du mécontentement populaire, une délégation composée de neuf évêques - parmi lesquels Mgr. Ismael Errazuriz - demande une audience au Président Allende, audience qui leur est accordée le 20 octobre. L'entrevue dure près de deux heures , et en quittant le Palais du Gouvernement, !'Evêque auxiliaire de Santiago déclare : « ( Allende ) nous a dépeint la situation. Nous lui avons fait part de l'inquiétude que ressentent tous les Chiliens en ce moment » . Il ajouta: « La situation est grave, elle n'est pas désespérée. Nous espérons que tous les Chiliens de bonne volonté vont s'unir pour y faire fa ce» . En prenant congé des journalistes, Mgr. Errazu.riz souligna que « l'affrontement serait une folie. Nous avons confiance, nous pourrons faire face à la situation » ( « La Prensa », 2110-72. C'est nous qui soulignons le texte ).


176

SOUTIEN EPISCOPAL A UX MARXISTES

De nouveau, on exalte une unité trompeuse, qui reste prudemment abstraite. Une unité proposée comme un bien suprême en soi, faisant apparaître comme de redoutables séparatistes ces milliers de Chiliens qui voulaient voir mettre fin à l'immoralité et à l'injustice imposées par la minorité marxiste. Cette vérité escamotée, au nom d'une unité vide de véritable contenu, était en fait un moyen d'empêcher l'élimination du cancer communiste, qui, lui, divisait véritablement les Chiliens. A ce point de l'évolution du processus qui conduisait le Chili au communisme, le Secrétaire Général de la CECH luimême, Mgr. Oviedo, n'hésita pas à déclarer, dans un communiqué officiel, que l'entrevue avec Allende « avait été très cordiale, et que Son Excellence avait écouté les Evêques avec le plus vif intérêt, leur réaffirmant ses nobles aspirations en vue de servir le bien commun du peuple Chilien » ( 3 ). ( 3) li est difficile de don ner en quelques lignes une idée de l'ampleur catastrophique de la crise morale et économ ique dans laquelle le Gouvernement d'Allende avait plongé le Chili. Les organismes associés aux T FP de toute l'Amérique ont chargé une équipe de journalistes d'effectuer une analyse complète du régime d'Allende. Les résultats de cette étude exhaustive ont été publiés dans le numéro 36 de la revue « FIDUCIA », de janvier-février 1974. D'autres révues publièrent également ce reportage; il s'agit de « CATOLICISMO » ( Brésil), « TRADICION, F AMI LIA, PROPIE DAD » , (Argentine), « LEPANTO » (Uruguay), « CRUZADA » (Colombie), « COVADONGA » (Venezuela), « CRISTIANDAD » (Bolivie) et « CRUSADE FOR A CHRISTIAN CIVILIZATION )} (Etats-Unis). Le « Bureau pour l'Europe Tradition-Famille-Propriété » a également publié ce report age, sous forme de livre, en France et dans d'au tres pays d'Europe. Nous donnons ci-dessous, pour le lecteur, quelques-unes des conclusions de cette étude: • La Réforme Agraire socialiste de Frei, renforcée par Allende, qui allait jusqu'aux confiscations, n' a fait qu'accélérer la ruine des agriculteurs, des riches comme des pauvres, ainsi que celle des paysans, faisant naître le chaos et la violence dans le secteur agricole, et provoquant une chute vertigineuse de la produc ion. Une grave pénurie s'ensuivit; c'est ainsi que l'on assista, dans les villes, au spectacle de longes queues, files d'attente impressionnantes devant les magasins pour obtenir les produits


ETOUFFER L A RESISTANCE POPULA IRE

177

* * * Le 21 Oct obre 1972, le Comité Permanent de !'Episcopat rendit publique une déclaration intitulée: « Nous demandons un esprit constructif et fraternel ». Mais il se refusa catégoriquement à reconnaître que la plupart des chiliens étaient parfaitement en droit de s'indigner des manquements criminels du rationnés; un scandaleux marché noir s'instaura, pour le plus grand profit des mandataires d' Allende. • Les changements révolutionnaires provoquèrent une mISere sans précédent dans l'histoire du Chili. L'é tat de sous-alimentation du peuple était lamentable, et le taux de mortalité infantile s'accrut dans des proportions considérables. • Le Chili manqu ait des produits alimentaires de première nécessité, et se trouva contraint d'importer la moitié des produits destinés à sa consommation. • Par ailleurs, on procéd ait habilement à la nationalisation du secteur industriel. Des band es de terroristes provoqu aient l'agitation ouvrière et attaquaient les entreprises; et sur-le-champ, l'Etat intervenait et opérait la main mise. C'est ainsi que l'on nationalisa SS% des industries chiliennes. Cette « réforme de l'e ntreprise » donna lieu à une chute verticale d e la production industrielle. Les entreprises nationalisées enregistraient des pertes. • L'absentéisme et le désordre devinrent des phénomènes courants. L'industrie d'extraction du cuivre, qui était déjà sous le contrôle tot al du Gouvernement marx iste, et qui est d'une importance vitale pour le Chili, sombra dans le chaos, entraînant des pertes très lourdes pour le pays. • L'aide financièr e extérieure ( dont 70% venait des pays socialistes) atteignit le chiffre de 1.250.000 dollars par jour, nécessaire au maintien de « la voie pacifique vers le communisme ». Le taux d' infla tion était déjà de 300%, et devait atteindre 600% à la fin de 1973 si le Gouvernement marxiste d' Allende était resté en place. • Allende nationalisa la distribution commerciale des produits industriels et agricoles; il créa un organisme tyrannique, la « DINAC »; il conduisit à la faillite 30% des petits commerçants; il mit en place les JAP ( « soviets» qui contrôlaient la consommation du peuple) . Les hommes du régime canalisaient les marchandises et, paraUèlement, se livraient à un marché noir éhonté. • Les jugements rendus par les Tribunaux étaient constamment bafoués par les mand ataires du Gouvernement marxiste . • Les hôpitaux manquaient d'alcool, de médica ments, de gaze, de draps stérilisés pour la chirurgie, etc. Toute possibilité de régime alimentaire était exclue . Certains malad es hospitalisés mouraient pour n 'avoir pu être opérés faute de moyens suffisants, tand is que les marxistes


178

SOUTIEN EPISCOPAL AUX MARX ISTES

I

/

Gouvernement. De nouveau, c'est une solution tronquée qui est proposée pour la crise chilienne; le Comité laisse enten dre que si la contestation populaire se maintient à ce niveau , le pays va droit au dra me d' une guerre civile. Cependant, pour la première fois , on peut remarquer une note timide d'inquiétude suscitée par la situation économique. Néanmoins, le Comité demande « le main tien de la con tinuité constitutionnelle, le installaient des hô pitaux clandestins en vu e des violenc es qu ' ils tentaie nt de déc lencher pour s' emp arer du pays par la force . * Parallèlem e nt à la ruine éco nomiqu e, l'E tat socialist e favorisait la corruption mo rale du peup le en l'avilissant par un progra mm e d'athéism e mis au po int po ur les cl asses enfant ines, et par un progra mm e d ' « Ecole Natio nale Unifiée » , dont le lanc ement était prévu pour fi n 19 72 -débu t 1973 , dans le but de marx iser l' enseignemen t . • Alle nd e ne cac hait pas qu e so n régime é tait un e étape de t ra nsit io n vers le so cialisme marxiste . Afin de maî triser l'énorm e vagu e de pro t estatio ns qu ' il suscitait , le régime marxist e, qui tenait à ce q ue sa « voie po ur l_e socialisme » ait un aspect dé mocra tiq ue, n'e n préparait pas moins ha bil ement une dict atur e policière. Ainsi la Po lic e Polit iq ue d isposait elle de serv ic es spéciaiisés dans la d iffa matio n des an t i-co mm un istes , et tes priso nniers é taient-ils so um is à de brutales to rt ures. Les journau x de l' opp ositio n é taie nt sévèrem en t contrô lés . Pour la phase fi nale, le régime se prép ara it à mettre en œ uvre un progra mme natio nal d'é lim inat io n dans le sa ng - avec l' aid e de t reize m ille terroristes venu s de l'é tranger de ses principa ux opp osan ts, pour im planter ensuit e « la dict ature d u prolé tariat » classique . • A mesur e qu e se produisait la « co mmun isat io n libérat rice » d u Chili , par des « vo ies léga les » , l' ind ig nat io n spont a née ne cessait de croî t re da ns le pays. A la fi n de 197 1, o n vit se for mer les célè bres « m arch es des casseroles vid es » , auxq uelles particip ère nt des milli ers de femm es de to ut es les co uches socia les; il y eut éga le ment d'a ut res manifest ations de masse, telles qu e les grèves, les reve nd ica tio ns, e tc ., d o nt les plus imp ort ant es ont certainem ent été les grèves des paysa ns, qui rassemblèrent plus de 4 0 0. 0 00 o uvriers agric o les op posés au soc iali sme agraire . E nt re janvier et avril 19 73 , o n compt a plu s de 43 grèves d'o uvr iers ou de paysa ns . Po ur finir , après la grève des m ineurs, des camio nneurs e t des com merça nts, le pays se t rouva paralysé et exigea le départ d' All end e . Le 11 se pt embre 19 73 , un soulèvem ent milit aire renversa it le prés id ent mar xiste. • Au le ndem ain de la chut e du rég im e, o n appre nai t de sou rce sûre co nfirm ée par des doc um ents irré fut a bles les no mbreu x vo ls e n nature e t e n espèces, ainsi q ue les orgies effro yab les q ui ava ient eu po ur cad re les réside nces présid entielles, co nfir ma nt ainsi ce q ue la majo rité des Chili ens so upço nnait déjà . ( Voir à propos A llende et sa ,r voie ch ilienn e» ... pour la misère - Edit io ns T FP ) .

I

/


ETOUFFER LA RESISTANCE POPULAIRE

1 79

respect et l'obéissance à l'autorité légitime, et « la poursuite du processus de changements visant à libérer les pauvres de toute forme d'injustice ou de misère et à instaurer l'égalité pour tous les Chiliens » ... ( « El Mercurio », 22-10-72; « Documentas del Episcopado », Clüli 1970-1973, page 146. C'est nous qui soulignons Je texte). Que répondre à de telles déclarations ? - Alors que le Chili gémit et s'agite, que la pauvreté s'est généralisée, que tous les droits sont systématiquement violés, les Evêques voudraient poursuivre Je processus de collectivisation égalitaire qui mène le pays à sa perte? On a peine à concevoir un si terrible abandon de l'un des devoirs essentiels de leur ministère sacré: la lutte contre le communisme foncièrement anti-chrétien qui déchire la Nation. Mais ce qui est plus grave, c'est que nous voyons là la concrétisation d'une étroite collaboration avec le marxisme, dans laquelle tout est permis, même la déformation éhontée de la réalité la plus évidente.

• • • Pour compléter le sinistre tableau qu'offrait le pays à un moment où le maintien du Président au pouvoir était de plus en plus difficile, rappelons que, de Rome, le Primat chilien fit parvenir à Allende un message public, dans lequel il lui faisait part de son inquiétude devant les événements, s'offrant à regagner le Chili si ce dernier - qui pourtant opprimait son peuple - le jugeait nécessaire ( « El Mercurio », 29-10-72 ).

• * • A son retour de Rome, Je Cardinal-Archevêque publia à son tour un long document dans lequel il exposait les conditions qui, d'après lui, étaient nécessaires pour que règnent la compréhension, l'harmonie et la tranquillité entre les deux factions en lutte.


J80

SOUTIEN EPISCOPAL AUX MARXISTES

Et l'on retrouve Je même caractère collaborationniste des précédentes interventions épiscopales: emploi de termes généraux pour décrire la situation du Chili, sans jamais une seule allusion, si faible soit-elle, à sa communisation et aux attentats au droit naturel et à la morale catholique qui en découlent. Pour Je Cardinal, la condition première est le respect de l'autorité légitime, principe parfaitement fondé en soi. Mais compte-tenu des circonstances et de sa formulation, il était alors vide de sens. En effet, défendre ce principe alors que tout le pays contestait le Gouvernement d' Allende, sans en préciser les modalités d'application, revenait tout simplement à dire que la saine réaction de l'opinion publique dégénérait en rebellion injuste contre l'exercice légitime du pouvoir par une autorité légale. Outre le fait qu'il n'existe pas de majorité électorale qui puisse légitimer un système portant atteinte à la loi naturelle et à la loi divine, il convient de préciser qu' Allende lui-même avait ouvertement affiché l'illégalité de son autorité en violant systématiquement le droit naturel et en annonçant son intention de conduire le Chili au communisme intégral par la voie du socialisme marxiste. D' autre part, il faut dire également que personne n'a jamais entendu Je Cardinal évoquer Je respect de l'autorité et les droits légitimes des propriétaires terriens ; on peut citer en exemple ces missionnaires de I' Archidiocèse de Santiago qui poussaient les paysans à se soulever contre les dits propriétaires terriens ; ou encore la violence des hordes du « MIR » qui, sous le couvert du Gouvernement d' Allende, bafouaient cette même autorité et ces mêmes droits. Plus tard , par la déclaration que nous reproduisons ci-après, le Cardinal-Primat a tout simplement déplacé le fond du problème qui divisait le pays sur le plan idéologique et moral: « Aujourd'hui, le Chili nous demande d 'avoir le courage de laisser notre amour-propre de côté, pour nous consacrer à la recherche de solutions intelligen tes, qui tout à la f ois mettront un terme au conflit actuel, et forgeront la grandeur à venir du pays;


ETOUFFER LA RESISTANCE POPULAIRE

181

c'est pourquoi chacun doit renoncer à son propre égoïsme, à son prestige personnel, ou au triomphe de sa cause, quand la vie institutionnelle du pays est en jeu ».

En lisant ces quelques lignes, on pourrait croire qu'au Chili deux factions s'affrontaient pour des raisons purement personnelles ou de simple prestige, sans aucun souci de Morale, de Justice ou de Droit, ou au contraire en donnant l'impression de les défendre d'un côté comme de l'autre. Bien qu'il y ait eu effectivement, comme c'est souvent le cas en politique, certains dirigeants prêts à servir leurs propres intérêts, toute autre était alors la réalité au Chili: d'un côté se trouvait la minorité marxiste qui, emportée par sa mythomanie égalitaire, imposait progressivement au peuple les postulats d'une pseudo-métaphysique collectiviste; et de l'autre, la majorité abandonnée par ses prêtres et justement révoltée contre ce régime impie et illégitime. Dans ce contexte, c'était précisément les marxistes qui mettaient en danger le caractère même du Chili en tant que pays chrétien; eux, les responsables du « conflit actuel » que le Cardinal-Archevêque se gardait bien d'analyser plus en profondeur. Car mettre un terme au processus éhonté de destruction matérielle et morale n'était pas mettre en danger la vie institutionnelle du Chili; bien au contraire, c'était la sauver avant qu'il ne soit trop tard. Mais le Cardinal, qui ne pouvait en aucun cas ignorer cette situation, préférait que l'œuvre d' Allende continue à se faire à l'abri d'un calme social apparent. Brandissant à nouveau Je spectre d'une guerre civile meurtrière, il termina en disant aux Chiliens que la voie montrée par Dieu dans les circonstances actuelles était celle de l' « unité dans le respect mutuel, comme étant le seul chemin à suivre, et le meilleur » ( « El Mercurio », 31-10-72 ).

La conduite du Cardinal semblait inébranlable : il était fermement résolu à saper les valeurs morales , en se retranchant derrière l'ambiguïté de ses propos, et à engager l'investiture inviolable de l'épiscopat pour empêcher la chute du régime.


182

SOUTIEN EPISCOPAL A UX MA R X ISTES

*

*

*

Quelques jours après cette déclaration, une célébration

« œcuménique » eut lieu dans l'église catholique de la Vera Cruz, en présence de Mgr. Silva Henriquez, d'un pentecôtiste, d'un baptiste, d'un méthodiste, d'un adventiste, d'un luthérien, d'un membre de l' Armée du Salut, d'un représentant de l'église schismatique russe du Patriarcat de Moscou, d'un représentant de la communauté musulmane, ainsi que d'un rabbin. Au cours de la cérémonie, on pria pour la paix - cet te paix théorique qui semblait n'avoir aucun rapport avec l'ordre véritable, fondement de la vraie tranquillité. Tout de suite après, les participants, le Cardinal-Archevêque de Santiago en tête, se rendirent au Palais de « La Moneda » pour remettre à Allende une déclaration conjointe . On y retrouvait l'habituel et vague refrain relativiste : « Nous, les chefs spirituels des communautés religieuses du Chili, sommes profon dément préoccupés et angoissés par l'antagonisme sourd qui divise le peuple chilien à l'heure actuelle ». Les signataires ne font évidemment aucune allusion aux causes qui ont provoqué la situation qu'ils déplorent , laissant entendre que la contestation anti-marxiste n'est que l'un des éléments - tout aussi discutable que les autres - de cet antagonisme sourd. Sans faire la moindre distinction, et en nourissant, comme de coutume, de fau x espoirs d'union entre le Chili catholique et l'anti-Chili marxiste, les auteurs du document continuent: « Nous, les croy ants, avons aussi contribué à faire germer la haine, en nous exprimant de façon irréfléchie et en manquant à la charité. Nous aussi, no us nous sommes tus devant les abus provoqués par les passions politiques. N ous n 'avons pas vécu comme les frères d'une même famill e et les enfants d 'un mêm e père ( ... ). Mais ce t état de péché ne peut se prolonger sans nous mener à une lutte fratricide aux conséquences imprévisibles » . Ils terminent en disant : « Nous sommes con vaincus qu'au fond du cœ ur de tous les Chiliens se trouve le désir de re tro uver l'unité po ur avancer à la re cherche du bien comm un que nous


ETOUFFER LA RESISTA NCE POPULAIRE

183

souhaitons tous ». ( « El Siglo », 4-11-72 ; « El Mercurio », 6-11-72. C'est nous qui soulignons le texte).

*

*

*

Pendant ce temps, la minorité marxiste pouvait laisser transparaître certains côtés odieux de son vrai visage, sans que cela gêne le Cardinal le moins du monde. « El Mercurio », de ce même mois de novembre, rapporte que les Députés Ricardo Tudela et Ernesto Iglesias écrivirent au Président de la Chambre, Monsieur Fernando Sanhueza; dans cette lettre, ils demandaient que l'on retire de la salle de lecture du Parlement les exemplaires du quotidien communiste « Puro Chile », dans lequel la Sainte Hostie faisait l'objet de blasphèmes intolérables. Ces deux parlementaires étaient des démocrates-chrétiens ( « El Mercurio », 24-11-72 ). Comme on aurait aimé que le Cardinal-Archevêque de Santiago, les évêques auxiliaires, le chapitre métropolitain, etc., organisent une cérémonie de réparation publique au SaintSacrement ! Tous les catholiques de Santiago se seraient rendus à une telle manifestation; on aurait réparé, dans l'ordre et la dignité, l'offense faite au Seigneur Dieu, et ce témoignage de foi, dans une atmosphère pacifique, aurait moralement réconforté les catholiques du Chili, plongés dans la consternation. Mais il n'en a rien été. Les vérités éternelles et absolues semblaient abandonnées ou reléguées à un olympe P.l'.1tonique. Le Cardinal et la hiérarchie ecclésiastique qui l'assistait ne semblait avoir aucun souci; rien ne semblait compter, hors le maintien de l'unité résignée et relativiste, autour du gouvernement illégitime d' Allende. Dans ce but, on invitait les fidèles à renoncer non seulement à Jeurs droits légitimes individuels, mais également aux conséquences sociales nécessaires de la Foi catholique, qui justifient et légitiment ces mêmes droits.

* * *


184.

SOUTIEN EPISCOPAL AUX M ARXISTES

A Noël 1972, Mgr. Silva Henriquez, cette fois-ci en sa qualité de président de la Conférence Episcopale , et Mgr. Carlos Oviedo, en tant que Secrétaire Général, présentèrent un nouveau document au nom du Comité Permanent de !'Episcopat. Un appel de plus à une paix abstraite, vide de sens, à force de vouloir ignorer l'éclatante vérité. A propos des élections législatives, d'une importance décisive, qui approchaient, le Comité Permanent de !'Episcopat affirme: « le plus grand ennemi du Chili, l'ennemi de la Paix »... , c'est celui « dont les armes sont la haine, le mensonge, la tromperie, la calomnie, l'effronterie, l'insolence, l'insulte, la menace, la violence ». C'est clair: qui, parmi les catholiques engagés dans la lutte contre le communisme, pourrait se prononcer en faveur de la tromperie, du mensonge, de la calomnie, etc.? C'était, une fois de plus, une déformation flagrante de la réalité chilienne dans son essence la plus profonde . On détournait l'attention des catholiques du combat opposant marxistes et anti-marxistes , vers les problématiques exaltations de la bataille électorale. D'autre part, le Comité Permanent de !'Episcopat ne désignait pas comme d'authentiques traîtres à la Patrie, ennemis de la véritable paix - c'est-à-dire de la tranquillité dans l'ordre - tous ceux qui, avec une obstination perfide, avaient introduit le marxisme au Chili - ce désordre systématique et antinaturel. Tout semble se réduire à un problème de passions insensées, ravivées par les luttes personnelles et égoïstes. Bien que les évêques aient dit que « l'erreur et la vérité, le bien et le mal, ne reviennent pas au même », ils ne semblaient cependant pas trop attachés aux principes immuables de la doctrine sociale catholique, que le régime marxiste en place ne se faisait pas faute de bafouer. Dans la pratique, ils pensaient sacrifier ces principes sur l'autel d'une paix relative. Mais il fallait surtout, dans cette optique épiscopale, faire oublier aux catholiques que dans le camp opposé se trouvaient les mythomanes égalitaires d'une secte fanatique , ennemie mortelle


ETOUFFER LA RESISTANCE POPULAIRE

185

de la Civilisation Chrétienne ( « La Nacion », 24-12-72; « Documentas del Episcopado », Chili 1970-1973 , pages 147 et 148 ). L'année 1973 commence dans le mécontentement; plus de seize groupements professionnels manifestent contre l'arbitraire et les abus du régime. Il y a là de tout: depuis !'Ordre des Avocats de Santiago, en passant par les médecins de Valparaiso et d' Aconcagua, les fonctionnaires de Puerto Montt , jusqu'à la Confédération Nationale des Etablissements et Coopératives de la Réforme Agraire, sans oublier les petits artisans de Punta Arenas.

* * * Pendant ce temps, Mgr. Silva Henriquez partait se reposer dans le Sud du pays, dans la province de Magallanes. Il fit alors une déclaration aux journalistes: « Ce qui nous afflige, c'est de penser que demain pourrait éclater un conflit au Chili - ce serait terrible ». Il poursuivit en disant qu'il priait « Dieu tous les jours de conserver la tranquillité au Chili. C'est mon plus cher désir et ma plus grande ambition à l'heure actuelle » ( « El Mercurio », 30-1-73. C'est nous qui soulignons le texte). Comment pouvait-on, sans rougir, avoir l'audace de nommer tranquillité l'état de choses que le communisme international avait imposé à notre Patrie? L'inconséquence du Prélat envers des principes absolus dont il se devait d'être le gardien, d'une part, et sa persistance à vouloir défendre publiquement, pour la couvrir, l'œuvre D' Allende , d'autre part , étaient impressionnantes.

* * * Le groupe de « Chrétiens pour le Socialisme », dont les activités se multipliaient impunément au Chili, organisa avec le Parti Communiste, la gauche catholique, le MIR et les démocrates-chrétiens dissidents du « MAPU », une cérémonie d'hommage à Camilo Torres, prêtre apostat et guérilléro.


186

SOUTIEN EPISCOPAL AUX MARXISTES

Lors d'une conférence de presse à la Chambre des Députés, le Père Gonzalo Arroyo, jésuite, qui dirigeait les « Chrétiens pour le Socialisme », après avoir chanté les louanges de Camilo Torres, fit remarquer que le mouvement « a appuyé et partagé les prises de position du Cardinal Silva Henriquez aux côtés des travailleurs, lors des réunions de la CUT par exemple, ou d'autres. De plus, Je Cardinal avait un jour déclaré que Je socialisme était inévitable et qu'il en prendrait sa part » ( « La Prensa », 15-2-73. C'est nous qui soulignons le texte).

*

* *

Comme les élections législatives approchaient, le Comité Permanent de !'Episcopat fit à nouveau entendre sa voix. Voici ce que les évêques recommandaient aux fidèles qui , angoissés, se préparaient à voter: « Tout Chilien qui prend place à la Table du Seigneur, et qui, en toute sincérité, désire aimer son prochain comme Il nous a aimés, se doit de toute urgence d'encourager les changements sociaux susceptibles de faire régner à cette Table commune à tous un esprit fraternel d'amour, de justice, d'égalité et de respect mutuel. Nous devrions renouveler cet engagement chaque fois que nous célébrons /'Eucharistie ; et c'est dans cet esprit que nous devons fixer notre conduite et notre position individuelles lors des prochaines élections » ( « La Prensa », 23-2-73; « Documentes del Episcopado », Chili 1970-1973 , page 150 ). Sans aucun doute, le Père Arroyo et ses « Chrétiens pour le Socialisme » savaient déjà parfaitement vers quels changements sociaux ils engageraient les électeurs, et comment il fallait interpréter l'ambiguïté d'une expression comme « esprit fraternel », ou le mot « justice », utilisés ici en termes généraux. Malgré près de deux ans et demi d'une expérience socialistemarxiste au Chili, qui ne faisait que continuer le processus de confiscation introduit par Frei , la hiérarchie n'en continuait pas moins son enseignement. Elle ne cessait de réclamer à grands cris des réformes,sans jamais en préciser la nature,


ETOUFFER LA RESISTANCE POPULAIRE

187

comme s'il s'agissait d'un pays abstrait, alors qu'un processus était en marche , qui allait en définitive mener le Chili tout droit au communisme.

* *

*

De son lointain diocèse de Cuernavaca, au Mexique, Mgr. Mendez Arceo, marxiste, exprima son espoir que le peuple chilien, lors des prochaines élections, « ne se détournerait pas du processus révolutionnaire qu'il avait commencé à vivre avec le gouvernemen t du Président Salvador Allende ». Dans son homélie, Mgr. Mendez Arceo pria également pour que le Chili conserve un gouvernement populaire ... ( « Las Noticias de Uitima Hora », 27-2-73 ). L' Archevêque de Santiago ne jugea pas utile de rectifier les propos de !'Evêque de Cuernavaca, publiés au Chili une semaine seulement avant les élections législatives. 5. Devant le projet d'éducation totalitaire marxiste, une nouvelle attitude conciliatrice du Cardinal.

Fin 1972, un Congrès de professeurs, sous les auspices du gouvernement, étudia un projet de « démocratisation » de l'enseignement; des porte-paroles du Ministère de l'Education laissèrent entendre qu'il s'agissait d'un programme purement technique. Les autorités ecclésiastiques gardèrent le silence sur ce point. En mars 1973 , un rapport officiel du gouvernement sur le Projet de Réforme de l'Enseignement parvint à des professeurs fermement anti-communistes, et tout à fait lucides. C'est alors qu 'éclata le scandale: le gouvernement d'Allende préparait un gigantesque projet de réforme de l'enseignement qui n'était autre que la mise en place d'une machinerie totalitaire scandaleuse , pour modeler les consciences selon la doctrine marxiste . Le système prenait les individus en charge du berceau à l'âge mûr, et devait même s'infiltrer jusque dans les familles. La


188

SOUTIEN EPISCOPAL AUX MARXISTES

réforme préparait ainsi tout un appareil de pression politique et d'encouragement à la lutte des classes dans l'enseignement, comptant sur les dispositifs d'action partisane marxiste, les syndicats qu'ils contrôlaient et la CUT elle-même ( Centrale Unique des Travailleurs ), également sous la coupe du régime d'Allende. Les lycéens de toutes les catégories sociales descendirent dans la rue en signe de vive protestation contre le projet, et ils durent faire face à une violente répression du Gouvernement. Des associations de parents d'élèves organisèrent des réunions dans tout le pays. Au plus fort de la tempête produite par l'énorme réaction, le Cardinal Silva Henriquez eut une entrevue avec Allende; après sa visite, il déclara en personne à la presse , dans un esprit de conciliation, que l'Eglise n'était pas en conflit avec le Gouvernement, et que, d'après lui, les problémes de l'heure pourraient être dominés ... (cf. « El Mercurio », 28-3-73 ). Ce même jour, le Comité Permanent de !'Episcopat publiait une déclaration signée par Mgr. Silva Henriquez et par Mgr. Oviedo, à propos du Rapport sur l'Ecole Nationale Unifiée ( ENU ). A ce sujet, la déclaration soulignait « des aspects positifs, que nous approuvons sans hésiter ». Aussi surprenant que cela puisse paraître, la déclaration souligne, parmi ces valeurs, « l'intégration de tous les Chiliens à un système d'éducation dont toute discrimination idéologique est exclue » ! Comment les évêques pouvaient-ils faire une telle déclaration, alors qu'ils se trouvaient en présence d'une tentative d'éducation totalitaire marxiste bien mal dissimulée, visant à s'emparer des consciences? Pour ce qui est des aspects négatifs, le Comité Permanent de !'Episcopat « ne voit nulle référence aux valeurs humaines et chrétiennes », et déplore que le projet ne tienne aucun compte des autres tendances idéologiques opposées à celle du gouvernement. Pour le Cardinal, il n'y avait d'autre solution que l'attente. C'est pourquoi sa démarche auprès du Président de la Républi-


ETOUFFER LA RESISTANCE POPULAIRE

189

que s'était limitée à demander « l'ajournement de l'application de ce proje t d'Ecole Nationale Unifiée, afin de permettre un large débat au niveau national » ( cf. « Documentas del Episcopado », Chili 1970-1973, pages 151 à 154 ). D'autre part , quelques rares évêques, alors que le régime touchait déjà à sa fin, adoptèrent une position beaucoup plus catégorique à l'encontre de ce projet d'ENU. Ce fut le cas, par exemple, de Mgr. Emilio Tagle, Archevêque de Valparaiso. Cependant, l'opinion catholique ne partageait aucunement la position conciliatrice du Cardinal et de la presque totalité des Evêques. De nombreuses assemblées de parents d'élèves et de leurs représentants, partagés entre l'indignation et la surprise, se penchèrent sur l' attitude des autorités ecclésiastiques - qui, à de rares exceptions près, suivaient l'exemple de Mgr. Silva Henriquez. De tous les coins du pays, la contestation s'éleva. De la ville de Los Angeles, par exemple, au sud du pays, trois cents mères de famille s'adressèrent au Cardinal en termes émouvants: « Votre Eminence souhaite ouvrir le dialogue, discuter, et traiter avec le marxisme; mais nous, les mères de famille chiliennes, nous avions cru pouvoir compter sur Votre Eminence, sur Son courage et Son patriotisme. Nous nous retrou vons seules, sans Chef et sans Pasteur ... » La TFP chilienne envoya un message au Cardinal et aux Evêques « en défense des droits imprescriptibles de NotreSeigneur Jésus-Christ et de la famille ». Ce document, signé par plus de cinquante mille chiliens, traduisait la vive préoccupation que suscitait l'attitude si dépourvue d'énergie que !'Episcopat adoptait publiquement à propos du projet d'éducation marxiste, qui faisait craindre une décision inadmissible en la matière ( « FIDUCIA », édition spéciale n. 36 , janvier-février 1974 ). L'Assemblée Plénière de !'Episcopat se tint à Punta de Tralca le 11 avril 1973 . A cette occasion, les évêques apportèrent leur soutien « à la démarche du Cardinal auprès du Président de la République, visant à repousser l'application de /'ENV »; ils réaffirmèrent , en termes pru dents, leurs réserves


190

SOUTIEN EPISCOPAL A UX MARXISTES

d'ordre général touchant ce très grave projet. A la même date, ils adressèrent une lettre au Ministre de l'Education, le remerciant « de l'attention que vous avez bien voulu prê ter à notre requête demandant l'élargissemen t du débat sur l'Ecole Nationale Unifiée » ( « Documentos del Episcopado », Chili 19701973, doc. n . 51-52, pages 155-156 ). L'attitude conciliante des évêques demandant que l'on recule l'application du funest projet, ainsi que leurs réserves timides et prudentes, sont restées lettre morte et n'ont évidemment pas pu empêcher que le Gouvernement d'Allende ne continue bel et bien à appliquer son programme d'éducation marxiste, dans des lieux bien choisis, réservant pour une occasion plus propice sa prochaine offensive. Pas plus que les autres fois, les évêques chiliens ne se trouvèrent à l'avant-garde du combat idéologique et sacré pour la défense de la conscience des enfants et des adolescents, des droits de la famille et de ceux de l'Eglise. Poussés par les circonstances à faire une déclaration publique , éventuellement défavorable au président marxiste, les Evêques s'y employèrent en évitant, une fois encore, de s'associer sans équivoque à la souffrance de leurs ouailles. Pendant ce temps-là, s'exposant aux violences physiques et morales des hordes communistes qui sévissaient dans les rues agitées de Santiago et ailleurs, des milliers de personnes signaient le manifeste de la TFP dont nous avons déj à parlé. Les signataires proclamaient: l'Eglise a reçu de son divin Fondateur « le droit propre et inaliénable, ainsi que le devoir auquel elle ne peut renoncer, d'enseigner elle-même, directemen t et en to ute liberté; elle se doit de défendre ce droit et ce devoir, même, éventuellment, au prix de son sang. ( ... ) Si les Evêques veulent 11éritablement être les dignes successeurs des Pasteurs de jadis, · qui à l'image du Divin Pasteur, donnaient leur vie pour leur troupeau, alors le moment est venu pour eux de descendre dans l'arène et d'y lutter, sans effusion de sang, mais avec héroïsme ». Cependant, telle ne fut pas l'attitude de !'Episcopat. Deux mois plus tard, alors que dans presque tout le pays, la juste


ETOUFFER LA RESISTANCE POPULAIRE

19 1

rebellion contre le marxisme touchait à sa fin, les eveques publièrent un « long document de travail » sur l'éducation . Une partie de ce document émettait des jugements sévères sur le projet de l'ENU ( cf. « Mundo 73 » - n . 61 - juillet 1973 ). Les réserves doctrinaires évidentes contenues dans « la voix qui endort et la main qui éteint » - pour reprendre l'expression de Clémenceau - n'étaient certes pas ce que les fidèles étaient en droit d'attendre de leurs pasteurs. Les événements et le devoir exigeaient des chefs naturels de la conscience catholique qu'ils marchent à l'avant-garde, et non pas à une arrière-garde psychologiquement paralysante.


CHAPITRE III

LES DERNIERS EFFORTS DE L'EPISCOPAT EN FA VEUR D' ALLENDE, ALORS QUE CELUI-CI PREPARAIT L'EFFUSION DE SANG ...

Dans le manifeste intitulé « l'autodestruction de l'Eglise, facteur de destruction du Chili » paru dans les journaux de Santiago et de Province à la fin du mois de février 1973 déjà cité dans cet ouvrage - la TFP faisait allusion à quelques uns des événements rapportés ici. Un recul tactique des Evêques - qui jusqu'ici soutenaient à fond le régime marxiste d' Allende - était à prévoir, devant la vague irrépressible de son impopularité que plus rien ne pouvait arrêter désormais. « Si l'on devait en arriver là - disait le manifeste de la TFP - la déclaration ecclésiastique élaborée sous la pression d'une stratégie bien évidente, ne pourra cependant pas faire oublier aux chiliens les années au cours desquelles on voyait clairement vers quelle idéologie penchaient les sympathies de la hiérarchie, dès l'instant qu'elle ne subissait pas de pression d'ordre stratégique » ( cf. « La Tercera de la Hora » et « Tribuna », 27-2-73 ).


LE BAIN DE SANG SE PREPARAIT

1.

193

A la recherche d'une formule de transaction.

En juin - à trois mois de la chute d'Allende - les Evêques de la Province Ecclésiastique de Santiago signèrent une déclaration qui laissait transparaître quelque souci devant la misère qui s'était abattue sur le Chili. Mais si la situation leur laissait la moindre chance de collaborer, ils étaient prêts à la saisir; une fois de plus, en effet, leur déclaration ne désigne toujours pas la cause du drame chilien: la terrible gangrène marxiste qui rongeait le pays! On peut difficilement imaginer plus d'obstination. Mais voici textuellement les propos du Cardinal et des Evêques, qui nous montrent , dès le début du document, le sens dans lequel va aller la formule proposée : « No us partons d'une donnée fondamentale: le Chili est un pays qui à l'heure actuelle vit un important processus de transformations ». Partant du principe que la déclaration épiscopale semble vouloir fi xer les lignes directrices du gouvernement d'Allende comme une sorte d'acquis définitif, le Primat chilien et les Pasteurs qui l' accompagnent , éludent rapidement la question du processus de transformation, qui pour eux est un fait incontesta ble et in contesté, passant du terrain du début , à un plan qui leur paraissait peut-être plus abordable et plus général. C'est ai nsi que l'on peut lire: « Nous situons notre réflexion et nous ex prim ons notre pensée dans le cadre de notre Foi chrétienne, et non pas au niveau des sciences humaines ». Le texte poursuit : « Il y aura toujours des changements. C'est notre condition d'h omme, de tendre vers le but final promis par le Christ: la résurrection au dernier jour lorsqu'il reviendra » . Qu'est-ce que cela veut dire? L'évolutionnisme relativiste est-il érigé en valeur abso lue? Qui sont ces Pasteurs et quel es t le sens véritable de leur langage? C'est déconcertant et redo utable!


194

SOUTIEN EPISCOPAL AUX MARXISTES

Les Prélats poursuivent: « Dans cet esprit, nous voulons dire un mot de notre situation au Chili ». Paradoxalement, les lecteurs du document se retrouvent sur le terrain on ne peut plus concret des faits. C'est alors que les principes indispensables à l'évaluation de cette réalité s'évanouissent sous la plume agile et trompeuse des auteurs. Ils déplorent, un peu tard, la situation actuelle; mais sans en tirer cependant aucune conclusion bien définie: « La marche du pays et le déroulement des événements nous inquiètent. Nous souffrons à la vue de ces longues files d'attente ces millions d'heures perdues chaque semaine - véritable humi· liation pour tous les chiliens vivant dans ces conditions. On dirait un pays frappé par la guerre ». Si tel était le cas - demandons-nous - ne serait-il pas de la plus élémentaire logique de désigner les causes morales d'une situation aussi grave, afin d'y apporter immédiatement remède ? N'y avait-il pas par hasard dans la doctrine sociale catholique, que les Evêques avaient le devoir de connaître, des éléments leur permettant de juger ces événements, d'orienter leurs fidèles, et d'affronter, dans le calme mais avec détermination, les sectaires du matérialisme athée, responsables de ce processus désastreux ? D'autre part, une catastrophe de cette ampleur ne se produit pas du jour au lendemain. Et les paysans le savaient bien, eux qui avaient été les premiers à supporter, dans leur propre chair, les conséquences de ce processus pendant le gouvernement de Frei, avant que ce ne soient des millions de chiliens qui aient à souffrir de l'implantation de l'égalitarisme communiste à partir de l'arrivée au pouvoir d' Allende. Depuis peu le Cardinal et les Evêques paraissaient remarquer que quel· que chose de grave se passait... La déclaration des Evêques poursuivait: « le marché noir, déclenché par l'immoralité de ceux qui font un commerce malhonnête des aliments ou des produits de base essentiels, nous préoccupe ».


LE BAIN DE SANG SE PREPARAIT

195

C'est dire que les effets les préoccupent, mais qu'ils ne veulent pas publiquement en désigner les causes. N'est-ce pas là le contraire d'une attitude raisonnable ? Or, à qui profitait cette attitude, si ce n'est aux responsables du plan d'ensemble de destruction du Clùli? Plus loin, se référant aux protestations des ouvriers, qui se faisaient à chaque instant plus nombreuses contre l' Allendisme, ils ajoutent: « Nous sommes aujourd'hui témoins des problèmes devant lesquels se trouvent les mineurs de cuivre de El Teniente, avec toutes leurs implications sur la vie syndicale pour la bonne marche de l'économie. Nous condamnons la violence que ce conflit ouvrier attise, et nous pensons aux souffrances qui auraient pu être évitées ». Il est difficile de décrire la situation du Clùli de façon plus ambiguë, car on pourrait inférer de ces affirmations que les Evêques lançaient, pour comble de malheur, leur réprobation sur les pauvres mineurs de « El Teniente », qui se soulevaient héroïquement contre l'oppression marxiste. Les Evêques poursuivent avec leur refrain conciliant, devenu habituel, feignant d'ignorer que nous étions en présence des agissements d'une secte fanatique et anti-chrétienne, qui n'avait jamais, au cours de son existence, renié ses anti-dogmes matérialistes, et qui ne connaît d'autre recul que celui de la panthère: reculer pour sauter avec plus de force et de férocité . Effectivement les Pasteurs déclarent : « On ne peut pas structurer la société en partant du principe que nous sommes un ensemble d'ennemis. Ce n'est pas de la domination d'un groupe sur l'autre que viendra la paix. Le bien de la société exige l'effort et la participation de tous, et la pleine reconnaissance de tous les droits »... Ils ajoutent que « Nous devons rechercher ce qui nous unit, et non pas ce qui nous divise ». Cette fois l'appel n'est plus à une union autour de l'autorité illégitime du Président Allende. Celui-ci se trouve maintenant dans une position pratiquement insoutenable. Et ce que l'allendiste le plus exigeant pouvait réellement souhaiter, pour pour-


196

SOUTIEN EPISCOPAL AUX MARXISTES

suivre la voie « pacifique » du socialisme-marxiste, ou mieux se préparer à l'attaque finale, était une formule de transaction. Ainsi, la déclaration épiscopale n'est jamais plus éloignée de la gestion d' Allende que lorsqu'elle dit: « Nous sommes préoccupés par la tendance à l'étatisme absolu, sans une participation adéquate ». Deux paragraphes plus loin, on découvre la contrepartie de cette affirmation: « L'Eglise a toujours dénoncé le totalitarisme. Sous cette appellation se cache tout système non seulement total mais absolu, généralement fondé sur des idéologies parfois fort différentes, voire antagoniques, et qui ne tolère d'être contrebalancé par aucune critique, aucune force d'équilibre, quelles qu'elles soient. Rappelons ici la parole du Christ: On ne peut servir deux maîtres, Dieu et l'argent. On ne peut servir Dieu et idolâtrer le pouvoir » ( « Documentos del Episcopado », Chili 1970-1973, p. 164-167. C'est nous qui soulignons le texte ). Effectivement, on ne peut pas servir deux maîtres: il y a incompatibilité entre le service de Dieu et celui d'un régime marxiste, aussi subtiles que soient la casuistique du langage et la conduite adoptée; et bien davantage encore lorsqu'on · est investi d'un saint ministère et revêtu de la pourpre cardinalice. 2. Le Cardinal veut que les hommes politiques catholiques s'entendent avec le marxisme chancelant.

« Les communistes, qui ont une parfaite connaissance de la mentalité du peuple, sont venus me dire, et plus d'une fois, toute l'influence qu'exercent sur notre peuple l'Eglise et le Cardinal », avouait lui-même le Cardinal Archevêque de Santiago, au cours de la conférence qu'il a prononcée en Espagne, à Tolède, le 12 juin. Il précisait même: « Peu avant de partir pour l'Espagne, des dirigeants communistes, de second plan, sont venus me trouver au nom de leur Parti pour me supplier de faire ce qui était en mon pouvoir pour éviter la guerre civile ».


Le peuple fait la queue la nuit pour se ravitailler. ..

pendant que Sœur Noemi de la Congrégation des Filles de Saint Joseph danse la « cueca » avec Luis Figueroa , député · communiste et président de la CUT.


198

SOUTIEN EPISCOPAL AUX MA RXISTES

Cet entretien privé dénote que le Cardinal était parfaitement informé de ce que ses déclarations publiques laissaient croire qu'il ignorait. En effet, au sujet de la démarche communiste il ajoute: « Aujourd'hui, les communistes redoutent fortement la guerre civile; s'ils la redoutent, c'est qu'ils ne sont pas du tout sûrs de la gagner; s'ils en étaient sûrs, ils n'hésiteraient pas à s'y lancer; mais justement, ils n'en sont pas sûrs; ils ont très peur de la perdre ». En fait, ce que les communistes craignaient par-dessus tout, c'était d'être renversés par la vague d'indignation de l'immense majorité du peuple. Le Prélat justifie son action conciliatrice, qui visait à éviter la chute de la minorité marxiste, lorsqu'il déclare: « Nous autres, nous pensons qu'aujourd'hui le Chili peut également arriver à une solution . Bien sûr, mais à condition que les catholiques, essentiellement les laïcs, puisque ce sont eux qui sont appelés à prendre en mains la destinée du pays et à décider des mesures nécessaires, arrivent à une entente avec les marxistes, non pas en vue d'un programme commun marxiste, mais pour œuvrer ensemble au bien-être du peuple » ( « Teologia de la Liberacion », Conversations de Tolède, juin 1973 apud « El Mercurio », du 2-12-1975). Nous retrouvons, dans cette tentative de justification, l'orientation à laquelle il a toujours obéi: il va de soi qu'il ne se déclare pas en faveur d'un « programme marxiste » ( il ne manquerait plus que cela! ). Son appel aux catholiques passe sous silence ces trois années de· réformes injustes et immorales qui conduisaient le Chili à la communisation. Ce qu'il demande, c'est un programme commun « pour le plus grand bien du peuple )> , véritable pacte à conclure avec ceux qui veulent systématiquement la déchristianisation du pays. Le résultat le plus clair de cet appel a été le funeste maintien au Pouvoir des sectaires antichrétiens, qui n'entrent en accord ou ne font de concessions que pour mieux s'assurer une complète domination.


LE BA IN DE S ANG SE PREPA RAIT

199

On a peine à reconnaitre, dans cette attitude du prélat, la clarté et la sagesse de l'enseignement que le Magistère du Pape a dispensé pendant des siècles sur les rapports avec les ennemis de l'Eglise et de la Chrétienté le caractère des mouvements hérétiques, le communisme, l'opposition entre les fils de la lumière et les fils des ténèbres, et le dogme du péché originel, avec toutes les répercussions que cela comporte pour l'homme, dans sa vie individuelle et dans sa vie sociale. 3. Dialogue Allende-OC: le Cardinal sollicite une trève pour gagner du temps.

Cela fait déjà plusieurs semaines que les mineurs de « El Teniente » sont en grève pour résister au gouvernement marxiste. De tous les points du pays on les soutient. Ils reçoivent l' appui d'une fraction dissidente de la CUT ( Centrale Unique des Travailleurs). Les camionneurs entament leur seconde grève, encouragés par les témoignages de solidarité de chiliens de toutes classes. Les jeunes de « Patria y Libertad » font montre du plus grand héroïsme dans leur lutte contre les communistes . Les rumeurs se multiplient quant au mécontentement qui grandirait dans l'armée contre le régime socialiste. Dès son retour au Chili, le Cardinal Archevêque de Santiago intervient une fois de plus. Une nouvelle déclaration du Comité Permanent de !'Episcopat est divulguée, sous la signature du Cardinal et de Monseigneur Oviedo. Dans quel but ? Chercher à obtenir « l'assentiment du plus grand nombre en faveur de la paix et des réformes sociales ». On a l'impression de vivre un véritable cauchemar, mais c'est pourtant la triste réalité. Les autorités épiscopales ajoutent: « N ous invitons les dirigeants politiques et les hauts responsables du pays à instaurer entre eux un dialogu e veritablement ex haustif ». D'une façon plus concrète, ils précisaient: « Nous proposons une trève. Les ho mm es politiques savent bien comment /'o btenir;


200

SOUTIEN EPISCOPAL AUX MARXISTES

ce n'est pas une solution mais cela donne du temps pour en trouver une. Cela permettrait, dans le calme, d'aboutir à des solutions durables, fondées non pas sur l'exclusion de l'un ou l'autre groupe, mais sur la juste appréciation de ce qu'il y a de légitime et de positif dans chacun d'eux, en tenant compte également des positions adoptées par la grande majorité du peuple chilien » ( « Documentas del Episcopado », Chili, 19701973 , pages 171 à 173 . C'est nous qui soulignons le texte). Dans les derniers jours qui précédèrent le naufrage de l'expérience socialo-marxiste d' Allende , le Cardinal Primat, au nom de !'Episcopat, cherchait par là à gagner le temps nécessaire pour arriver à faire converger dans un pacte les tendances en présence. Imaginerait-on plus grand acharnement à sauver le processus de transformation collectiviste mis en place par Allende , de la part d'un homme qui occupe le siège primatial à la tête de la Hiérarchie ecclésiastique chilienne ? Que l'on ne vienne pas nous dire, de façon puérile, qu'il s'agissait d'éviter, pour notre Patrie, une guerre civile meurtrière, qui pourrait durer des années. Les faits ont démontré, par la suite, à quoi devait servir la trève pour cette minorité d'infâmes dirigeants marxistes, qui en profitaient pour regrouper leurs forces afin de mieux implanter le communisme classique . D'autre part, il y avait un moyen bien simple de conjurer la menace de guerre civile ; c'était que la Hiérarchie Ecclésiastique chilienne, le Cardinal en tête , arrive à se rallier l'immense majorité du pays, en manifestant, dans l'ordre et le calme, leur détermination à voir le marxiste Allende et sa minorité de sectaires abandonner totalement le pouvoir, pour le plus grand bien de la Patrie. Les stratèges du communisme international, qui tiraient les ficelles du régime fantoche d' Allende, savaient parfaitement que, dans une telle éventualité , il ne leur res terait plus qu'à lâcher leur proie. Mais le Cardinal et les Evêques qui l'assistaient avaient déjà fait preuve, à plusieurs reprises, de tout l'acharnement dont ils étaient capables pour entretenir le processus révolution-


LE BAIN DE SANG SE PREPARAIT

201

naire marxiste chilien; ils n'épargneraient donc pas au troupeau des fidèles cette dernière forme de collaboration, qui était autant de temps gagné pour l'allendisme. 4. Réponse bien significative des communistes à l'appel du Cardinal.

Tournant véritablement en dérision le peuple chilien, le parti communiste répondit aussitôt par des termes empressés et mielleux à l'appel du Cardinal Archevêque de Santiago. Le loup déguisé en agneau pressentait la déroute imminente. Voilà qu'il parlait maintenant le langage de la réconciliation entre les Chiliens, qu'il citait des passages des Saintes Ecritures, et, ô prodige! qu'il demandait aux brebis d'écouter le Pasteur ... Nous n'inventons rien, il n'y a qu'à consulter l'article du Sénateur communiste d'alors, Monsieur Teiltelboim, paru dans « El Siglo » sous le titre de « Répondons à l'appel de l'Eglise ! » Voici, effectivement quelques extraits de ce que l'on pouvait y lire : « C'est la voix du Cardinal que nous en tendons ( ... ). Crie-t-elle dans le désert ? ( ... ) fl ne dégaine pas l'épée à double tranchant, bien aiguisée, mais c'est la paix entre les Chiliens qu'il demande ». « Ne vois-tu pas que je suis à la porte, et que je frappe ?» , disent les Ecritures . « Nous autres communistes, nous ouvrons notre porte, et nous répondons oui . .« Ceux à qui s'adresse cet appel de l'Eglise sauront-ils y répondre ? Ou feront-ils la sourde oreille, ceux qui sont le plus à redouter et ne veulent pas entendre, bien qu 'ils assistent régulièrement à la messe et prennent un air pénétri pour recevoir l'hostie consacrée ? » Le Sénateur ajoutait : « Nous, les marxistes qui, comme tant de croyants cherchons à abolir la domination de l'homme sur l'homme, nous répondons oui. Répondons donc affirmativement à l'appel Pastoral ». Et il va même jusqu'à ajouter :« Et


202

SOUTIEN EPISCOPAL A UX MA RXISTES

nous aspirons ardemment à un Chili nouveau, construit dans le respect de chacun . ( .. . ) Nous nous associons à votre prière pour la paix. Nous ne pouvons rester insensibles à votre appel en faveur du dialogue quis 'impose »... En un tel moment, il n'est pas jusqu'au « dogme » totalitaire de l'obédience à Moscou qui ne soit oublié. C'est ainsi que nous pouvons lire ces paroles d' une ironie diabolique: « Oui à un dialogue, mais qui s'instaure véritablement. Oui,

mais, condition indispensable, en partant du principe que nul ne possède le monopole de la vérité ni la solution complète, unique, infaillible, à tous les problèmes du Chili ». Et la réponse communiste terminait « pieusement » sous la plume de Teitelboim , comme ceci: « Bien que dimanch e, 22 juillet, nous ne pénétrerons pas personnellement dans les cathédrales et dans les églises du pays pour célébrer le Jour de Prière pour la Paix au Chili, auquel nous convie l'appel épiscopal, certains de nos compagnons qui sont croyants feront également monter leurs supplications pour une si noble cause » ( « El Siglo », 17-7-73 ). Ces déclarations communistes sont si éloquentes que tout autre commentaire serait superflu. Le lendemain, c'était le Secrétaire Général du Parti Communiste en personne, Luis Corvalan, alors Sénateur, qui, déclarant que la position de son parti avait été parfaitement expliquée par Teitelboim , envoyait une lettre au Cardinal Archevêque, dans laquelle il disait textuellement : « Je me permets de m'adresser à votre Eminence pour porter à sa connaissance que le Parti Communiste du Chili répond positivement à l'exhortation du Comité Permanent de /'Episcopat » ( « El Siglo », 18-7-73 ). S.

Le Gouvernement a intérêt à ouvrir le dialogue.

Ce même gouvernement, par l'entremise de son Secrétariat Général , sairrait le jour même la main que le Comité Permanent de !'Episcopat lui tendait.


LE B A IN DE S A NG SE PREPARA IT

203

En effet, dans une déclaration de ce Secrétariat on pouvait lire: « C'est pourquoi le gouvern ement a pris connaissance, avec le plus vif in(érêt, du message adressé aujourd'hui, 16 juillet, par le Cardinal de l'Eglise Catholique, Monseigneur Raul Silva Henriquez, représentant du Comité Permanent de /'Episcopat » ( « Puro Chile », 17-7-73 ). 6. La lettre du Cardinal au secrétaire général du Parti Communiste.

Par la suite, le Cardinal lui-même répondit au secrétaire général du Parti Communiste. Du reste, la presse publia la lettre du prélat au sénateur Luis Corvalan. Dans un paragraphe central, le Primat chilien dit à Corvalan: « J'ai confiance , Monsieur le Sénateur, dans la droiture, dans le bon sens et dans le patriotisme des dirigeants politiques chiliens, et je suis certain que non seulement ils donneront leur accord verbal à notre espoir de réconciliation nationale, mais qu'ils prendront les mesures nécessaires pour renouer le dialogue perdu, le désarmement des esprits et des mains, pour obtenir, tant du cô té du gouvern ement que de celui de /'Opposition le consensus nécessaire pour que l'aspiration de justice et de paix de notre peuple ne soit pas frustrée par les menus intérêts de groupes ou de partis, qui existent d'un côté comme de l'autre » ( « El Mercurio », 21 -7-7 3. C'est nous qui soulignons le texte). 7. Collaboration des démocrates-chrétiens pour un dialogue de rapprochement des points de vue .

Répondan t à la requê te du Cardinal Archevêque de Santiago , c'est le sénateur Renan Fuentealba qui , le 22 juillet _ contrairement au sentiment de la base de son parti - exprima publiquement, au nom de la démocratie chrétienne, ce qui suit:


204

SOUTIEN EPISCOPAL AUX MA RXISTES

« Je crois qu'il est indispensable que les dirigeants, au plus haut niveau, du Gouvernement et de l'opposition fassent un suprême effort pour obtenir un consensus minimum ( ... ). fl s'agit de rechercher les poin ts communs et les opinions convergentes qui existent, sans l'ombre d'un doute, entre le gouvernement et de vastes secteurs de l'opposition , pour continuer à réaliser les transformations que le Chili exige, mais sans imposition, et en tenant compte des points de vue de l'adversaire >> ( « El Siglo », 22-7-73. C'est nous qui soulignons le texte ). 8. La propagande du journal communiste en faveur du « dialogue ».

Le Cardinal Archevêque de Santiago, le Parti Communiste du Chili, naturellement le gouvernement lui-même , et le Parti Démocrate-Chrétien - qui, en exécutant le programme de collectivisation de la gauche catholique, avait ouve rt depuis 1964 la voie au triomphe marxiste au Chili - étaient d'accord pour sauvegarder les changements qui avaient déclùré le Chili. A juste titre, l' organe officiel du PC se transforme en propagandiste ardent de cette initiative du Cardinal, qui ouvrait une dernière porte au marxisme. Sous le titre de « Ouvrir le chemin au dialogue », « El Siglo » publia une page entière de points communs qu'il relevait entre les souhaits exprimés par Monseigneur Silva Henriquez dans sa déclaration récente, ceux qu'avait énoncés le dirigeant démocrate-chrétien Renan Fuentealba et ceux du secrétaire général du Parti Communiste , Luis Corvalan . Après les respectives citations, cette page de propagande communiste se termine sur le slogan qui suit, combien révélateur : « Avec le dialogue , le peuple gagne et l'anti-patrie perd » ( « El Siglo », 26-7-73 . C'est nous qui soulignons le texte) . C'est ainsi que les communistes voyaient l'initiative du Cardinal, et nul n' ignore que les communistes appelent « intérêts du peuple » les intérêts du parti.


LE BAIN DE SANG SE PREPARAIT

9.

205

Interprétation donnée par Fidel Castro au dialogue Allende-

DC.

Ce même 26 juillet, jour où le communisme 'i mprimait cette symbolique page de propagande, la seconde grève générale des camionneurs et petits propriétaires d'entreprises de transport se déclenchait dans tout le Chili. Le renversement du communisme n'était plus qu'une question de jours. De Cuba, Fidel Castro voyait bien - comme n'importe quel observateur ayant un minimum de connaissances de la · méthodologie marxiste - les derniers avantages que le dialogue Allende-De pouvait apporter aux desseins de la secte rouge: il s'agissait de gagner du temps, afin de lancer le Chili, dans les meilleures conditions que les circonstances permettraient, dans un bain de sang, pour que la dictature communiste puisse s'instaurer. En effet, dans une lettre personnelle de Castro à Allende, signée le 29 juillet, le dictateur cubain écrivait: « Je vois que vous en êtes maintenant au moment délicat du dialogue avec la DC, au cœur d'événements graves ( ... ). C'est pourquoi j'imagine que la tension est grande et que tu souhaites gagner du temps et améliorer les rapports de force au cas où la lutte éclaterait ( ... ). Ta décision de défendre le processus ( de changement ) avec honneur et fermeté, même au prix de ta vie, que tous te savent capable d'imposer, jettera dans ton camp toutes les forces susceptibles de combattre » ( « La Tribuna », 25-9-73 ). Preuve a été faite de la véracité de cette « interprétation » du tyran communiste cubain - même pour ceux qui considéraient le communisme sous son jour le plus optimiste - lorsqu~ les Forces Armées et les Carabiniers du Chili découvrirent le plan dit le « Plan Z », qui prévoyait l'assassinat en masse des dirigeants susceptibles de s'opposer aux desseins d'Allende. Autre preuve éloquente, dans ce même sens, les écoles clandestines de formation de milices, subventionnées par Allende, et les immenses arsenaux et équipements de guerre que le


/ 206

SOUTIEN EPISCOPA L AUX MARXISTES

regune socialiste avait accumulés en des points stratégiques dans tout le Chili, soigneusement à l'insu, évidemment, des Forces Armées et des Carabiniers ( 1 ). 10. Jusqu'aux derniers jows. On ne voit pas comment expliquer autrement le fait que, malgré l'impossibilité évidente de continuer l'expérience socialiste-marxiste au Chili, Allende se soit obstiné à rester jusqu'à ce moment-là au gouvernement. Le mouvement des entreprises de transport s'étendait à presque tous les autres groupements ouvriers et à toutes les activités du Pays. L'autorité du gouvernement de !'Unité Populaire était déjà bafouée dans la rue. Elle avait été contestée par la Cour Suprême de Justice ( Ordonnance publique du 26-5-73 ). Cependant, Allende, comptant certainement sw la position collaborationniste de la plus grande partie de !'Episcopat, chercha à gagner plus de temps. Il chargea des mandataires de !'Unité Populaire d'avoir recours à l'homme qui était si ( 1) Allende et des personnalités représentatives de !'Unité Populaire avaient déclaré publiquement qu'ils n'abandonneraient jamais l'éventualité de précipiter le rythme de la marche « démocratique » vers la dictature du prolétariat, objectif de la première étape de socialisation du Chili. En réalité, ainsi que des faits l'ont montré , la minorité marxiste avait monté un vaste plan de création de milices populaires et d'écoles de guérilla dans plusieurs points du pays, accumulé dans de puissants arsenaux de guerre des armes provenant surtout de l'Union Soviétique, de Tchécoslovaquie et de Cuba, préparé des hôpitaux clandestins en vue du combat, et mis au point plusieurs plans d' infiltration ou de neutralisation des Forces Armées et d'attaque par surprise des points névralgiques, pour se rendre maîtresse du pays par la violence. Que le régime allendiste se soit préparé à faire couler le sang pour subjuguer définitivement les Chiliens, les faits sont là, qui ont été publiés par divers organismes de presse au Chili et à l'étranger, et abondamment prouvés par des documents provenant des Forces Armées et des Carabiniers de notre pays; ces derniers firent paraître un livre sur ce sujet intitulé « Livre Blanc du changement de Gouvernement au Chili ». Le lecteur trouvera aux annexes certains aspects de cette sinistre machination qui correspônd, d 'autre part, aux plans qui ont été utilisés pour asservir tant de nations non-communistes dans le monde entier.


Le monument au Che Guevara et les peintures murales léninistes à Santiago: des symboles du prochain passage à la « voie viol en te ».


/

Arsenal et école de guérilla dans la résidence présidentielle. Une mÏJ1orité prépare la dictature du prolétariat ...


... pendant que le Cardinal se dĂŠploie pour assurer la survie - pa: le dialogue et la trĂŞve - du rĂŠgime immoral.


210

SOUTIEN EPISCOPA L AUX MARXISTES

souvent intervenu favorablement en sa faveur: le Cardinal Archevêque de Santiago. Il s'agissait de demander l'intervention du Prélat auprès des secteurs de l'opposition, et en particulier de la démocratiechrétienne, pour rechercher une solution aux problèmes des groupements de transporteurs et autres « qui affectent le pays ». La presse rapporta que le Prélat avait promis de prendre les mesures que le cas imposait ( « El Mercurio », 19-8-73 ). Le 22 août, la Chambre des Députés approuva une résolution déclarant qu' Allende s'était mis en marge de la Constitution. Le 30, l' Archevêque de Santiago réunit pour un dernier dialogue les socialistes, les démocrates-chrétiens et les communistes . La réunion se tint dans la Salle des Fêtes de l'Université du Chili ( « La Prensa », 30-8-73 ).

*

* *

L'intervention rapide, efficace et patriotique des Forces Armées et des Carabiniers du Chili, renversant la minorité marxiste, mit fin, à l'aube glorieuse du 11 septembre, aux funestes plans que la secte rouge élaborait contre Je Chili. Le contingent marxiste, parmi lesquels on comptait environ treize mille agents et miliciens étrangers, ne parvint pas à jeter Je Pays dans les horreurs de la guerre civile. Mais pardessus tout, les militaires chiliens arrachèrent notre Patrie des griffes d'un régime contraire à la loi naturelle et divine, et à ses meilleures traditions chrétiennes.


CHAPITRE IV

« EN RETOUR DE MON AFFECTION, ILS ME COMBATTENT, ET MOI, JE NE FAIS QUE PRIER » ( Psaume 109 )

Nous avons jusqu'à présent examiné, à la lunùère de l'esprit et des principes catholiques, des impressions des observations, mais surtout plus de 150 documents et faits choisis parnù quantité d'autres, que nous avons rassemblés pendant plus de dix ans. Ils ont évoqué pour nous en une vue d'ensemble, Je long chemin souvent sinueux, suivi par l' Archevêque de Santiago et par la suite Primat du Chili - ainsi que par la plus grande partie de la Hiérarchie catholique, du fait de leur engagement dans Je processus de marxisation de notre Patrie; engagement dans lequel ils furent secondés, par action ou par omission, par Je clergé chilien en général, à d' honorables exceptions près. Dès que Je grand public eut connaissance de cette situation, les jeunes universitaires que nous étions et qui avaient constitué, en 1961, Je noyau fondateur de la revue « FIDUCIA », et en 1967, la TFP chilienne, - avec tous ceux qui, dans l'ardeur du combat idéologique, s'etaient rangés sous la même bannière nous suivions le cœur plein d'amertume intérieure et solitaire, la tournure que prenait la ligne de conduite de ces autorités ecclésiastiques et du clergé qui en dépendait.


212

SOUTIEN EPISCOPA L A UX MA R XISTES

Nous sentions également que, dans certains milieux catholiques, quelques prêtres et quelques laïcs semblaient disposés à former la pointe de lance plus audacieuse et plus radicale de tout ce mouvement de « transfert idéologique » vers la gauche, dont ces princes de l'Eglise et leur clergé étaient l'arrière-garde. Arrière-garde, assurément, mais par cela même puissante et influente, capable d'entraîner le Pays, du fait de leur tendance à gauche plus mesurée et moins extrême, à la catastrophe marxiste. C'est en effet ce qui arriva. Au cours des premiers temps de cette étape - dans le cadre de la transformation idéologique gigantesque et tragique qui était en cours - il arriva souvent que les éléments les plus radicaux du clergé et des mouvements laïcs pro-marxistes dans leurs classes, dans leurs conférences privées, dans des discussions de rencontre, dans les cloîtres des couvents, dans les collèges ou les universités, sou tiennent , devant quelques-uns des militants de la future T FP chilienne, des thèses qu'ils ne rendirent publiques que petit à petit. Ces chocs idéologiques avec les élements les plus radicaux de la phase communo-progressiste qui s'amorçait, conduisirent certains des membres actuels de la TFP à s'ouvrir à des prêtres ou à des évêques qui, dans Je silence de la cellule, du presbytère, ou du cabinet de travail exprimaient à leur tour de graves préoccupations et surtout, la sensation d'isolement qui les entourait peu à peu devant ce qui se révélait être un mouvement mal défini, mais général , du clergé chilien. A plusieurs reprises, nous vîmes des larmes vénérables et viriles mouiller les yeux de ces hommes qui avaient consacré leur vie à la mission sacrée d'aller enseigner l'Evangile par toutes les Nations. La foi et l'amour de l'idéal catholique que la grâce alimentait et soutenait dans nos âmes, nous disait qu'il était impossible que la lumière de la Chrétienté s' éteigne pour toujours , en dépit des tempêtes révolutionnaires que nous sentions souffler sur notre patrie et sur le monde. Ce n'est pas en vain que nous choisîmes pour titre de notre revue le mot latin « FIDUCIA » , qui signifie « la confiance » qui naît de la Foi.


« EN RETOUR DE MON AFFECTION... »

213

Le Pontife Saint de notre siècle, Saint Pie X, nous enthousiasmait par-delà les difficultés avec sa devise intransigeante: « Omnia instaurare in Christo ». Dans des mots de feu tout imprégnés de Foi anti-relativiste, le Saint Pasteur avait déjà dit en 1912, en condamnant les laïcs du mouvement « Le Sillon », prédécesseurs de Maritain et de la démocratie chrétienne: « Non, la civilisation n'est plus à inventer, la cité nouvelle n'est plus à construire dans les nuées. Elle a existé, elle existe; c'est la Civilisation Chrétienne, c'est la Cité Catholique. Il ne s'agit plus que de l'instaurer et de la restaurer sans cesse sur ses fondements naturels et divins, contre les attaques toujours renouvelées de l'utopie malsaine, de la Révolution et de l'impiété » ( « Notre charge apostolique », Documents Politiques, B.A.C., pages 401 à 423, n. 10 et 11 ). Portés par notre formation religieuse, elle-même fondée sur la véritable Doctrine Catholique orthodoxe que nous avons reçue depuis notre plus jeune âge , et plus tard par les notions de scolastique thomiste officiellement tenue par l'Eglise pour l'école des directives de la pensée en matière d'élaboration et d'explicitation de sa Doctrine, nous étudions avec zèle les œuvres d'auteurs catholiques d' histoire, de sciences sociales et de droit naturel. Nous analysions tout spécialement, avec admiration , les lumineux documents des Pontifes Romains qui s'étaient appelés Pie IX, Léon XIII, Saint Pie X, Pie XI et Pie XII , sous le règne mémorable duquel nous avions passé notre première jeunesse. C'est avec de tels éléments et grâce à l'observation de la vie religieuse, culturelle et politique contemporaine, que nous affrontions cette lutte, de caractère encore privé et individuel, contre ceux qui formaient l'avant-garde du communo-progressisme naissant .

*

*

*

Voilà les circonstances dans lesquelles, élargissant nos horizons à la recherche d'une ligne d'action efficace pour ce que notre condition de fils fidèles et à t out jamais soumis de


214

SOUTIEN EPISCOPA L AUX MARXISTE S

l'Eglise exigeait de nous, nous découvrîmes que des drames semblables se déroulaient au sein d'autres nations chrétiennes de par Je monde. Avec un énorme soulagement et pleins d'espoir, nous prîmes contac t avec cette pléiade de laï cs catholiques du Brésil, dont le leader est le Prof. Plinio Corrêa de Oliveira, penseur notable et homme d'action, dont on peut dire avec recon naissance , satisfaction et sans crainte de démenti qu'il a été depuis son plus jeune âge un « vrai catholique totalement apostolique ». Ils se réunissaient autour de la TFP brésilienne, fondée à Sao Paulo en 196 0 par son actuel Président, le Prof. Corrêa de Oliveira. Ils étaient tous des professeurs d'université de grand renom, des intellectuels et des professionnels d'un limpide itinéraire idéologique, et un groupe nombreux et enthousiaste de jeunes universitaires, commerçants et ouvriers de tous les coins de ce pays-continent qu'est le Brésil catholique et vigoureux. Quelques personnalités représentatives du Clergé ap portaient depuis longtemps déjà leur précieux appui aux catholiques rassemblés par la TFP brésilienne. Parmi eux se détache , avec un relief éminent, l'illustre évêque de Campos, Monseigneur Antonio de Castro Mayer, dont l'amitié avec le Professeur Plinio Corrêa de Oliveira date des annés 30. Ils militaient alors tous les deu x au sein de l'Action Catholique de Sao Paulo, dont le premier étai t le Vicaire Général, alors que l'autre en était le Président. Nos cœurs angoissés furent aussi particulièrement réconfortés par la lecture avide des pages de la publication culturelle mensuelle, vibrante de vie, « Catolicismo », éditée à partir de 1951 sous les auspices de Monseigneur Mayer, que Pie XII avait peu de temps auparava nt élevé au siège épiscopal de Campos. Cette revue mensuelle était diffusée avec dévouement par les membres et les collaborateurs de la TFP brésilienne . Mais c'est l'essai célèbre du Professeur Plinio Corrêa de Oliveira, « Révolution et Contre-Révolution », da ns son numéro 100 , qui nous inspira tout particulièrement l'action que nous


« EN RETOUR DE M ON AFFECTION... .»

2 15

décidâmes d'entreprendre. Nous étudiâmes ce manuel de lutte contre la Révolution égalitaire et anti-chrétienne dans l'une de ses éditions en espagnol , préfacée par Monseigneur Romolo Carboni, qui était alors Nonce Apostolique de Sa Sainteté le Pape Jean XXIII au Pérou, avant de l'être au Quirinal ( 1 ) . Ce livre n'eut pas de répercussion qu'au Chili . Il est aujourd'hui traduit également en français ( 2 ), en anglais et en italien , et a été édité au Brésil, en Argentine, aux Etats-Unis, en Espagne, et en Italie, encourageant d'innombrables catholiques anticommunistes dans le monde entier à adopter une attitude sereine et décidément militante en faveur des idéaux impérissables de la Civilisation Chrétienne. Grande fut également notre joie de constater que, parallèlement à la naissance de notre noyau de jeunes, un autre groupe d'universitaires catholiques, en Argentine, parmi lesquels se trouvait le brillant avocat et écrivain Cosme Beccar Varela (h), éditait une revue idéologique combative, « Cruzada ». Plus tard, les jeunes gens de « Cruzada » allaient fonder la valeureuse société Argentine de Défense de la Tradition , Famille et Propriété. A l'heure actuelle, les sociétés de Défense de la Tradition , Famille et Propriété sont en franche expansion, pratiquement ( 1) Cet ouvrage excep tionnel relevait , da ns sa première partie, les erreurs, l'esprit, les tact iqu es et la nature des agents qui ouvrirent le chemin au mouv emen t sécu laire de déc hristia nisa tion, qui dévast e les na tions de l'Occident. Ce processus, vers la fin du XIXème siècle, pénétra plu s profondé ment dans les rangs ca tholiques avec ses te nda nc es et ses idées; sans toutefois se séparer complètement de celles-ci à travers le lib éra lisme permissiviste - condamné par le Saint Père Pie I X - et qui se mé ta morph osa, au début de ce sièc le, en un modernisme e t en un éga lit arisme laïciste et soc ialiste du typ e du « Sillon » , contre lesquels Saint Pie X lutt a héroïquement. Entretemps, il éta it passé par le dém ochristia nisme collectiviste, culminant, dans les milie ux catho liqu es, par le communo-progressisme multiforme né après le Co ncile Vatican II. Dans sa seconde partie, le livre analyse la na ture, l' esp rit e t les stratégies d'action su sc ep tib les de co ndu ire les catholiqu es, avec l'a ide de la Mère de Dieu, à la vic to ire finale sur la Révolution gnostique, égalitaire e t anti-chrétienne. (2) Révolution et Contre-Révolution - Ed itions TFP .


216

SOUTIEN EPISCOPAL A UX MARXISTES

dans toute l'Amérique du Sud et aux Etats-Unis. Il existe également des organisations semblables dans plusieurs pays d'Europe. Tout en conservant naturellement chacune son autonomie, puisque chaque groupe agit selon les circonstances et l'endroit où il se trouve, restant toujours sur le noble terrain des principes, et avec un scrupuleux respect des lois en vigueur dans chaque pays, il s'établit cependant rapidement entre nous tous un véritable lien de famille d'âmes. Nous, les enfants de l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine , fraternellement unis par notre commune appartenance à la race ibéro-américaine et par les rapprochements géographiques , nous allions nous prêter chrétiennement appui sur le plan moral , dans les heures difficiles, et échanger nos impressions, nos idées et nos écrits. *

* *

Nous sommes particulièrement émus de rappeler ici la figure du Dr. Fabio Vidigal Xavier da Silveira, inoubliable avocat et écrivain brésilien, prématurément disparu. C'était un ibéroaméricaniste chrétien, qui avait suivi avec un soin tout particulier et beaucoup d'attention les alternances du processus révolutionnaire destructeur de notre Patrie. Son ouvrage, « Frei, le Kerensky chilien », qui avait prévu la catastrophe marxiste qui allait s'abattre sur notre peuple, s'effacera difficilement de la mémoire des Chiliens . Nous ne pourrions pas davantage manquer de citer l'appui moral décisif apporté au peuple chilien dans tous les pays où s'est levé l'étendard de Tradition, Famille et Propriété dans les pires moments de souffrance causés par l'expérience allendiste . Les membres et collaborateurs des TFP et des entités-sœurs firent connaître, dans leurs pays respectifs, la terrible réalité vécue par notre Patrie, les aidant ainsi à mieux comprendre la résistance idéologique des Chiliens contre le communisme.

* * *


« Frei, le Kerensky chilien », le besr·seller qui annon ça tro is ans à l' avance la chu te du Chili aux mains du marxisme, et que le gouvernement DC interdit fa ute de po uvo ir le réfuter.


218

SOUTIEN EPISCOPAL AUX MA RXISTES

Nous comprîmes alors, au cours de ces premiers contacts avec nos frères du Brésil et d'Argentine , que nous n'étions pas une île solitaire perdue dans l'une des nations les plus australes du monde. Avec l'aide de cette inspiration et de cet encouragement spirituel et idéologique, dont nous ne saurions assez remercier ici, en première comme . en dernière analyse, Notre-Dame, Médiatrice de toutes les grâces, nous nous mîmes au travail pour observer de plus près les mouvements religieux et civicoidéologiques qui existaient en puissance dans notre Patrie. Sous nos yeux, prenait corps la triste réalité que nous avons succintement décrite dans les chapitres antérieurs. Que ne pourrions-nous pas dire si nous donnions libre cours à nos sentiments, et si nous laissions parler bien haut les souvenirs de la lutte qu'à un âge si tendre nous dûmes entreprendre! Sur ce communo-progressisme qui s'organisait subrepticement dans notre chère Patrie, que de réalités vécues et soigneusement analysées! Un jour viendra où , comme un soleil éclatant, la Vérité rayonnera jusque dans les recoins les plus assombris par cette crise sans précédents à laquelle est soumise !'Epouse infaillible du Divin Esprit Saint, qui s'en est toujours sortie victorieuse et plus resplandissante qu 'auparavant des combats contre son ennemi infernal. C'est ainsi que nous vîmes se lever, comme dans un pénible cauchemar, l'image tragique de Pasteurs qui , au vu et au su de tous, renoncèrent progressivement à se comporter comme des chefs de la parcelle de l' Eglise que leur avait confiée le Souverain Pontife avec la grâce de Dieu. Ceux qui, en 1960 - alors que Monseigneur Silva Henriquez n'avait pas encore été désigné pour occuper le siège épiscopal de Santiago - , au milieu de nombreux élèves des grandes classes des collèges catholiques de la capitale, avaient comme nous prêté serment solennel, dans la Cathédrale Métropolitaine, de ne jamais collaborer directement ou indirectement avec le communisme matérialiste et athée, virent peu après que des pasteurs hautement influents allaient jusqu' à abandonner la lutte contre ce dernier. Et ils


« EN RETOUR DE M ON A FFECTION ... »

2 19

abandonnaient ainsi non seulement l'un des devoirs les plus essentiels de leùrs charges sacrées, mais de plus, ils prêtaient appui à ce même ennemi qu'ils nous avaient poussés à combattre. Des milliers de catholiques silencieux et confondus assistaient aux progrès graduels de cette plaie qui s'ouvrait dans le Corps Mystique et sacro-saint de Jésus-Christ. Nous pûmes constater comment ces autorités ecclésiastiques et leur clergé refusaient aux fidèles la direction spirituelle orthodoxe et prudente à laquelle ils avaient droit, surtout dans ces heures particulièrement cruciales de l'histoire chilienne. Plus encore , nous fûmes témoins de la façon dont les dits prélats semèrent d'abord l' équivoque, puis la désorientation, pour finalement en venir à aider, par leurs attitudes externes décisives et nombreuses, le progrès même de la cause marxiste et, de ce fait, essentiellement anti-chrétienne. Nous voyions s'approcher lentement le moment où notre ultime ressource serait d'exposer clairement au Pays, à l' Amérique Latine et au monde, notre pensée . . Les innombrables catholiques qui ont traversé une crise de conscience analogue doivent comprendre combien il est difficile et déchirant de s'efforcer de saisir les nuances et les détours, souvent trompeurs, dont se servaient ces Pasteurs pour manifester leur appui au socialo-marxisme. Des heures de réflexion et d'étude, à suivre les marches et les contremarches que les événements imposaient aux pasteurs, en même temps que nous demandions l'aide maternelle de Celle qui est la Reine et la Patronne du Chili, sous l'invocation sacrée du Carmel, tout un ensemble d'impressions, d'observations, mais surtout de documents et de faits irréfutables, nous conduisirent tout au long de ce pénible chemin à rompre de temps à autre notre silence: la preuve en est là avec la longue liste de manifestes, de lettres ouvertes, d'études et d'écrits divers que nous produisîmes au fur et à mesure que les pasteurs s'éloignaient du droit chemin; ainsi leur manifestions-nous avec 'vénération respect et une indicible affection, la perplexité qui nous rem~ plissait l'âme.


220

SOUTIEN EPISCOPAL AUX MARXISTES

Nous avions l'espoir de voir cesser l'horrible cauchemar, de voir ces hommes investis des insignes sacrés se rendre compte qu'ils étaient subrepticement victimes d'un transfert idéologique inaperçu qui les conduisait lentement à devenir les auxiliaires des funestes desseins du communisme international. La réponse que nous reçumes de ces pasteurs fut toujours, soit un silence contrefait et méprisant, soit la réprobation publique, sans jamais réfuter nos déclarations ni pouvoir indiquer, sérieusement et précisément, sur quel point nous aurions pu nous écarter de notre Sainte mère l'Eglise. Dix millions de Chiliens peuvent en témoigner. Comme le psalmiste ( Psaume CIX, 4 ), nous pourrions dire qu'en rétribution de notre affection - bien que celle-ci ait parfois dû se manifester au moyen d'une plainte filiale nous fûmes traités en ennemis: mais nous cherchons notre consolation dans la dévotion au Saint-Sacrement, dans la prière assidue à la très Sainte Vierge, avocate du genre humain , dans l'adhésion chaque fois plus étroite au trône de Pierre et à tout le Magistère Sacré de l'Eglise , dont nous avons étudié la doctrine traditionnelle et immuable dans toute la mesure de nos capacités et de nos limitations. Les pages qui précèdent sont une preuve déjà inscrite de façon indélébile dans l'histoire du Chili et de notre Eglise, de la détermination inflexible avec laquelle, cet important secteur du clergé a collaboré à la cession de notre Patrie au marxisme.

* * * Notre dernière manifestation , dévouée et fervente, dans le sein de l'Eglise chrétienne, invitant à la réfle xion des prélats qui se risquaient sur un chemin dont on peut à tout le moins dire qu 'il conduit au schisme, fut la déclaration publiée dans les journaux de Santiago et du reste du pays à la fin du mois de février 1973, à laq uelle nous avons fait référence à plusieurs reprises dans cet ouvrage et qui avait pour titre « L'auto-destruction de l'Eglise: facteur de destruction du Chili ».


En mars 1967, les jeunes de « FIDUCIA » fondent la TFP - Société Chilienne de Défense de la Tradition, Famille et Propriété.


Du sein de l'Eglise du Silence, la voix de la TFP s'élève peu à peu.


Contact direct avec le public dans la rue.


224

SOUTIEN EPISCOPA L A UX MA R XISTES

Ce manifeste fut publié à un moment où la malignité du régime illégitime du marxiste Allende faisait déj à l'objet de commentaires dans tous les foyers, dans la rue, sur les lieux de travail et dans tout le Chili, et nous pensions qu'il pourrait provoquer un sursaut de la part des pas teurs chiliens qui semblaient aveugles dans leur terrible détermination . Après avoir pris connaissance du document de la TFP chilienne, le Cardinal Archevêque de Santiago, ses évêques auxiliaires et ses vicaires généraux, et le Comité Permanent de !'Episcopat, gardèrent un silence lourd et contraint. Il faut souligner ici avec reconnaissance et joie, pour encourager tous les fidèles catholiques, qu' à cette occasion onze prêtres eurent le courage de rompre le silence et d'envoyer des lettres publiques d'appui à la déclaration de la TFP chilienne ( 3 ).

*

* *

C'est plus de deu x ans après tous ces événements que nous nous sommes résolus à libérer nos consciences devant le Chili et le Monde . Nous étions guid és par l'espérance suprême que une fois apaisée la sinistre rum eur des légions anti-chrétiennes qui avaient voulu jeter notre Pays sur le chemin sans retour du communisme - le Cardinal Archevêque de Santiago, les membres de la hiérarchie qui l'avaient solidairement accompagné, et le clergé qui avait obéi à leurs ordres, rentreraient peu à peu en eux-mêmes, avec le recul que donne le temps , et qu 'ils trouveraient le chemin du retour à l'unité catholique et à l'accomplissement intégral des devoirs de leur charge . (3) Nous consignons ici avec une imm ense satisfac tio n les no m s de ces prêtres : les RR.PP. Guillerm o Varas A . et Raimundo Ara ncibia S., de Santiago; les RR.PP . Reinaldo Duran C h ., c uré de San Rose nd o, Fra ncisco J. Valenzuela, curé de Lirqu én, et Fra ncisco Veloso C ., curé de Sa n Ju an de Mata; les RR .PP. Fra ncisco Ra mirez, curé de San Agustin , José Ga rcia, vicaire, Be ned icto Gu inés , Luis To ledo Sc h., c uré du qu artie r de Ca rlos Mah ns, A rtu ro Fuent es T ., c hapelain des Petites Sœ urs des Pauvres, e t Bernardo Lo bos M., professeur a u « Lycée Deux » de garçons, tou s de Co nc epc ion ( « Tribun a »,« E l Sur » de Concepcion, 10-4 -73 _).


« EN RETOUR DE MON AFFECTION... »

225

Toutefois, le processus de « transfert idéologique inaperçu » en faveur de la cause marxiste les avait intérieurement marqués beaucoup plus que nous ne pouvions le supposer. Les événements publics que nous relaterons, en les analysant rétrospectivement et en les enchaînant les uns aux autres, dans la dernière partie de cet ouvrage, révèlent que l'attitude destructrice adoptée par ces hautes autorités ecclésiastiques avaient des racines plus durables et plus profondes. L'heure de parler avait donc sonné.


QUATRIEME PARTIE

OPPOSITION SUBERSIVE DU CLERGE AU GOUVERNEMENT DE LA JUNTE MILITAIRE


CHAPITRE PREMIER

COMMENT LE MARXISME POURRAIT-IL TENTER DE RECONQUERIR LE POUVOIR AU ŒILI ? - L'EPISCOPAT, UNE FORCE DETERMINANTE DANS Œ S PAYS A MAJORITE CATHOLIQUE

Il nous faut maintenant aborder la récapitulation et l'analyse des événements postérieurs à l'écroulement du gouvernement d' Allende, et cela en fonction du processus révolutionnaire évolutif qui conduisait notre patrie droit au communisme . Mais au préalable, il convient de bien nous situer par rapport aux problèmes d'avenir auxquels se voyait confronté ce processus révotionnaire, au Chili comme dans les autres pays d'Amérique du Sud, après l' échec re tentissant de l'expérience allendiste. 1. Difficultés pour le communisme à convaincre les masses populaires à adopter son idéologie.

S'il est indéniable que, considérée dans son ensemble, la révolution égalitaire et anti-chrétienne, menée de nos jours par le communisme , a réussi à s'emparer du gouvernement de nombreuses nations, naguère libres, l' observateur attentif concluera à l'évidence que la secte rouge n'est pas arrivée à conquérir le cœur des foules. Les peuples que la Russie ou la Chine


228

SUBVERSION CLERICALE

ont dominés jusqu'à ce jour d'une façon durable, l'ont été au moyen de violents coups de force que l'invasion armée communiste a toujours exécutés par trahison et par surprise, à moins que le succès ne soit dû à la faiblesse de quelque dirigeant politique se trouvant placé en Occident à une position clé comme ce fut le cas avec Roosevelt, après la Seconde Guerre Mondiale, et les tristement fameuses conférences de Téhéran et de Yalta, à la suite desquelles d'innombrables peuples d'Europe sont tombés entre les griffes marxistes. Ainsi que l'a brillamment démontré avec des précisions irréfutables, le Professeur Plinio Corrêa de Oliveira dans son livre, de renommée mondiale, « Transfert Idéologique Inaperçu et Dialogue » - déjà cité dans le présent ouvrage - le communisme, comme secte idéologique qui aspire à l'impérialisme intégral, a subi l'échec le plus complet dans sa tentative d'endoctrinement. Cet échec est manifeste pour qui se penche sur la situation des peuples qui, depuis tant d'années, vivent asservis en Asie et en Europe. Disposant là d'un pouvoir omni-présent tel que jamais aucun gouvernement dans l'histoire de l'humanité n'en avait eu en mains, le communisme ne parvint pas, même au moyen des expériences de laboratoire social les plus raffinées, à attirer au militantisme idéologique marxiste autre chose qu'une petite minorité qui forme l'infrastructure bureaucratique administrative, policière et politique du parti. Et même, dans cette infrastructure minoritaire, des dirigeants du Kremlin, comme Leonid Brejnev, ont dû, au cours des dernières années, organiser de gigantesques purges pour maintenir la pseudomystique socialiste et égalitaire. On ne fera jamais assez remarquer que les millions d'êtres humains asservis de la façon la plus cruelle dont !'Histoire des civilisations ait connaissance, doivent être retenus dans le « paradis » communiste par un système de violence physique et morale complet et sinistre. En effet, voyez la chaîne des camps de concentration, l'immense et multiforme force policière d'intimidation, la dispersion des sociétés asservies, l'inter-


L'EPISCOPA T, UNE FORCE DECISIVE

229

diction de se réunir et de se déplacer sans autorisation ou sans surveillance d'une ville à une autre, et le maintien cynique du rideau de fer ou de bambou, au moment-même où les dirigeants rouges parlent le langage mensonger du rapprochement avec l'Occident. Cette réalité manifeste est étayée par toute la série d'explosions de légitime révolte que les peuples dominés et sans défense ont tenté de provoquer contre le joug d'opprobre qui les écrase misérablement: l'Allemagne de l'Est en 1953 ; la Hongrie en 1956; plus récemment , en 1968, la Tchécoslovaquie;en décembre 1970 la Pologne catholique où, comme une traînée de poudre, la révolte s'étendit de ville en ville, au sein d'un peuple affamé et desespéré ; et en 1971, la petite et glorieuse Lithuanie, qui fit face aux canons et aux chars soviétiques. D'autre part, le malaise et la révolte qui couvent au sein des diverses nations qui forment l'immense empire soviétique sont connus du monde entier, ainsi que le phénomène de la dissidence intellectuelle et scientifique et, surtout, l'irrépressible renaissance de la soif de Dieu au cœur de la jeunesse élevée sous la sinistre emprise communiste. Mais en même temps , il y a un autre échec fracassant, qui a jeté à terre les fallacieux prétextes de la révolution égalitaire et anti-chrétienne dirigée par la secte rouge: ses agents disaient que leur révolte était dirigée contre les injustices commises par les pays capitalistes, et annonçaient qu'ils apportaient aux peuples « opprimés » un bien-être matériel paradisiaque, avec un progrès technique et scientifique indéfinis. Aujourd'hui, dans ces peuples où le communisme, malgré son immense pouvoir et sa manipulation des lois psychologiques pour conduire les masses, s'est révélé incapable de persuader, il s'est aussi montré impuissant - avec son fanatisme égalitaire et collectiviste - à organiser et à produire le bien-être promis. Ce sont les dollars, la technologie et le « know-how » de grands capitalistes de certaines puissances occidentales qui de nos jours, pour des raisons mystérieuses, viennent sauver de leur faillite flagrante les gouvernements de l' orbite socialiste.

-

-~


230

SUBVERSION CLERICA LE

Cependant, les dirigeants mondiaux du communisme ont lancé; à un moment donné de la situation critique où se trouvait la révolution mondiale, comme une nouvelle propagande, parfois discrètement chuchotée, parfois soulignée de gestes et d'attitudes théâtrales, l'idée qu'un changement de mentalité est en train de s'opérer chez eux, ou au moins, dans une partie importante de leur groupe. Changement qui tendrait à les transformer d'agresseurs en pacifistes, de totalitaires en démocrates, de militants athées et matérialistes en adversaires suaves et tolérants face à la religion et à ses ministres. Cette forme de propagande ne cache cependant rien d'autre qu'une stratégie déjà employée à d'autres occasions, et de différentes façons, par la secte rouge. « Si nous adoptons la polique de coexistence pacifique entre les Etats - disait le dirigeant communiste Waldeck Rochet - c'est aussi parce que cette politique est encore la meilleure façon d'aider le mouvement révolutionnaire international à atteindre ses objectifs ( ... ) capitaux » ( Waldeck Rochet, alors secrétaire du PC français, rapport soumis au Comité Central, apud « L'Humanité », 8-10-63 ). De son côté, la « Pravda », à plusieurs reprises; proclama la même intention stratégique. En voici une citation: « Les marxistes-léninistes ne considèrent pas la politique de coexistence pacifique comme une manœuvre tactique à court terme, mais comme une stratégie conçue pour toute une période de transition du capitalisme vers le socialisme, à l'échelle mondiale » ( « La Pravda », 6-12-63 ). D'influents leaders politiques et religieux de l'Occident, accordant peut-être du crédit à la stratégie communiste, contre les évidences les plus élémentaires, mirent en œuvre, ces dernières années, avec les gouvernements de l'orbite socialiste, une politique de rapprochement dont les conséquences morales et psychologiques pour le monde et plus particulièrement pour l'Europe, ont été lamentables. Mettant à profit l'incoyable assoupissement des défenses psychologico-morales des peuples libres de l'Occident, le corn-


L'EPISCOPA T, UNE FORCE DECISIVE

231

munisme a pu, alors, sans pousser plus avant son idéologie ni augmenter son effort de persuasion, lancer le Portugal dans la catastrophe marxiste qui Je déchire actuellement, écraser par traîtrise, en une agression qui crie justice au ciel, les peuples du Cambodge, du Laos et du Vietnam du Sud, où les catholiques ont lutté avec tant d'héroïsme et sans l'appui moral auquel ils avaient droit de la part de nombreux pasteurs. Il est bien possible que, grâce à l'incompréhensible manque de prévision de ces leaders occidentaux, le communisme puisse faire accepter ses paroles de paix mensongère par une bonne partie des non-communistes français , italiens ou espagnols qui, insuffisamment avertis par leurs leaders naturels, pourront arriver à imaginer que la guerre de domination universelle men ée par le communisme a pris fin ( cf. manifeste de la TFP chilienne « L'Indochine, la détente et l'avenir du Chili », supplément spécial de « FID UCIA », le 13 mai 19 7 5 ) . Dernièrement, l'intervention soviético-cubaine dans la communisation de l' Angola a fini par démasquer, aux yeux de tous ceux que l'intérêt ou la complicité n'aveuglent pas, le grossier mensonge communiste de la détente . Des dirigeants nord-américains, parmi lesquels ceux qui ont mis en ceuvre le désastreux rapprochement avec les gouvernements communistes, en sont venus à manifester publiquement leur rejet de cette agression de l'impérialisme rouge dirigée en premier lieu contre le Continent africain , pour en finir par menacer le Continent sud-américain . 2. L'impasse de la Révolution communiste en Amérique du Sud.

En Amérique du Sud, le processus révolutionnaire conduisant au communisme s'est heurté à des difficultés plus grandes. Déjà plusieurs Pontifes avaient dit , par le passé, que le continent latino-américain était la terre de l'esp oir pour l'Eglise et la Civilisation Chrétienne .

.....


l

232

SUBVERSION CLERICALE

Au cours des dernières années, nous assistons réellement à l'échec patent de la guérilla communiste menée depuis Cuba

sur le sol sud-américain. Cet échec a été dû, comme on le sait, au manque total d'appui et de résonnance populaires auxquels se sont heurtés les guérilléros. En effet, avec un indiscutable mérite, même les coins les plus pauvres de nos villages ont dit non au communisme, lorsque celui-ci s'est présenté sous son vrai visage, anti-naturel et sanglant. Les guérillas qui brandissent l'image de l'apostat Camilo Torres ou du P. Lain, languissent dans les montagnes colombiennes. Les tentatives de guérilla rurale et d'agitation urbaine échouèrent au Brésil en 1964. Che Guevara a enterré la voie de la violence dans les montagnes de Bolivie, et le terrorisme tupamaro, montonero ou miriste ( du MIR ) n'en est qu'un prolongement sans avenir, que le plan de subversion communiste tente de maintenir en vie par des artifices aussi considérables que coûteux. Les dirigeants communistes et leurs agents castristes n'ont pas pu imposer par la violence leurs desseins impérialistes . A son tour, l'expérience « démocratique » faite par la secte rouge au moyen de ce que l'on a appelé l' « Unité Populaire » au Chili, la déroute électorale du « Front Unique » gauchiste en Uruguay, et la faible répercussion politico-sociale des partis socialistes et communistes de tant de nations sudaméricaines, montrèrent que le chemin était également barré, dans nos peuples, à l'impérialisme rouge. Deux voies seulement restent éventuellement ouvertes à un retour tant soit peu marquant du communisme sur notre continent ( excepté évidemment dans le cas d'une guerre d'agression externe, qui pourrait déclencher un conflit mondial) : celle de l'infiltration des forces armées sur le modèle de ce qui s'est passé au Portugal, ou celle de l'agitation autour de revendications révolutionnaires marxistes cachées, et fomentées sous le couvert d'une structure ecclésiastique qui trahirait sa Mission. « Nous devons bâtir le communisme avec des mains noncommunistes », a dit un jour Lénine .


L'EPISCOPAT, UNE FORCE DECISIVE

233

Ces mains « non-communis tes » ont mis notre pays au bord de l'abîme, d'où l'ont sorti les Forces Armées et les Carabiniers en se faisant les interprètes du sentiment majoritaire de la Nation. 3. La consigne de Mgr. Helder Camara: prêter la voix du clergé à ceux qui n'ont pas la parole ... Le marxisme n'aurait pas pu prendre le pouvoir au Chili, pas même au moyen de l' « Unité Populaire » d'apparence démocratique, sans le large processus préparatoire « à la Kerensky » du socialisme spoliateur de Frei, franchement soutenu par la majorité de !'Episcopat chilien, secondé par une partie influente du clergé. Mais la période gouvernementale de Frei n'aurait pas suffi à elle seule pour mener le marxiste Allende à la Présidence: cela n'aurait pas été possible sans l'intervention ostensible de ces pasteurs et de ces prêtres dans la campagne électorale d' Allende et au cours des journées tendues qui ont suivi la maigre victoire marxiste, jusqu'à la prise du pouvoir par l' « Unité Populaire », en novembre 1970, de la façon précise que nous avons rapportée ( cf. supra Partie Il, chapitre III ). Nous avons également relaté ( cf. supra Partie III ) les faits qui nous montrent comment la collaboration de la presque totalité cie la Hiérarchie ecclésiastique chilienne a été décisive pour maintenir et prolonger les sinistres jours du gouvernement qui avait le plus violé la loi naturelle et divine dans toute l'Histoire de notre Patrie - et cela systèmatiquement -, et qui avait permis une si intense pénétration de l'hérésie marxiste dans certains mileux catholiques. Est-ce qu'une fois de plus ce seraient des éléments de la Hiérarchie et du clergé chilien qui tendraient la main - à divers degrés et selon diverses modalit és - à la révolution éga litaire vaincue de façon écla tante au Chili et en Amérique du Sud ? Lorsq ue , en avril 1969, l' Archevêque brésili en d'Olinda et de Recife , Mgr. Helder Camara, ava it é té invit é à inaugurer

.--IJ


234

SUBVERSION CLERICALE

l'année universitaire de l'Université Pontificale Catholique de Santiago - devenue à cette époque, comme nous l'avons vu, l'un des noyaux de la propagande pro-marxiste - il fit des déclarations lourdes de signification à une équipe de journaliste~ de la revue « Ercilla », sur le mouvement de « Pression Morale Libératrice » qu'il avait lancé au Brésil sous le nom de « Action, Justice. et Paix ». Le Prélat gauchiste expliqua que le mouvement était « interconfessionnel, ouvert à tous les hommes de bonne volonté ». Cette expression bien vague qui a si souvent été employée à tort et à travers ... Un peu plus tard, faisant une allusion à peine voilée à la situation créée à la gauche par le régime anti-marxiste du Brésil, l' Archevêque d'Olinda et de Recife ajouta : « Ce qui se passe, c'est que dans certains pays, les laïcs n'ont pas souvent l'occasion de parler ou d'agir. Pour ceux-là, la solution du moment est de passer par la voie du cléricalisme: les évêques prêtent leur voix à ceux qui n'ont pas la parole >> ( « Ercilla >> , du 23 au 29-4-69 ). Connues comme le sont les activités de propagande gauchiste de Mgr. Helder Camara, les termes dont il s'est servi, bien que marqués d'une certaine ambiguïté , sont tout à fait révélateurs . Le chemin tracé par celui qu'on a appelé !'Archevêque rouge du Brésil est terrible, parce qu'il permet, au gré des circonstances, de faire du clergé un fer de lance plus ou moins intouchable de la révolution socialiste, sous tous ses aspects, au sein d'une nation qui a fermé ses portes et barré ses positionsclefs aux agents politiques de cette révolution . 4.

Une hypothèse que nous ne pouvons pas ne pas e_nvisager.

Plus de deux ans se sont écoulés après Allende , et pour les Chiliens qui ont souffert de l'action révolutionnaire antérieure, il est impossible de ne pas se demander: Les Pasteurs « collaborationnistes >> devraient-ils maintenant prêter « leur voix » à une


L'EPISCOPAT, UNE FORCE DECISIVE

235

gauche marxiste impopulaire et vaincue? Ces prélats permettraient-ils que les structures de la subversion violente s'organisent sous la protection des prêtres et des organisations ecclésiastiques plus radicales? Les faits qui se sont produits après le 11 septembre 1973 nous contraignent, pour le bien de l'Eglise et de la Patrie, à analyser cette terrible hypothèse. Si elle est vraie, le chemin suivi par ces prélats devrait avoir, en bonne logique, une trajectoire qui, à une variante près, se fonde rait sur le plan d'action suivant : a ) Pendant les premiers jours qui suivront le triomphe obtenu par la majorité des Chiliens contre le marxisme, faire ce qui serait à leur portée pour refroidir, par action ou par omission, la ferveur catholique anti-communiste victorieuse, et tenter de sauvegarder la législation que l'utopie égalitaire et socialiste avait imposée au Chili; b ) Continuer à toujours formuler l'action ecclésiastique en termes « pastoraux », afin que soient évités aisément non seulement les dernières conséquences des définitions doctrinales form elles ( alors que celles-ci sont impérieusement réclamées par les circonstances ), mais aussi le choc formel avec l'enseignement officiel de l'Eglise, surtout dans ses vérités dogmatiques, également impliquées dans les questions économico-sociaies ; c ) Donner sans répit une image idéale des personnages qui ont incarné, et incarnent encore, le marxisme vaincu, et favoriser une réconciliation qui leur permette de reprendre peu à peu l'influence perdue. Cependant, toujours se placer dans un contexte « pastoral » commode et subtil, dans lequel les conséquences concrètes de principes moraux absolus se situent dans un véritable olympe éthéré et platonique; d ) Exagérer, sur le pian émotionnel, les excès, censurabies en soi, éventuellement commis par les organisations de répression anti-communiste. Sous ce prétexte, insister sur la nécessité de l'application des droits de l'homme, en donnant à entendre que cette application exige, au Chili, non seulement la réforme d'éventuels abus, mais aussi la tolérance de la liberté d'expres-

~


236

SUB VER SION CLERICALE

sion des marxistes vaincus, chaque fois que ceux-ci ne prêcheront pas simplement la violence et la lutte des classes directe et déclarée . Prendre de la sorte la tête du mouvement contre le combat légitime et efficace s' opposant au marxisme, en encourageant par ailleurs auprès du peuple, toute idéologie mise à part, des sentiments de compassion et de fraternité, par là-même déformés, envers les révolutionnaires vaincus; ainsi se créerait, en manipulant les citations évangéliques et en s'appuyant de tout le poids que leur confère l'investiture sacrée, une question de conscience confuse et paralysante pour les fidèles; e ) Prendre alors également la tête des secteurs les plus affectés par la pauvreté. Dramatiser au maximum ces situations, et chercher à atténuer le plus possible les terribles pénuries supportées sous le régime d' Allende permettant à la base idéologique gauchiste, dispersée et déconcertée, de se regrouper dans ce but, sous couvert de religion; f ) Reprendre, en mettant à profit ces circonstances, la prédicati.'On de la réforme égalitaire et spoliatrice, en agitant à nouveau, comme s'il s'agissait d'un impératif évangélique, les bannières de l' utopie révolutionnaire qui a détruit moralement et économiquement tant de nations de notre temps, et qui, dans un passé si proche, a torturé notre Patrie; g) Couvrir, dans certaines organisations ecclésiastiques de caractère révolutionnaire plus radical - qui, si possible, n'engageraient pas les prélats révolutionnaires de marche lente l'action subversive de la machine terroriste à action directe, démantelée par les autorités militaires et qui cherche à se réorganiser; h) Enfin, mettre les autorités gouvernementales, qui cherchent à mener à bien un combat licite contre le communisme, dans un pays comme le Chili à majorité · catholique, dans une situation délicate : ou bien permettre la croissance de la gauche marxiste , enkystée dans certains point-clefs de la structure ecclésiastique sous les apparences d'une opposition cléricale de centre-gau che se réclamant hypocritement de la justice et


L'EPISCOPAT, UNE FORCE DECISIVE

237

de la liberté, ou encore affronter le nouveau visage de la subversion dans le Pays, en prenant Je risque, aux yeux des fidèles, de paraître persécuter l'Eglise. *

*

*

Est-ce ainsi qu'ils ont agi, les évêques et les prêtres qui avaient tant aidé la cause marxiste dans notre Pays? L'analyse des faits publics et notoires qui n'ont cessé d'émouvoir l'Eglise et notre Patrie depuis le soulèvement militaire anti-marxiste de 1973 va nous apporter la réponse.


CHAPITRE II

AU PREMIER ABORD LE CLERGE DECOURAGE LA FERVEUR ANTI-COMMUNISTE ET TENTE DE SAUVEGARDER L'UTOPIE EGALITAIRE

Allende tombé, on aurait pu penser que le moment était enfin venu de la libération de cette véritable Eglise du Silence formée par des milliers de fidèles, bâillonnés par la confusion et la crainte du pouvoir canonique détenu par les autorités ecclésiastiques. Les faits concrets, comme de juste, avaient confirmé ce que tout bon catholique avait appris dans son catéchisme , des Commandements de la Loi de Dieu et du Magistère Pontifical: au fur et à mesure qu'était appliqué le socialisme égalitaire et spoliateur, qui sous Allende prit au Chili tout son essor marxiste, les principes impérissables de la Civilisation Chrétienne étaient automatiquement niés . Bien plus, les commandements de la Loi de Dieu, sans lesquels aucun ordre social n'attein dra sa véritable perfection, étaient invariablement contestés. Enfin, l'oppression morale et la misère économique s'instauraient, conséquence inévitable d'un système qui violait progressivement la loi naturelle et divine . En tant que nation chrétienne, le Chili s'est véritablement trouvé à deux doigts de la mort. La vigne sacrée de NotreSeigneur Jésus-Christ, son Eglise immortelle, avait été pénétrée


\

SAUVER L'UTOPIE EGALITAIRE

239

par l'épaisse « fumée de Satan », pour citer l'expression de Paul VI ( homélie pour la fête de Saint-Pierre et Saint-Paul, 1972 ). De nombreuses âmes, y compris des âmes de prêtres, furent entraînées dans le camp adverse. Beaucoup furent conduites à une désorientation fatale, mais un très grand nombre furent torturées par la façon d'agir de ces Pasteurs qui s'étaient transformés en ces chiens muets qui n'aboient pas lorsque vient le loup, dont parle le prophète Isaïe et, pire encore, avaient positivement aidé l'ennemi qui prétendait s'emparer du trou~ peau du Christ. A l'évidence, la plus étonnante catastrophe qui se soit abattue sur l'Eglise et la Civilisation Chrétienne au Chili était d'une réalité si brutalement tangible, que nous pouvions de bonne foi supposer, généreusement ou ingénument, que nous allions voir, comme aux temps glorieux, tout !'Episcopat et le clergé dans son ensemble se ressaisir, retrouver l'une des obligations les plus sacrées de leurs charges et détacher, peut-être, leurs membres les plus dynamiques et les plus influents pour prendre la tête d'une magnifique croisade doctrinale qui enterrerait pour des siècles la possibilité de voir refleurir chez nous les erreurs marxistes-léninistes. Certains se prirent même à rêver d'une déclaration · des évêques au monde, qui aurait proclamé : « Ne Croyez pas au changement fallacieux de mentalité que les actuels leaders du communisme feignent chez eux. Alertez lez fidèles catholiques de l'Eglise, dans le monde entier, contre le péril que le fléau communiste leur fait courir en se répandant sous le couvert de mouvement « démocratique, évolué et pacifiste », dans tous les pays ! Pasteurs catholiques, où que vous soyez , regardez le Chili ! Nous sommes les vivants témoins du terrible drame d'un peuple au sein duquel une grande partie des dirigeants religieux, politiques et de tous ordres, se sont laissés prendre à la séduction satanique du pire des adversaires de l'Eglise et de la Civilisation Chrétienne en ce siècle. Cet adversaire, repoussé par les peuples du monde, s'est déguisé ici en agneau, s'est mis à parler un langage de paix qui cachait la haine,


240

SUBVERSION CLERICALE

et à prononcer des paroles de pseudo-justice pour mieux commettre toutes sortes d'iniquité ! » Ce rêve ne s'est pas réalisé. Le martyre spirituel du troupeau fidèle continuait. La sombre tache sur !'Histoire de l'Eglise chilienne n'en était que plus noire, du fait de l'obstination de certains pasteurs qui semblaient décidés à défier les évidences les moins discutables.

* * * L'écho des premières voix joyeuses célébrant au Chili le soulèvement militaire - légitime en son essence et qui avait évité au pays les horreurs de la guerre civile que le communisme préparait - ne s'était pas encore tu que, terrible cauchemar, « la voix qui endort et la main qui éteint », provenant toujours de !'Episcopat, se firent à nouveau sentir. 1.

La première déclaration épiscopale après le soulèvement.

Deux jours après la chute du gouvernement marxiste, le Comité Permanent de !'Episcopat, s'adaptant à l'ère nouvelle qui s'ouvrait au Chili, fit une déclaration de froide courtoisie au nouveau Gouvernement, exprimant sa confiance dans le patriotisme et le désintéressement « qu'avaient proclamé » les membres de la Junte, et demandant aux Chiliens, « en raison des circonstances actuelles », leur coopération pour restaurer l'ordre des institutions et la vie économique du Chili. Voici quelques paragraphes de cette déclaration: « Le Pays est témoin - c'est le Comité qui parle - que nous, les évêques, avons fait tout ce qui était en notre pouvoir pour maintenir le Chili dans la Constitution et la Loi, et pour éviter tout épilogue violent, semblable à celui qu'a connu notre crise institutionnelle ». Mais alors? Même maintenant, les pasteurs refuseraient-ils de se solidariser avec le caractère anti-communiste du soulèvement dans lequel le troupeau fidèle avait joué le premier rôle?


SAUVER L'UTOPIE EGALITAIRE

241

Voulaient-ils dire, au moyen de cette expression ambiguë, que le droit positif s'opposait au droit des gens, au droit naturel, en tant que concept supérieur qui gouvernait le Chili en cette circonstance? Les pasteurs étaient-ils déçus par ce qui était l'essentiel du dénouement de la « crise institutionnelle »: avoir évité la guerre civile au Chili? Niaient-ils encore que la minorité allendiste avait fait ce qu'elle avait fait, et qu'elle préparait, grâce au Pouvoir qu'elle détenait illégitimement, un effroyable bain de sang dans tout le pays ? Si l'on pouvait comprendre qu'ils demandent une clémence chevaleresque - bien différente de l'impunité - envers les vaincus, pourquoi n'avaient-ils pas en même temps des mots d'encouragement chaleureux envers la fidélité catholique anticommuniste des Chiliens qui s'apprêtaient à donner leur appui aux militaires légitimement insurgés? Pourquoi se limitaientils à des mots froids et à des paroles de circonstance pour en parler, alors que ces hommes, qui n'étaient ni des théologiens, ni des moralistes , ni des spécialistes de la politique, venaient réparer, avec un héroïque esprit de décision, les erreurs de tant de prélats et de chefs politiques qui portaient indignement le nom de catholiques? La déclaration épiscopale se poursuivait ainsi: « Nous demandons le respect pour ceux qui sont tombés dans la lutte, et tout d'abord, pour celui, qui, jusqu'au mardi 11 septembre, était le Président de la République. « Nous demandons la modération envers les vaincus. Qu'il n'y ait pas de représailles inutiles. Que l'on tienne compte de l'idéalisme sincère qui a inspiré nombre de ceux qui sont aujourd'hui défaits. Que la haine cesse, et que sonne l'heure de la réconciliation ». Cohérent dans toute sa ligne de conduite, qui avait tant favorisé l'avance de l'ennemi des chrétiens, le Comité Permanent de !'Episcopat jugeait qu'il valait mieux parler de réconciliation . Ce mot si légitime et attirant en soi, mais vide de son véritable sens - comme nous le verrons plus tard - allait être l'un des « maîtres-mots » qui, chargé de relativisme , se transformerait


242

SUB VER SION CLERICALE

en un instrument raffiné et nouveau de collaboration avec le marxisme renversé. Ceux qui se trouvent à la tête de l'Eglise Catholique continuaient ainsi à mettre la confusion psychologique dans l'esprit des catholiques du silence. La déclaration continue: « Nous comptons que les progrès obtenus sous les Gouvernements antérieurs par la classe ouvrière et paysanne, ne seront pas reniés, et qu'au contraire, ils seront maintenus et se développeront jusqu'à ce que l'on parvienne à l'égalité pleine et entière et à la participation de tous dans la vie nationale » ( cf. « Documentas del Episcopado », Chili, 1970-1973, page 174. C'est nous qui soulignons le texte). La prédication ambiguë du réformisme égalitaire, qui nous avait conduits à l'abime, reparaissait dans ce premier acte pastoral qui suivait la chute d' Allende. En effet , sous les gouvernements antérieurs, et plus particulièrement ceux de Frei et d' Allende, des lois avaient été approuvées qui sous le couvert de favoriser les ouvriers et les paysans, avaient violé le droit naturel, et livré riches et pauvres, grands, moyens et petits propriétaires, travailleurs ruraux ou urbains, à la division et au désordre, et tout le Pays à la misère . Ces lois étaient essentiellement marquées par le postulat fanatique du mythe de l'égalité totale entre tous les hommes, dans l'optique de l'utopie communiste d'une société sans classe et sans hiérarchie. Or chaque fois qu'en fonction d'un mythe, on a fait violence à la réalité et à l'ordre naturel des choses, à la première occasion ceux-ci sont revenus à leur rythme normal, au grand dam des coupables de cette violence. L'authentique réalité chilienne s'est vengée par elle-même d'avoir été niée par les sectaires marxistes. Mais à cela le vrai catholique doit ajouter quelque chose. La doctrine immuable de l'Eglise soutient que, les hommes étant égaux en essence, ne le sont pas dans leurs accidents. De sorte que la diversité, juste et dispensatrice d'ordres et de fonctions sociales, est conforme au plan divin de la création et nécessaire au véritable progrès de la société humaine.


SAUVER L'UTOPIE EGALITAIRE

243

Pourquoi cette vérité, postulée pacifiquement pen d,mt des siècles par l'enseignement ordinaire des Papes, était-elle omise de façon sybilline, au moment même où les Chiliens se retrouvaient dans des conditions qui leur permettraient de bâtir un véritable progrès chrétien pour leur patrie, suivant le chemin de la vraie justice sociale et de la paix? ( Voir, par exemple , Léon XIII, Encyclique « Rerum Novarum » A.A.S. , vol. XXIII, page 657; Saint Pie X, Encyclique « Notre Charge Apostolique », qui condamne le mouvement libéral égalitaire « Le Sillon », B.A.C., Documents Politiques, pages 401423; Pie XI, Encyclique « Divini Redemptoris », A.A.S., vol. XXIX page 81; Pie XII, Message de Noël, 1944, « Discorsi e Radiomessaggi », vol. VI, pages 239-240; Jean XXIII, Encyclique « Ad Petri Cathedram », A.A.S . vol. LI, n. 10, pages 505-506) ( 1 ). ( 1) Léon XIII, le célèbre Pontife de la question sociale, disait, par exemple - et cela est consacré comme doctrine par des siècles de magistère ordinaire de l' Eglise: « Tous les hommes sont, certainement, égaux; nul n'en doute, si l'on considère bien l'égale communauté d'origine et de nature, la fin dernière qui nous attend tous et, enfin, les droits et les devoirs qui en découlent nécessairement. Mais comme les capacités des hommes ne peuvent être égales, et qu'ils sont très différents les uns des autres en raison de la force de leurs corps ou de leurs esprits, et que les variétés de coutumes, de volontés, et de tempéraments sont si nombreuses, il n'est rien qui répugne plus à la raison que de prétendre tout englober et tout confondre, et appliquer, aux institutions de la vie civile une égalité mathématique» ( Encyclique « Humanum Genus », A.A.S ., vo l. XVI, page 425, 1906. C'est nous qui soulignons le texte). Ce même Pont ife nous ap prit également:«// faut bien comprendre que la condition humaine doit être respectée, c'est-à-dire que dans la société civile, on ne peut égaliser les hauts et les bas. En vérité, les socialistes le tentent, mais toute tentative contre la nature-même s'avère inutile. La nature des hommes présente. la plus grande variété: ils ne possèdent pas tous le même génie, ni la même activité, la même santé ou la même force; et les inégalités de fortune sont la conséquence naturelle de différences si nécessaires. Et cela profite aussi bien aux particuliers qu'à la société; car la vie commune exige des aptitudes diverses et des métiers divers; et c'est cette même différence de fortune, pour chacun, qui pousse les hommes à exercer ces métiers » ( Encyclique « Rerum Novarum », A.A.S., vol . XXIII, page 657, 1890-1891. C'est nous qui soulignons le texte). Saint Pie X condamnait l'ordre nouveau que proposait le mouvement « Le Sillon », et qui exigeait une triple émancipation: « De nos jours,


244

SUB VERSION CLER ICA!,E

2. Le Cardinal évite de tirer des conclusions anti-cornrnunistes de l'expérience allendiste .

Après tout ce qui s'etait passé au Chili au cours des années qui avaient immédiatement précédé ce régime, si les véritables catholiques n'attendaient pas de ces pasteurs qu'ils mènent une croisade idéologique aux yeux du Chili et du monde, du moins étaient-ils en droit d'espérer que les autorités ecclésiastiques le peuple est soumis à la tutelle d'une autorité différente du peuple; il doit s'en libérer: émancipation politique. Il dépend des patrons... il doit en secouer le joug: émancipation économique. Finalement, il est dominé par un e caste dite dirigean te, qui exerce, du fait de son développement intellectuel, un e prépondérance injuste dans les affaires: il doit se soustraire à cette domination : émancipation intellectuelle». Ainsi « s'é tablira entre les homm es l'égalité, cette égalité qui est la vérita ble justice lwmain e ». Voilà ce qu'ils veulent faire ( ... ) de la société humaine; voilà quel est leur rêve pour changer les bases naturelles et traditionnelles de la société et prom ettre une société future bâtie selon d'autres principes, qu'ils osent déclarer plus féconds et plus profitables que ceux sur lesquels repose l'actuelle cité chrétienne » ( Lettre Apostolique « Notre Charge Apostolique », apud B.A .C., « Doctrine Pontificale » , vol. Il , Documents Politiques, n . 13 et n. 10, pages 408 et 4 09 ) . Le Pape Pie XI, comme cela ne pouvait manquer, réaffirme le principe : « Ceux qui prétendent que tous les citoyens ont des droits égaux dans la socié té civile, et qui nient qu'elle doive avoir une hiérarchie, se trompent honteusem ent » ( Encycliqu e « Divini Redemptoris », A.A .S., vol. XXIX , page 8 1, 1937 ). Nous retrouvons la même doctrine dans le message radiophonique de Noël 1944 du Pape Pie XII, qui ex plique comment les ex igenc es de la fraternité s' harmonisen t avec les inégalités harmoniques nécessaires ( Message radiophonique de Noël 1944, « Discorsi e Radiomessaggi » , vol. VI , pages 239-240 ). Le Pape Jean XXIII n'est pas moins catégorique lorsqu ' il affirme la mêm e doctrine dans son encyclique « Ad Petri Cathedram ». Le Pape, en proclamant qu ' il faut promouvoir la concorde entre les peuples et les classes sociales, cite ses prédécesseurs Léon XIII et Pie XII pour réaffirmer les m êmes concepts sur la différence nécessaire et harmonique des classes. Pour sa part , le Pape Jean XXII I déclare dans ce même document: « Qui ose, donc, nier la diversité des classes sociales, contredit l'ordre-même de la nature. Et pareillem ent ceux qui s'opposen t à cette collaboration fraternelle e t nécessaire entre les classes sociales cherchent, sans aucun doute, à troubler et à diviser la société, pour le plus grand dommage du bien public e t privé » ( Encycliq ue « A d Pe tr i Cathedram » A.A.S., vol. LI, n. 10 , pages 505-506 , 1959 ). '


SAUVER L'UTOPIE EGALITAIRE

245

reconnaîtraient tout à fait la malignité du processus de communisation de notre Patrie, et de l'expérience marxiste qui en avait été le point culminant. Il semblait même nécessaire qu'il y ait une rétractation publique de l'erreur et du mal commis par ces autorités et par une partie déterminante du clergé, qui avaient abandonné les devoirs essentiels de leur charge en favorisant de façon si notoire le progrès de la cause marxiste. Tout au contraire, le Cardinal jugea opportun de dissimuler sous de vagues expressions d'émotion la sinistre réalité dont les Chiliens devaient tirer des leçons et les graver dans leurs mémoires pour que plus jamais ne s'efface le souvenir des conséquences catastrophiques du socialisme égalitaire et spoliateur qui était entré dans le Pays par la porte de l'Eglise. Le Pasteur stimulait les sentiments naturels de générosité qui existent dans le cœur de tout homme de bonne formation, en opposant ces sentiments, par une contradiction de sophiste, aux exigences de la raison éclairée par la Foi. Dans le sermon prononcé en l'église de la Reconnaissance Nationale lors de la commémoration de l'indépendance de la Nation, et en présence des nouvelles autorités du Pays, Mgr. Silva Henriquez crut opportun d'affirmer: « Notre regard vers le passé, proche ou lointain, devrait être plus interrogateur que condamnatoire , plus détecteur d'expériences que comptable • d'omissions( ... ) Cela fait renaître en nous un immense espoir, que tous nous sentons dans le climat religieux d !aujourd'hui, nous qui, d'une façon ou d'une autre, à un titre ou à un autre, renouvelons notre engagement evers les foules affamées et assoiffées de justice » . Il c·o ntinue avec les paroles suivantes, si révélatrices: « Pour pouvoir mener à bien une si noble tâche il faut en ce moment que nous tous, Chiliens, en créant un climat de compréhension de justice, et de sagesse, de pardon et de fraternité, soyo~ capables de dépasser nos divisions et nos luttes, d'oublier nos différends et nos divergences d'opinion »... ( « El Mercurio » 19-9-73. C'est nous qui soulignons le texte). '


246

SUBVERSION CLERICALE

Le pardon et la fraternité prêchés par Celui qui a dit « Que tous soient un » ( Jn . XVII , 21 ) sont de belles et nobles choses. C'est exact. Mais ce serait blasphémer que de supposer, sur les lèvres sacrées, d'une gravité et d'une sincérité infinies de NotreSeigneur Jésus-Christ, un appel à une union iréniste entre les fils de la lumière et ceux des ténèbres. Quelle dé termination insondable et écrasante pouvait bien conduire le Cardinal-Archevêque de Santiago à prêcher, sans les définir, l'oubli de « nos différends » ? Il ne faut pas confondre le pardon qui efface le souvenir des offenses personnelles et le syncrétisme relativiste entre le Chili catholique et l'antiChili marxiste ! Comme il était déchirant pour les fidèles, qui venaient de sortir de la nuit où le communisme les avait plongés, de recevoir cette exhortation paralysante, ambiguë, difficile à cerner en raison de son caractère équivoque, déformant la vérité, et qui émanait, juste à ce moment-là, d'un Pasteur do nt ils se croyaient tenus de respecter l'autorité sans tergiverser ! Quelle torture et quel dilemme déchirant, d'autant plus aigu qu'il se situe au niveau des consciences d'innombrables fidèles qui, si souvent, n'ont eu ni le temps ni les études suffisantes pour construire une vision équilibrée, une vision d'ensemble de la doctrine et des faits, et qui doivent, au sein de la confusion, se former obligatoirement une idée catholique de la réalité ! Comme ils sont nombreux, réduits au silence par leurs Pasteurs, les catholiques qui se sont efforcés de ne plus penser à cette question ! Qui pourra les compter, ceux qui ont jugé les événements, dominant au prix d'un effort considérable les difficultés inhérentes à ce probléme , et leur drame de conscience d'avoir à prendre une position contraire à celle de leurs Pasteurs, et qui furent immédiatement assaillis par la crainte de voir s'exercer contre eux les pouvoirs canoniques? Que dire de la souffrance de ceux qui, portés par leur amour de l'Eglise et de la hiérarchie sacrée, auraient souhaité voir naître une croisade pacifique, doctrinale et victorieuse,


SAUVER L'UTOPIE EGALITAIRE

247

qui aurait fraternellement uni tous les Chiliens aux côtés des hommes appelés à être leurs guides spirituels. En effet, après que le libéralisme relativiste et l'œuvre du communo-progressisme - avec leurs congénères politiques eurent travaillé pendant des années pour atténuer ou nier les principes de la doctrine sociale catholique les plus spécifiquement opposés au communisme, le moment le plus propice était arrivé pour approfondir jusqu'à ses raisons les plus sacrées et les plus intimes la véritable affirmation religieuse, morale et doctrinale des fidèles, face au plus grand danger moral du XXème siècle : la secte rouge qui asservit déjà des millions d'êtres humains. Moment d'un prix inestimable , dont nous devrons tous rendre compte le jour où Dieu viendra juger le Monde. Moment providentiel, où les Chiliens, recrus de la souffrance de la tragédie marxiste qui s'était abattue sur notre Patrie, se trouvaient devant la possibilité de profiter dans toute son étendue de l' étonnante expérience acquise , ou de tomber plus bas qu'avant.. . En vérité, ou bien la position anti-communiste, qui découle naturellement , comme conséquence logique nécessaire , de la Doctrine traditionnelle et immuable de l'Eglise, est affirmée maintenant dans l'esprit et dans le cœur de tous les Chiliens aimant l'ordre, ou alors notre Patrie pourra avoir à supporter une catastrophe mille fois pire que la précédente, et cette fois, peut-être, sans retour. L'homme qui avait été revêtu de la dignité de Prince de l'Eglise , et aux mains duquel avait été confié le diocèse le plus peuplé du Chili, ne se souciait d'aucune question morale ou pastorale de ce genre . Il cheminait dans les sables mouvants du relativisme , et de son programme de justice sociale toujours urgent, toujours indéfini, oubliant également que la principale cause reconnue comme responsable de la misère au XXème siècle est le communisme égalitaire .

* * *


248

SUBVERSION CLERICALE

Quelques jours après le sermon à l'Eglise de la Reconnaissance Nationale, le Cardinal Silva Henriquez prit la tête d'une délégation de !'Episcopat pour rendre visite à la Junte Militaire de Gouvernement. A la sortie de l'audience, la délégation remit une déclaration officielle sur les motifs de sa visite. Dans cette déclaration, la Cardinal et les Evêques expliquent qu'ils ont exprimé à la Junte de Gouvernement les « sentiments de respect et d'estime » et leurs remerciements pour « la déférence dont ils ont été l'objet ». lis signalent également que « en même temps le Comité Permanent de /'Episcopat a offert sa collaboration pour l'œuvre de reconstruction du pays, et en particulier, pour pacifier les esprits et pour tout ce qui pourra garantir et développer les conquêtes sociales des travailleurs » ( « El Mercurio » et « La Tercera de la Hora », 29-9-73. C'est nous qui soulignons le texte ). Troublé, le troupeau fidèle sentit que les Evêques voulaient apaiser les esprits. Il ne vit donc pas clairement si sa vigilance active et sa lutte légitime contre les marxistes sectaires, qui n'abandonnaient pas leurs desseins sataniques, s'opposaient ou non à la paix évangélique. En outre, ce garantir et développer des conquêtes sociales éveillait dans l'esprit des pauvres comme des riches, des sentiments de sympathie qui se heurtaient à la nécessité que tous sentaient de rectifier des lois injustes et maudites qui avaient lancé les catholiques dans la lutte des classes, et le Pays tout entier dans la misère morale et économique. Voilà un procédé ecclésiastique qu'il faut dénoncer dans tout ce qu'il a de subtilement venimeux. 3. La Pastorale théoriquement « anti-marxiste » publiée un mois après la chute d'Allende. Lorsque le nouveau gouvernement fut totalement consolidé, le Cardinal et les Evêques rendirent public un singulier document pastoral intitulé « Foi chrétienne et action politique ».


SAUVER L'UTOPIE EGALITAIRE

249

On y trouve une interdiction aux « prêtres et religieux (eu ses) de faire partie de cette organisation ( Chrétienne pour le Socialisme ) ainsi que d'effectuer, sous quelque forme que ce soit - institutionnelle ou personnelle, organisée ou spontanée - le type d'action que nous avons énoncé dans ce document ». L'action à laquelle font allusion le Cardinal et les Evêques est celle d'une politique partisane, clairement inspirée par le marxisme-léninisme. « Trop tard »... auront pensé les fidèles qui eurent connaissance de l'existence de ce texte. Ceux qui eurent assez de temps pour étudier en détail ce nouveau document de 4 7 pages, y trouvèrent en outre - malgré l'interdiction en question - des ambiguïtés et des affirmations qui donnaient une continuité tragique et évidente à toute la lamentable séquelle d'omissions, d'équivoques, de désorientation et de collaboration du Cardin al avec le marxisme, extirpé du Pouvoir par un soulèvement armé. Malgré tout, le Cardinal et les Evêques sentirent qu'il fallait expliquer publiquement la raison pour laquelle cette entrée en scène s'était produite si mal à propos , alors que les lumières étaient déjà éteintes et que le public avait quitté la salle où se jouait la tragédie impie ... Dans une introduction qui accompagnait le document , le secrétaire de la Conférence Episcopale affirmait que « lors de l'Assemblée Plénière Ordinaire de !'Episcopat, qui s'est tenue du 6 au 11 avril de cette ann ée à Punta de Tralca » , les Evêques, six mois avant le renversement d'Allende, étaient arrivés à la décision d'ordre général d'après laquelle « un prê tre e t/ou un religieux (euse) ne pouvait appartenir à ce mouvement ( Chrétiens pour le Socialisme ) » . Le secrétaire général de la CECH poursuivait ses explications en déclarant qui « ils sont cependant tombés d'accord pour différer la publication de cette rirective pastorale tant qu'ils n'auraient pas le tex te d'un document doctrinal qui ex pliquerait le f ondement et la perspective de cette directive ».. .


250

SUBVERSION CLERICALE

Selon l'explication épiscopale, Je Comité Permanent se consacra au cours des mois suivants, à l'examen des écrits des « Chrétiens pour Je Socialisme » - que de nombreux fidèles, conduits par le « sensus fidei » et l'évidente réalité des choses, avaient déjà répudiés dans Je silence de Jeurs consciences - en vue de l'élaboration de ce document. Et ainsi Je temps passa. La note explicative indique que « le tex te définitif du document était prêt à la mi-Août. Et bien que le Président et le Secrétaire de la Conférence Episcopale aient été autorisés par le Comité Permanent à procéder à sa publication, on avait cru bon d'attendre une dernière lecture à l'occasion de la prochaine réunion du Comité. Cette réunion devait se tenir le 12 septembre ». Le mouvement militaire anti-communiste eut lieu le 11 ... Enfin, Je secrétaire de la Conférence Episcopale relate que « l'approbation finale du texte se fit lors de la réunion du J 3 septembre de cette année, avec quelques a mandements » . Mais déjà en avril 1973 il aurait été trop tard pour interdire aux prêtres, aux religieux et aux religieuses de militer dans Je groupe « Chrétiens pour le Socialisme » . La TFP, dans son manifeste déjà cité « L'auto-démolition de l'Eglise : facteur de démolition du Chili », publié dans les derniers jours de février de cette même année, avait signalé Je malaise de milliers de catholiques devant la conduite des Pasteurs qui collaboraient avec le marxisme, des groupes de laïcs et de prêtres plus radicaux dans leurs opinions communo-progressistes, et de ceux qui proclamaient leur engagement clairement hérétique, actif et organisé, avec la cause d' Allende, comme le groupe « Chrétiens pour le Socialisme », entre autres. Les nouvelles circonstances politico-idéologiques dans lesquelles se produisait la condamnation épiscopale contre le groupe en question - dont les éléments les plus ardents allaient commencer à conspirer avec le communisme dans l'exil et la clandestinité - lui enlèvent presque toute sa signification pratique.


SAUVER L'UTOPIE EGALITAIRE

251

Ainsi, n'aurion-nous pas besoin, pour notre analyse, de nous attarder à la considérer. Toutefois, attendu qu'il s'agit d'un exemple caractéristique de la technique am biguë et relativiste adoptée par les Evêques lorsqu'ils se voient forcés de condamner les extrêmes révolutionnaires marxistes, nous demanderons aux lecteurs un peu plus de leur temps pour analyser ce document.

* ,, * Le titre II du Document en constitue la partie substantielle. Il s'intitule «Le groupe des Chrétiens pour le Socialisme ». Le Comité Permanent de !'Episcopat découvre, pour commencer, qu'il existe dans les écrits publiés par le groupe en question « plusieurs aspects positifs , ainsi que des inquiétudes et des intuitions qu'il nous parait nécessaire de mettre en valeur» ... Il ajoute que ces aspects, inquétudes et intuitions « représentent des germes qui naissent de /'Esprit donné par Jésus à l'Eglise, qu 'ils y ont toujours été présents, et que de ce fait nous voudrions les développer ». Ensuite, le Cardinal et les Evêques énumèrent, en six points, ces « germes » qui leur paraissent venir de !'Esprit ( 2 ). Cette (2) Voici quels so nt les aspects, inquiétudes et in tuit ions positifs que la Lettre Pastorale trouve dans les écrits des « Chrétiens pour le Socialisme »: « a) L'appel à une révision de la tâche de l'Eglise, pour éviter qu 'Elle ne soit inféodée à certaines formes sociales ou institutionnelles; pour que, se dépouillant de l'intérêt ou de l'attachement au prestige humain, Elle ait la liberté d'être Elle-même, e t de porter secours à ceux qui auront le plus besoin d'Elie; « b ) L'influence des chrétiens sur les problèmes du monde, en particulier sur les problèmes de la justice sociale et de la transformation de la société, par leur lutte contre l'oppression et la misère; « c) La sensibilité structurelle, e t un sens aigu des conditionnem ents économico-sociaux de la vie morale et spirituelle; l'exigence de dominer les structures qui conditionnent de façon négative les coutumes et les mentalités, et à l'inverse, le besoin d'une expression structurelle d es désirs personnels de justice et de charité; « d) L'animation de la théologie au moyen de rencontres ouvertes sur les problèmes historiques du présent; l'incita tion à créer de nouvelles


252

SUBVERSION CLERICALE

énumération est un énoncé - écrit dans un langage fuyant et plein de sous-entendus - de toute la philosophie et de l'esprit qui ont animé le travail de transfert idéologique vers le marxisme effectué par les « Chrétiens pour le Socialisme » so·us le régime d' Allende. Il s'agit, ni plus ni moins, du point de départ de l'action de tous les groupes communo-progressistes qui ébranlent l'édifice sacro-saint et indestructible de l'Eglise, et non seulement au Chili, mais dans le monde entier. Le document tardif du Cardinal et des Evêques a donc toutes les caractéristiques de l'attitude d'une personne qui, disant qu'elle veut détruire un arbre atteint d'une peste maligne émonde les bourgeons extérieurs et laisse intactes les branches principales, Je tronc et les racines qui le soutiennent ...

* * * En même temps qu'ils formulent des critiques théoriques à la méthode marxiste-léniniste , les Evêques ne manquent pas de signaler dans leur Lettre Pastorale que « ce n'est pas à nous de préciser à quel point cette méthode peut apporter des catégories théologiques qui permettent la rencontre avec les sciences contemporaines; « e) L e désir d'une véritable insertion de l'Eglise dans le monde ouvrier e t paysan; la nécessité de « prêcher l'Evangile aux pauvres » , en tant que signe de la venue du Roya ume ( cf. Le 7,22) et à l'inverse, la nécessité pour l'Eglise d e rep enser la mentalité et les valeurs de ce monde dans sa propre expression de la foi, de la morale et de la liturgie; « f) Et en général, la révision critique de toutes les institutions ecclésiastiqu es, dans le sens d'un plus grand esprit de pauvre té, en se mettant vraiment à la place des pauvres, auquel le Royaume des cieux appartient » ( « Documentos del Episcopado », Chili, 1970-1973, pages 183-184). Il est bien év ident que la façon dont le Cardinal et les Evêq ues ont formul é ce programm e « positif » des « Chrétiens pour le Socialisme » permettra parfaitement aux prêtres, religieux et religieuses qui suivront ce mouvement ou en partageront les idées, de poursuivre la même action dans un cadre plus prud ent, tel qu e le nouvel é tat d e c hoses actueliement en vigueur au Chili l' ex ige pour le communo-progressisme; il est également évid ent qu e les plus habiles éviteront de se dire m arx istes-léninistes, ou de s'engager dans des organisa tions politiqu es partisanes.


SAUVER L'UTOPIE EGALITAIRE

253

élements valides aux sciences sociales et historiques, et par conséquent à l'action sociale et politique elle-même ». Voici donc atténuée la censure faite plus haut. Les prêtres et les laïcs « catholico »-marxistes qui possèdent une certaine habileté dialectique, et une connaissance des tactiques ondoya'ntes de l'hérésie tout au long de !'Histoire de l'Eglise, ont là un chemin tou tracé qu'ils pourront emprunter dès qu'ils le jugeront bon. Tout en critiquant l'utilisation par les « Chrétiens pour le Socialisme » de la méthode marxiste-léniniste, ils déclarent: « Si la tentative d'assumer certains éléments de cette méthode, à partir d'une vision chrétienne de l'histoire, peut avoir un sens acceptable, ces prêtres n 'on t rien obtenu de semblable » ( cf. « Documentos del Episcopado », Chili, 1970-1973, pages 176 à 212 ). C'est-à-dire que , selon les évêques, la méthode marxisteléniniste peut apporter des éléments valables à l'action sociale et politique, et qu'elle a des aspects possibles pour un chrétien ... A quoi peut donc se raccrocher le catholique moyen, perdu dans le labyrinthe sinueux de raisonnements comme celui-là ? Y autait-il donc une sorte de vision de la méthode marxiste, ou du marxisme lui-même, « purifiée » peut-être de ses aspects violents ou directement athées, et qui serait acceptable pour un catholique? Avec cette « impartialité » platonique alliée à une casuistique positiviste, dans laquelle les certitudes métaphysiques ne président pas à l'étude des sciences, l'esprit catholique s'est positivement volatilisé dans les paroles de tels prélats. Une fois de plus, le Dogme du péché originel semble absent, dans l'ordre concret, avec son corollaire de vigilance évangélique. Il est possible de tout dire sans rien dire. La Doctrine et la Morale catholiques so nt ainsi lancées dans le marécage d'un relativisme capable, à un moment donné , de faire perdre la raison aux fidèles.


254

SUBVERSION CLERICALE

Ainsi, la réprobation épiscopale du marxisme-léninisme militant des « Chrétiens pour le Socialisme », outre qu'elle était scandaleusement tardive, est formulée en des termes qui nous indiquent clairement comment la position collaborationniste du Cardinal et des Evêques qui le secondaient, pour la plus grande confusion des fidèles, n'a été que dissimulée, et non pas changée. En vérité, il aurait fallu qu'elle se fasse de faço n claire, catégorique, au grand jour, sans laisser l' ombre d'un doute, pour réparer le sacandale public qu'avait été leur comportement aux yeux des catholiques chiliens ... Pour augmenter encore la confusion, le document omet complètement les jugements qui condamnent les réformes économico-sociales implantées par les marxistes au Chili et soutenues dans les principes par leur doctrine collectiviste. D'autre part, nous ne trouveons nulle part, dans le texte, la moindre référence, si vague soit-elle, à la doctrine catholique sur le droit naturel à la propriété privée, qui comporte évidemment, à nos yeux, sa fonction sociale . Un enseignement erroné s'avère d'autant plus nocif et troublant dans ses effets qu'il se prévaut d'une réprobation inefficace des conséquences de l'erreur et préserve le mal à la racine. C'est pourquoi, il peut arriver que l'on avale le poison sans le vouloir. Et ceux qui auront été assez clairvoyants pour discerner l'ivraie au milieu du bon grain, se trouveront malgré tout désemparés, car ils ne verront pas comment échapper au terrible piège psycho-idéologique dans lequel ils sont tombés. De plus, comme nous l'avons déjà dit, leur perplexité sera d'autant plus grande qu'ils redouteront une éventuelle sanction canonique , si leur protestation sur ce problème épineux n'est pas délicatement nuancée ! 4.

Le noble geste de justice qui n'a jamais été fait.

Nous répétons ici, pour ceux qui liront ces pages et ne connaissent pas le caractère de notre peuple: si nous avions assisté, au moins une fois, à une rétractation publique de la


SA UVER L'UTOPIE EGA LITAIRE

255

part de ces prélats, au sujet de leur collaborationnisme pro-marxiste, la joie qui aurait inondé les chiliens aurait été intense. Le troupeau bâillonné, spirituellement torturé par ceux qui étaient appelés à être ses guides paternels, aurait pardonné facilement et avec une infinie vénération, dans la limite de ses possibilités nous en sommes certains - les souffrances et les injustices découlant de la conduite destructrice de ces pasteurs. Oui, dans ces conditions, la paix dans l'unité et dans la vérité serait revenue, pleinement victorieuse, au Chili. Une des plus belles pages de !'Histoire de l'Eglise et du Chili aurait été tournée, l'or de l'humilité et de la pénitence ayant fait disparaître la sinistre tache noire du passé, que nous avons bien été obligées de dévoiler aux yeux des lecteurs. Comme nous l'avons vu, le Cardinal-Archevêque de Santiago et les prélats qui le suivent n'ont pas fait ce geste noble qui aurait pu réparer, avec la grâce de Dieu, le mal considérable qui avait été commis. Au contraire, le calvaire de l'Eglise du silence a continué. 5.

Le Cardinal réitère ses aspirations socialistes.

Quelques jours après la publication du document sur les « Chrétiens pour le Socialisme », la Presse annonça que le Cardinal chiJien ferait un voyage, pour informer les Episcopats des Etats-Unis, du Canada et d·'Europe, de la situation reélle où se trouvait notre pays ( « La Tercera de la Hora », 20-10-73 ). Quelques Chiliens pensèrent qu'à cette occasion du moins, leur pasteur adopterait une attitude plus discrète et plus modérée . Dans les premiers jours de novembre, un télégramme apporte des nouvelles qui poignardent une fois de plus la conscience des catholiques chiliens: ce sont les déclarations du Cardinal... En effet, selon ce télégramme, le Primat chilien avait déclaré à Rome: « Les Evêques ont proposé leur collaboration à l'œuvre de reconstruction du pays, surtout à la tâche de


256

SUBVERSION CLERICA LE

pacification des esprits, et à tout ce qui contribue à renforcer et à développer les conquêtes sociales des travailleurs. (. .. ) En ma qualité de Cardinal, au nom de l'Eglise, j'ai offert au nouveau Gouvernement du Chili la même collaboration que celle que l'Eglise avait donnée, en tout ce qui concernait le bien commun, au Gouvernement marxiste de M. Allende ( « SELADOC », n. 2 août 1974, page 12; « La Segunda », 5-11-73 . C'est nous qui soulignons le texte). On retrouvait les mots équivoques que le Comité Permanent de !'Episcopat avait rendus publics lors de la visite de NN. SS. Silva Henriquez et Oviedo Cavada aux honorables membres de la Junte Militaire ( cf. supra Partie IVème, chap. II, n. 2 ), mais cette fois, avec un addenda révélateur: le Cardinal mettait sur un pied d'égalité au regard de la hiérarchie ecclésiastique le gouvernement illégitime et immoral d'Allende et celui qui était né du soulèvement anti-marxiste ! Ce qui revient à dire que ces prélats avaient réellement renoncé à la lutte contre les marxistes sectaires en ce qui a trait à leurs desseins de collectivisation graduelle du Pays. Cependant, nous savons que même cette « impartialité » n'a rien d'authentique, et qu'elle ne s'est pas davantage exercée en fonction des « tâches du bien commun », puisque le Comité Episcopal, Je Cardinal en tête, avait appuyé les réformes socialistes-marxistes, et soutenu tant qu'il avait pu un régime aussi essentiellement injuste que celui d' Allende. D'autre part, ce même Comité Episcopal allait bientôt commencer une opposition mal dissimulée au régime militaire légitime, précisément pour son anti-communisme, opposition qui, comme nous le verrons, s'accentuera peu à peu. Cette opposition se manifeste d'abord sous l'apparence d'une courtoisie froide et protocolaire, et en cherchant à freiner autant que possible, les fidèles catholiques dans leur enthousiasme et leur prise de conscience anti-communiste.

* * *


SAUVER L'UTOPIE EGALITAIRE

257

Mais deux jours plus tard, un second télégramme apportait des déclarations encore plus surprenantes. « Le Cardinal-Archevêque de Santiago du Chili, Raul Silva Henriquez, a confiance qu'un jour un socialisme christianomarxiste s'établira en Amérique Latine », disait une nouvelle transmise par l'agence AP, datée de Rome le 6 novembre. Le même câble affirmait que l'agence catholique ASCA avait publié les détails d'un colloque que le Cardinal avait eu avec les élèves du Séminaire Salésien de Rome, et rapporte qu'un élève vénézuélien « avait demandé au Cardinal s'il croyait à la possibilité d'une coexistence entre le marxisme et le christianisme en Amérique Latine ». Voici la réponse du prélat chilien, telle que Je télégramme l'a enregistrée: « Pour répondre à cette question - dit le Cardinal - il me faudrait prophétiser. Mais je ne suis pas prophète. J'espère seulement que cette possibilité existe. Nous allons vers un avenir de socialisation, mais en Amérique Latine un socialisme sans éléments chrétiens n'est pas possible ». Cette même information télégraphique dit que le Cardinal a affirmé, au cours du colloque, que les nouvelles autorités militaires constituent « un gouvernement que nous n'avons personnellement ni formé, ni souhaité. On ne peut penser à une alliance future entre lui et l'Eglise ». Après tout ce qui s'est passé au Chili, voilà que le CardinalArchevêque ressuscite ses chimères relativistes « christianomarxistes ». A son tour apparaît au grand jour l'impossibilité pour la hiérarchie de faire acte d'impartialité entre un gouvememen t marxiste et un gouvernement anti-marxiste : il s'agit seulement de dissimuler la préférence pour le marxisme. En présence de qui nous trouvons-nous? Jusqu'où le Cardinal poussera-t-il la contradicition de la conduite avec les devoirs de sa charge sacrée, et jusqu'où ira le martyre moral auquel il soumet son troupeau? Le télégramme termine sur des affirmations non moins surprenantes. Selon ce journal, le Cardinal a déclaré en parlant


258

SUBVERSION CLERICALE

d'Allende: « C'était un idéaliste, un romantique du socialisme, qui n'avait pas autour de lui d'~ommes capables de traduire les idées en mesures pratiques, économiques et sociales ... Allende tentait de mener à bien une dictature du prolétariat à long terme, mais il laissait l'Eglise jouir d'une liberté effective. Nous avions confiance en sa parole de respecter l'Eglise, parce qu'Allende nous écoutait» («La Tercera de la Hora », 7-11-73. C'est nous qui soulignons le texte ). On ne sait plus que dire devant l'insensibilité morale et l'étonnante froideur que reflètent ces paroles. Ainsi l'homme qui incarnait le bourreau d'un peuple catholique, était un idéaliste? Un idéaliste, celui qui prévoyait d'établir la dictature du prolétariat marxiste, sous laquelle gémissent tant de millions d'êtres humains, dans cet immense empire anti-chrétien qui s'étend de Pékin à Moscou? Et l'auteur de ces déclarations en arrive à ce comble qu'il se lamente de ce qu' Allende n'ait pas eu d'auxiliaires capables de mettre en pratique des idées qui conduisaient à la « dictature du prolétariat » ! Ces affirmations sont si ahurissantes, que l'on pourrait croire que le télégramme a subi des coupures ou de fausses interprétations de la part des journalistes. Et pourtant, elles correspondent parfaitement à la ligne maîtresse de la conduite épiscopale pro-marxiste longuement décrite dans ces pages. Ce qui peut étonner c'est qu'elles soient exprimées aussi crûment, alors qu'elles l'étaient si souvent par des attitudes ou des mots plus équivoques. D'autre part, comme il est intolérable pour un Cardinal catholique qu'on lui attribue de semblables conceptions, si les versions de la presse n'étaient pas vraies, elles méritaient un démenti personnel, direct, immédiat et définitif, qui ne laisse planer aucun doute. Nous n'avons pas eu vent de ce qu'un démenti ait été publié, bien que le télégramme en question ait été transcrit dans la presse de Santiago. · L'homme qui a revêtu la pourpre cardinalice semble bien assuré que l'Eglise du Silence restera bâillonnée indéfiniment ...


CHAPITRE III

LA SECONDE ETAPE: L'EPISCOPAT PRECHE AVEC INSISTANCE UNE RECONCILIATION FALLACIEUSE

1.

A Noël 19 7 3, le goût amer du fiel.

A Noël de cette année 1973 , le Comité Permanent de !'Episcopat, dont Mgr. Silva Henriquez était toujours le président, mais dont le secrétaire général était alors Mgr. Carlos Camus Larenas, düfusa un message aux Chiliens intitulé: « Etre fidèles à l'espérance ». Après le préambule, le message entre dans le vif du sujet: Comment célébrer Noël dans une patrie divisée? La réponse est tranchante: ce n'est pas possible sans la réconciliation ... Après avoir laissé entendre, dès les premiers jours du soulèvement militaire, que l'Eglise ne s'engagerait pas dans la lutte anti-communiste, et après avoir fait preuve d'une froide courtoisie envers le nouveau gouvernement, et réitéré la décision de « baptiser » les utopies égalitaires du processus révolutionnaire gauchiste interrompu, les prélats se mirent à exercer une pression psychologique centrée sur la prédication d'une « réconciliation » qui consistait à démobiliser les esprits face au marxisme. « La réconciliation a ses exigences »... souligne la déclaration épiscopale. Pour le Chili catholique et anti-marxiste, ces exigences se concrétisent dans le fait qu'il ne faut pas adopter


260

SUBVERSION CLERICALE .

« une attitude de vainqueur », concept que la déclaration du Comité Permanent interprète à sa façon: ne pas avoir « une attitude de vainqueur, c'est savoir pardonner et savoir demander pardon ». Et après la description d'autres formes de générosité qui, à son avis, devraient être celles des vainqueurs, vient la suggestion « d'inviter les vaincus à participer à l'œuvre de reconstruction du pays, à leur faire sentir qu'on a besoin d'eux» ... De la part des marxistes renversés, la réconciliation impliquerait, toujours selon ce message de Noël: - « Pardonner et demander pardon ». - « Reconnaître que tout ce que l'on avait pensé, dit ou fait n'avait pas toujours été juste et bon». - « Reconnaître qu'en d'autres temps, on avait peut-être fait souffrir, volontairement ou non ». - « Penser que les grands idéaux - pour lesquels beaucoup se sont battus -, la promotion des pauvres, l'égalité entre tous, la justice pour tous, la participation de tous, le bonheur à la portée de tous, sont des objectifs impérissables, que l'on peut atteindre par divers chemins ». - « Accepter qu'au-delà de certaines idéologies, parfois erronées, parfois incomplètes, parfois illusoires, il y a la vérité, jamais totalement atteinte, mais toujours ardemment recherchée» . Et enfin, le message épiscopal conseille à la minorité marxiste de « croire que l'on ne sert pas uniquement la vérité par l'exercice du pouvoir, mais également par l'étude, la réflexion, la persuasion, le témoignage convainquant » ( « El Mercurio », 21-12-73. C'est nous qui soulignons le texte ). Dans cette nuit de Noël, qui apporte aux hommes mille impondérables qui rappellent en eux l'innocence, l'ordre juste et droit qui unit les créatures au Créateur qui a daigné les visiter, et l'harmonie pure et charmante de tant de bénédictions célestes, le message épiscopal n'apportait aux fidèles que l'amertume du fiel. Cet élan spontané vers la compréhension et l'amour, que Noël vient rappeler aux hommes, est ainsi utilisé de terrible


POUR UNE RECONCILIATION FALLA CIEUSE

261

façon par ces personnalités ecclésiastiques, pour créer un fa ux problème de conscience chez les fidèles catholiques, au moyen d'une monstrueuse déformation de la réalité et de la doctrine sur la véritable charité . Bien pis! Ils en profitent pour encourager les marxistes au prosélytisme ! Les Evêques tracent une image optimiste des marxistes quand ils décrivent dans les termes fallacieux de leur message, transcrit ci-dessus, une minorité fanatique qui, aussi bien au Chili que dans tous les pays où elle s'est emparée du pouvoir, par la violence, le mensonge ou la mystification, ne s'est jamais fait faute de montrer la perversité intrinsèque de ses desseins et de ses doctrines. D'autre part, il semble que les prélats aient voulu convaincre le Chili, avec une étonnante insistance, que le Pays était divisé en deux camps également coupables, tous. deux plus ou moins dans l'erreur, plus ou moins dans la vérité à l'intérieur d'un relativisme général et qui, en raison de leurs points de vues purement contingents, s'étaient affrontés dans une lutte vide de sens. Il suffirait donc de quelques efforts généreux, de quelques sourires, de quelques poignées· de main, de « demandes de pardon » de l' un à l'autre, et tout serait résolu: Catholiques et marxistes pourraient reconstruire le Chili ... C'est tout ce qu'il y a de plus faux, et nous devons retenir des larmes de douleur, en voyant que ceux-là mêmes qui avaient déjà fait tout le mal considérable que nous avons relevé dans ces pages, n'ont pas craint de déposer ce cadeau empoisonné aux pieds de la crèche de !'Enfant-Dieu, renouvelant le sacrifice réprouvé dont la fumée ne s'éleva pas vers le ciel ( Gen . 4,5 ). D'autre part, cette conduite des Evêques, déjà extrêmement alarmante en soi - car elle tend à créer, au sein du peuple qui a été le héros de la résistance contre le communisme qui l'asservissait, ce que certains psychologues modernes appelleraient un « complexe de culpabilité » pour sa légitime défense antimarxiste - le devient plus encore si l'on considère avec attention le texte du document.


262

SUBVERSION CLERICA L E

Celui-ci décrit réellement comme de « grands idéaux » les utopies néfastes qui menèrent notre Patrie au bord du tombeau. Le message de Noël ( ! ) apparaît comme une véritable raillerie envers les Chiliens lorsqu'il dit que nombreux sont ceux qui, dans la minorité vaincue, avaient lutté pour « la promotion des pauvres », « la justice pour tous », « le bonheur à la portée de tous ». Et il est inutile de souligner que le texte épiscopal parle de « nombreux », et non de tous. Les affirmations fausses - comme nous l'avons vu - sont beaucoup plus néfastes dans leurs effets de désorientation lorsqu'elles sont énoncées en termes clairs-obscurs que lorsqu'elles se présentent sans ambages. Après tout ce qui s'est passé au Chili, après la position publiquement adoptée et opiniâtrement maintenue envers la gauche catholique, le socialisme spoliateur et l'allendisme, par ces hautes autorités, des expressions simplement ambiguës, prononcées par les Evêques, et susceptibles de révéler quelque appui au marxisme renversé, seraient déjà des circonstances aggravantes de cette conduite antérieure; à plus forte raison, celles que nous venons de considérer, qui contiennent, outre de faux concepts, le sophisme raffiné de provoquer un choc apparent entre l'amour inspiré par Noël, et l'attitude de vigilance et de rejet vis-à-vis du marxisme et de ses agents perfides, qui fait également partie du devoir moral du véritable catholique! 2. Les pasteurs montrent maintenant, en faveur des marxistes, une sensibilité qui leur a manqué lorsqu'il s'agissait de défendre leur troupeau des attaques allendistes.

En mai 1974, le Cardinal en personne estima qu'il · serait bon qu'il célèbre une Messe de Requiem, dans la chapelle de sa résidence, pour l' âme du marxiste-léniniste José Toha, exMinistre de l'Intérieur d' Allende, et comme ce dernier, malheureuse victime d'un suicide.


POUR UNE RECONCILIATION FALLACIEUSE

263

En avril de cette même année, le Comité Permanent de !'Episcopat fit publier un document spécial, à nouveau sur le thème de la « réconciliation » ( « Chili, pays de frères - La réconciliation au Chili », déclaration des Evêques du Chili, avril 1974 ). Le texte fut approuvé par la presque totalité des Evêques, le nombre des très r~es prélats qui n'étaient pas d'accord n'étant pas connu. L'opinion publique put trouver dans ce texte la même déformation de la situation chilienne déjà observée dans le message de Noël cité plus haut. Après quelques éloges, protocolaires et restrictifs, de la Déclaration de Principe du Gouvernement, des allusions d'une hostilité voilée aux autorités gouvernementales apparaissent cette fois dans la déclaration épiscopale, dont pourrait aisément faire usage la campagne internationale sectaire contre le Chili. En effet, la déclaration, signée par Mgr. Silva Henriquez et Mgr. Camus, traitait des « obstacles concrets à la réconciliation entre Chiliens ». Et en faisant preuve, sans l'ombre d'un embarras, d'une incroyable partialité, les ecclésiastiques qui président l' organisme épiscopal ne semblent soucieux que des erreurs, des injustices et des violences qu'ils affirment observer dans le camp non-communiste. Les violations systématiques, générales et très graves du droit naturel que, par principe, Allende avait imposées à tout le peuple chilien, ne poussaient même pas ces pasteurs à la compassion; et bien moins encore à une protestation catégorique et efficace. Au contraire, leur attitude, considérée dans son ensemble, consistait plutôt à susciter dans toute la mesure du possible l'enthousiasme et des appuis en faveur du program; me égalitaire, spoliateur et anti-chrétien d' Allende. Aujourd'hui, alors que le peuple chrétien qu'ils ont aidé à conduire à la catastrophe cherche à se relever d'entre les ruines causées par la révolution socialiste, ces mêmes pasteurs qui avaient alors réduit au silence et abandonné leur troupeau, au point de le voir cruellement dévasté, élèvent la voix pour


264

SUBVERSION CLERICALE

demander une réconciliation avec les auteurs de cette même dévastation et de cette ruine. Et quelle est la raison invoquée pour cette réconciliation avec la minorité fanatique qui, obéissant à d'anciens et inaltérables desseins, avait trahi la destinée du Chili en tant que nation chrétienne? - Simplement la compassion ! Une compassion, comme on le voit, née du fait que cette minorité, tellement aidée par les Pasteurs, avait été vaincue par la juste indignation de la majorité des Chiliens. Demander que le délinquant qui va être jugé le soit selon les lois en vigueur, rien de plus légitime. Que, dans certaines occasions, on invoque la magnanimité pour alléger les souffrances du vaincu, voilà également une attitude noble et élevée. Mais c'est tout autre chose de déformer, en prétextant défendre les droits de la personne humaine, les véritables perspectives de la réalité, en masquant la malignité et le danger du crime, et de demander que se relâche la vigilance sociale à l'égard des auteurs de ce crime, sans qu'aucune raison objective ne le justifie. Surtout, c'est faire le jeu de l'adversaire que d'omettre l'essentiel en cette matière, - en l'occurence l'appui décisif à la répression légitime et obligatoire du marxisme à laquelle s'emploient les nouvelles autorités gouvernementales - pour mettre en évidence l'accidentel, comme les éventuels et condamnables excès que l'action répressive a pu avoir contre les ennemis implacables de l'Eglise et de la Patrie. Le grand président-martyr équatorien, Gabriel Garcia Moreno, l'avait déjà dit : « Pour éviter que le sang ne coule, il faut armer le pouvoir: la compassion envers les criminels est la plus grande cruauté contre les citoyens honorables et pacifiques » ( « Garcia Moreno », Alfonso Junca, Editorial Aldo Manuzio, Guayaquil, 1975 ). Il faut souligner que l' Archevêque-Evêque de Valparaiso, Mgr. Emilio Tagle, fit publier parallèlement une Lettre Pastorale sur le thème de la réconciliation. Nombreux sont ceux qui y virent une rectification indirecte des termes relativistes


POUR UNE RECONCILIA TION FALLACIEUSE

265

qui caractérisaient le document du Comité Permanent. Tel a peut-être été l'objectif de Mgr. Emilio Tagle, qui montrait ainsi, d'une façon discrète, qu'il n'était pas d'accord. En ce qui nous concerne, nous nous bornons à constater le fait. 3. Le mythe iréniste de la « réconciliation »: une sorte d'entêtement dans la politique épiscopale de collaboration avec l'erreur.

En thèse, la cause de la réconciliation de deux camps qui ont âprement lutté peut éveiller de beaux sentiments de générosité et de sympathie; et d'autant plus si elle revêt les apparences de la défense du faible contre le fort. En fait , si l'on considère les choses avec un minimum d'objectivité, dans le cas précis du Chili post-Allendiste, la réalité est bien différente. Il faut donc formuler ici quelques considérations sur le mythe iréniste de la réconciliation du Chili avec la minorité marxiste. Nous le ferons le plus schématiquement possible: a) Voilà plus de quarante ans que les marxistes parlent de réconciliations tout en mentant effrontément, comme !'Histoire le prouve. Staline lui-même, dont la figure semble avoir concentré en elle tous les aspects les plus effrayants de l'implacabilité froide et de la cruauté communiste a parlé de dialogue et de coexistence quand il a jugé que c'était ce qu.'il fallait pour désagréger la résistance religieuse en Russie. Le marxisme-léninisme chilien n'est autre qu'une parcelle du communisme international. Pourquoi les marxistes chiliens seraient-ils aujourd'hui considérés comme sincères sur ce point, après un passé sectaire commun de quarante ans de mensonges? C'est assez dire qu'il n'est pas permis de croire à la sincérité de cette réconciliation. Et les hommes qui ont été consacrés en qualité d'Evêques de la Sainte Eglise Catholique, Apostolique et Romaine ont moins que quiconque le droit d'y croire.


266

SUB VERSION CLERICA LE

b ) D'autre part, les marxistes sont arrivés au Pouvoir au Chili. Pourquoi n'effectuèrent-ils pas cette réconciliation lorsqu'ils étaient à l'apogée de leur pouvoir? Au contraire, ils encouragèrent autant qu'ils le purent la lutte des classes, la haine, la destruction morale, économique et · politique de la majorité anti-communiste chilienne. Ils ne parlèrent de dialogue qu'à une seule occasion, la veille du renversement de leur révolution « pacifique », pour gagner du temps, pendant qu'ils préparaient l'implantation sanglante d'une dictature, ce qui a été publiquement prouvé. Est-ce maintenant qu'ils sont vaincus qu'ils veulent parler de réconciliation? c) Toutefois, il faut rendre justice même aux communistes eux-mêmes. En effet, dans les moments que traverse actuellement le Chili, il faut reconnaître que ce ne sont pas eux qui parlent de réconciliation. Il peut se faire qu'ils le fassent tactiquement à l'avenir; mais en tout cas, il n'en est rien pour l'instant ... Ceux qui ont déployé la bannière de la réconciliation de façon unilatérale et corrosive, ce sont des personnalités comme le Cardinal-Archevêque de Santiago et sa suite, qui avaient déjà tant fait en faveur de l'expérience marxiste chilienne. La « réconciliation » avec les marxistes proposée par les Pasteurs est présentée ainsi bien plus mal qu'elle ne le serait normalement. Car il n'y a pas de preuves que la minorité qui a soutenu Allende demande cette réconciliation qui lui est offerte ; au contraire, cette minorité conspire contre le Chili au-dedans et au-dehors des frontières de la Patrie. Allons-nous entamer, dans ces circonstances, une politique de démobilisation psychologique et de relâchement unilatérale et suicidaire, avec cet adversaire qui depuis quarante ans fait preuve de son manque de sincérité et s'emploie notoirement à l'asservissement de notre Pays par la subversion ? d ) Des prélats comml! Mgr. Silva Henriquez, ou des leaders démocrates-chrétiens comme Eduardo Frei, eurent tout le


POUR UNE RECONCILIATION FALLACIEUSE

267

temps qu'ils voulaient pour effectuer cette réconciliation avant qu'Allende ne prenne le Pouvoir. Le Clergé progressiste et la Démocratie Chrétienne furent en réalité le creuset où se préparait la réconciliation entre chrétiens et marxistes, sans que soit jamais clairement défini jusqu'où le rapprochement des points de vue vers une possible synthèse. Qu'ont-ils obtenu? Rien. Ou plutôt, ils n'ont obtenu que des avantages pour l'adversaire: le marxisme est arrivé au Pouvoir. Le Cardinal-Archevêque de Santiago et les prélats qui le secondent cherchent-ils par hasard à forcer les événements pour que le Clùli revive, dans un temps plus ou moins proche, le même drame affreux dont il vient de sortir? e) Parler de réconciliation dans les termes qu'emploient ces pasteurs signifie donner au marxisme une collaboration précieuse, au moment où il ne parvient pas à se refaire de sa déroute. Collaboration qui, de plus; lui évite l'humiliation et la perte de prestige que lui vaudrait l'initiative de chercher un « pardon » stratégique dans les circonstances actuelles. Ces hommes <l'Eglise prouvent ainsi leur obstination dans leur politique d'encouragement de l'erreur, ce qui fait plus qu'étonner les catholiques de notre patrie, qui ne savent plus quelle attitude prendre devant cette capitulation, contraire aux plus hauts intérêts de l'Eglise et de la Patrie. f) D'autre part, être implacable envers ses adversaires fait partie de la doctrine et des méthodes communistes. Ils ne connaissent aucune fraternité sincère. Leurs desseins de vengeance et d'écrasement des « ennemis du prolétariat » sont un objectif fixe et immuable , dont ils se rapprochent lentement ou rapidement, selon les convenances du mo_m ent, soit par la violence, soit par la destruction « légale » des droits de leurs victimes, et toujours avec toutes les ressources psychoidéologiques de leur propagande.


268

SUBVERSION CLERICALE

Dans t_ous les pays où le régime marxiste a acquis un pouvoir incontrôlable, il n'y a pas de réconciliation possible: Ce sont les sévices, la Lubianka, la Cabana ... ou l'extermination massive, comme au Laos, au Cambodge, au Viet-Nam. Pourquoi donc l'homme qui est toujours en place à l'Archevêché de Santiago, et tous ceux qui sont solidaires de sa conduite, en déformant une réalité qu'ils connaissent bien, présententils au jugement de l'opinion publique chilienne des marxistes « idéalistes » et « romantiques », avec peut-être telle ou telle erreur, qui pourrait être celle de n'importe quel politicien bourgeois, aux ambitions et aux projets plus ou moins courants? En donnant cette impression si optimiste de la psychologie des marxistes chiliens, ces hommes revêtus des insignes épiscopaux abusent de leur position pour appeler - de façon confuse mais efficace - la majorité des catholiques anti-communistes de notre Pays à désarmer psychologiquement leurs esprits face à un ennemi inflexible dans ses desseins, pour les amener à tomber dans un odieux traquenard. Que deviendrait notre Pays si ce traître appel était écouté et p~oduisait tous ses effets? 4. La politique « de réconciliation » conduit certains évêques au comble de ne pas accepter d'actes religieux officiels le jour anniversaire du soulèvement militaire qui délivra le Chili de la guerre civile.

Lorsque revint le premier anniversaire du soulèvement militaire qui avait sauvé le Chili des griffes du marxisme et de la guerre civile sanglante que préparaient les agents de la secte rouge , le gouvernement demanda aux autorités ecclésiastiques de dire une Messe pour célébrer ce jour glorieux de l'Histoirè ~e notre Patrie. Seulement dans quelques diocèses du Pays, les Evêques acceptèrent cette demande et donnèrent des ordres pour les célébrations liturgiques officielles. Naturellement, Mgr. Silva Henriquez et la Hiérarchie ecclésiastique de Santiago marquè-


POUR UNE RECONCILIATION FALLACIEUSE

269

rent leur hostilité en refusant de donner leur caution officielle à cette noble démarche. Le nouveau secrétaire de la CECH, Mgr. Carlos Camus Larenas, évêque de Copiapo, dans une entrevue accordée à l'hebdomadaire italien « Panorama », souligna que les militaires chiliens « n'étaient pas très contents » du refus épiscopal de faire célébrer des messes d'action de grâce pour remercier le Ciel d'avoir sauvé le Chili de la dictature marxiste et d'avoir évité la guerre civile. Tentant d'établir des « dissensions » au sein des Forces Armées, Mgr. Camus, dans des déclarations bien proches de l'intrigue et sans mentionner ses sources d'information laissa entendre que l'attitude du Président, le Général Augusto Pinochet, différait de celle de son gouvernement, avec lequel les relations de la Hiérarchie Ecclésiastique étaient moins bonnes, et « parfois même, franchement mauvaises » ( « El Mercurio », 17-9-74 ). Pour ceux qui ont lu les pages précédentes et surtout la description des relations ecclésiastiques « très bonnes » avec le gouvernement marxiste de !'Unité Populaire, cette attitude épiscopale et les déclarations de Mgr. Camus, une fois de plus, montrent ouvertement où vont invariablement les préférences idéologiques des pasteurs démolisseurs. Dans d'autres diocèses, comme nous l'avons dit, l'attitude de certains évêques a évité cet acte d'hostilité qui donne à entendre aux catholiques que les évêques désapprouvent le soulèvement anti-marxiste. Parmi les évêques qui décidèrent d'accepter la demande gouvernementale, la presse mentionna l' Archevêque-Evêque de Valparaiso, Mgr. Emilio Tag]e Covarrubias.


CHAPITRE IV

EVEQUES ET PRETRES FORMENT L'AVANT-GARDE DE L'OPPOSITION REVOLUTIONNAIRE AU GOUVERNEMENT ANTI-COMMUNISTE

Ainsi que l'avait lucidement prévu dans son remarquable discours du 11 septembre 197 5 le Général Augusto Pinochet, Président de la République, « à l'heure actuelle, la souveraineté d'un Etat ne dépend pas uniquement de son intégrité territoriale. L'organisation politique, économique et sociale doit devenir de nos jours une garantie efficace contre ( ... )la volonté du communisme international - transformé en instrument de l'impérialisme soviétique - de s'emparer des Etats par l'intérieur. Pour ce faire, il compte dans chaque pays sur les succursales que sont les partis communistes, toujours aidés par d'autres groupes sympathisants ou complaisants envers le marxisme, et qui lui aplanissent le terrain ou lui assurent l'impunité. « La conquête territoriale directe est ainsi remplacée par l'infiltration des centres vitaux des pays libres qui lui permettent ingénument d'accéder peu à peu au contrôle syndical, universitaire et, en particulier, à celui des mass media. « Le secteur ecclésiastique lui-même, qui par définition aurait dû être l'une des plus solides digues de protection contre ce raz-de-marée, a subi, dans ses rangs, la pénétration marxiste ».


L'AVANT-GA RDE DE LA REVOLUTION

271

Le Président de la République sait parfaitement que « les communistes n'abandonnent jamais leurs principes, ils ne fon t que modifier leur stratégie pour nous amener, nous, à abandon· ner les nôtres ». Il souligne à juste titre que la lt;tte contre l'impérialisme de la secte rouge ne peut faire de quartier, et qu'elle se situe, fondamentalement, sur le plan de la conquête des esprits: « n s'agit donc d'un combat qui est total et qui ne se cantonne ni dans le domaine de l'économie, ni dans celui de la force pure. fl se situe, et il se gagne, avant tout, sur le terr.ain de l'intelligence et de l'esprit ». Des concepts identiques quant aux aspects psychologiques et idéologiques de cette terrible guerre par laquelle le communisme prétend dominer le monde, ont également été .b rillamment formulés par des représentants qualifiés des Forces Armées de divers pays d'Amérique du Sud, lors de la XI Conférence des Armées américaines, qui s'est tenue récemment à Mo.n tevideo. Les derniers événements de l'Angola, ainsi que nous l'avons déjà mentionné au chapitre I de cette partie, ne font que renforcer l'opinion de ces militaires éminents de notre Continent, et rendre chaque fois moins plausible l'attitude révolutionnaire des évêques et des prêtres, qui font tout pour que le peuple ignore cette lutte essentielle de vie ou de mort pour la Civilisation Chrétienne . • · Or nous avons déjà vu comment, surtout dans les territoires sud-américains, le communisme et ses coalitions de gaÙche « démocratique », ont déjà perdu le pouvoir d'attirer par eux-mêmes - tout en dissimulant leurs sinistres desseins un pourcentage significatif de nos populations. C'est ce que la déroute du marxisme au Chili a superbement prouvé . D'autre part, la violence armée est, à l'heure actuelle, dans notre Patrie et dans les autres pays d'Amérique du Sud, un élément actif, mais secondaire, de la révolution communiste. Elle est sans doute utile, pour cultiver les tensions et la paniqu e, et faciliter l'action beaucoup plus puissante, influente et dangereuse de ceux qui sont seuls capables de faire pencher la balance


272

SUBVERSION CLERICALE

vers la gauche, dans nos pays catholiques : nous voulons parler des éléments de la hiérarchie ecclésiastique et du clergé révolutionnaire de marche lente, qui couvrent d'un voile de chirstianisme les troupes du marxisme vaincu. Ainsi, de leur houlette, les pasteurs conduisent lentement le troupeau qui leur a été confié à tolérer d'abord, et à accepter ensuite , les tendances, les soucis et les mythes de la révolution égalitaire, que les marxistes ne peuvent faire triompher directement . Le communisme n'a de réelles possibilités d'acquérir une réelle influence sur la mentalité des peuples catholiques sudaméricains que si son schéma de subversion violente - et surtout sa stratégie « évolutive » et « démocratique » - sont présentés comme une exigence des temps, née d'une application de l'Evangile. C'est-à-dire si, à la tête de ses revendications subversives, à des degrés différents, se trouvent des hommes revêtus de la dignité et du prestige des ministres catholiques.

*

*

*

Nous allons donc maintenant considérer, compte tenu des antécédents mentionnés , les faits postérieurs au document des Evêques intitulé « Chili, pays de frères - La réconciliation au Chili » ( avril 1974 ). 1.

Arsenal terroriste dans la cave des locaux d'une œuvre de

bienfaisance de l'Archevêché de Santiago . Au numéro 1845 de la rue de La Moneda, dans le centre de Santiago, une œuvre de bienfaisance fonctionn e depuis plusieurs années, sous la direction du Père José Hermogenes de la Cerda Plaza. Cette œuvre est patronnée par !'Archevêché de Santiago. Il semble que ce Père ignorait que, dans les dépendances de la vieille maison , des activités subversives de terroristes du MIR avaient cours.


L'AVANT-GARDE DE LA REVOLUTION

2 73

Le Service Militaire de Renseignements put établir qu'avant le 11 septembre 1973 - entre les mois de juillet et d'août les dirigeants du MIR se réunissaient dans cette maison. Après le 11 septembre, ils cachèrent dans la cave cent à cent vingt bombes fragmentaires anti-personnels, qui peuvent exploser avec de la dynamite, du nitrate d'ammonium, du TNT ou autres. Au moment où ils éclatent, les éclats sont projetés dans toutes les directions, et sont mortels à vingt mètres; la portée des bombes est de cinquante mètres. On trouva également près de soixante grandes grenades, avec un type de charge capable de détruire des ponts, des pylônes de haute tension et d'autres objectifs du même genre. Il y avait également des dame-jeannes et des sacs de phosphore blanc, substance incendiaire qui provoque des brûlures extrêmement douloureuses et d'un effet effrayant ( « Qué Pasa », 30-8-74 ). Cependant, la « réconciliation » continuait à être prêchée dans différents organes de presse ecclésiastiques. 2. Le Message de Noël du Comité Permanent de !'Episcopat porte le mécontentement au paroxysme.

En décembre 1974 , les Evêques du Chili publièrent un message de Noël. Le langage de ce texte, apparemment neutre, est une fois de plus sybillin. · Le message commence sur un ton détendu, mais on perçoit tout de suite la charge émotionnelle qui s'y cache, et qui déforme la réalité chilienne, éveillant insidieusement des ressentiments envers le régime actuel, ou des sympathies envers la cause de la gauche écrasée : « Dans tout homme palpite un grand désir: l'espoir anxieux d'une bonne nouvelle », dit le document. Il se réfère ensuite à ceux qui sont dans le malheur et attendent de bonnes nouvelles: « le malade, longtemps prostré, attend un mot du médecin lui disant : Tu es guéri .1 » Ce qui semble réellement bien innocent.


274

SUBVERSION CL ERICA LE

Cependant, ce « salut de Noël » se poursuit par des phrases de ce genre: « Le prisonnier attend l'annonce de sa liberté ». « Celui qui ne travaille plus depuis des mois attend ql)e quelq u 'un l'appelle : Viens travailler avec moi ». « Celui qui réclame la justice et n'est pas entendu attend quelqu'un qui lui promette: Je te ferai justice ». · « Celui qui_, esclave de son orgueil, de son argent, ou de son bien-être, se sent un grand vide au cœur, attend quelqu'un qui lui apprenne à aimer ». Et ainsi, entre les phrases ambiguës et insidieuses, le message ajoute que « la Nativité est la bonne nouvelle attendue », mais que « pour beaucoup, la Nativité sera triste cette année: il n'y a pas d'argent. Les salaires sont insuffisants. Il y a du chômage ». « Au cours de l'année scolaire, les enfants ont leur déjeuner assuré à l'école. Maintenant, pendant l'été, la sous-nutrition les menace ». « Souvenons-nous de ceux qui sont en prison, ou qui ont des membres de leur famille en prison, ou loin du pays, ou loin du foyer. Des malades et des vieillards. Des chômeurs et de ceux qui n'ont pas de quoi vivre dignement » ( « Message de Noël », Comité Permanent de !'Episcopat, Editions Mundo, Santiago, 1974. C'est nous qui soulignons le texte ). Lorsque le marxisme dévastait le Chili, et semait la misère morale et économique, les ministres du culte s'étaient prudemment gardés d'employer ce pathétique langage. La situation est maintenant différente : nous vivons sous un regime anti-marxiste qui a hérité la pire catastrophe économique de l'histoire du Chili; produite par le gouvernement d' Allende, et qui supporte les effets de la crise économique internationale. Un gouvernement qui doit faire face aux tentatives subversives des hordes communistes et qui se voit contraint d'arrêter les conspirateurs. Dans le message des évêques, nous ne trouvons pas un seul mot d'encouragement pour ceux qui s'emploient à arracher le Chili à l'abîme où la secte rouge , avec la collaboration assidue de ces mêmes prélats, l'a plongé.


L'AVANT-GARDE DE L A REVOLUTION

215

Que dire d'un message comme celui-là? Au milieu de phrases apparemment bien innocentes, de traits pathétiques et d'omissions scandaleuses, il sème la confusion et attise le mécontentement. Une fois de plus, la date bénie de Noël sera l'occasion d'une agression psychologique des fidèles. 3.

« Orientations Pastorales » pour la réalité actuelle du Chili.

Dans la publication « Eglise de Santiago » du mois de mars 1975 , nous trouvons un « plan et programme d'Action Pastorale - 19 75 ». C'est un document du Cardinal-Archevêque de Santiago, des Evêques auxiliaires de son diocèse - parmi lesquels on compte maintenant Mgr. Jorge Hourton P., qui s'était empressé de reconnaître Allende comme Président virtuel du Chili, avant la ratification du Congrès National en 1970 ( cf. Partie Hème , chapitre III, n. 5 ) - et de tous les Vicaires épiscopaux de Santiago. Sous le titre « Motivation et Orientations de base », les autorités ecclésiastiques de Santiago décrivent comme suit la réalité chilienne: « Notre Eglise veut être une Eglise pleinement insérée dans le monde, parce qu'elle sait que l'histoire des hommes est pour elle le lieu de rencontre et d'engagement d'un dialogue avec son Seigneur. Dans les heures historiques que le Chili traverse actuellement, dans notre commune et croissante aspiration vers une plus grande solidarité, vers l'avènement d'une société plus fraternelle, plus juste et plus égalitaire, nous discernons un appel pressant du Seigneur; en ce moment, notre société est blessée, profondément divisée. « Ce processus doit être considéré à la lumière du processus de sécularisation que traverse l'humanité toute entière. L 'avancement des sciences et de la technique a provoqué, au ni11eau de la planète, un mûrissement accéléré des hommes, qui les conduit à chercher de nouvelles formes de rapports sociaux plus justes.


276

SUBVERSION CLERICALE

« A l'origine de toutes ces aspirations vers une société plus solidaire, et au cœur des tensions et des luttes qu'elles causent, nous pouvons sentir la présence de l'Esprit de Dieu qui veut faire mûrir notre histoire pour qu'elle atteigne son véritable objectif: notre pleine fraternité dans le Christ et notre pleine union, dans son amour, avec le Père. « C'est ce que nous retenons du développement historique vécu au cours de ces derniers temps, qui a permis à chacun de nous de mieux prendre conscience de sa valeur propre, de chercher à se libérer des structures injustes et à trouver une ouverture peut-être vers Dieu, même sans le connaître. « Mais, comme dans tout processus historique, nous pouvons également discerner ici la dynamique de frustration du péché. Nous la sentons dans la résistance de tant d'entre nous lorsqu'il s'agit de s'ouvrir à l'appel de Dieu pour changer ; dans la volonté de défendre égoïstement des structures qui garantissent des positions privilégiées; dans les haines et les violences chaque fois plus répandues; et dans la méconnaissance des droits fondamentaux de l'homme; dans la tendance à diviniser le progrès social et l'ordre; dans le danger qu'il y a à considérer, unilatéralement, comme absolues, les valeurs nouvelles, et à réduire toute libération de l'homme à la libération politique » ( « Eglise de Santiago », mars 1975. C'est nous qui soulignons le texte ). C'est assez dire que les orientations pastorales semblent vouloir porter au paroxysme leur insistance à faire table rase du caractère néfaste du processus de communisation imposé à notre Patrie, et contre lequel, justement, s'était insurgée l'accablante majorité des Chiliens. Il s'agit d'une terminologie vague, injustement généralisante, et qui passe habilement sous silence le problème central du communisme. Les principes de la Morale sociale catholique, clairs et bien définis, se diluent dans des appréciations « pastorales », sous des tensions dialectiques confusément évolutionnistes, qui englobent l'expérience alJendiste . Ainsi, les catholiques chiliens se sentent une fois de plus abandonnées, et davantage encore, énervés par un


\ L'AVANT-GARDE DE LA REVOLUTION

277

langage rempli d'insinuations et, si l'on peut dire, presque initiatique. 4. Un prêtre, vice-président de « Cari tas », demande le libre accès aux mass media. Dans une entrevue pour cette même publication « Eglise de Santiago », le Père Baldo Santi, d'origine italienne et viceprésident de « Caritas Chili », ·a déclaré: « Nous aurons toujours des pauvres, des blessés, des gens qui souffrent. fl est vrai que la souffrance d'hier peut ne pas être la même que celle d'aujourd'hui. Hier, peut-être, le pauvre n'était que celui auquel il manque un peu de pain, un vêtement, ou qui souffrait d'une infirmité. Aujowd'hui, le pauvre est aussi celui qui, par exemple, n'a aucune possibilité d'accéder aux mass media » ( « Eglise de Santiago », mai 1975. C'est nous qui soulignons le texte ). Voici à nouveau des insinuations dont le sens hostile au gouvernement est facile à percevoir: qu'est-ce que cet « hier », sinon la période allendiste toute proche? Le vice-président de cette organisation rattachée à l'Eglise définit de façon incomplète, superficielle et a-doctrinale la tragédie qui a frappé le peuple chilien tout au long de l'expérience marxiste. D'autre part, quels sont ceux qui aujourd'hui n'ont pas accès aux mass media, moyens qui leur permettraient - comme le souhaite le Père Santi - d'exposer leurs idées ? La réponse est claire: tout le monde sait que les autorités actuelles s'em-. ploient à empêcher que les mass media et d'autres centres névralgiques d'influence, soient utilisées pour diffuser les principes anti-chrétiens qui ont lancé le Pays dans le processus du communisme ... De toute part, on commence donc à laisser percer une animosité voilée envers le combat fondamentalement chrétien du gouvernement du Chili contre le marxisme. Si des excès répressifs sont commis, il est certain qu'il faut les censurer. Mais pourquoi souligner ce qui n'est qu'accidente!, et éviter de louer et d'applaudir ce qu'il y a d'essentiel-


278

SUBVERSION CLERICA LE

lement bon dans cette tâche: extirper du Chili le cancer qui le menaçait de mort ? 5. Message du Cardianl aux ouvriers : aucun avertissement sur le communisme, et dramatisation généralisée de la situation.

Le Ier mai 1974, le Cardinal prononça dans la Cathédrale Métropolitaine de Santiago une homélie adressée aux ouvriers. A sa lecture, on dirait que le gouvernement actuel n'existe pas. On a l'impression que le monde ouvrier et paysan se trouve abandonné depuis que les dirigeants des partis marxistes ne sont plus auprès de lui pour attiser la haine et la révolte. Le Cardinal s'adresse aux ouvriers pour exagérer devant eux les injustices sociales, et généralise de telle sorte que tout, au Chili, semble n'être plus qu'oppression et despotisme envers les humbles. Le Primat chilien se demande, par exemple, combien de travailleurs « ont été atteints par l'expulstion de leur terre, privés du droit de travailler pour faire vivre les leurs, dépouillés du fruit de leurs efforts humains et des biens qui leur appartiennent autant qu'aux autres ». Il lance en même temps, dans son homélie adressée aux ouvriers, une apostrophe également générale et sans réserve à ceux qui possèdent des richesses, en citant une phrase proférée par Saint Basile dans des circonstances concrètes bien différentes, contre les accapareurs d'Antioche: « Tu veux remplir ton grenier, mais ton grenier, c'est le ventre des pauvres ». Enfin, le Cardinal exige des chefs d'entreprise « une véritable réforme de l'entreprise »! ( « El Mercurio », 2-5-75 ). Comme d'habitude, dans la langue _de ces pasteurs, cette réforme n'est déterminée avec précision ni sur le plan des normes morales, ni sur celui des normes structurelles, et cependant, elle est présentée comme étant urgente ! Un sermon de cet te nature - qui de toute évidence est une exhortation à l'impatience et au mécontentement - ne s'était pas fait entendre aux tristes heures de la misère allendiste.


L'AVANT-GARDE DE LA REVOLUTION

279

Il n'y a pas, dans l'homélie du Cardinal, un seul mot pour défendre l'ouvrier ou le paysan des embûches du communisme qui tente de se réorganiser pour menacer à nouveau le Chili. 6. Le Vicaire Episcopal de la Zone Rurale-Côtière de !'Archevêché de Santiago, considère comme légitime le processus de Réforme Agraire socialiste et spoliateur.

Dans une lettre envoyée le 15 mai, Mgr. René Vio Valdivieso, Vicaire de la Zone Rurale-Cô_tière de l' Archevêché de Santiago, traite des problèmes que présente la situation agricole dans la zone de son vicariat. Le langage est plus serein que celui du Cardinal-Archevêque de Santiago, dans son discours aux ouvriers le 1er mai. Cependant, plongé dans ce relativisme qui est cause de l'abandon par tant de ministres du culte des principes intangibles de la Morale catholique, Mgr. Vio Valdivieso commence par biaiser en matière de doctrine, se prononçant sur la loi de réforme agraire en vigueur, dans les termes suivants: « Voilà déjà plus de dix ans que nous faisons des tentatives et des essais concrets de réforme agraire. fl n'est ni dans mon caractère, ni de ma compétence de critiquer les procédures qui ont effecti· vement servi à mettre en place le processus de redistribution des terres ». Il est évident que les simples procédures concrètes utilisées pour mettre en place un processus de réforme législative ne relèvent pas, en principe, de la compétence d'un homme <l'Eglise. Mais ce qui relève de sa compétence, c'est l'évaluation des principes doctrinaux qui ont soutenu la loi socialiste et spoliatrice du président Frei, grâce à laquelle Allende allait, par la suite, commencer à collectiviser radicalement nos campagnes. D'autre part, sous la direction de M. Jacques Chonchol, tant sous Je régime de Frei que sous celui d 'Allende, on a eu soin de promouvoir sans cesse l'agitation sociale, la lutte des classes, la persécution de familles entières d'honorables pro-


280

SUBVERSION CLERICALE

priétaires, sans reculer devant des injustices en flagrante violation du septième et du dixième commandement de la Loi de Dieu, qui prescrivent à tout jamais: « Tu ne voleras point », et « Tu ne convoiteras point le bien d'autrui ». Il ne suffit donc pas, comme le fait le Vicaire dans un paragraphe de sa lettre, de dire que la propriété privée a une fonction sociale, ce qui pourrait légitimer le dépouillement spoliateur et les principes étatistes qui l'animent. Travailler de la sorte, c'est omettre la vérité enseignée par la Morale catholique sur ce point. Le Vicaire de la Zone Rurale-Côtière ne fait qu'effleurer de haut la question, et il reste neutre, attitude qui serait évidente s'il ne s'agissait que de qualifier les procédés techniques concrets de n'importe quelle législation. Il est naturel et parfaitement légitime que le Vicaire de la Zone Rurale-Côtière se préoccupe de la situation des paysans et demande pour eux l'aide de l'Etat et des particuliers. Mais ce qui attire également notre attention, c'est la façon dont Mgr. Vio Valdivieso écrit aux propriétaires injustement spoliés par une loi étatiste, loi dont les causes profondes d'expropriation vont beaucoup plus loin que ce que la réalité chilienne pouvait légitimement exiger, et dont l'indemnisation était en fait un vol virtuel. « Je me permets de m'adresser aux anciens propriétaires, et aux actuels exploitants agricoles, qui ont amèrement souffert de l'expropriation de leurs terres et de la tension sociale dans les campagnes ». Mgr. Vio Valdivieso omet de dire que les anciens propriétaires ne souffrirent pas seulement amèrement de voir qu'ils devaient abandonner les champs qu'ils.avaient travaillés pendant des générations, mais surtout d'avoir été si injustement spoliés, et non expropriés. Mgr. Vio Valdivieso continue: « Je vous demande de réfléchir profondément et de reconnaître, s'il y en a eu, les erreurs du passé. Je vous invite à reconnaître la fonction sociale de la propriété et la valeur supérieure de vos collaborateurs dans les tâches agricoles.


L'AVANT-GARDE DE LA REVOLUTION

281

« fl est certain que, dans la plupart des cas, les propriétaires d'exploitations ancestrales, ou plus récentes, les avaient légitimement acquises, soit par héritage, soit par l'achat. Mais nous devons également reconnaître qu'ils n'auraient pu en tirer parti, ni sur le plan économique, ni sur le plan des satisfactions qu'ils en ont tirées, sans l'aide constante et efficace de leurs collaborateurs immédiats, empoyés ou travailleurs ruraux . « Nous devons reconnaître qu'ils ne pouvaient continuer d'être propriétaires indéfiniment dans les conditions que nous avons tous connues, car en toute justice, leurs véritables associés étaient les employés, les fermiers et les métayers qui travaillaient du matin au soir la terre de leurs patrons. Combien de générations d'hommes et de femmes, parfois même d'enfants, ont enrichi la terre étrangère de la sueur de leur front, des années de leur vie, et qui sait, peut être aussi de la pauvreté de leur situa tian » ( « El Mercurio »; 13-6-7 5. C'est nous qui soulignons le texte ). L'affirmation que les propriétaires des terres en étaient les légitimes possesseurs, mais qu'en même temps ils ne pouvaient continuer à en être les propriétaires « dans les conditions que nous avons tous connues », est surprenante. La facilit é avec laquelle de ·simples affirmations générales renversent des principes fondamentaux, sans lesquels la justice se transforme en un mot banal, est véritablement incroyable. C'est avec des gén éralisations de ce genre, et sans données statistiques sérieuses, que l' on a violé des droits bien assurés pour lancer le Pays dans l'injustice et dans l'incertitude, avec pour résultat la situation que le Vicaire de la Zone RuraleCôtière regrette aujourd'hui, tout en l'attribuant à une cause différente. D'autre part, le fait qu'employés et ouvriers agricoles aient travaillé sous la direction des propriétaires terriens n'autorise pas à affirmer, avec la simplicté du Vicaire de la Zone RuraleCôtière, que la possession légitime des terres devient injuste dans les mains de leurs anciens maîtres . D'autant plus, disons-Je au passage, que ces derniers devaient conduire leurs exploita-


282

S UB VERSION CLERICALE

tions dans des conditions parfois bien difficiles. Si difficiles, même, que les paysans qui en sont aujourd'hui les maîtres, ont bien du mal à le faire - ce que Mgr. Vio Valdivieso reconnait lui-même. On comprendrait que le pasteur demande une amélioration des conditions de vie des employés - fermiers ou métayers qui travaillent les terres de certains propriétaires. Il serait parfaitement logique de souhaiter que, dans toute la mesure du possible , ces conditions soient telles qu'elles leur permettent un travail plus efficace, leur donnent le sens de l'épargne , et que , dûment aidés par des organismes d'état ou des coopératives, ils accèdent peu à peu à la condition d'authentiques propriétaires. Soutenir implicitement - comme le fait Mgr. Vio Valdivieso - le principe que la terre est à ceux qui la travaillent manuellement , et que le système du salaire est injuste en soi, c'est s'éloigner des principes de la Morale sociale catholique. Mais il est évident que les Pasteurs, ayant appuyé le processus de réforme agraire socialiste et spoliatrice de Frei, continueraient à considérer comme légitime l'injustice « légalisée » par ce procédé. C'est un tout autre problème que de revenir aux normes de la véritable justice et de l'équité chrétienne, une fois le processus en cours. Il s'agit naturellement d'une question casuistique très complexe, et l' on Gomprend que le Vicaire de la Zone Rurale-Côtière ne l'étudie pas en détail, dans sa lettre. Cependant, faire tout simplement table rase des violations du droit naturel et de la loi divine commises au nom de ce principe, en raison de l'existence d'injustices sociales antérieures - affirmation très vague -, n'est pas conforme à la doctrine sociale de l'Eglise sur ces points. Il existe des normes précises de Morale pour établir, ou non, les cas légitimes d'expropriation spécifique, les cas légitimes ou non - d'expropriations massives, et les chemins à sùivre en vue d'une authentique réform e agraire chrétienne. Celle-ci doit respecter les droits acquis, se conformer aux besoins


L'AVANT-GARDE DE LA REVOLUTION

283

dûment prouvés, et épuiser les recours légaux, pour que les propriétaires cultivent effectivement leurs terres, pour que les conditions de vie soient dignes, et suffisantes pour améliorer la situation des paysans et pour qu'un grand nombre d'entre eux ait la possibilité d'accéder peu à peu à la condition de propriétaires agricoles. En outre, si l'expropriation de biens particuliers s'avère nécessaire, il existe des normes concernant les conditions de paiement de ces biens, etc. Toutes ces règles morales semblent avoir été reléguées dans l'oubli relativiste. Il suffit ainsi d'affirmations générales au parfum démagogique, pour que les pasteurs démolisseurs se sentent autorisés à abandonner, sans l'ombre d'un souci, des principes immuables définis par la sagesse séculaire de notre Sainte Mère l'Eglise. Si les données et les éléments concrets manquent au Vicaire de la Zone Rurale-Côtière pour opiner en la matière, après tant et tant de folies commises au cours des dernières années au Chili, il fallait au moins, en quelques paroles catégoriques, sauvegarder les principes essentiels qu'un pasteur n'a pas le droit d'ignorer. 7. Les Evê_q ues de Los Angeles, Talca et Chillan réaffirment aussi leur adhésion à la Réforme Agraire socialiste et confiscatoire.

Dans une Lettre adressée « spécialement aux secteurs paysans qui souffrent le plus en ce moment », les évêques ·et les prêtres de Los Angeles, Talca et Chillan réaffirment leur adhésion au processus de réforme agraire étatiste et spoliateur qui a détruit l'agriculture chilienne. Le langage est moins virulent - ici aussi - que celui de l'homélie du Cardinal-Archevêque de Santiago aux travailleurs, le 1er mai. Les évêques affirment que « L 'Eglise Catholique a appuyé cette réforme et a contribué par de nombreux apports à sa réalisation. Rappelons en particulier Don Manuel Larrain,


284

SUBVERSION CLERICA LE

eveque de Talca, le Cardinal Don Raul Silva Henriquez, et d'autres pasteurs de l'Eglise ». Les évêques ne craignent pas d'affirmer que la législation de réforme agraire imposée par Frei au Chili avait eu l'appui de l'Eglise, bien que cette réforme, comme nous venons de le voir, ait été contraire à un grand nombre de principes fondamentaux de la Morale catholique . Les prélats ajoutent ensuite que « de grands espoirs sont nés », et comptent parmi eux le principe aui était devenu l'un des slogans de l'utopie socialiste-marxiste: « La propriété de la terre à celui qui la travaille ». Ce principe, affirmé unilatéralement et qui, dans le contexte de la législation de réforme agraire que nous avons commentée, a pris un sens clairement opposé aux enseignements du Magistère de l'Eglise, est posé comme si tous les titres légitimes qui permettent l'accès à une propriété agricole avaient été abolis. Après la catastrophe morale, politique et socio-économique que le Chili a traversée, on n'a pas le droit de semer à nouveau la confusion doctrinaire qui nous a conduits à l'abîme, comme s'il s'agissait, en outre, d'une exigence de la vraie Morale ! Mais les prélats vont jusqu'à affirmer, après avoir énuméré les divers espoirs qu'à leur avis la réforme avait fait naître: « Une longue nuit semble s'achever ». La réalité historique, dont le souvenir est encore d'une actualité brûlante pour tous les Chiliens, a montré que c'est précisément pour mener à bien cette réforme, contre les principes de la loi naturelle et divine, que les ténèbres de l'injustice se sont amassées, avec le désordre, et le dirigisme antinaturel et collectiviste, et leurs séquelles de misères, dévastant le monde agricole au préjudice des grands, moyens et -petits propriétaires, et des paysans eux-mêmes qui devaient soi-disant en tirer bénéfice. La nuit n'est pas achevée, la nuit a précisément commencé lorsque les pasteurs ont décidé d'encourager la réforme agraire socialiste et spoliatrice du régime « à la Kerensky » de Frei, conduisant le pays à la mort par les mains marxistes .


L'AVANT-GARDE DE LA REVOLUTION

285

Il est vrai que les signataires de la Lettre reconnaissent « qu'il y a eu des erreurs ». Mais ils voient ces erreurs, comme le Vicaire de la Zone Rurale-Côtière de l' Archevêché de Santiago, comme une question de méthodes, et non comme l'essence même de la législation spoliatrice et égalitaire. En employant un langage équivoque devenu habituel dans presque tous les documents pastoraux de ces derniers temps au Chili, la Lettre des évêques et des prêtres de Los Angeles, Chillan et Talca dit: « L'Eglise a appuyé ces aspirations, parce qu'elle croit en l'égalité fondamentale des hommes devant Dieu », ajoutant plus loin: « Pour Jésus, il y a égalité de droits et de devoirs ». Une telle affirmation est tellement unilatérale qu'elle est inadmissible de la part de pasteurs catholiques, surtout dans les moments que traverse aujourd'hui le Chili. Dans les termes équivoques de sa formulation, on peut comprendre que l'id éal utopique de la société sans classes était une exigence évangélique . Il est terrible de constater le retour de ces germes qui avaient conduit notre Patrie à la catastrophe marxiste , renaissant sous le couvert d'un épiscopat qui parle le langage insidieux des demi-vérités . Jamais le magistère traditionnel et immuable de l' Eglise n'a procédé de la sorte ( cf. note 1, page 243 ). Pourquoi la précision , l'équilibre et la fermeté de la doctrine, plus que jamais nécessaires aujourd'hui, semblent-ils avoir disparu des documents de l'immense majorité des pasteurs chiliens? Pourquoi cette imprécision, cette partialité, cette dilution des principes traditionnels immuables de la Morale catholique en matière sociale, s'exercent-elles toujours au bénéfice de la révolution socialiste ? Combien de fidèles , plongés dans l'activité fébrile du monde contemporain, auront-ils le temps et le niveau d'études suffisants pour s'immuniser contre cette prédication confuse qui fait apparaître les postulats de l'utopie égalitaire comme un authentique fruit du Saint Evangile de Notre-Seigneur JésusChrist ?


286

SUBVERSION CLERICALE

Il n'est plus possible, pour les pasteurs qui agissent ainsi, d'alléguer un faux-pas involontaire. Près de quinze ans de tragédie parlent bien haut, face à ceux qui sèment à nouveau la confusion, qui favorise le communisme vaincu - et qui le favorise de la meilleure façon qui soit, du moins pour la majorité de !'Episcopat: par la formulation ambiguë des principes, qui déforme les mentalités et prépare la voie pour le retour de ceux qui ont voulu asservir le Chili. Les signataires de la lettre aux paysans les exhortent à adopter « une défense patiente de leurs droits », et préviennent qu'il y a beaucoup de chrétiens qui par « ignorance de la doctrine de Jésus-Christ, se laissent entraîner par des idéologies ou des méthodes qui ne sont pas celles que le Christ a enseignées et pratiquées ». C'est peut-être une allusion aux doctrines marxistes, mais c.:ombien vague et diluée dans l'ensemble d'un document qui prolonge la confusion qui a attiré tant de maux sur le Chili! D'autre part, il est nécessaire de souligner que, comme dans d'autres documents pastoraux, les évêques analysent ici la situation économique des paysans de leur région, situation qu'ils jugent « angoissante », mais ils se gardent bien de signaler quelles en sont les principales causes doctrinales, antérieures au régime actuel, qui rendent difficile la récupération économique du Chili. Ajoutons à cela que la sensibilité sociale dont les pasteurs font état aujourd'hui, a dramatiquement tardé à se manifester au temps du marxiste Allende. A leur tour, à l'exception d'une allusion faite au passage au Gouvernement, les pasteurs écrivent aux paysans comme si ces derniers avaient été abandonnées à leur sort , et comme si l'actuel régime militaire ne faisait rien pour eux. Les évêques appellent les paysans à une « intégration active » dans « la vie des Communautés Chrétiennes de Base » ( « Lettre aux paysans chrétiens », Edition Mundo, 31-7-75 ). Si les termes qu'ils emploient sont ambigus, quelle formation donneront-ils aux prQmoteurs de ces « communautés de base » floues et difficilement contrôlables?


L'AVANT-GARDE DE LA REVOLUTION

287

8. Le « Comité pour la Paix » découvre sa vraie fonction: protéger et stimuler les éléments terroristes d'extrême-gauche non résignés.

Comme nous le savons déjà, un organisme « œcumemque » a été fondé après le 11 septembre 1973, sous l'impulsion et la direction, en grande partie, d'éléments du clergé liés au Cardinal. Il s'agit du « Comité pour la Paix au Chili », assez semblable à ce mouvement « inter-confessionnel, ouvert à tous les hommes de bonne volonté », dont l'idée avait été lancée par l' Archevêque gauclùste brésilien Helder Câmara, pour « prêter sa voix à ceux qui ne peuvent parler » ... ( cf. cidessus Partie IV, ch. I, n. 3 ). Monseigneur Aristia, Evêque auxiliaire de Santiago, fut désigné en qualité de co-président du « Comité ». C'est lui qui avait exprimé dans une note publique, en 1968, le malaise de }'Archevêché de Santiago lorsque la TFP chilienne avait dénoncé l'infiltration marxiste dans le clergé et qui, du temps d' Allende , 'était allé à Cuba. De retour dans notre pays, il avait fait des éloges du régime de Fidel Castro. Le •Père jésuite Fernando Salas, également connu pour ses tendances fortement marxistes, fut nommé secrétaire de ce même « Comité ». D'emblée, d'innombrables catholiques clùiiens saisirent la duplicité des tâches, ou plutôt la véritable fonction de l' organisme « œcuménique »: en dernier ressort, les bénéficiaires de cet œcuménisme seraient les « non-chrétiens », parmi lesquels les « athées », catégorie dans laquelle rentrent les communistes ... Il est clair que certains membres d'associations apostoliques qui coopéraient avec le « Comité » aux tâches humanitaires légitimes, avaient pu, par naïveté, ne pas voir ce que cachait cette apparence attrayante. Les faits à venir allaient parler d'une façon indiscutable. Le 16 mai 1974 éclate le premier grand scandale qui touche Je « Comité pour la Paix au Clùli ».


288

SUBVERSION CLERICALE

Le journal gauchlsant mexicain « Excelsior » fait paraître une information confidentielle du « Comité » contenant de graves dénonciations contre le Gouvernement à propos d'éventuels excès qui auraient été commis dans la répression du communisme en violant les droits de l'homme. Dans l'accomplissement de ses fonctions légales, le « Comité » effectuait des enquêtes et avait accès à des informations sur les activités des organismes de sécurité chiliens qui travaillaient assidûment au démantèlement des structures subversives classiques qui restaient encore au Chili. Dès qu'un abus était découvert, le « Comité » s'entendait avec les autorités gouvernementales. Et voilà que le journal « Excelsior » publie un document, dans le but évident d'alimenter la campagne communiste internationale contre le Chlli. Le directeur du journal mexicain, un nommé Scherer, déclare qu'il a rencontré les mandataires du « Comité >> et qu'il a obtenu des informations sensationnelles. Le Général Bonilla, alors Ministre de l'Intérieur, demande des explications aux responsables de l'organisme « œcuménique >> ( « La Segunda >> , 16-5-74; « El Mercurio >> , 18-5-74 ). Les explications étaient confuses. M. Scherer s'était réellement entretenu avec le P. Salas et Monseigneur Aristia. Cependant, dans une déclaration publique dont chaque terme avait été soigneusement pesé, le « Comité pour la Paix au Chlli >> dit que « ses mandataires n 'ont jamais transmis d'informations ni de documents confidentiels à M. Scherer ou à aucun autre journaliste >> ( « El Mercurio », 17-5-74 ). Le secrétaire exécutif de l'organisme, le P. Salas, fut un peu plus confus et encore moins clair dans ses déclarations verbales à la presse au sujet de l'entrevue avec le directeur de « Excelsior >> . Il déclara: « On ne sait pas réellement ce qui a été dit; or, c'est fondamental, si l'on veut pouvoir dire si cela correspondait, ou non, à un quelconque do cument qui existerait dans les archives du Comité, il faut dire qu'en tous cas, il s'agirait d'un document privé et strictement confidentiel >> ...


L'AVANT-GARDE DE LA REVOLUTION

289

Le P. Salas se montre donc prudemment évasif en ce qui concerne le problème, et semble disposé à le trancher d'une manière confuse et sybilline. Pour finir, les faits n'ont pas été entièrement éclaircis en ce qui concerne le processus d'information du journal mexicain . Néanmoins, ils ont conduit au résultat suivant: ce quel' « Excelsior » avait publié était une information confidentielle qui se trouvait dans les archives du « Comité pour la Paix au Chili », et l'on ne sait pas comment celle-ci s'est trouvée entre les mains du directeur du journal gauchiste. Cet incident embrouillé suffirait pour confirmer définitivement les craintes qui, dès le départ, pesaient sur cet organisme équivoque . D'autant plus que le Ier octobre 1973, Mgr. Oviedo Cavada, qui était alors secrétaire général de la Conférence Episcopale chilienne, avait prévenu « qu'il faut avoir bien présent à l'esprit que, dans les circonstances actuelles, il est très possible que certaines personnes veuillent se servir des mouvements apostoliques ou de groupes de l'Eglise comme d'un refuge pour leurs activités politiques. Il faut faire preuve d'un grand discernement pour éviter d'être éventuellement transform és en instruments involontaires » ( « Documents de !'Episcopat », Chili, 1970-1973 , page 176. C'est nous qui soulignons le texte ). Comme ce fut le sort de toutes les prises de position apparemment contraires au marxisme que , de temps à autre, les Pasteurs collaborateurs se voyaient dans l'obligation de prendre publiquement, celle-ci resta également lettre morte ... Par la suite, le jounal du matin « Excelsior » réaffirma dans un éditorial que le document attribué au « Comité pour la Paix au Chili » avait été obtenu par des moyens légitimes. D'après le journal « El Mercurio », lorsque celui-ci tenta d'obtenir une réaction officielle de !'Evêque auxiliaire, Mgr. Aristia, et du secrétaire du « Comité » Fernando Salas, les fonctionnaires du secrétariat de cet organisme rép ondirent : « Nous n 'avons pas pu les trouver. Il semble que Mgr. Aris tia fait une re traite » ( « El Mercurio », 21-5-74 ).


290

SUBVERSION CLERICALE

Quelque temps après ce « cas », le Père jésuite Fernando Salas passa les fonctions qu'il occupait au sein du Secrétariat du « Comité pour la Paix au Chili » au Père Cristian Precht Banados, mais n'en poursuivit pas moins ses activités au sein de cette entité contestée. On allait apprendre plus tard, de façon manifeste, comment le « Comité » servait le marxisme, bien que certains des membres de l'organisation, par naïveté ou peut-être par libéralisme, ne l'aient pas admis clairement. L'un des membres du « Comité », le pasteur luthérien Helmut Frenz, dut être expulsé du pays en raison de ses activités gauchistes. Le pasteur luthérien, qui avait été renié par un grand nombre de ses coreligionnaires, bénéficia de la solidarité de prêtres et de prélats catholiques, qui avaient considéré que la mesure était injuste. Parmi eux se trouvait le nouveau secrétaire du Comité, Cristian Precht Banados. 9.

Le document « Evangile et Paix ».

Le Comité Permanent de !'Episcopat fit paraître le 5 septembre 1975 un nouveau « document de travail », intitulé « Evangile et Paix ». On est bien loin de l'ancienne et lumineuse clarté logique et loyale des grands documents du magistère ecclésiastique ! En effet, le document analyse les thèmes de l'Evangile, de la violence et de la paix. Mais il le fait de façon déconcertante, ambiguë et confuse, citant à l'appui l'Evangile sans explication adéquate ni exégèse, ce qui conduit facilement le lecteur moyen à considére~ que la paix évangélique se trouverait en opposition à un combat décidé , multiforme et légitime des ennemis de la Civilisation Chrétienne dans notre Pays. Pour ne pas alourdir le sujet principal de notre rapport, nous nous en tiendrons ici à quelques aspects essentiels du texte épiscopal. Après l'utilisation tendancieuse de textes évangéliques sur le pardon et la paix, les évêques donnent à entendre qu'il


L'AVANT-GARDE DE LA RE VOL UT/ON

291

existe dans notre Pays un état de violence institutionnelle, essentiellement injuste, contre lequel s'insurge la révolte gauchiste. Tout ceci se fait sans préciser quelles sont, concrètement, les réalités qui justifient une affirmation si grave, qui porte en elle de quoi attiser la méfiance, la suspicion et le mécontentement subversif, au nom de la paix de Notre-Seigneur JésusChrist. Les évêques disent textuellement: « fl y a deux sortes de violence : celle qui attaque et celle qui défend( ... ): la violence du révolutionnaire qui attaque l'ordre établi; la violence du contre-révolutionnaire qui défend l'ordre établi, le « statu quo ». Autrement dit: la violence subversive et la violence établie. Nous rejetons l'une et l'autre ». Les Pasteurs rejettent la violence, mais en des termes tels que cela revient à mettre de l'huile sur le feu . Surtout, ils préparent le terrain pour que de nouveaux « kerenskys » apportent au Chili de vieilles formules de transaction qui, pour éviter le choc final entre les violences, reprendront le réformisme gauchiste et progressif qui constitue, de nos jours, la façon la plus efficace de faire progresser la révolution socialiste. Le document de travail traite, plus loin, des droits de l'homme, en tant que condition de la paix: au sujet de laquelle le ton emphatique des évêques laisse croire qu'elle se trouve bafouée au Chili. A côté d'affirmations vraies et opportunes, telles que la réprobation de l'utilisation de méthodes illicites pour le contrôle des naissances, les évêques traitent d'autres droits dans les termes qui sont devenus habituels pour la diffusion de leur prédication révolutionnaire. En parlant du « droit à la nourriture », les évêques font une référence tendencieuse à la situation économique nationale, en des termes dramatiques: « Nous connaissons la complexité des problèmes économiques. Nous savons les efforts déployés pour aller de l'avant. Mais nous ne pouvons manquer d 'insister sur l'extrême gravité que revêt, à la lumière de l'Evangile, le fait que les licenciements, le chômage, ou le renchérissemen t


292

SUB VERSION CLERICA LE

du coût de la vie, - soit pour des raisons internationales soit pour d'autres -, puissent avoir pour conséquences des foyers où la marmite est vide, des enfants qui mendient, des élèves qui n'étudient pas parce qu'ils ne mangent pas suffisamment pour pouvoir se concentrer ». Les Pasteurs disent qu'ils connaissent la complexité des problèmes économiques. Quels desseins les conduisent donc à cacher, avec une obstination tenace, que l'une des causes principales de la crise économique chilienne a été l'application antinaturelle du réformisme socialiste et spoliateurs, que ces mêmes pasteurs avaient applaudi, et dans l'implantation duquel ils avaient joué un rôle décisif? En se référant au droit à l'intégrité physique et morale, les évêques le font, une fois de plus, en des termes susceptibles de servir d'aliment à la campagne de discrédit international que la gauche dirige contre l'actuel gouvernement chilien. Car iorsqu'ils soulignent leur condamnation des abus, ils n'ont aucune parole d'encouragement envers l'énergique répression anti-marxiste qui se déroule licitement au Chili, et ils n'expliquent pas la Doctrine Catholique sur les limitations légitimes que les droits naturels eux-mêmes peuvent avoir dans des circonstances exceptionnelles, quand il s'agit de la justice et du bien suprême de la Nation. Tout abus est certainement blâmable. Cependant, il est déplorable que les évêques ne se soient pas souvenus des violations manifestes de toutes sortes, et essentiellement injustes, des droits naturels au cours du processus de collectivisation du Pays, y compris lors des campagnes gouvernementales de diffamation et de violence morale contre les opposants anticommunistes, ainsi que les tortures cruellement infligées aux prisonniers politiques sous le régime d' Allende. Les Pasteurs font ensuite allusion à la « liberté créatrice » de l'homme; liberté qu'ils entendent comme étant le « droit à l'étude, à la pensée, à l'expression de la pensée, à la libre recherche de la vérité, et à la communication à d'autres de ce que l'on croit être la vérité ».


L'AVANT-GA RDE DE L A R EVOLUTION

293

Cette formulation, à laquelle manquent les réserves et les précisions nécessaires, est clairement _relativiste et contraire à ce qu'a enseigné le Magistère de l'Eglise au cours des siècles. Si l'homme a le droit d'étudier, de penser, de rechercher librement la vérité, il n'a pas le droit de répandre l'erreur contraire à la loi naturelle, qui corrompt la société et les consciences. Cette liberté que les pasteurs prônent à la seule condition que l'agent de l'erreur croie effectivement en sa propre erreur comme étant la vérité, est une liberté que Pie IX a qualifiée, dans une Encyclique célèbre, de « liberté de la perte ». Le Pontife affirmait dans ce document, en citant les paroles de son prédécesseur Grégoire XVI : « Si l'on permet toujours la libre manifestation de n'importe quelle opinion humaine, il ne man· quera jamais d'hommes qui s'enhardiront à combattre la vérité, et à mettre leur confiance dans le bavardage sournois de la sagesse humaine; mirage dangereux sous tous ses aspects, que la foi et la sagesse chrétienne doivent éviter avec soin, conformé· ment aux enseignements de Notre-Seigneur Jésus-Christ » ( Encyclique « Quanta Cura », B.A.C., Doctrina Pontificia, vol. Il, Documents Politiques, pages 8 et 9 ) ( l ). ( 1) Le Pape Léon XIII, dans sa fameuse Encyclique « Libertas Praestnntisslmum », définit également en détail la position catholique en matière de liberté : « L e droit de propager dans la société, avec liberté e t pnidence, tout ce qui est vrai et tout ce qui est vertueux, existe, afin que le plus grand nombre possible de citoyens puissent tirer parti des avantages de la vérité et du bien. Mais les opinions fausses, la plus grande maladie mortelle de l'entendement humain, et les vices com,pteurs de l'esprit et de la morale publique, doivent être réprimés par les pouvoirs publics afin d'empêch er leur lente propagation, extrêmement préjudiciables à cette même société. Les e"eurs des intellectuels dépravés exercent sur les masses une véritable tyrannie, et doivent être réprim ées par la loi avec la m ême énergie que n 'importe quel autre délit infligé par la violence aux faibles. Cette répression est d'autant plus nécessaire que l'imm ense majorité des citoyens ne peut en aucune façon, ou du moins sans de grandes difficultés, se prévenir contre les artifices du style et les subtilités de la dialectiqu e, surtout lorsque les uns et les autres sont utilisés pour flatter les passions ». « En ce qui concerne ce qu'on appelle la liberté de l'en seign ement, le jugement qu 'il faut en faire est en tous points semblable. S eule la


294

SUBVERSION CLERICALE

Cependant, dans le « document de travail » « Evangile et Paix », les évêques reprennent à leur compte la thèse permissive et libérale, sous l'allégation fallacieuse que « nous ne pouvons juger de la bonne ou de la mauvaise foi des autres ». Comme s'il n'y avait pas une hiérarchie de valeurs objectives capables de permettre à la société de reconnaître, d'interdire et de punir ceux qui propagent par principe la destruction de la Civilisation Chrétienne. Une toute outre question est celle de la partie la plus intime des consciences qui doit rester inviolée. Un évêque catholique connait ces distinctions, et il n'a pas le droit de s'exprimer comme si elles n'existaient pas. Et encore moins après la catastrophe allendiste. Il est exact que, plus loin, les pasteurs reconnaissent sans ambages que l'intervention des Forces Armées et des Carabiniers du Chili ont libéré notre Patrie, le 11 septembre, d'une dictature marxiste en puissance, ce qu'ils semblaient ignorer auparavant. Mais cette reconnaissance se borne au fait historique, comme si deux ans après la chute d'Allende, le péril communiste était un fantôme inutilement combattu par des secteurs « nationalistes » exaltés.

* * * Le document des évêques analyse alors « trois courants de pensée et d'action » qui leur paraissent particulièrement vérité doit pénétrer l'entendement, parce que c'est dans la vérité que les natures rationnelles trouvent leur bien, leur fin et leur perfection ; c'est pourquoi la doctrine enseignée tant aux ignorants qu'aux savants doit avoir pour unique et exclusif objet la vérité, afin que les premiers puissent se diriger vers la connaissance de la vérité et que les seconds restent en possession de la vérité. Voilà le fondement de la principale obligation de ceux qui enseignent: extirper l'erreur des esprits, et bloquer efficacement le chemin aux fausses théories. Il est donc évident que la liberté dont nous parlons, lorsqu'elle prétend s'a"oger le droit de tout enseigner à sa fantaisie, est en contradiction flagrante avec la raison, et tend, de par sa propre nature, à la plus complète perversion des esprits. Les pouvoirs publics ne peuvent octroyer cette liberté d'enseignement à la société sans manquer à leurs propres devoirs >> ( Encyclique « Libertas Praestantissimum » , B.A.C. , Doctrine Pontificia, vol. II, Documents Politiques, pages 246-248 ).


L'AVANT-GARDE DE LA REVOLUTION

29 5

dangereux pour la paix : « Le marxisme athée, le capitalisme individualiste et un nationalisme dénaturé » . La position des pasteurs sur l'avenir qu'ils souhaitent pour le Chili peut cependant se résumer de la façon suivante: a ) Le capitalisme et le libéralisme. - Le Comité Permanent de !'Episcopat - tel que l'ont fait la majorité des évêques chiliens au cours des quinze dernières années - traite du capitalisme comme s'il était indissociable de ses excès et du libéralisme économique . A ce sujet, il faut souligner clairement que le capitalisme en soi, c'est-à-dire en tant que système fondé sur la propriété privée et sur sa fonction sociale, sur la libre entreprise, sur le principe de la subvention, et qui permet des gains dans la mesure où la Morale les permet, est légitime et ne doit pas être confondu avec les abus qui lui sont, à juste titre, reprochés en bien des lieux. L'Eglise a énergiqu ement combattu ces abus. Mais elle n'a jamais réprouvé le capitalisme en tant que tel ( 2 ). A ce sujet, il est intéressant de citer le témoignage du théoricien communiste français Roger Garaudy, dans son livre « Parole <l'Homme », récemment paru en France. Garaudy s'interroge sur les points communs entre le marxisme et le christianisme. Et il dit les trouver dans l'établissement de l'égalité la plus totale et la plus absolue, qui brise tous ces moules où sont coulés, en les différenciant les uns des autres, les êtres humains. C'est pourquoi il se proclame le partenaire enthousiaste des « communautés de base » au caractère « prophétique », qui prêchent la « désaliénation » de l'Eglise, autrement dit, l'égalitarisme le plus radical et le plus complet. ( 2) Il est évident qu ' un régime capitaliste qui permet la concentration excessive de la propriété entre quelques mains, au détrim ent des classes sociales intermédiaires et plus modestes, sera toujours rejeté par tout bon catholique . Sur cette question, le lecteur trouvera à l'annexe Ill le paragra phe « Principes qui orientent l'action de la TFP » , extrait du manifes te constitutif de cette Société, qui a d 'abord été publié so us le titre « Un e forc e nouvelle e t victorieuse a11 service du Chili contemporain : la Socié té Chilienn e de Défense d e la Tradition, de la Famille et de la Propriété ».


296

SUBVERSION CLERICALE

Ce théoricien communiste transcrit une lettre que lui a adressée Mgr. Helder Câmara, dans laquelle celui-ci lui dit que le prochain pas que les « catholiques » progressistes devront franchir devra être la condamnation du capitalisme comme étant « intrinsèquement pervers », et que le socialisme n'est pas condamnable en tant que tel ( cf. note 2, page 86-88 ). D'autre part, l'un des principaux arguments au nom desquels les évêques s'insurgent contre le capitalisme, est la pauvreté que ce régime apporterait aux classes sociales plus humbles. Cependant, lorsque nous voyons que les évêques taisent totalement la misère qui existe dans les régimes socialistes, une question vient irrésistiblement à l'esprit: « Est-ce réellement pour combattre la pauvreté que les autorités ecclésiastiques luttent contre le capitalisme? - Si c'est pour combattre la pauvreté, pourquoi ces évêques gardent-ils le silence lorsqu'ils analysent le marxisme, puisque, dans les régimes où il est à la base du régime économico-social, il y a non seulement de la pauvreté, mais une misère effective, et beaucoup plus répandue que dans les pays occidentaux ? » Comment ne pas penser que la pauvreté, dans ce cas, n'est qu'un prétexte à défendre un socialisme aussi marxiste que l'opinion publique le permet? b ) Le marxisme et le socialisme. - Les Pasteurs se déclarent opposés au marxisme. Mais il ne s'agit pas d'une rétractation. Leur critique est celle de toujours. C'est-à-dire que le marxisme leur parait mauvais en tant qu'athée et foncièrement anti-religieux. Ils affirment sur-le-champ: « Du marxisme en tant qu'économie, en tant que sociologie, en tant que philosophie de l'histoire, il y a à prendre et à laisser, comme le font journellement des hommes de science qui n'ont rien de marxiste. Mais nous ne pourrons jamais accepter que l'on dise que Dieu n'existe pas » . Voilà la clef du problème. Les pasteurs ne condamnent pas le régime économico-social du marxisme. C'est la raison pour laquelle, avant 1970, ils avaient appuyé l'arrivée de Frei au pouvoir, et la mise en place de sa réforme agraire socialiste et spoliatrice, et qu'ils n'eurent plus de difficulté par la suite -


L'AVANT-GARDE DE LA REVOLUTION

297

dans leur grande majorité - lorsqu'il s'est agi d'appuyer et de soutenir, tant qu'ils le purent, le régime marxiste d'Allende, parce que ce dernier ne persécuta pas directement la Religion au cours de la phase révolutionnaire qu'il avait alors réussi à implanter. Nous nous trouvons devant la cruelle et tragique réalité. Ces pasteurs cherchaient, et continuent à chercher, une impossible convergence entre christianisme et marxisme, en matière de politique économico-sociale. En ce qui concerne le socialisme non athée, les Pasteurs sont beaucoup plus expansifs. Alors que le capitalisme, avec ou sans abus, leur parait néfaste, ils voient tout autrement le socialisme - y compris le marxisme-léninisme . Les Pasteurs affirment : « Personne ne peut davantage nier qu'à l'origine du socialisme - encore que pas nécessairement du socialisme marxiste-léniniste - il y ait une aspiration à la justice, un désir d'améliorer la condition des pauvres, une volonté de contenir le pouvoir de l'argent, et une aspiration à l'égalité, qui comporte toutefois pour certains la privation de tout droit pour l'ennemi, et la création d 'une nouvelle classe privilégiée. Eh bien, ces valeurs, une fois rétablies dans leur pureté originelle, sont des valeurs chrétiennes » ... ( « Evangile et Paix », Document de Travail du Comité Permanent de !'Episcopat, Editions Mundo, Santiago, 5-9-75 . C'est nous qui soulignons le texte) . Le socialisme combat la pauvreté ... Que pouvons-nous dire de cette affirmation qui contrarie la plus tangible et la plus brutale évidence des faits, dans tant de pays qui en ont adopté les postulats égalitaires et collectivistes ? Pour qu'il soit encore plus facile de choisir son chemin et de se déplacer commodément dans l'ambiguïté, les évêques signalent qu'il y a de nombreux types de socialisme. Eh bien, ni au Chili, ni dans aucune autre nation du monde , où des prêtres et des évêques, partisans du socialisme et d'une « purification » du caractère athée et violent du marxisme, ont prêché leurs postulats ambigus et génériques, on n'a trouvé


298

SUBVERSION CLERICALE

une définition de ce que sont les principes de ce socialismemarxiste-chrétien. Dans cette définition imprécise, nous avons le nouveau cheval de batail.le de la révolution marxiste dans notre Patrie . Nous ne voyons pas d'évêques ni de prêtres lever le poing en chantant l'Internationale. Du moins, nous supposons qu'il en est ainsi pour le moment . Mais au nom d'un socialisme caméléon, qui admire les aspects économico-sociaux d'un marxisme purifié de son athéisme militant , nous pourrions voir renaître au Chili les mêmes pricipes qui ont presque conduit notre Patrie à la mort. Cette fois, nous n'avons pas un Allende, maçon et marxisteléniniste, à la tête d' une « Unité Populaire » vociférante , au sein de laquelle milite un Communiste de pure obédience moscovite . Bien pire que cela! Effroyablement pire que cela ! Nous avons devant nous des pasteurs qui gouvernent presque tous les diocèses chiliens, et une partie importante et décisive du clergé en général, qui dresse ces bannières comme si l'Evangile de Notre-Seigneur Jésus-Christ l'exigeait ! Comme l'avait déjà dit le Pape Pie XII, « il y a un fait qui revient toujours dans l'histoire de l'Eglise: lorsque la foi et la morale chrétienne se heurtent à de forts courants d'erreurs ou d'appétits déréglés, il surgit toujours quelqu'un pour tenter de vaincre les difficultés par quelque compromis commode, ou les écarter, ou simplement fermer les yeux » ( A.A.S ., vol. XXXVI , page 7 6; apud Mgr. Antonio de Castro Mayer, évêque de Campos ( Brésil ), « Lettre Pastorale sur les Problèmes de !'Apostolat Moderne », suivie d'un résumé de « Vérités opportunes qui s'opposent aux erreurs contemporaines » - 1953 ). Si les lecteurs se placent dans cette perspective , ils comprendront la tragédie que nous avons vécue ces dernières années, ils comprendront que les pasteurs, tout en rejetant la violence armée qui assassine les corps, se montreront toujours compréhensifs envers les révolutionnaires qui enveniment les âmes. Leur miséricorde, leur sympathie, leur inclination idéologique est fermement déterminée .


L'AVANT-GARDE DE LA REVOLUTION

299

Voilà la réalité que nous ne puvons plus nous cacher. Il faut la regarder en face. Elle est au cœur de la lutte actuelle entre le communisme et l'anti-communisme, surtout si l'on considère cette lutte du point de vue des convictions catholiques ( 3 ). Les événements qui se sont déroulés dans notre Patrie à la fin de 1975 ont montré au Chili et au monde jusqu'à quel point la majorité des autorités ecclésiastiques chiliennes, et le clergé qui les suit, avaient décidé de se transformer en une ( 3) La Foi a des formulations définies, elle a des incidences d'ordre juridique, moral et structurel à différents niveaux de la société humaine. Elle est également à l'origine d'un esprit et d'un sens catholique qui se nourrissent de la tradition de l'Eglise. Si ces incidences, ce sens et cet esprit, sont affectés par une secte matérialiste et anti-chrétienne, sera-t-il licite, pour les catholiques, de se défendre par tous les moyens permis par la loi naturelle et divine contre l'action de ces agents du mal ? Et il ne s'agit pas de dire que la défense ne se justifie que face à un communisme qui persécute l'Eglise de façon sanglante. Parce que si la secte rouge, en dominant une nation, permettait aux prêtres de donner les sacrements, et aux peuples, dans une certaine mesure, de les recevoir, mais imposait en même temps à ces pasteurs le silence sur la famille, sur la propriété privée et son importante fonction sociale, sur le principe de la subvention, sur le rôle fondamental que l'Eglise assigne à l'initiative privée dans une société bien ordonnée, etc, alors, ce serait pour les catholiques trahir leur condition que d'accepter un pacte immoral de cette nature. Cette thèse est amplement développée dans le « best-seller » du Prof. Plinio Corrêa de Oliveira, intitulé « La liberté de l'Eglise dans l'Etat communiste », qui a mérité une lettre d'éloge et d'approbation de la Sacrée Congrégation des Séminaires et des Universités du Saint-Siège, qui l'a considéré comme « un très fidèle écho des documents du magistère suprême de l'Eglise, y compris des lumineuses encycliques « Mater et Magistra » de Jean XXIII, et « Ecclesiam Suam » de Paul VI que Dieu ait en Sa Sainte Garde ». D'autre part, plus de deux cents Pères Conciliaires, prévoyant peutêtre l'apparition de cette troisième position inacceptable entre le marxisme et le christianisme en matière politico-économico-sociale, ont présenté au Concile Vatican Il un mémorable document demandant à l'Assemblée de renouveler la condamnation de toutes les erreurs socialistes et communistes, en mettant fin à l'équivoque insidieuse qui naissait dans les milieux catholiques. Le lecteur pourra trouver à l'annexe VI le texte intégral de ce document historique qui a provoqué, et provoque encore, une violente réaction de la part d'idéologues communistes, qui voient ainsi démasquée leur stratégie déformante.


300

SUB VERSION CLERICALE

force révolutionnaire socialiste qui ouvre le chemin à la renaissance de la gauche dans notre Pays. 10. A nouveau la dénonciation ecclésiastique de la « misère » et de la« violence institutionnelle».

L'organe de presse jésuite « Mensaje » et d'autres publications ecclésiastiques - telles que la revue « Eglise de Santiago » - se sont attachés à décrire en termes irritants les difficultés économiques que Je Chili traverse, accusant toujours « l'ordre établi » et ne reconnaissant pas comme il se doit que le socialisme égalitaire - dont l'expression la plus radicale jusqu'à présent au Chili a été vécue sous l'allendisme - est la cause principale des privations actuelles. Ils accusent Je capitalisme, comme si ses principes n'avaient pas été psychologiquement et structurellement sapés au cours des années funestes du processus révolutionnaire collectiviste, imposé grâce à la collaboration d'évêques et de prêtres.

* * * Cette atmosphère d'exaltation émotionnelle du clergé devant les difficultés économiques, qui stimule le mécontentement envers le gouvernement anti-marxiste, se produit alors que celui-ci tente de reconstruire - œuvre de titan ! - les structures juridiques et le système de production détruit par Je socialisme et par une inflation qui aurait dépassé 500% à la fin de 1973 si Allende était resté au pouvoir ; un gouvernement non socialiste qui affronte aussi les effets de la crise économique internationale, la fabuleuse dette extérieure laissée par Je régime renversé, et la pression économique de nations occidentales intensément influencées par Je clergé progressiste et Je libéralisme permissif de certains secteurs démocrateschrétiens et « centristes », toujours prêts à sympathiser avec les intérêts de la gauche mondiale ; un gouvernement, enfin, qui a eu la loyauté de rechercher de façon systématique les secteurs


L'AVANT-GARDE DE LA REVOLUTION

301

effectivement affectés par des situations d'extrême pauvreté au Chili pour leur venir en aide, qui a pris des mesures d'urgence extrêmement coûteuses pour combattre le chômage et qui cherche à stimuler l'initiative privée, tout ceci afin d'utiliser les investissements de l'état plus justement que par le passé. S'il y a eu des failles dans la programmation de cette politique de redressement, on ne peut nier la réalité concrète du gigantesque échec socialiste antérieur et, en principe, le bon sens et le courage démontrés, jusqu'à présent, par le gouvernement anti-marxiste, qui a manifesté sa décision d'abandonner les « dogmes » socialistes. La préoccupation légitime concernant les souffrances des classes les plus modestes doit être exposée avec détermination et franchise, mais le faire avec démagogie, de nos jours, au Chili, est inqualifiable.

*

*

*

Les critiques dramatiques contre « la violence institutionnelle de l'ordre établi » et la sombre généralisation des problèmes sociaux se font - de même que les accusations contre les excès réels ou supposés de la répression anti-communiste en des termes qui tendent à détruire le prestige et la résistance psychologico-morale du nouveau régime pour l'obliger à ralentir son combat contre le marxisme dans la vie institutionnelle du Chili. Nous nous trouvons face à une opposition qui se sert de demi-erreurs parfois mêlées à des demi-vérités, pour conduire les catholiques fidèles - confondus et réduits au silence par les pasteurs et les prêtres révolutionnaires - à retirer leur appui au gouvernement actuel.

* *

*

En juillet 197 5, le Cardinal, les évêques auxiliaires, les vicaires épiscopaux et le secrétaire général de l' Archevêché de Santiago, ont publié une « Pastorale de la Solidarité ». Ce


302

SUBVERSION CLERICALE

document est présenté sur un feuillet où l'on voit une fillette pauvre recevant de la nourriture. En superposition, les paroles de l' Evangile: « J'ai eu faim et vous m'avez do'!né à manger ». Après avoir cité la « grande crise économique » qui s'est produite dans l'Empire Romain en l'an 48, le document transcrit les paroles de Saint Paul sur l'amour fraternel et souligne en majuscules que !'Apôtre avait recommandé que l'on fasse « en sorte qu'il y ait égalité » ( cf. II Cor. VIII, 1 à 15 ). C'est le mécanisme habituel. Des phrases sans exégèse, qui semblent contredire de façon absurde l'immuable doctrine de l'Eglise sur le complément harmonique entre l'égalité et l'inégalité de la nature humaine telle que Dieu l'a créée: égalité de droits et de devoirs essentiels à l'être humain en tant que tel et racheté par Dieu, d'une part, et inégalité sociale nécessaire, juste et bénéfique, d'autre part, qui ne peut être niée sans contredire l'ordre même de la Création. Saint Paul ne s'insurge pas contre les lois infiniment sages du Seigneur son Dieu. Mais pourquoi ne l'explique-t-on pas dans le document? On s'étend ensuite sur la solidarité que l'ambiguïté initiale de l'utilisation de la citation de Saint Paul rend confuse. La solidarité telle qu'elle est prêchée ici est contraire à toute discrimination dont pourraient souffrir les autres, même en raison de « leurs idées, de leurs erreurs ou de leurs péchés ». Cette formulation ambiguë , telle qu'elle apparaît, pourrait être un premier pas, par exemple, vers un traitement identique de la mère de famille digne de respect et de la fille publique, ou vers le retour des sectaires marxistes aux postes-clefs qu'ils avaient si rapidement conquis à l'époque de la solidarité idéologique relativiste du gouvernement démocrate-chrétien au Chili. Enfin, en citant le Synode Romain de 1971 sur la torture des prisonniers politiques, la Pastorale affirme que les signataires - des ecclésiastiques - ont pris conscience du rôle de la solidarité et de sa pratique: « Nous cherchons d'une certaine façon la voie qui permettra de rendre aux pauvres ce que les injustices structurelles et la « violence institutionnalisée » ( Medellin) les ont empêchés d 'obtenir ».


L'AVANT-GARDE DE LA REVOLUTION

303

Naturellement, le document omet de reconnaitre que la voie empruntée par Frei ou Allende pour changer ces structures n'a fait que plonger la majorité des Chlliens dans la misère morale et économique. Il les laisse ensuite entendre, sans apporter aucune preuve ou précision à l'appui, que les pasteurs de Santiago proclament que la « violence institutionnalisée » s'est instaurée au Chlli. Les fidèles, une fois de plus, sont déconcertés et les prêtres révolutionnaires « de marche rapide » tirent leurs conclusions ... Le document signale, en passant, et non sans confusion, que « les problèmes généraux du sous-développement, de l'inflation et du Revenu National existaient bien avant les problèmes plus urgents qui se posent à l'heure actuelle ... », mais il ne parle pas davantage du socialisme collectiviste qui a fait naître injustices, opprobe et misère. Il fait brièvement l'éloge du programme gouvernemental d'indemnités de chômage et d'assistance aux moins favorisés. Il termine en signalant les mesures prises par l'Eglise, parmi lesquelles figurent « le Comité de Coopération pour la Paix au Chlli » ( cf. « Pastoral de la Solidaridad », Ediciones Paulinas, Santiago, 1975 ).

* * * En septembre de cette même année 1975, sous l'égide de la hiérarchie, était organisée la 4ème Semaine Sociale au Chlli. Les participants déclarent, en conclusion: « fl semble évident que la situation des pauvres, dans les circonstances actuelles, est extrêmement grave ». Naturellement, aucune « semaine sociale » sur le thème de la pauvreté n'avait été organisée au Chlli pendant qu' Allende mettait en place son régime socialiste. La déclaration poursuit - et sa formulation est bien celle à laquelle la hiérarchie, le clergé et les laïcs engagés dans ce processus révolutionnaire nous ont habitués - : « Lors de la dernière réunion théologico-pastorale, on en revient à considérer


/ 304

SUBVERSION CLERICALE

le pauvre et la pauvreté à la lumière de l'Evangile, à proposer les changements sociaux nécessaires et urgents que la situation exige, et à faire remarquer la tâche accomplie par l'Eglise envers les pauvres, tâche qu'elle poursuit à l'heure actuelle » ( « lglesia de Santiago », octobre 1975 ). Deux gouvernements de changement social, menant petit à petit à la collectivisation, mûs par les mêmes courants cléricaux qui ont soutenu cette quatrième semaine sociale, sont à l'origine de la pauvreté dont parlent les « semainistes », se gardant bien d'en expliquer les causes. Ils sont là comme si la réalité n'existait pas, insistant sur les changements sociaux « nécessaires et urgents », sans jamais oser les définir concrètement. Quelques semaines plus tard, l'un des évêques signataires et responsables du document « Evangile et Paix » allait une fois de plus surprendre les catholiques de l'Eglise du silence au Chili. 11. Les propos réservés de Mgr. Camus: un signataire de la déclaration« Evangile et Paix», sans masque.

Le secrétaire général de la Conférence Episcopale du Chili, Mgr. Camus, fut invité à déjeuner en compagnie de journalistes étrangers; il semble que, pensant que ses propos ne seraient pas publiés, il usa d'un langage beaucoup plus clair que celui des déclarations officielles de !'Episcopat. Ces déclaration furent connues de tout le Chili, car Alvaro Pineda de Castro, journaliste colombien, les avait transmises peu de temps après aux organes de presse. Cependant, on put constater qu'avant cet épisode - comme allait le dénoncer plus tard Pinedo de Castro lui-même - la conférence de presse de Mgr. Camus avait été diffusée - ô mystère ! - par Radio Moscou 24 heures après sa tenue. On n'a pu, jusqu'à présertt, réussir à déterminer par quelle filière des affirmation si précieuses pour alimenter la campagne de dénigrement déclenchée contre le Chili, avaient pu filtrer en Russie.


Mgr. Camus - Il connaissait l'infiltration marxiste dans le Comité Pro-Paz. Confirmé par les Evêques au Secrétariat Général de la CECH malgré ses prises de position contre les autorités anti-marxistes.


306

SUBVERSION CLERICALE

Nous mettons ici l'accent sur certains paragraphes de cette déclaration. Mgr. Camus reconnait dans son entretien avec les journalistes étrangers que la hiérarchie de l'Eglise, dans sa presque totalité, est opposée au Gouvernement. Mgr. Camus accuse également le gouvernement d'utiliser des méthodes violentes et de vouloir imposer les choses « par la force )) . Il montre de la sorte que la plupart des évêques tenait à éviter de célébrer une Messe à l'occasion du 11 septembre, pour la commémoration de la chute de la dictature marxiste, qu'ils déclaraient cependant inévitable dans le document « Evangile et Paix ll •. . C'est à propos du « Comité pour la Paix au Chili ll que les déclarations de Mgr. Camus sont le plus révélatrices. L' organisme « œcuménique ll ·que l' on doit aux autorités ecclésiastiques soulevait l'inquiétude et la méfiance dans les milieux catholiques, qui taisaient leurs réticences de crainte de passer pour inhumains et d'encourir la réprobation des prélats. Comme nous l'avons vu, leur objectif apparent était d'accorder une protection juridique assez large à des dirigeants du régime marxiste déchu, poursuivis par les tribunaux militaires, etc. Dans ses déclarations officielles, !'Episcopat faisait les louanges de l'action entreprise par ce « Comité pour la Paix au Chili >l , comme étant une des œuvres les plus remarquables entreprises par les autorités ecclésiastiques en faveur des moins favorisés. Apparemment, il ne s'agit que d'un simple geste d'attention humanitaire envers les vaincus, geste que, soit dit en passant, les pasteurs n'avaient pas eu à l'égard des innombrables victimes du régime d' Allende. Cependant, Mgr. Camus laisse entrevoir, dans ses déclarations aux correspondants étrangers, que les choses allaient un peu plus loin, et que dès le début, il y avait eu des infiltrations marxistes au sein du Comité. Mais nous en reparlerons plus tard . Ces propos révélateurs étaient accompagnés d'une déclaration selon laquelle Mgr. Camus indiquait que de nombreux


L'AVANT-GARDE DE LA REVOLUTION

307

communistes avaient exprimé leur reconnaissance à l'Eglise pour la protection qu'elle leur avait accordée ... Enfin, Mgr. Camus critique durement la politique économique du gouvernement, et qualifie de palliatif les mesures prises par les dignes épouses des honorables membres de la Junte Militaire et des autres hauts dignitaires des Forces Armées envers les moins favorisés ( cf. « La Tercera de la Hora », 12-10-7 5 ). Devant l'énorme scandale produit par la publication de l'avis du secrétaire général du Comité Permanent, qui jusque-là n'avait fait que transparaître entre les lignes de nombreux communiqués et dans la stratégie d'action générale élaborée par cet organisme, Mgr. Camus présenta sa démission à l'organisme épiscopal. Néanmoins, le Comité Permanent de !'Episcopat jugea plus opportun de rejeter la démission et de reporter le problème à quelques mois, en affirmant parallèlement, dans une déclaration publique: « Les jugements les plus substantiels portés par lui ont déjà été exprimés dans le document Evangile et Paix ». Le Comité affirme également, en guise de vaine justification, « que les opinions les plus contestables » de Mgr. Camus, « outre le fait qu'elles pouvaient ne pas avoir le sens qu'on leur prêtait, n'avaient voulu mettre en cause ni les personnes, ni les institutions » ( « La Tercera de la Hora », 12-10-75. C'est nous qui soulignons le texte ). Il faut faire remarquer que !'Evêque de Valparaiso, Mgr. Emilio Tagle, ainsi que quelques autres prélats - NN.SS. Manuel Sanchez, Archevêque de Concepcion ; Francisco de Borja Valenzuela, Evêque de San Felipe; Augusto Salinas, Evêque de Linares; Orozimbo Fuenzalida, Evêque de Los Angeles; Eladio Vicuna, Archevêque de Puerto Montt et Tomas Gonzales Morales, Evêque de Magallanes - ont déclaré que les paroles prononcées par Mgr. Camus étaient tout à fait inopportunes et ne traduisaient aucunement leur propre sentiment ( « El Mercurio », 17-10-75 ). Ceci n'empêchera pas, comme nous allons le voir, que les Evêques réunis en Assemblée Plénière, fin 197 5, ne procla-


308

SUBVERSION CLERICALE

ment leur confiance totale en Mgr. Camus, en le confirmant dans ses fonctions de secrétaire général de la Conférence Episcopale du Chili.

/


CHAPITRE

V

ALLIANCE DU CLERGE REVOLUTIONNAIRE DE « MARCHE RAPIDE » AVEC LE TERRORISME, SOUS LES YEUX DE L'EPISCOPAT

1.

Premières complicités de prêtres avec le terrorisme.

Très vite après le démantèlement du communisme marxiste il apparut clairement que les prêtres révolutionnaires de « marche rapide » poursuivaient, comme auparavant, leur œuvre de collaboration avec les extrémistes. Une enquête des services de sécurité, menée en octobre 1973, permit de découvrir des éléments de montage d'un hôpital de campagne clandestin destiné à la résistance terroriste. Les propriétaires n'étaient autres que deux prêtres hollandais, les Pères Gilbert S. de Jones et E. Dielis. Au domicile de ces prêtres, dans le quartier de « Nueva Aurora », on trouva des équipements chirurgicaux, des spécifiques, des sédatifs, une caisse contenant des bandes de pansement, de la gaze, des caisses de pénicilline, des comprimés de vitamine, des tensiomètres, etc .. . Le Commandant du Régiment « Coraceros », le lieutenantcolonel Hernan Podesta, révéla aux journalistes que le matériel saisi correspondait à des unités modernes d'une capacité d'accueil de cent personnes. Il y avait là de quoi pratiquer de sim-


310

SUBVERSION CLERICALE

pies sutures comme des interventions chirurgicales complexes et des transfunsions de sang. Mais ce ne fut pas la seule découverte des autorités militaires. Les prêtres cachaient également chez eux toute une propagande imprimée tant sur le territoire national qu'à l'étranger, sous la rubrique « pastorale » suivante: textes d'enseignement pratique de guérilla: urbaine, une importante collection idéologique gauchlste dans le Clergé et, d'une façon générale, dans les milieux catholiques. Ce n'était pas tout. Au cours de la perquisition, les militaires découvrirent des explosifs destinés à des attentats visant des personnes et dotés d'un système de mise à feu très particulier. Il s'agissait de livres de petit format, à couverture grossièrement cartonnée: au moment où le destinataire ouvre le livre, un dispositif se déclenche aussitôt, provoquant l'explosion d'une bombe capable de tuer celui-ci. Pour bien souligner le caractère d'unité que revêtent les différentes formes d'erreurs et de vices révolutionnaires, nous reproduisons ce que rapporta la presse d'alors: l'un des ces livres-bombes découverts chez les prêtres hollandais était intitulé « Leçons érotiques » ( « La Tercera de la Hora », 15-10-73 ).

* * * Dès les premières semaines qui suivirent la chute du régime d' Allende, d'autres cas révélèrent à quelles extrémités était parvenue la collusion des prêtres révolutionnaires de « marche rapide » avec la Révolution communiste anti-chrétienne. A Quillota, on s'aperçut que le Père Antonio Llido, de nationalité espagnole ( apparemment apostat ) était l'un des responsables du réseau de résistance terroriste chargé d'organiser la guérilla dans les zones rurales de la région ( « El Mercurio », 29-9-73; « La Tercera de la Hora » , 15-10-73 ). Egalement, dans le quartier O'Higgins, de Valparaiso il appaut que le Père Alfredo Hudson collaborait à des réseaux terroristes opérant à l'intérieur de la localité de Casablanca et


COMPLICES DU TERRORISME

311

qu'il était intimement lié à l'organisation extrémiste MIR

( « La Tercera de la Hora », 15-10-73 ).

* *

*

Un autre exemple d'intelligence entre le clergé et le terrorisme communiste fut porté à la connaissance du public le I 3 septembre I 974 . Les Services de renseignement se rendirent à la paroisse de Nuestra Senora de la Victoria , calle Ranquil 4 721, à Santiago, pour y opére r une perquisition . Les voisins avaient signalé que, dans le lieu saint, le curé cachait des armes appartenant aux terroristes du MIR. Un extrémiste arrêté Gabriel E . Campillay, avait lui-aussi confirmé l'ex istence de ces armes . Les enquêteurs découvrirent dans le coffre du trésor paroissial, dont le curé, le Père Renato Giavio , détenait les clefs, des ouvrages et des brochures de propagande marxiste. Pis encore: Dans le tabernacle, destiné à garder le SaintSacrement où Jésus-Christ est réellement présent dans )'Eucharistie, le prêtre sacrilège avait caché des armes destinées aux réseaux de sabotage terroristes . Les autorit és ecclésiastiques, obéissant à leur premier réflexe, prirent aussitôt la défense du prêtre, coupable pourtant d'un triple délit contre Dieu , l'Eglise et la Nation . Sans se donner le temps de la réflexion, !'Abbé Gustavo Ferraris, Vicaire Episcopal de la zone sud de Santiago , rédigea une violente diatribe destinée à ê tre lue dans toutes les paroisses de la zone et dans d'autres zones , le cas échéant. Dans cette déclaration , comme c'est maintenant l'habitude de tant d'ecclésiastiques , le Vicaire manifestait son indignation , nos pas contre le prêtre marxiste , mais contre les habitant s de la paroisse, fr appés de stupeur, qui avaient dénoncé la mauvaise action. Le Vicaire Episcopal laissa entendre que le rapport d'enquête des autorités militaires avait falsifié les faits . L'abbé Ferraris eut l'impudence de déclarer que « la foi e l l'intégri té


312

SUBVERSION CLERICALE

morale » du Père Renato Giavio « lui permettront avec l'aide de Dieu d'offrir ses souffrances présentes et sa privation de liberté comme témoignage de sa vérité intérieure et de son adhésion à l'Eglise )) ... Et, dans cette singulière déclaration, le Vicaire Episcopal ajouta « que ses prières et ses sympathies l'aideront )> - il désignait le prêtre sacrilège et agent du terrorisme marxiste - « à associer sa passion à la Passion du Christ )> ! Et pour comble, il annonça la désignation d'un nouveau curé « pour poursuivre la tâche apostolique du Père Renato, en communion avec /'Evêque)). La déclaration est signée du samedi 14 décembre 1974. Ce document singulier, étant donné la publicité faite au lendemain des actions policières, présentait les autorités gouvernementales comme des persécuteurs injustes de l'Eglise. Le lundi suivant, le Général Sergio Arellano, Chef Militaire de la Place, reçoit dans son bureau Mgr. Sergio Valech Aldunate, Evêque auxiliaire et Vicaire général del' Archevêché de Santiago: celui-ci présenta aussitôt la protestation officielle des autorités ecclésiastiques de la capitale pour l'arrestation du prêtre terroriste. Selon le compte-rendu de presse, le Général Arellano se montra courtois, mais catégorique dans l'approbation de la façon d'agir des autorités militaires, étant donné les preuves irréfutables. Le mardi, !'Evêque auxiliaire se présenta à nouveau dans le bureau du Chef de la Place, mais cette fois accompagné du Vicaire Episcopal, l'abbé Gustavo Ferraris. A cette occasion, on fit comparaître en personne le curé sacrilège, complice du terrorisme, lequel reconnut le bien-fondé des accusations portées par les autorités militaires. Toujours selon les agences de presse, le général Arellano fit savoir aux ecclésiastiques qu'il comptait sur eux pour rectifier - par la même voie utilisée le dimanche précédent, c'est-à-dire une déclaration officielle lue dans toutes les paroisses - la vérité des faits. Effectivement, le Vicaire Episcopal de la zone sud remit une déclaration datée du 17 décembre 1974, dans laquelle il reconnaissait que « la déclaration lue le dimanche précédent


COMPLICES DU TERRORISME

313

dans les communautés chrétiennes de la zone sud » ne correspondait pas à la réalité. Le Vicaire Episcopal ajoute aussi: « Je m'engage à communiquer dimanche prochain tous les détails des faits réels, à nos communautés chrétiennes de la Zone sud si durement affectées par ces évènements déconcertants et douloureux ». Il remercie également les autorités militaires qui lui « ont accordé le temps nécessaire » pour parvenir à des « conclusions personne/les sans s'être avancées el/es-mêmes à opposer le démenti correspondant » ( « El Mercurio », 14-17 et 18-12-74 ; « LaSegunda », 18-12-74 » ). Ainsi, le Vicaire Episcopal reconnaissait publiquement son erreur. S'il est vrai que cette mise au point s'imposait comme un devoir, on peut toutefois apprécier ce que représentait un tel effort de la part du Vicaire. Cependant, ni ces faits ni tant d'autres tout aussi scandaleux et révélateurs de la protection accordée par les prêtres révolutionnaires de « marche rapide » au programme terroriste de subversion marxiste, ne parurent réveiller l'inquiétude et la vigilance des Pasteurs et Prêtres révolutionnaires « de marche lente ». Le processus de destruction, où chaque mouvement a sa vitesse et sa fonction propres au-dessus des tensions superficielles, poursuivit son avance progressive, interrompue de temps à autre par des accidents de parcours, qui sont le fait d'éléments extrémistes. Dans le communiqué du 17 décembre que le Vicaire Episcopal de la zone sud adressa, à propos de l'action coupable de l' Abbé Renato Giavio , nous ne trouvons pas de condamnation catégorique, et encore moins une condamnation, sur le plan doctrinal, de ce prêtre qui avait radicalement épousé l' hérésie marxiste. A partir du moment où Je Vicaire Episcopal dut constater la culpabilité indiscutable du curé en question, il n'aurait pas fallu attendre un jour de plus pour formuler une condamnation publique, même en termes prudents, comme les circonstances l'exigeaient alors.


314

SUBVERSION CLERICALE

2. L'infiltration marxiste dans le « Comité pour la Paix » reconnue par Mgr. Camus. Au cours de l'entretien improvisé avec les journalistes étrangers, déjà mentionné plus haut, les déclarations du Secrétaire Général du Comité Permanent de !'Episcopat relatives au « Comité pour la Paix » réclament une attention spéciale. Mgr. Camus affirma à ce propos ce qui était l'évidence même , mais que !'Episcopat ne semblait pas avoir perçu dans ses éloges officiels à l'égard du « Comité pour la paix au Chili ». En effet, l'Evêque signataire de la déclaration « Evangile et Paix » dit en substance: « Beaucoup de fonctionnaires du Comité Pro Paz ont des idées marxistes ... ce qui est logiqu e ( ... ) Beaucoup eurent au début des idées marxistes ... sans oublier qu'il s'agissait de ceux qui étaient mis à pied ... alors ... se préoccuper de leur donn er du travail était une obligation ... Mais, surtout, il s'agissait de gens qui prenaient plus de risqu es, car il était difficile de savoir à quel point ils risquaient leur vie en se mêlant de choses dont ils ne pouvaient deviner ce qu'en penserait le Gouvernement ». Comme l'un des journalistes présents demandait s'il était vrai que « le marxisme avait pour seul objectif de réveiller les curés », Mgr. Camus répondit: « En partie cela est vrai ». Ensuite, un autre jounaliste présent , faisant allusion à l'office religieux célébré pour la « réconciliation » dans le temple de Maipu , affirma que « des communistes qui de leur vie n 'avaient jamais cru à rien » assistaient à l'office et « chantaient à tue-tête ». Le secrétaire général du Comité Permanent de !'Episcopat ajouta: « Très souvent, ils me l'ont répété, avec une grande sincérité... Ah!... Je le dis honnêtement, car ce sont des personnes que je connais et à qui je suis lié par amitié. Ah !... Ils m 'ont dit: Vois-tu, tu sais parfaitement que je ne suis pas catholique et que je ne crois à rien .. . mais je suis si reconnaissant à l'Eglise · de ce qu'elle a fait ... que j'irai .. . pour témoigner de ma gratitude ... » ( « La Tercera de la Hora », 12-10-75 ).


COMPLICES DU TERRORISME

315

La tactique révolutionnaire communiste avait évolué au Chili, compte-tenu des .circonstances nouvelles. Les stratèges communistes avaient compris que la violence ne pouvait avoir que des effets limités dans un pays ayant rejeté à une grande majorité le masque « pacifique et démocratique » présenté par le marxiste Allende. Cependant, il était difficile de convaincre les forces de choc de la secte rouge au Chili et à l'étranger que l'intérêt n'était pas de s'opposer par la violence au Gouvernement militaire chilien. D'autant plus qu'une résistance par la violence procure des avantages complémentaires. Le Clergé révolutionnaire de « marche rapide » se chargea de découvrir, d'encourager et de protéger « pastoralement » nombre de ces communistes adeptes de la violence , qui eurent leur part de responsabilité dans la stratégie de domination du Chili. 3. Tel un abcès, un scandale impressionnant éclate: L'alliance organisée entre le terrorisme et un secteur important du clergé.

Comme nous l'avons déjà signalé, lorsque les évêques résolurent « post-factum » d'interdire aux catholiques de militer dans l'organisation marxiste « Chrétiens pour le Socialisme », les éléments les plus virulents du Clergé révolutionnaire, qui avaient déjà milité si ouvertement sous le régime d'Allende, commencèrent à opérer, soit de l'étranger, tel le jésuite Gonzalo Arroyo , en se joignant à la campagne de calomnies menée contre le Chili, soit à l'intérieur-même du pays, par l'activité clandestine. Les autres continuèrent à propager de façon plus discrète leur « option individuelle » en faveur du socialisme marxiste, option que les évêques chiliens, à aucun moment, n'avaient récusée nettement. Au cours de la première quinzaine de novembre I 97 5, les services de sécurité de l'Etat rédigèrent un rapport détaillé sur les activités clandestines d'un « Front Patriotique de Libération Nationale » au Chili.


316

SUBVERSION CL ERICALE

Il s'agissait d'une organisation fondée avec un appui du Parti communiste suffisamment important pour entretenir l'agitation subversive du nouveau groupe, mais jusqu'à une certaine mesure seulement et pas plus que les circonstances ne l'admettaient. Des porte-parole de la Direction des Services nationaux de renseignement précisèrent que « le but évident recherché par le FPLN, quant à l'organisation, était d'implanter à l'intérieur du territoire national, divers comités qui grouperaient des membres du Parti socialiste, MAPU, Gauche chrétienne et Démocratie chrétienne de gauche, autour d'une même organisation dirigée par le Parti Communiste ». Des membres de l'organisation subversive clandestine furent appréhendés à Santiago, Talca, Temuco et Valdivia. Selon les documents saisis par les services de sécurité, le FPLN s'était donné pour objectif d'ici la fin de l'année, d'implanter soixante comités à Santiago, dix à Concepcion, dix à Valparaiso, quatre à La Calera, quatre à Ovalle, trois à Temuco, quatre à Valdivia, quatre à Osorno, quatre à Puerto Montt, deux à Ancud et deux à Castro. Les porte-parole de la Direction des services de renseignementsrévélèrent également que les militants du FPLN étaient, pour la plupart, des « étudiants de l'université et des professeurs de l'enseignement primaire et secondaire » ( cf. « Qué Pasa » 6-11-7 5 ) .

• • • C'est à ce moment-là, il convient de le souligner, que le Général d'aviation Gustavo Leigh, Membre de la Junte Militaire, révéla une autre tentative de subversion, qui envisageait pour le 15 novembre l'assassinat du Général Augusto Pinochet, Président de la République, ainsi que des plus hautes autorités du Gouvernement. Et c'est dans ce contex.t e qu'éclata le scandale créé par l'existence de connivences entre membres du clergé et membres du groupe terroriste clandestin MIR.


COMPLICES DU TERRORISME

317

Dans la seconde quinzaine d'octobre, les services de sécurité mirent la inain sur un refuge utilisé par les responsables du MIR: Il s'agissait d'une parcelle de terrain, propriété d'un employé de l'imprimerie de la Congrégation Salésienne, dans la localité de Malloco, à quelques kilomètres de Santiago. Le plus connu de ces responsables de l'organisation terroriste aujourd'hui est Andrès Pascal Allende , neveu de l'ex-président marxiste et ancien élève du Collège St. George. Le refuge du MIR une fois découvert, un affrontement eut lieu entre les forces de l'ordre et les terroristes, affrontement au cours duquel un dirigeant du MIR, Nelson Gutierrez fut blessé, mais réussit à s'enfuir. A cette occasion, les Services de renseignement se trouvèrent face à une étonnante chaîne de complicités. C'est ainsi que Nelson Gutierrez fut conduit au Couvent de Notre-Dame par l'ancien secrétaire exécutif et aujourd'hui collaborateur du « Comité pour la paix au Chili », le père Jésuite Fernando Salas, et par Helen.Nelson, une religieuse de nationalité américaine. Le Père Salas et la religieuse conduisirent le fugitif dans une Volkswagen rouge volée à un particulier qu'ils avaient attaqué sur la route de Santiago à Valparaiso. Dans le couvent se cachaient également la compagne d' Andrès Pascal Allende, Maria Elena Bachman, ainsi que Marie-Anne Beausire. Selon le procès-verbal de police, le Père Salas abandonna Je véhicule volé dans les hauts quartiers de Santiago. Aidé du Père Gerardo Wheelan, ancien recteur du collège St. George et membre de la Congrégation Holy Cross, qui s'était déjà distingué par sa propagande marxiste après le Concile, comme nous l'avons déjà rapporté ( cf. Partie Il, chap. II , n . 7 ) ce même Père Salas emporta du couvent Notre-Dame, à la demande semble-t-il des religieuses, deux fusils AKA, qu'il abandonna également dans un quartier de Santiago. Mais là ne s'arrêtent pas les découvertes des autorités de police: elles apprirent que la décision de transférer au Couvent Notre-Dame le dirigeant du MIR Gutierrez, et sa compagne


318

SUBVERSION CLERICALE

fut prise au cours de réunions tenues au CIDE ( Centre d'investigation et de Développement de l'Education ), organisme également consacré à la « pastorale de solidarité » prêchée par !'Episcopat et dirigé par le jésuite Patricio Cariola - représentant personnel du Cardinal devant le « Comité pour la Paix » - et sous les auspices de !'Evêque auxiliaire de Santiago, Mgr. Alvear. Selon le procès-verbal de l'enquête militaire, Mgr. Alvear était au courant de ces réunions ( « La Segunda », 11-11-75 ). La doctoresse Sheila Cassidy, de nationalité anglaise, fut appelée au Couvent de Notre-Dame pour y soigner le membre du MIR recherché par la police. En recherchant la doctoresse Cassidy, les forces de police découvrirent un autre refuge du MIR: la Maison de Repos des Pères colombiens à Santiago, où la doctoresse s'était réfugiée avec un individu non identifié. Les forces de sécurité y furent accueillis à coups de pistolets et de fusils AKA, et une véritable fusillade s'engagea entre policiers et fugitifs. Pour finir, les forces de l'ordre forcèrent l'entrée de la maison de repos et y trouvèrent la doctoresse cachée dans les toilettes, cependant que son compagnon avait pris la fuite. Ils découvrirent à l'intérieur trois étuis de fusils AKA et trois étuis de pistolets de calibre 7 ,65. Peu après, les journalistes arrivèrent sur les lieux pour recueillir des informations; le Père Jaime, de nationalité colombienne, leur répondit par des gestes obsènes, comme ce fut rapporté à la une de certains journaux. La chasse aux agents subversifs se poursuivait, révélant la complicité du clergé et du terrorisme communiste. Le Père Gerardo Wheelan, ancien recteur du Collège St. George, se cacha dans la maison du -Père John Devlin, de nationalité américaine, également membre de la Congrégation Holy Cross. Le 2 novembre, au domicile du Père Wheelan, un autre membre clandestin du MIR, Martin Humberto Hemandez Vasquez, alias « Jaime » ou « Leonardo », était appréhendé


COMPLICES DU TERRORISME

319

à son tour. Echappant à la police, Hernandez s'enfuit à Malloco, où il parvint à la paroisse de San Gerardo ... Le Père Victor Grislain le conduisit alors à la planque d'un autre prêtre de la zone ouest de !'Episcopat. Il fut ensuite recueilli par l'ancien Vicaire Episcopal de !'Archevêché de Santiago, l'Abbé Rafael Maroto, un prêtre ouvrier dont nous aurons l'occasion de parler plus loin. Celui-ci mena Hernandez à la paroisse Santa Rosa, où l' Abbé Fermin Donoso l'hébergea pour la nuit . Le lendemain, Hernandez fut conduit au domicile du Père Wheelan où, comme nous venons de le voir, les forces de police le découvrirent. On apprit aussi que l'Abbé Maroto avait proposé à Hernandez de le cacher dans l'église de Las Condes ... Des religieuses de la Congrégation catholique Maryknoll, Pabla Armstrong et Peggy Lepsig avaient, pour leur part , contribué à cacher Gutierrez. Du couvent Notre-Dame, le responsable du MIR Nelson Gutierrez fut conduit par le Père Wheelan dans une Peugeot de couleur blanche utilisée habituellement par les religieuses de la Congrégation de Notre-Dame ( « El Sur », 5-11-75 ). Plus tard, comme le rapporta la presse, le Père jésuite Fernando Salas, du « Comité pour la Paix » mena les terroristes du MIR, Nelson Gutierrez et sa compagne, au siège de la nonciature apostolique où ils trouvèrent asile; il les transporta, dissimulés dans le coffre d'une voiture que lui avait cédée Fernando Castillo Velasco, ancien-recteur de l'Université Catholique, élevé à ce rang grâce à l'intervention du Cardinal Archevêque de Santiago. On appréhenda également le Père Patricio Gajardo, membre du « Comité pour la Paix au Chili » et aumônier du Pénitencier des Femmes du Bon Pasteur. Le Père Gajardo fit office de « boîte aux lettres » entre les détenues, enfermées dans le Pénitencier pour activités terroristes. Le Père Gajardo leur transmettait les instructions, directives et ordres du « Comité pour la Paix ». On apprit aussi qu'il était chargé de commander aux femmes du Pénitencier des travaux et ouvrages artisanaux, broderies


320

SUB VERSION CLERICALE

et autres, arborant des phrases franchement hostiles au Gouvernement chilien, et expédiés ensuite à l'étranger en vue de leur vente . D'autre part, le Père Gajardo détenait des listes secrètes de noms et adresses appartenant aux services de sécurité ( « El Cronista », 12-11-75 ). 4. L'ancien Vicaire Episcopal de !'Archevêché de Santiago , l'Abbé Rafael Maroto, exerça une « activité pastorale » auprès des révolutionnaires les plus radicaux.

L' Abbé Maroto figure parmi les membres apréhendés pour leurs activités clandestines subversives: en 1960 , il avait prêté serment contre le communisme aux côtés de centaines d'autres jeunes catholiques, dans la cathédrale de Santiago ... Il avait occupé une charge de Vicaire Episcopal de l'Archevêché et, en 1971, il était responsable à Santiago de la mise en pratique des « orientations pastorales » données par l'Assemblée des Evêques, tenue en 1970 à Concepcion. Par la suite, il fut nommé Vicaire Général par intérim de !'Archidiocèse de Santiago. L'Abbé Maroto avait été nommé également Aumônier de la Maison Présidentielle sous le gouvernement marxiste d'Allende . Si nous nous attardons sur le cas particulier de ce prêtre, parmi les nombreux autres faits honteux relatés ci-dessus, c'est que des documents importants découverts en sa possession aident à mieux comprendre le caractère de la subversion cléricale et communiste au Chili. Selon le rapport de police, lors d_e son arrestation l' Abbé Maroto portait sur lui une médaille avec la légende suivante : « Michel ( il s'agit de l'ancien Chef du MIR, qui trouva la mort au cours d' un affrontement avec les forces de police): la résistance populaire triomphera. Jusqu'à la victoire, toujours! 5 octobre 1975 ». Au revers de la médaille , on peut voir des mains et une mitraillette près d'un trident ( « La Segunda », 5-11-75 ).


Le complot de l'extrême-gauche et d'éléments influents du Clergé éclate au grand jour.

Les deux faces de la médaille que portait sur lui le Prêtre Rafael Marato - ex-Vicaire Général de !'Archevêché de Santiago - au moment de son arrestation par les forces de sécurité.


~22

SUBVERSION CLERICALE

D'après l'un des documents saisis au domicile de l' Abbé Maroto, on peut constater que la politique révolutionnaire de « marche lente » des aut orités ecclésiastiques déconcerte nombre de prêtres et religieuses d'extrême-gauche. Le texte manuscrit indique que, parmi ces activistes d'extrême-gauche qui demeurent encore dans les rangs catholiques, il en est beaucoup qui « son t dém oralisés et recherchent une alternative, assuman t des attitudes proph étiques qui débouchent sur le désespoir, si elles ne son t pas accompagnées d'un travail patient et rigoureux d 'organisa tion, d'information et d 'explication à la fo is sur le f ront chrétien et sur celui des masses ». En réalité, pour ces groupes qui, dans le schéma communiste à facettes multiples, représen tent « l'aile marchante » radicale et violente, il est décevant de constater l'échec de la « voie démocratique » ouverte par Allende et de s' apercevoir que la stratégie révolutionnaire du moment ne compte pas sur eux comme éléments les plus dynamiques. Le document saisi au domicile de l' Abbé Marat o semble envisager cette réalité. En çmtre, on peut lire sur le manuscrit que « une bonn e politique, dans le cas des chrétiens, devra partir d 'un e analy se scientifique, d 'un e définition bien caractérisée de ce secteur social. Elle devra tenir compte des aspira tions, de l'é tat d'âme , de l'idiosy ncrasie et de l'attitude idéologiq ue des différentes ca tégories de ch rétiens, c'est-à-dire une politique qui permette de canaliser ces aspirations et revendications, en faisant en sorte que cèlles-ci convergent avec la résistance » ( « El Cronista », 12-11-7 5. C'est nous qui soulignons le texte ) . Parmi les documents découverts chez !'Abbé Maroto , il y avait aussi une parodie du « Notre Père », dont nous reproduisons ici certains passages: « NOTR E PER E, qui es aux cieux , je veux te parler à l'oreille et te dire ma peine et te con ter l'immense do uleur de mon peuple ( .. . )

J'ai vécu de nom breuses années, croy ant à la décence de nos militaires qui étaien t no tre défense


COMPLICES DU TERRORISME

323

et qui, aujourd'hui, assaillent le peuple et se couvrent de honte. est facile de les reconnaître: ils fouillent, violent, volent, marchent avec des mitraillettes en faisant peur au peuple. Avec des armes et des uniformes payés par le peuple, ils incendient la Moneda, tuent le Président, poursuivent les Ministres et massacrent le peuple.

n

Que recherchent-ils? Que poursuivent-ils? Prostituer la Patrie; la livrer à nouveau Faire de nous des parias, chasser les cubains et la livrer aux yankees. fls veulent nous faire oublier que nous avons fait les premiers pas et ils pensent, les naïfs, qu'avec le fusil, ils y sont parvenus. Comme ils nous connaissent mal! Comme ils nous jugent mal! Ce bain de sang consolide les liens et nous appelle à un avenir plus révolutionnaire encore La CUT est-elle dissoute, Corvalan emprisonné? Nous refusent-ils l'augmentation, nous congédient-ils en masse? Chassent-ils de chez lui le plus grand des poètes? Y a-t-il des familles défaites, des orphelins, des veuves ? Y a-t-il de nombreux compagnons dans les Ambassades? Le Congrès est-il dissous, le journalisme est-il mort? La dignité du Chili n'est-elle plus qu'un souvenir? Le socialisme s'éloigne-t-il, la puissance étrangere ressuscitentellesl QU'IMPORTE! IL EXISTE UN LENDEMAIN, il nous reste des forces et des fils et une phrase très vraie que nous répétons tout doucement aujourd'hui SI LE PEUPLE RESTE UNI: JA MA IS IL NE SERA VAINCU TOT OU TARD, NOUS REUSSIRONS!!! » ( « La Tercera de la Hora », 11-11-75. Les majuscules sont dans le texte original).


324

SUBVERSION CLERICALE

S. Prêtres marxistes arrêtés dans le Nord. Plan d'infiltration subversive à travers la Cordillère des Andes.

Les faits suivants complètent ce tableau d'une organisation subversive violente sous le couvert d'institutions cléricales: deux prêtres italiens furent appréhendés à Copiapo, une ville du nord du Chili, pour leurs activités marxistes. Il s'agit des Pères Giuseppe Murinedu Rossu et Canu Salvatore Angelo. Le premier cachait, au moment de son arrestation, sous le meuble où l'on range les ornements religieux destinés à célébrer la messe, un texte pamphlétaire contre les autorités, prêt à être imprimé. Le Père Murinedu prenait une part active aux travaux du MIR, et il exerçait son prosélytisme marxiste sous le couvert du « Centre des Jeunesses Chrétiennes ». L'autre père italien affichait dans sa chambre deux grands posters de Che Guevara: l'une de ces affiches portait la signature du combattant marxiste et une dédicace à l'indigne représentant de l'Eglise. Le Père Salvatore avoua être le fondateur de communautés chrétiennes de base, au sein desquelles il exerçait une action ouverte de prosélytisme contre le gouvernement du Chili. On trouva chez lui également une abondante littérature marxiste, ainsi qu'une liste de véhicules avec leurs numéros minéralogiques, qu'utilisaient pour leurs déplacements les officiers des Forces Armées de Copiapo, un ouvrage comportant des instructions concernant les opérations d'infiltration de guérillas, ainsi qu'un volume luxueusement relié, à l'intérieur duquel un révolver était caché. Il y avait aussi des cassettes avec l'enregistrement des programmes de Radio Moscou ( « El Mercurio » et « La Tercera de la Hora », 11-11-75 ). Ces jours-là également, la presse dévoila un plan d'infiltration communiste à partir de l'étranger, destiné à alimenter l'agitation subversive. Le plan révélait l'existence de plus de mille deux cents activistes prêts à pénétrer au Chili par la Cordillère des Andes ( « El Mercurio », 11-11-7 5 ).


COMPLICES DU TERRORISME

325

6. L'attitude ambiguë de !'Archevêché de Santiago, vis-à-vis de la subversion communiste déclarée, le compromet gravement. Nous en arrivons au paroxysme de l'engagement avec le communisme de la plupart des prélats chiliens et à leur suite, d'un secteur important du clergé. En effet, cette fois, l'infection qui couvait dans les structures-mêmes de l'Eglise apparut dans toute son horreur. Les paroles ambiguës, les escamotages subtils, les reculades tactiques, n'auraient pu maintenant abuser le fidèle le plus crédule, confronté, ne serait-ce que superficiellement, avec l'incroyable réalité. Congrégations religieuses, maisons paroissiales, organismes créés, encouragés et soutenus par la hiérarchie de l'Eglise étaient de connivence avec la subversion communiste. Les euphémismes platoniques sur les aspects éventuellement positifs que celle-ci pourrait revêtir, dans une perspective encore inconnue, la « méthode marxiste » dépuillée de ses aspects matérialistes et athées ... tout ce voile pour le moins transparent ne peut plus désormais masquer, derrière une ambiguïté bien commode, la compromission de ces prêtres et religieux avec la subversion anti-thrétienne. La confrontation des forces de sécurité avec les terroristes du MIR, dont la filiation marxiste-léniniste et les méthodes de violence sanguinaire ne peuvent être mises en doute sans contredire la vérité des faits, a fait apparaître de façon évidente l'action militante et clandestine d'éléments traîtres du clergé aux côtés de la Révolution collectiviste et anti-chrétienne qui menace, à l'heure actuelle, l'Eglise et les nations encore libres du monde occidental. L'Episcopat du Chili et le clergé révolutionnaire de « marche · lente » se trouvèrent, du fait des circonstances, face à un cruel dilemme : fallait-il ou non prendre position contre le scand!1le religieux sans précédent dans l'histoire du Chili ? Le silence n'était pas une solution, car il serait inévitablement interprété comme une preuve de complicité.


326

SUBVERSION CLERICA LE

D'autre part, si les dignitaires ecclésiastiques et les prêtres qui, à un moment donné, avaient conduit la révolution marxiste au Chili, désavouaient publiquement aujourd'hui tout le mal fait à l'Eglise et à la Patrie, la voie dans laquelle s'était engagé le processus de destruction de la Chrétienté serait fermée à jamais. En revanche, s'ils étalaient au grand jour leur soutien aux institutions ecclésiastiques solidaires des révolutionnaires terroristes, leur rupture avec l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, serait alors consommée brutalement et de façon si notoire que leurs chances de dominer l'opinion publique se trouveraient fortement compromises. Etant donné les circonstances actuelles de la Révolution égalitaire et anti-chrétienne, en particulier en Amérique du Sud, le choix était difficile pour ces Prélats et prêtres disposés à conduire la révolution au Chili. Nous verrons dans les pages suivantes comment ils décidèrent la poursuite de leur œuvre de destruction lente et progressive de l'Eglise et de la Patrie. L'Archevêché de Santiago prit position le 5 novenmbre, par l'entremise de son Département d'Opinion Publique dans une déclaration qui est un prodige d'argumentation dialectique et d'ambiguïté. Mais l'ambiguïté dans le présent cas fut loin d'être payante. L'opinion chilienne e11t connaissance de cette déclaration, dont nous reproduisons ici les principaux passages: « La position de l'Eglise vis-à-vis de la violence et de ceux qui la considèrent comme moyen et finalité d'une stratégie politique est suffisamment connue. Cette position vient d'être réaffirmée dans le document « Evangile et Paix ». Celui qui professe une morale basée sur l'Evangile du Christ ne peut préconiser la haine et la destruction, ni collaborer à leur triomphe, même en invoquant un soi-disant idéal de revendication. En conséquence, l'autorité ecclésiastique de /'Archevêché réprouve, comme contraire à l'esprit du Christ, toute action dûmen t prouvée de prêtres, religieux ou laïcs qui impliquerait leur adhésion et leur coopération directe à ces postulats de violence et de haine ».


COMPLICES DU TERRORISME

327

Ce passage de la déclaration peut paraître, à première vue, une condamnation du marxisme. Et pourtant, une lecture attentive du texte montre que: a) Tout d'abord, l'Archevêché de Santiago omet, avec un calme déconcertant, d'expliquer comment de si nombreuses institutions appartenant à l'Eglise enseignante ont pu s'allier si ouvertement aux groupes terroristes de la révolution communiste. En outre, une réprobation rédigée en termes si subtilement trompeurs et dont la seconde partie reste équivoque, ne suffit pas. Il est impensable que le Cardinal Archevêque de Santiago, ses Evêques auxiliaires et autres dignitaires aient ignoré ce qui, au Chili, était un secret de Polichinelle; d'autant plus que, dans sa déclaration du 1er octobre 1973, le Comité Permanent de !'Episcopat lui-même avait annoncé ce qui inéluctablement devait arriver: les schémas révolutionnaires marxistes se dissimuleraient sous le couvert d'institutions religieuses. Mais il y a un fait encore plus révélateur, si possible. Nos lecteurs se souviennent de la déclaration faite à titre confidentiel par Mgr. Camus, Secrétaire Général du Comité Permanent de l'Episcopat depuis 1974. Dans cette déclaration·, le prélat reconnaissait l'existence d'un nombre impressionnant de marxistes au sein du « Comité pour la Paix au Chili » ( cf. Partie IV, Chapitre IV, n. 11 ). b ) Egalement, selon la déclaration du « Département d'Opinion Publique », la position de l'Eglise vis-à-vis de la violence est suffisamment connue et vient d'être confirmée dans le document « Evangile et Paix ». L'Archevêché de Santiago se réserve le droit d'opérer une distinction selon laquelle certains aspects du marxisme sont condamnables; comme si, dans cette guerre totale menée contre le Chili de Moscou, Pékin et Cuba, l'on pouvait introduire des distinctions subtiles de laboratoire qui ont, pour seul effet, de démoraliser notre Patrie et d'affaiblir sa force de réaction . c ) En même temps, comme dans le document « Evangile et Paix », les Autorités ecclésiastiques englobent dans une même condamnation ce qu'elles baptisent violence révolu-


328

SUBVERSION CLERICALE

tionnaire , celle qui détruit, et la violence contre-révolutionnaire qui défend l'ordre établi, et dénoncent l'existence d'une violence promue au rang d'institution. Ainsi, voilà un autre texte de nature à encourager la révolution marxiste au Clùli, à partir du moment où celle-ci n'utilise pas le crime et la mitraillette comme principaux instruments d'action. d ) Enfin, après ce préambule intolérable, étant donné les faits scandaieux qui se sont produits, l'autorité de Santiago vient à préciser le sens de sa condamnation équivoque en ce qui concerne le nombre impressionnant de prêtres, religieuses et laïcs impliqués dans la subversion armée clandestine. L'Archevêché de Santiago réprouve <( toute action df1ment prouvée de prêtres, religieux ou laïcs, qui impliquerait leur adhésion et leur coopération directe à ces postulats de violence et de hain e ». De la sorte, il laisse planer un doute sur la véracité de la complicité subversive révélée chez les nombreux prêtres appréhendés par les autorités légales de l'Etat. Par ailleurs, ce texte va à l'encontre des enseignements traditionnels de l'Eglise face aux hérétiques. Car, selon cette déclaration, seule est condamnable une action dûment constatée, et non celle d'un catholique - qu'il soit Evêque, prêtre, religieux ou simple laïc - favorisan t ou emb_rassant l'hérésie, si cette complicité n'est que soupçonnée. En outre, la réprobation de l' Archevêché reste limitée à l' « adhésion et coopération directe » à la subversion violente. Ainsi donc, une coopération indirecte n'encourt pas le blâme de l' ArchévêctJ.é ? Mais ce n'est pas tout. Faisan t suite à cette condamnation hésitante qui, étant donné les circonstances, ne fait qu 'accuser la complicité des autorités de l' Archevêché de Santiago avec la révolution marxiste, il y a un paragraphe qui, à lui seul, est un prodige d'ambiguïté et dans lequel les interpréta tions dou teuses se multiplient. En voici le contenu textuellement reproduit : « Tout au 11.: est le cas de ceux qui, s'inspirant des exigences du message évangélique, ont cru en conscience qu'il étail de


COMPLICES DU TERRORISME

329

leur devoir d'offrir à qui le demanderait le soutien élémentaire pour la préservation de la vie, indépendemment de leurs options politiques. fl convient de rappeler que l'originalité de l'amour chrétien réside présisément dans sa miséricorde au-delà de toute discrimination. Ainsi, ceux qui ont agi de la sorte ont le droit d'être écoutés, compris et respectés par une opinion publique marquée, dans sa grande majorité, par l'esprit chrétien. L'Eglise a confiance que les responsables de la sécurité publique sauront l'apprécier dans ce sens » ( « La Segunda », 6-11-75 ). Comme on peut le voir, !'Archevêché formule des demivérités, jette de la poudre aux yeux de l'opinion publique qui déj à manifestait son indignation dans les rues de Santiago , rendant ainsi plus difficile la tâche des autorités militaires chargées de la répression du communisme. Le document signé par les dignitaires de l' Arclùdiocèse le plus peuplé et le plus influent du Chili réaffirme une fois de plus le choix des Prélats de défendre, dans la mesure de leurs possibilités, non seulement la révolution marxiste dans sa phase stratégique actuelle la plus efficace, à savoir la « phase pacifique et évolutive », mais aussi l'appareil de la subversion violente s'implantant derrière les structures ecclésiastiques . La seule attitude d'indulgence que les autorités ecclésiastiques aient prise contre l'un des plus grands scandales de l'Eglise d'aujourd'hui, aura été en faveur de l'ennemi ·communiste . Ce qui choque encore plus dans ce document si bref, mais plein d'équivoques et de doubles-sens, c'est le moment choisi pour le divulguer. L'on comprend alors que la presse non gagnée à la révulution communiste se soit élevée immédiatement contre un tel document. Dans une déclaration publique, le Cercle Portaliano adjure le Cardinal Silva Henriquez de préciser en termes plus catégoriques la pensée de la Hiérarchie de l'Eglise sur les évènements, sign alan t qu'il ne convient pas de se retrancher dans Je mutisme . Il cite, à ce propos, la phrase de Sainte Catherin e de Sienne: « Le monde est pourri par le silence. Criez, criez comme si vous aviez cent mille langues » ( « La Segunda, 6-11-75 ).


330

SUBVERSION CLERICALE

Des manifestations eurent lieu d'abord devant le Palais de la Nonciature où s'étaient réfugiés certains extrénùstes recherchés par la police, et ensuite à l'aéroport de Santiago, d'où partaient des religieuses expulsées par le Gouvernement en raison de leur complicité avec la subversion communiste. L'état d'exaspération qui règne parmi l'immense majorité des fidèles rendus impuissants par la crainte de la hiérarchie ecclésiastique collaborationniste, réclame une s_olution urgente, qui permette à l'Eglise du Silence du Chili de s'exprimer. Il est impératif pour le salut de l'Eglise et de la Patrie que les catholiques authentiques du Chili puissent exprimer librement leur opposition aux Dignitaires de l'Eglise et au Clergé devenus les agents les plus influents et puissants de la révolution marxiste dans le. pays. Il faut retrouver la voie claire dans les limites süres, précises et larges qu'offrent la Doctrine, la tradition, l'esprit et les lois canoniques de Notre Sainte Mère l'Eglise. 7. Le Père José Kuhl, trésorier de la Coopérative du Clergé de Santiago, aurait rompu l'engagement de réserve entre Je Gouvernement et les autorités ecclésiastiques. Comme la presse de Santiago le commenta amplement, le Gouvernement du Chili, afin d'éviter en ce qui le concernait le conflit avec la Hiérarchie ecclésiastique, était parvenu à un accord, aux termes duquel les enquêtes mettant en cause un nombre si considérable d'institutions ecclésiastiques dans l'action subversive communiste ne seraient pas entièrement révélées au plublic. Cet accord était dicté sans doute par le sens politique ou la volonté d'apaisement du gouvernement chilien devant la terrible obligation de poursuivre la subversion communiste revêtue des vêtements sacrés des ministres de Dieu. Cet accord ne fut pas respecté non plus. Une fois de plus apparaît ici la volonté de placer l'Eglise à la tête de la Révolution égalitaire et anti-chrétienne. En effet, la presse de Santiago rapporta que l'Abbé Kuhl, qui cohabite avec Mgr. Camus, Secrétaire général du Comité


COMPLICES DU TERRORISME

331

Permanent de !'Episcopat, livra aux correspondants étrangers des renseignements concernant le conflit qui opposait le Clergé et le Gouvernement chiliens. Plus explicite, le journal « La Segunda , ( 7-11-75) relate que l'Abbé Kuhl, directeur d'une agence d'information catholique, envoya à Washlngton, le mardi matin 4 novembre, en vue de sa diffusion aux Etats-Unis et en Europe, une dépêche que le journal retranscrit. La dépêche de l' Abbé Kuhl altère notoirement les faits, donnant pour le moins l'impression que les organes chargés de la sécurité nationale au Chili prirent, dans ce cas, des mesures arbitraires, brutales et injustes, de persécution contre des Prêtres et des religieux. C'est-à-dire que l' analyse du comportement des ecclésiastiques révolutionnaires, qu'ils soient de « marche rapide » ou de « marche lente », nous amène en face d'un combat que les Pasteurs « modérés » qui conduisirent le mouvement ne veulent probalement pas, pour l'instant, porter à un degré de violence excessive, mais qu'ils n'en sont pas moins déterminés à mener jusqu'à la limite autorisée par les circonstances et par l'opinion publique. Il convient de noter que, comme lors de la révélation aux journalistes étrangers des entretiens « secrets » de Mgr. Camus, c'est aussi un organe de renseignements officiel de la Russie communiste qui le premier propagea les informations ignorées du public. En effet, Radio Moscou fit le récit des faits, à nos yeux scandaleux, de l'alliance de prêtres avec l'appareil terroriste révolutionnaire, en l'accompagnant d'attaques contre le gouvernement clùlien, bien avant que celui-ci ne les diffuse officiellement. Par la suite, Radio « La Havane » joignit docilement sa voix à celle de la radio soviétique.


CHAPITRE VI

COMBAT CONTRE LA SUBVERSION PRESENTE CO1V1ME UNE PERSECUTION CONTRE L'EGLISE

1. Le Cardinal démoralise les catholiques chiliens en condamnant leur indignation devant la connivence scandaleuse du clergé avec les terroristes.

Alors que !'Archevêque de Valparaiso, Mgr. Emilio Tagle Covarrubias et !'Evêque de Linares, Mgr. Augusto Salinas, dans une entrevue accordée à la presse, condamnaient l'attitude des prêtres complices des terroristes du MIR, à Santiago le Cardinal Archevêque suscitait une fois de plus la stupeur douloureuse de ses fidèles. Il ne pouvait, cela va de soi, s'abstenir de critiquer d'une certaine façon les prêtres et religieuses qui avaient aidé les terroristes du MIR à échapper à la police. Mais là encore, selon son habitude, le Cardinal Archevêque émet des réserves de la façon la moins catégorique qui soit. Il déclara: « Nous ne pouvons nous substituer au verdict de la justice. n est possible que certains aient commis des fautes. Dans ce cas, la charité même exige que nous condamnions leur faute. Mais celui qui commet une faute ou un péché gra11e n'est pas pour autant déch u de sa dignité d'homme. Nous sommes douloureusement affectés lors qu'un prêtre ne re m plit pas ses engagements sacrés. Mais notre peine est plus profonde


IDENTIFICATION AVEC LA SUBVERSION

333

encore lorsque celui qui a péché est jugé sans miséricorde, ou que l'on prétend stigmatiser un témoignage de charité évangélique, en l'interprétant comme coopération avec l'erreur et le délit. Et la mesure est comble, quand des fils de l'Eglise sont scandalisés par celle-ci au lieu de la vénérer comme une mère et d'expier, dans leur propre chair, les péchés qui sont commis en son sein » ( « El Mercurio », 9-11-75 ). Comme toujours dans ses déclarations, le Cardinal Archevêque de Santiago saisit l'occasion d'infliger une nouvelle torture morale aux fidèles authentiques de l'Eglise du silence au Chili. Mgr. Camus reconnaissait récemment, au cours de ses entretiens privés avec les correspondants étrangers, l'infiltration de marxistes dans le « Comité pour la Paix au Chili ». L'étroite complicité dans les récents évènements entre prêtres révolutionnaires et terroristes du MIR ne pouvait laisser place au moindre doute. Le « Comité pour la Paix au Chili » avait été compromis lorsque plusieurs de ses membres avaient été pris en flagrant délit. Le premier geste du Cardinal fut de minimiser la gravité des délits. Comme si cela ne suffisait pas, le Primat de l'Eglise du Chili, qui avait laissé le loup pénétrer dans la bergerie, profita de l'occasion pour infliger un terrible affront aux fidèles indignés à juste titre: parce que ceux-ci sont anti-marxistes, parcequ'ils rejettent l'erreur, conséquence de plusieurs années de corruption tolérée - pour ne pas dire favorisée - par la plupart des dignitaires de l'Eglise chilienne, ils sont accusés d'être des fils de l'Eglise scandalisés par celle-ci au lieu de la vénérer en tant que Mère ... Il y a là une telle inversion des valeurs. et des situations un tel mépris pour le trouble que ces erreurs provoquent aujour: d'hui dans les milieux catholiques déroutés, abandonnés livrés à l'acharnement des machines révolutionnaires qui dé: truisent notre patrie, qu'il est vraiment difficile de trouver l'expression juste pour qualifier cette situation aberrante . Le Cardinal ignore-t-il que les vrais catholiques ne rejettent jamais sur la Sainte Eglise, toujours immaculée, les fautes des


'1

334

SUBVERSION CLERICALE

personnalités ecclésiastiques? li est profondément injuste de reprocher aux catholiques anti-communistes du Chili leur manque de vénération à l'égard de l'Eglise, divinement pure, pour la seule raison qu'ils ont protesté avec véhémence contre la subversion de certains prêtres! Des fils fidèles scandalisés par leur Mère. .. Le Cardinal Archevêque de Santiago aurait pu au moins éviter cette douleur à ses fidèles désorientés. Dans certaines circonstances, la seule façon d'exprimer ce que l'on ressent est d'élever le regard vers le Ciel, en priant Jésus-Christ, par l'intercession toute-puissante de Marie, de nous insuffler l'amour le plus ardent, la force combattive la plus efficace pour qu'en ces tristes heures de l'histoire de l'Eglise nous puissions dire de tout notre cœur: Qui peut se comparer à Elle? Notre Eglise Sainte, notre Eglise pure, notre Eglise forte et immortelle brille au milieu de ses souffrances présentes, comme Job au milieu des plus terribles opprobres, « belle comme la lune, radieuse comme le soleil, redoutable comme des troupes déployées » ( Cant. VI, 9 ). Nous avons· confiance, ô Seigneur, avec une certitude inébranlable, que votre miséricorde nous accompagnera jusqu'à la mort, selon votre promesse: « Les portes de l'enfer ne prévaudront point contre Elle » ( Mt . XVI, 18 ). 2. Surprenantes révélations contenues dans un document du MIR sur l'opposition de !'Episcopat au Gouvernement militaire du Chili. Un autre fait, plus surprenant encore, fut dévoilé au plus fort de ces évènements. Dans sa réponse officielle aux accusations lancées aux Nations Unies contre la répression anti-communiste, Je Gouvernement chilien fait état d'un document saisi dans les milieux terroristes du MIR. Ce document prouve que le secrétaire du Cardinal Archevêque de Santiago sollicita une entrevue avec les membres de


IDENTIFICA TION AVEC LA SUBVERSION

335

l'organisation terroriste clandestine, au cours de laquelle il se montra radicalement hostile à la Junte Militaire chilienne, tout en se défendant de représenter la pensée du Cardinal. Le document précise que Mgr. Camus s'était prononcé dans le même sens, faisant ressortir sa qualité de secrétaire de la Conférence Episcopale. Il ajoute que Mgr. Camus s'était montré désireux de connaître les idées et le programme social du MIR. Ce document révèle aussi que des réunions étaient envisagées avec certains dirigeants du Parti Démocrate Chrétien Chilien ( « La Segunda », 6-11-75 ). 3. Les réactions populaires contre la subversion écclésiastique s'amplifient. · Certains chroniqueurs des principaux journaux réclament comme nécessaire l'expulsion du Pays des mauvais prêtres, l'un d'eux s'avançant jusqu' à écrire qu'il fa ut commencer « par le Cardinal lui- même » ( « La Segunda », 8-11-75 ). Dans une lettre adressée à « La Segunda » ( 8-11-7 5 ), le correspondant déclare qu'étant donné que l'on a découvert « l'existence dans l'Eglise d'une branche favorable au MIR , il serait bon à mon avis que les catholiques observent une grève silencieuse, c'est-à-dire, pas de messes, pas de mariages, etc. tant que les autorités ecclésiastiques n'ont pas clarifié leur position. Je ne pense pas qu'un chrétien qui se respecte accepte de recevoir une bénédiction ou une hostie, de la main d'un curé comme celui qui apparaît sur la photo du journal du 6 » faisant un geste obscène avec « la main droite ( celle qui bénit) et une expression de haine sur le visage qui n'a rien à voir avec l'amour chrétien » («La Segunda », 8-11 -75 ). La Fédération des Etudiants de l'Université Catholique de Valparaiso adressa au Cardinal une lettre à propos de la déclaration formulée par le Département d'Opinion Publique de !'Archevêché concernant ces pénibles incidents. Selon les jeunes étudiants, les déclarations de l' Archevêché de Santiago sont totalement insuffisantes, car le doute subsiste


336

SUBVERSION CLERICALE

et, pis encore, augmente. Ils affirment, ces jeunes, qu'ils ont cherché la lumière dans ces paroles et ne l'ont pas trouvée, ajoutant que dorénavant les extrémistes n'hésiteront pas à commettre des crimes sachant qu'aussitôt ces crimes perpétrés, ils peuvent chercher asile et protection auprès des « ecclésiastiques qui se sont trompés de vocation, utilisant et abusant de leur condition pour protéger ces éléments et, pis encore, partager leurs idées marxistes, dénaturant de la sorte le Saint Evangile ». Il y eut également des manifestations d'un autre ordre, comme celle qui se déroula dans l'église de Nunoa à Santiago: au moment de la prière universelle pendant la messe célébrée selon le nouvel ordo, une femme récita à haute voix sa prière: « Pour que tu guides ta Sainte Eglise catholique et que tu la défendes contre l'action destructrice du communisme athée et matérialiste, nous te prions, Seigneur » ... ( « La Tercera de la Hora », 14-10-75 ). Le quotidien « La Segunda » publia également le mardi 11 novembre 197 5, plusieurs lettres de protestation venant de catholiques chiliens désorientés. L'une de ces lettres disait: « Les chrétiens du Chili ont essayé de pardonner toutes les faiblesses de la Hiérarchie, et ses compromissions durant la période de /'Unité Populaire. Mais les derniers évènements reviennent à notre mémoire: la prise de l'Université Catholique; la prise de la Cathédrale; les Quatre-vingt; les chrétiens pour le socialisme; le curé Cardinal; la théologie de la libération; la revue « Mensaje » ; les déclarations de Mgr. Camus, etc., etc. « Tous ces faits sont tristes à évoquer, car ils représentent une longue suite d'erreurs qui traduisent la démission de l'Eglise du Chili ( ... ) « Trop de choses se sont passées et la trace laissée par une Eglise adoptant des attitudes fausses est indélébile. fl est temps de redresser énergiquement la barre, car la Hiérarchie apparaît comme le pire obstacle à la propagation de la Foi ». La lettre est signée: Soledad Reinoso V., Carte d'identité_ 4.371.635 de Santiago.


l

IDENTIFICATION AVEC LA SUBVERSION

337

L'auteur d'une autre missive relate un incident dont il fut témoin le 9 novembre, dans la paroisse de San Andrès à Santiago: Dans l'église, les fidèles entonnèrent !'Hymne National ( en signe de protestation contre le scandale de la complicité du clergé et du terrorisme et de l'attitude des autorités ecclésiastiques de Santiago devant cette complicité); le prêtre célébrant la messe resta alors assis jusqu'à la fin du chant. Ce correspondant assista à l'agression « d'une jeune fille par un misérable marxiste, qui ne respecta ni le lieu ni la faiblesse d 'une femme ». L'auteur de la lettre explique avoir été témoin également de I' « attitude d'autres « prêtres » qui tentèrent d'intimider les fidèles par des attitudes et des paroles qui n'ont rien à voir avec l'esprit chrétien et l'Eglise ». Il écrit que « des éléments organisés se sont groupés sans difficulté pour semer la terreur parmi les catholiques pacifiques et fidèles ». L'auteur de la lettre ajoute qu'il fut frappé par le contraste entre les attitudes précédemment décrites et les « paroles mesurées, claires et patriotiques d'un jeune qui rendit hommage à l'Eglise catholique et condamna les embusqués qui agissent, protégés par leurs habits ». Il poursuit : « Je suis catholique, je poursuis des études secondaires dans un collège religieux, dans le secteur de la paroisse San Andrès, secteur de classe moyenne, sans complexes ni craintes, ce qui me renforce dans ma certitude que tant qu'il restera un seul Chilien comme ceux de cette paroisse, nous serons libres et nous pourrons retrouver les valeurs de l'Eglise que certains, qui prétendent les représenter avec tant d'impuden ce, veulent détruire ». L'auteur termine demandant à « tous les habitants de notre pays, de prier en ce mois consacré à la Vierge Marie , pour les membres anonymes des Forces Armées constituant les Services de Sécurité Nationale qui, pour Dieu et la Patrie, offrent leur sang et leur vie afin de garantir notre tranquillité et notre avenir ». Cette lettre est signée de J. M. Cesareo Lecanda Ricalde carte d'identité n. 56051, de la commune de Providencia de Santiago.


338

SUBVERSION CLERICALE

Notre but en transcrivant ces faits est de montrer, dans un contexte d'ensemble, la situation critique où le processus de démolition de l'Eglise et de la Patrie, à l'instigation de la plus grande partie de la Hiérarchie du Chili et d'un bloc puissant du Clergé, entraîne des catholiques de tous âges et de toutes conditions, qui ne peuvent plus tolérer la plus grande tragédie morale de l'histoire du Chili. A l'égard de ces fidèles de l'Eglise, les Pasteurs n'ont pas la moindre parole de compréhension ni de solidarité. Bien au contraire, tout geste d'exaltation que la douleur provoquera chez ces fidèles sera vertement critiqué par les autorités ecclésiastiques. Il se trouvera des Prélats pour présenter ces réactions de consciences tourmentées comme une campagne anti-cléricale, falsifiant la vérité pour neutraliser la juste indignation de ceux qui refusent de pactiser avec les destructeurs de l'Eglise et de la Patrie. Ils iront même jusqu' à les menacer de san ctions canoniques. C'est ainsi que les Evêques et prêtres révolutionnaires de « marche lente » se trasforment insidieusement en une force gauchiste plus efficace et puissante . Efficace, car elle conduit progressivement et donc en endormant les réactions populaires, vers un socialisme que les extrémistes n'auraient pu faire accepter au peuple chilien d'un seul coup et par la violence. Puissante, car elle se dissimule derrière les investitures sacrées et le saint nom de l'Eglise, se transformant en fer de lance révolutionnaire , intouchable et détenteur de sanctions spirituelles qui intimident les fidèles désireux de s'opposer à leur œuvre néfaste. 4. Au comble de la stupeur, les catholiques se trouvent devant la menace d'excommunication du Cardinal.

Les historiens auront du mal à croire que les choses en arrivèrent à ce point incroyable de distorsion . Au milieu de l'immense choc psychologique et émotionnel causé par la révélation d'une connivence scan daleuse et prouvée entre des prêtres et les terroristes, le chroniqueur et avocat


IDENTIFICATION A YEC LA SUBVERSION

339

Jaime Guzman critiqua, comme des milliers de Chiliens, la déclaration ambiguë du Département d'Opinion Publique de l' Archevêché de Santiago. Et voici le paroxysme dépassé: ce même Pasteur qui avait vu, avec satisfaction, s'imposer le réformisme socialiste et sa mainmise sur nos campagnes, ruiner des familles entières de propriétaires et de paysans, mais surtout fouler aux pieds les principes essentiels de l'ordre social chrétien; ce même Cardinal qui avait toléré impunément les désordres et excès pratiqués à l'Université Catholique depuis 1967 jusqu'à la chute du régime d'Allende; ce même Cardinal qui vait nommé le dirigeant communiste, Pablo Neruda, Docteur Honoris Causa de l'Université Pontificale; ce même Cardinal qui avait jugé parfaitement normale l'institution d'une chaire d'athéisme et de marxisme à l'Université catholique; ce même Cardinal qui, lors d'un débat télévisé, s'était montré compréhensif à l'égard de Mgr. Gabriel Larrain ( lequel dut renoncer à sa charge d'Evêque auxiliaire de l' Archidiocèse en raison de ses idées trop avancées ) et à l'égard de Camillo Torres ( prêtre guérilléro colombien ) ; ce même Cardinal qui considérait les « prêtres rebelles » avec largeur d'esprit; ce même Cardinal qui avit jugé licite Je vote de catholiques pour un candidat marxiste; ce même Cardinal qui qualifiait Allende d'homme idéaliste et honnête; ce même Cardinal qui avait appuyé les réformes économiques et sociales de !'Unité Populaire pour soutenir le régime d'Allende; ce même Cardinal qui ferma les yeux sur les souffrances de son peuple sous l'expérience marxiste; ce même Cardinal qui, après la chute du marxisme au Chili, avait parlé le langage de la réconciliation relativiste pour ceux qui soumirent le pays à l'opprobre; ce même Cardinal qui, aujourd'hui, exalte en termes mélodramatiques la pauvreté de certaines catégories de Chiliens, sans préciser que le socialisme en est la cause; ce même Cardinal qui avait fait de la fraternité et de la paix des slogans vidés de leur vrai sens, pour faire barrage à la légitime réaction des Chiliens contre l'hérésie marxiste ; ce même Cardinal qui avait suivi inexorablement la même ligne de conduite en faveur de la ré-


34 0

SUBVERSION CLERICALE

volution gauclùste, y compris au moment où il s'était vu contraint de formuler des critiques à son égard; ce même Cardinal qui, après les faits scandaleux découverts par les forces de sécurité lors de leur affrontement avec les terroristes réfugiés dans la ferme de Malloco, avait omis de fustiger avec toute la vigueur qu'ils méritent ceux qui introduisent la lèpre du marxisme dans les milieux catholiques; ce Prélat, aujourd'hui, retrouve son autorité foudroyante ... Le permissif, le fraternel, le conciliant se dresse menaçant. Il parle le langage antique des terribles sanctions canoniques: il parle d'excommunication. Serait-ce enfin pour frapper les prêtres qui ont tralù leur Eglise et leur Patrie en embrassant la cause de l'hérésie la plus contre nature et la plus monstrueuse de !'Histoire de l'Humanité? Non. C'est un comble, et c'est effrayant. Il brandit l'arme des terribles sanctions canoniques et spirituelles, avec une violence inconnue des catholiques chiliens, contre Mr. Jaime Guzman qui, comme des milliers de fidèles au Chili, s'était indigné de ce que l'hérésie marxiste se propage encore impunément parmi les congrégations, paroisses et institutions créées par l'autorité ecclésiastique, tout cela sans qu'une mise en garde, une seule parole de sévérité soit sortie de la bouche de ce Cardinal qui ne peut invoquer son ignorance de faits qui se déroulaient sous ses propres yeux. Ignorait-il donc, le Cardinal Archevêque de Santiago , qui était l' Abbé Rafael .Maroto? Ignorait-il qui était le premier secrétaire exécutif du « Comité pour la Paix au Chili », l'Abbé Fernando Salas? N'avait-il pas lu, comme tous les Chiliens, les declarations du Secrétaire général du Comité Permanent de l'Episcopat, ses entretiens « privés » avec les journalistes étrangers, lorsqu'il dévoila l'infiltration depuis le début d'éléments marxistes dans le « Comité pour la Paix au Chili » ? Réconciliateur et compréhensif envers les marxistes; complaisant à l'égard de ceux qui embrassèrent l'hérésie et soutiennent le terrorisme ; terrible vis-à-vis des catholiques frappés de. consternation, qui voient des personnalités de l'Eglise se retourner contre l'Evangile de Jésus-Christ. Ces catholiques sont


IDENTIFICATION AVEC LA SUBVERSION

34 1

présentés par le Prélat comme des conspirateurs contre l'aut orité ecclésiastique. Ainsi, ces Prélats ont les mains libres pom poursuivre leur œuvre de lente destruction. En réponse à la déclaration comminatoire formulée par l' Archevêché de Santiago, en exécution des ordres directs du Cardinal ( cf. « El Cronista », 12-11-75 ), Mr. Jaime Guzman déclara entre autre: « Je préfère garder le silence face aux violentes attaques personnelles qui me sont adressées, directement ou indirectem ent, dans la communication épiscopale en question. Je fais confiance au sens de la justice des Chiliens pour apprécier la disproportion profonde entre mon commentaire et sa réponse ». Plus loin, Mr. Guzman ajoute: « Enfermant pour ma part un épisode qui a revêtu un e ampleur que je 11 'ai jamais cherchée ni désirée, je réaffirme mon adh ésion à l'Eglise catholique, à son unité et à sa Hiérarch ie pour tout ce qui relève de son Ministère, me réservant le droit - qu'elle-même reconnaît aux catholiques - de différer d 'opinion avec respect et prudence, sur les points qui ne relèvent pas exclusivement du dit Magistère » (« La Segunda », 13-11-75 ). S. La dissolution du « Comité Pro-Paz» , présentée par les autorités ecclésiastiques de Santiago comme une limitation injuste imposée par le Gouvemement à l'Eglise. Le 22 novembre 1975 , les autorités ecclésiastiques de Santiago annoncèrent officiellement la fin des activités du « Comité Pro-Paz ». La déclaration présente habilement aux Chiliens la dissoiution du Comité comme un acte arbitraire et abusif de l'autorité temporelle contre la liberté de l'Eglise ; ce qui alimente la campagne internationale menée contre le Chili par les gauchistes de tous azimuths, sous l'impulsion de Moscou. Voici les termes de la déclaration de Mgr. Enrique Alvear, qui remplaçait alors le Cardinal dans le Gouvernement de !'Archidiocèse de San tiago:


342

SUBVERSION CLERICALE

« Les différen tes églises composant le Comité Pro-Paz ont examiné avec attention une requête du Gouvernement visant à mettre fin aux activités du dit Comité, au profit de la tranquillité des citoyens. « Ces églises estiment que la tâche d 'assistance accomplie par le Comité dans des circonstances très difficiles a des racines évangéliques évidentes et qu'elle est toujours restée dans les limites de la légalité. Le fai t que la pureté du service rendu ait pu à certaines occasions s'entacher, du fai t de l'intervention d'éléments étrangers à son sens premier, est un risque inhéren t à toute œuvre de bien; et il n'existe aucune institution détenant une formule infaillible lui permettant de rester à l'abri de ce risque ». Après tout ce que nous avons vu, les autorités ecclésiastiques se refusent encore à accepter l'évidence et tentent de dissimuler une réalité connue de tous dans le pays. Il est impossible que l'opinion publique ne garde pas l'impression que les Pasteurs de Santiago étouffent la triste affaire, au lieu de défendre l'intégrité de la Foi aux yeux de leurs fidèles tourmentés. Mgr. Alvear poursuit : « Le Gouvernement Suprême semble avoir un avis très différent: selon lui, le Comité Pro-Paz ne serait qu'un moyen utilisé par les marxiste-léninistes pour troubler la quiétude du corps social. Les Eglises reconnaissent - comme le Cardinal Silva Henriquez l'exprima publiquement lors de la célébration du 2ème aniversaire du Comité, le 30 octobre 1975 - que cette œuvre, comme toutes les œ uvres humaines, a ses limites et ses insuffisances, mais elle est essentiellement animée d 'in tentions nobles et sincères, dont il est possible d 'apprécier les fru its ». Toujours désireux d'atténuer, dans la mesure du possible, la gravité des actions subversives réalisées dans le cadre du Comité Pro-Paz, l'évêque affirme « que les meilleures intentions heurtent parfois des images ou des préjugés insurmontables et que l'efficacité d'une œuvre de miséricorde s'apprécie quand elle engendre - sans le vouloir - des animosités disproportionnées au bien qu'elle procure ».


IDENTIFICA TION A VEC L A SUBVERSION

343

Selon les auteurs de la déclaration, les c animosités > éveillées dans l'opinion publique chilienne sont c disproportionnées ». Quand on pense que les activités révolutionnaires du dit Comité furent connues publiquement d'abord par les déclarations du secrétaire général de la CECH, Mgr. Camus, et par l'affrontement policier avec les terroristes à Malloco, les déclarations ehontées que nous enregistrons ici ne peuvent manquer de préoccuper sérieusement les fidèles catholiques. En effet, tout donne à penser que les autorités ecclésiastiques de Santiago auraient continué à tolérer au moins ce qui da:ns cette déclaration est défini par euphémisme comme une intervention occasionnelle « d 'éléments étrangers à. son sens premier », si le public n'avait eu connaissance de l'indiscrétion commise par Mgr. Camus dans ses déclaration « privées > aux journalistes étrangers, ou si les forces de sécurité n'avaient pas découvert la chaîne des complicités, rapportée dans les pages précédentes. Il est dit également dans la déclaration que « les églises on t décidé de se plier à l'exigence du Gouvernement Suprême de dissoudre le Comité en question. Elles formulent, il est vrai, la réserve expresse que l'œuvre charitable et religieuse exercée jusqu'à maintenant par le Comité en faveur de ceux qui souf. frent diverses formes de pauvreté, se poursuivra au sein des organisations ecclésiales propres à chacune d'elles ( « El Mercurio >, 22-11 -75 . C'est nous qui soulignons le texte). Le même jour, une démêche de l'agence AP, datée de New-York parut également dans « El Mercurio » avec le titre suivant: « Désaccord du Cardinal Raul Silva à propos du Comité Pro-Paz ». L'agence de presse informe que le Cardinal Archevêque de Santiago qui se trouvait alors à New-York, avait manifesté son désaccord à propos du jugement porté par le Président de la République, le Général Augusto Pinochet, sur le Comité. La dépêche reprend plus ou moins les termes de la déclaration remise par Mgr. Alvear à la presse de Santiago ( « El Mercurio », 22-1 1-75 ).


344

SUBVERSION CLERICALE

Etant donné les circonstances, la Direction des Informations du Gouvernement divulgua le texte de la li;ttre adressée le 11 novembre par le Président de la République au Cardinal Raul Silva Henriquez, lui exposant la position du Gouvernement devant la situation créée par le Comité Pro-Paz. La Direction des Informations communique que « face aux déclarations formulées par certains Evêques qui ont inter· prêté comme une exigence du Gouvernement la dissolution ,du Comité pour la Paix au Chili, la Direction des Informations du Gouvernement porte à la connaissance des citoyens la dite lettre ». Nous reproduisons ici le texte de la lettre présidentielle au Cardinal Archevêque de Santiago : « Eminence. - J'ai voulu faire part à Votre Eminence de la profonde préoccupation que me cause une campagne qui a atteint des degrés qu'il est impossible d'ignorer, et dont l'objectif évident est de donner l'impression e"onée qu'il existerait des divergences entre l'Eglise Catholique Apostolique et Romaine et le Gouvernement du Chili. « Cette action développée par les moyens les plus divers a été menée par des tiers et ce serait une e"eur grave pour l'harmonie qui doit régner entre l'Eglise _catholique et le Gouver· nement que je préside, que de permettre à ces secteurs de poursuivre leur action néfaste, de concert avec des ennemis déclarés de la patrie. Si ces faits se reproduisaient, même de façon artificielle, le résultat serait désastreux et l'unique perdant serait le Chili. « Etant donné ce qui précède, et après avoir analysé sereine· ment les évènements publics et leur portée tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du territoire national, nous avons été amenés à rechercher les causes profondes de cetains de ces évènements: et ces racines, nous les avons trouvées dans le Comité Pro-Paz. « En conséquence. nous avons considéré que l'organisme en question est un instrument utilisé par les marxistes-léninistes pour susciter des problèmes susceptibles de troubler la tranquillité des · citoyens, que je suis chargé de garantir avant tout, en ma qualité de Chef du Gouvernement.


IDENTIFICATION AVEC LA SUBVERSION

345

« La dissolution de ce Comité sera donc un fait positif permettant d'éviter des maux plus graves. « Face à cette situation, Eminence, et invoquant votre bonne compréhension, j'estime qu'il est opportun d'adopter les mesures appropriées pour mettre fin à cet organisme. « Votre ami fidèle vous adresse ses salutations avec l'affection de toujours, en vous exprimant son estime et son respect - Augusto Pinochet Ugarte, Général d'Armée, Président de la République » («El Mercurio», 23-11-75 ). Tel est le texte modéré, soigneusement pesé, de la lettre du Président du Chili. Selon les · « Informations Catholiques Internationales » d'inspiration gauchiste, les Conférences Episcopales du Canada et des Etats-Unis adressèrent des messages de solidarité à l'Eglise, objet de persécutions au Chili ( cf. « I.C.I. », 1-12-75 ). C'est ainsi que se dessine la nouvelle stratégie révolutionnaire de ces Prélats et prêtres; si elle n'est pas dénoncée, cette stratégie peut créer à plus ou moins brève échéance les conditions qui permettront à certains de remettre le Chili sur le chemin pluraliste et socialiste, par lequel les « kerensky » nous ont menés au marxisme. 6. Le Chef de la Zone Militaire de Sécurité de Santiago déonce l'existence d'un plan marxiste en vue d'utiliser le pélerinage re~gicux au Sanctuaire de Maipu. Pour la clôture officielle du Mois de Marie à Santiago ( l) les autorités ecclésiastiques organisèrent une procession qui partirait de Santiago pour aboutir au Sanctuaire de Notre-Dame du Mont-Carmel à Maipu sur le thème: « Engagés avec le Christ pour servir l'homme, aux côtés de Marie, de l'Eglise et de son Pasteur ». Le pélerinage était prévu pour le 8 décembre, fête de l'immaculée Conception. ( J) C'est le mois de novembre - printemps dans l'hémisphère sud qui est le Mois de Marie au Chili.


346

SUBVERSION CLERICALE

Le 4 décembre, la presse de Santiago publia l'arrêté n. 91 signé du Général de Brigade Rolando Garay Cifuentes, Chef

de la Zone de Sécurité de la province de Santiago, dévoilant que des éléments marxistes-léninistes envisageaient de faire du pêlerinage un acte de protestation subversive contre le Gouvernement. Nous reproduisons textuellement le document: « Attendu que: « a) Le 8 courant, une cérémonie religieuse a été prévue dans le sanctuaire de Maipu pour célébrer la fête de l'immaculée Conception. « b) Notre Direction de la Zone de Sécurité est en possession de renseignements donnant à penser qu'à l'occasion de cette cérémonie, des éléments marxistes-léninistes tenteront de s'infiltrer, porteurs d'affiches, pamphlets ou pancartes avec des consignes politiques, crieront des slogans visant à la propagation de leurs idées et mêleront à leurs prières une critique des actes du Gouvernement; cc ) Qu'il est de l'obligation de notre Direction de garantir à tous les catholiques assistant à cette procession une tranquillité absolue et d'empêcher les éléments extrémistes étrangers à l'Eglise de profiter des intentions spirituelles pour provoquer des désordres et violences; « d} Qu'également il est de l'obligation de notre Direction d'assurer aux membres du corps diplomatique accrédité au Chili, aux dignitaires ecclésiastiques et autorités gouvernementales qui assisteront à la cérémonie une égale tranquillité et protection, contre les excès que pou"oTlt commettre des individus poussés par des motifs de politique partisane; « e) que le Gouvernemen t Suprême a exprimé à maintes reprises qu'il existe au Chili la liberté d'opinion la plus absolue, mais que l'exercice de cette liberté ne peut donner prétexte à des éléments traditionnellement ennemis de toute religion, de profiter d'une cérémonie religieuse pour troubler l'ordre public et détourner la cérémonie de son but; " f) Usant des pouvoirs que nous confère l'article 34 de la loin. 12927, nous a"êtons:


IDENTIFICA110N AVEC LA SUBVERSION

347

« 1. La cérémonie religieuse prévue pour le 8 du mois en cours se déroulera dans l'enceinte du sanctuaire de Maipu et également dans la zone extérieure qui en dépend; « 2. Toute marche ou pèlerinage est interdite ce jour-là. « 3. Les personnes se rendant au san ctuaire sont invitées à le faire individuellement et en aucune façon en groupes organisés; « Que ce tte décision $oit communiquée et exécutée, moyennant notification préalable aux organisateurs de la cérémonie religieuse » ( « El Mercurio » et i,: La Tercera de la Hora >, 4-12-75 ). Comme nous ne cessons de le souligner, les autorités militaires chiliennes dans leur tentative pour enrayer la subversion au Chili, se trouvent dans une situation particulièrement délicate: celle d'Ùre présentées par les autorités ecclésiastiques favorables à la révolution socialiste, comme persécuteurs de l'Eglise. Le lendemain, les journaux publièrent un communiqué des Evêques auxiliaires et des Vicaires Episcopaux de l'Eglise de Santiago, faisant part de leur décision de suspendre la cérémonie de clôture du Mois de Marie au Sanctuaire de Maipu, laquelle devait être précédée d'un pèlerinage à pied. Par là, les autorités ecclésiastiques de Santiago entendaient protester contre l' arrêté du Chef Militaire de la Zone de Sécurité. A nouveau, et cette fois en termes plus clairs, les Prélats présentent la mesure militaire comme un acte anti-religieux et une brimade contre l'Eglise. Le communiqué des Evêques parut sous le titre suivant : « L'Eglise proteste avec douleur ». Les aut orités ecclésiastiques de Santiago expliquent les objectifs premiers de la cérémonie: « Clore le mois de Marie par cette fête que notre peuple ressent comme sienne, dans le sanctuaire tém oin de la prédilection de la Vierge du Carmel pour le Chili, célébrer !'Eucharistie avec notre Pasteur, en lui renouvelant la fidélité, l'affection et l'obéissance que nous lui devons en tant que présence du Ch rist dans notre Diocèse et, enfin, ratifier l'engagem.ent également-contracté à Maipu lors de la clô ture de /'Année Sain te d'offrir à tous nos frères chiliens le service de la récon ciliation moyennent la paix et la justice ».


348

SUBVERSION CLERICA LE

Les Evêques ajoutent que la « cérémonie devai t s'ouvrir avec la remise par le Cardinal, de la croix du Chili au défilé des jeunes, qui relierait notre Cathédrale bi-centenaire, siège de /'Evêque, au Sanctuaire de la Mère et R eine de tous les Chiliens ». Le communiqué signale que « toutes les informations relatives à cette manifestation de piété, spécifiquement catholique, ont été dûment mises à la disposition des au torités responsables de l'ordre et de la sécurité des citoyens. D'autre part, toutes les garanties nécessaires au déroulement normal de la cérémonie, conformément à son but, avaient fait l'objet . d'une concertation avec ces autorités ». Les évêques ajoutent qu'ils avaient interdit « l'utilisation de toute pancarte, affiche ou slogan, même évangéliques qui ne seraient pas officiels ». Egalement, toujours selon les évêques, l'expérience de la cérémonie de clôture de l'année sainte et « les justes motifs partagés par nos communautés chrétiennes et présentés par les moyens d(! communication au cours des jours qui précédèrent la cérémonie, nous permettaient d'avoir une certitude morale que la cérémonie ne serait pas détournée de son objectif propre». Les Evêques déplorent avoir été informés par la presse de l' Arrêté n. 91 et ajoutent que « les limitations, décrétées par /'Arrêté n. 91, affectent directement la nature même, essentiellement communautaire, de la cérémonie religieuse à laquelle nous avions convié les fidèles. En outre, elles portent préjudice au climat de confiance et de spontanéité indispensable à une telle cérémonie religieuse ». Ils indiquent ensuite que le « zèle déployé pour préserver totalement l'ordre public ne peut ni ne doit arriver au point de gêner le libre exercice de cérémonies spécifiquement et ouvertement religieuses ». Citant le décret de liberté religeuse du Concile Vatican II , les évêques adoptent l'attitude de celui qui désire apparaître comme gravement et injustement persécuté. En effet, ils déclarent que: « Par la force des circonstan ces, nous avons décidé de suspendre complètement la célébration prévue pour le 8 à Maipu » .


IDENTIFICA TION AVEC L A SUBVERSION

34 9

« Nous avons résolu, en outre, en signe de douloureuse protestation, face à une situation aussi inattendue qu 'étrangère à nos traditions, qu'au cours de la journée du 8 décembre, aucune cérémonie liturgique ne serait célébrée dans le Sanctuaire de la Vierge du Carmel, Mère et Reine du · peuple chilien. « Ces dispositions que nous adoptons ne doivent pas être interprétées comme un renoncement de notre part à l'exercice ultérieur des droits et obligations qui nous incombent en tant que société fondée par Jésus-Christ pour annoncer librement l'Evangile, en tous temps. et ~n tous lieux, et sous toute les formes légitimement consacrées par le droit et la tradition de notre peuple » ( « El Mercurio », 5-12-7 5. C'est nous qui soulignons le texte ). Nous ne possédons pas d'autres informations précises concernant cet incident. Mais, compte-tenu de l'impressionnante série des faits analysés dans ces pages, si les autorités militaires étaient en possession de renseignements sérieux sur les intentions des marxistes d'utiliser à des fins politiques la procession de Santiago au Sanctuaire de Maipu, la simple garantie accordée par les autorités ecclésiastiques si tolérantes vis-à-vis des erreurs marxistes dans les milieux catholiques ne pouvait rassurer le Chef de la Zone de Sécurité. D'autre part, la suspension totale de la cérémonie dont la procession ne représentait qu'un aspect secondaire, ainsi que la fermeture du sactuaire en ce jour qui revêt une telle signification aux yeux des catholiques chiliens, constituent un acte d'hostilité, probablement sans précédent dans l'histoire religieuse du Chili au cours de ces dernières décénnies. 7. Au lieu et place de la marche vers Maipu, une manifestation de poings levés en faveur du Cardinal se déroule dans la cathédrale de Santiago.

Les révélations du Chef de la Zone de Sécurité sur le dessein communiste de transformer la marche vers Maipu en


350

S UBVERSION CLERICALE

un acte politique subversif eut une surprenante confirmation; Pas ailleurs que dans la Cathédrale de Santiago qui célébrait son hi-centenaire. La cérémonie eut lieu le 8 décembre et l'on peut dire qu'elle remplaça la marche à Maipu . D'étranges « paroissiens » arrivèrent pour participer à la cérémonie religieuse . Le Cardinal Archevêque de Santiago fit une entrée solennelle par une nef latérale de la cathédrale, pour rejoindre ensuite l'autel par l' allée centrale. Et l'on vit alors ce spectacle incroyable: vociférations de « Vive le Cardinal! » et slogans hurlés rageusement « Liberté ! Liberté! » commencèrent à résonner dans la cathédrale. Des visages qui n'avaient rien de pieux et des poings dressés émergeaient de divers endroits de l'assemblée pour saluer le passage du Pasteur. Des assistants sans doute peu habitués aux cérémonies religieuses accompagnaient les slognas de claquements de mains sur le rytme caractéristique des meetings de !'Unité Populaire. Des manifestants étaient juchés sur les autels latéraux, faisant preuve d'un total manque de respect : ils n'épargnèrent même pas le tabernacle où l'on expose le Saint Sacrement. L'allocution dans un lagage modéré que le Cardinal prononça dans ce climat de meéting gauchiste fut un message de sym. pathie à l'égard des prêtres détenus pour avoir protégé les terroristes du MIR. A la fin de la cérémonie, l'étrange groupe des « fidèles » qui, avec un grand sens de l'organisation, avaient lancé des slogans contre le régime accompagnés de saluts marxistes, décidèrent une marche de protestation dans le centre de Santiago. Ils tentèrent de porter en triomphe l'Abbé Joaquin Alliende, Recteur du Sanctuaire de Maipu, mais ils furent refoulés par la police. Nous avons là une preuve de l'action accomplie au sein de structures dirigées par des Evêques et des prêtres, en contradiction totale avec les devoirs sacrés de leur fonction ; plus ou moins invulnérables, ils tentent de ramener leur pays sur la voie de la révolution socialiste qui est en train de marquer un temps d'arrêt.


IDEN TIFICA TION AVEC LA SUBVERSION

35 l

Les complicités de prêtres et de terroristes, les groupes de collaboration ouverte et organisée entre catholiques et marxistes, les poings dressés, les visages crispés et les slogans revolutionnaires ne sont que du folklore, néfaste et condamnable certes, mais infiniment moins dangereux que l'œuvre subtile et dévastatrice des Evêques et prêtres révolutionnaires de « marche lente ». Ceux-là sont les mieux placés pour entreprendre l'œuvre de démolition sur le plan religieux et civil.

Après l'émotion provoquée par les découvertes de la police divulguées en novembre dernier, la dernière Assemblée Plénière de !'Episcopat en 1975 tint un langage plus souple, sans manquer pour autant de défier le pays en maintenant Mgr. Camus Secrétaire Général de la CECH. En ce début de 1976, nous, catholiques chiliens, ne savons pas ce que l'année nous réserve. Toutefois, les pages précédentes laissent présager que la situation étant arrivée à un tel degré de paroxysme, les ecclésiastiques auront du mal à dissimuler leurs manœuvres, même petites et superficielles. Les organisations terroristes de la Révolution collectiviste et anti-chrétienne, que le communisme a tout intérêt à maintenir en dépit de leur inefficacité relative ont trouvé refuge dans des organisations ecclésiastiques et aucune assurance n'a été donnée aux fi dèles que cette situation regrettable cessera. La Hiérarchie et le clergé démolisseurs ont commencé leur oppostion au Gouvernement et à la majorité anti-marxiste au Chili, et ils ont continué à promouvoir le processus révolutionnaire socialiste, malgré son échec, au nom du Saint Evangile et en invoquant l'autorité qu'ils ont reçue de Notre-Seigneur Jésus-Christ. La subversion dans notre Patrie, à des degrés divers, qu'elle se manifeste progressivement ou d'une manière radicale, emprunte les insignes sacrés des plus hautes autorités de l'Eglise


352

SUBVERSION CLERICALE

et des ministres de Dieu, et nous n'hésitons pas à affirmer que c'est là l'une des plus grandes tragédies de l'Histoire de l'Eglise et de la Chrétienté. Pour les Catholiques prêts à lutter contre l'œuvre de démantèlement de l'Eglise et de la Nation, il s'agit d'un cas de conscience qu'il convient de régler de toute urgence. Eviter de régler actuellement ce problème signifierait laisser la voie libre aux Evêques et aux Prêtres favorables à la cause marxiste et leur permettre, de la sorte, d'imposer sans difficulté les conditions d'un changement politique dans le pays, qui conduirait au retour de l'utopie révolutionnaire marxiste« chrétienne ».

• • • Avant d'en arriver à la conclusion de ce livre, dans laquelle nous tenterons de nous attaquer à ce délicat problème de conscience, nous aimerions évoquer les paroles de l'illustre Pape Pie XI qui, du haut de la chaire de Pierre, semble avoir prévu les difficultés à venir de l'Eglise lorsqu'il affirmait: « fl n'est pas superflu, mais il est au contraire opportun et souverainement nécessaire, et il est réellement de notre devoir de mettre le monde entier en garde contre le stratagème qu 'utiliseront les hérauts des forces subversives pour créer des possibilités d'approche et de collaboration avec les catholiques, faisant une distinction entre idéologie et pratique, entre idée et action, entre ordre économique et ordre moral» ( Discours aux catholiques espagnols réfugiés en Italie en 1936. Actes de S. S. Pie XI, T. XIV, pag. 123 à 125 ). Nous avons été témoins d'heures plus tragiques encore: ceux qui incitent les catholiques à s'allier au régime économique et social marxiste, en termes ambigus mais suffisamment efficaces, représentent la plus grande partie des Evêques et une partie significative du Clergé dans une nation chrétienne.


CONCLUSION

EN DEFENSE DE L'EGLISE ET DE LA PATRIE


Ce sont là les faits et les documents principaux que la TFP devait exposer. Ils sont tous accompagnés de la citation qui les concerne ou de la preuve documentaire et parfois testimoniale. Il se peut que dans tel ou tel cas exceptionnel, quelque version journalistique citée ne reflète pas avec une exactitude entière ce qu'à cette occasion précise ont exprimé le CardinalArchevêque de Santiago et les Evêques ou les prêtres mentionnés. Une éventuelle variation de cet ordre n'altérerait en rien la ligne d'ensemble qui caractérise le comportement du Primat de l'Eglise du Chili, celui des autres Prélats et les prêtres engagés dans le processus révolutionnaire que nous avons décrit ( 1). Ces évènements, qui prennent une plus grande gravité si l'on considère leur impressionnante ligne d'ensemble, sont restés gra( 1) En annexe, nous détachons la position catégoriquement antimarxiste de quelques ecclésiastiques importants dont on peut supposer qu' ils sont en désaccord avec le processus démolisseur des Evêques et des Prêtres en question dans les pages de ce livre. Le lecteur trouvera aussi le résumé des différences de position objectives et pondérées assumées par quelques Prélats moins radicaux dans leur appui au processus révolutionnaire qui a dominé l'histoire ecclésiastique chilienne de ces dernières années. De fait, la plupart de ces nuances qui distinguent la position de cette minorité de Prélats par rapport à l'ensemble de !'Episcopat, est bien connue du lecteur, ou bien relatée dans les pages qui précèdent. Nous les signalons en annexe pour faciliter la vision plus précise du panorama ecclésiastique que nous nous sommes vus contraints de relater.


EN DEFENSE DE L 'EGLISE ET DE LA PATRIE

355

vés en traits indélébiles dans la mémoire et le cœur douloureux des catholiques clùliens, dans leur grande majorité silencieux !

• • • La grande histoire de ces quinze ans eut, en outre, son aspect évènementiel au jour le jour, dont les détails exigeraient, pour être relevés avec tout leur tragique et terrible contenu réel, plusieurs volumes. Nous rappelons ici au lecteur, en passant, l'existence de cette histoire détaillée, à travers laquelle les faits rapportés dans ce livre ont donné une idée plus immédiate et concrète du martyre spirituel des catholiques fidèles. Que ce rappel soit une parole de compréhension et de soutien moral pour chaque fidèle chilien qui reçut directement et personnellement l'impact des manifestations d'ecclésiastiques démolisseurs, en entretien privé, lors d'un contact paroissial commun, dans les sermons durant les cérémonies religieuses, au cours d'activités caritatives, apostoliques ou pastorales de tous ordres. Nous nous adressons de la même manière à ces milliers et ces milliers de catholiques clùliens qui ont souffert les expressions mesquines mais terribles de cette révolution ecclésiastique, au milieu des tensions d'une famille idéologiquement divisée, en assistant à des cours dans les collèges, instituts techniques ou établissements universitaires officiellement catholiques, au cours de la vie de travail, que ce soit à la campagne ou à la ville, dans les activités politiques, civiques ou culturelles, etc, partout, dans les heures de réflexion intérieure amère et inquiète sur les violents choc_s psychologiques et spirituels reçus. Tous ces clùliens peuvent raconter des anecdotes vives et réelles de la petite histoire, à partir de leurs situations personnelles déchirantes. Nous pensons tout spécialement à ces fidèles qui, par leur âge ou leur condition culturelle et sociale souvent modeste furent empoisonnés et déviés dans leurs légitimes désirs d; justice individuelle ou sociale.


356

CONCLUSION

De tels faits individuels sont implicitement contenus dans les évènements généraux qui constituent la tragique continuité publique et notoire du processus analysé dans cet ouvrage.

• • • Passons donc à la récapitulation de Ja conduite publique des Prélats et des Prêtres démolisseurs; pour aborder bientôt l'analyse de cette conduite sous le signe de la Doctrine de l'Eglise et du Droit Canon , et enfin, considérer l'action que, par droit et par devoir, ces circonstances nous imposent, dans notre condition de catholiques et de chiliens.

I RECAPITULATION DE LA CONDUITE D'EVEQUES ET DE PRETRES EN FAVEUR DE LA REVOLUTION MARXISTE AU CHILI

Le Cardinal-Archevêque de Santiago, la quasi-totalité de la Hiérarchie ecclésiastique chilienne, et une partie décisive du Clergé, ainsi que le démontrent les faits et les documents exposés dans ce livre , ont développé dans notre Patrie une conduite dont les caractéristiques se définissent, en synthèse, de la façon que nous signalons maintenant.

*

*

*

La quasi-totalité de la Hiérarchie chilienne et une partie impressionnante du Clergé et des institutions catholiques


EN DEFENSE DE L'EGLISE ET DE LA PATRIE

357

officielles travaillèrent activement à la légitimation, aux yeux des fidèles chiliens, d'une troisième position entre la conception chrétienne de la société et la conception communiste. Ce travail, mené par la Hiérarchie, a consisté en ceci: 1. Dilution relativiste de principes déjà définis et immuables de la Morale catholique en matière politique, sociale et économique. 2. Exhortation insistante et officielle, appelant les laïcs, au nom de l'Evangile, à réaliser des réformes structurelles sans préciser leurs limites doctrinales et morales, dans des circonstances où les partis marxistes-léninistes chiliens développaient une active campagne de revendications démesurées en faveur de ces réformes. On créait de la sorte une énorme confusion chez les fidèles . 3. Description exagérée des abus, injustices ou lacunes que la structure économico-sociale chilienne présentait aux débuts des années 60, créant trois fausses impressions dans Je peuple: a) que les allégations de la démagogie marxiste sur l'injustice sociale au Chili étaient en essence véridiques ; b) que le capitalisme en lui-même - et non seulement les abus commis dans son application - était condamnable; c) et que le système socialiste égalitaire - dont l'échec économique dans les nations où il a été appliqué est une évidence historique qui ne peut être niée que de mauvaise foi pourrait apporter des solutions considérablement meilleures pour le pays. 4 . Formulation de critiques partielles et déform ées du Communisme , où l'on condamnait avec insistance l'athéisme militant et les méthodes de persécution violente de cette secte, tout en reconnaissant, cependant, au communisme des aspects positifs présentés en termes généraux, et en évitant systématiquement la condamnation de son régime économico-social en tant que tel.


358

CONCLUSION

5. Etablissement d'une situation de tolérance complaisante, et même d'encouragement plus ou moins direct, pour les agissements et le développement d'une minorité intellectuelle de prêtres et de laïcs, qui promut plus ouvertement une révolution pour transformer les structures économico-sociales du Clùli dans un sens socialiste et confiscatoire. Cette minorité, placée dans des endroits-clés d'enseignement et de propagande , réclamait également, comme un bien nécessaire, un pluralisme idéologique et politique qui laisserait toute liberté d'action au communisme en des termes clairement contraires aux exigences de la Morale catholique. 6. De cette façon: a) création d'un terrain intermédiaire ambigu et inacceptable entre des principes essentiels et immuables de la Civilisation Chrétienne et ceux de l'anti-civilisation marxiste en ce qui se rapporte à la transformation évolutive du Clùli vers le socialisme; b) préparation du climat idéologique et psychologique pour que les fidèles acceptent la formule du communautarisme social indéfini et collectivisant du dit Parti Démocrate-Chrétien chilien et sa conception laïciste et libéral-permissiviste de la vie démocratique. Le PDC - qui naquit et se développa sous l'impulsion déterminante d'ecclésiastiques - présente comme un bien désirable la participation active des marxistes-léninistes au processus politique; c) elaboration des conditions pour que ce parti démocrate-chrétien arrive au pouvoir et inaugure la phase de transition des structures et des mentalités clùliennes pour une étape ultérieure, déjà clairement marxiste, de la révolution égalitaire en cours.

* *

*

Sous le régime présidé par le démocrate-chrétien Eduardo Frei - le Kerensky chilien - les conditions de l'ascension au pouvoir du marxisme furent réunies.


EN DEFENSE DE L'EGLISE ET DE LA PATRIE

359

Les procédés des Evêques et des prêtres en question se radicalisèrent progressivement. Leur engagement dans le processus révolutionnaire se manifesta par: 7. Soutien par omission d'une réforme constitutionnelle qui ferait du droit naturel de propriété privée une simple concession de l'état. 8. Soutien indirect, puis solidarité formelle pour la loi de réforme agraire socialiste et confiscatoire dans son essence, promulgée par le Président Frei, en contradiétion flagrante avec les exigences morales immuables de la Doctrine Catholique. Cet engagement ecclésiastique pour la loi injuste se vit aggravé par l'avertissement public de catholiques qui démontrèrent de façon détaillée le caractère-anti-chrétien de cette réforme et son rôle stratégique hautement favorable à la communisation du Chili. En effet, cette réforme détruirait la capacité de résistance à l'avance marxiste de l'important secteur agraire de notre pays. 9. Participation, par action et par omission, au démantèlement de centres civico-culturels de résistance idéologique au communisme, comme cela se·produisit à l'Université Catholique Pontificale de Santiago. I O. Tolérance permissive de groupes de prêtres et de laïcs qui travaillaient déjà à rendre acceptable aux catholiques un processus révolutionnaire plus radical que Je socialisme confiscatoire signé par et qui portait le sceau de la démocratie chrétienne . 11 . Manifestations de malaise direct ou indirect envers les catholiques qui avertirent, à la lumière de la Doctrine de l'Eglise et de la saine raison naturelle, que le socialisme égalitaire et confiscatoire du gouvernement de •Frei, et l'évidente circulation de principes communistes entre des prêtres et des laïcs agissants et puissants dans les miteux ecclésiastiques préparaient sans équivoque l'inauguration d'une phase marxiste dans le processus révolutionnaire chilien.


360

CONCLUSION

12. Devant les excès scandaleux de groupes « catholico »marxistes plus radicaux, condamnations ambiguës et générales, soulignant toujours les prétendus aspects positifs du marxisme . 13. Collaboration décisive pour la victoire électorale du candidat marxiste Salvador Allende . Et ceci, en donnant, de façon claire, du prestige aux figures représentatives du communisme national ou international, en invitant les fidèles à perdre leur crainte des changements révolutionnaires, en évitant une quelconque orientation contre le communisme et ses proches alliés au cours du processus électoral, en permettant sans sanction ni rectification d'aucune sorte que des prêtres et des laïcs proclament leurs préférences pro-communistes de façon scandaleuse, et en arrivant à déclarer qu'il était licite pour un catholique de voter en conscience pour un candidat marxiste . 14. Formulation d'une déclaration ambiguë inclinant les parlementaires de la majorité catholique et non-communiste à faciliter l'élection au Congrès National du candidat marxiste Salvador Allende. Comme ce dernier n'avait recueilli qu'une faible majorité relative à l'élection présidentielle, la ratification définitive était très difficile car pour s'installer constitutionellement au pouvoir, il lui fallait être élu par un vote des deux Chambres, où les représentants catholiques et non-communistes constituaient une écrasante majorité. A part un Evêque et de nombreux prêtres et organismes d'apostolat de la Hiérarchie qui se manifestèrent en faveur de la reconnaissance d' Allende comme Président avant le verdict du Congrès, la déclaration des Evêques fut d'une grande influence pour la victoire finale du candidat marxiste .

* *

*

Le procédé épiscopal et sacerdotal en faveur du soutien de la minorité marxiste-léninste au pouvoir se manifesta de diverses manières:


EN DEFENSE DE L'EGLISE ET DE LA PATRIE

361

15. De nombreuses déclarations de sympathie pour le programme marxiste d' Allende. 16. Des orientations « pastorales » pour encourager le processus de changements révolutionnaires en mobilisant pour cet objectif toute la force des dispositifs d'apostolat ecclésiastique. 17. Plus forte insistance que jamais sur la nécessité de transformer les structures économico-sociales du Chili pour imposer la justice et en finir avec la pauvreté dans laquelle le capitalisme avait jeté la majorité des chiliens. 18. Devant l'indignation de la majorité du peuple, qui gonflait à mesure que s'implantait le socialisme collectiviste dans tous les domaines de l'activité nationale, prudente omission de toute attitude qui puisse être interprétée comme un soutien aux catholiques fidèles du Chili dans leur juste malaise. 19. Réprobation contre ceux qui s'opposèrent à la collectivisation du pays au nom des principes catholiques. 20. Silence sur la misère économique sans précédents dans l' histoire chilienne, fruit de l'application progressive du socialisme marxiste dans le pays. Le contraste était flagrant avec les -allégations antérieures de ces Evêques et de ces prêtres en défense des pauvres contre une structure sociale fondée sur le droit naturel de propriété privée, laquelle, malgré ses abus condamnables, ne conduisit jamais à la banqueroute générale de l'expérience marxiste. 21 . Reproches ambigus aux délires de groupes sacerdotaux qui sacandalisaient le Chili et le monde catholique en général pour avoir embrassé l'hérésie marxiste . Ces reproches visaient en outre principalement le militantisme politique organisé des prêtres et non leur option personnelle en faveur de la cause marxiste. 22. Appels équivoques à l'unité et à la paix sociale autour du gouvernement et du processus de changements structurels, face aux manifestations de protestation étendues à tout Je pays spécialement dans les classes sociales les plus modestes. Ces manifestations atteignaient une telle envergure qu'elles rendaient chaque fois plus précaire le maintien au pouvoir de la minorité marxiste .


1362

CONCLUSION

23. Condamnations théoriques à des aspects athées militants et dictatoriaux çlu communisme en d'autres lieux du monde, en laissant à la conscience individuelle des catholiques le discernement d'une possibilité de collaboration avec les marxistes pour la construction d'un socialisme humanitaire jamais défini. 24. Reconnaissance tardive et imposée par les circonstances de la pauvreté régnante dans le pays, en 1973, en évitant soigneusement de mentionner ses causes idéologiques et en insistant sur la condamnation en termes relativistes de la division des chiliens. Le pays se trouvait à cette époque pratiquement paralysé par les grèves et la juste rébellion de chiliens des conditions sociales les plus diverses qui se dressaient contre le marxisme. Les Evêques appelaient pourtant à une pacification collaborationniste des esprits avec le President Allende. 25. Ignorance de la déclaration des Pouvoirs de la République et de toutes les forces vives de la Nation qui, devant la folie du processus intrinsèquement injuste et immoral de communisation de la Patrie, proclamèrent l'illégitimité du gouvernement d'Allende. Les Evêques en arrivèrent au point de se servir de leur autorité pour traiter la minorité marxiste comme si elle continuait à détenir légitimement le pouvoir. 26. Jusqu'au dernier moment, tentative de prolonger, par action ou par omission, les jours néfastes du gouvernement des mythomanes égalitaires. Ceux-ci, déjà convaincus de leur échec, préparait l'implantation sanglante d'une dictature communiste.

* * * Adaptés aux nouvelles circonstances, les Evêques et les prêtres révolutionnaires devinrent la force subversive la plus efficace et la plus puissante, à travers une action graduelle qui a connu les étapes suivantes: 27. Découragement de la ferveur catholique anti-commu- · niste de la majorité des chiliens, en dépit de la reconnaissance,


EN DEFENSE DE L'EGLISE ET DE LA PATRIE

363

après beaucoup d'hésitations, que les Forces Armées et les Carabiniers du Chili avaient sauvé la Patrie d'une dictature communiste. 28. Développement d'une action destinée à protéger les marxistes poursuivis, et consistant à protester contre les prétendus excès de la répression policière, et à éviter d'applaudir au caractère essentiellement conforme à la Doctrine Catholique et au bien commun, de la tâche gouvernementale d'extirpation de l'influence marxiste au Chili. 29. Exacerbation, en termes dramatiques, des difficiles conditions économiques que traversait le pays et résultant de la banqueroute marxiste et de la crise financière internationale. Parallèlement, décision d'éviter autant que possible de signaler les véritables causes de ce fait, en reprenant l'ancienne prédication réformiste et anti-capitaliste. 30. Prêche d'une imprudente et inacceptable réconciliation du Chili catholique avec la minorité marxiste, présentée sous un jour faussement optimiste. 31. Condamnation de la violence révolutionnaire communiste et de ses manifestations d'athéisme militant, mais en même temps appel aux catholiques pour qu'ils répudient le capitalisme et considèrent les « aspects ·positifs » du socialisme. En même temps, les Evêques .p roclament · la nécessité d'implanter au Chili le respect des droits de l'homme - conçus en termes équivoques - au travers desquels apparait de nouveau la légitimation de l'idéologie relativiste qui avait conduit le Chili à la catastrophe marxiste. 32. Enfin, tolérance permettant à des prêtres et des institutions créées par !'Episcopat pour la défense des « droits de l'homme », de devenir un refuge pour l'appareil révolutionnaire terroriste. Ainsi, les Evêques placent les autorités militaires devant le faux dilemme de permettre la renaissance progressive des germes révolutionnaires socialistes qui désolèrent notre Patrie, ou d'apparaître devant la majorité des catholiques chiliens comme un gouvernement qui persécute l'Eglise.


364

CONCLUSION

II ANALYSE DE LA REALITE A LA LUMIERE DE LA DOCTRINE CATHOLIQUE ET DU DROIT CANON

Comme nous venons de le voir, l'engagement de ces Evêques et de ces prêtres dans l'encouragement à la cause marxiste est arrivé à un degré qui oblige à se demander: Comment qualifier cette conduite du point de vue théologique et canonique?

* * * Avant de répondre à cette question fondamentale, nous voulons réitérer ici une fois encore le té.moignage irrétractable de notre foi et de notre adhésion sans limites à l'Eglise Catholique, Hiérarchique par institution divine. Nous n'avons pas formulé dans ces pages, et nous ne le ferons pas dans cette conclusion , des jugements qui se situent hors de notre compétence. Ce que nous avons fait dans ce livre et que nous referons par ces considérations finales, est ce qui incombe à tout fidèle catholique mis en face d'idées ou de faits qui, objectivement, ne sont pas d'accord avec la Doctrine Catholique: Définir dans le domaine doctrinal et pratique les termes où se situe cette discordance . Dom Guéranger, illustre Abbé de Solesmes, synthétise avec exactitude et clarté le droit qu'ont les Catholiques à ce sujet, en commentant la fête de Saint Cyrille d'Alexandrie dans sa célèbre Année Liturgique. Il dit en effet: « Quand le pasteur se change en loup, c'est au troupeau à se défendre tout d'abord. Régulièrement sans dou te la doctrine descend des évêques au peuple fidèle, et les sujets, dans l'ordre de la foi, n'ont point


EN DEFENSE . DE L'EGLISE ET DE LA PATRIE

365

juger leurs chefs. Mais il est dans le trésor de la révélation des points essentiels, dont tout chrétien, par le fait même de son titre de chrétien, a la connaissance nécessaire et la garde obligée. Le principe ne change pas, qu 'il s'agisse de croyance ou de conduite, de morale ou de dogme » ( Dom Prosper Guéranger, « L'Année Liturgique » Tome II p. 752 - Desclée et Cie, Paris - Tournai - 1949 ). à

• • •• Définissons donc les termes du conflit entre cette conduite ecclésiastique et la Doctrine Catholique: 1. Il est impérieux de reconnaître que le Cardinal-Archevêque de Santiago, la majorité des Prélats chiliens et ceux des prêtres qui, dans leurs juridictions respectives, les secondaient tacitement ou explicitement, renoncèrent progressivement, tout-au long de ces quinze ans, à se comporter - sur des points essentiels - comme des chefs ou des guides spirituels de la parcelle de l'Eglise qui leur était confiée. En effet, ils abandonnèrent des devoirs parmi les plus fondamentaux de ceux qui sont inhérents à leurs charges sacrées, comme la lutte contre les adversaires de l'Eglise, tels que le communisme et ses compagnons de route . Ils refusèrent aux fidèles d'une saine orientation doctrinale ce à quoi ils avaient droit, surtout dans des moments particulièrement funestes de l'histoire chilienne ( 2 ). Mais ces pasteurs et ces prêtres ont poussé encore plus loin cette rupture graduelle avec les devoirs de leurs charges. En réalité, ils n' ont pas hésité à semer d'abord l'équivoque et la ( 2 ) Il est nécessaire de considérer que, selon l'enseignement des théologiens, ce n'est pas seulement en se séparant du Pape, tête de l'Eglise, qu'un évêque peut tomber dans le schisme, mais aussi d'autres manières telles qu e celles-ci : - en refu sant à son troupeau l'orient ation spirituelle à laquelle il a droit ; - en cessant de se comporter comme chef spirituel, pour vivre, par exemple, comme un simple prince temporel; - en se soustrayant à l'action de la grâce en tant qu'elle est sacramen -


/ 366

CONCLUSION

désorientation parmi les fidèles, puis à soutenir l'intronisation, dans la législation èhilienne, de principes économico-sociaux opposés à la Doctrine Catholique. Ils ne firent pas marche arrière dans cette conduite, bien qu'ils aient été respectueusement avertis qu'elle profitait directement à la cause communiste. Finalement, ils portèrent leurs procédés au comble d'aider par de nombreuses et déterminantes attitudes publiques, à la victoire d'un candidat à la présidence marxiste-léniniste, d'assurer sa consolidation au pouvoir, et de l'y maintenir autant qu'ils le purent, au grand dam des intérêts de l'Eglise et du pays. Après la réaction populaire qui culmina dans le renversement du Président marxiste, ces Evêques et ces prêtres aggravèrent leur conduite révolutionnaire par la persévérance qu'ils y manifestèrent, en dépit de reculs purement formels imposés par les nouvelles circonstances. C'est-à-dire qu'ils réaffirmèrent, par diverses attitudes, leur détermination de ne pas s'arrêter dans le processus particulier de marxisation progressive des mentalités et des structures nationales. 2. Ce comportement ecclésiastique, en conflit avec les exigences théologiques et canoniques de la mission sacerdotale et épiscopale, prit des proportions si graves et si généralisées que l'on peut affirmer que: a) La quasi-totalité des Prélats chiliens ont utilisé les charges sacrées dont ils avaient été investis, de sorte qu'ils telle et réalise l'unité de l'Eglise, par exemple en ne fréquentant plus les sacrements; - en se rebellant contre les devoirs de sa charge; - en ordonnant ce qui est contraire au droit naturel ou divin, de façon qu ' il arrive ainsi à nier le principe suprême d' unité dans l'Eglise, qui est Jésus-Christ; - en se refusant à observer les coutumes universelles de l'Eglise, fondées sur la tradition apostolique, etc. ( cf. Cardinal Turrecremata, « Summa de Ecclesia » , Tramezinus, Venetiis, 1561, lib . Il , cap . 102 ; lib. 1B , cap . 11 ; Card. Cayetano, Corn. a la « Summe Theologica », 11-11, q . 39, a. l !. ; Suarez, « De Caritate » , Vivès, Parisüs, 1858, pp . 733-737; Congar, « Dictionnaire de Théologie Catholique », « Schisme » , cols. 1303 ss.; Card. Journet, « L'Eglise du Verbe Incarné», vol. II, Desclée, Bruges, 1962, pp . 82'3 ss. ) .


EN DEFENSE .DE L'EGLISE ET DE LA PATRIE

367

sont devenus la partie la plus prestigieuse et la plus agissante des forces qui cherchent au Chili la destruction de l'Eglise et de la société temporelle; b) Ces Prélats entraînent derrière eux, par la persuasion ou la crainte de l'autorité hiérarchique sur laquelle ils s'appuient, une partie importante du Clergé, des religieuses, des institutions et des œuvres catholiques. c) Par la confusion qu'ils créent et par la crainte des pouvoirs canoniques qu'ils inspirent, ces mêmes prélats réduisent la grande majorité de leurs fidèles à la triste condition d'une Eglise du Silence, rendue muette par la perplexité et inhibée par le respect qu'elle a toujours eu pour l'autorité ecclésiastique ; d) L'action de ces Prélats, qui fait gravement tort aux intérêts de l'Eglise, se révèle aussi gravement préjudiciable pour la vie du pays. En effet, leur action étant secondée par de mauvais citoyens de tous acabits et par des agents de puissances étrangères, y compris des puissances impérialistes comme l'Union Soviétique, ils constituent pour notre Patrie non pas un danger à moyen ou long terme, .mais un danger proche que n'importe quelle circonstance peut transformer d'un moment à l'autre en péril imminent. 3. Il est impossible d'analyset ces faits à la lumière de la Doctrine Catholique sans penser aux figures canoniques de schisme ( cf. note 2 de cette conclusion), d'encouragement à l'hérésie et de suspicion d'hérésie , quand ce n'est pas d'hérésie proprement dite ( 3 ). Surgissent alors des problèmes graves et non dépourvus de complexité. ( J) Il est de doctrine courante entre les théologiens et les canonistes que l'encouragement à l' hérésie se présente de façons très diverses c'est-à-dire pas seulement par des paroles mais aussi par des attitudes 0 ~ des om issions qui favorisent directement ou indirectement la diffusion d'erreurs en matière de Foi. Il est particulièrement important de not er ici que l' encouràgement à l'hérésie peut se dé finir non seulement par quelque attitude isolée très caractéristiqu e, mais au ssi par un ensemble d'attitudes qui, bien que non dépourvues d' ambiguïtés, en reviennent


368

CONCLUSION

Quelle est la situation canonique que présente la conduite épiscopale et sacerdotale relatée dans ce livre? Et à quel degré? Il ne nous paraît pas possible de laisser flotter négligem• ment, comme de lourds nuages, ces deux questions sur la vie religieuse chilienne. Elles dépassent cependant les limites de ce livre. Pour les étudier, nous faisons appel ici avec respect et éonfiance à tous les ecclésiastiques chiliens conscients de la gravité du problème et du caractère dramatique de l'heure que nous vivons. Nous attendons de leur ferveur catholique qu'ils ne se cantonnent pas, en cet instant, dans un silence commode; mais qu'au contraire, adoptant face à ces problèmes la position que leur culture et leur zèle leur indiquent, ils accourrent à l'aide de l'Eglise et du Pays.

dans l'ordre concret à encourager la diffusion d'erreurs contraires à la Foi.

L'encouragement à l'hérésie, en vertu des dispositions pénales du Droit Canon a des effets précis. Selon le canon 2316, « est suspect d'h érésie celui qui, d'une manière quelconque, favorise spontanément et sciemm ent la propagation de l'hérésie » . Selon l'enseignement des canonistes, une telle suspicion peut être légère, grave ou très grave. Pour la suspicion légère, il n'y a pas lieu à des · sanctions, mais à des informations ou demandes d'éclaircissements, des avertissements et des interpellations. Les peines extrêmes - comme l'excommunication et la perte de la charge ecclésiastique - ne s'appliquent que lorsque la suspicion, au départ peutêtre légère, se fait grave puis très grave et finalement cesse d'être une suspicion pour devenir une certitude ( cf. Cans . 2314-231 7, Cardinal de Lugo, « Disputationes Scholasticae et Morales » , Vivès, Paris, 1868, pp. 201ss. 20Sss; Wernz-Vidal, « Jus Canonicum », Romae, 1937, tome VII , pp. 423 ss; Vermeersch-Creusen , « Epitome Juris Canonici », Desclée, 1946, tome III, pp . 316-317; Sipos, « Enchiridion Juris Canonièi », Romae, Herder, 1954 , p . 609 ).


EN DEFENSE DE L'EGLISE ET DE LA PATRIE

369

m EN DEFENSE DE L'EGLISE ET DE LA PATRIE, RESISTER CONFORMEMENT AUX LOIS DIVINES ET HUMAINES

En progressant dans l'analyse de l'impressionante réalité nationale, guidés par la lumière de la Doctrine Catholique et du Droit Canon, et contraints par la force inéluctable de la logique, nous ne voyons pas comment nous pourrions ne pas affirmer que, dans l'ordre concret, la conduite des Evêques et des Prêtres révolutionnaires a abouti à encourager Je schisme et l'hérésie. Une question concrète s'impose alors à l'esprit: quelle est l'attitude qu'il nous incombe de prendre en tant que catholiques et que chiliens en face de ces évêques et de ces prêtres? Notre réponse part de deux points de vue: 1. Les intérêts de l'Eglise et de la Civilisation Chrétienne dans notre Patrie.

Les catholiques qui ont pris connaissance de façon complète et globale des épouvantables conséquences de la situation prés~nte pour l'Eglise et la Patrie ont objectivement le droit et, selon les circonstances, aussi Je devoir - même s'ils ne sont que de simples fidèles - de résister à de tels pasteurs et au clergé qui les suit. Pour cela, nous déclarons ici notre ferme et irrévocable détermination de résister. Résister signifie: Déclarer et proclamer devant le Chili et le monde , par tous les moyens licites permis par le droit naturel et la loi


370

CONCLUSION

positive, canonique ou civile, en quoi consiste la conduite des autorités ecclésiastiques et des prêtres démol.iMeurs et rendre claire sa gravité, en vue du dommage qu'elle cause à l'Eglise et à la Civilisation Chrétienne dans notre Patrie; et nous opposer, dans toute la mesure qui nous est autorisée par la morale et le droit, à ce que de telles autorités et de tels prêtres utilisent leur prestige pour faire le mal que les faits rapportés dans ces pages indiquent - prestige qui devient alors un fruit usurpé aux charges sacrées qu'ils utilisent encore.

* * * Cette conclusion cause peut-être de la surprise à quelques lecteurs. Cette surprise, cependant, n'est pas fondée. Il serait exténuant de nous rapporter ici à tous les Pontifes, Pères de l'Eglise Docteurs, théologiens et canonistes dont quelques-uns sont élevés à l'honneur des autels et qui défendirent le droit des fidèles de résister en des circonstances semblables à celles que nous connaissons, à des décisions de l'autorité ecclésiastique objectivement erronées, dangereuses pour la Foi ou nuisibles à l'intégrité d'une Nation. Nous ne donnons ici que quelques exemples insignes: L' Apôtre des Gentils dit dans son Epître aux Gala tes: « Il y a des gens qui vous troublent et qui veulent pervertir l'Evangile du Christ. Mais quand nous-mêmes, quand un ange venu du ciel .vous annoncerait un autre Evangile que celui que nous vous avons annoncé, qu'il soit anathème! » ( Gal. 1, 7-8 ). Il y a là une profession de Foi absolue et admirable de Saint Paul, qui enthousiasme les camrs catholiques et foule, à travers les époques, le relativisme perturbateur et corrosif. Du haut de sa sagesse catholique, le grand Docteur Angélique, Saint Thomas d'Aquin, comme s'il avait prévu des heures douloureuses du genre de celles décrites par l' Apôtre, a tiré des enseignements limpides de l'épisode édifiant où Saint


EN DEFENSE DE L'EGLISE ET DE LA PATRIE

371

Paul « résista en face » à Saint Pierre, qui avait pris des mesures disciplinaires en faveur du maintien de pratiques venant de l'ancienne Synagogue dans le culte catholique. Saint Paul, voyant dans ces mesures·un grave risque de confusion doctrinale et de préjudice pour les fidèles, résista (Gal. II -11 ). Le premier Pape vit dans la réplique inspirée et fougueuse de !'Apôtre des Gentils un acte d'amour fraternel et non pas de rébellion. Et sachant bien en qtioi il était infaillible et en quoi il ne l'était pas, il céda aux arguments de Saint Paul ( 4 ). Saint Thomas conclue de cet épisode, avec une vérité susceptible d'éclairer des circonstances plus graves que l'erreur commise sans mauvaise foi ni obstination par Saint Pierre: « Quand il y a un péril proche pour la Foi, les Prélats doivent être contestés même publiquement par les subordonnés » ( « Somme Théologique, 11-11, 33, 4-2 ). Le Docteur Angélique ajoute plus Join que, dans ce fait rapporté par l'Epître aux Galates, « aux Prélats ( fut donné un exemple) d'humilité, pour qu'ils ne refusent pas d'accepter les réprimandes de la part de leurs inférieurs et subordonnés; et aux subordonnées, un exemple de zèle et de liberté pour qu'ils ne craignent pas de corriger leurs Prélats, surtout quand le crime a été public et cause de danger pour beaucoup » ( ad Gal,11, 11-14) . ( 4) Des canonistes et des théologiens des plus sérieux et des plus respectés, comme Wernz-Vidal et Palmieri, affirment qu'on n'est pas rebelle et moins encore schismatique quand on désobéit aux détenteurs de l'autorité ecclésiastique qui sont devenus suspects ( Wernz-Vidai « Jus Canonicum » , Romae, 1937, tome VII p. 439; Palmieri, « Tracta'. tus de Romano Pontifice » , Romae, 1877, pp. 194-195 . Et le grand théologien dominicain, le Cardinal Cayetano - le célèbre défenseur du Pouvoir Pontifical contre le protestantisme naissant - en commentant l'adage « ubi Petrus ibi Ecclesia » en arrive même à écrire : « L'Eglise est dans le Pape quand celui-ci se comporte en Pape, c'est-à-dire en tê te de l'Eglise; mais au cas où il ne voudrait pas agir en tête de l'Eglise, ni l'Eglise ne serait en lui, ni lui dans l'Eglise ». Voir dans le même sens: Vitoria, « Obras de Francisco de Vitoria » BAC Madrid, 1960, pp . 486-487; Suarez, « De Fide » , Vivès, Parisiis' 1858, disp . X, sec. VI , n. 16; Cornelio a Lapide, ad Gal, 2 . lt ; Peinador' « Cursus Brevior Theologiae Moralis », Coculsa, Madrid , Tome II, p. 287 ) '.


372

CONCLUSION

2. Nos relations de fidèles catholiques pratiquants avec les ecclésiastiques démolisseurs.

Une fois posée notre attitude de résistance, et notre attention se portant maintenant sur notre vie spirituelle de catholiques, il est inévitable de poser une autre question: Sommes-nous obligés, en saine doctrine, d'aller vers ces Pasteurs et ces prêtres pour recevoir de leurs lèvres, en des matières différentes de celles traitées dans ce livre, les enseignements de l'Eglise et pour recevoir de leurs mains les Sacrements? Il est nécessaire de signaler à ce sujet que: a) Pour qu'il y ait de pleins rapports habituels, même uniquement dans des matières différentes de celles traitées dans ce livre, il est nécessaire qu'il existe dans les relations spirituelles de la brebis à son pasteur et du fils à son père un niveau minimum de confiance et de concorde mutuelles. b) Etant donné l'envergure et l'importance que ces Pasteurs et ces prêtres donnent à l'action de démolition dénoncée dans ces pages ( ils mettent pour ainsi dire le meilleur de leur engagement à cette tâche qui bénéficie tellement à la cause marxiste ), nous considérons que, concrètement, il n'y a pas de conditions pour l'exercice habituel de ces rapports habituels. Nous ne voyons pas comment un tel exercice pourrait ne pas amener avec lui de risque très proche pour la Foi et un grave scandale pour les justes. c) Ceci étant, et sauf un meilleur jugement, nous affirmons que cesser les rapports ecclésiastiques habituels avec ces Evêques et ces prêtres est un droit de conscience pour les catholiques qui l'estiment insupportable; c'est-à-dire, dommageable pour la Foi elle-même et la vie de piété, et scandaleuse pour le peuple fidè~. . Nous ne croyons pas qu'il y ait un quelconque moraliste ou canoniste - surtout dans l'atmosphère si caractéristique de cette époque post-conciliaire - qui affirme que ces rapports habituels sont obligatoires dans des circonstances concrètes aussi graves que les circonstances actuelles.


EN DEFENSE DE L'EGLISE ET DE LA PATRIE

373

d) En outre, la dramatique situation où nous sommes n'est que l'étape la plus récente de tout un long processus. Il est dans la nature de ce processus que ses particularités ne se développent pas de façon absolument simultanée dans tout le Pays. Tout au contraire, il est un peu plus avancé ici, et quelque peu en retard là. Il est nécessaire de considérer Je cas de quelques ecclésiastiques dont l'engagement avec le processus de démolition existe, mais de façon très réduite. Tout ceci fait que plusieurs des situations concrètes créées par ce processus peuvent même être jugées, sous quelques aspects, comme n'étant pas complètement définies. Ainsi, il est compréhensible que des fidèles frequentent les Eglises des Pasteurs et des prêtres que nous dénonçons, et que d'autres se refusent à cela, et se coupent de toute relation spirituelle et religieuse habituelle avec ces ecclésiastiques, y compris en ce qui concerne la vie sacramentelle.

* * * L'Eglise au Chili est mise en état de silence, si nous la considérons dans l'immense majorité de ses membres qui est en profond désaccord avec le processus de marxisation auquel elle est soumise. Nous écrivons cet ouvrage afin que ces innombrables catholiques d'une authenticité indiscutable puissent prendre pleinement conscience de leurs droits et de leurs devoirs, et se sentent alors la liberté d'agir en accord avec le dynamisme légitime de leurs âmes; mais agir dans la sérénité, au sein d'une inébranlable fidélité, et fermement unis dans l'orthodoxie et la Foi, car autrement les catholiques chiliens du Silence paraîtraient placés devant un dilemme absurde: - se transformer en spectateurs plus ou moin s abattus et écrasés - et même en animaux de laboratoire sans défense du processus de démolition de l'Eglise et du Pays, paralysés par une prétendue nécessité d'obéissance à quelques pasteurs et quelques prêtres qu'en réalité ils ne sont pas canoniquement obligés de suivre;


374

CONCLUSION

ou adopter une position désespérée qui conduise à la perte de la Foi et à la rupture de la communion avec l'Eglise, péché d'une gravité extrême, auquel on ne doit jamais consentir, quelle que soit la situation où se trouve le catholique. Nous n'acceptons pas cette absurde alternative. Nous affirmons catégoriquement que la voie qui s'ouvre devant nous n'est pas l'absurde mais au contraire un chemin de lutte vaillante, un chemin d'inébranlable fidélité qui amène la tranquillité aux consciences. Nous débâillonnons l'Eglise du Silence au Chili, en collaborant à la tirer avec l'aide divine, du terrible état où elle se trouve. Nous désirons ainsi apporter des éléments pour que les catholiques jusqu'à présent tenus au silence et garrottés par les fers de la confusion et de la crainte morale, respirent, fassent usage de la liberté qui leur revient légitimement dans une situation extrêmement afflictive comme la présente, joignent leurs forces et gardent en vue les chemins nécessaires pour défendre - en tant que catholiques - l'Eglise et notre Patrie, attaquées de façon si déconcertante et si violente.

* * * En formulant publiquement ces charges et la proclamation qui en découle de résistance active et légitime aux Evêques et aux prêtres démolisseurs, nous réaffirmons ici encore une fois toute notre adhésion à la Sainte Eglise Catholique, Apostolique et Romaine. Ce pas que nous faisons aujourd'hui est lui-même une conséquence et une manifestation de notre amour et de notre obéissance à la doctrine enseignée par le Magistère infaillible de l'Eglise et ainsi nous nous soumettons au précepte de !'Ecriture: « Sois vigilant et affermis le reste qui allait mourir ( ... ) Souviens-toi donc de l'enseignement que tu as reçu et entendu; garde-le » ( Ap. III, 2-3 ). Nous n'avons à invoquer d'autre titre que .celui, peut-être simple aux yeux du monde, mais grand et noble aux yeux de


La statue miraculeuse de Notre-Dame de Fatima qui pleura en 1972 à la Nouvelle-Orléans, aux Etats-Unis. Sur la photographie, elle est revêtue de l'habit du Carmel.


376

CONCLUSION

Dieu, de fidèles baptisés et enfants de la Sainte Eglise Catholique, à laquelle nous voulons avec tout l'élan de nos âmes vivre et mourir unis. Nos frères dans la Foi qui accompagnèrent avec nous, dès ses premières manifestations, cette véritable tempête de ténèbres qui s'abattit sur l'Eglise et sur notre Patrie, comprennent bien jusqu'à quel point toute cette situation a empli d'angoisse nos esprits pendant ces années; car cette angoisse a été aussi la leur. Si nous - qui, en tant que laïcs et jeunes, constituons la catégorie la plus basse à l'intérieur de l'Eglise - sommes ceux qui prononcent ce qui est dans de nombreux cœurs catholiques affligés, réduits au silence et spirituellement torturés, c'est parce qu'il n'y eut personne avant qui éleva une voix plus autorisée pour dire tout ce que nous consignons. En outre, la défense de la Civilisation Chrétienne et de notre Patrie a rendu l'accomplissement de ce devoir impossible à repousser. En effet, chez ces Evêques dont la conduite aboutit, concrètement, à un indéniable encouragement au schisme et à l'hérésie, on trouve personnifiée une des causes les plus agissantes qui a contribué à précipiter le Chili dans les griffes du marxisme et qui menace de }'.y précipiter à nouveau.

• • • Au moment de remettre ce livre à l'impression, quelques symptômes naissants de détente entre l'Episcopat et le Gouvernement chiliens se sont manifestés. On pourra se demander si à partir de ce relâchement de la tension, il n'est pas raisonnable d'affirmer que les appréhensions que nous manifestons sur l'avance du procèssus évolutif vers le socialisme, auquel les Evêques et prêtres révolutionnaires essaient de ramener le Chili, ne perdent pas tout fondement pour l'avenir. Il faut signaler à ce sujet : a) En considérant les preuves de bonne volonté que le gouvernement a données jusqu'à maintenant, on peut espérer


EN DEFENSE DE L'EGLISE ET DE LA PATRIE

377

qu'il fera tout ce qui est de son ressort pour établir une normalité de relations avec la Hiérarclùe ecclésiastique, sans préjudice des garanties indispensables que le bon ordre et la souveraineté nationale exigent. b) Cependant, en ce qui concerne la Hiérarclùe et les prêtres démolisseurs l'énorme accumulation d'antécédents pendant ces quinze années parle en sens contraire. Autrement dit, l'intention un tant soit peu plus pacifique qui transparait par certains aspects de la dernière Assemblée Plénière des Evêques, à San José de la Mariquina, n'apporte pas d'éléments capables d'assurer que nous soyons en présence d'une attitude de détente qui se maintiendra longtemps, et moins encore d'un retour en arrière dans l'engagement révolutionnaire socialiste. Cette Assemblée Episcopale s'est tenue sous l'impact du choc supporté par les fidèles chiliens quand ils prirent connaissance du genre de liens existant entre des Prêtres révolutionnaires extrêmistes et le réseau terroriste récemment démantelé par les forces de sécurité. De son côté , la confirmation de Mgr. Camus comme Secrétaire Général du Comité Permanent de !'Episcopat rend suprêmement ambiguës les expressions de détente des Prélats. c) En marge de tout ceci, pour qu'une éventuelle intention des Pasteurs et des prêtres révolutionnaires de changer leur ligne de conduite - si terriblement continue et systématique au milieu de petites adaptations circonstancielles - soit prise au sérieux, il serait indispensable qu'ils prouvent, par des faits éloquents, catégoriques et nombreux, qu'ils reconnaissent avoir essayé de guider le peuple chilien dans un chemin profondément erroné, et qu'ils sont décidément engagés à le mener dans un sens opposé. Or un changement de mentalité et de conduite de cette nature serait si important qu'il ne peut s'être produit soudainement: « nemo repente fit summus ». On ne peut admettre que de simples sourires, des paroles aimables ou d'éventuelles modifications réduites et superficielles qui viendraient à se manifester dans le comportement de ces Prélats et de ces prêtres,


378

CONCLUSION

puissent être tenues pour des preuves suffisantes que, tel Clovis, ils sont disposés à brûler ce qu'ils ont adoré et à adorer ce qu'ils ont brûlé. d) Dans de telles conditions, les graves problèmes exposés dans ces pages se posent en ce moment dans toute leur dramatique actualité, et méritent l'étude urgente des théologiens, canonistes et de façon générale des catholiques de culture religieuse sérieuse. Ainsi, nous concluons nos considérations attentifs à ce que ces théologiens, canonistes et catholiques de formation solide pourront faire ou dire spécialement en ce qui se rapporte à la résistance et à la cessation des rapports habituels avec les Evêques et les prêtres démolisseurs. En publiant ce livre et en invitant au dialogue ceux qui peuvent et doivent analyser avec sérieux et précision la réalité qui afflige les fidèles catholiques dans notre Patrie, la TFP a la pleine certitude d'.avoir accompli son devoir. Par amour de l'Eglise et du Chili, il est néœs.saire maintenant que spécialement ceux des membres du Clergé et du Laïcat qui ne se sont pas associés au processus rév.olutionnaire destructeur parlent clairement, en présence de toute la Nation, soit qu'ils soient d'accord avec nos appréciations, soit qu'ils soient en désaccord. *

*

*

La paix dans nos consciences et la résolution, plus forte que jamais, de poursuivre la lutte contre le communisme, fondés sur les enseignements de la Doctrine Catholique immuable, nous nous tournons enfin vers Notre-Dame du Carmel. Ce fut l'une des invocations sacrées sous laquelle la Mère de Dieu apparut à Fatima, quand en 1917 elle annonça au monde paganisé des épreuves comme celles dans lesquelles se débat aujourd'hui notre Pays. Nous Lui demandons, à Elle qui comme Reine et Patronne du Chili a fait sentir tant de fois Sa maternelle prédilection sur


EN DEFENSE DE L'EGLISE ET DE LA PATRIE

379

Son troupeau, qu'Elie le préserve dans l'intégrité de la Foi, en attente du moment glorieux où Elle nous obtienne la Grâce de nous octroyer des Evêques qui puissent dire d'eux-mêmes devant le Divin Pasteur, les paroles que Lui-Même avait dites sur la terre à Son Père: « J'ai gardé ceux que vous m'avez donnés, et pas un d'eux ne s'est perdu » ( Jn. XVII, 12 ).

Santiago, le l er Janvier 1976

SOCIETE CHILIENNE DE DEFENSE DE LA TRADITION, FAMILLE ET PROPRIETE



ANNEXES



ANNEXE I

RESPECTUEUSE INTERPELLATION A SON EXCELLENCE DON EDUARDO FREI MONT AL VA PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

La propriété privée, l'un des fondements de la Civilisation Chrétienne et l'une des conditions de la liberté de l'Eglise, exposée à la mutilation et à la mort dans la Constitution chilienne.

Monsieur le Président de la République, En nous adressant à Votre Excellence, en tant que Chiliens et catholiques, nous vous présentons avant tout l'expression de notre respectueuse considération et de notre attachement constant aux Pouvoirs Publics qu'assume Votre Excellence. Le respect et l'attachement n'excluent, Monsieur le Président, ni la dignité ni la . franclùse. Et, . en ces jours troublés, nous manquerions à notre devoir envers la Patrie, la civilisation ~t l'Eglise catholique, si nous ne nous adressions pas à Votre Excellence avec la franclùse respectueuse et la dignité chrétienne caractéristiques des clùliens, dans l'exercice des libertés consti- ·


384

ANNEXE I

tutionnelles, pour solliciter une explication publique sur un fait qui nous surprend profondément.

I. - Nous formons un groupe de jeunes, pour la plupart étudiants. Réunis autour de la revue catholique « FIDUCIA », nous nous consacrons à la propagation et à la défense des principes auxquels sont attachés nombre de chiliens. Nous souhaitons pour notre Patrie toute prospérité et toute grandeur. C'est pourquoi cette grandeur, nous la voulons crétienne, et chrétienne aussi cette prospérité, dans ses racines-mêmes. Il. - Nous sommes donc certains que le fait qui nous surprend si profondément a plongé également dans la perplexité et l'appréhension des milliers de chiliens qui, en grand nombre, ont voté pour Votre Excellence dans le seul but d'empêcher la victoire du candidat marxiste et, par là, de maintenir notre Pays dans le chemin sacré de la Civilisation Chrétienne. Ill. - Nous sommes donc convaincus que Votre Excellence ne refusera pas une explication publique, substantielle et approfondie sur le problème qui nous préoccupe: a) Sur l'initiative de Votre Excellence, le Congrès National est saisi de la réforme de l' Article l 0, n . l 0, de notre Constitution, réforme qui revient à supprimer la garantie de l'inviolabilité du droit de propriété privée; b) Cette proposition, si elle est adoptée, signifiera que le Chili aura cessé de reconnaître le droit de propriété comme l'un des corollaires nécessaires à la dignité de l'homme et l'un des droits imprescriptibles de l'ordre naturel institué par Dieu et qu'aucune autorité humaine ne peut violer; c) Ainsi, le droit de propriété défini par tous les papes, selon les principes énumérés plus haut , comme l'un des fondements nécessaires de la Civilisation Chrétienne, pourra être mutilé ou abrogé en vertu de n'importe quelle loi ordinaire, faisant du Chili, sans autre difficulté, un Etat anti-chrétien , socialiste ou communiste;


A NNEXE I

385

d) La réforme constitutionnele proposée par Votre Excellence, outre le risque grave qu'elle fait courir à la Civilisation Chrétienne, met également en péril la liberté du culte. Le lien intime et inéluctable existant entre l'institution de la propriété privée et la liberté du culte se fonde sur de nombreux arguments tirés tant des Saintes Ecritures que des enseignements du Magistère Suprême de l'Eglise . En bref, selon la doctrine catholique, le droit de propriété est un corollaire du droit accordé par le Créateur à l' homme , en tant qu'être doté d'intelligence et de raison , de disposer avant tout pour lui-même du fruit de son travail. Fort de ce droit, l'homme peut s'approprier les bins matériels, les transformer et les exploiter à son profit. Le pape Léon XIII afirme , ainsi, dans son Encyclique « Rerum Novarum » que le capital n'est assurément que du « salaire transformé ». Et le droit de propriété constitue un attribut si caractéristique de la dignité humaine que, sous ce rapport des biens matériels, toute la différence entre l'homme et les animaux repose sur ce droit . En effet, le Souverain Pontife déclare: « Il faut reconnaître à l'homme non seulement la faculté d'user des biens de la terre à la façon des animaux, mais en plus le droit de les posséder, tant ceux qui se consomment par l' usage que ceux qui demeurent après avoir servi ». Dès lors, l'on comprend que l'abolition de la propriété privée conduise à un ordre de choses fondamentalement contraire à la dignité humaine et donc incompatible avec la mission sanctifiante de l'Eglise, laquelle consiste à promouvoir tou t ce qui élève et grandit l'âme. En conséquence, les catholiques ne peuvent accepter un ordre de choses excluant la propriété privée. Cette considération, déduite de ce que la mission de l'Eglise a de plus profondément religieux, apparaît encore plus claire, si nous considérons qu'Elle est la gardienne de l'ordre naturel établi dans les commandements de la Loi de Dieu, deux d'entre eux consacra1lt pour toujours le principe de la propriété privée: « Tu ne voleras pas » et « Tu ne convoiteras pas ·le bien d'autrui ».


386

ANNEXE 1

Ces raisons et bien d'autres conduisent à la conviction que la conscience chrétienne ne pourra jamais pactiser avec l'injustice monstrueuse et permanente découlant de l'abolition, par la loi civile, de la propriété privée. Et elle ne peut que protester et lutter,jusqu'à ce que cesse cette injustice. Or, un Etat collectiviste et ipso facto totalitaire de par sa nature, ses lois et ses moyens de lutte, ne pourrait tolérer cette sainte réaction de la conscience catholique. De là aux mesures coercitives de la liberté religieuse et à la proscription en fin de compte du Clergé fidèle à sa mission, il n'y aurait qu'un pas vite franchi. Ainsi, comme il est facile de le voir, supprimer les garanties constitutionnelles qui protègent la propriété privée, c'est mettre en péril, par là-même, la liberté du culte. Ce qui ressort si clairement des raisonnements exposés vient de recevoir d'un organe important du Saint-Siège une confirmation que nous mentionnons au pa!isage. Dans une lettre récente, la Sacrée Congrégation des Séminaires et Universités approuve pleinement l'étude complète et irréfutable d'un intellectuel brésilien, démontrant l'impossibilité totale de la coexistence pacifique de l'Eglise et d'un régime économico-social fondé sur l'abolition de la propriété privée. U s'agit d'une étude du Dr. Plinio Corrêa de Oliveira, Professeur à l'Université Catholique Pontificale de Sao Paulo et dont nous nous permettons, à titre de documentation complémentaire, de joindre un exemplaire. e) Compte-tenu de tout ce qui précède, il nous semble inexplicable, Monsieur le Président, que cette réforme constitutionnelle qui porte si gravement atteinte au droit de propriété et, par là , à la Civilisation Chrétienne et à la liberté du culte, soit proposée précisément par le Chef de l'Etat élu sous le label d'un Parti Politique, dont on serait en droit d'attendre le contraire, vu le titre de chrétien qui lui permet d'attirer la sympathie et la confiance des chiliens. En conséquence, nous vous prions respectueusement , et avec la plus grande insistance, Monsieur le Président de la Répu-


ANNEXE I

387

blique, de bien vouloir éclaircir à notre intention les points suivants: 1. - Votre Excellence considère-t-elle que la propriété privée n'est pas un fondement de la Civilisation Chrétienne? II. - Votre Excellence nie-t-elle le lien existant entre le droit de propriété et la liberté du culte qui ressort clairement de tant d'arguments fondés sur la doctrine catholique et que la Sacrée Congrégation des Séminaires et Universités vient d'affirmer si expressément à propos de l'essai « La Liberté de l'Eglise dans l'Etat communiste » du Pr. Plinio Corrêa de Oliveira? III. - Votre Excellence est-elle indifférente à tout cela et désire-t-elle , coûte que coûte, ouvrir la voie à la mutilation ou même à l'abolition de la propriété privée? En posant à Votre Excellence ces questions d'une extrême gravité, nous exerçons un droit légitime reconnu expressément par notre Charte Fondamentale. Nous attendons de vous, sur un problème si important, une réponse directe explicitant votre· prise de position, personnelle et intransmissible, en tant qu'homme et principalement en tant que Chef d'Etat. Nous vous prions donc de ne pas susciter de problèmes à !'Episcopat National pour l'initiative que nous avons prise en tant que citoyens et à laqùelle il incombe à Votre Excellence de répondre personnellement en votre qualité de Président de la République . En vous remerciant à l'avance , nous vous prions d'agréer l'expression de nos sentiments respectueux ( * ).

( •) Le document reçut au début 804 signatures, auxquelles vinrent s'ajouter celles de 57 é tudiants et 4 .326 autres personnes qui signèrent spontanément au cours des brèves collectes dans les rues, sans compter l'appui d'importantes personnalités et institutions nationales. Le docu ment parut dans « El Mercurio » du 15-5 -6 5 et dans « FIDUCIA » n. 17, mai-juin 1965.


ANNEXE II

MANIFESTE A LA NATION CHILIENNE

SUR LE PROJET DE REFORME AGRAIRE DU PRESIDENT EDUARDO FREI

L'opinion publique du Chili assiste à un débat brûlant, dont Je dénouement est lourd d'interrogations angoissantes. Ce débat est centré sur Je projet de « réforme agraire » que M. Frei, sous sa signature et sa responsabilité , a soumis à l'approbation du Congrès National. Alors que ce projet passe à l'ordre du jour au Parlement et que des agitateurs professionnels parcourent les campagnes soulevant sur leur passage des dissenssions artificielles et la haine des classes, la presse, la télévision et la radio retransmettent les divergences d'une polémique généralisée et la préoccupation des secteurs nationaux• les plus divers face à tel ou tel aspect du projet en question . Au milieu de tout cela - même quand ce sentiment n'est pas clairement exprimé - chacun perçoit que ce qui est en discussion n'est pas un simple projet de loi mais que, derrière ce projet, se joue de façon décisive l'avenir du Chili. La propagande en faveur de la réforme agraire et le transfert idéologique inaperçu vers le marxisme

Sur le Chili souffle comme un vent d'hostilité contre la propriété privée. C'est ce que démontre de façon éclatante et


ANNEXE Il

389

sans laisser place à aucune illusion le projet de réforme agraire en discussion, présenté avec le soutien total de M. Frei. Il y a déj à longtemps que ce courant, fondé sur des idéologies et non sur des arguments techniques, se dessine de plus en plus nettement: ainsi l'opinion publique avait assisté à la présentation d'un projet de réforme constitutionnelle ôtant toute garantie au droit naturel de propriété privée, livré au seul arbitrage de l'Etat; elle avait vu l'application d'une politique de taxation injuste et écrasante ; elle avait perçu le ton menaçant des déclarations et des discours; aujourd'hui, M. Frei à la tête de son gouvernement fait un pas de plus, avec une réforme agraire socialiste visant à la persécution et à la confiscation; demain , nous aurons la « Réforme Urbaine ». Le voile se lève donè, et il serait absurde de nier l'existence de ce courant d'hostilité contre la propriété privée, un courant à caractère idéologique et doctrinal. Et derrière ce projet de réforme agraire en discussion , c'est quelque chose de décisif et déterminant pour la vie et l'avenir du Chili que tous perçoivent ; c'est la mystique idéologique de l'égalité complète et avec elle, en dernière analyse, de façon plus ou moins consciente et explicite, la mystique du communisme lui-même, qui entraîne le Chili. Et c'est le processus de cette propagande que décrit aujourd'hui avec lucidité le Pr. Plinio Corrêa de Oliveira, dans son récent essai « Transfert Idéologique Inaperçu et Dialogue », intégralement publié par « FIDUCIA » n . 21-22 du mois de janvier dernier. Selon l'auteur, « le dernier stratagème communiste pour conquérir l'opinion mondiale » consiste précisément en ce · « transfert idéologique », habilement conduit par le truchement de mots-talismans tels que « réforme », « coexistence », « dialogue », dans leur sens marxiste . Il est facile de relever le nombre incalculable de mots-talismans de sens analogue utilisés tout au long de la campagne menée en faveur de la réforme agraire, tels que « égalité », « révolution sociale » etc., visant à provoquer chez de nombreux chiliens, à leur insu, un glissement idéologique : d'opposants à la réforme agraire, ils son t devenus tolérants et même sympathisants; foncièrement anti-


390

A NNEXE II

communistes, ils se convertissent peu à peu au marxisme, plus ou moins consciemment et à des degrés divers.

La position de « FIDUCIA »

C'est la raison pour laquelle « FIDUCIA », revue consacrée à la défense des préceptes immuables du droit naturel, sans lesquels ne pourraient exister la vraie justice et la paix sociale, décide de s' adresser publiquement au Pays, assumant la responsabilité de signaler, avec la franchise absolue et la clarté requises en la circonstance, quelques-uns des derniers et véritables effets du projet de réforme agraire que M. Frei lance parallèlement à d'autres projets de loi similaires, afin de révéler à la face du Pays, dans toute sa profonde injustice, la volonté d'asservissement de groupes sociaux déterminés, collectivistes, à l'égard des soi-disant bénéficiaires de l'application de cette réforme. Il y a déjà quelques mois, alors qu'aucune voix ne se faisait entendre encore dans la nation, « FIDUCIA » a élevé la sienne pour solliciter des explications publiques du Président de la République à la suite de son initiative visant à réformer la Constitution en matière de droit de propriété, réforme qui sert si efficacement les objectifs du co~munisme international. Le silence significatif observé alors par M . Frei, en dépit des larges répercussions de cette interpellation, a résonné pour celui qui a su l'entendre comme un cri d'alarme devant l'orientation du Gouvernement qu'il conduit, orientation révélée aujourd 'hui avec plus de force encore. La situation s'est aggravée actuellement et c'est pourquoi « FIDUCIA » estime nécessaire d'aborder sans plus tarder un problème étant avant tout moral et de principes. Au cours de ce débat public auquel le Pays assiste , peu à peu des arguments se font jour, s'élevant contre le projet en question, aurguments d'un grand intérêt patriotique sur les plans technique, économique et politique et qui font la lumière sur certains aspects du problème . Sans pour autant méconnaître


ANNEXE II

391

le sens ou la portée de ces arguments, FIDUCIA pense pour sa part qu'il y a lieu d'analyser la réforme agraire sur la base de principes préalablement d~finis; sinon, tout élan patriotique contre les thèses idéologiques, base du projet gouvernemental, manquera de force et ne saurait atteindre le succès que, du fond du cœur nous souhaitons, nous chiliens qui désirons pour notre Patrie la grandeur et la prospérité, fondées sur une justice et une paix sociale authentique. Tel est l'appel que nous prenons aujourd'hui la re~ponsabilité de lancer à tous les chiliens, pour mener une lutte idéologique fervente, indépendamment des intérêts personnels; pour une réaction saine, pacifique et salutaire, qui aurait ses racines dans le bon sens populaire le plus pur ancré dans l'histoire et les traditions chrétiennes du Chili . En envisageant la réforme agraire sous l'angle des principes qui régissent l'ordre social et qui ne sont autres que les principes immuables de la Loi Naturelle, il en est un qui revêt une importance particulière: le principe de la propriété privée des biens, y compris ceux de production, car c'est contre ce principe essentiel à tout ordre social bien établi que convergent les principales attaques du projet conduit par M. Frei. A la lumière des préceptes de la Loi Naturelle et, en résumé, l'on peut dire du droit de propriété privée qu'il est un corollaire nécessaire de la dignité de l'homme, l'un des droits découlant de l'ordre naturel institué par Dieu et qu'il n'est donc pas permis à une autorité humaine de le violer. Ce droit est un attribut de la dignité humaine, si caractéristique même qu'en égard aux biens matériels, c'est lui qui distingue l'homme de la bête; en effet, selon les propres paroles du pape Léon XIII dans son Encyclique « Rerum Novarum » « fl faut reconnaître à l'homme non seulement la faculté d 'use; des biens de la terre à la façon des animaux, mais e11 plus le droit de les posséder, tant ceux qui se consomment par l'usage que ceux qui demeurent après avoir servi ».


392

ANN EXE II

Le droit de propriété, la Loi Naturelle et le Décalogue

Dans cette tentative d'attente au droit de propriété, il y a quelque chose d'essentiellement injuste, de radicalement contraire à la morale, sur quoi l'on ne s'étend pas généralement autant que l'exige la gravité indiscutable du fait: porter atteinte et mutiler ce droit émanant de l'ordre naturel institué par Dieu et qui constitue un attribut de la dignité humaine, non seulement conduit à la ruine économique, dont l'histoire fournit des témoignages abondants, mais tend également à créer un état de choses utopique et contre-nature. La mitigation ou l'abolition de la propriété privée implique la négation graduelle des valeurs les plus significatives de l'existence humaine, à savoir les valeurs religieuses; et cela soit à travers la déformation à laquelle sont sujets ceux qui subissent passivement la pression d'une structure collectiviste, contraire à l'ordre instauré par le Créateur pour l'homme et la société; soit à travers la répression qu'un régime collectiviste, ne serait-ce que pour survivre, serait contraint d'appliquer contre ceux qui, suivant la voix de leur conscience, se refuseraient à accepter cet état de choses contraire non seulement à la Loi Naturelle, mais également à la Loi Divine; celle-ci comporte, en effet, deux préceptes consacrant pour toujours le droit naturel de propriété: « Tu ne voleras pas » et « Tu ne convoiteras pas le bien d'autrui ». Telle est la ferme position adoptée par le professeur Plinio Corrêa de Oliveira, dans sa célèbre étude « La liberté de l'Eglise dans l'Etat communiste » ( *) ( « FIDUCIA », n. 9, Juillet 1964 ), ouvrage prôné et recommandé par la Sacrée Congrégation des Séminaires et Universités et sur lequel s'est appuyée la respectueuse interpellation adressée au mois de mai dernier au Président de la République par la revue « FIDUCIA » . ( • ) La quatrième édition française de cet ouvrage est parue sous le titre « L'Eglise et l'Etat communiste : la coexistence impossible » aux Editions T .F.P. - BP 90 - 92205 Neuilly/Seine.


ANNEXE Il

393

Après la présentation du projet de réforme agraire et son éventuelle approbation - qu'on le veuille ou non - on s'achemine non seulement vers l'abolition de la propriété privée, mais également vers la destruction des plus hautes valeurs religieuses et de tous ordres dans la Nation. Tel est, posé en termes radicaux, le problème de fond, le vrai et grave problème qui doit être abordé avec franchise, clarté et réalisme, pour comprendre la profonde injustice qui règnera prochainement sur notre Patrie, si une réaction saine et bénéfique ne se manifeste pas. C'est la raison pour laquelle « FIDUCIA » appelle tous les chiliens à amorcer une campagne d'éclaircissement idéologique contre les idées de la réforme agraire gauchiste inspirée par le Gouvernement actuel. Cette explication est d'autant plus nécessaire, si l'on considère que Je projet de réforme agraire est rédigé avec une telle habileté que ce qu'il a d'injuste ou de funeste risque de passer inaperçu même aux yeux d'esprits clairvoyants et bien intentionnés ne disposant pas du temps nécessaire pour l'étudier dans tous ses détails les plus infimes.

I - LE DROIT DE PROPRIETE PRIVEE DANS PLUSIEURS DISPOSITIONS DU PROJET DE REFORME AGRAIRE

La propriété pnvee constitue un droit naturel dont le sujet intrinsèque est la personne humaine ; or, celle-ci est ontologiquement antérieure à l'Etat; aussi, l'Etat ne l'ayant pas instituée ne peut en aucune manière l'abolir et il n'a donc pas Je droit de confisquer arbitrairement ce qui est aux uns pour Je donner aux autres . Affirmer le contraire , c'est accepter un


394

ANNEXE Il

totalitarisme socialiste ou communiste, en foulant aux pieds la vie sociale, chrétienne et saine. Ainsi, selon la doctrine catholique, « si les citoyens, si les familles entrant dans la société humaine y trouvaient ( dans les Pouvoirs Publics) au lieu d'un soutien un obstacle, au lieu d'une protection une diminution de leurs droits, la société serait plutô t à rejeter qu'à rechercher » ( Léon XIII, « Rerum Novarum » ). D'autre part, la doctrine catholique est contraire à l'esprit socialiste, qui subordonne à l'arbitrage sans limites de la législation de l'Etat les droits fondés sur la loi naturelle.

Sous couvert de fonction sociale rattachée à la propriété privée individuelle, on en arrive pratiquement à abolir CP.Ile-ci

L'homme, de par sa nature , est à la fois individu et membre de la société. La propriété constituant un droit inhérent à cette nature de l'homme a également un double aspect, individuel et social. Que la propriété privée ait un rôle social, cela est évident . Mais prétendre la ramener à une simple fonction sociale , c'est tomber dans l'erreur et violer ce droit . Il serait tout à fai t illégitime d'invoquer la fonction sociale des droits individuels pour, dans la pratique, mutiler et presque annuler ces droits. Il convient de souligner, à ce propos, que lorsqu'on parle de fonction, on parle d'organe. Ainsi, la fonction sociale d'un droit est :'l celui-ci ce que toute fonction est à l'organe correspondant . Et ce n'est pas - cela va de soi - en foulan t aux pieds ou en détruisant l' organe - dans le présent cas le droit individuel - que l'on améliore sa fonction. Corriger ou améliorer une quelconque fo nction ne consiste pas à la détruire ou à la diminuer essentiellement.


ANNEXE II

395

L'Etat, moyennant une confiscation générale, se pose en arbitre absolu des droits privés.

L'action propre de l'Etat ne consiste pas à imposer un régime contraignant en ce qui concerne la propriété agricole; mais à s'efforcer d'abord d'apporter les moyens nécessaires pour accroître la productivité de l'agriculture et procurer de la sorte un plus grand bien-être à la communauté. Si, dans certains cas, le morcellement des terres s'avérait nécessaire, le rôle de l'Etat serait d'encourager, selon le principe de subsidiarité, les propriétaires à le faire eux-mêmes, et, seulement en ultime recours, d'intervenir directement si le bien commun l'exige, et moyennant une indemnisation juste et équitable. Mais cela, seulement si l'on est assuré que la communauté en retirera un plus grand profit sur le plan social et économique. L'expropriation des biens privés , dans un ordre bien réglé, doit représenter l'ultime et dernier recours de l'autorité publique. Mais c'est intervertir l'ordre juridique logique que de commencer par l'expropriation, ce qui pèserait lourdement sur l'économie publique, avant d'avoir épuisé tous les moyens nécessaires. Il serait beaucoup moins conforme à la justice . d'établir comme point de départ pour l'amélioration de l'activité agricole et des agriculteurs une action générale d'expropriation, instituée à priori, de l'Etat sur la propriété privée. Car détruire, ce n'est pas améliorer. Violer les droits acquis revient à altérer l'ordre juridique de la Nation . Et confier la propriété à l'arbitrage tout-puissant des pouvoirs publics consiste à subordonner les individus à un absolutisme d'Etat, caractéristique d'un régime socialiste ou communiste. En effet, le propre de l'idéologie socialiste est d'établir une contradiction dialectique entre les droits des individus et ceux de la société, et de prescrire un système juridique qui, en cas de conflit, offre tout simplement en holocauste à l'Etat les droits des personnes. Tel est effectivement Je contenu de l'article deuxième du projet: « Pour que la propriété agricole


396

ANNE XE II

remplisse une fonction sociale, est déclarée d 'u tilité publique et est autorisée: l'expropriation totale ou partielle des domaines agricoles qui se trouveraient dans l'une ou l'au tre des situations indiquées dans les art. 3 à 10 de la présente loi ». Or, comme nous le verrons plus loin, en vertu de ces articles, toutes les terres sont sujettes à l'expropriation, tant les terres cultivées que celles non cultivées. La doctrine catholique est totalement opposée à cette position, car elle établit: « Le droit de propriété, même des biens de production, a valeur permanente, pour cette raison précise qu'il est un droit naturel fondé sur la priorité, ontologique et téléologique, des individus sur la société. Au reste, il serait vain de revendiquer l'initiative personnelle et autonome en matière économique, si n'était pas reconnue à cette initiative la libre disposition des moyens indispensables à son affirmation » ( Jean XXIII, « Mater et Magistra » ). Toute propriété agricole est soumise à l'arbitraire de l'Etat

Pour une meilleure compréhension du sujet, nous donnons ci-dessous un résumé des motifs d'expropriation énumérés dans les articles 3 à 10 du projet; aux termes de ces articles est sujette à l'expropriation toute propriété: a) D'une superficie supérieure à 80 hectares irrigables ( Articles 3 et 5 ) ; b) Qui serait située dans la zone d'application de la Loi de la Propriété Australe et ayant connu des problèmes légaux et relatifs à la possession des terres ( Article 9 ). La zone d 'application comprend les provinces de Malleco, Cautin, Valdivia, Osorno, Llanquihue et Chiloé et jusqu'à la limite nord de la province de Magallanes ( Décret n . 1600 du 31-3-1931). c) Qui serait située dans la zone où l'Etat réalise ou réalisera des travaux d'irrigation ou de mise en valeur et déclarée zone d'irrigation ( Art. l O ) ;


ANNEXE II

397

d) Appartenant à plusieurs personnes et encore dans l'indivision deux ans après l'entrée en vigueur de la loi ( Art. 8 ); e) Appartenant à des personnes morales ( Art . 6 ); f) Louée ou cédée à des tiers en vue de son exploitation, si les propriétaires ont enfreint les dispositions légales règlementant les baux et autres formes d'exploitation par des tiers (Art.7); . g) Qui serait laissée en friche ou mal exploitée ( il appartiendra à la Corporation de la Réforme Agraire d'en juger CORA, Art. 4 ). Si nous considérons ces motifs d'expropriation, ainsi que les exceptions ( articles 1S à 22 ) prévues dans le projet , nous concluons que toute propriété, qu'elle soit cultivée ou non, est sujette à confiscation par les Pouvoirs Publics. Si l'on analyse les conséquences de ces dispositions, cela signifie qu'au cas où le projet de M. Frei viendrait à être adopté, être propriétaire équivaudra à vivre d'une bénigne concession d'Etat, susceptible d'être diminuée ou supprimée, çà et là , au gré et à la fantaisie de l'Etat. Donc, l'inviolabilité du droit de propriété serait abolie et, de ce fait, la sécurité des individus et des fanùlles ne serait plus sauvegardée dans les domaines politique, économique et social . Le droit de propriété est un tout. Il n'existe pas deux sortes de droits: l'un portant sur l'indispensable et qui serait, en soi, inviolable ; l'autre, sur le superflu, qui ne le serait pas. Cette unité des droits doit être aujourd'hui clairement réaffirmée, afin <léviter que la propagande en faveur de la réforme agraire n'introduise l'idée fausse et artificieuse d'une division où elle trouverait une justification de ses désirs de spoliation. En principe, si les droits des propriétaires sont des droits acquis légitimement conformément à la Loi Naturelle et civile, une loi postérieure - selon les normes de la justice et de la morale - se doit de les respecter. En conséquence, en ce qui concerne la dimension du domaine, une loi ne peut, d'une manière rétroactive, délimiter ce qui représente un droit acquis et antérieur à elle, encore moins d'une façon aussi absolue et


398

ANNEXE II

générale qu'il apparaît dans le projet. Et s'il s'avérait nécessaire d'appliquer cette mesure dans des cas très concrets et précis, l'autorité publique serait tenue de payer l'indemnité dûe selon une justice commutative. C'est ainsi que Léon XIII affirme: « Le rôle essentiel du Gouvernement est de garantir, par des lois sages, la propriété privée » ( Encyclique « Graves de Cornmuni », AAS, vol. XXXIII, p. 388 ). D'autre part, la coexistence harmonieuse et équilibrée de grandes, moyennes et petites propriétés complémentaires entre elles et qui, au lieu d'être soumises à un dirigisme d'Etat, seraient aidées en vertu du principe de subsidiarité par les autorités publiques, constitue, dans un ordre de choses bien réglé , une structure saine. C'est la raison pour laquelle le pape Pie XII, faisant l'éloge de la catégorie des petits propriétaires en Italie, soulignait que « cela ne signifie pas que l'on nie l'utilité et, souvent, la nécessité de propriétés agricoles plus vastes » ( Discours 2-7-49 au Congrès International sur les Problèmes de la Vie Rurale Discours et Radio messages, vol. 13; pag. 199-200 ) . En outre, cette inégalité provient de la constitution naturelle de la société: en effet, celle-ci est formée d'une diversité de classes sociales, d'où une diversité de patrimoines, ce qui se traduit normalement dans le domaine agricole par une diversité dans la dimension des propriétés. Ces inégalités légitimes ne contrarient pas l'ordre social, tant qu'elles restent équilibrées entre elles. Et le rôle de l'Etat est justement de veiller à ce que des déséquilibres sociaux dangereux ne se produisent pas, car ils risqueraient de créer un climat de tensions sociales violentes. Mais la mission naturelle de l'Etat n'est pas de vouloir implanter un égalitarisme social, au mépris de la diversité naturelle et nécessaire des classes sociales; ou un égalitarisme économique, violant par des voies différentes les patrimoines privés.


ANNEXE II,

399

Selon le projet, la propriété privée laissée sans usage serait, en principe, sujette à l'expropriation

En ce qui concerne la thèse agro-réformiste énoncée dans ce sous-titre, la doctrine catholique est catégorique. Elle enseigne que le droit de propriété ne se confond pas avec son usage et que le droit d'user ou de ne pas user est un bien inhérent à la propriété. Ainsi, Pie XI dans « Quadragesirno Anno » déclare: « ... pour contenir dans de justes limites les controverses sur la propriété et les devoirs qui lui incombent, il faut poser tout d'abord le principe fondamental établi par Léon XIII, à savoir que le droit de propriété ne se confond pas avec son usage ( Encyclique « Rerum Novarum » ). C'est, en effet, la justice qu'on appelle commutative qui prescrit le respect de la répartition des biens et interdit à quiconque d'envahir celui d'autrui en outrepassant les limites de son propre domaine; l'obligation qu'ont les propriétaires de ne faire jamais qu'un honnête usage de leurs biens ne s'impose pas à eux au nom de cette justice, mais au nom des autres vertus, et l'accomplissement de ces devoirs ne peut pas être exigé juridi· quement » ( « Rerum Novarum » ). Et plus loin: « ... il est plus faux encore d'affirmer que le droit de propriété est périmiJ et disparaît par l'abus qu'on en fait ou parce qu'on laisse sans usage les choses possédées » ( Encyclique « Quadragesimo Anno » 1931, AAS, vol. XXIII, p. 192 ). Ce droit peut seulement être atténué au cas où l'usage insuffisant qu'on en fait ou le non-usage entraînerait pour la société un · dommage grave, contre lequel il n'existerait pas d'autre remède. Mais ce dommage ou préjudice porté au bien commun doit être vérifié et non pas seulement énoncé rhétoriquement. On n'a pas le droit de restreindre ou de détruire un droit certain en se basant sur un fait incertain. Jusqu'à maintenant, le Gouvernement de M. Frei n'a pas publié d'études suffisamment étayées de preuves - si tant est qu'il en ait faites! - pour justifier d'aussi violentes mesures


/' 400

ANNEXE II

contre le droit de propriété. Et un exemple clair de la violence de ces mesures est donné dans l'article 16 , qui établit: « Pour qu'un propriétaire puisse jouir du régime d 'ex ception établi dans l'article précédent, dans tous les domaines concernés ( ceux-ci ne pouvant jamais dépasser 320 hectares de terres irrigables de base - A rt. 15 }, il devra remplir la totalité des conditions suivantes » ( Nous en donnons ci-dessous un résumé): 1. - Au moins 95 % de la superficie irrigable avec des cultures annuelles, permanentes ou des prairies artificielles. Au moins 80% des terres non irrigables avec des cultures annuelles ou permanentes ou des prairies naturelles améliorées ou artificielles. 2. - Exploiter le domaine agricole dans des conditions techniques supérieures à la moyenne des domaines de la commune. Ce dont témoignera le Ministère de !'Agriculture, conformément au Règlement. 3. - Maintenir en bon état les terrains et autres ressources naturelles renouvelables, ou avoir un plan de conservation ou récupération agréé par le Ministère del' Agriculture. 4. - Accorder aux ouvriers des participatjons aux bénéfices. 5. - Payer des salaires au moins deux fois supérieurs au salaire minimum agricole, et aux employ~ deux fois le rrùnimum vital en province. 6. - Accomplir toutes les dispositions légales et règlementaires dans les domaines du logement, de la prévoyance, de la législation sociale et du travail, de l'éducation et de la santé. Ainsi, les dispositions de l' Art. 16 en question, comme celles de l' Art. 19, relatives à la propriété individuelle, dépassent les lirrùtes du droit public face au droit privé d'usage souve- • rain et inviolable que le propriétaire détient sur ce qui lui appartient. Sans compter que le point 4 de !'Art. 16, qui impose la participation des ouvriers, est en contradiction avec la doctrine sociale catholique . .c fl serait également faux de prétendre que toute entreprise privée est de par sa nature une société, de sorte que les


ANNEXE II

40 1

relations entre ses membres soient déterminées selon les règles de la justice distributive, de manière que tous, indistin ctement, propriétaires ou non de moyens de production, aient droit à leur part dans la propriété ou au moins aux bénéfices de l'entreprise. Cette conception part de l'hypothèse que tou te entreprise entre, de par sa nature, dans le domaine du droit public » ( Pie XII, Discours du 7 Mai 1949 à la XIème Conférence de l'Union Internationale des Associations Patronales Catholiques - Discours et Radiomessages, vol. XI, pag. 63 ). Les formes d'indemnisation des terres expropriées: une injustice flagrante et immorale A toute expropriation correspond une indemnisation juste et immédiate. Car selon l'ordre naturel des choses, le droit du propriétaire légitime se fonde sur la loi naturelle, laquelle est antérieure et supérieure à l'Etat. En conséquence, celui-ci ne peut supprimer ce droit , sauf exceptions concrètes et particulières exigées par le bien commun. Et même dans ces cas, l'Etat est tenu de le faire moyennant une contre-partie d'une juste indemnité, selon une stricte justice commutative. La justice commutative est celle qui régit les commutations, c'est-à-dire les échanges fondés sur l'égalité réciproque entre les parties, lesquelles sont, dans le cas présent, le propriétaire exproprié et l'Etat. De sorte que · l'indemnité doit être égale à la valeur réelle du bien exproprié. Car une juste commutation est déterminée par la substitution égale d'une chose à une autre. Ce. qui ·exige de considérer: a) la valeur vraie et réelle de la chose expropriée; b) le paiement d'une indemnité égale à cette valeur réelle. Or, si nous examinons en gros les dispositions prévues sur ce point dans le projet, nous constatons qu'aucun des deux aspects indiqués n'it été pris en considération; en effet: a) Le montant qui sera considéré sera celui de l'évaluation fiscale, qui ne concorde pas nécessairement avec la valeur


402

ANNEXE II

réelle de la propriété agricole. On adopte ainsi, de façon absurde, comme prix de l'indemnisation, non pas la valeur objective du domaine comme l'exige la justice, mais une simple base pour déterminer certains impôts. b) L'estimation des améliorations réalisées après l'évaluation fiscale sera faite par la CORA, c'est-à-dire par le même organisme chargé de l'expropriation. c) La part réglée au comptant est la plus faible. d) Dans la majorité des cas, le paiement s'étale sur 25 ans, en bons pratiquement invendables et avec un réajustement infime. Il est donc bien clair que le projet, conforme à son idée première, à savoir détruire le principe de la propriété privée, ne remplit pas les normes essentielles à toute indemnisation juste. Il s'agit d'une franche spoliation qui porte une atteinte directe à la justice, laquelle exige de donner à chacun ce qui lui revient en droit; et à la morale, qui oblige à ne pas voler. Si la justice ne protège pas le vol qu'un individu commet contre un autre sur des biens et droits légitimement acquis et possédés, la justice ne peut pas le permettre non plus aux Pouvoirs Publics, dont le comportement, comme celui des particuliers, est soumis aux normes de la justice et de la morale. Collectivisation de la propriété agricole

En vertu des dispositions de l'article 59 du projet: « Les terres acquises par la Corporation de la Réforme Agraire seront constituées en unités agricoles familiales conformément, à la lettre « h » de l'article 1er et seront assignées à des paysans en domaine individuel ». Or, la lettre « h » de l'art. 1 définit l'unité agricole familiale comme : « la superficie de terres qui, étant donné la qualité des terrains, la situation topographique, le climat et autres caractéristiques, en particulier la capacité d'usage des terrains, et étant exploitée personnellement par le producteur, permet


\ A NNEXE II

403

au groupe familial de vivre et de prospérer grâce à son exploitation rationelle ». C'est-à-dire que cette unité est de façon hypothétique le minimum indispensable à la subsistance d'une personne et de sa famille. Autour de cette unité minima apparaît à nouveau le mythe de l'égalité complète qui constitue le noyau idéologique implicite de l'ensemble du projet. On recherche une unité de grandeur qui permette de niveler de façon arbitraire et obligatoire les domaines agricoles qui formeront la structure de base du Pays, au cas où le projet serait approuvé. Par ailleurs , il convient de souligner que les éventuels acquéreurs de cette unité minima de terre seraient soumis, selon le projet, à tant de restrictions et de sujétions aux organismes d'Etat que, de ce fait, leur droit de propriété sur le domaine est illusoire ( Nous nous arrêterons plus loin sur ce point). Il convient ici de bien mettre en relief un fait fondamental: le projet vise à restreindre la propriété individuelle à sa plus simple expression: ce que l'on appelle l'unité familiale. Mais si en ce qui concerne la propriété individuelle sur cette unité familiale le projet révèle sa tendance à la collectivisation cette tendance apparaît encore plus évidente et plus fortemen~ marquée, quand nous constàtons que le projet vise à l'intégration de l'activité agricole dans des sortes de « coopératives », lesquelles débouchent directement sur la propriété collective. A ce propos, l'art . 59 est très révélateur dans son paragraphe 2ème, lequel dispose: « Cependant si le Conseil de la Corporation de la Réforme Agraire juge impossible ce type de consignation, pour des raisons d'ordre technique dûes à la nature de l'exploitation ( ... )·les terres pourront être assignées en propriété exclusive à des coopératives agricoles et en co-propriété à des paysans et des coopératives agricoles. Les terres pourront également être attribuées de l'une ou l'autre façon si les paysans choisis pour en être les propriétaires d'un commun accord le demandaient au dit Conseil ». ' En favorisant ce processus de collectivisation, le projet donne lieu à ce que l'on appelle la politique d' « asentamiento » ,


404

A NNEXE II

selon laquelle les paysans à qui l'on annonce l'assignation future définitive d'un domaine agricole, demeurent en réalité sous la direction de la CORA. Or, cette situation, apparemment transitoire , risque de se prolonger indéfiniment, si l'on s'en tient au paragraphe 3 de l'art. 59. Si l'on considère cette disposition de loi dans son ensemble, il est facile de saisir la gravité du paragraphe en question. Il faut également souligner un second fait: Non seulement on vise à ramener la propriété individuelle à sa plus simple expression, mais on crée des formes de collectivisme. C'est ainsi qu'on en arrive à affaiblir presque jusqu'à la destruction la propriété privée des biens de production. Grâce à quoi on ouvre les portes à l'implantation du socialisme . Et l'on détruit l'un des piliers fondamentaux de la Civilisation Chrétienne et Occidentale : la propliété privée individuelle; avec toute la séquelle de conséquences économiques, sociales, politiques et, surtout, morales, désastreuses, que cela entraîne pour la Nation, comme nous l'avons déjà noté au début de cette présentation publique ( cf. « Le droit de propriété, la Loi Naturelle et le Décalogue » ). A ce propos, il convient de souligner ici, même brièvement, qu'en même temps que le droit de propriété individuelle se voit diminué et soumis à l'arbitrage de l' Etat , on porte atteinte J tous les droits de l'individu qui conservent des rapports étroits avec la propriété, laquelle est pour eux une garantie et un stimulant. Ainsi , par exemple, le droit d'héritage, l'indépendance de la vie familiale face aux immixions du pouvoir civil, l'affirmation de la liberté elle-même et de l'initiative personnelle etc. Autant d'aspects que la doctrine catholique enseigne comme étant liés à l'institution de la propriété privée. En résumé, et comme nous l'avons vu tout au long de la présente étude du projet, celui-ci vise en pratique à créer un état de choses qui facilite l'implantation subreptice du collectivisme marxiste dans notre pays, ce que, d'ailleurs , ne cherchent même pas à cacher les principaux dirigeants du marxisme national très satisfaits et ardents partisans du projet en discussion'.


ANNEXE II

405

Il y a lieu de citer, à l'appui de cette.afirmation, un paragraphe significatif de la déclaration du Parti Communiste, parue dans le journal gouvernemental « La Nacion » du 10 janvier dernier ( qui constitue une ratification du pacte de publicité réciproque, souscrit entre le PDC et le Parti Communiste): « Autour du projet de Réforme Agraire les conditions d'un nouvel alignement des forces se développent en même temps que se crée une situation politique qui permet de révéler chaque fois plus nettement ceux qui sont pour le progrès et ceux qui sont contre ». Il convient d'ajouter que si cette loi agraire passe, si cette violation du droit de propriété individuelle est accptée et qu'un concept équivoque de nature collectiviste se manifeste en ce qui concerne la propriété des biens de production , un précédent juridique sera créé, qui permettra de l'étendre au commerce, à l'industrie et aux autres activités de production du Pays; transgression qu'il sera facile de mener à terme, dans le cas où serait approuvé l'amendement de l'art. 10, n. 10 de notre Constitution, qui supprime la garantie de l'inviolabilité du droit naturel de propriété, cette initiative étant également pleinement encouragée par M. Frei.

II - LE DIRIGISME D'ETAT ETABLI PAR LE PROJET DE REFORME AGRAIRE

D'une part, le projet de réforme agraire porte atteinte au droit de propriété, soit par le côté arbitraire et injuste des motifs d'expropriation, que nous avons déjà commentés, soit par la spoliation que supposent les for.mes d'indemnisation fix ées soit par le prurit égalitaire qui est une constante idéologiqu~


406

ANNEXE II

de l'article tout entier ; d'autre part et ce sont là les conséquences strictes de ce qui précède, les dispositions visant à imposer un dirigisme d'Etat de fer abondent dans les différents paragraphes. C'est ainsi que, de même que l'on détruit le principe de la propriété privée, l'on détruit également cet autre principe fondamental de l'ordre social qu'est la libre initiative. A propos de ce principe et avant d'analyser quelques-unes des dispositions du projet qui y portent atteinte, il nous faut donner ici une brève explication. La nature spirituelle de l'homme, . qui est un être doté d'intelligence et de volonté, le rend apte à travailler pour gagner sa propre subsistance, et c'est ainsi que s'est créé le principe de la libre initiative. Le droit auquel ce principe donne lieu a, comme tous les droits, ses limites: il ne peut être exercé au détriment des droits des tiers ou de la société; mais, d'autre part, personne ne peut satisfaire tous ses besoins seulement par lui-même; il lui faut pour cela l'action complémentaire mais non d'absorption - de groupes supérieurs. Ainsi, par exemple, l'individu trouve son complément dans la famille, celle-ci dans diverses corporations supérieures et intermédiaires, et ainsi de suite jusqu'à l'Etat. Pour respecter la libre initiative des particuliers. l'action de l'Etat doit avoir uniquement un caractère de suppléance, elle doit être inspirée par le principe de subsidiarité, principe essentiel dans un ordre social bien réglé et que les pouvoirs publics sont tenus d'appliquer, par exemple dans le cas présent en ce qui concerne la réforme agraire. Si l'Etat ne respecte pas ce principe, il écrase l'initiative personnelle et l'on tombe alors dans le socialisme qui, peu à peu et selon sa propre logique interne, mène à l'absolutisme d'Etat le plus monstrueux et antinaturel. Dans sa mémorable encyclique « Mater et Magistra », le pape Jean XXIII déclare: « L'action de l'Etat a un caractère d'orientation, de stimulant, de suppléance et d'intégration. Elle doit être inspirée par le principe de subsidiarité formulé par Pie XI dans son encyclique Quadragésimo Anno. L 'on ne saurait ébranler ce principe si grave de philosophie sociale; de


ANNEXE II

407

même qu'on ne peut enlever aux particuliers, pour les transférer à la communau té, les attributions dont ils sont capables de s'ac-

quitter de leur seule initiative et par leurs propres moyens, de même ce serait commettre une injustice que de retirer aux groupemen ts d'ordre inJërieur, pour les confier à une collectivité plus vaste et d'un rang plus élevé, les fonctions qu'ils sont en mesure de remplir eux-mêmes. « Et ce serait troubler d'une manière très dommageable l'ordre social; car l'objet naturel de toute in tervention en matière sociale est d 'aider les membres du corps social, et non pas de les détruire ni de les absorber ». A la lumière de ce qui précède, l'on perçoit clairement les effets destructeurs qu'entraînerait la mutilation de ce principe . Le projet du Président Frei, comme nous le verrons, y porte atteinte ouvertement. Comme le prouve, par exemple, la constitution et l'institution de Tribunaux agraires, dans la compœition desquels l'Exécutif disposera de la majorité ( art. 124 , 125, 126 ); et, au cas où la loi passerait, c'est à eux qu 'inco mberait de régler les réclamations de ceux qui se verraient affectés par leurs funestes dispositions. Le dirigisme de l'Etat au moyen de l'abolition du régime stable des salaires

Les direc ives socialistes, qui inspirent le projet de réforme agraire, entraînent l'a bolition du régime stable des salaires. Ce qu 'il est aisé de constater si l'on observe que l'art. 67 , établissan t les obligations auxquelles seront soumis les :icquéreu rs, institue . ~ornrne obligation ce qu'il appelle l' « exploitation personnelle » ( lettre b ). Selon !'Art. 1, lettre << f », rentre dans la catégorie d' « exploitation personnelle » celle qui emploie « des salaries seulement à titre provisoire, en nombre limité et proportionnel à la superficie du domaine et à la ne1 ture de son exploitation ». Cette affirmation révèle une fois de plus l'opposition entre le proj et e la doctrine catholique.


408

ANNEXE II

L'enseignement des Souverains Pontifes en ce qui concerne le régime stable des salaires, décrète que le contrat stable ( et non maintenu à titre provisoire, comme le propose le projet ) et réglé selon les lois de la justice, est bon en soi. Rappelons à ce propos l'enseignement de Pie XI: « ... ceux qui déclarent essentiellement injuste le contrat de louage de travail et prétendent qu'il faut lui substituer un contrat de société disent une absurdité; -ce disant, ils font gravement injure à notre Prédécesseur, car /'Encyclique « Rerum Novarum » non seulement admet la légitimité du salariat, mais s'attache longuement à le régler selon les normes de la justice » ( « Quadragesimo Anno » ). Le dirigisme d'Etat au moyen du régime des eaux Parmi les aspects spécifiquement étatistes du projet, il convient de considérer avant tout le motif d'expropriation des propriétés comprises dans ce que l'on appelle les « zones i"igables » ( Art . 10 et Art. 51 à 58 ). Cè motif s'appuie sur la thèse socialiste suivante qu'il est important d'analyser au passage: toute propriété qui rapporte davantage, grâce à des travaux publics, est sujette à l'expropriation. Cette thèse suppose une complète inversion des justes termes. La vérité est toute autre. L'Etat a pour objectif le bien commun; et le bien commun est le bien de la personne acquis en communauté (Vitoria), le bien propre acquis en communauté. C'est-à-dire qu'entre le bien commun et le bien des particuliers, il existe un lien indissoluble. En conséquence, lorsque l'Etat rend service à des particuliers, il ne fait que son devoir. Ceci dit, que ces particuliers contribuent aux frais de ces travaux, étant donné le bénéfice plus grand qu'ils en retirent, il est juste que l'Etat l'exige avec équité. Mais l'Etat ne peut passer de cette mesure à la violation du droit d'autrui, encore plus lorsque ce droit est fondé sur la loi naturelle et non pas sur la loi ci':ile .


ANNEXE II

409

D'autre part, l'agriculture risque de sombrer dans l'absolutisme d'Etat grâce à l'arme toute-puissante que le projet, arbitrairement et injustement étant donné la réalité historique, accorde à !'Exécutif, lorsqu'il confie à celui-ci un contrôle pratiquement illimité des eaux d'irrigation . A cet effet, le Chapitre V du projet ( « Du regime des eaux » Art. 86 à 119 ), établit tout un appareil légal de contrôle, qui commence par la confiscation automatique par l'Etat de tous les droits actuellement existants en ce qui concerne les eaux d'irrigation. On modifie ainsi l'ensemble du système juridique établi jusqu'à ce jo.ur. Et l'Etat loin de respecter le principe de subsidiarité et de favoriser l'initiative possible et raisonnable des particuliers, se retourne contre celle-ci et annihile l'effort extraordinaire réalisé au profit de l'irrigation durant de longues années et au prix de tant de frais et de sacrifices. Notre agriculture dépend, pour une large part, du régime d'irrigation. Ainsi, par ces dispositions socialistes et confiscatoires proposées dans le projet, l'Etat se transformera en maître absolu des eaux, et par là, parviendra à exercer un pouvoir dictatorial décisif sur la vie agricole du pays ; ceci, ajouté à tout ce que nous avons analysé, donne une idée suffisamment claire du danger qui menace la Nation toute entière. Et cette injustice apparaît encore plus énorme , si l'on songe que 80% de l'irrigation du pays a été intégralement réalisée par les particuliers ; ce qui signifie l'incorporation dûe à l'initiative particulière de 1.200.000 ha à l'exploitation agricole. En méconnaissant tout cet effort des particuliers, le projet passe par-dessus les droits légitimes acquis, légalisés par la coutume et reconnus par la justice et annule ainsi « un droit réel qui rejaillit sur les eaux de propriété publique et qui consiste dans l'usage, la jouissance et la disposition de ces eaux dans les conditions et conformément aux règles établies dans le présent Code » ( Art. 12 du Code des Eaux ) ; comme également le droit sur les eaux qui naissent et meurent sur un même domaine. Il établit en contre-partie un droit d'« exploitation » sans autres garanties, et qui est sujet à caducité pour des motifs


410

ANNEXE II

multiples et divers, nombre d'entre eux étant déterminés par arbitrage d'Etat. Face à cette situation, l'on peut se demander: Est-il pensable que tout cet effort privé qui a tant profité au pays, puisse encore se déployer avec cette législation , ce dirigisme d'Etat et cet esprit de spoliation? Si jusqu'à maintenant l'Etat s'est montré incapable d'égaler l'activité privée, comment pourra-t-il y arriver du jour au lendemain ? Que nous enseigne l'expérience sur l'efficacité des entreprises bureaucratiques d'Etat, dans ces domaines? Comme nous l'avons déjà démontré et comme il ressort clairement également ici, ce ne sont pas des raisons de bien commun qui guident cette législation, mais le mysticisme idéologique de l'utopie égalitaire et collectiviste qui a inspiré tant de révolutions avec le dénouement désastreux que chacun connaît. Tout au long du projet, à travers l'hostilité permanente que révèle sa trame contre la propriété privée, à travers les dispositions relatives à l'expropriation et l'indemnisation , fa ce au dirigisme d'Etat vers lequel tendent d'innombrables dispositions, avec la confiscation des ·eaux et la violation réitérée des droits acquis, l'on a chaque fois plus fortement l'impression qu'un principe marxiste se glisse, plus ou moins subrepticement, dans la législation chilienne; que la société, que l'Etat ne sont plus au service de l'individu, mais que l'individu passe au service de l'Etat. Ensuite, l'on a établi la subordination totale des droits, du travail et de l'initiative individuelle à la gestion de l'Etat, lequel peut à tout moment décréter, comme il le fait aujourd'hui sur la question de l'irrigation, l'extermination des droits des .individus . Le dirigisme d'Etat au moyen d'un coopératisme socialiste à l'égard de l'individu converti en pseudo-propriétaire

Comme nous venons de l'analyser, la loi crée un état de choses dans lequel se dresse, en maître tout-puissant, l'image


A NNEXE II

411

d'un Etat qui absorbe et écrase progressivement l'individu. Cet Etat, en tant qu'arbitre absolu dans tous les domaines, agira de façon irrépréhensible sur la conformation économique et sociale, constituée par des milliers d'éventuels pseudo-propriétaires qui, enchaînés à la froide bureaucratie des institutions d'Etat , recevront tout de l'Etat : assistance technique, financement, éducation, éléments de culture et labourage , bétail etc .. Bref, le paysan que la loi convertit apparemment en propriétaire, sera victime d'une fiscalisation impitoyable, devenant ainsi esclave du Pouvoir Public, docile à ses exigences publiques.' C'est ainsi que, selon la loi, tout acquéreur de terres est tenu de s'affilier à un régime de coopérative ( Art . 67 , lettre d ); à leur tour, toutes ces coopératives acquéreuses de terres sont tenues de se soumettre au contrôle technique , écono!l1ique, politique et de direction de l'Etat ( Art. 76, lettre c: « La coopérative acquéreuse de terres est soumise aux obligations suivantes : ex ploiter les terres conformément aux normes é tablies par la Corporation de la Réforme Agraire, lesquelles seron t sujet tes aux plans généraux que le Ministère de /'Agriculture aura établis pour la région » ). D'autre part, les titres de propriété acquis seront sujets aux interdictions suivantes prévues par !'Art. 68 , lettres a,b, cet d: a) Interdiction d'aliéner les terres acquises en propriété exclusive ou les droits des terres acquises en co-propliété, à moins que la CORA ne l'autorise en faveu r de paysans remplissant les conditions indiquées dans l'Art. 63 et moyennant l'approbation de la Coopérative correspondante ; b) Interdiction de partager, par acte officiel, entre vivants, les terres acquises. La CO RA pourra autoriser la division , à la condition que d'autres unités familiales se forment ; c) Interdiction de céder des terres , à n'importe quel titre, en vue de leur exploitation par des tiers ou de les mettre en métayage , sauf autorisation expresse de la CORA et de la coopérative correspondante;


412

ANNEXE II

d) Interdiction de grever les terres à n'importe quel titre, sauf en faveur d'organismes de crédit expressément agréés par le Président de la République. Telles sont quelques unes des interdictions qui doivent, selon la loi, figurer sur le titre de propriété. Ces propriétés acquises étant indivisibles, selon la loi, du fait de leur étendue minima, les acquéreurs ne jouiront pas du droit inhérent à la nature humaine, de disposer libreme.n t d'un patrimoine et de pouvoir le léguer à leurs descendants ( Art. 72 ). A nouveau, c'est à l'Etat qu'il appartient, en tant que dictateur absolu, de déterminer ce qu'il faut faire et qui recevra cette petite propriété. Qui se chargera des membres qui ne recevront rien? L'Etat? Si une telle situation se produisait, la société familiale, cellule essentielle de la société et dont la vitalité est la vitalité de la société deviendra, comme dans les pays communistes, ce simulacre de familles, dans lequelles il n'existe ni intimité ni activité qui ne soit contrôlée par les pouvoirs publics. Face à cet état de choses, lorsque nous pensons à l'activité agricole future, opprimée par ce dirigisme spoliateur, nous ne pouvons écarter de notre esprit l'image contre-nature et accablante du socialisme. Et c'est pourqu9i nous nous posons la question : notre agriculture n'est-elle pas en passe de devenir un immense ensemble de « kolkhoses », où travailleront des troupeaux humains soumis et dociles à la volonté de l'Etat? Et, d'autre part, nous devons également . nous demander : dans ce système, qu'adviendra-t-il des salariés? Dans la nouvelle organisation opposée au régime du salariat, du louage et du . métayage, seront-ils déplacés en grand nombre de l'agriculture? Et ceux qul resteront dans l'agriculture, ne seront-ils pas syndiqués dans des organismes favorables à l'Etat qui pourra ainsi mieux les manipuler et les exploiter politiquement? Pour finir, il y a dans tout cela un aspect moral à ne pas négliger, comme nous l'avons noté dans la première partie de ce manifeste. En effet, si l'on considère que ces terres ainsi réparties, ont été auparavant confisquées à leurs propriétaires


A N N EXE Il

413

légitimes et que cette même législation pèsera sur les consciences de ces nouveaux pseudo-propriétaires, nous aurons une idée du climat moral dans lequel la société en général vivra. L'on comprendra alors pourquoi le pape Pie XI signale que « la supression de la propriété privée, loin de profiter à la classe des travailleurs, entraînera sa ruine la plus totale » ( « Quadragesimo Anno » ).

* * *

Ayant cité, dans la presente étude, un grand nombre de documents pontificaux, nous désirons pour terminer consacrer une attention filiale et particulière à la lettre adressée récemment par le Cardinal Cicognani, Sécrétaire d'Etat au SaintSiège, à la Troisième Semaine Sociale Nationale du Chili. · 1 Ce document a été interprété comme une approbation du projet de réforme agraire du Président Frei. Cette interprétation 1 ne repose en fait sur rien . 1 Le document affirme, tout d'abord , que le droit de propriété est une institution essentielle à l' ordre normal de tous les peuples, à toutes les époques, et qu'il ne peut donc jamais 1 être aboli. Il décrit également la situation extrêmement dure de pénu- 1 rie face à laquelle l'exercice de la fonction sociale de la propriété devient particulièrement vaste , d'où la nécessité d'une redistribution _de cette propriété, mais en aucun cas d'une sup- ! pression. Un moyen est indiqué, en outre, pour la redistribution, et c'est l'expropriation. 1 Il est évident que le Secrétaire d'Etat du Saint-Siège a voulu par là rappeler aux Chiliens les principes doctrinaires, sur la base desquels ils doivent adopter une attitude face au projet de réforme agraire du Président Frei. Il y a lieu maintenant de se demander, avec plus de précision : Son Eminence le Cardinal Cicognani a-t-il voulu aller au-delà de cette position doctrinale, en intervenant directement dans la vie civique du Chili, pour imposer à l'unanimité des 1


4 14

ANNEXE II

catholiques l'acceptation de ce projet? Ce n'est qu'une simple hypothèse, car nulle part cela n'est affirmé formellement. Plus encore, cette hypothèse n'est aucunement fondée. En premier lieu, parce qu'il est évident que le tableau de misère, dépeint comme existant partout, y compris dans le cas des travailleurs des villes, même s'il reflète un aspect impressionant de la réalité, - comme observé dans le document du Saint-Siège - ne décrit pas cette réalité entièrement. Cette situation a également, en effet, des aspects positifs très importants. Il convient à ce propos de rappeler l'enseignement du pape Pie XII au « Katholikentag » de Vienne: « Si les signes des temps ne trompent pas, dans la seconde phase des con traverses sociales dans laquelle nous entrons déjà , d'autres questions et problèmes ont la priorité ( par rapport au problème ouvrier qui a dominé la première phase). Nous citerons ici deux d'entre eux. Dépasser la lutte des classes grâce à une ordonnance réciproque et organique entre le patron et l'employé. Car la lutte des classes ne pourra jamais représenter un objectif de l'éthique sociale catholique. L'Eglise sait qu'elle est toujours responsable de toutes les classes et couches sociales sans distinction. Ensuite, la protection de l'individu et de la famille, face au courant qui menace d'entraîner un e socialisation totale, dont la réussite ferait de l'image terrifiante du « Léviathan» une effroyable réalité. L'Eglise luttera jusqu'au bout, car il s'agit là de valeurs suprêmes: la dignité de l'homme et le salut de_l 'âm e » («Discours et Radiomessages »,vol.XIV, page 314 ). Jusqu'à quel point ces deux aspects de la situation sont-ils mêlés au Chili? Dans la lettre du Cardinal Cicognani, il n'y a pas un seul mot qui précise ces détails. Il y a seulement une recommandation d'étudier soigneusement la réalité. « L 'expérience enseigne, en outre, que toute réforme doit être étudiée préalablement et avec mesure, à la lumière de la sagesse et de la prudence politiques, et qu'elle doit être assortie de mesures indispensables à assurer réussite et efficacité ». Le projet du Président Frei a été proposé au Congrès à la hâte et en laissant peu de temps de réflexion. Et même si ce


ANNEXE II

415

projet avait été présenté après une étude convenable, les catholiques garderaient une liberté absolue pour se prononcer à son sujet? Car sur des sujets de cette sorte, le Saint-Siège n'a pas l'habitude d'inclure, comme objectif de son Magistère des descriptions de faits concrets d'ordre économique, celles-ci de par leur nature se situant sur un plan technique, et échappant de ce fait au Magistère ecclésiastique. Comme à son tour l'étendue des éventuelles restrictions au droit de proptjété depend de l'appréciation de situations de fait, une appréciation doctrinaire sur la réforme du président Frei est donc subordonnée à la diversité d'appréciations que chacun pourrait avoir sur la situation concrète. Il est donc absurde d'imaginer que la dite lettre ait prétendu servir de passeport à cette réforme. En outre, de toute évidence, même s'il insiste sur l'importance et la légitimité d'éventuelles distributions de terres, le document n'a pas voulu affirmer que le fractionnement de la propriété est toujours, en tous lieux et partout, indiqué comme moyen pour améliorer la situation des travailleurs agricoles . Il s'agit là d'un autre problème qu'il convient de régler avec prudence, à la lumière de données économiques et sociales sur lesquelles, concrètement, la lettre ne se prononce pas. Enfin , en admettant la légitimité d'éventuelles expropriations, la lettre ne se prononce pas sur la façon dont ces expropriations sont proposées dans le projet. En résumé, « FIDUCIA » tout en manifestant son respectueux attachement aux principes et aux normes de la lettre n'y voit aucune objection contre les critiques faites ici au projet du Président Frei ( * ).

( • ) Ce manifeste a été publié dans « El Mercurio » le 26-2-66 · « El Diario llustrado » du 27 -2-66 et « FIDUCIA » n. 23 de février i966.


ANNEXE III

PRINCIPES INSPIRANT L'ACTION DE LA TFP * Ayant défini notre position contre les idées de gauche tout au long du présent manifeste, nous prévoyons que la propagande communiste ou de la démocratie-chrétienne lancera à notre encontre ses accusations classiques de nazi-fascistes, ou d'adeptes du capitalisme Je plus féroce et inhumain. Pour prévenir cette manœuvre, nous précisons dès maintenan t notre position. Nous nous opposons en premier lieu au nazisme et au fascisme, car nous n'acceptons pas les systèmes philosophiques de fond ·panthéiste, naturaliste et néo-païen qui les animaient. Sur le plan politico-social, nous sommes opposés au nazisme et au fascisme, car il s'agissait d'une conception de la société qui absorba dans l'Etat toute la vie de la nation. Nous affirmons que le nazisme et le fascisme n'étaient tjen d'autre qu'une forme extrême du socialisme. Contrairement à ces régimes, nous souhaitons pour le Chili la société organique basée sur la célèbre distinction établie par le pape Pie XII, entre peuple et masse ( Radiomessage de Noël 1944 « Discours et Radiomessages » Vol. VI, pag. 238-239 ), et précisée jusqu'à ses ultimes conséquences par le pape Jean XXIII, lorsqu'il traita du principe de subsidiarité dans son encyclique « Mater et Magistra ». Nous répudions le racisme faussement scientifique du nazisme et nous condamnons énergiquement, comme elles le méritent, les cruautés pratiquées par l'un et l'autre régime. En ce qui concerne le capitalisme, nous affirmons que ce régime est licite en soi, mais qu'il a subi des déformations considérables, contre lesquelles l'Eglise lutte efficacement dans Je monde entier. Accepter le régime capitaliste n'implique en aucune manière en accepter les abus, car, selon l'adage romain, « l'abus n'exclue pas l'usage ». • Extraits du manifeste « Uno force nouvelle et victorieuse au service du Chili contemporain: la Société Chilie nne de Défense de la Tradition Famille et Propriété ». '

••


ANN EXE Ill

417

En affirmant que la propriété privée est l'un des piliers du droit naturel , nous la considérons comme soumise à une fon ction sociale qu'elle est tenue de remplir dans son intégralité. Mais elle ne doit pas aller jusqu'à dé truire ce droit. Car si le droit de propriété est un organe doté d'une fonction sociale, il serait à la fois contradictoire et monstrueux que l'exercice de la fonction détruise l'organe. Nous souhaitons l'institution de la famille basée sur l'indissolubilité du lien conjugal. Nous considérons la société chilienne comme un immense ensemble de familles , constituant des classes sociales harmonieuses et différentes . Pour la grandeur de notre Pays, nous souhaitons à toutes les familles, à travers de nombreuses générations, la longévité d'où naît spontanément la vraie tradition. C'est à travers la tradition famil.iale que la Nation conserve son identité à travers les siècles. Un Pays sans continuité fanùliale traditionnelle est un pays éphémère, un conglomérat passager d'individus qui n'est pas digne du nom de Pays. Sur la question des classes sociales, nous déclarons catégoriquement qu'une société organique et conforme à l'ordre naturel des choses doit être constituée pa1 des classes sociales distinctes et hiérarchisées. Une première condition s'impose pour que cette hiérarchie soit juste : que les biens ne soient pas concentrés entre les mains d'une seule classe de sorte que l'autre soit privée de l'abondance, de la sécurité et de la dignité inhérente à la condition d'homme et de chrétien . L'autre condi tion est que les classes s périeures ne se transforment pas en castes et demeurent ouve rtes à l'assimilation des valeurs authentiques qui se manifestent dan s les groupes in férieurs ( Jean XXIII « Ad Petri Cathedram ». A.A.S. , vol. X, pp. 505-506; Léon XIII « Quod Apostoloci Muneris, A.A.S., vol. XI , pag. 372; Pie XII , Message de Noël 1944 « Discours et Radiomessages », vol.VI , pag. 23 9-240 ). Comme on le voit, rien de plus contrai re à la fo is au co mmunisme , à la Démocratie Chrétienne. au socialisme, au nazisme et au fascisme ( * ) . ( • ) Ce ma nife ste parut dans « El Mercu rio » du 5-5-67 .


ANNEXE IV

UN PRETRE BELGE PRONE LA SUBVERSION AU BRESIL

Le Professeur Plinio Corrêa de Oliveira, président du Conseil National de la Société Brésilienne de Défense de la Tradition, Famille et Propriété, a adressé en juin 1968 à Mgr. Helder Camara, Archevêque de Olinda et Recife, la lettre suivante, reproduite alors par la presse chilienne ( cf « El Diario flustrado » 9-7-68 ):

La Société Brésilienne de Défense de la Tradition, Famille et Propriété, en vous présentant ses salutations respectueuses, attire l'attention de Votre Excellence sur le contenu du rapport destiné à la Conférence Episcopale Latino-américaine, dont l'auteur est le Révérend Père Comblin, professeur de l'Institut Théologique de Recife. Sans compter son aspect volumineux ét diffus, le document est révélateur quant aux objectifs de son auteur et aux méthodes p!"éconisées par celui-ci. Contre la location et les actionnaires

Le Révérend Père Comblin cherche à implanter au Brésil la triple Réforme Urbaine, Agraire et de !'Entreprise, à p~tir de l'idée que la location d'immeubles urbains et ruraux, comme la réalisation de capitaux sous la forme de quote-parts ou d'actions dans les entreprises commerciales, sont antisociales et


ANNEXE IV

419

injustes. La conséquence logique de cette affirmation du prêtre belge est que ces réalisations de capital et les locations doivent être interdites par la loi. Eloge du communisme cubain Considérant l'instauration du nivellement absolu des classes comme l'un des objectifs principaux du progrès, le Père Comblin fait l'éloge tant de la révolution communiste qui éclata dans les premières décennies de ce siècle au Mexique, que de la révolution de Fidel Castro, les jugeant hautement propices au progrès. Dictature pour écraser la majorité

Pour réaliser les réformes d'inspiration. nettement communiste qu'il souhaite pour Je Brésil, le Père Comblin affirme qu'il est impossible de convaincre de leur utilité la majorité du Pays, qu'il accuse d'être imperméable aux mesures révolutionnaires et indolente. En conséquence, le professeur à l'Institut fondé par Votre Excellence , envisage deux révolutions, l'une dans l'Etat et l'autre dans l'Eglise. Révolution politico-socia!e La révolution dans l'Etat consiste à ren verser Je Gouvernement par l'agitation de groupes de pression fanatisés, manœuvra.nt habilement l'opinion publique. Ce résultat une fois obtenu , le Père Comblin souh aite que les leaders de cette minorité d'agita teurs établissent sur le Pays une dictature de fer qui réalise des réformes égalitaires et spoliatrices, analogues à celles men ées à bien par Fidel Castro à Cuba. Révolution dans l'Eglise Afin de donner à cette dictature minoritaire un appui qu 'i l juge indispensa ble, le Père Comblin - qui qualifie notre Episco-


420

ANNEXE IV

pat et notre Clergé d'indolents et de complices des milliers d'abus attribués par lui aux élites dominantes - propose l'annulation virtuelle de l'autorité des Evêques, les soumettant à la dictature d'un organe qui serait, à ce qu'il laisse entrevoir, un véritable « politburo » ecclésiastique. Apparemment, le Père Comblin espère que les membres de cet organisme constitueront une camarilla d'Evêques extrémistes pour dominer l'Eglise au Brésil. Le Père Comblin demande, en outre, l'abolition de tous les Ord res re!"gieux, fondus en une seule institution anorganique et totalitaire, mise au service du « politburo » épiscopal extrémiste, objet de ses rêves. Il demande également d'interdire désormais l'arrivée au Brésil de Prêtres venant suppléer à la déficience numérique du Clergé national. Liquidation des Forces Armés

Pour parvenir à la réalisation de tous ces objectifs, le professeur de l'Institut Théologique de Recife pose comme mesure éventuellement nécessaire, outre la démoralisation du Gouvernement et des Forces Armées , la dissolution de !'Armée Nationale et la distribution d'armes au peuple. Censure

D'autre part, le Père Comblin demande qu'une énergique censure de la presse , de la radio et de la télévision réduise au silence les mécontents . Quant aux élites qui ne se conformeraient à cette politique, le Père Comblin désire tout simp lement qu'elles quittent le Pays. Tribunaux d'exception

Accusant le Pouvoiï Judiciaire d'être corrompu par la bourgeoisie et le Clergé , le Père Comblin réclame l'institution de Tribunaux d'exception , pour juger rapidement tous ceux qui s'opposeraient à cette dictature co mmuniste et réformiste .


ANNEXE IV

421

Eloge de la révolution violente

Au cas où ces procédés ne donneraient pas de résultat, le Père Comblin considère comme légitime l'emploi de la violence pour parvenir à l'implantation du régime dont il rêve. C'est là l'aspect sinistre de l'opinion du prêtre belge. lmpostwe

Cette opinion est également une ridicule imposture. Le Père qualifie la structure sociale moderne du Brésil et d' Amérique Latine comme l' « une des plus aris(ocra tiques qui aient jamais existé dans ['Histoire ». Elle serait formée, selon lui, de deux classes: l'une de blancs oppresseurs et exploiteurs, et l'autre d'indiens, nègres et métis exploités ·et opprimés . Tout Brésilien sait que ce t ableau ne reflète pas la réalité, et n'en est même pas une caricature, mais qu'il s'agit d'une invention purement gratuite, un mensonge total qu'il est impossible de ne pas qualifier de grossière imposture. Telle est la synthèse du volumineux avis publié intégralement par la presse . Le Document est authentique

Le Père Comblin, dans ses déclarations à la presse, n'a pas rue l'authenticité du texte qui lui a été attribué. 11 s'est borné à alléguer que celui-ci n'était qu'une simple ébauche . Rien, cependant, ne peut justifier cette « ébauche » pleine d'imagination dans laquelle l'appel à la subversion dans le Pays et à la révolution dans l'Eglise se joint à la calomnie contre le Pouvoir Civil , la Hiérarchie ecclésiastique, les Forces Armées et la Magistrature, et la configuration d'un tableau grossièrement faux de la réalité nationale . Comment un prêtre peut-il forger un tel plan?

L'opinion publique est effrayée à l'idée qu'un prêtre pense, dise et envisage de telles choses·. Elle reste perplexe et angoissée


422

ANNEXE IV

devant le fait que ce prêtre étranger ose intervenir de la sorte dans les affaires du Brésil. La Nation se sent alarmée et indignée de voir qu'un tel agitateur ait pu s'infiltrer dans Je corps enseignant de l'Institut Théologique fondé par Votre Excellence, précisément pour étudier la réalité brésilienne et mobiliser Je peuple pour l'action civique et politique. Des mesures contre le Père Comblin s'imposent Ainsi, la Société Brésilienne de Défense de la Tradition, Famille et Propriété est sûre de se faire l'interprète des désirs de millions de Brésiliens, en vous demandant d'expulser de l'Institut . Théologique de Recife et de J'Iilustre Archidiocèse, où brille encore le glorieux souvenir de Monseigneur Vital ( héros de la lutte anti-maçonnique au XIXe), l'agitateur qui profite du Sacerdoce pour poignarder l'Eglise et abuse de l'hospitalité brésilienne pour prêcher le communisme, la dictature et la violence au Brésil . Ces mesures, Monseigneur, sont les seules susceptibles de réparer l'affront fait au Pays. L'attitude de l'Eglise, châtiant et rejetant sévèrement le prêtre subversif, montrera qu'elle appuie dès maintenant les mesures que l'autorité civile ne manquera pas de prendre pour sauvegarder la sécurité nationale contre les manœuvres et agissements du Père Comblin. Ayant porté à votre connaissance ce que nous appellerions une revendication de tous ceux qui sont attachés à la tradition et à la famille brésiliennes et voient dans l'exercice de la double fonction individuelle et sociale de la propriété un impératif de justice et la condition de la prospérité nationale, nous vous prions de réserver un accueil favorable à notre requête. En vous exprimant toute notre considération à l'égard de la haute dignité ecclésiastique qui est la vôtre dans l'Eglise de Dieu , nous vous prions d'agréer l'expression de nos sentiments , respectueux . Plinio Corrêa de Oliveira Président du Conseil National


ANNEXE V

MESSAGE REVEREND ET FILIAL A SA SAINTETE PAUL VI

Considérant que le mois d'août prochain , il se produira un évènement historique, à savoir que pour la première fois un Successeur de Saint Pierre se rendra en Amérique Latine, ayant choisi à cet effet - à l'occasion du 39e Congrès Eucharistique International - la nation colombienne , sœur de la nôtre ; Considérant qu'au cours de cette visite, qui honore toute la famille des nations de l'Amérique Latine, le Souverain Pontife sera plus près des Chiliens, les soussignés, membres du Conseil National de la Société Crulienne de Défense de la Tradition , Famille et Propriété, décident de profiter de la présence de Sa Sainteté sur notre continent pour: 1. Présenter au Vicaire de Jésus-Christ l'hommage de leur respect et de leur amour filial, ainsi que leur .intention de tout faire - dans le domaine civique, propre à notre Société - pour que notre Patrie, Royaume bépj de Notre-Dame du Carmel, persévère et progresse dans la fidélité aux principes de l'ordre naturel enseignés par l'Eglise dans sa profonde sagesse; 2. Proclamer cetté fidelité , surtout face aux manœuvres incessan tes, parfois claires, d'autres fois voilées, que le communisme mène pour s'emparer du Chili et faire d'une nation catholique unt: vile colonie de Moscou , Pékin ou La Havane; 3. Manifester, publiquement et de toutes leurs forces, leur haine du communisme:


424

ANNEXE V

a) parce que le système philosophlque sur lequel celui-ci s'appuie est athée, matérialiste et amoral, b) parce que son régime économico-social totalitaire · nie la famille, la propriété individuelle et la légitimité d'une hlérarchle de classes harmonieuse et équilibrée; 4. Proc!amer leur conviction inébranlable que ce n'est pas dans l'apostasie, ni dans la destruction de la famille, ni dans la violence et la confiscation, mais exclusivement dans les voies sacrées de la Civilisation Chrétienne, que le Chili doit atteindre le développement souhaité; 5. Faire entendre, en conséquence, à Sa Sainteté le Pape Paul VI le cri d'angoisse jailli du plus profond de leur cœw·, devant la montée du péril communiste, grâce à l'agitation continuelle d'une minorité d'ecclésiastiques et de laïques qui se proclament catholiques. En effet: - à partir principalement de l'endoctrinement du Centre Bellarmin, exprimé avec une indiscutable clarté dans l'organe correspondant, la revue « Mensaje » , ainsi que dans le Centre pour le Développement Economique et Social d'Amérique Latine ( DESAL ) avec ses publications bien connues et symptômatiques dans notre Pays, tout un courant d'intellectuels et d'hommes d'action s'est constitué, avec d'importantes ramifications dans les milieux politiques, ecclésiastiques et universitaires. De ces doctrines , tantôt confuses, tantôt tendancieuses, tantôt manifestement erronées émanant ·de ces deux institutions, et de leur vision unilatérale et passionnée des problèmes chiliens, ainsi que des méthodes d'action démagogiques et même violentes qu'ils préconisent, il résulte qu'en Amérique Latine notre Nation est, après Cuba, celle où l'offensive gauchiste vers le communisme est la plus impétueuse et efficace; - le résultat de cette offensive a entraîné la formation d'une extrême-gauche démocrate-chrétienne, laquelle a réussi à s'emparer d'importants postes publics , et fait tout pour pousser notre Pays dans le sens d'une « évolution » dont le terme final sera inévitablement le communisme;


ANNEXE V

4 25

dans les milieux universitaires, des minorités turbulentes se sont constituées, avec des leaders d'extrême-gauche fanatisés dont la tendence idéologique s'est esprimée de façon caractéristique à diverses reprises, comme par exemple, lors de la marche qu'ils entreprirent de Valparaiso à Santiago avec les socialistes et les communistes pour soutenir le Vietnam du Nord; - le Centre Bellarmin, « Mensaje », DESAL, tentent de fonder sur la doctrine catholique les idéaux qui inspirent ceux qui participent à cette vague d'extrême-gauche: l'instauration du divorce, qui entraîne la dissolution de la famille, les réformes agraire, urbaine et de l'entreprise socialistes et confiscatoires, l'instauration d'un comrnunautarisme social et économique qui se distingue mal du communisme et qui doit entraîner l'élimination de toutes les inégalités de classes etc.; - bien que ces éléments affirment défendre toutes ces confiscations par des moyens pacifiques à travers ce qu'ils appellent la « Révolution dans la Liberté », ils insinuent qu'il sera légitime de recourir à la violence au cas où les propriétaires se refuseraient à consentir aux spoliations projetées; - tout ce programme n'obtiendrait dans notre Pays aucun écho, s'il n'etait présenté au nom de la doctrine catholique et appuyé par de nombreux prêtres et religieux, y compris de rang très élevé. Ce ne peut être qu'à l'intérieur du Cheval de Troie d'une doctrine catholique non authentique que des idées si injustes et violentes pourraient pénétrer dans une nation aussi chrétienne que le Chili; - même si tout ceci ne représente pour le moment que la pensée d'une minorité de chiliens, séduits sur le terrain électoral par des catholiques qui ne se rendent toujours pas compte de l'esprit et des intentions qui les inspirent; - et bien que la majorité de la Nation chilienne, y compris la classe des travailleurs manuels, manifeste chaque jour davantage son hostilité à cette minorité d'extrême-gauche ; - les ravages que cette évolution fait sur la jeunesse des universités et séminaires et son action désastreuse sur la législa-


426

ANNEXE V

tion du Pays, nous font craindre les pires dangers pour le Chili de demain. 6. Souligner que des affirmations et des propos comme ceux-ci ont été clairement énoncés dans un document dont l'auteur est le Père Joseph Comblin ( dont la présence au Chili s'est manifestée par un comportement indiscutablement gauchiste), actuellement Professeur à l'Institut Théologique de l' Archidiocèse de Olinda et Recife , la situation ayant été anaiysée dans u.,e lettre magistrale adressée à l' Archevêque Monseigneur Helder Camara par le Professeur Corrêa de Oliveira, Président du Conseil National de la Société Brésilienne de Défense de la Tradition , Famille et Propriété; 7. Ajouter que des affirmations et propos analogues affleurent dans les conclusions du Ier Congrès d'Amérique Latine pour !'Apostolat des Laïcs tenu à Buenos Aires du 7 au 9 octobre 1966, et publiées avec une analyse très juste par la revue « Cruzada » de Buenos Aires dans son n. 66. Presque deux années ayant passe depuis cette publication , l'expérience montre que les délibérations du dit Congrès ne sont pas restées lettre morte, mais qu'au contraire .elles se prolongent en manifestations symptômatiques plus ou moins continuelles; 8. Implorer filialement Sa Sainteté le Pape Paul VI, pour qu'il adopte de toute urgence des mesures visant à faire cesser immédiatement l'action d'ecclésiastiques et de laï cs progressistes, favorables au communisme . Santiago, le 20 juillet 1968

Conseil National de la Société Chilienne de Défense de la Tradition, Famille et Propriété ( *)

( • ) Ce docum en t a été publié dans le « Diario Jlustrado » , 22-7-68; « E l Mercurio », 23-7-68 et « FIDUCIA » n . 26, janvier-février 1969.


ANNEXE VI

DEUX CENT PERES CONCILWRES DEMANDENT AU CONCILE V ATI CAN II UNE CONDAMNATION CATEGORIQUE DES ERREURS SOCIALISTES ET COMMUNISTES

Deux cent treize Pères Conciliaires de 54 pays, prévoyant sans doute l'apparition d'une troisième force inacceptable entre le marxisme et le christianisme dans les domaines politique, économique et social, présentèrent au Concile Vatican JI un document mémorable demandant à l'Assemblée de renouveler la condamnation de toutes les erreurs socialistes et communistes, en dissipant l'erreur qui se glisse insidieusement dans les milieux catholiques. Suit le texte intégral de ce document, remis à son Eminence le Cardinal Amleto Giovanni Cicognani, alors titulaire de la • Secrétairerie d 'Etat du Saint-Siège ( cf « FIDUCIA », 11. 6 mars

i 964 ) : « Eminentissime et Révérendissime Seigneur: Mû par le désir que les âmes retirent Je plus grand profit du Concile Vatican II, et adressant mes salutations respectueuses à Votre Eminence, je vous adresse cette pétition, en vous priant de bien vouioir la soumettre à la Commission que vous


428

ANNEXE

VI

présidez pour ensuite, si vous Je voulez bien, la présenter au Très Saint Père. Fondement

C'est une excellente occasion que nous offre Je Concile Œcuménique pour traiter des questions d'une extrême importance pour Je bien de l'Eglise et Je salut des âmes . Il en est ainsi des questions relatives à la secte communiste, socialiste ou marxiste. Car il s'agit de quelque chose qui intéresse pardessus tout le salut d'un grand nombre de fidèles: en premier lieu , de ceux qui, vivant sous le joug des communistes, sont déjà privés de la liberté de servir Dieu, selon les exigences de la conscience catholique; ensuite, de ceux qui risquent de tomber sous ce même joug. Comme , entre-temps, le dessein communiste de dominer le monde se renforce chaque jour davantage, l'on peut dire que l'Eglise se trouve dans de nombreuses . régions sur le poin t de connaître une cruelle servitude et une atroce persécution. Que le Concile traite d'une question aussi grave me semble non seulement opportun, mais nécessaire. J'exposerai les raisons les plus profondes de cette nécessité. I - Parmi des catholiques, circulent de nombreuses erreurs , ainsi que des états d'esprit, qui ont leur origine dans la Révolution Française et sont répandus par la propagande bolchévique; ces esprits deviennent enclins à accepter les doctrines marxistes et la structure sociale et économique du communisme. Séduits par ces idées , de nomb reu x catholiques considèrent avec sympathie le communisme, admirent les pays communistes, remettent en question les fondements même de l'ordre social chrétien, ou le conçoivent selon les vœux des communistes. Pi encore, un grand nombre de fidèles éprouvent comme un sentiment de culpabilité, parce qu'ils ne professent pas encore ouvertement le communisme ou le socialisme . Voici les principales erreurs et déviations:


ANNEXE VI

4 29

1 - L'opinion se répand chaque jour davantage que toute supériorité sociale ou économique est injuste , de sorte que seule l'égalité de fortune entre les hommes, très à la mode aujourd'hui, serait conforme à l'Evangile, toute autre disparité sociale disparaissant alors . Si donc quelques hommes, citoyens d'un même pays ou étrangers, subissent les effets d'une certaine pauvreté, tous les autres hommes qui jouissent de biens au-delà de ce qui leur est strictement nécessaire pour vivre doivent, selon ces catholiques, renoncer non seulement aux biens superflus , mais aussi même à ceux qui leur sont absolument nécessaires pour conserver le mode de vie correspondant à la position sociale qu'ils occupent. En conséquence, aux yeux de ces catholiques, toute opulence familia le ou nationale doit toujours être considérée comme un vol et un cumul injuste de biens qui appartiendraient aux classes plus modestes. D'où la très grave conséquence que l'on peut énoncer ainsi : les classes les plus modestes out un droit strict aux biens qui doivent être considérés comme nécessaires, mais non strictement pour vivre, seulement nécessaires pour Je mode de vie correspondant à la postion sociale occupée par un autre. Et , comme elles y ont droit, elles peuvent prendre ces biens par la force . Selon ce principe appliqué à la communauté des peuples , les nations moins cultivées et moins riches ont le droit d'exiger des nations plus cultivées et plus riches une participation aux biens que celles-ci possèdent, biens de culture ou biens de fortune. Le cas échéant, il leur est donc permis de s'approprier par la force des richesses des nations les plus fortunées . Ces catholiques ne rejettent pas une telle conséquence, sinon dans la pratique, du moins en théorie . 2 - Toujours selon ces catholiques, le Saint-Siège doit distribuer, pour secourir les pauvres et les nécessiteux, les trésors du Vat ican et des Basiliques romaines, ainsi que les œuvres d'art qu'i l possède. Les Evêques , les mon astè res et les presbytères devraient reno ncer à toutes les richesses, pour ne conserver que ce lles qui leur so nt strictement nécessaires pour subsister.


430

ANNEXE VI

3 - Ces erreurs sont répandues par de nombreux maîtres dans les rangs du Clergé. Propagées sous l'apparence de la justice et de la charité, elles amènent de no mbreux fidèles à admettre de fausses doctrines et principes, créen t un esprit contraire à l'ordre social et tendant à l'égalitarisme social. II - Je vais maintenant traiter d'un autre aspect de la situation actuell e du Catholicisme. Avec la sagacité qui les caractérise, les communistes utilisent depuis ces dernières années une nouvelle stratégie. Le gouvernement soviétique proclame la nécessité de la coexistence pacifique et fait montre d'un libéralisme fictif. Ce relâchement momentané de la rigueur du système politique crée l'illusion d'une certaine évolution des naiions communistes qui , insensiblement, s'achemineraient vers un type de société pouvant être toléré et même souhaité par les catholiques. Dans cette nouvelle société marxiste , l' Etat autoriserait une certaine liberté de langage et de pensée, adoucirait la rigueur policière, pourrait tolérer la religion, mais n'admettrait pas le droit de propriété, ni ne consentirait à l'usage de la propriété privée. Un grand nombre de catholiques d 'aujourd 'hui jugent acceptable ce régime et, à leurs yeux , l'Eglise n'a rien d'essentiel à opposer à un tel Etat socialiste. Ils renforcent l'opinion de ceux qui déclaren t que la propriété privée ne profite pas à l'Eglise, mais seulement aux propriétaires et ils pensent donc q ue l'Eglise n'a aucune raison de lutter en faveur du droit de propriété. Le catholique serait donc au torisé à ad hérer et à soutenir un régime social dans lequel ce droit de propriété ne serait pas admis ou serait gravement diminué. S'appuyant sur de telles opinions, de nombreux catholiques estiment que la société occidentale, en raison des abus du régime capitaliste sous lequel ils vivent , est pire que la société communiste. Ils pensent réellemen t qu'il est impossible de remédier aux abus du capitalisme et donc, qu'il est indifférent pour la

i

1

.4


ANNEXE VI

431

cause catholique que nous vivions sous un régime occidental libre ou sous la servitude communiste. Pis encore, ils n'ont pas honte de déclarer qu'ils préfèrent le régime marxiste au régime des nations capitalistes. III - Etant donné l'état actuel des choses, cette pénétration gérérale des idées et de la mentalité marxiste exige abolument que le Concile dise un mot pour tranquiliser la conscience chrétienne. Et, à mon sens, ce mot d~it être dit, sous peine de causer un grave dommage aux âmes. Réellement, le .marxisme et le communisme doivent être considérés comme les hérésies les plus grandes et les plus dangereuses du siècle; les fidèles ne comprendraient pas que le Concile n'aborde pas cette question d'une actualité brulante. Pétition

Une constitution doctrinaire et pastorale vis-à-vis du marxisme, du socialisme et du communisme ne créera pas le moindre obstacle à l'action du Saint-Siège en faveur de l'éxistence pacifique de tous les hommes et de toutes les nations; aussi, me fondant sur les très graves raisons que j'ai exposées plus haut, je prie la Commission chargée des Affaires Extraordinaires du Concile Vatican II de présenter au Souverain Pontife le vœu de nombreux Evêques et fidèles, que le Très Saint Père procèdera à l'élaboration et à l'étude d'un schéma de constitution conciliaire dans laquelle : l. La doctrine sociale catholique serait exposée avec une grande clarté et dénoncées les erreurs du marxism_e, du socialisme et du communisme, du point de vue philosophique, sociologique et économique; 2. Ces erreurs seraient combattues, ainsi que cette mentalité, qui préparent l'esprit des catholiques à accepter le socialisme et le" communisme, les rendant favorables à ces régimes.


432

ANNEXE VI

Conclusion

Je connais, Eminence, l'opinion de nombreux Pères Conciliaires qui , mûs par la même angoisse , souhaitent traiter de ces problèmes en Concile. Je nourris l'espoir que, répondant à nos vœux, Votre Eminence présentera cette requête aux membres éminents qu'elle préside et fera ensuite connaître au Souverain Pontife le désir et la requête de Pères conciliaires aussi nombreux.


ANNEXE VII

UNE MINORITE MARXISTE PREPARAIT L'INSTAURATION DANS LE SANG DE LA DICTATURE DU PROLETARIAT

Allende n'a jamais fait mystère que son regime n'était qu'une étape provisoire sur la voie d'une future dictature du prolétaria t. Lui-même ainsi que d'autres dirigeants représentatifs de !'Unité Populaire avaient laissé entendre , en diverses occasions publiques, que les nécessités stratégiques pourraient précipiter le passage de la voie progressive et évolutive de l'instauration du socialisme à son implantation violente , celleci étant , bien en tendu, préparée dès le début. 1. D'une part existaient, en augmentation constan te et tendant de contrôler des zones agricoles décisives du Sud, les cadres armés paramilitaires du Mouvement de· la Gauche révolutionn aire ( MIR) , dont les li~ns sont connus avec le Parti So cialiste d'Allende. 2. D'autre part, les dirigea nts socialistes, en particulier Je Président de ce parti le Sénateur Carlos Altamirano ne dissimulaient pas que des secteurs de !' Unité Populaire se préparaient à passer de la « voie démocratique >> à la « voie armée ». Ce Parti parvint même à compter sur une Armée de Libération Natio nale, qui représentait l'organisatio n paramilitaire Je plus puissante de !'Unité Populaire. 3 . Po ur sa sécurité person nelle , le Présiden t marxis te avait organisé les GAP ( Groupes d'Amis Personnels) , égale-


434

ANNEXE VII

ment un organisme paramilitaire comptant 250 hommes puissamment armés. 4. Dans sa propre résidence présidentielle à Santiago, rue Tomas Moro, il avait peu à peu installé un authentique quartier général de défense avec d'énormes quantités d'armements d'origine tchécoslovaque et soviétique. On en arriva même à cet extrêmité que dans la maison d'Allende, en pleine zone résidentielle de ·1a capitale, une école pour « guérilléros » fut installée avec professeurs, textes, cours de tir, maniement d'explosifs etc. 5. Dans les faubourgs de Santiago, le Secrétariat du Président dirigeait la résidence présidentielle de repos dénommée « El Canaveral ». Là il y avait une seconde école de guérillas comportant même des champs minés et autres spécialisations de ce genre. Après la chute du régime marxiste, les forces militaires se saisirent de photographies sur lesquelles l'exprésident Allende apparaît s'entraînant à la mitraillette sous la direction du chef de la police socialiste, Eduardo Paredes. 6. Cet entraînement d'un.e authentique_ « armée populaire » fit appel à des spécialistes en guérilla rurale et urbaine venant de l'étranger, spécialement de Cuba. Le nombre d'étrangers destinés à intégrer les forces d'agitation et de combat de !'Unité Populaire oscillait, en 1973, entre dix et treize mille, selon les chiffres officiels démontrés publiquement par les autorités militaires qui renversèrent Allende. 7. Le régime de Fidel Castro, qui avait envoyé un nombreux contingent d'.extrémistes cubains au Chili, constitua l'un des principaux fournisseurs d'armes pour la voie violente d'Allende, comme le prouvèrent amplement les armements puissants qui avaient été trouvés par l'armée chilienne en divers endroits du territoire national . De même, qui ne connaît le scandale des « colis contenant des cadeaux personnels » que le dictateur cubain envoyait à .son collègue Allende, provoquant les protestations de 1~ Chambre des Députés, ce chargement suggestif ne remplissant pas les formalités de douane de rigueur. Allende prétendit alors, hypocritement, qu'il s'agissait d' « objets


ANNEXE VI1

435

d'art ». Or, comme il fut démontré publiquement, ces « objets d'art » n'étaient rien d'autre qu'un armement de guerre moderne. Enfin, comme en témoigne une lettre écrite de sa propre main par Fidel Castro et adressée à Allende dans les derniers jours de son règne, le dictateur des Caraïbes avait envoyé son vice-ministre des Affaires Etrangères Rafael Rodriquez , et un certain Pineiro sous prétexte de discuter de la réunion des pays non alignés. « L'objectif réel - dit Castro dans sa lettre à Allende - est de me tenir au courant de la situation avec toi et de t 'offrir notre coopération face aux difficultés e t aux dangers qui en travent et menacent le processus » ( cf. également Partie III , chap . 111, n . 9 ). 8. Un autre élément de la préparation marxiste à la guerre civile consista dans le recrutement d'« ouvriers et employés » fantômes, qui n'étaient rien d'autre que des agitateurs et des guérilléros, lesquels étaient financés par des organismes fiscaux. C'est le cas, par exemple , de la Corporation des Travaux Municipaux qui, en trois ans, augmenta soixante fois s~n effectif d' « ouvriers et employés » , parvenant ainsi à mettre sur pied une nouvelle branche de la milice populaire en formation. 9. De son côté, le Parti Communiste avait constitué ses propres milices dénommées publiquement « Brigades Ramona Parra ». 1O. En même temps, d'autres écoles de guérillas furent créées un peu partout dans le pays, comme par exemple celle de la fondation agricole de Nehuentué , dans la province de Cautin dans le sud, où l'armée chilienne devait découvir par la suite un grand nombre de munition~ et même des mines anti-chars . 11 . Rien que les armes découvertes par les forces de sécurité, dans les premiers jours qui suivirent la chute d'Allende permettaient d'équiper complètement une armée de plus d~ cinq mille hommes et , par la suite, on continua à découvrir de nouveaux arsenaux clandestins.


436

A N NEXE

VIT

12. En même temps, les milices terroristes procédaient peu à peu à l'occupation d 'entreprises stratégiques dans les ceintures industrielles des grands centres urbains, tandis que des hôpitaux d'Etat disparaissaient médicaments et matériel de chirurgie pour la constitution de cliniques clandestines que devaient découvir , par la suite , les forces militaires qui renversèrent Allende . 13 . L'armée réussit à détecter des docum ents justifica tifs selon lesquels, depuis le congrès tenue en mars 1973 par !'Unité Populaire, une <, Commission Permanente de Sécurité » avait été désignée , en vue de la préparation de la dictature marxiste . Ce commandement cetral était composé de 65 personnes réparties proportionnellement aux par tis fo rmant la coalition gouverne me n tale. 14 . De leur côté , le président socialiste Carlos Altamirano ainsi que le secrétai re de la dissidence du Parti Démocrate Chrétien appelée MAPU, Oscar Garreton , et le chef du MIR , Miguel Enriquez, furen t chargés de l'infil t ration dans !'Arm ée . Il s tinren t plusieurs réunions dans la localité de Puente Alto e t avaient préparé le bo mbard ement simul tané de l'Ecole Navale du Chil i et du Fo rt Vcrgara à Valparaiso , qui serait déclen ché du début des hostilités . 1S. Dans la province australe de Valdivia, le cen tre de gu frillas fut installé dans la zone de la co rdillère, où existe le Complexe Maderero Panguipulli . 16. Dans la ca isse de fond s de la Direc tion des Enquêtes ( Po li ce don t la di rec tion éta it entre les mains du mi li tant socialiste Alfredo Joignant) , l'arm ée découvrit égale ment des ra pports secrets significa ti fs : Un groupe de marxistes, sous la directio n de Jo ignant au sein de la police, fa isaient des rappo rt s d'espionnages politico-militaires réalisés d ans le sud et le no rd d u pays . Les espions rendaient co mpte spécialement de l'infiltratio n marxiste da ns l' Aviat ion et I' Ar mée et étab lissaien t une fic he politiq ue et sociale sur chacun des offi ciers com ma nda n t des trou pes dans les zones espio nnées.


l

ANNEXE VII

437

On trouva également dans les bureaux de Joignant une série d'instructions concernant des opérations militaires relatives à l'action violente qui devait se déchaîner dans tout le Chili. 17. Enfin, les nouvelles autorités militaires découvrirent tous les détails du « plan Z », dont l'auteur semble être le militant extrémiste de nationalité espagnole, appelé Garcés, plan qui devait être exécuté à partir du 17 septembre. Ce plan envisageait l'assassinat des hautes autorités de l'Armée à Santiago, profitant de la présence de ces derniers au cours des séances de préparation de la solennelle et traditionnelle parade militaire commémorant l'indépendance du Chili. Les séances préparatoires pour les festivités ont lieu à la même heure dans tout le Pays et en présence de la majorité des officiers. Selon les documents entre les mains des autorités, les leaders les plus dynamiques de l'opposition anti-communiste sous divers fronts devaient être assassinés. Ce fut la connaissance préalable d'une grande partie de ces préparatifs en vue de l'instauration de la dictature marxiste qui précipita l'intervention décisive des Forces Armées et des Carabiniers du Chili pour renverser Allende ( cf. « Ercilla » 26-10-73 ; « Libro Blanco del Cambio de Gobierno en Chile 11 septembre 1973, Santiago).


ANNEXE VIII

CLERGE ANTI-MARXISTE ET ATTITUDES RESTRICTIVES OU MOINS RADICALES DE CERTAINS PRELATS FACE AU PROCESSUS DE DEMOLITION DE L'EGLISE ET DU CHILI

Il convient de rappeler ici le soutien publïc apporté jusqu'en 1969 par !'Archevêque Monseigneur Alfredo Cifuentes Gomez à diverses prises de position de « FIDUCIA » d'abord et ensuite de la TFP contre le processus de marxisation du Clergé et du Chili. Cet appui a été souligné en temps utile dans le présent ouvrage . Indiquons également qu'à maintes reprises Monseigneur Alfredo Cifuentes manifesta son désaccord avec le progressisme communiste, incitant les fidèles catholiques à lutter contre le communisme. Ces attitudes laissent supposer que l'ancien Archevêque de La Serena, aujourd'hui Archevêque titulaire de Tapso, même s'il n'a pas manifesté expressément son désaccord avec les attitudes de collaboration de la majorité des Prélats chiliens avec le régime marxiste d' Allende, ne partage pas les idées et desseins destructeurs que nous avons décrits au cours de ces quinze années de !'Histoire de l'Eglise et du Chili.


ANNEXE

*

VIII

439

* *

Parmi Les Prélats cités au cours de la description du processus révolutionnaire, ont adopté des positions plus ou moins nuancées selons les cas: 1. Bien que l'opinion de Monseigneur Gilmoore , occupant la fonction de Vicaire militaire n'ait pas été connue publiquement, l'on peut imaginer qu'elle est en désaccord avec le comportement révolutionnaire du clergé, que nous avons dénoncé. Cependant, nous ne possédons pas de renseignements pour l'affirmer de façon catégorique . 2. Parmi les Evêques résidentiels, il convient de souligner certaines prises de position de Monseigneur Emilio Tagle Covarrubias, Archevêque-Evêque de Valparaiso . S'il est vrai que Monseigneur Emilio Tagle n'a jamais fait d'objection sur Je car actère socialiste et spoliateur du réformisme de la démocratie chrétienne qu'il considerait plutôt avec sympathie, il a fait connaître sa position contraire à un concept nettement libéral et relativiste, qui considère comme un bien la liberté d'action politique pour les marxistes. Cependant, cette prise de position n'a jamais été proclamée de façon à inciter les catholiques à s'écarter du « pluralisme idéologique » libéral et laïcisant du Parti Démocrate Chrétien. D'autre part , l' Archevêque-Evêque de Valparaiso n'a pas manifesté son désaccord à l'égard de la collaboration de Pasteurs et Prêtres qui favorisèrent si efficacement la montée, l'installation et le maintien du Pouvoir du régime marxiste ; cepen.dant, à plusieurs reprises, il rejeta énergiquement certains aspects du marxisme et en particulier Je projet sur l'éducation de la ENU, où sa prise de position publique fut la plus énergique parmi les Prélats . Depuis le 11 septembre, l' Archevêque-Evêque encourage publiquement la ferveur anti-communiste des fid èles, veillant à ne pas entraver l'action légitime du gouvernement militaire .


440

ANNEXE VIII

Monseigneur Emilio Tagle n'a pas manifesté son désaccord publiquement à l'égard de certaines attitudes du Comité Central de l'Episcopat ou des Assemblées plénières; cependant, en certaines circonstances, il laissa transparaître un désaccord indirect, comme dans sa déclaration sur le thème de la « réconciliation », dans laquelle on peut noter des divergences avec la Pastorale collective des Evêques, approuvée à la majorité des voix. Monseigneur Emilio Tagle a critiqué également les excès sacandaleux des prêtres alliés avec le terrorisme du MIR . 3. L'Evêque de Linares, Monseigneur August o Salinas s'est toujours montré partisan de la Réforme Agraire socialiste et spoliatrice promulguée durant le Gouvernement d'Eduardo Frei. Son désaccord avec la politique ecclésiastique de collabora tion avec la cause marxiste portait essentiellement sur les cas de compromission déclarés et extrêmes; comme par exemple les prêtres alliés aux terroristes dti MIR , qu'il condamna catégoriquement. L'on peut dire également qu'après la chute d'Allcnde, s'il est vrai qu'il insista sur les thèses socialistes et spoliatrices , il critiqua plus catégoriquement la désastreuse expérience marxiste , rédigeant un article sur la situation au Chili pour les journaux étrangers, article justifiant le soulèvement militaire anti-marxiste. Son attitude est apparue plus modérée que celle d'autres Prélats et prêtres démolisseurs, sans que l' on puisse, cependant, préciser les différences qui les séparent. 4. Il est à noter également que Monseigneur Francisco Valdès Subercaseaux, Evêque de Osorno , qui comme la presque totalité des Prélats chiliens avait accepté le socialisme de Frei, adopta quelques positions plus catégoriques de critique à l'égard de certains aspects du régime marxiste d'Allende ; par la suite le 11 septembre 1973 , il encouragea discrètement les nouvelles conditions de liberté et d'espoir, crées après le soulèvement militaire anti-marxiste.


ANNEXE VIII

441

Nous n'avons aucune preuve que Monseigneur Valdès Subercaseaux ait manifesté sa contrariété devant la collaboration des ecclésiastiques cités dans le présent livre avec la cause marxiste. Monseigneur Valdès Subercaseaux a fait allusion également à la nécessité de réconciliation en termes plus modérés que la déclaration épiscopale. Cependant, l'on ne trouve pas dans · ses écrits la reconnaissance de la lutte à -mort qui se livre au Chili entre l'impérialisme communiste anti-chrétien et les catholiques fidèles à la Doctrine de l'Eglise. 5. Monseigneur Polidoro Van Vlierberghe, administrateur Apostolique de Illapel, à l'occasion de sa visi te récente en Belgique, révéla le malaise public, le sien et celui d'autres prêtres belges de son diocèse, devant les informations tendencieuses concernant la réalité chilienne ( « El Mercurio », 19-11-75 ). Nous ignorons également si, au cours de ces qui nze années de démolition, dans les domaines ecclésiastique et civil, dénoncée dans le présent ouvrage, l' Administrateur Apostolique de Illapel a manifesté son désaccord. Nous supposons que sa position est naturellement contraire aux excès des prêtres et laïcs alliés ouve rtement avec le marxisme. Mais, comme nous l'avons vu, le comportement révolutionnaire de « marche lente » de la majorité de !'Episcopat et d'une grande partie du Clergé chilien est plus efficace que celle des extrémistes dans la conduite de l'Eglise et du Chili vers une révolution socialiste égalitaire, contraire à la Doctrine Catholique dans les domaines économique, social et politique. 6. Enfin, signalons qu'en vertu des statuts de la Conférence Episcopale chilienne, certaines des déclarations communes ont pu ne pas être adoptées à l'unanimité. Egalement, le Comité Permanent de !'Episcopat est habilité à représenter les Evêques dans les cas d'urgence, ce qui parfois ne laisse pas le temps àe consulter chacun d'entre eux . En dépit de cet aspect du règlement, chaque évêque a le droit d'avoir son opinion personnelle dans le Diocèse qu-'il gouverne et donc de faire connaitre sa pensée aux fidèles.


442

ANNEXE VIII

*

* *

En ce qui concerne les prêtres , nous savons que nombre d'entre eux dans les Congrégations Religieuses, les paroisses, les chapitres ou les chapellenies, partout au Chili, n'approuvent pas Je comportement révolutionnaire de « marche rapide » ou de « marche lente » des ecclésiastiques que nous avons dénoncés. Nous sommes heureux de citer, par exemple, les noms des onze prêtres qui soutinrent publiquement le manifeste de la TFP chilienne publié sous le régime d 'Allende, en février 1973, sous le titre « L'autodémolition de l'Eglise, facteur de la démolition du Chili ». Ce manifeste déplorait précisément le so utien accordé, à des degrés divers, par des ecclésiastiques au marxisme avant et pendant Je gouvernement d'Allende. Voici les noms de ces prêtres, déjà cités dans la note 3, chap . IV Part III: Les Abbés et les Pères Guillermo Varas A. et Raimundo Arancibi a S. , de Santiago; Fran cisco Ramirez, José Garcia, Benedicto Guinès, Luis Toledo Sch., Arturo Fuentes T. , Bernardo Lobos M., Reinaldo Duran Ch., Francisco J . Valenzuela, Francisco Veloso C., de Concepcion. II convient également de souligner que, sous le régime d'Allende, le prêtre et professeur de philosophie Pedro de la Noy B. écrivit une lettre assez significative, blâmant le groupe de prêtres collaborateurs du marxisme, appel é « groupe des 80 ». L'on connaît également la polémique soutenue dans les derniers temps du régime d'Allende par le Révérend Père Hasbun lors de ses interventions télévisées. Nous ignorons la position de ces deux prêtres à !'égard du processus de démoli tion de l'Eglise et du Chili décrit dans le présent livre et qui embrasse plus de quinze années. Cependant, nous jugeons bon de noter au passage le comportement de ces prêtres dans les cas cités. Il est à noter également que près de 4 0 prêtes rendiren t publique, après le 11 septembre , une lettre de soutien au gouvernement militaire anti-marxiste .


• 1

ANNEXE

VIII

443

Parmi les prêtes dont l'hostilité au communo-progressisme et aux formes modérées de collaboration indirecte avec le marxisme est bien connue, citons, le théologien et professeur de philosophie, le Révérend Père Oswaldo Lira, SS .CC, qui a souvent encouragé personnellement les catholiques dans leur lutte contre le communisme. Il a manifesté publiquement son adhésion à la Junte Militaire du Gouvernement et son estime pour le caractère anti-marxiste de la gestion de celle-ci, de même qu'il a signalé le caractère légitime et conforme à la Doctrine Catholique du soulèvement militaire qui renversa le régime immoral d'Allende. Soulignons aussi, sur le plan théologique, la position catégorique adoptée par le Révérend Père Miguel Poradowski contre l'infiltration des iées marxistes dans le Clergé, dans un remarquable essai , paru récemment.


Il a été tiré de cet ouvrage 150 exem pl aires hors commerce, dont: 10 exe mplaires réservés à l'auteu r, marqu és

d eAà J ; 10 exe mplaires réservés à l'éditeur, marqués de K à T ; 15 exemplaires réservé s aux dirigeants des

-

-

Socié rés d e Déf ense de la Tradition. Famille et Propriété, marqués de I à XV; 5 S exemplaires réservés au Bureau pour/ 'Europe « Tradition - Fam ille - Proprié té » , num é rotés de I à S 5; 60 exempl aires réservés à Jeunes Français pour une Civilisation Ch ré tienne, numérotés de 56 à 115.


SOCIETE EDITRICE CHA NTECLER S.A.R.L. 6 , Av. Chauvard 92600 ASNIERES Dépôt légal: 4ème trimestre 1976

ISBN:2-901039-03-0


"Et voici le paroxysme dépassé: ce même Cardi,ial qui avait nommé le dirigeant communiste Pablo Nemda Docteur Honoris Causa de l'Université Pontificale; - ce même Cardinal qui ai•ait jugé parfaitemelll normale l'institution d'une chaire d'athéisme et de marxisme à / 'Université catholique; - ce même Cardinal qui s'était montré con!'réhensif à l'égard du prêtre guérilléro Camillo Torres; - ce même Cardinal qui co11sidérait les "pré res rebelles" avec largeur d'esprit; .. , . • ce même Cardinal qui àvait jugé lic:ite le vote de catholiques pour un candidat mariiste; · ce même Cardinal qui qualifiait Allende d'homme idéa1 liste et honnête; - ce même Cardinal qui avait appuyé les réformes économiques et sociales de l'unité Populaire pour soutenir le régime d'Alle11dei . · , •. · ce même Cardinal qui fer!!'a les yeux sur les souffrances de so11 peuple sous l'expérience nwrxiste; · ce même Cardi11al qui, aujourd'hui, exalte e11 termes mélodranwtiques la pauvreté de certai11es catégories de Chiliens, sa11s préciser que le socialisme en est la cau_se; · ce Prélat retrouve so11 autorité foudroyante... Le permissif, le fraternel, le conciliant se dresse, menaçant.>.-. · · .... .i'• ..,., n parle le langage antique.des te"ibles sanctions canoniques: il parle dëxéômmufücation Serait-ce enfin pour frapper les prêtres qui ont trahi leur Eglise et leur Patrie en embrassant la cause de l'héresie la plus contre-11atur.e.et_lp plus mo11strueuse de /'Histoire de l'Hwna11ité? Tout au contraire!! ... "


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.