SOMMAIRE Des débuts du graffiti au pressionnisme 4.
Le graffiti ou l’art d’exister
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Du croquis au mur
10. Les différents styles de l’art du graffiti
ÉDITORIAL Pour l’histoire Par Alain-Dominique Gallizia Commissaire de l’exposition «L’art du graffiti, 40 ans de pressionnisme»
Un nouvel art 12. L’avènement du pressionnisme 16. Quelques stars du graffiti 18. Portfolio Chefs-d’œuvre de la collection Gallizia 28. De Pompéi à Paris, les murs ont toujours eu la parole 30. Entretien avec Alain-Dominique Gallizia 34. Les expositions qui firent date
Le tag a aujourd’hui quarante ans d’existence auprès du grand public. Le premier article du New York Times du 21 juillet 1971 faisait entrer Taki 183 et son mouvement dans l’Histoire. Aux écrivains de l’origine, se substituent rapidement, avec l’arrivée de la bombe, les premiers peintres lettristes (burners ou writers). La création des graffitis pulvérisés par les artistes donne naissance au «subway art» ou au «spray can art», désormais inclus dans le «street art» par les salles de vente. Le street art englobe, dans son sens premier, aussi bien l’architecte que le pochoiriste, le colleur ou déchireur d’affiches que le dessinateur sur trottoirs ou le chanteur des rues. Il m’a semblé intéressant de séparer les genres et de donner un nom à la quintessence artistique de ce mouvement : le graffiti sur toile. La notion de pression, toujours présente dans les joutes artistiques propres à ce mouvement, rejoint celle de la bombe, qui est à l’origine de l’éclosion artistique du «pressionnisme». L’exposition «L’art du graffiti, 40 ans de pressionnisme», présentée à Monaco et réunissant plus de 400 tableaux, est l’occasion de célébrer cet anniversaire et de baptiser ce mouvement artistique trop longtemps mal perçu, et aujourd’hui incontournable. Les premières expositions de graffiti sur toile étaient l’initiative d’associations d’artistes, dédiant un lieu à leur travail, avant que de rares galeries privées (dont celle d’Agnès b.) ne les accueillent tel que Jack Lang le fera au Musée des monuments français en 1991 ou Hervé Di Rosa aux Arts Modestes de Sète la même année. Mais il a fallu attendre 2009 pour contempler en France la première grande exposition internationale d’art du graffiti au Grand Palais, dont l’immense succès précède la manifestation organisée cette année au MoCA de Los Angeles. L’engouement du public pour la variété des styles et des courants d’un art aujourd’hui, arrivé à maturité a donné l’envie de réaliser ce numéro spécial de Beaux Arts éditions. Il permettra à certains de poser juste un regard mais surtout, — je l’espère enfin —, un regard juste sur ces œuvres et leurs auteurs. Quatre cents des plus belles toiles internationales vous sont présentées dans ces pages et cet été au Grimaldi Forum de Monaco : la plus grande collection du dernier art pictural de la fin du XXe siècle et du siècle en cours.
DES DÉBUTS DU GRAFFITI À L’ARRIVÉE DU PRESSIONNISME LE GRAFFITI OU L’ART D’EXISTER À ses origines, le graffiti est avant tout une manière de retrouver un nom dans ces métropoles sinistrées par la crise.
Mais très vite un nouveau médium, la bombe, inspire les artistes qui vont rivaliser de créations originales pour faire du graffiti une grande aventure artistique.
Le tag est à l’origine... Le tag est, à l’origine, une pratique d’affirmation de soi dans une métropole anonyme. Une façon d’exister, de retrouver un nom dans une ville sinistrée par la crise. Ces signatures rapides témoignent du passage et de l’existence des jeunes dans les espaces publics. La compétition s’installe parmi ces nombreuses signatures à la réalisation risquée. Mais, très tôt, ce mouvement bénéficie de l’invention d’un nouveau médium: la bombe. Transformant le trait qui formait la lettre (le tag) en surface colorée, le trait va entourer la lettre (le graffiti). La palette Le pas-sage et la variété des traits s’élargissant, la bombe inspire les premiers artistes. StayHigh 149 invente le premier à la toile est personnage, mais Tracy lui donne une figure et Phase désormais 2 créé le bubble puis le wild style tandis que Dondi et Futura 2000 rivalisent de créations originales. Désormais possible... Caché sous un pseudo, l’auteur il ne faut pas seulement faire davantage mais surtout du graffiti, parfois formé dans faire mieux. Le duel devient une joute esthétique, les une école d’art, veut désormais être identifié comme courants se développent, les écoles se créent. auteur à long terme de son oeuvre et reconnu comme peintre par les générations suivantes. Le pas-sage à la On s’inspire des maîtres en recopiant leur écriture sur toile est désormais possible... et Hugo Martinez les y des carnets d’esquisses, supports de recherches d’un aide au sein de l’UGA (Union des artistes de graffiti). travail préparatoire nécessaire à l’exécution de leurs La guerre des mots, comme celle entre Basquiat et plus belles oeuvres. Dès 1972, les artistes se regroupent Rammellzee, se poursuit en un combat de couleurs et et travaillent en commun à l’enchaînement le plus de compositions sur toile dans les premières galeries. artistique possible de leurs lettres, à la qualité du remplis-sage et sur l’aspect de leurs personnages. Le danger y disparaît mais le temps octroyé et la mobilité du support enrichissent souvent les oeuvres. Un autre art naît sous une double pression: celle de la compétition entre les artistes, dont les oeuvres se jouxtent, et celle du public, enfin rencontré. Tous ne souhaitent pas cette transition. Tag ou graffiti, galerie marchande et art gratuit : le problème est posé. A.-D. G.
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DU BON USAGE DE LA BOMBE
La bombe est un des instruments de peinture les plus difficiles à maîtriser. Elle est au pinceau ce que le violon est au piano, la note est à faire. La distance au support, l’inclinaison de la bombe, la vitesse de la main et la pression exercée sur l’embout (le cap), donnent sa nature voulue au trait ou à la surface. Il faut plusieurs années de pratique intensive pour acquérir la dextérité nécessaire à la réalisation des plus beaux graffitis. Cet exercice n’est pas donné à tous et le renoncement cantonne, autant que la volonté, le graffeur au tag ou le dirige vers le pochoirisme ou vers un autre usage moins complexe de la bombe. L’évolution du matériel précède celle des styles: les premières bombes des années 1970, aux seules couleurs primaires et à l’embout standard, étaient simplement détournées de leur usage d’origine. Seules la superposition des teintes et la modification personnelle des caps permettaient d’obtenir, non sans mal, le résultat souhaité.
Il faut plusieurs années de pratique intensive pour acquérir la dextérité ...
Aujourd’hui, au grand dam de certains anciens, des magasins hautement spécialisés offrent une palette de plus de 200 nuances et nombre d’embouts, permettant de choisir la couleur au numéro prêt et de réduire l’angle de pulvérisation jusqu’au trait fin le plus extrême. Au point de conduire certains d’entre eux, repoussant encore cette démarche, à devenir tatoueurs! Le capuchon de la bombe, vite ôté et jeté, peut également servir à recueillir la peinture en quantité suffisante pour la projeter sur la toile et obtenir un effet de gouttes. L’influence des traits colorés de Jean Dubuffet, des lignes et surfaces colorées de Joan Miré et des drippings de Jackson Pollock conduisent à toutes les recherches. La formation classique de certains artistes, des pionniers aux plus récents, n’est pas étrangère à ces références auxquelles s’ajoutent désormais les styles créés par les grands maîtres de la bombe, dont certains inimitables, par leur talent et leur dextérité. A.-D. G.
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LES DIFFÉRENTS STYLES DE L’ART DU GRAFFITI
1. LE TAG Première forme de signature rencontrée dès les années 1960 à Philadelphie et à New York. Le trait forme la lettre. Le tag est tout d’abord fait au marqueur Posca puis à l’aérosol. Il évolue du diminutif au surnom puis au nom d’emprunt. Il est suivi de l’adresse de son auteur (183 pour 183e rue). Représentant : Taki 183 2. LE FLOP Le Bubble : Formes simples, toutes en rondeurs, sans stylisation ni recherche d’enchaînement particulier et souvent bicolores. Le bubble été inventé par Phase 2. 3. LE BLOCK LETTER Les lettres deviennent anguleuses et investissent une surface continue en restant séparées et lisibles. Les contours s’alignent et l’ensemble occupe un rectangle presque parfait. Les couleurs, à l’origine limitées, aux teintes neutres (chrome et noir), ont évolué vers des tonalités plus variées. Représentant : Nebay 4. LE PERSONNAGE Un logo est une première esquisse de personnage qui vient s’ajouter aux lettres dont il est parfois la simple déformation. Il sert de signature seule ou peut être intégré dans l’œuvre de l’artiste. Représentant : Revolt.
6. WILD STYLE Les lettres se déforment, deviennent illisibles et se «donnent la main» en une danse abstraite où la force vient de l’ensemble très libre de la composition. Ce ballet de lettres peut prendre diverses formes, droites ou sinueuses, et se répandre sur une surface importante pour devenir une maille plus ou moins serrée. Représentant: Phase 2 7. LA LETTRE UNIQUE Une des lettres de la signature de l’artiste (souvent la première) se détache de l’ensemble et gagne son autonomie. Elle est travaillée de manière très personnelle au point de devenir la marque de fabrique de l’artiste. Elle lui permet d’être rapidement identifié par une seule de ses lettres et de développer une recherche stylistique proche de l’enluminure. Représentant: Seen 8. LA 3D Développé surtout par les Allemands, ce style transforme l’écriture en une sculpture offrant des perspectives et des lignes de fuite aux spectateurs. Représentant: Loomit
5. OLD SCHOOL Ce style est développé à l’origine par les New-Yorkais dans une recherche de la forme simple de chaque lettre, son remplissage, son enchaînement. Le but est d’associer beauté, originalité et efficacité dans un foisonnement de couleurs et de lettres gigantesques couvrant souvent tout un wagon.Représentant: Seen
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UN NOUVEL ART LE GRAFFITI OU L’AVÈNEMENT DU PRESSIONNISME La bombe donne sa couleur et ajoute une pression de plus à toutes celles auxquelles les graffeurs se confrontent depuis 40 ans. Le graffiti étend son art à la toile : le pressionnisme est né. HISTOIRE & ÉTYMOLOGIE Le mot italien GRAFFITI dérive du grec GRAPHEIN qui signifie «écrire» ou «peindre ».Très tôt la recherche de la plus belle forme d’écriture transforme de simples écrivains en peintres calligraphes qui, carnet de croquis à la main, travaillent chaque jour à inventer leur lettrage, leur propre style sous pression. PRESSION DE LA BOMBE Principal instrument de peinture, la bombe aérosol est extrêmement difficile à maîtriser. C’est la distance, la vitesse, l’inclinaison de la bombe et la pression sur sa capsule qui détermine la largeur et la densité du trait. PRESSION DES ARTISTES Regroupés au sein d’une confrérie ou crew, les artistes doivent réaliser un exploit pour être adoubés par leurs pairs et accéder à un rang. De ces joutes artistiques désintéressées naissent, sur tous supports, des peintures aux styles variés, du figuratif au wild style.
PRESSION DE LA VILLE Phénomène sociologique, le graffiti permet la reconnaissance de son nom au cœur d’une ville impersonnelle. L’art du graffiti n’est pas un mouvement de protestation mais d’identification, individuelle et collective. L’incitation est forte de réaliser les plus grandes œuvres d’art sur des supports urbains, véritables défis à l’échelle de leur talent. PRESSION DU PUBLIC Ces artistes exposent dès 1972 leurs tableaux dans les galeries de New York grâce à l’UGA (Union des Artistes de Graffiti). Cependant, la reconnaissance des musées n’est pas au rendez-vous et le grand public, conforté dans son jugement par la pression des critiques officielles et l’absence du graffiti dans les foires d’art contemporain, les dénigre.
L'évolution rapide de ce qui était au départ un jeu d'enfant, en un mouvement artistique mature a été dirigée par la pression que la vie urbaine exerçait sur le cœur des adolescents, brûlant du désir de s'élever au-dessus des misérables rôles qui leur étaient proposés dans ces immenses cités écrasantes. Le Graffiti est né il y a quarante ans dans les sombres rues des villes délabrées d'Amérique du Nord. Pour les adolescents s'aventurant dans ses dédales, peindre son nom sur un mur était l'affirmation d'une nouvelle identité symbolique, exprimant leur force, leur solidité et l'humour nécessaire pour «survivre» ici bas. Le mouvement se transforma en se détachant des simples marques territoriales laissées par des membres de gangs rivaux pour établir leur zone d'influence. Poussés par un désir insatiable de création et d'aspiration à la beauté, ces jeunes développèrent leurs talents, pour devenir de véritables virtuoses de la calligraphie et des spécialistes en images chocs et concepts accrocheurs, tous contribuant à l'inoubliable impact de ces travaux sur le monde de l'art.
Le temps de la reconnaissance
L’histoire est celle de ne presque rien avoir mais de presque tout posséder, d’imprégner le béton de son identité, de son esprit, de trouver une liberté transcendant la captivité et, de donner comme médicaments pour une communauté malade les formes et les couleurs. Le lettrage élégant, organique ou sauvage était en opposition dynamique avec le strict quadrillage de la ville. C'est une métaphore visuelle où la force de l'âme s'exprime à travers différentes circonstances et aléas de la vie. Les futuristes ont glorifié le modernisme, le pouvoir industriel et la vitesse. Les graffeurs se sont emparés de cette puissante infrastructure et l'ont transformée, rétablissant l'esprit d'Ogun, la divinité yoruba du fer, sur les trains nus. L'évolution rapide de ce qui était au départ un jeu d’enfant, en un mouvement artistique mature a été dirigée par la pression que la vie urbaine exerçait sur le coeur des adolescents, brûlant du désir de s’élever audessus des misérables rôles qui leur étaient proposés dans ces immenses cités écrasantes.
Les artistes ont peint des formes et des couleurs cinétiques, hyperactives, qui n’auraient pu exister que sur un objet en déplacement, imitant le pouvoir et la vitesse chaotique du réseau ferroviaire de la ville, comme les Ces artistes défièrent la force industrielle des 900 musiciens de jazz le firent avant eux.Le style du graffiti kilomètres d'acier et de machines dessinant comme des vaisseaux sanguins sous la ville. En prenant possession de international d’aujourd’hui porte en lui cet héritage, et les meilleurs artistes peignent toujours non loin de leurs ces tunnels et en martelant les kilomètres de décombres où se dressaient auparavant des immeubles, ils scandèrent : racines, dans les rues, où vous devez vous inventer à travers «Nous sommes là, nous ne serons pas oubliés.» Ces années une expression culturelle pour atteindre furent marquées par la naissance d'une culture de création le statut de célébrité du ghetto. et de réalisation innocente, qui enluminait la ville détruite, transformant des ruines abandonnées en de brillantes Le choix est le suivant: soit vous adhérez à la vie telle œuvres d'art offertes à tous, remettant en jeu le qu’elle vous est présentée par la société et l’histoire, soit concept de propriété publique. vous la prenez, vous battez avec, et la modelez selon qui vous êtes. Vous avez une arme puissante aux bouts des doigts. Une cité de métal, de briques et de mortier, ou une toile sont tous les deux de bons points de départ pour une oeuvre d’art.
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UN NOUVEL ART
Le graffiti explosa sur la scène artistique newyorkaise. Perdu dans les méandres d'une culture auparavant inconnue, le graffiti s'échappa de la rue pour les galeries d'art, offrant de nouveaux horizons pour les enfants ayant appris qu'ils pouvaient avoir une carrière en tant qu'artiste. Pendant ce temps, les jeunes des villes du monde prirent conscience du mouvement et, identifiant la démarche contesta-taire, la vibrante rébellion esthétique de leurs confrères opprimés et marginalisés d'Amérique du Nord, ils saisirent eux aussi la bombe pour peindre des itinéraires de couleurs de Suède jusqu'en Australie. Le graffiti fut rapidement assimilé comme l'un des quatre éléments du hip-hop, et ces artistes accompagnèrent les DJ's, les B-Boy's et les MC's sur leurs tournées mondiales. Internet améliora encore davantage la diffusion du graffiti. Des artistes de pays et de cultures différents forment actuelle-ment une scène artistique internationale, remplie de styles et de talents variés. Alain-Dominique Gallizia a eu l'idée de rassembler en une collection représentative et faisant autorité des oeuvres réalisées par les artistes les plus renommés ayant émergé du mouvement. Sélectionnant les artistes parmi ceux qui ont réussi à percer sur la scène artistique internationale, aussi bien que parmi ceux dont la renommée est majoritairement restée dans le monde underground du graffiti, Alain-Dominique Gallizia a cherché à créer une image embrassant et unifiant le mouvement en établissant sa collection à Paris.
Ne se contentant pas uniquement de collecter des toiles, il fournit aussi un thème de travail à partir duquel les toiles devront être peintes. Ainsi, il invita chaque artiste à peindre sur deux toiles, chacune mesurant 180 cm sur 60 cm. Sur l'une des deux, l'artiste peint une œuvre basée sur son nom ou tag. Sur l'autre, un travail qui symbolise leur idée de l'amour. Alain-Dominique Gallizia a eu l'idée pertinente de rassembler les oeuvres produites par les plus grands artistes du mouvement graffiti en une collection représentative faisant aujourd'hui autorité. Il souhaite en faire la collection de référence du mouvement artistique ayant émergé du graffiti. Par la suite, Alain-Dominique Gallizia a réuni pour la collection Vintage de rares toiles historiques (19751990), produites par les premiers artistes du graffiti. Ces différentes collections sont rassemblées en un lieu unique, le Grimaldi Forum à Monaco, pour une exposition sans précédent. L'exposition formalise l'avènement du pressionnisme et célèbre un mouvement artistique arrivé à maturité. Le pressionnisme, art sous pression, source d'énergie de ce mouvement depuis son origine: pression de la bombe, pression de la rue, pression de la compétition entre les artistes et pression de la loi et de ses représentants.
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QUELQUES STARS DU GRAFFITI ASH > FRANÇAIS
Il découvre le graffiti au début des années 1980 où il est parmi les premiers à peindre les métros de Paris à la bombe. Puis ce seront les palissades des chantiers du Louvre et du Centre Pompidou sous le pseudo de Saho puis de ASH2. Il travaille avec Bando avant de rejoindre Jay One et Skki aux sein des fameux BBC (Bad Boys Crew).Ash est aussi parmi les premiers à peindre sur les murs du mythique terrain de stalingrad avec les plus grands artistes internationaux (Futura, Mode 2, Aone, JonOne) dont certains s’installeront en France. Il vit entre la France et le Danemark.
BANDO > FRANÇAIS
Précurseur du graffiti en France au début des années 1980, Bando a fait le pont entre les États-Unis et l’Europe. À Paris, il fonde le groupe Bomb Squad 2 avec Scam Graff2 et écume le quartier Saint-Germain. Lassé de son rôle controversé de parrain du graffiti, il se lance au début des 1990 dans la production musicale avec Le label Pure recors, à Paris puis à New York City. C’est un designer de la lettre qui se revendique de la rue : « Graffiti is not vandlism but beautiful crime. « Ses toiles sont percutants, son lettrage est net, lisible et les couleurs franches. Ce que j’aime dans le graffiti c’est la simplicité. C’est plus difficile de peindre avec deux ou trois couleurs «
BLADE > AMÉRICAIN
Pionniers du graffiti (1972), il introduisit pour la première fois les contours 3D dans les lettrages, apposant son nom de manière surdimensionnée (blockbuster ou top to boom cars) sur des centaines de métros new-yorkais. Dans sa quête artistique, il réalisera de nombreuses fresques murales. Il est aujourd’hui un graffiti artist et un muraliste mondialement reconnu.
CES > AMÉRICAIN
« Graffiti-dépendant « : c’est la définition que donne CES de sa relation à cet art. Ce New-Yorkais a attrapé le virus il y a vingt ans et travaille tous les supports. Ses lettres «pointues», agressives, ses contours et ses 3D millimétrées illustrent la passion du lettrage qui anime les artistes du mouvement graffiti, utilisant les lettres pour crées des images parfois jusqu’à l’abstraction.
CRASH > AMÉRICAIN
Né en 1961, dans le Bronx, Crasj est considéré comme l’un des pionniers du mouvement du graffiti. Précoce (Il peint ses premiers trains à 13 ans), il fait sa première exposition à 19 ans et intégré dès 1983 la galerie Sidney Janis de New York. Avant de faire son entrée dans la collection du MoMa de New York. Relevant d’une imagerie proche de la bande dessinée, ses toiles s’inscrivent aussi dans la filiation du pop art. Celle de la collection n’échappe pas à la règle [ill. page de droite]. Couleurs éclatantes, personnage glamour sur des fonds à la bombe, avec highlights et bulbes en prime !
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UN NOUVEL ART
DONDI > AMÉRICAIN
Dondi White ou Dondi, est né à Brooklyn. Il commence à tagueur sous le nom de Naco dans les années 1970. Membre des Odd Partners, il fonde en 1977 les Crazy Inside Artists (CIA) avec SID, KIST et DURO. Il chance régulièrement de nom, signant Bus, Mr White, Asia ou Roll. Il peint sur la ligne 2 du métro de 1977 à 1982. Développant un travail complet sur les lettres, les personnages et les icônes, il passe aisément à la peinture sur toile et expose à la Fun Gallery. Il a influencé un grand nombre d’artistes.
JONONE > AMÉRICAIN
D’origine dominicaine, il commence très tôt à peindre sur les murs de Harlem. Avec White Man, il crée à 17 ans le groupe 156 que rejoindra Psyckoze. Il intervient sur les trains de New York et principalement sur les stores métalliques des boutiques en déposant son flop (une main jaune tendue). Appelé à Paris par Bando, il travaille avec les BBC sur le terrain de Stalingrad et s’installe définitivement à Paris en 1987. Très tôt, il s’exprime sur toile par une écriture répétitive ou une projection abstraite dont le style et la couleur évoquent Kandinsky ou Pollock. JonOne est aujourd’hui exposé dans le monde entier à Paris comme à Shanghai ou New York.
JAY ONE > FRANÇAIS
Depuis 1982, Jay One a su faire évoluer son style. Pilier fondateur de la culture graff en France, il est à l’origine de la popularité du terrain vague de Stalingrad qui deviendra dans les 1980, la «Mecque de la culture hip hop». On retrouve dans ses toiles tout l’univers old school du graffiti avec un lettrage énergique, sur un fond de gouttes de bombes. C’est à la fois urbain et onirique, comme un texte de rap. Les personnages, esquissés confèrent une émotion particulière aux toiles de Jay One.
FUTURA 2000 > AMÉRICAIN
Futura 200 commence à peindre dans les années 1970 à 15 ans. Il rejoint très tôt l’association UGA (united Graffiti Artists) de Hugo Martinez qui expose les artistes du graffiti à la Razor Gallery dès 1972. Il travaille sur les trains avec le fondateur du «Soul Artists (SA)», Ali, accidentellement brûlé en 1973. Futura prend alors du recul et s’engage dans l’US Navy. Quatre ans plus tard, il rejoindra de nouveau Ali au sein des « Artists Soul of Zoo York », Futura développe alors que les wagons du métro new-yorkais un nouveau style, puissant et totalement abstrait, aux couleurs éclatantes et aux ciels nuageux. En 1980, il expérimente la toile grâce à Sam Esses, qui fournit alors un lieu et des supports aux artistes. Entre 1980 et 1982, Futura sera de toutes les expositions. Il rejoint Bando sur le terrain de Stalingrad à Paris, où il influence de nombreux artistes avant de parcourir l’Europe. Il peint durant des performances de break dance et des concerts, dont le plus fameux, celui des Clash.
NUNCA > BRÉSILIEN
TAKI 183 > AMÉRICAIN
PSYCKOZE > FRANÇAIS
TOXIC > AMÉRICAIN
Artiste confirmé de la scène graffiti à moins de 30 ans (il a exposé sur la façade de la Tate Gallery à Londres à l’été de 2008), Nunca, originaire de São Paulo, développe un travail influencé par les figures géométriques et les couleurs des peintures aborigènes sud-américaines. Ses lettrages, droits, noirs et blancs, sont inspirés des pixao, graffitis brésiliens réalisés à grande hauteur sur les immeubles.
Né en 1969, Psyckose est un électron libre intergénérationnel. Depuis plus de vingt ans, il pratique le graffiti dans tous les environnements. Tags, tunnels, catacombes, fresques monumentales ou toiles, il peint audelà des clivages et des modes, souvent avec un lettrage maintes fois répété et des personnages sans visage, tracés d’un seul trait, comme une écriture picturale.
SEEN > AMÉRICAIN
Légende vivante du graffiti, Seen n’a jamais cessé d’innover depuis la fin des années 1970. Cet américain d’origine italienne est connu pour sa créativité dans les lettrages. Il a peint des centaines de trains à New York. C’est également l’un des héros du film Style Wars, réalisé en 1982 par Henry Chalfant et Tony Silver. Tatoueur, homme d’affaires avisé et artiste reconnu, Seen demeure une icône du graffiti américain, admiré de toutes les générations.
RAMMELLZEE > AMÉRICAIN
Premier graffiti artist remarqué par le New York Times en 1971, Taki 183 écrivait son nom dans les rues de New York qu’il sillonnait comme coursier. La multiplication de tag [ill. p. 22], comme tracés au marqueur sur la toile résume toute la démarche du graffiti pour les décennies à venir : la répétition d’un nom sur les murs de la ville jusqu’à la saturation, la liberté d’expression et le caractère subversif de la démarche.
Toxic est né en 1965 dans le Bronx. Artiste au style très identifiable, ses œuvres se caractérisent par leurs nombreuses couleurs dans lesquelles les lettres se perdent. Toxic est proche de Basquiat et de Rammellzee avec lesquels il cofonde les « Hollywood Africans », groupe qui donnera d’ailleurs son nom à un célèbre tableau de Basquiat de 1983 et conservé au Whitney Museum de New York.Toxic a également travaillé de longues années aux côtés de feu A-One et a passé plus de dix ans à Paris où il a notamment peint un mur pour le décor du film Taxi. De nombreuses expositions en galeries à New York puis en Europe lui ont été consacrées.Il vit aujourd’hui entre la France et l’Italie.
QUIK > AMÉRICAIN
Quik a commencé à peindre dès 1972. Il fut l’un des acteurs majeurs de la vague graffiti qui submergea New York en 1979, réalisant de fabuleuses créations de couleur avec Seen, Dondi, Blade, Lee… Quik a intégré le monde de l’art dès 1982 et vend aujourd’hui ses œuvres dans le monde entier. Il partage son temps entre les États-Unis et l’Europe.
Né en 1960 dans le Queens (New York), cet artiste pluridisciplinaire, développe l’Africain Panzerism, une guerre des lettres et des mots et se définit comme un gothic solier. Il tague dès les années 1970 au sein de crew (groupe) CIA, avec Dondi, et devient célèbre en 1982 avec le film Wild Style de Charlie Ahearn. Il travaille sur la toile en mêlant objets, papier, écriture et peinture dans un style inclassable. Son premier disque, Beat Bop (1983) influencera de nombreux rappeurs, dont les Beastie Boys. Artiste novateur et personnalité hors norme, Rammellzee trouve en Jean-Michel Basquiat un interlocuteur et un ami. Avec lui et Toxic, Rammellzee va former le trio African Hollywwod. Basquiat financera son disque et en dessinera la pochette devenue culte. Rammellzee est mort le 29 juin 2010 en laissant l’une des œuvres les plus puissantes du graffiti et du hip-hop.
STAYHIGH 149 > AMÉRICAIN
Né en 1951, StayHigh 149 n’est pas seulement l’un des pionniers du mouvement à New York, (1969) mais également l’un des writters les plus connus. Ses tags sont toujours accompagnés d’un personnage, tiré de la série télévisée Le Saint, représenté avec une auréole et fumant. Il a également signé Voice of the ghetto. Très impliqué dans le collectif United Artists monté par Hugo Martinez en 1974, StayHigh s’est ensuite retiré de la scène graffiti pendant une vingtaine d’années. Il présente son travail sur toile depuis le début des années 2000 dans différentes galeries internationales.
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DE POMPÉI À PARIS LES MURS ONT TOUJOURS EU LA PAROLE
C'est pourquoi, au départ, on tague essentiellement sur des trains ou des métros, car ceux-ci traversent les territoires et atteignent l'autre chez lui. Les tags sont réellement des calligrammes, c'està-dire une compression de la calligraphie et de l'idéogramme. On balance son blaze (nom) en beauté. Et c'est méchant. Les meilleurs taguent whole train, ce qui signifie que tous les wagons d'un train ou d'un métro sont entièrement peints, de gauche à droite, et de haut en bas, vitres comprises, tandis que d'autres se contentent d'un end to end, la même chose mais qui ne s'étend pas toute la hauteur des wagons, sans quoi il s'agirait d'un whole car.
PAR ARNAUD VIVIANT Journaliste et écrivain Comme aurait pu dire Alexandre Vialatte, avec très peu de risque de se tromper, l’art du graffiti, c’est-à-dire d’écrire/peindre sur les murs, «ce papier de la canaille», remonte à la plus haute Antiquité. Sans aller jusqu’aux grottes de Lascaux, nous savons que les murs de Pompéi étaient couverts d’obscénités, et il faut bien se rendre compte que le célèbre «Merde à celui qui le lira» qui fleurira bientôt plus qu’à son tour dans tous les lieux d’aisance, s’y trouvait déjà. Ce qui ne manquait d’ailleurs pas d’agacer l’élite d’alors, ainsi que le démontre le plus fameux des graffitis de Pompéi recouvré sous la lave qui ne lave pas du tout, au contraire:«Admiror, paries, te non cecidisse ruinis Qui tot sciptorum taedia sustineas» (Soit, à peu près: «Je m’étonne, ô mur, que tu ne sois pas tombé en ruine sous le poids de tant de bêtise»). Non seulement le mur n’est pas tombé, mais il a été préservé. Le graffiti est en effet le plus souvent associé au vandalisme: au point que certaines bonnes âmes s’y méprennent parfois. En 1992, une troupe de scouts a ainsi effacé des peintures vieilles de quinze siècles dans la grotte de Meyrières, près de Bruniquel, en pensant effacer des graffitis. Cela leur a valu le Prix Ig Nobel (le prix Nobel pour les nuls) dans la «section archéologie»…
UN « GRAFFEUR» SUR PIERRE Au XVIIIe siècle, Restif de La Bretonne avait l’habitude de faire le tour de l’île Saint-Louis et de graver dans la pierre des berges des phrases en latin, qu’il traduisit par la suite dans un livre intitulé Mes inscriptions. Avant de le condamner ou de l’innocenter, écoutons le mobile de ce «graffeur» sur pierre avant l’heure, car il est charmant: «Ce fut en 1779, le 5 novembre, à l’époque de mon premier mal de poitrine, que je commençai d’écrire sur la pierre, à file Saint-Louis. Cette première inscription est à la dixième pierre à gauche du Pont-Rouge, en y entrant par l’Ile. Je la fis dans cette idée : verrai-je cette marque l’année prochaine? Il me semble que, si je la revoyais, j’éprouverais un sentiment de plaisir.» Plaisir double, en effet: celui que la marque soit restée et d’être encore en vie pour pouvoir la lire; plaisir aussi de défier un temps, pas l’éternité donc, sentiment qu’on a sans doute tous éprouvé en gravant le nom de sa bien aimée dans l’écorce d’un arbre, autre-ment dit en songeant moins à la longévité de notre amour qu’à celle de l’arbre... D’une autre de ses inscriptions, qui se résume en fait à une simple date, Restif de La Bretonne dit également: «elle sera très intéressante dans deux ans». Car, art éphémère, le graffiti parle autant dans l’espace public du temps privé qui passe, que dans l’espace privatif du temps public qui ne passe pas.
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UN NOUVEL ART
Écrire et peindre sur les murs remonte à la préhistoire. Mais plus qu’un art, le graffiti est aussi un instrument de démocratisation. À mur blanc, peuple muet… LIBERTÉ JE PEINS TON NOM... CALLIGRAMMES D’APOLLINAIRE ET CLICHÉS DE BRASSAÏ La chose ne s’arrange vraiment pas au XIXe siècle où Balzac, par exemple, note son aversion pour le phénomène dans son roman Ferragus («dans un temps où la rue Pagevin n’avait pas un mur qui ne répétât un mot infâme»), preuve que le graffiti en a toujours agacé certains, hier comme aujourd’hui. Au début du )0Ke siècle, les calligrammes (contraction de calligraphie et d’idéogrammes) d’Apollinaire sont comme des tags d’une intelligence inouïe, on n’en relèverait toujours pas d’aussi beaux le long de nos voies ferrées. Puis c’est en 1930 que Brassaï commencera à photographier les graffitis dans les rues de Paris, pour la plus grande joie de Picasso. Brassaï note l’adresse, retourne voir si les graffitis ont disparu ou ont été détériorés: c’est tout à fait la carte et le territoire. Après trente ans de recherche, il publiera un livre, Graffiti, classique sans cesse réédité. C’est sans doute la première fois que l’on évoque cette délinquance murale comme un art. Dans un renversement, Brassaï ne manquera d’ailleurs pas de raconter comment un jour, un graffiti de Picasso sur un mur sera «découpé» en tant qu’œuvre. Qu’on imagine, par comparaison, le scandale d’un Banksy, aujourd’hui au plus haut de sa cote, nettoyé au Karcher par les services municipaux... En 1968, à Paris, les murs n’ont toujours pas d’oreilles, mais ont la parole. Le temps des révolutions est naturellement celui des graffitis. C’est ainsi qu’on pourra lire dans la cour de la Sorbonne à l’hiver 1969: «Si vous avez des problèmes, écrivez sur les murs.»
En 1968 en tout cas, on ne dispose pas encore du matériel adéquat, à savoir la bombe aérosol qui ne deviendra populaire en France qu'au début des années 1980. Le célèbre graffiti de Guy Debord, «Ne travaillez jamais» qui daterait de 1952, a été ainsi écrit à la craie sur un mur de la rue de Seine, à Paris. Pas encore de pochoirs (technique qui surviendra avec les punks fin 1970), pas encore de bombe, on l'a dit, on écrit donc directement sur les murs, au pinceau ou au rouleau, avec de la peinture badigeonnée qui dégouline le long des lettrages hâtés par la peur du délit : «Métro, boulot, dodo» ou encore «Réforme mon cul». Si l'art est vraiment un moyen de démocratisation, comme le voudraient certains théoriciens des sciences sociales, les graffitis à la fois littéraires et figuratifs de Mai 68 constituent un corpus précieux, susceptible d'indiquer une des voies par lesquelles l'art pourrait être exploité dans l'idée de rapprocher les hommes. Il serait certes téméraire d'avancer que les graffitis constituent en eux-mêmes un moyen de démocratisation. Mais on devrait alors remarquer que les auteurs de graffitis modernes, aux États-Unis comme en France, n'ont pas attendu les sciences sociales pour développer un système de signes graphiques permettant la communication d'idées et de sentiments, voire de ressentiments, difficilement exprimables par d'autres moyens. Les murs représentent en quelque sorte, en ces temps bien avant Internet, un forum libre où tous peuvent s'exprimer, quoique la loi l'interdise formellement. Liberté, je peins ton nom... Dans ces années-là, le mur de Berlin est entièrement tagué par des artistes sur sa façade ouest, tandis que de l’autre côté, il reste gris. Aux États-Unis, au début des années 1970, le graffiti a évolué vers le tag (c’est-à-dire la signature) grâce à deux choses : d’une part, la popularisation de la bombe aérosol, au départ destinée à la peinture des voitures, qui accélère le geste de peindre, qui le propulse dans l’espace. D’autre part, par l’effet des bandes rivales qui, avec le tag, concomitant du rap et de la culture hip-hop, marquent leur territoire et se lancent des défis.
C'est une activité artistique illégale et très compétitive. Et quand, à la fin des années 1970, le métro de New York punira sévèrement les taggers, ceux-ci changeront de point de vue en allant peindre sur les murs antibruit, les rambardes de pont ou, à la peinture chrome fluorescente, dans les tunnels où leurs œuvres ne seront plus jamais effacées, contrairement à ce qui se passe en surface. Où l'on retrouve l'obsession de Restif de La Bretonne pour l'inscription éphémère durable.. Mais c’est au moment où la répression sévit le plus contre les graffeurs que certaines galeries d’art commencent à s’intéresser aux meilleurs d’entre eux. L’art de la rue s’accroche désormais aux cimaises, ainsi que Picasso et Brassaï le désiraient en leurs temps. Et pourtant, cet art n’est pas figé : il ne cesse d’évoluer grâce aux nouvelles technologies de spray qui permettent de peindre plus vite, avec de nouveaux effets, de nouveaux lettrages, de nouvelles couleurs. Si nous ne comprenons pas les messages écrits sur les murs, le bleu restera toujours gris. Ce sont essentiellement des graffitis linguistiques, qu’on trace à la va-vite, dans l’incognito de la nuit profonde, avec des guetteurs au coin des rues pour prévenir de la police, exactement comme un quart de siècle plus tôt les résistants «taguaient» la croix de Lorraine sur les murs ou les portes des collabos, afin d’effrayer ces derniers tout en défiant l’occupant. Une vieille méthode d’intimidation, ou de communication, déjà suivie, sur commandement de Dieu, par Moïse durant l’Exode... Après avoir tué l’agneau, les Israélites devaient enduire de sang les montants de leurs portes en signe de la protection de Dieu, afin que l’ange de la mort les ignorât : peut-être le premier tag de l’Histoire de l’humanité...
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Yves Saint-Geours ancien prĂŠsident du Grand Palais, ambassadeur de France au BrĂŠsil.