Concevoir l’habitat intelligent : de l’émergence de la domotique à la Smart House. Sous la direction de Philippe Liveneau, Amal Abudaya, Magali Paris et Sébastien Bourbonnais Mai 2015
Master AA&CN
D’AMICO Nina
•Remerciements •Résumé •Introduction
SOMMAIRE p. 3 p. 4 p. 5 à 7
•Partie I: La maison intelligente avant le «smart» I.1: Ce que l’on attendait de la domotique I.2: Le cinéma: un regard porté vers le futur
p. 8 à 21 p.9 à 13 p.13 à 20
•Partie II: La smart house: entre low-tech et high-tech II.1: Une sécurité spatiale II.2: Une optimisation d’usages II.3: Une technologie physique II.4: Une connexion ininterrompue
p. 22 à 23 p.24 à 28 p.29 à 33 p.34 à 40 p40 à 46
•Conclusion générale
p.48 à 49
•Bibliographie •Iconographie •Annexes
p. 50 à 53 p. 54 à 55 p.56 à 57
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Je remercierais d’abord l’équipe enseignante, pour avoir suivi et aiguillé ce travail avec beaucoup d’intérêts. Merci à mes proches, famille et amis pour m’avoir soutenu tout au long de cette année et particulièrement lors de l’écriture de ce mémoire. Un remerciement particulier à Magali Paris pour m’avoir, une fois de plus, aidé à mener ce projet à terme.
Utopie machine à habiter DOMOTIQUE numérique résilience Sécurité
RÉSUMÉdesign GADGET CONFORT
La notion de Smart City étant en plein essor, il serait pertinent, au vu des avancées technologiques de notre siècle et l'entrée de ces dernières dans l'architecture, d’envisager ses principes à l’échelle de l’habitat, afin d’analyser concrètement ce qu’est la Smart House. Dans une ère où le numérique trouve sa place en toute chose, l'architecte doit-t-il modifier ses principes de projet afin de s'approprier cette technologie ? A travers des projets low-tech d'architectes contemporains tels que ceux de Philippe Rahm ou encore l’atelier portugais Fala, il sera pertinent de voir comment la smart house semble prendre forme sans connexion, ni gadget. Il semble également intéressant d’observer comment cette notion d’habitat intelligent se développa, et surtout les résiliences de tels projets, mettant en avant les intentions mais aussi les défaillances que l’on peut trouver au sein d’une architecture sur réseau. Je vais donc confronter le produit des fournisseurs de smart house face à la reflexion que l’architecte peut mener sur le sujet. Comment concevoir une architecture juste face à une « gadgetisation » de l’espace, ou notamment à un remanie4 ment radical du logement dû à des normes environnementales et économiques? The concept of Smart City is booming, it would be appropriate, given the technological advances of this century and how they entered in to architecture, considering its principles throughout the habitat, to concretely analyze what, in an era where digital has its place in all things, the Smart House. Must the architect change his design principles to include this technology? Through contemporary low-tech architecture projects, such as the works of Philippe Rahm or the Portuguese Fala workshop, it will be relevant to see how the smart house seems to take shape without connection or gadgets. It also seems interesting to observe how this concept of intelligent living developped, especially the resilience of such projects that highlight the intentions and also the failures that can be found within a networked architecture. I will compare the product providers’s smart house in front of the relfexion the architect could be do about the subject. How to design a fair architecture against a «featureism» of space, or in particular to a radical overhaul of the housing due to environmental and economic standards?
futur UTOPIE confort foyer besoin expert
INTRODUCTION
Mot d’origine britannique, la notion de smart est utilisé aujourd’hui pour définir un panel très large d’adjectifs: élégant, chic, mais aussi judicieux, malin, et maintenant intelligent. Autrement dit, un cocktail parfait de ce qui fait de toute chose une réussite. Le terme devenu effet de mode,ce n’est pas étonnant de voir le «smart» se mêler à une foultitude de nouveaux gadgets, mais aussi de nouveaux concepts très contemporains. Aujourd’hui, nous pouvons manger smart, téléphoner smart, louer smart ! Cette notion semble s’être notamment immiscée radicalement dans nos moyens de communications. Cette décennie voit nos modes d’échanges évoluer extrêmement rapidement. Le monde de l’architecture n’est pas passé à côté de ce mouvement intelligent, et voit peu à peu ses bâtiments, ses intérieurs, ses plans devenir « smarts » à leur tour. Mais qu’est-ce que le smart en architecture ? Serait-ce littéralement une mise en réseau personnalisée de l'habitat? Un foyer contrôlable par tablettes, qui régirait la luminosité et le chauffage selon les pièces. Un habitat dans lequel nous pourrions enregistrer des informations telles que : quand je rentre dans la salle de bain, la fréquence choisie de la radio se lance. Comment évoluer, et 5 faire évoluer nos réflexions face à une monopolisation plus grandissante chaque jour des nouvelles technologies ? Nous parlons maintenant de smart house, ou smart home, pour désigner le nouveau mode de gestion d’une maison. La maison intelligente est basée sur différents principes comme la sécurité, la gestion lumineuse et thermique etc… Prenons pour exemple la définition qu’en fait Jackie CRAVEN, journaliste américaine spécialisée en architecture : « A smart house is a house that has highly advanced automatic systems for lighting, temperature control, multi-media, security, window and door operations, and many other functions. A smart home appears "intelligent" because its computer systems can monitor so many aspects of daily living. For example, the refrigerator may be able to inventory its contents, suggest menus, recommend healthy alternatives, and order groceries. The smart home systems might even take care of cleaning the cat's litter box and watering the plants. »1 1. CRAVEN Jackie. What is a smart house ? When computers take control. Disponible sur: http://architecture.about.com/od/buildyourhous1/g/smarthouse.htm (Consulté le 5 02 2015)
Selon cette définition, et toutes les autres que j’ai pu trouver à ce propos, la smart house ne raccorde pas ou trop peu ses principes à l’architecture. C’est un engrenage complexe de capteurs et connexions interagissant avec le ou les usagers. Les systèmes proposés répondent à des questions essentielles à un bon habitat, comme la sécurité, la gestion thermique des espaces intérieurs, l’économie de lumière etc… Cependant, même si certaines installations sont ingénieuses, d’autres paraissent relativement superficielles et sont très, voire trop proches du gadget. Selon Jean Baudrillard : « Le gadget se définit en fait par la pratique qu'on en a, qui n'est ni de type utilitaire, ni de type symbolique, mais LUDIQUE. C'est le ludique qui régit de plus en plus nos rapports aux objets, aux personnes, à la culture, au loisir, au travail parfois, à la politique aussi bien. C'est le ludique qui devient la tonalité dominante de notre habitus quotidien, dans la mesure précisément où tout, objets, biens, relations, services, y devient gadget. »2
Publié en 1970 pour la première fois, cette définition de « l’habitus quotidien » définit parfaitement le quotidien de la société dans laquelle nous évoluons aujourd’hui, et surtout dans laquelle le gadget, comme le smartphone, les milliers d’applications ne servant qu’à divertir, à combler un vide contemporain, ou en6 core une connexion continue au réseau, sont au centre des intérêts.
Il serait donc intéressant d’analyser ce que les architectes proposent aujourd’hui comme smart house, tout en m’appuyant sur les recherches qui ont été menées à l’émergence de nouvelles technologies à partir des années 1920. Et pour se faire, j’inclurai à mon travail le corpus particulier qu’est le cinéma de science-fiction, pensé entre 1950 et 2000. Le cinéma est une fenêtre sur ce que pourrait être le futur, selon qui le pense, mais également selon la période durant laquelle on le conçoit. La filmographie des années cinquante révèle l’essor très fort des nouvelles technologies, dans les foyers notamment. Nous y voyons des maisons automatisées, des gadgets à n’en plus finir aux utilités douteuses. Bref, tout est fait pour ne laisser à l’homme que la nécessite de respirer ou presque ! Bien entendu, ces films sont généralement des satires de l’avenir de l’humanité, et ont été sélectionnés pour l’importance qu’ils donnent à l’habitat, chacun de manière particulière. Ces analyses me serviront d’intermédiaire judicieux entre l’historique de la maison intelligente et la smart house d’aujourd’hui. 2. BAUDRILLARD Jean. La société de consommation. Paris : Gallimard. Folio Essais. 2006. p.318. (Consulté le 4 01 2015)
Il sera évident de voir finalement comment les architectes d'aujourd'hui ont subtilement contourner le mouvement high tech afin de créer des architectures certes intelligentes, sans pour autant la nourrir de gadgets presque superflus compte-tenu du sens de leur projet et de leur force. Leur mode de réflexion, en perpétuelle évolution suite à la mise en place de nombreuses réglementations environnementales, de plus en plus strictes, doit maintenant prendre en compte un facteur en plus qui est celui du numérique. Il est essentiel pour l’architecte d’utiliser ces opportunités d’avancées technologiques afin de concevoir des architectures en phase avec leur époque, tout en évitant de tomber dans le piège de l’objet mode sans grande utilité. Nous nommerons ce mouvement l'architecture low-tech. Pour introduire cette notion, je pourrais parler d'une simplification d'un procédé. Ce n'est pas seulement le fait de retirer toute forme de technologie d'une réalisation -ici l'architecture- mais plutôt de revoir complètement chaque processus de la conception à la fabrication, afin d'épurer le projet des énergies et dispositifs utilisés de manière superflue. Les projets étudiés pour ce mémoire utiliseront des formes d’intelligence très variées, comme l’intelligence spatiale, physique ou encore sociale. En opposition à ce mouvement «sans technologie», l’architecture high-tech ou 7 techno-architecture. Parfois intégrée dans ce que certains appellent le Modernisme tardif, c’est un mouvement architectural qui émergea dans les années 1970, incorporant des éléments industriels hautement technologiques dans la conception de toute sorte de bâtiments, logements, bureaux, musées, usines. Aujourd’hui le terme d’architecture high-tech définit l’intelligence numérique couplée à l’habitat, donc le produit smart house, qui comprend la sécurité du foyer, la gestion thermique et lumineuse, des options personnalisables telles que des ambiances particulières dans des pièces précises etc... C'est à partir de ces deux courants aux antipodes l’un de l’autre qu’il sera intéressant de soulever, dans les différents projets analysés, l’ingéniosité et la richesse d’un projet low-tech, que ce soit dans un détail de construction ou dans le procédé d’organisation du plan par exemple.
PARTIE l
La maison intelligente avant le “Smart”
domotique INDUSTRIALISATION Mécanisation appareils fonction Ingénierie
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Au cours du mouvement fonctionnaliste, principe selon lequel la forme des bâtiments doit être exclusivement l’expression de leur usage, le métier d’architecte est remis en question. De par notamment l’émergence de nouvelles technologies promises à un bel avenir au sein de l’architecture et du foyer. A l'émergence d'un électro-ménager de pointe et d'un réagencement réfléchi de la maison, les imaginations fuseront et les studios d’architectes proposeront de fantastiques projets jamais réalisés, réflexions basées sur un renouveau radical de l'architecture, tantôt cellulaire, comme les projets métabolistes consistant à imbriquer des boites/logements identiques à l'infini, tantôt volante, avec des propositions de villes entières flottantes comme réponse à la société de masse croissante. Projets qui ne sortiront jamais de leur prison de papier, de par une radicalisation trop féroce de la pensée de ce qu’est la ville, et de ce qu’est le logement. Ces études urbaines et architecturales ne seront cependant pas vaines, car en questionnant la ville et l'habitat de demain, elles inspireront de nombreuses champs artistiques, comme le cinéma, et laisseront croître les idées de ce que pourrait devenir la maison du futur.
l.1_ Ce que l’on attendait de la domotique Au sortir des années folles, la période s’étirant de 1920 à 1929, un renouveau culturel, artistique et économique se mit en place. De nouveaux services et produits virent le jour et créèrent un engouement remarquable pour les nouvelles technologies de l’époque: radios, automobiles, aviations, pétrole électricité etc… La télévision fait son arrivée en 1945, et s’en suivent les avancées liées à l’aérospatiale dès 1957 (1969: premiers pas sur la Lune). 1980 marquera l’avènement du premier Personal Computer, et symbolisera l’entrée de la technologie dans les foyers. Bien que l’Amérique fût pionnière de la mécanisation du travail à la chaîne, c’est à l’Europe que revient les premières grandes avancées en matière de mécanisation des espaces intérieurs. Le vingtième siècle a vécu le passage des espaces pensés de manière isolée à une articulation intelligente de ces derniers. Chaque entité est alors pensée selon l’autre, en suivant une logique d’organisation au sein du foyer qui n’existait pas auparavant. Revenons quelque peu sur nos pas. L’Amérique de la fin du XIXe siècle est le théâtre de la mécanisation des opérations dans un premier temps, puis de leur 9 organisation dans un second. Ces deux phénomènes seront observés d’abord au début des années 1860, puis surtout entre les deux guerres mondiales. Siegfried Giedion, ingénieur, historien de l'art et universitaire suisse, fut l'un des premiers à s’intéresser aux objets humbles de notre quotidien, mais aussi à la mécanisation des objets techniques, et ce que ces évolutions ont modifié dans la nature et dans l'environnement humain.«Il est certain que l'analyse faite par
Giedion de la mécanisation des tâches ménagères[...]reste en effet exemplaire pour l'analyse de leur informatisation: transfert de logique du domaine professionnel vers le domaine résidentiel, organisation générale du logement, sens de la domesticité etc...».3 Ce mouvement, appelé Histoire Anonyme (des objets techniques), met en avant le fait que les outils et objets du quotidiens «sont les prolongements des attitudes fondamentales au monde extérieur»4.
3. AMPHOUX P., JACCOUD C., PERRINJACQUET R. Histoire Anonyme, In Dictionnaire critique de la domotique. 1989, p.85. (Consulté le 15 01 2015) 4. Id, ibid.
«L’organisation de la cuisine est née du mouvement architectural européen des années trente. Elle s’est faite dans le cadre de la restructuration générale de la maison.»5
La première forme de mécanisation des foyers est en place. Il s’agit tout d’abord de repenser entièrement l’agencement de l’habitat, afin d’optimiser la moindre énergie, le moindre déplacement dans ces espaces. Puis arrive l’automatisation des appareils du quotidien. La cuisinière à charbon devient électrique. On voit apparaître tout un panel d’appareils de nettoyage automatisés répondant aux besoins du foyer: lavage du linge, repassage, ménage etc… Les premiers automates, au design et à l’esthétique déjà réfléchis à l’époque, sont une manière efficace de répondre à la demande de soutien pour ce qui est des tâches ménagères, travail qui peut s’avérer lourd. C’est en 1935 que la cuisine-laboratoire, dont le terme nous vient des États-Unis, prend effet dans les foyers et devient alors inévitable à tout bon foyer qui se respecte. La cuisine-laboratoire serait l’ancêtre de nos cuisines équipées, comprenant l’électroménager au design toujours plus recherché, mais également l’optimisation de l’espace et des rangements 10 afin d’économiser le moindre mouvement et que tout soit accessible rapidement. Le logement fut le premier espace à jouir des bienfaits des automatismes, après l’industrie, et met à jour le niveau de confort recherché des foyers européens et américains entre autre. Le demi-siècle de la modernité, s’étirant de 1920 à 1970, marque l’ingéniosité et la prise de conscience du potentiel à expérimenter dans le quotidien. Les découvertes ne cessent d’accroître et la demande est grandissante en termes de qualité de vie. Du point de vue de l’architecte, ces problématiques entrent nécessairement dans leur façon de concevoir de l’habitat, et il est primordial de remettre l’usager au centre de leur réflexion afin de créer pour ce dernier un espace appropriable et optimisé. «Ce confort moderne, définitivement «conditionné» est façonné par la spécialisation définitive des pièces et des fonctions (manger, dormir, se laver etc…)»6. 5. GIEDION Siegfried. Chapitre 1 : L’histoire anonyme, La mécanisation des tâches ménagères, In La mécanisation au pouvoir. 1948. (Consulté le 11 02 2015) 6. AMPHOUX P., JACCOUD C., PERRINJACQUET R. Confort domotique, confort domestique, In Dictionnaire critique de la domotique. 1989. p.43. (Consulté le 22 01 2015)
11 L’arrivée de l’électroménager dans les foyers: les aspirateurs Hoover.
La cuisine-laboratoire: matériaux plastiques et appareils innovants.
Le mouvement fonctionnaliste, bien que rejeté autour de 1930 par les nouveaux penseurs de l’architecture dont nous détaillerons les travaux un peu plus tard, marquera grandement le mode d’agencement des foyers de par sa logique et ce besoin de faire de chaque espace une action, une fonction spécifique. En architecture, le fonctionnalisme consiste à concevoir l'espace urbain ou architectural comme un système de relations topologiques entre des fonctions déterminées. Au sein des foyers, et par ces enjeux d’optimisation, le coût toujours plus grandissant des appareils électroménagers sera amoindri et pourra être abordable à la majorité et s'ancrera ainsi dans le quotidien de l'époque. De nombreuses expositions à travers le monde viendront alors nourrir les rêves de mécanisation des espaces habitables en proposant des savoir-faire de plus en plus à la pointe; on parle alors d’un confort allant au-delà de ce qui fut présenté jusqu’ici. Il n’est plus question de répondre à des besoins jugés «obligatoires», disons essentiels, comme l’hygiène dans les foyers ou encore la modernisation des appareils permettant à tous une vie plus simple, mais d’apporter à ces foyers un confort bien plus grand. Je parle de l’air conditionné, de la régularisation de la température à l’aide de thermostat et d’autres avancées liées plus à des besoins 12 « secondaires » que les premières évolutions remarquables présentées plus haut. Ce mouvement se nommera « l'expert domotique », que nous explorerons dans les pages suivantes. La révolution des modes de vie est en marche vers un intérieur aux qualités toujours plus infinies qui va ouvrir des champs de création toujours plus grands, que ce soit aux concepteurs de cet électroménager, mais bien entendu aussi aux concepteurs d’espaces que sont les architectes, ainsi qu’aux métiers de l’ingénierie et des sciences. Source d’inspirations pour le 7e art, la mécanisation grandissante de la maison eut un franc succès également au sein de nombreux foyers factices appartenant au monde de la science-fiction. Mécanique complexe, cerveau indépendant, elle fut actrice dans bien des chefs d’œuvres, et même à l’origine de leur script. Architecturalement, ce que nous proposent les réalisateurs à la fin du XXe siècle font sens en présentant non seulement des hypothèses de réagencement de ce que pourrait être la ville suite à l’accroissement incessant de la population, mais également ce que pourrait devenir les foyers grâce à l’essor des nouvelles technologies, des matériaux plus performants etc... Selon ce corpus très varié qui ne manque pas de créativité, la maison du futur serait, face aux architectures qui ont pu être pensées jusque là, tout autre.
Comment alors le monde du cinéma sut s’approprier les questions réelles de l’époque afin de concevoir tout une filmographie dans laquelle la maison occupe une place essentielle? Quelle vision de l’habitat du futur ont-ils pu renvoyer au grand public et qui a permis l’entrée de ce dernier dans les mœurs ? Pour se faire, l’analyse se base sur trois films aux époques et approches très différentes, qui viennent questionner les trois principes suivants: l’optimisation tendant vers une aseptisation des usages ( le Cinquième Élément de Luc Besson), la gadgetisation rendant un foyer inappropriable( Mon Oncle de Jacques Tati), et enfin la mécanisation extrême de la maison (Smart House de Levar Burton).
l.2_ Le cinéma: un regard porté vers le futur
De nombreux cinéastes mettent à profit l’essor de nouvelles technologies pour voir plus loin, et imaginer à leur tour le monde du futur. Métropoles, transports, architecture, style vestimentaire, tout est passé au crible et ne cesse d’être de plus en plus radicale et fantasmagorique, en matière de logement, et de ce que serait la maison du futur. A travers la visualisation de grands classiques de science-fiction, nous allons pouvoir définir les éléments plus ou moins utopiques qui traduiraient nos rêves d'habitat du futur. Je préciserai aussi que la filmographie choisie 13 date de 1958 à 1997. Nous faisons donc face à un regard qui ne connaissait pas encore toutes les technologies qui font notre société d'aujourd'hui. La première oeuvre cinématographique étudiée est le Cinquième Element de Luc Besson, auteur de science-fiction reconnu mondialement. Le film est sorti le 7 Mai 1997. «Égypte, 1914. Un groupe d'extraterrestres nommés les Mondo-shawans dé-
barque sur Terre afin de récupérer quatre pierres représentant les quatre éléments de la vie, afin de les soustraire à l'arrivée imminente de la Première Guerre Mondiale. Ils promettent de les rapporter lorsque le Mal reviendra, afin d'établir une paix durable. Mais à leur retour, trois siècles plus tard, leur vaisseau est détruit et les pierres disparaissent mystérieusement».7
Nous avons alors à faire à un univers sombre, sale et non comme nous aurions pu l'imaginer épuré au possible et d'un blanc étincelant. Luc Besson est un réalisateur français très critique, n’hésitant pas à montrer les points négatifs d'un futur relativement lointain et réel. 7. source: http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_C qui%C3%A8me_%C3%89l%C3%A9ment (Consulté le 20 02 2015). Dernière version le 11 mai 2015 à 23:21, par ZeroJanvier, créateur de la page (Consulté le 23 03 2015)
La ville de 2263: des voitures volantes et des buildings construits à l’infini
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A l’interieur d’un habitat-cellule des 500 blocs.
Le futur de Besson est logique : la pollution est grandissante, les villes se sont construites sur elles-même, en perpétuel rajout d'une architecture sur l'autre. Nous nous focaliserons sur l'architecture à l'échelle de l'habitat, et ici, de la cellule. L'intrique commence au réveil du héros principal, le 18 Mars 2263, chez lui, ou plutôt là où il vit, dans une cellule aseptisé, sans la moindre trace personnelle, mis à part les objets restants de sa carrière dans l’armée (photo, médaille). L'espace semble ne faire qu'une dizaine de m², comprenant la cuisine, l'espace de sommeil, l'espace de la toilette ainsi que l'espace à vivre. Cette façon de penser le futur serait une caricature, une accentuation très forte du fonctionnalisme: tout naît de la fonction, tout est fait en fonction du stricte minimum, des besoins vitaux de l’usager. L'espace est optimisé au maximum, sans laisser aucune place au personnel, jugé inutile, ou de manière moins stricte, jugé en retrait face aux besoins primaires. L'habitat, nommé les 5000 blocs, est un assemblage proche des métabolistes tokyoïtes qui s'inspirent de l'organisme et de ses articulations afin de concevoir du projet. Les cellules s’emboîtent à perte de vue, n'ont aucun signe distinctif bien entendu, toutes faites dans un même plastique neutre sali par la pollution émise par tous les véhicules volants. Les ou- 15 vertures sont automatisées, les points d'eau sont optimisés pour ne créer qu'un seul espace l'un sur l'autre ( la douche coulisse vers le plafond pour laisser la place au frigo). Le lit, une fois l'usager debout, se replie et se refait instantanément. Nous pouvons parler d’une banalisation de la maison intelligente dans ce grand classique de science-fiction. Le terme de banalisation joue un double jeu pour ce qui est de la domotique. D’un coté, comme nous avons pu le voir chez les fonctionnalistes, la banalisation est rattachée à un système de démocratisation, et donc d’accessibilité au plus grand nombre. Dans ce cas-ci, la banalisation semble être un point positif à la domotique. Or si nous nous penchons sur le second cas, la banalisation en domotique équivaut à une tendance systémique de la domotique « à la littéralité, à la «typification», à l’imitation et à la géométrisation du monde : prendre [...]des informations, c’est-à-dire les recevoir sans activité projective ni interprétative ; classer des usages et des pratiques dans des types « préfabriqués », […] aller même jusqu’à imiter le typique : à adapter l’usage à la fonction imposée».8 8. AMPHOUX P., JACCOUD C., PERRINJACQUET R. Banalisation, In Dictionnaire critique de la domotique. 1989. p. 26. (Consulté le 2 01 2015)
Dans ce cas, la domotique révèle un coté très sombre, d'automatisation de l'usage, et donc en somme de l'usager. Bien entendu ce n'est qu'une supposition de ma part. Me basant sur un ouvrage critique de la domotique, il est évident que les définitions que j'ai pu utiliser ne sont pas seulement à but descriptif mais servent bien sûr à créer une réponse, une réaction chimique au creux de nos esprits afin de lire entre les lignes et comprendre ce mode de pensée et d'écriture. Il semblerait donc, après un avis relativement négatif sur ce que serait la morphologie architecturale d'un futur certes imaginaire, mais non insensé au vue des problématiques que nous rencontrons aujourd'hui et qui augmentent peu à peu, que le confort ne se trouverait non plus dans l'espace lui-même, dans sa forme ni ses qualités lumineuses ou d'ambiances, mais dans son automatisation et sa capacité à répondre à nos besoins de manière mécanique. Luc Besson nous offre un début de journée normale dans son principe d'habitation/cellule, occupée par Bruce Willis alias Corben Dallas. Le réveil sonne, toutes les lumière de l'habitat s'allument, d'un jaune un peu agressif qui essaye sûrement de traduire un lever de soleil(soleil que la population mondiale ne verra plus à cause de la pollution soit dit en passant). Une fois levé, l'usager voit son lit se 16 replier sur lui-même et se refaire automatiquement. Je dis « l'usager voit », mais il n'en est rien. J'expliquerai pourquoi plus bas. Revenons à notre habitat automatisé : le héros reçoit un coup de téléphone, et la musique( qui s'est également lancée toute seule) se baisse « d'instinct » afin de ne pas déranger l'usager durant son appel. Encore une fois je met l'accent sur le mot instinct afin de signifier que je m'expliquerai plus tard et que ce n'est donc pas une maladresse de ma part. Suite à cette première analyse, la maison semble être programmée pour répondre aux moindres faits et gestes de son propriétaire, et ce quelque soit les événements particulier de la journée. Vient alors le moment de mettre en avant les notions d'adaptation et d'appropriation, jugé complémentaire dans l'ouvrage critique de la domotique que j'ai déjà longuement cité. « L'étude des pratiques des usagers de la domotique doit être menée à deux niveaux différents. Le premier, d'ordre strictement technique, analyse les relations fonctionnelles entre l'homme et son environnement […]. Le second, d'ordre symbolique, consiste à approcher les relations imaginaires(mais très réelles) entre l'homme et son environnement. »9
9. AMPHOUX P., JACCOUD C., PERRINJACQUET R. Adapatation et Appropriation In Dictionnaire critique de la domotique. 1989. p. 12 (Consulté le 13 02 2015)
Si je cite Amphoux et ses collègues, c'est pour mettre en lumière le caractère impersonnel et donc hypocrite de l' automatisation du foyer. Besson met en avant le coté paradoxal d'un tel procédé tout au long de ce film, en insistant par exemple sur des réactions technologiques inadéquates aux situations comme nous l'avons soulevé plus haut. La définition d'adaptation/appropriation porte une attention particulière à un point précis : « Un équipement domotique adapté ne sera pas nécessairement approprié - et réciproquement. »10 Cette phrase traduit parfaitement la problématique la plus épineuse du monde de la domotique : un habitat programmé par son propriétaire, sensé répondre à ses besoins, le protéger, s'optimiser au maximum et lui offrir un confort optimum. En vérité, il n'en est rien, de par un manque normal de conscience de la machine. Besson traduira ce manque dans une scène où la maison « sert » une cigarette au héros en lui lançant le slogan : « arrêter est mon but ». L'automatisation du foyer ne peut bien entendu pas répondre à nos besoins de cette manière. C'est donc en partie un échec pour cette maison du futur qui ne possède aucune 17 qualité architecturale, mais également aucune qualité liée à l'usager, comme l'appropriation, qui reste un point fondamental à tout bon projet. Ce genre de démonstration aussi négative de la domotique n'est en réalité proposé pour un futur lointain que pour mettre en garde d'une certaine façon à ce que nous pourrions faire dans un futur proche. Il est encore une fois question d'un film de science-fiction qui nous a permis d'ouvrir les yeux sur une hypothèse de dégénérescence que nous pourrons réutiliser plus tard dans cet écrit quand nous nous attacherons à définir ce qu'est aujourd'hui la maison intelligente. Afin d'approfondir ces problématiques d'appropriation en domotique, je suggère d'analyser à présent le film de Jacques Tati, sorti en 1958, qui traduirait de manière caricaturée et burlesque la mécanisation du foyer. Je couplerais cette analyse au film Disney entrant sensiblement dans les mêmes thématiques que Tati en ce qui concernerait plus la dégénérescence de la maison du futur : Smart House, sorti en 1999. 10. AMPHOUX P., JACCOUD C., PERRINJACQUET R. Adapatation et Appropriation In Dictionnaire critique de la domotique. 1989. p. 12 (Consulté le 26 02 2015)
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La villa Arpel construite entièrement en studio
Monsieur Hublot en grande detresse dans la cuisine-laboratoire Arpel
Les années 60, heureuses, insouciantes, inventives, voient l’avènement de la société de consommation et le triomphe du design plastique, de l’ustensile à son environnement ; cela commence en 1958 par la démontration de Jacques Tati dans Mon Oncle. Le réalisateur propose une comédie mettant en scène monsieur Arpel, riche industriel, fier de sa maison futuriste bardée de gadgets technologiques à l'utilité improbable, qui veut éviter que son beau-frère, M. Hulot, rêveur et bohème, n'influence son fils. Ce film oppose le Paris traditionnel, tel qu'il existait encore au début des années 1950 à un monde en train d'émerger, dans lequel le paraître prend une place excessive. Une part très importante du film est donnée à la maison et aux fonctionnalités extravagantes qu'elle propose. Mobilier de pointe, cuisine/laboratoire, alarmes et détecteurs variés. Tout l’interieur des protagonistes respire la technologie et la nouveauté, le dernier cri et la modernité. Le concepteur, monsieur Arpel, semble avoir pensé à tout, mis à part que d'autres personnes hormis sa famille puissent « l'utiliser ». En effet, tous ces gadgets très sophistiqués demandent un savoir-faire très particulier afin de les faire fonctionner. Les accidents bêtas qui arrivent à ces pauvres visiteurs non habitués reflètent en fait un point important de la conception de la domotique. Cette der- 19 nière est un assemblage de fonctions diverses qui demandent un ensemble de connaissances spécifiques. Électricité, ingénierie, design etc... La création est une complémentarité de tous ces facteurs. Et la formation également : l'apprentissage naît de l’expérience, du vécu, ou d'un savoir transmis. Au sein de la cuisine entièrement automatisée, monsieur Hulot, le beau-frère, ne sait même plus ouvrir une porte de placard. Selon Amphoux, la domotique est une réponse à des besoins humains divergeant selon trois conforts : le confort de commodité, le confort de maîtrise et le confort de réserve. Le premier correspond aux capacités physiques générant du confort (gestion thermique, acoustique etc...). Le second permet une baisse des coûts de l'équipement et permet de gérer à sa guise notre niveau de confort( chauffage, écrans etc...). Le confort de réserve, qui doit être entendu de façon spatiale mais aussi psychologique, qui est l'intimité, le secret ou bien le volume. C'est ce que l'on peut appeler le confort domotique en architecture. Or les réponses apportées par cette maison robotisée ne traite que trop peu ces points. Au lieu de cela, il lui est demandé de générer des actions futiles destinées à faire briller ses propriétaires en société(ce qui rate à tous les coups bien sûr).
J'aimerais enfin clore cette partie cinématographique sur des notions visant à mettre en garde des systèmes nourrissant les besoins de l'usager plus qu'ils n'y répondent, à travers le film de LeVar Burton : Smart House. La maison est programmée pour aider la famille qui manque d'une mère. Mais très vite les usagers perdent le contrôle sur ce cerveau mécanique et le foyer devient presque une prison car pour « Pat» (la maison porte un nom) le monde extérieur est dangereux et il est donc plus sage de rester en son sein. Plus qu'une simple traduction d'une technologie complexe ayant pris le dessus sur l'usager, ce film critique le cercle vicieux dans lequel cette famille s'est engagée, et donc la recherche permanente de plus de confort qui entraîne plus de problématiques à résoudre etc... L'un des principes fondamentaux de la smart house, dont le terme fit son apparition en 1974 je le rappelle, est la sécurisation du lieu de vie. Grâce à un panel complet de caméras, détecteurs de la moindre anomalie, alarmes et autre systèmes de surveillance et de verrouillage de portes et fenêtres, il est possible de contrôler son domicile et de ce fait se tranquilliser. Dans le film de LeVar Burton, la maison possède un cerveau et prend les décisions pour la famille. Il exige que 20 tous les membres de cette dernière n'ont plus le choix d'entrée mais surtout de sortie de l'habitat. « Si le secteur de la domotique attaché à cet argument (la sécurité) […] est celui qui est appelé à se développer le plus rapidement[...] c'est évidemment parce qu'il trouve d'emblée une très forte résonance sociale auprès des collectivités comme des individus qui sont préoccupés par la question d'insécurité – d'ailleurs très largement médiatisée. » 11
Les sociétés dans lesquelles nous évoluons nous dicte, par les événements contemporains qui se banalisent (violence, agressions, vols etc...), de prendre de plus en plus soin de nous et de nos proches. Et de ce fait, sécuriser au maximum nos espaces vitaux : foyers, véhicules, espaces de circulation etc... La smart house esquisse une réponse à ce problème, mais fait enfler l’angoisse de l’extérieur, de l’autre. Le foyer devient un bunker contre le monde hors-habitat et les liaisons entre l’intérieur et l’extérieur se floutent. Portails, barrières, portes blindées. Tout est fait pour démotiver le malfaiteur, mais aussi l’usager ! Comment recréer un lieu serein, en harmonie avec son environnement, tout en protégeant les usagers en son sein ? 11. AMPHOUX P., JACCOUD C., PERRINJACQUET R. Sécurité In Dictionnaire critique de la domotique. 1989. p. 171 (Consulté le 10 01 2015)
La smart house serait aujourd’hui une réinterprétation subjective de d’îles volantes proposées par les architectes utopistes tels que le groupe Archigram, des modules robotisés se faisant et se défaisant selon l’usager qui l’occupe, qui la traverse? Bien entendu il n’est pas question de tours infinies ou de capsules de vie. Il s’agirait plus de raisonner sur les problématiques mises en avant à l’emergence de nouveaux modes de vie amenés par la domotique, ainsi que dans les films étudiés comme l’énergie, la pollution, la sécurité etc... Cependant, force est de croire que les idées filent plus vite que les réalisations, la domotique et ce que l’on peut appeler la smart house, que nous allons définir plus bas, eurent beaucoup de mal à faire leur place dans le quotidien, et aujourd’hui les procédés se résument à des installations informatiques dans l’habitat qui sont 21 loin de répondre aux problématiques de ce que serait la smart house conçue par l’architecte. Il faut ici raisonner de la façon suivante: nous avons dans un premier temps défini ce qu’a été la première smart house avec l’avènement de la domotique, puis ce que pourrait être la maison intelligente du futur, ou justement ce qu’elle ne devrait pas être, grâce à la filmographie de science fiction. Avant d'aller plus loin dans l'écriture, je tenais à préciser un détail. Ce mémoire n'est pas une critique arbitraire de la Smart house, mais bien un ensemble d'hypothèses amené dans l'espoir de concevoir la maison intelligente à travers les yeux de l'architecte. Pour ce faire, il sera nécessaire de faire appel aux travaux de ces derniers qui, selon moi, ont conçu des smart houses bien plus ingénieuses que ce que pourraient proposer les fournisseurs de maison high -tech. Mon rôle ici est de trouver un équilibre juste entre le high tech et le low tech en étayant mes propos grâce à un corpus varié de projets d'habitats intelligents qui ne nécessitent pas forcement un système technologique de pointe, mais plutôt une intelligence spatiale, d’optimisation, d’organisation. Intelligence, il me semble, plus propre au métier d’architecte que la systématisation du foyer.
PARTIE ll
La Smart House_entre low tech & high tech ingéniosité gadgets système SECURITE Optimisation S U B T I L I T É
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Essayons finalement de définir ce qui, suite aux différents points de vue analysés, serait aujourd’hui la Smart house juste. Le défi ici est de définir, suivant les principes de base, ce qu’est un habitat intelligent, en mettant en relation autant les propriétés technologiques que sensibles que l’on a pu trouver dans les projets présentés plus haut. Il faut pour se faire développer quatre principes qui me semblent essentiels à la conception juste de l'habitat intelligent: la connexion, l'écologie, la technologie et le confort. A la suite de ce développement nous serons en mesure de répondre à l'hypothèse que la maison intelligente ne serait pas obligatoirement une architecture high tech. Afin de justifier les points critiques à soulever à propos de la smart house tout au long de cet écrit, je me suis appuyée sur les projets d'architectes low tech tout en essayant de mettre en avant les solutions que ces derniers apportent aux problématiques actuelles auxquelles la smart house tente également de répondre maladroitement, ou du moins partiellement, selon moi.
Le problème majeur de la maison intelligente repose sur le fait que l’architecture a été pensée indépendamment de cette technologie, puisque la smart house proposée aujourd’hui se nourrit d’un savoir-faire encore inconnu il y a quelques années. Cependant, et c’est la dessus que je vais questionner cette technologie, les projets qui se disent smart, donc les architectures construites aujourd’hui et qui accueillent ces systèmes en leur sein, ne mettent pas vraiment en rapport l’espace et la technologie. Quand l’on entend parler de smart house en 2015, il paraît légitime de s’attendre à un réel travail spatial, à un agencement intelligent et à des liaisons pensées selon des facteurs tant techniques que d’ambiances. Seulement, l’architecture semble encore trop pauvre à une telle avancée du foyer, ou si je devais reformuler, l’architecture n’est pas encore conçue de manière assez approfondie en coalition avec le high tech lorsque l’on s’imagine la maison intelligente. Grâce aux logiciels de calculs et de conceptions, nous sommes capables de créer des architectures encore utopiques une décennie en arrière. Les avancées techniques sur les matériaux permettent aux architectes et ingénieurs une liberté quasi infinie et laissent presque libre cours aux imaginations. Cette question technique sera développée un peu plus bas en lien avec le principe d'écologie intelligente. Pour le moment, la question est : comment 23 concevoir de l'espace tout en ajoutant le facteur technologie à nos plans ? La smart house est encore définie comme technologie domotique, c'est -à-dire un habitat traditionnel auquel on a ajouté des options : l'usager, ou plutôt le client, choisit ses options dans un catalogue (caméras extérieures et intérieures, lumière tamisée dans certaines pièces etc...) Afin d'intégrer la notion de smart en architecture, elle ne doit plus être une option mais bien un principe essentiel à la maison intelligente. Comme l'architecture organique porte ses principes dans son appellation, la maison intelligente doit apporter des principes qui lui sont propres et non simplement s'équiper d'éléments optionnels. Afin d'amener des réponses à cette problématique qu'est la smart house face à l'architecte, je développerai cette seconde partie sous quatre notions détournées de la maison intelligente commercialisée par les groupes de téléphonie ou les fournisseurs d'énergie. Ces quatre notions seront alors chacune appuyée par un projet pertinent d'architecture intelligente low tech qui traduira la non nécessité de technologie dans la smart house.
lI.1_ Une sécurité spatiale
Le premier principe de la smart house que je voulais me réapproprier dans ce travail est sans hésiter la sécurité. Introduite un peu plus haut grâce notamment au cinéma, la sécurité, et la sécurisation du foyer semble être aujourd'hui une donnée évidente à la conception d'un habitat intelligent. Lors de présentations de maisons intelligentes, les premiers mots sont pour l'efficacité remarquable du portail d'entrée hautement sécurisé à reconnaissance visuel de votre véhicule pré-enregistré dans la base de données. Je caricature bien sur, mais il est un problème à ce besoin de sécurité grandissante que j'avais pu aborder sensiblement un peu plus haut. Il a été vu, sur une vidéo du groupe « smart home design », fournisseurs de systèmes technologiques et non d'architecture, la présentation d'une smart house : durant ce très court film de 13min10, 8min sont consacrées à la sécurité, comprenant donc portails, fenêtres, murs d'enceintes, caméras de surveillance, stores électriques etc...La maison intelligente vend le besoin d'avoir des caméras thermiques chez soi. Nous sommes dans la nécessite de posséder une caméra à l'entrée de chez nous pour être sùr de ce qui se trouve derrière notre porte. Cet engouement pour la sécurisation pousse à l’extrême la peur de l'autre, le renfermement dans le cocon rassurant. Personnel24 lement, je possède un œil-de-bœuf sur la porte d'entrée de mon studio, et suis donc tout à fait capable de juger si oui ou non je dois ouvrir ma porte. A l'inverse, chez mes parents, les façades de la maison qui offrent un accès à l'intérieur( le terrain est en pente) sont toutes ouvertes par des baies vitrées. De ce fait, la vue ne permet aucune surprise, mais également le son : les pas raisonnent dans les escaliers montant de la cour sans portail et nous sommes donc avertis qu'un ou des visiteurs sont sur notre propriété. Ce système très simple est un recours efficace à nos craintes vis-à-vis d'un problème quelconque. Cependant, force est de constater que le constructeur de la maison de mes parents, mon père, imaginait plus ses baies vitrées comme un moyen de faire entrer un maximum de lumière et de vue sur l’extérieur plutôt qu'un système de surveillance, je ne peux me fier seulement à des projets et mises en œuvres potentielles pour la définition d'une sécurisation low tech de la maison intelligente. Je vais donc appuyer mes propos grâce au travail de l'atelier Bow Wow à travers un projet d'habitat à Mitaka(Tokyo): la Das House. Je tiens à préciser que les projets présentés dans cette partie II n'ont pas forcément été choisi dans leur intégralité mais pour des détails de construction, d'organisation, qui font de ces projets des réussites en matière d'habitat intelligent.
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De haut en bas: Das House, façade Nord; interieur chaleureux en bois, rez-de-chaussÊe.
La Das House est un projet de maison urbaine en bois de 74m² réalisé en 2002 par Yoshiharu Tsukamoto et Momoyo Kajima. L'atelier Bow Wow, lancé en 1992 par les deux architectes cités ci-dessus, développe trois théories de conception d'espaces suivantes : les « Pet Architectures », désignant les architectures très petites, placées dans des espaces très denses et difficiles, comme par exemple une dent creuse. La seconde théorie se base sur la science du comportement : le « Behaviorology ». La troisième théorie, « The post bubble city », est une suite à la première, traitant ainsi les complexités d'un milieu urbain dense. Appuyées par leurs projets architecturaux, ces théories sont mises en lumière grâce à l'échange que font les architectes à propos de ces dernières. Pour cette réalisation, je vais me pencher sur un système très particulier de projection de regard vers l’extérieur qui se développe sur les deux niveaux de la petite maison. Les protagonistes ont conçu deux ouvertures aux qualités tantôt sensibles et poétiques, tantôt ludiques et ingénieuses. La première est au rezde-chaussée. L'espace de la salle de bain est en bas et donne directement sur l’extérieur. Afin de remédier aux problématiques d'intimité, l'ouverture a été faite de sorte à renvoyer le regard de l'usager au ciel quand il est dans la salle d'eau. 26 De plus, une personne se trouvant à l’extérieur ne discernerait rien de l’intérieur de la pièce sachant que la fenêtre est construite comme un réflecteur et non une surface plane classique. Ce dispositif est un premier pas vers une mise en sécurité de l'usager. Seulement, la deuxième partie de l'analyse est d'autant plus intéressante. Pour l'ouverture se trouvant à l'étage, le même système de réflexion est mis en place, à l'exception du fait que le regard va vers le bas, et tombe dans la petite cour où l'on gare par exemple son vélo. C'est un lieu de passage nous dirigeant vers l'entrée de la demeure. Ce système excessivement simple est en fait un moyen de mettre son foyer sous sa propre surveillance sans aucune installation de caméra ! Plus sérieusement, ce dispositif architectural permet à l'usager de percevoir si une personne entre dans sa cour. Placé au niveau de la cuisine, espace privilégié du foyer, il permet une emprise totale sur sa demeure sans pour autant basculer dans la peur. Et ce sentiment de sécurité serein est engendré par plusieurs choses : d'une part, le procédé utilisé est un jeu architectural très ingénieux nous faisant baigner davantage dans une mise en sécurité dédramatisante (« je peux voir sans être vu, j'ai le contrôle donc je suis protégée ») que dans un besoin compulsif de s'enfermer dan son bunker infranchissable.
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Croquis de Momoyo Kajima: détails de l’ouverture
L'usager est plus apte à accueillir, à s'ouvrir à autrui et à l'extérieur sans crainte. Ce genre de procédé reprend les fonctions de la meurtrière du Moyen-Age: voir sans être vu. A la seule différence que ces dernières étaient des failles dans la roche, alors qu’ici il s’agit de réflexion due au jeu de miroirs. D'autre part, le bois étant utilisé en majorité dans cet habitat offre de réelles qualités chaleureuses, autant dans la couleur, le toucher et l'odeur qu'il peut dégager que dans la luminosité qu'il apporte. De plus, si nous mêlions à cette analyse la question financière d'un tel projet, il me semble qu'un rapide inventaire permettrait de juger l'efficacité des deux procédés. Pour un système de smart house vendu par une entreprise tel que « smart home design »12 dont nous avons analysé brièvement la proposition de maison intelligente un peu plus haut, nous comptons 400euros pour la tablette principale et trois capteurs, 700euros pour un équipement de caméras intérieurs et 1100euros pour l'extérieur, 250euros en moyenne pour un écran de contrôle ; ajoutez à cela le portail, les détecteurs de mouvement, les appareils à reconnaissance vocale etc... Vous approchez donc, en ce qui concerne la sécurisation du foyer, à un équipement avoisinant les 4000euros pour les plus équipés. Ce qui semble exorbitant sachant que ce genre de système manque 28 énormément de fiabilité(problèmes de connexion, autonomie faible, mémoire non fiable). Le recours à l'intelligence architecturale semble donc l'emporter ici, et ce, sur tous les fronts. Cette analyse met en lumière non pas les lacunes du système de smart house commercialisée, mais bien un engouement pour le gadget high tech et connecté dans un premier temps, et un retranchement progressif sur soi, sur ses propres valeurs sures. Il est très délicat aujourd'hui de proposer à l'usager un moyen efficace, très peu cher et ingénieux de sécurité et de confort dont il pourrait avoir besoin. Il n'est pas question de prôner la peur et la mise à l'écart du monde extérieur, mais bien de laisser ouvertes les frontières du public et du privé sans pour autant être naïf et aveugle aux réalités d'aujourd'hui.
12.Smart Home Design «what is a smart house? »www.youtube.com/watch?v=i73n-LTXPIM (Consulté le 07 01 2015)
lI.2_Une optimisation d’usages Le second principe que je souhaiterais détourner est l’optimisation. « L’optimisation est une branche des mathématiques et de l’informatique en tant que disciplines, cherchant à modéliser, à analyser et à résoudre analytiquement ou numériquement les problèmes qui consistent à déterminer quelles sont la ou les solution(s) satisfaisant un objectif quantitatif tout en respectant d’éventuelles contraintes. L’optimisation joue un rôle important en analyse numérique,[...], ou encore en théorie du contrôle et de la commande. Aujourd’hui, tous les systèmes susceptibles d’être décrits par un modèle mathématique sont optimisés. La qualité des résultats et des prédictions dépend de la pertinence du modèle, de l’efficacité de l’algorithme et des moyens pour le traitement numérique. »13
D’après cette définition scientifique de l’optimisation, mais également des publicités et conférences sur le sujet, tout porte à croire que la maison intelligente est vouée à devenir l’exemple même de ce terme. La smart house, optimisez votre habitat. Cela semble être la suite logique, après les cartes à puces optimisées, les ordinateurs optimisés, les repas optimisés, la lecture optimisée etc...toute 29 forme de smart peut porter le mot «optimisation» dans sa description. Pourtant, comme nous avons pu le voir plus haut, l’optimisation saine de la maison intelligente ne devrait-t-elle pas commencer par un système qui fonctionne? Le problème de la maison intelligente proposée en 2015 n’est pas le surplus de gadgets, ni le coût, qui finalement peut être raisonnable si nos besoins le sont, mais bien le manque de fiabilité d’un tel équipement. Autonomie quasi-nulle, rapidité douteuse, réactivité des appareils à revoir etc...autant de problèmes mettant à mal ces ensembles technologiques qui partent pourtant d’une belle idée. Comment alors réinterpréter ce besoin d’optimisation dans l’architecture même? La réponse se trouve sous notre crayon. Ou plutôt notre souris aujourd’hui. A vrai dire, l’optimisation du plan, de l’espace, nous l’apprenons déjà. Ce n’est pas une découverte pour nous, il faut d’ores et déjà penser le plan de façon à ne pas créer d’espaces morts, à ne pas gaspiller du m² inutilement. L’optimisation que je vais définir ici est la suivante: l’optimisation des usages. Pour ce faire, j’analyserai le travail du studio Fala, sur un projet présenté en concours en 2013. 13. D’après Wikipedia: http://fr.wikipedia.org/wiki/Optimisation_(math%C3%A9matiques) (Consulté le 17 03 2015)
« Le concours visait à créer une nouvelle identité pour le quartier « Alvenaria « à Lisbonne . Après de nombreuses années d’indifférence , une seule intervention devrait être en mesure de résoudre les problématiques de l’ensemble du site en le ramenant dans le présent. »14
Le terme d’optimisation peut sembler effrayant, car pourrait rimer avec fonctionnel et nous ramener à ces architecture,certes interessantes à étudier, mais non vivables pour certaines. Il est question ici d’optimiser le principe d’un projet, de simplifier son processus de mise en forme afin de créer de vraies qualités aux différents espaces. Fala est un cabinet d’architecture basé à Porto (Portugal), dirigé par Filipe Magalhães , Ana Soares de Luisa et ahmed Belkhodja. Les architectes portent une très grand attention au travail de l’habitat, et répondent ( et gagnent) régulièrement des concours de réhabilitation, que ce soit des commandes à l’echelle d’un appartement que d’un quartier. Les porpositions de ce groupe tendent souvent vers l’experimental et l’unicité. Comme une garde-robe, leur portfolio est garni d’un panel très divers de projets et de recherches architecturaux. Chaque pièce de choix porte le désir de faire avancer les modes de vie et de conception de l’es30 pace, de manière très douce et sensible. Pour le projet Alvenaria neighborhood, gagné en Juin 2013, il était question de réhabiliter un lotissement à Lisbonne laissé à l’abandon durant plusieurs années. Le défi fut relevé grâce à un principe simple et très efficace: un module a été défini, un cube de 2,55 m, et les variations et multiplications de ce dernier ont permis le développement des différentes divisions de chaque logement. Il n’est cependant pas question d’englober les volumes dans une solution statique, mais au contraire de donner à chaque espace, chaque logement, un caractère spécial, une identité propre et une qualité de vie riche. Les espaces sont définis par l’usager, futur propriétaire. En effet, les pièces répondent directement aux désirs des occupants, selon leurs besoins, la place qu’ils souhaitent attribuer à chaque espace, et se mêlent à la réflexion des architectes, qui de ce fait offrent aux habitants les maisons de leurs rêves. 14. CACHÔN Carlos.Atelier Fala, In Afasia archzine. Posté le 30 07 13. Disponible sur: http://afasiaarq.blogspot.com/2013/07/fala-atelier.html (Consulté le 28 04 2015) Page de droite, les deux illustrations: empilement des modules de 2.5m².
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Les modules, petites boites interagissant entre elles, sont alors placées, bougées, additionnées afin de former des habitations, qui elles-même formeront le quartier final. Des modules de base ont été pensés: un module pour la salle d’eau, deux modules pour les chambres etc...De plus, le groupe d’architectes travaille également le vide créé entre les petites boites, créant ainsi balcons, terrasses et jardins privés et communs selon encore une fois les besoins et désirs de chacun. Il n’est pas question de satisfaire tout le monde parfaitement, car il me semble que ce projet est impossible. Or, le fait de lier les desiderata des usagers aux réflexions des architectes, créateurs d’espaces et de confort, nous mène à une seconde forme d’optimisation. Pourquoi choisir un tel projet pour revaloriser un quartier? Ce sont de simples modules structurés en acier. Des boites blanches empilées de manière presque aléatoire au premier coup d’œil de l’usager. Le fait est que ce projet respire deux formes d’ intelligence: la première est l’intelligence spatiale, avec une simplicité de mise en forme et une morphologie pertinente; La seconde est une intelligence sociale. L’organisation d’un tel quartier en terrasse n’est pas anodin: il faut faire cohabiter tout une population de manière très proche sans pour autant casser les codes et l’intimité de chaque 32 individu. Le quartier se déploie dans la pente de façon unitaire, des modules blancs, agrémentés de vert et de brun des rues et terrasses, «sont la toile de fond des activités communautaires du quartier.»15 Mais dans chaque intérieur naît le micro-univers de chacun. Ce que je souhaitais montrer à travers ce projet, après les formes d’intelligences analysées plus haut, c’est que bien avant de chercher à équiper les foyers d’high tech et de systèmes sur-développés, il serait bon d’adopter des modes de réflexions mettant en avant l’usager et non plus seulement la forme pour la forme, ou bien prôner un équipement en inadéquation avec l’architecture. Car le foyer est un espace intime, dans lequel nous aimons nous sentir à l’abri, il n’a pas besoin d’être armé, mais pensé justement afin de ne pas avoir recours à ce genre d’artillerie et vivre sereinement son chez-soi. 14. CACHÔN Carlos.Atelier Fala, In Afasia archzine. Posté le 30 07 13. Disponible sur: http://afasiaarq.blogspot.com/2013/07/fala-atelier.html (Consulté le 16 01 2015) Page de droite, de haut en bas: règle de base des modules; jeu de pleins et de vides avec les terrasses; image du projet
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lI.3_Une technologie physique Après avoir remis en place l’importance d’une intelligence spatiale dans la conception de la smart house, que ce soit dans un détail de construction ou un mode d’organisation, j’aimerais à présent m’atteler à un principe très en vogue auprès des promoteurs de smart house, la technologie. Du grec teknologia, elle est l’ensemble des outils et matériels utilisés dans l’artisanat et l’industrie. Elle peut également définir un ensemble cohérent de savoirs et de pratiques dans un domaine technique spécifique, fondé sur des principes scientifiques. La technologie s’applique cependant à l’artificiel, à la machine, mécanique, électrique, hybride. Elle est le multimédia, la connexion, la motricité, la communication. De par d’importantes problématiques vis à vis de l’environnement et du réchauffement climatique, la technologie s’associe à la nature, au non polluant afin de créer une modernité saine et pure et de diminuer les émissions de gaz à effets de serre. Les métiers de la construction empruntent tout autant cette voie, en proposant de nouveaux matériaux high tech tels que les matériaux à changement de phase (MCP), qui ont la capacité de stocker de la chaleur avant de la restituer. De nombreuses entreprises se réapproprient également les mé34 thodes d’antan afin de concevoir de l’habitat durable, aux besoins énergétiques très pauvres comme le pisé. On parle beaucoup de nanomatériaux, d’isolants du futur, mais est-ce le seul angle d’attaque de la maison intelligente en matière d’économie d’énergie? N’existerait-il pas d’autres moyens de minimiser nos dépenses en énergie, de faire de son foyer lui même un régulateur thermique? «Le secteur du bâtiment est l’un des principaux responsables du réchauffement climatique car la combustion dʼénergies fossiles pour le chauffage ou le rafraîchissement des maisons est à la source de près de 50% des émissions de gaz à effet de serre. Après quelques résistances, lʼensemble de la profession est aujourdʼhui mobilisé pour le développement durable en plaidant pour une meilleure isolation thermique des façades, l’utilisation des énergies renouvelables, la prise en compte du cycle de vie des matériaux ou une forme plus compacte des constructions.»15
15.RAHM Phillipe. Pour une architecture météorologique. Disponible sur: http://www.philipperahm.com/data/rahm-office-f.pdf (Consulté le 31 01 2015)
Ces mots sont directement liés au travail de l’architecte français Phillipe Rahm, concepteur de l’architecture météorologique. Basé à Paris depuis 2009, Philippe Rahm enchaîne les conférences et expositions, donne des cours dans les écoles les plus prestigieuses du monde (dont la notre, ce début d’année 2015) et publie un ouvrage intitulé Architecture-météorologique (sorti en 2009). L’architecte porte deux principes dans son travail: la météorologie et la physiologie, qui lui ont valu une audience internationale dans le contexte du développement durable. Selon lui, les changements climatiques nous obligent à repenser l’architecture non plus par une approche purement visuelle et fonctionnelle, mais par des principes plus sensibles qui s’attardent d’avantage sur les paramètres invisibles et climatiques de l’espace. L’architecte invente un nouvel outil architectural qui va lui être utile durant tout le processus de conception d’espace. Cet outil se base sur la poussée d’Archimède(287-212 av. J-C), et son traité des corps flottants qui sera la pierre angulaire de ce que l’on nomme aujourd’hui la science hydrostatique. La conduction, l’évaporation, la convection vont être utilisées comme procédé de fabrication d’espaces à régulation thermique autonome. «Glissant du plein au vide, du visible à l’invisible, de la composition métrique 35 à la composition thermique, l’architecture comme météorologie ouvre d’autres dimensions, plus sensuelles et plus variables, dans lesquels les limites se dissipent et les pleins sʼévaporent.»16
C’est une avancée considérable pour la construction de demain, faisant de l’architecture météorologique une base solide sur laquelle s’appuyer pour penser aux nouvelles manières de vivre et concevoir l’habitat intelligent, et l’architecture intelligente plus globalement. Car en effet, un tel processus est autant applicable à échelle microscopique qu’à échelle urbaine. Phillipe Rahm couple alors les deux grandes thématique de son travail afin de penser ses architectures: entre l’infiniment petit du physiologique et l’infiniment grand du météorologique, les projets doivent créer des échanges entre le corps et l’espace et y inventer «de nouvelles esthétiques capables de modifier durablement la forme et la manière dʼhabiter de demain.»17 Afin d’illustrer ces propos, je présenterai ici l’un des projets dans lequel Philippe Rahm utilise la météorologie comme médium: The Convective House. 16. Ibid, id. 17.Ibid,id.
Selon Guy Lelong, écrivain, critique et chercheur français essayant sans cesse de lier différents domaines comme l’architecture et l’art, les architectures de Philippe Rahm ne font parti ni des principes anciens, ni des principes modernes. L’architecture ancienne étant une architecture du plan, de la masse, et l’architecture moderne celle de l’espace comme médium visuel, Philippe Rahm se distingue en modifiant les paradigmes de l’architecture, repensée à partir de ses propriétés météorologiques. A travers ses processus, l’architecte se réapproprie le médiums les plus abondant et peu cher existant: l’air. «Ce changement est lui-même le produit de deux facteurs. Le premier procède d’une critique du réductionnisme moderniste de l’architecture, qui s’étant focalisé sur son expression visuelle , a réduit et normalisé la présence des autres phénomènes physiques susceptibles d’être perçus par les autres sens. Le second, d’ordre écologique, résulte des économies d’énergie qu’il importe aujourd’hui de faire pour répondre à l’épuisement des ressources et au réchauffement du climat.»18
Très souvent dans un appartement, une réelle différence de température peut 36 être mesurée entre le sol et le plafond, une différence qui pourrait parfois même être de 10 ° C. Selon la pièce dans laquelle nous nous situons, l’activité physique en cours, l‘épaisseur de nos vêtements, l’espace ne devrait pas jouir de la même température. En effet il prend l’exemple de la chambre: sachant que nous dormons couvert, les chambres à coucher ne devraient pas excéder les 16°C, alors que dans la salon où nous sommes statiques sur le canapé, il devrait faire une chaleur avoisinant les 20°C pour que la pièce soit confortable. Sur ces analyses, Philippe Rahm considère qu’une énorme économie d’énergie pourrait être faite si l’on chauffait nos intérieurs aux températures variant selon les usages de chaque espace. L’architecture se transformerait en un paysage thermique dans lequel les corps flâneraient aux rythmes des températures variant d’un espace à l’autre. Pour ce faire, l’architecte crée une maison à dalles, dont les hauteurs varient selon les hauteurs de température. L’hydrostatique étant une loi physique mettant en rapport l’air chaud et froid selon une poussée verticale, la chaleur sera plus importante là où la dalle sera plus proche du plafond. 18.LELONG Guy. Philippe rahm, ou l’architecture déduite de ses propriétés météorologiques. Disponible sur: http://www.m19.fr/pics/2027/revue/2027_6/2027_6_7lelongrahm_txt.pdf (Consulté le 14 03 2015)
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Convective House based on the natural law of Archimedes, par Philippe Rahm Architectes
Ce travail de hauteurs offrira à l’architecture une morphologie très riche et pertinente de ce fait. Pourtant, un tel projet se concentre sur l’invisible, les qualités de l’air et le climat. Et le processus commence dès l’extérieur. L’architecture fut pensée en amont avec les vents dominants sud-ouest du site. Des arbres à feuilles pénnées ont été plantés afin de filtrer les particules polluantes avant qu’elles n’atteignent la maison. L’herbe a été choisie très sombre au Sud spécialement pour capter un maximum la chaleur diurne et la diffuser au sol ensuite, alors qu’au Nord il sera planté de l’herbe plus claire. A l’intérieur, le phénomène de mouvement d’air régule les températures grâce aux changements de masses volumiques des particules: les groupes de particules de fluide proches du sol sont chauffés. Ils se dilatent donc, deviennent moins denses et ces parcelles se mettent en mouvement spontané vers le haut. Ceux du plafond sont refroidis par le contact de la surface avec un milieu moins chaud, se contractent et gagnent en densité, puis plongent vers le sol. De plus, les matériaux utilisés pour ce projet jouent un rôle essentiel à ce processus de diminution de consommation d’énergie. En effet, la façade est faite de trois couches de verre, avec un coefficient thermique de 0,6 kW / m2 valeur U. 38 Les lits sont faits de bois naturel qui absorbent ou rejettent l’excès d’humidité, participant même à la régulation de l’humidité à l’intérieur de l’appartement. «Si le processus de conception suit le nouvel objectif de réduction de l’énergie liée aux recommandations du développement durable, thèse de nouvelles contraintes peuvent offrir de nouvelles formes et de nouvelles façons de vivre.»19
Bien entendu je ne me suis pas arrêtée sur tous les détails et procédés utilisés pour ce projet, il en possède beaucoup trop et sont parfois très complexes. Simplement, je voulais mettre en avant la multiplicité d’interventions mise en place dans la conception de cette architecture intelligente, ainsi que la prise en compte de tous les facteurs environnants (extérieur, nature, physique, chimie moléculaire etc...). L’ingéniosité d’un principe aussi simple que la conduction crée toutefois une architecture quelque-peu contestable. En effet aux vues de la Convective House, il est possible de soulever des inconvenients à un tel objet architectural. L’usager fait face à un habitat digne du mouvement moderne, épuré et utilisant des materiaux bruts tels que le verre et le béton. 19. BERNIK Andrej. Convective apartments.A building as a convective shape, In About Philippe Rahm Architectes. Disponible sur: http://www.philipperahm.com/data/projects/convectiveapartments/index.html (Consulté le 22 01 2015)
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De haut en bas: Convective House, vue exterieure de l’architecture produite; application de la loi d’Archimède au projet: diagrammes thermiques
Ensuite, un tel projet nécessite un coût très important, dû aux diverses interventions effectuées et citées dans l’analyse. De plus, comment gérer une architecture déconstruite en demi-niveau et en façades vitrées à l’échelle urbaine, ou simplement en avançant l’hypothèse que l’usager ne possède pas trois hectares de verdures autour de chez lui? Il est évident que l’architecte propose ici plus une expérimentation, une réponse physique aux problématiques contemporaines telles que l’écologie et les économies d’énergies, et que ce type de projet n’est pas applicable directement. Il est à prendre en considération afin de guider les réflexions nouvelles à propos de la maison intelligente. A la manière des chercheurs tendant à trouver des solutions aux maux de l’homme, l’architecte questionne les sciences et essaye de voir l’architecture sous un nouvel angle, afin que cette dernière devienne un outil essentiel à la création d’un environnement plus sain.
lI.4_Une connexion ininterrompue 40
Voyons finalement la dernière thématique je que souhaitais aborder dans ce mémoire. Elle est, selon moi, celle qui définirait au mieux la smart house proposée par les fournisseurs de systèmes haute technologie: la connexion. En effet, la maison intelligente apparaît câblée, ces espaces intérieurs sont en communication continue grâce à un fil conducteur invisible qui est la mise en réseau des services du foyer : surveillance, gestion lumineuse de tout l’habitat sur un poste de contrôle unique, réglage des sources de chaleur etc... La maison semble être très simple et agréable à vivre j’en conviens. Néanmoins, et à la lumière des analyses proposées plus haut, essayons de penser tout d’abord les connexions de la smart house autrement. “ Connexion: action de lier par des rapports étroits; fait d’être lier; enchaînements liaison électrique entre deux ou plusieurs systèmes conducteurs; organe assurant une liaison réunion provisoire de deux machines pour se compléter ou fonctionner simultanément.”20 20. Connexion, d’après le petit Larousse. Disponible sur: http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/connexion/18299 (Consulté le 2 01 2015)
Bien souvent à connotation informatique, la notion de connexion définit aussi bien le fait d’être proche de quelque chose ou quelqu’un que la liaison codée entre deux cerveaux électroniques. La connexion en architecture traduit elle les liaisons physiques entre chaque espace, comme un corridor ou un sas, mais aussi les connexions qui peuvent exister entre l’architecture et ce qui l’entoure et interagit avec elle: le site, les limites du privé/public, le climat, l’usager etc... Pour cet écrit nous nous cantonnerons à l’échelle du bâti et de l’usager, en traitant l’espace mais aussi le rapport intérieur/extérieur de l’habitat, et notamment la dilatation maximum que l’équipe Lacaton/Vassal a adopté et couplé à l’utilisation de matériaux pauvres pour réduire considérablement le coût de leur construction. Afin de développer cette dernière sous-partie, je présenterai leur travail de rénovation de la tour Bois-le-Prêtre en 2011, projet ayant reçu le prix de l’équerre d’argent la même année. Anne Lacaton est née en 1955, Jean-Philippe Vassal en 1954. A Bordeaux, ils ont été les étudiants puis les collaborateurs de l’architecte Jacques Hondelatte, architecte disparu en 2002,enseignant à l’École d’architecture et de paysage de Bordeaux de 1969 à 2002.Depuis, ils ont mis le cap sur Paris, dans un atelier du Xe arrondissement. Ce couple d’architectes défend sa conception du bien 41 habiter, de la générosité des espaces, de la lumière et du confort en général. «Lumière et température suffisantes, surface et volume pour croître. Ne serait-ce pas habiter une nature idéale, un intérieur semblable à l’extérieur mais sans agressions possibles ? [...] Chacun peut investir l’espace… mais chacun doit, avant, le matérialiser, le cerner: car rien n’est défini sinon la lumière et le paysage environnant, toujours présent...près et loin.»21
J’ai eu la chance de rencontrer deux membres de l’agence Lacaton/Vassal en début 2014 pendant un voyage d’étude à Paris, durant lequel nous sommes allés visiter la tour Bois-le-Prêtre. Les architectes nous ont expliqué que les structures étant encore bonnes, il suffisait de parachever ce qui n’avait pas été fait à l’époque. L’objectif pour cet important projet fut de dédensifier l’ensemble. Et pour se faire, créer un hall traversant, modifier les appartements existants, ainsi que de percer de grandes baies vitrées sur les balcons afin de s’ouvrir un peu plus à l’extérieur. C’est sur ce principe que nous nous arrêterons principalement. 21. BATIWEB. Posté le 21 février 2006. Disponible sur: http://www.batiweb.com/actualites/architecture/habiter-du-plaisir-au-luxe-de-la-villa-aux-logements-collectifs-21-02-2006-5365.html (Consulté le 12 01 2015)
L’idée est d’une part de dilater l’espace au maximum, en créant des m² supplémentaires grâce aux balcons, et d’autre part de rendre plus ambigu les limites dedans/dehors qui existaient auparavant quand l’immeuble ne possédait que de simples fenêtres. Après rénovation, chaque logement est composé d’un jardin d’hiver de trois mètres de profondeur, et d’un balcon d’un mètre de profondeur. Je rappelle que des décisions et beaucoup de discussions ont eu lieu avec les usagers de l’immeuble, qui ont pu apporter leur voix et contribuer à cette réhabilitation complexe. Or, ici, s’approprier ces appartements c’est jouer des limites: il y a le mur qui glisse, puis se déploie pour se refermer, la terrasse à l’intérieur, la cuisine à peine esquissée entièrement ouverte, la pièce qui changera avec les saisons, les murs similaires aux plafonds etc... La limite est floutée, comme oubliée afin de laisser entrer un peu d’horizon à l’intérieur et pouvoir se projeter un peu plus au-dessus du XVIIe arrondissement de Paris. De plus, la recherche permanente ce ces deux architectes associés concernant un coût toujours plus bas pour une qualité de vie toujours plus grande va permettre «d’adapter l’offre locative en répondant par la création de nouvelles
42 typologies aux besoins des familles,[...] de réduire passivement la consommation des énergies de plus de 50%, en particulier par l’adjonction de jardins d’hiver»22, en installant par exemples des panneaux solaires et réduire un peu plus
les dépenses énergétiques de tout l’immeuble. Ces principes de réduction de consommation créent une seconde forme de connexion: celle qui relie la tour de 1957 par Raymond Lopez aux attentes et problématiques d’aujourd’hui. La tour fut construite à partir d’un système industriel développé pendant la reconstruction après la Seconde Guerre mondiale. Elle est composée d’éléments préfabriqués assemblés sur une trame standardisée de voiles béton. Il a fallu donc, tout en conservant la structure d’origine, moderniser le bâtiment afin qu’il puisse répondre aux normes physiques, économiques et environnementales demandées en 2011. Un coût de construction qui se rentabilisera à long terme compte tenu une nouvelle fois des économies que ces processus de réduction de consommation d’énergie vont engendrer.
22. FREDERIC DRUOT ARCHITECTURE. Métamorphose de la tour Bois-le-Prêtre. Disponible sur: http://www.druot.net/tbp.html (Consulté le 10 03 2015) Page de droite, de haut en bas: schema de transformation des façades en jardins d’hiver; Image de synthèse de la tour après rénovation.
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L’enjeu de ce projet est à mes yeux d’autant plus réussi, car il s’agit de dédensifier du logement de masse, rendre à chaque individu l’unicité qui le caractérise. Et les architectes ont su leur donner ce pouvoir. L’intelligence de ce projet ici est la connexion: celle qui fut créée entre l’intérieur et l’extérieur dans un premier temps, mais aussi, et peut-être surtout, celle qui fut faite entre le concepteur et l’usager. En effet, le projet en lui-même fit couler beaucoup d’encres, et Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal ont répondu avec brio aux problématiques et besoins des locataires et propriétaires des logements de Bois-le-Prêtre. Mais il me semble important de souligner la manière dont ils ont illustré leur proposition, notamment dans l’imagerie de synthèse pour le dossier du concours. L’enjeu a été de présenter une diversité d’aménagements possibles des espaces créés, selon des ambiances différentes. Ici, il n’est pas question de parler seulement de volume et de prouesses environnementales, mais bien de concevoir de l’habitat, des espaces confortables et appropriables de diverses façons. En évitant les mises en scènes des espaces de manière neutre et parfois vides, le parti pris des ambiances et d’une liberté d’appropriation future semble être un choix judicieux afin de répondre au mieux aux attentes des usagers. L’intelligence de la smart house doit donc savoir s’adapter à toutes les situations qui se présentent à elle, comme ici la réhabilitation. Car les enjeux d’aujourd’hui reposent aussi sur la gestion intelligente du patrimoine, tout en répondant habilement aux normes et besoins qui évoluent en permanence. Le projet de la Tour Bois-le-Prètre traduit pertinemment ces enjeux et donne à voir une architecture efficace et peu coûteuse. Et, bien que le projet soit un ajout de balcons et jardins d’hiver et qu’il ne s’agisse pas de penser entièrement la tour, il traduit un besoin d’innovations, emmené par le high-tech des panneaux solaires par exemple, avec un desir important d’introduire des qualités d’ambiances et d’appropriations plus tourné vers une approche sensible du projet.
exemple de réappropriation des jardins d’hiver et balcons possible; Deux balcons et jardin d’hiver après rénovation, aménagés par les usagers selon leurs envies et besoins.
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Autant de prestations et procédés intelligents qui mettent de tels projets au rang d’habitat intelligent. Encore une fois ici pas de gadget, ni de système électronique mais bien des solutions pour améliorer la qualité de vie des usagers en répondant habilement aux attentes d’une architecture intelligente. Sécurité, confort, écologie. Les architectes low tech apportent des réponses aux problématiques contemporaines, par des détails, des techniques constructives, mais aussi par une intelligence sociale, une prise de conscience de l’usager.
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Experimentation ambiance RECHERCHE mode de vie
CONCLUSION
Loin d’apporter des réponses précises à ce que devrait être la Smart house aujourd’hui, cet écrit met en lumière toute la difficulté à concevoir une maison intelligente standard, commercialisable comme l’espère les fournisseurs en téléphonie. De plus, un grand nombre de questions et de problématiques émergent des projets proposés par les architectes low-tech. La notion de «smart» semble à présent porter une forme nouvelle d’intelligence, une fois liée à l’architecture. Il est possible de traduire le terme de «smart house» comme la mise en réseau des enjeux actuels avec les besoins de confort et d’ambiances que l’usager peut espérer d’un habitat en 2015. Donner aux problématiques actuelles une vraie place au sein des architectures produites, à partir du processus de fabrication jusqu’à leur destructions. Ou encore définir de nouvelles priorités au métier d’architecte afin que toutes productions portent en elles les prémices d’une société intelligente. Je n’ai pas aujourd’hui de définition juste à transmettre, car comme les architectures high-tech, les projets low-tech restent contestables dans un sens. Devrait-on sacrifier l’esthétisme de l’architecture au prix du smart? L’intelligence 48 du détail constructif seul est-elle suffisante? Le principe du module répétable à l’infini serait-il applicable dans toutes les situations? Il semblerait que chaque projet soit juste pour chaque situation précise, et qu’une forme standardisée de smart house soit à oublier. Pourtant, ces projets, high-tech et low-tech, ont un rôle très important aujourd’hui: ils cherchent des réponses. Bien entendu, tout n’est pas parfait et des lacunes importantes apparaissent des deux termes opposés. Cependant, ces architectures sont un moyen pour les concepteurs de modifier leur angle d’approche architectural. Elles proposent des principes nouveaux en accord avec les besoins des sociétés contemporaines, et en rapport avec les technologies en perpetuelle évolution. Ces projets ne sont pas à prendre comme argent comptant, mais plutôt comme un appel à la reflexion sur nos modes de conception, nous, jeunes architectes. Ils traduisent la nécessité de développement du monde de l’architecture, et également un devoir pour le concepteur de faire évoluer sa pensée. Ils reflètent le désir de changer, d’améliorer le mode de vie de chacun, tout en faisant entrer l’architecture dans le monde de la haute technologie, de l’optimisation et des coûts à la baisse.
Afin de dégager une piste de réflexion à la suite de ce travail d’écriture, je m’orienterais logiquement vers la place de l’usager dans le projet complexe de la conception de la smart house. Acteur quotidien des architectures et espaces conçus, il est la base de données nécessaire à la création et la fabrication d’un habitat confortable et appropriable. En perpétuelle évolution, il est capable d’adapter son mode de vie aux nouvelles technologies et à les faire entrer dans le quotidien. A l’écoute, il est apte à prendre conscience des problématiques qui nous entourent, comme l’écologie et la gestion des énergies diverses... L’usager semble être la pierre angulaire du projet de l’habitat smart, pourtant quoi de plus difficile de satisfaire pleinement l’être le plus complexe connu à ce jour? De nombreuses recherches basées sur le ressenti d’usagers ayant testé des dispositifs d’ambiances seraient une première piste à privilégier selon moi. D’après l’ouvrage écrit sous la direction de Jean-François Augoyard, intitulé Faire une ambiance23, nous sommes capables de mesurer les ambiances et les émotions des usagers à partir de tests et d’appareils divers (sonores, thermiques etc...). Ces mises en situations ont pour but de définir clairement les ambiances et les espaces qui, selon les statistiques que les résultats donnent, sont ressentis 49 comme agréables ou au contraire effrayants, oppressants. De grandes thématiques comme les couleurs, les dimensions, la circulation sont abordées et établissent des règles «d’espaces acceptables», dans le sens où ces derniers sont appropriables, confortables et répondent aux besoins et attentes des usagers. Une nouvelle fois, je ne crois pas qu’il puisse exister un espace qui puisse convenir à tous. Néanmoins, la place de l’usager au sein d’un projet architectural d’habitat doit être réévaluée aux termes d’un équilibre entre esthétisme, écologie, appropriation, confort etc... Et pour ce faire, il serait pertinent de réintroduire le stade de la recherche, de l’étude dans le projet architectural, afin de puiser dans nos analyses de l’individu (ou des individus) les réponses évidentes que les problématiques actuelles posent aux quotidiens des usagers et à la conception d’espaces et d’architectures de manière générale.
AUGOYARD Jean-François. Faire une ambiance, actes du colloque international Grenoble 10-12 septembre 2008. Grenoble: à la croisée, 2011
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OUVRAGES ET ARTICLES PAPIER
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HECKMAN Davin. Here’s Johnny ! The introduction of information to the Space of the Home, In A Small World: Smart Houses and the Dream of the Perfect Day. P. 38-63. Durham : Duke University Press. 2008. 224 p. Disponible sur : http://books. google.fr/books?id=czpN5CGhLtIC&pg=PA38&hl=fr&source=gbs_toc_r&cad=3#v=onepage&q&f=false (Consulté le 12.03.15) MANN William C. Home automation and smart home to support independence, In Smart technology for aging, disability and independence : the state of the science. Hoboken : John Wiley and son. Juillet 2005. p. 33-45. Disponible sur : https://books.google.fr/books?id=HopxJS7cfjIC&pg=PA33&lpg=PA33&dq=smart+house+1933&source=bl&ots=yt2EgU0PPp&sig=5Q7gxGg1RGaGsXsejr2MYLSkv0Q&hl=fr&sa=X&ei=2r31VLH9DIn1arKwgpgE&ved=0CE8Q6AEwBg#v=onepage&q=smart%20house%201933&f=false (Consulté le 01.03.15) ROSSEL Pierre, BASSAND Michel, ROY Marie-Annick. Au-delà du laboratoire: 52 les nouvelles technologies à l'épreuve de l'usage[en ligne]. Presses Polytechniques et Universitaires Romandes (PPUR) (1998). 996 p. Disponible sur : file:///G:/ENSAG%202014 2015/SEMESTRE%202/ MEMOIRE/m%C3%A9moire%20lectures/Au-del%C3%A0%20du%20 laboratoire%20%20les%20nouvelles%20technologies%20%C3%A0%20 l'%C3%A9preuve%20de%20l'usage%20-%20Google%20Livres.html (Consulté le 17.02.15) SITES INTERNET ATELIER BOW WOW. Disponible sur: http://www.bow-wow.jp/ ATELIER FALA. Disponible sur: http://www.falaatelier.com (Consulté le 4.04.15) BEARINGPOINT. Smart home : retour vers le futur ? Trouver la clé pour entrer dans la maison de demain. Disponible sur : http://energypoint.bearingpoint. com/wp-content/uploads/2012/05/PDV-teleservices-VF.pdf (Consulté le 04.03.15)
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Iconographie Page de couverture -Tableau de contrôle, Smart House de Disney, réalisé par LeVar Burton Courtesy of Stuart Krieger/Disney Disponible sur: https://gigaom.com/2015/01/03/smart-house-predicted-the-smart-home-in1999-so-where-is-it/ -logo de smart house Disponible sur: https://gigaom.com/2015/01/03/smart-house-predicted-the-smart-home-in1999-so-where-is-it/
Partie I
Le cinquième Element, de Luc Besson, p.14 -ville image: www.econologie.info/share/partager3/14250420204nF44m.png 54 Posté par Grelinette, le 27 Fevrier 2015 à 14h02 http://forums.sufficientvelocity.com/threads/hollywood-is-pro-murican.15182/ page-2#post-2909779 -appartement Corben Dallas image:http://41.media.tumblr.com/6b2fa89ceadf2e0cf878dfe946c7d989/tumblr_ nh92r0FfIW1qz4iigo1_500.png image: http://i.ytimg.com/vi/bf2mWTckcrc/hqdefault.jpg Posté par Firefossil, le 28 Fevrier 2015 sur: http://forums.sufficientvelocity.com/threads/hollywood-is-pro-murican.15182/ page-2#post-2909779 Mon Oncle de Jacques Tati, p.18 -villa arpel image: www. Tasteofcinema.com/wp-content/uploads/2014/11/Mon-Oncle-2.jpg www.almanart.org/le-design-des-annees-60.html -la cuisine-laboratoire image: www.arte.tv/sites/fr/olivierpere/files/2014/02/mon-oncle-01-g.jpg site : www.cinema.arte.tv/fr
La cuisine équipée de 1940, p.11 image: http://www.trombinoscar.com/mmc/2259.jpg Posté le 06-06-2012 à 12:21:04 par ACMACM http://www.forum-auto.com/automobiles-mythiques-exception/voitures-anciennes/sujet389688.htm L’histoire de Hoover:aspirateur, p.11 image: http://www.biftech.fr/wp-content/uploads/2012/01/hoover-histoire.jpg Posté le 3 Janvier 2012, par Marine Parissé http://www.biftech.fr/hoover-l-inventeur-de-l-aspirateur-moderne/ (Consultés le 20.01.2015)
Das House, Atelier Bow Wow, p.25 et 27
Partie II
WILSON Andrew. House Genealogy, Atelier Bow-Wow: All 42 Houses, In Ja+u85, Mars 2012, Shinkenchiku-sha Co., Ltd.
Alvenaria neighborhood, Atelier Fala, p.31 et 33 toutes les images et photographies: FALA Atelier. http://www.falaatelier.com site officiel (Consulté le 17.04.2015)
Convective House, Phillipe Rahm, p. 37 et 39 toutes les images et photographies: Phillipe Rahm Architectes. http://www.philipperahm.com site officiel (Consulté le 22.04.2015)
La tour Bois-le-Prêtre, Lacaton/Vassal, p. 43 et 45 toutes les images et photographies: FREDERIC DRUOT ARCHITECTURE. http://www.druot.net/tbp.html site officiel
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Annexes • CRAVEN Jackie. What is a smart house ? When computers take control. Disponible sur: http://architecture.about.com/od/buildyourhous1/g/smarthouse.htm « Une maison intelligente est un habitat composé de systèmes automatiques très avancés pour l’éclairage, le contrôle de la température, le multi- médias, la sécurité, la gestion d’ouvertures de fenêtres et de portes, et de nombreuses autres fonctions . Une maison intelligente apparaît « intelligente » parce que ses systèmes informatiques peuvent surveiller de nombreux aspects de la vie quotidienne . Par exemple , le réfrigérateur peut être en mesure de faire l’inventaire de son contenu, suggérer des menus, recommander des alternatives saines, et commander des produits à l’épicerie. Les systèmes de la maison intelligente pourraient même nettoyer la litière du chat et arroser les plantes . »
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• VION-DURY Philippe. Low-tech : « il va falloir apprendre à s’appauvrir ». Le Grand entretien. L’OBS avec Rue 89. 1 Juin 2014. Disponible sur : http://rue89.nouvelobs.com/2014/06/01/low-tech-va-falloir-apprendre-a-sappauvrir-252389 Entretien entre Philippe Vion-Dury journaliste, et Philippe Bihouix, du 1er Juin 2014. «Rue89 : Commençons simplement : le low-tech, c’est quoi ? Philippe Bihouix : Pour parler des low-tech, il faut d’abord établir deux constats : d’une part, la consommation de ressources non renouvelables (énergie et matières premières) est insoutenable, et nous en consommons davantage chaque année ; d’autre part, les solutions technologiques qu’on nous propose ne sont absolument pas des solutions. Soit ces solutions sont marginales et hors d’échelle, donc pas à la hauteur du défi, soit elles reposent sur le recyclage de nos produits, « l’économie circulaire », qui ne marche que très partiellement du
fait de la dégradation des matières utilisées ou de la difficulté à séparer les composants. Face à ce double constat, le low-tech, c’est se dire : comment j’essaie de remplir au mieux les besoins, rester dans une civilisation acceptable et soutenable, malgré l’épuisement des ressources ? Low-tech veut tout dire et rien dire, c’est surtout un pied de nez au high-tech.
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