CONTINUUM EMERGENT_Le laboratoire sonore de Copenhague [graduation diploma]

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continuum émergent Le laboratoire sonore de Copenhague D’Amico Nina Golub Anastasiia

Projet de fin d’étude - Session 2016 Architecture, Ambiances et Cultures Numériques Ecole Nationale Supérieure d’architecture de Grenoble

Digital RDL Research by design laboratory



continuum émergent Le laboratoire sonore de Copenhague

D’Amico Nina Golub Anastasiia

Projet de fin d’étude - Architecture, Ambiances et Cultures Numériques. Philippe Liveneau Architecte, Docteur SPI, (Digital RDL, Cresson), TPCAU - Responsable. Equipe d’encadrement : Grégoire Chelkoff Architecte, Docteur URB / HDR / (Cresson) - Professeur, HDR, STA Amal Abu Daya Architecte, Doctorante (Cresson) - TPCAU, (MAA) Magali Paris Ingénieur Agronome, paysagiste, Docteur, (Cresson) - VT C. Bonico-Donato Philosophe, Docteur, (Cresson) - SHS 0livier Baverel Ingénieur, Docteur, HDR, (EPC Navier) - Professeur, HDR, STA Jury de Soutenance du PFE : Directeur d’etude : Grégoire Chelkoff, Architecte, HDR / (Cresson) - Professeur, HDR, STA Second Enseignant : Philippe Liveneau, Architecte, Docteur SPI, (RDL, Cresson), TPCAU Enseignant Ensag : Guillaume Daydé, Architecte / TPCAU ( Agence Espace Gaia) Enseignant Ensag : Frederic Guillaud, Architecte / TPCAU ( Quarcs) Enseignant d’une autre école : Gilles Delelax, Architecte, Docteur, DA, Ensa de Malaquais-(Muoto) Personalité extérieure : Arnaud Hudry, Architecte - Agence Futur A

Projet de fin d’étude - Session 2016 Architecture, Ambiances et Cultures Numériques Ecole Nationale Supérieure d’architecture de Grenoble

Digital RDL Research by design laboratory


Nous tenons à remercier Philippe Liveneau et l’ensemble de son équipe pédagogique pour nous avoir suivi et soutenu tout au long de cette ultime année de formation au sein du studio Architecture, Ambiances et Cultures Numériques. Merci à Amal Aboudaya et Olivier Baverel pour les corrections et conseils techniques. Merci à Magali Paris ainsi que Céline Bonicco-Donato pour leur suivi de mémoire et les conseils avisés lors de la rédaction. Un grand merci à notre directeur d’étude Grégoire Chelkoff, chercheur au CRESSON, pour sa présence et son soutien, ses connaissances acoustiques et ses apports référentiels en ce qui concerne les ambiances sonores. Enfin merci à nos familles et proches pour le soutien qu’ils ont su nous apporter.


Sommaire Introduction

p. 6

Partie I_ le son comme matière à concevoir

p.8

I.1_les origines de cette prise de conscience au son I.2_l’immatérialité du territoire comme générateur de projet I.3_la cartophonie révélatrice du potentiel sonore

p.10 p.16 p.21

Partie II_ folding architecture

p.32 p.34 p.38 p.46

Partie III_ application au laboratoire sonore III.1_contextualisation III.2_représentations graphiques

p.52 p.54 p.56

Conclusion

p.67

bibliographie

p.69

II.1_le pli en architecture II.2_formalisation de l’expérience sonore II.3_matérialisation des artefacts à l’échelle du projet


introduction

Nous avons constaté qu’en architecture, la place du son est traitée majoritairement de façon quantitative. Cette approche normative tend à appréhender le son comme une nuisance à maîtriser, voire à faire disparaître. Chaque époque possède une identité sonore propre. Celle-ci traduit les états social, politique, économique durant lesquels elle existe. Nous vivons une époque de l’électronique, de la modernité et du confort. Ces facteurs font de la majorité des sociétés contemporaines des lieux où un brouhaha incessant bourdonne et appauvrit l’écoute. L’oreille s’est habituée, les phénomènes sonores se neutralisent entre eux pour ne plus ressembler qu’à un bruit de fond lointain, sans importance. Ce relâchement face à cette détresse sonore évoque notamment l’individualité qui règne aujourd’hui. Or, comme le souligne le compositeur français de musique contemporaine Nicolas Frize, « écouter, c’est exister à plusieurs et non plus chacun face à tous 6 les autres ».1 Le très complexe challenge qu’il est impératif de relever à présent est de composer la ville et sa carte sonore non plus en la rendant aussi muette et sourde que possible, mais bien en trouvant l’équilibre juste entre le calme et l’activité, entre les lieux dynamiques et ceux de pause. Et pour se faire, il est essentiel de voir, ou plutôt d’entendre, le son différemment. Nous décidons donc d’imaginer le contre-projet de cette finalité et d’utiliser le son non plus comme élément mesurable, mais perceptif qui devient créateur d’espaces. Le son devient sens omniprésent face à la vue, qui monopolise trop souvent les regards dans le domaine de l’architecture et du paysage urbain. Il découle de cette approche phénoménologique un principe formel majeur qui est la continuité ponctuée par des émergences. Le paysage sonore d’une ville est, selon nous, identifiable par les singularités qui la composent, comme le retentissement des cloches, l’écho de voix au cœur d’une place minérale... Ce sont ces moments très particuliers qui forgent le souvenir d’un lieu, et son attachement à ce dernier. Or le son, difficilement contrôlable, doit être perçu à travers le prisme phénoménologique afin d’être le plus justement mis en valeur, et de répondre au problème d’anonymat sonore qui règne en parfaite cacophonie au sein des villes d’aujourd’hui. Frize, Nicolas. Il faudrait s’entendre, le manifeste des Musiques de la Boulangère. Echo Bruit n° 57 janvier 1993[en ligne]. 1


La question que nous soulevons pour ce projet de centre culturel est comment concevoir l’espace à partir de l’immatérialité du territoire, à savoir son identité sonore. A la manière de Philippe Rahm qui s’est emparé de la poussée d’Archimède afin de concevoir l’espace à partir d’une gestion thermique ingénieuse,nous faisons le choix d’utiliser les ondes sonores qui émergent d’un territoire afin de créer des espaces. Prenant alors le contre-pied de la morphologie courbe dans la gestion du son, nous décidons de mener nos recherches autour de l’angle et utilisons le pli et la morphologie plissée comme outil de conception, mais aussi comme la matérialisation de l’émergence sonore. A la manière de l’identité sonore de la ville, le projet sort de terre telle une onde et se déploie sur le site selon les singularités créées (un accès, une promenade qui se dilate, etc...). Le pli représente dans ce projet le principe de continuité séquencée par des moments particuliers. Les sources sonores seront gérées non plus par des coupoles ou des conques classiques mais par un pliage complexe des surfaces qui permettront aux ondes de rebondir et de renvoyer les effets sonores escomptés. Il sera alors donné à expérimenter une agrégation d’effets tout au long d’un continuum culturel, matérialisé au sein d’une architecture du plissé. A travers un panel de tests sonores et de recherches au sujet de l’expérience du pli, du repli, du sur-pli, comment interroger l’usager sur la véritable nature du son, et à plus grande échelle, sur l’environnement sonore dans lequel il évolue. Est-il possible de mettre le principe de la continuité plissé au ser- 7 vice du son, afin de créer des espaces à expériences, autant physiques que sensibles? L’hypothèse que nous avançons est que le pli devient non seulement source d’espaces, mais également créateur de sensations, d’ambiances à vivre, à travers la multiplicité de possibilités qu’il offre. Afin de concrétiser notre positionnement, nous proposons de concevoir un centre culturel dédié au son et particulièrement aux effets sonores formellement gérés. Cet édifice aura pour vocation de rassembler les trois domaines gravitant autour de la question du son: la recherche, l’art et l’éducation. Copenhague étant le centre névralgique d’événements sonores très divers, nous implanterons ce travail dans le quartier historique de la capitale danoise, et userons de l’identité sonore de cette région du Danemark, ainsi que de l’analyse des flux piétons afin de préciser les dynamiques du projet. La liaison faite entre les trois domaines sonores va permettre une hybridation du programme, incluant le continuum spatial et sensible de l’espace public et de l’exposition, mais aussi des espaces de recherches (studios, bureaux, salle acoustique variable etc...), et enfin des espaces de workshop et de rencontre au sein desquels les différents regards au sujet du son se croisent. Le projet serait alors le prolongement de la ville, un morceau d’expérience jaillissant d’elle pour révéler les singularités sonores qui la définissent tout au long du pli, générateur du principe de continuité sonore, spatiale et sensible.


Pour se défendre contre le bruit, il ne faut pas se boucher les oreilles, se plaindre, ou fuir, mais commencer d’écouter. Se battre contre les bruits c’est se battre contre les autres et c’est une bien piètre façon d’améliorer la cité, la sociabilité et la citoyenneté ; en revanche, écouter c’est se for8 mer, c’est s’instruire, c’est affiner ses désirs, c’est écouter ceux des autres, c’est commencer de tisser du lien et d’exiger à plusieurs des valeurs, des envies, une culture du sonore, des améliorations acoustiques, c’est exister à plusieurs et non plus chacun face à tous les autres. Nicolas Frize

Partie i

le son comme matière à concevoir


Le son est un facteur omniprésent dans notre quotidien. Il est utilisé comme repère, temporel ou spatial, et demeure fondamental dans notre perception du monde, des usages et des représentations que l’on se fait de ce dernier. Les phénomènes sonores sont une matière essentielle qui nous permettent de rendre compte de l’acoustique des espaces bâtis (nous pouvons deviner vers quel type de morphologie urbaine nous nous dirigeons simplement avec son émission sonore), mais également ce qui s’y passe (écho de voix, clapotis d’une fontaine etc...). Ces perceptions créent inconsciemment une 9 image sonore d’un lieu, que nous appellerons identité sonore. L’identité sonore est définie à l’origine comme une mélodie ou ambiance sonore courte, utilisée pour permettre de reconnaitre instantanément une marque ou une organisation. A l’échelle d’un quartier, voire d’une ville, il s’agit des sources sonores les plus remarquables d’un lieu, qui permettraient de restituer facilement l’expérience vécue dans ce lieu-dit. L’étude de ces phénomènes débute sous la direction de Raymond Murray Schafer en 1970. Publié en 1977, The tuning of the world, traduit deux ans plus tard en français comme Le paysage sonore, devient l’œuvre pionnière en matière de son. Schafer introduit ainsi les termes fondateurs de la recherche sonore, comme “écologie sonore”, ou encore “design sonore”. Bien avant cela, un mouvement artistique s’attela à la difficile tâche de mettre en lumière l’objet mal connu qu’est le son. L’art des bruits, précurseur du sound art actuel, fait un premier pas vers les phénomènes sonores autre que la musique sérielle et dévoile au monde un tout nouveau mode d’écoute. A partir de ces recherches ayant permis d’introduire le son dans le travail de conception, que ce soit à l’échelle du territoire à celle de l’édifice, il sera primordial de diriger nos travaux vers un regard plus contemporain du phénomène sonore. Qu’en est-il aujourd’hui? Comment lier la recherche purement scientifique, mesurable, à une analyse plus sensible, phénoménologique du son et notamment de l’identité sonore d’un territoire?


I.1_Les origines de cette prise de conscience au son Le sound art, ou l’art des bruits, apparait en 1913 avec “les joueurs de bruits” de Russolo (intonarumori), des générateurs de sons qui jouent 10 à la fois sur le volume, mais aussi les fréquences ainsi que les ondes sonores. Ce peintre et compositeur italien écrivit un manifeste futuriste qui tendait à sublimer les bruits délaissés, mal aimés, comme les sons industriels, mécaniques qui grandissaient à la suite de la seconde révolution industrielle en Europe. La société évoluant, l’oreille s’est familiarisée avec la vitesse, les sons urbains. Il est alors nécessaire de renouveler notre approche de la musique et de ses sons. Ce mouvement artistique, très proche de l’art contemporain, est novateur par la pluridisciplinarité de ses champs: danse, théâtre, installation, performance, électronique, audio, vidéo. Tous les outils issus des nouvelles technologies nourrissent cet art neuf et proposent une vision très différente du travail sonore. Ces techniques doivent permettre aux compositeurs de substituer le nombre limite des sons de l’orchestre d’aujourd’hui par l’infini variété de sons contenues dans les bruits, reproduits à l’aide de mécanismes appropriés. Les différents acteurs de ce mouvement interrogent l’audience quand à la place du son dans le monde. Comment prendre conscience de cette matière riche? Comment apprendre à l’apprécier, à la vivre autrement sans voir en elle seulement une nuisance? De l’analyse du sound art nous tirons trois figures emblématiques, qui deviendront la base solide de nos travaux sonores, architecturaux et d’ambiances.


Musicien, écrivain, peintre et penseur américain, John Cage est l’un des cofondateur du Fluxus, mouvement artistique reliant tous les acteurs qui fondent aujourd’hui le sound art: écrivains, artistes, scientifiques etc... Le Fluxus prône l’indéterminisme de créer. Ses disciples veulent faire tomber la hiérarchie artistique et ne plus suivre les règles académiques de l’art. Selon eux, la création n’a ni limite ni prix, ni réglementations. Cage sera le premier concepteur de l’œuvre électronique, et va à l’opposé de la musique sérielle, qu’il a longtemps étudié avant d’écarter de ses travaux. De là, il fait l’apologie du silence, l’élevant au rang d’une note à part entière. John Cage est porté par l’indéterminisme, c’est-à-dire la chute des barrières entre tous les arts, et entre l’artiste et l’audience.

John Cage, indétermination et silence

1912-1992

«J’aime tous les sons, le seul problème avec les sons, c’est la musique»

écrivains

artistes

laboratoire

musiciens

installations multimédias 1964

1958

1952

CHARLOTTE MOORMAN

happening

bannir les frontières artistiques

le public devient acteur performances

indeterminer l’action de créer

LE MOUVEMENT FLUXUS

rejet systématique des institutions

le silence devient note

bruit public

aléatoire

activité sans fin

expérimentation

APOLOGIE DU SILENCE

Imaginery Landscape N°1 (1939) une des premières oeuvres électroniques

REJET DE L’HARMONIE

4’33( 1952)

1936

l’analyse, la composition, le contrepoint

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Né en Roumanie et naturalisé français, cet architecte, ingénieur et compositeur d’origine grecque mêle l’intégralité des connaissances acquises durant ses formations au service d’un nouveau moyen d’écrire la musique. Il est le premier européen à utiliser un ordinateur pour composer la musique stochastique: processus qui relève du calcul de probabilités, inventé par Claude Shannon et Warren Weaver, fondateurs de la théorie statistique des communications. Partant de la musique sérielle et de l’analyse en séquences de cette dernière, Xénakis crée une nouvelle forme de composition: le glissandi. Mêlant mathématiques et statistiques, il découvre un champ de possibilités presque illimités et met ses recherches au service de la conception spatiale. Ainsi, avec l’aide de Le Corbusier, il conçoit le pavillon Philips pour l’exposition universelle de 1958 à partir des ondes sonores. Il associe ainsi le travail numérique et le son avec l’architecture.

Iannis Xenakis, l’architecture sonore

1922-2001

1959

1955

1975

ondes sonores

création du CEMAMu

ARCHITECTURE PARAMÉTRIQUE

structure architecturale

compositions musicales

automatisation lumineuse

conception d’espaces

crise de la musique sérielle

NUMÉRIQUE

calcul de probabilités

glissandi

arborescences

METASTASEIS (1955-1956)

PAVILLON PHILIPS (1958)

mouvement moléculaire

nouvelle forme d’écriture sonore

MATHÉMATIQUES

nuage sonore

instrument classique

CONCEPTION DU PAVILLON

1953

musique sérielle

PITHOPRAKTA(1953-1954)

synthétiseur à commande graphique

paradoxalement massive

trop limité

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« Le principal obstacle qu’un musicien rencontre réside dans la difficulté où il se trouve de contrôler et de juger ses propres inventions. [...] C’est la raison pour laquelle les musiciens ont toujours besoin de recourir à un instrument comme à un guide»


Bernhard Leitner est un architecte-urbaniste et plasticien autrichien qui porte son attention au corps humain et particulièrement aux installations adaptées à l’échelle du corps. Leitner, à travers une série très diverse de travaux, met en rapport le corps, le son et l’espace en permanence. Ses recherches ont débuté sur des modules fixes dans lesquels le spectateur devait se placer et entendre. Une prise de conscience du corps en mouvement et de ses capacités l’ont dirigé vers des installations plus proches de l’espace et de l’architecture, avec notamment des lieux à traverser, à réellement expérimenter physiquement et sensiblement. Le corps en se mouvant dans l’espace crée sa propre œuvre sonore. Le public devient expérience, art. L’une de ses créations majeures est le cylindre sonore, qui se trouve dans le parc de la Villette à Paris. C’est un espace dans lequel le son se réfléchit et joue le rôle d’attracteur. Le spectateur est alors attiré par cette source sonore et est littéralement mené par le son.

Bernhard Leitner, entre corps et mouvement

1938-...

1970

SÉQUENCES DE SENSATIONS SPATIALES

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parcours

audio-physique

flux spaciaux temporalité

BODY ENVELOP( 1999)

1980

sculpture experimentable

son attractif

perceptions et mouvements interpretations des signaux

continuum espace/son

frontières flexibles

espaces changeants

CYLINDRE SONORE( 1987)

territoires invisibles

ÉCOUTE CORPORELLE

enveloppes immaterielles

enregistrements sonores

impact sur le corps

corps au centre du projet

fréquence

RAPPORT CORPS, ESPACE ET SON

BODY ENVELOP( 1970)

1960

courbe angulaire

chambres

mouvement sonore

dynamiques

NETWORK OF SOUND ( 1960)

experimentations factices volume

«The observer, when he seems to himself to be observing a stone, is really, if physics is to be believed, observing the effects of the stone upon himself»


Des travaux de ces trois acteurs découlent les grandes thématiques qui régissent nos objectifs. Premièrement, il est question de faire tomber les barrière entre les chercheurs, les artistes et l’audience. Le phénomène sonore, et la culture de manière générale, se doit d’être révélée et comprise de tous afin de pouvoir non plus affirmer et imposer des réglementations et des enjeux économiques, sociaux et politiques, mais informer et donner à tous les clés pour comprendre et mieux approcher le monde qui nous entoure. Ensuite, les problématiques que nous soulevons en rapport au son peuvent à présent toucher du doigt le domaine formel, architectural du projet. En résulte les potentiels possibilités d’une architecture générée par le son, grâce à notamment une approche numérique, scientifique qui permettrait la conception des espaces et leurs caractéristiques acoustiques propres. Enfin, le rapport entre le corps et le mouvement est primordial: l’édifice doit être pensé à l’échelle du corps, comme un continuum spatial au cours duquel se déploient les ambiances plurisensorielles (ouïe, vue, toucher). La notion d’échelle devient capitale et sera développer non seulement pour le panel d’ambiances mais également pour les choix formels qui vont être fait pour ce projet sonore. 14 Ce bilan nous inspire un programme réunissant les trois domaines qui

gravitent autour du son: la science, l’art et l’audience. Le projet serait une unité au sein de laquelle viennent se mêler ces trois acteurs. L’objectif est de concevoir un espace révélateur du paysage sonore du territoire qui l’accueille, et qui permettrait de se faire rencontrer l’information, l’art et l’expérience sonore. Nous constatons dans un premier temps une concentration des évènements et moyens déployés pour les phénomènes sonores au nord de l’Europe, et spécifiquement au cœur de la capitale du Danemark. Cela comprend des universités proposant des formations liées au monde sonore, des laboratoires spécialisés, ainsi que de nombreux évènements festifs tout au long de l’année. Il manque cependant à ce panel presque complet un lieu où ces trois familles convergent, un espace accueillant autant le chercheur que le spectateur, autant l’artiste festivalier que l’étudiant. Les expositions et évènements sonores nécessitent plus de technicité que pourraient l’exiger les expositions de photos ou d’objets. Or il n’existe pas encore de lieux pourvus de qualités acoustiques autre que l’absorption classique, qui vise à réduire au maximum les effets de réflexion qui s’avèrent gênants et difficilement exploitables.


Répartition mondiale des évènements sonores

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Comment alors requalifier les phénomènes sonores afin de non plus tenter de les éradiquer mais enfin de les écouter ? Comme nous le disions plus haut, l’essence même de ce projet va être de sensibiliser l’audience/l’oreille à l’identité sonore urbaine d’un lieu, et ainsi prendre conscience des expériences sensibles et spatiales que cela engendre.

I.2_revalorisation de l’empreinte sonore urbaine Son/n.m.-ancien français suen, du latin sonus - sensation auditive causée par les perturbations d’un milieu physique matériel élastique (air, eau...), et engendrée par la stimulation des éléments sensoriels de l’oreille interne (cellules ciliées), le plus souvent par les ondes acoustiques. -Le son est associé au mouvement oscillatoire d’un système vibrant (source sonore). Ce phénomène créer une onde acoustique . -Elle se propage dans toutes les « directions » (directivité) à une vitesse 16 de 340m/s (célérité du son dans l’air). -La transmission solidienne traduit la propagation d’une partie des vibrations dans la structure d’une construction. Cellules ciliées


On distingue plusieurs caractères du son : -la direction d’origine, -l’intensité, dite aussi volume sonore ou sonie, -la hauteur, qui se décompose en hauteur tonale et hauteur spectrale, -le rythme, -le timbre. On appelle source sonore un objet vibrant, comme un instrument de musique ou un haut-parleur, à l’origine d’une vibration de l’air. Les physiologistes s’accordent à dire que l’oreille humaine moyenne ne perçoit les sons que dans une plage de fréquences allant d’environ 16 Hz pour les basses ou graves profondes à 15 à 18 kHz pour les aiguës les plus fines et élevées. Le spectre sonore est directement lié à la sensation d’acuité d’un son, qui s’exprime en disant que le son est plus « aigu », quand le spectre est centré sur les hautes fréquences, ou plus « grave » ou « sourd » dans le cas contraire. Cette sensation relativement imprécise s’étend des sons les plus graves, vers 16 Hz, aux plus aigus, vers 15 000 Hz. Plus que dans tous phénomènes perçus, le temps joue un rôle fondamen- 17 tal dans l’appréciation du son. Étant une variation de la pression, l’impression sonore dépend à plusieurs égards du temps. Le son étant aussi une onde qui se propage dans l’espace au cours du temps, il existe des relations étroites entre l’espace et le temps, tant dans l’étude du son que dans sa perception. Nous reviendrons sur ce point fondamental lorsqu’il s’agira d’espace, et notamment de la conception intérieure du centre culturel. Le milieu scientifique sonore étudie le son soit comme support d’une transmission d’information comme la parole ou la musique, soit comme nuisance (bruit). Pour ce faire, les chercheurs génèrent des signaux acoustiques, dont ils maîtrisent les caractéristiques à l’émission, pour examiner ce qu’ils deviennent en passant par le système étudié, par exemple un mur antibruit, ou un hall où des messages doivent être diffusés, une salle de concert, un studio d’enregistrement. A partir de l’étude purement scientifique, quantitative du son, d’autres spécialistes, acousticiens, compositeurs, architectes, urbanistes, se sont attelés à rendre au son sa juste place en milieu urbain.


IL paraît donc évident d’entamer cette partie dédiée à l’analyse qualitative de la dimension sonore par les travaux de Raymond Murray Schafer, figure emblématique de la revalorisation du son dans nos sociétés actuelles. Connu et reconnu comme l’une des œuvres majeures de l’étude sonore sensible, « the tuning of world » avance un réel désir de la part du compositeur de développer la culture de l’écoute. Christian Hugonnet, rédacteur d’un des postfaces de l’ouvrage définit Murray Schafer comme « un grand penseur humaniste qui, par le sonore, touche au plus profond de l’être, au plus proche aussi du bien-être et de l’épanouissement de chacun. »2 Murray Schafer a forgé la notion de paysage sonore pour désigner notre environnement acoustique. Selon lui, l’empreinte sonore d’un site, comme la musique, reflète la situation politique, économique et sociale de ce dernier. Ainsi, lorsque Mozart compose ses œuvres majeures, non dénuées d’équilibre et de grâce, règne Marie-Thérèse la Grande ( 1717-1780), reine d’Autriche aimée et respectée de son peuple de par ses actions juridiques jugées novatrices. Depuis l’apparition du tout premier son-celui de la mer, le paysage sonore n’a cessé de s’enrichir des sons du monde vivant : oiseaux, insectes, langage, musique etc... Jusqu’à la révolution industrielle et électronique. Cette rupture change radicalement notre rapport au son, 18 à la musique et, évidemment, au silence. Ce tournant met cependant entre nos mains les capacités à mettre en œuvre un authentique design sonore, maîtrisé et conscient, basé sur les principes de l’écologie sonore. HUGONNET, Christian, directeur de la semaine du Son, dans Le paysage sonore de SCHAFER, R.M. 1977. p.403-404. 2

La notion de "paysage sonore" est apparue en 1973 à l'université Fraser au Canada.


Si l’écologie est l’étude des humains dans leur environnement, l’écologie sonore est l’étude des sons dans leurs rapports avec la vie et la société. Et pour ce faire, le théoricien défend un module du design sonore : l’oreille et la voix humaine. Tel le Corbusier et son Modulor, les « designer sonore » utilisent l’échelle de l’homme car « la compréhension des sons autre qu’humains ne peut passer que par notre perception et notre propre émission de sons. Connaître le monde au travers de l’expérience est la première chose »3. La première tâche du designer sonore est d’apprendre à écouter. De nombreux exercices le permettent, comme l’enseignement du respect du silence, qui consiste par exemple à s’interdire de prendre la parole toute une journée et seulement écouter. Ces travaux et expériences élèvent cette discipline au niveau du domaine social, et consiste ainsi à enseigner une forme de respect sonore utilisable par tous. Moments d’écoutes et enregistrements divers permettent d’explorer plus précisément les formes sonores de l’urbanisation (dimension du bâti, hauteurs, ensembles etc...), mais également d’échanger avec les non-initiés et leur donner les clés pour découvrir et redécouvrir l’identité sonore de leur quartier par exemple. Pour notre part, il est question de créer un lieu qui capte et amplifie les sons majeurs du quartier dans lequel le projet s’implante afin de faire découvrir aux spectateurs ces sons familiers qui forgent, en complément de la vue, l’image sonore d’un lieu. Le rôle premier 19 d’une tel édifice serait de donner à entendre l’identité sonore du quartier du projet, non plus comme fond sonore neutre, mais comme une richesse parlant du territoire que l’on expérimente, et qui nous mènerait à travers lui. SCHAFER, Raymond M. Le paysage sonore. 1977. p.295.

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Identité sonore de la place Kierkegaard, quartier historique de Copenhague, Danemark (site d’implantation)


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I.3_la cartophonie comme révélateur de potentiels sonores

La cartophonie s’est avéré très vite être notre outil de prédilection en matière de repérage des phénomène sonores urbains et notamment des émergences qui font l’essence de ce projet de recherche. Comme a pu le dire Philippe Gervais-Lambony : « l’identité est une géographie : une explication de l’organisation de l’espace ». S’il parlait bien entendu de géographie, ses termes s’appliquent parfaitement au sens que l’on veut donner aux cartographies réalisées tout au long de l’année. Ces cartophonies permettent de définir les sources sonores les plus significatives du quartier historique sur lequel nous agissons. Le principe est de trouver, à différentes échelles, ce qui fait l’identité sonore de cette portion de territoire, et de Copenhague de manière générale. Car, contrairement à la vue, l’ouïe est un sens qui permet de « voir » plus loin la ville. La cartophonie est le recueil des différentes prises de sons effectuées sur un lieu. Ces prises sont autant professionnelles qu’amateurs. Nous avons 21 ainsi accès à des enregistrements très variés, selon le matériel utilisé ou la durée de la prise. Aujourd’hui très développée et accessibles à tous grâce aux nombreux enregistrements et entretiens audio disponibles sur le web, ces cartes sonores nos ont permis d’étudier en profondeur l’empreinte sonore du site choisi. Les sources que nous avons donc jugées essentielles à la compréhension sonore du quartier sont des éléments simples à reconnaître, comme le clocher d’une église, le grondement d’une gare ferroviaire, ou encore le chant des mouettes.

liste de quelques sources sonores et leur intensités Gare centrale de Copenhague Route sur site Clocher du Christianborg palace Bateaux Cour intérieure ouverte Soren Kierkegaard Fontaine du jardin de la Royal Library Clocher du Cristian’ chruch


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L’œuvre de Deleuze qui a exercé la plus grande influence sur l’architecture contemporaine est sans soute Le Pli, même si à première vue il ne s’agit pas d’un ouvrage consacré à l’espace, mais à la philosophie de Leibniz et à ses liens avec toutes les manifestations du Baroque. Le concept de pli, élaboré par Deleuze à partir de la philosophie de Leibniz, fonde l’unité des manifestations artistiques du Baroque, comme «l’âge du pli qui va à l’infini»8, mais permet aussi et surtout à Deleuze de redéfinir la nature du sujet, du concept, de l’objet et de leur relations réciproques. Il s’agit donc d’une énième variante d’une pensée du multiple, où la multiplicité n’est pas ce qui a beaucoup de parties, mais «ce qui est plié de beaucoup de façons»9. Selon Liebniz, le pli à l’infini se déploie en deux branches : l’étage du haut et l’étage du bas. L’étage du haut représente le pli dans l’infini qui se replie : le corps élastique, et le corps organique qui possède la propriété de plier ses propres parties et de déplier ses propres parties. L’étage bas représente les plis dans l’âme : la forme de l’infini, l’élément génétique idéal. « A partir de là nous tombons sur des couples de notions: intérieur, extérieur ; involuer, évoluer ; impliquer, expliquer ; envelopper, développer. Tout couple de notion qui impliquait le pli »10. 36 A partir de ce bref résumé de ce que Deleuze tire de l’enseignement de Leibniz, nous pouvons définir un principe d’utilisation du pli comme générateur d’espace et d’enveloppe. En effet, la notion de continuité, d’homogénéité est comprise comme élément unique. C’est ce qui fait en partie la complexité du travail de Deleuze. Il parle effectivement d’un élément infini qui se plie et se replie pour créer ses propres singularités appelées monades. Or il parle également de développement et d’enveloppement. C’est sur ce couple de notion que nous baserons le projet de centre culturel. Et pour l’exprimer brièvement, nous parlerons de deux entités composant le projet : la continuité et l’enveloppe. La première entité est définie par le parcours qui se développe à partir de l’espace public extérieur et qui se plie et se replie à l’intérieur de l‘édifice pour créer les espaces d’expositions et d’expériences sonores. La seconde entité est l’enveloppe dans laquelle se développe la première entité.


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Les deux éléments se rejoignent pour ne faire plus qu‘un et se développer l’un par rapport à l’autre. L’enveloppe détermine l’intérieur et l’extérieur, sans pour autant créer une cassure dans ce continuum spatial et sensible. L’élément de l’enveloppe se courbe afin de venir enlacer la continuité et la soutenir dans son ascension. Cette continuité vient se replier sur ellemême et former les espaces que nous pouvons alors considérer comme une autre échelle du pli. Ainsi, le pli mis en abyme crée non seulement les effets sonores que nous souhaitons faire expérimenter à l’audience tout au long du parcours et définissent également les espaces particuliers à vivre, comme une alcôve, un passage etc...

«C'est comme si le fond de chaque monade était constitué d'une infinité de petits plis (inflexions) qui ne cessent de se faire et de se défaire en toutes directions, si bien que la spontanéité de la monade est comme celle d'un dormeur qui se tourne et se retourne sur sa couche.»11

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De là nous pouvons donc définir trois natures du pli : • Les voiles de l’écrin qui se facettent, • Le parcours qui se déploie et se retourne • Les niches sonores qui se replient sur elles-même Cette hiérarchisation de l’outil nous permet alors de penser le projet à toutes les échelles: l’écrin se rattache à l’échelle de l’édifice bien entendu, mais également à celle du quartier et du territoire en devenant signal dans la ville et capteur du paysage sonore. Ensuite, le parcours se déployant d’abord sur l’espace public crée des moments singuliers à l’échelle urbaine avant de pénétrer dans l’édifice et de se dilater pour créer les différents niveaux du cheminement. Enfin, les espaces singuliers du projet, les moments sonores, s’attachent quand à eux à l’échelle du corps, de l’individu qui va vivre ces expériences à travers son propre corps (ses mouvements, le bruit de ses pas, de sa voix). 11

DELEUZE, Gilles. Ibid


39

la facette

le ruban

le repli


II.1_formalisation de l’expérience sonore Les trois échelles du projet se distinguent de par le dimensionnement et la nature du pli. Il a donc été essentiel pour nous de travailler tout d’abord la morphogenèse du centre culturel à travers une série de maquette papier. Hormis la manipulation spatiale, l’enjeu a été d’expérimenter non seulement une esthétique formelle d’ensemble dynamique, mais aussi d’accorder ces morphologies les unes aux autres. Le pli est une matière infinie, sans cesse repliable sur elle-même. La difficulté première d’un tel projet est de trouver le juste équilibre entre la spatialité et les ambiances. A partir de là, et de l’étude de la maison baroque deleuzienne, la morphogenèse ne devait non plus être pensée en espaces divisés, accolés les uns aux autres, mais en moments. Selon Deleuze, l’une des réflexions possibles au sujet des architectures du pli serait de transformer le monde en évènement, ce qui prendrait la place de la dimension de permanence, d’objet figé, occupé par le monument. L’édifice, et le projet dans sa globalité, n’est plus pensé en des termes quantitatifs (m², aires, angles) mais qualitatifs. Chaque singularité conçut émane d’une réflexion propre à sa fonction sensible: «Quand j’arrive dans cet espace, la lumière m’éblouit, je suis projeté dans le 40 lointain de la ville.» «Après cet escalier, je pénètre dans une niche sombre, dans laquelle résonne un écho qui semble venir de la place juste en dessous.» «Juste après cette chicane, le son s’atténue brusquement, je me retrouve seul avec le claquement de mes talons sur le sol, l’endroit est étroit, intime.»


Concrétiser la pensée_l’objet radical

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L’écrin _ la facette • L’entité de l’édifice a été longuement testée et modifiée par un souci réel d’une ascension en légèreté tout en assumant une verticalité forte et des hauteurs pouvant atteindre 50m de haut pour certains voiles. Le mouvement émerge du sol, s’élance, s’étire à la manière d’un son émergeant du paysage urbain. Il était question également de retrouver la finesse et l’élégance des signaux existants dans le territoire: les flèches des clochers. Les églises sont positionnées à des zones précises et à égale distance les unes des autres afin de découper les régions d’une ville par exemple. L’inspiration de l’église sera le fil conducteur de la morphogenèse de ces voiles, que ce soit pour la verticalité, le principe de signal et d’attractivité dans la ville, ou encore la réinterprétation de la nef réverbérante centrale. La notion de son est très intéressante dans le travail des lieux de culte, ce qui relie indubitablement notre travail à ces espaces particuliers. Ces quatre voiles contiennent non seulement un premier vide qui est la nef, mais également la salle acoustique variable (espace de tests pour les chercheurs) qui se trouve en suspension entre les deux voiles centraux. Sous forme d’un cube, la salle acoustique variable devient la géométrie régulière 42 au sein de cette architecture du pli. Acoustiquement adaptable, cet espace représente la neutralité face à la complexité du pli. Le dernier vide se trouve au sommet de l’édifice, sous forme d’un miroir sonore. C’est dans celui-ci que les diverses sources sonores de Copenhague viennent s’amplifier et rebondir jusqu’à l’oreille de l’audience. Les voiles de l’édifice forment autour du continuum un régulateur et maintiennent les moments singuliers que peuvent offrir le parcours. Ces quatre voiles divisent l’édifice en trois parties: deux parties latérales qui accueillent les expositions, les laboratoires ainsi que les niches sonores, et une partie centrale qui accueille la circulation et la salle acoustique variable. C’est cette dernière partie qui fait écho à l’église, notamment à la nef et ses caractéristiques acoustiques. L’audience passe à travers ce cœur durant tout le parcours pour changer d’espaces et peut appréhender ce qui se passe sous et au-dessus de lui. L’agrégation de directions et de niveaux éveille une certaine curiosité et incite l’audience à en voir et à en entende davantage. De plus, il est aussi question de ressentir le jeu des hauteurs du point de vue sonore et d’expérimenter ses effets. Ainsi, il sera possible d’entendre des personnes 20m au dessus de soi sans forcement les distinguer précisément.


43

miroir sonore

salle acoustique

nef réverbérante

Réinterprétation de la nef danoise


Le continuum _ le ruban • La continuité est matérialisée par le ruban qui court, se déploie et se retourne pour créer des singularités dans la promenade: le point d’origine de son émergence; l’enserrement qui crée un dedans; l’embarcadère à bateaux qui termine la promenade le long du quai et se retourne pour filer en direction de l’accès au parvis lui-même signal fort; la flèche de projection dans le lointain qui se replie et plonge vers l’entrée de l’édifice. Ce ruban se rétrécit et se dilate le temps d’accueillir un moment particulier. De plus, chaque mouvement du continuum traduit une fonction particulière, et ce avant même d’avoir pénétré le bâtiment. Les dilatations et les replis annoncent les changements de direction, de hauteur, de fonctions. Ainsi, le continuum se replie brusquement et accueille l’escalier et l’ascenseur menant au niveau de l’entrée principale de l’édifice par exemple.

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Commence alors le parcours intérieur: la continuité s’approche des voiles, s’adosse à eux pour créer les différents paliers du cheminement de l’exposition. Elle se rétrécit et se tord pour créer la rampe d’escalier et changer de lieu et d’ambiance. L’échelle de ce ruban ira jusqu’à la cloison séparatrice et au garde-corps, de la même manière que pour le parvis, par un pli de la surface très simplement. Ce déploiement continue observe la même matérialité béton afin de se distinguer de l’écrin et ainsi créer une différenciation des deux entités dans un premier temps. Dans un second, cette homogénéité du matériau accentue l’effet de continuum et permet une lecture simple de la composition du projet.

Le moment de l’enserrement marque l’horizontalité de cette entité. La promenade se soulève et glisse sous elle-même afin de créer les espaces workshop, l‘espace cafétéria ainsi que la salle de conférence. La dynamique plane offre à la verticalité très forte de l’écrin un équilibre et un point d’appui solide. Les deux entités se répondent ainsi et composent de façon complémentaire le projet. L’espace intérieur crée ne vient néanmoins pas en contradiction avec les mouvements du continuum: le verre des parois se plaçant en retrait, les horizontales conservent leur force.


Optimiser la complexité

Horizontalité face aux voiles émergents

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Les niches sonores _ le repli • Le pli est un outil déjà utilisé dans le milieu acoustique. Si nous regardons un matériau absorbant de plus près, nous constatons que sa surface est composée d’une multitude de facettes servant à faire rebondir les ondes sonores entre elles et à les atténuer. L’onde s’enfonce entre les formes pyramidales du matériau et s’estompent en se réfléchissant. Ce sera la base de notre réflexion sur les niches sonores: les ondes sonores pénètrent dans l’espace et sont redirigées à l’aide du pli afin de créer chaque effet sonore prévu pour chaque niche. Cette expérimentation papier a également permis une manipulation de la lumière et de sa qualité selon les espaces et la volumétrie mise en place. Le son et la lumière restent en effet indissociables au bon traitement des ambiances tout au long de ce parcours. C’est une agrégation de moments cousus entre eux subtilement pour éviter à tout instant la cassure brutale de la continuité spatiale et sensible. La partition des niches sonores se déploie à partir des effets sonores les plus accentués aux effets les plus subtils: 46

-La nef réverbérante -Le bruit -Le crescendo -Le decrescendo -Le silence -Les filtres -Le belsonère La nef centrale sera expérimentée tout au long de la visite. Des effets de coupures régissent les entrées et sorties des différents niveaux afin de contenir les sons et de ne pas les transformer en bourdonnements incessants. Le belsonère quant à lui sera le point final du parcours et donnera à entendre l’identité sonore de Copenhague dans son intégralité.


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II.3_matérialisation des artefacts à l’ échelle du projet A partir des maquettes réalisées, et à l’épuration maximum de ces dernière, il a fallu réaliser une série de tests afin d’optimiser les espaces acoustiquement intéressants et les rendre habitables. Et notamment éviter la propagation de tous les effets en un brouhaha général. Notre outil majeur est le logiciel de simulation Ecotec. Il suffit de modéliser la niche sonore et d’entrer tout un panel d’informations: source sonore et son intensité, réverbération des matériaux, fréquence etc... Le logiciel crée une simulation permettant de visualiser la diffusion des ondes sonores. De là, nous pouvions modifier ad infinitum les morphologies afin de régler au mieux nos espaces sonores. Les tests ont été réalisés à partir de géométries simples pour commencer, puis nous avons adapté les morphologies selon les espaces conçus dans l’édifice. Les planchers «vides» possédant des qualités acoustiques originelles sont alors couplés à des cloisons permettant non seulement de créer l’effet sonore voulu, mais aussi de contenir cet effet au cœur du niveau à l’aide de système de coude et de chicane. 48


Espace simple le son est renvoyé dans toutes les directions.

Espace déconstruit les micro-espaces captent les ondes et les amplifient.

Coupure les ondes sont renvoyés dans tout l’espace 49 et sont arrêtées par coudes ou des chicanes qui permettent une coupure sonore à l’entrée et la sortie.

Alcove les ondes sont orientées entre deux parois pour concentrer et amplifier l’effet sonore.

Rétrécissement les ondes sont renvoyées sur les parois qui se resserrent, puis disparaissent au coude.


Les pavillons amplificateurs_une oreille vers le lointain L’édifice joue le rôle de capteur et attrape les sons afin de les diffuser dans les niches sonores et ainsi reconstituer l’expérience sonore escomptée. Nous nous sommes donc penchées sur les différents systèmes d’amplification acoustique et nous sommes remontées à la fin du 19e siècle, avant l’invention des radars, qui ne sont apparus que durant la deuxième guerre mondiale. Les bases de l’idée de la « localisation acoustique » remontent à la fin du 19e siècle, avant même l’invention de l’avion, dans les pages du Scientific American magazine de 1880. Le “Topophone du professeur Mayer », inventé et breveté par AM Mayer en 1879, était conçu pour aider à l’identification d’une source sonore… un sonotone avant l’heure. Ce sera ensuite le « cri-O-Phone », une version améliorée du prototype de Mayer qui amplifiait le son. Ses idées connurent un certains succès puisqu’en 1960 à l’exposition des inventeurs à Bruxelles, un français Jean Auscher présenta un dispositif développé à partir des idées de Mayer censé aider les plaisanciers à naviguer en cas de panne de radar. C’est pourtant dans le cadre des applications militaires que ce genre de matériel connaîtra son développement le plus poussé. Il était devenu fondamental de pouvoir détecter le plus tôt possible l’arrivée des avions et la meilleure solution alors était… 50 acoustique. Les nouvelles technologies ont permis aux armées de concevoir des amplificateurs plus efficaces avec peu de matière et un dimensionnement moindre. Pour simplifier le processus, les amplificateurs sonores sont des miroirs sonores, donc essentiellement une paroi capable de réfléchir un son. L’idée serait de pousser un peu plus loin le principe de miniaturisation du procédé en créant un amplificateur encastrable dans la façade au niveau des zones attractives (là où nous souhaitons attraper le son). Les ondes sonores seraient alors captées, puis amplifiées pour être renvoyées dans les espaces à expériences sonores. La question de dimensionnement de l’ouverture sur l’extérieur notamment a été primordiale. Nous sommes à Copenhague, la température moyenne annuelle est de 9°, pour 113 jours de précipitations. Afin donc d’amenuiser les ponts thermiques, nous choisissons de travailler sur un panel pré-fabriqué, dans lequel sont encastrés les pavillons amplificateurs, puisque nous jouons non pas sur une seule et béante ouverture, mais sur une multiplicité de percements. Le pavillon sonore a été imprimé puis coulé dans le béton afin de pouvoir tester ses capacités acoustiques et vérifier nos propos. Deux prototypes furent mis en œuvre afin de régler des détails techniques( compacité du béton, remplissage du moule, solidité du moule).


Sound MirrorsÂť, Dungeness, 2007

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RRH (ring-horn acoustic direction detector)

Grandes oreilles, 1943, Washington

Principe des pavillons


Test 1_moule fêlé

Tests morphologiques

trois morphologies testées

52 Impression 3D

Moules


• Grave

102 dB(A) 83 dB(A)

117dB(A) 99.9 dB(A)

105dB(A) 87 dB(A)

• Aigus

92 dB(A) 116 dB(A)

53

97dB(A) 122 dB(A)

105 dB(A) 124 dB(A)

Prises au sonomètre sur 3 zones du pavillon Les phases de décoffrage


« Créer des espaces sonores, s’est souligner une écriture, une volonté, mais c’est aussi ouvrir l’architecture car c’est la possibilité d’intégrer un lieu dans un lieu. Ne pas limiter un bâtiment à ses cloisonnements et à sa forme mais concevoir une scénographie acoustique où chacun de nos pas, de nos déplacements, s’intègre dans une écriture 54 sonore. L’enjeu sonore est de retravailler la réalité ambiante pour concentrer l’attention vers d’autre source de suggestions, d’autres réalités et de réactiver les limites du percevoir sensible. Concevoir une écriture spatiale qui amène des rythmes, de la souplesse, qui donne aux parcours une dimension ludique et permette aux sons d’apporter l’oxygène nécessaire à nos habitudes de déplacement. » Didier Blanchard

Partie iii

application au laboratoire sonore de copenhague


55


III.1_contextualisation

Copenhague, en danois København, est la capitale et la plus grande ville du Danemark. La commune de Copenhague compte 569 557 habitants en 2014, et son agglomération, le Grand Copenhague, en compte environ 1,2 million. Indre By, littéralement ville intérieure, désigne le centre-ville historique de Copenhague. C’est l’une des 15 subdivisions statistiques de la ville de Copenhague. Elle couvre 4,65 km² avec une population de 26 233 habitants. Indre By est entièrement situé à l’intérieur des anciens remparts de Copenhague. Comme nous l’avons souligné un peu plus tôt, le projet s’implante au croisement des trois acteurs du son (science, art, éducation) disséminés dans le quartier historique. En bord de quai, la place Kierkegaard est aujourd’hui traversée par deux voies automobiles et deux pistes cyclables, possède un embarcadère à bateaux et un arrêt de bus. Sa seule véritable fonction est la circulation, ce qui nous offre un fort potentiel d’exploitation. La voirie divise l’espace en deux, nous choisissons de nous implanter sur le coté quai. Suite à l’analyse des flux piéton autour et sur le site d’implantation. Nous avons choisi de renforcer les axes majeurs de promenade, à savoir le long du quai, qui est aujourd’hui très peu travaillé, ainsi que l’axe perpendi56 culaire au canal qui arrive de la rue Frederiksholms (accueil actuelle du festival sonore annuel). L’espace public sera donc enserré par le ruban du continuum spatial, qui émergera du sol pour reconstruire la promenade au bord de l’eau et de ce fait retracer l’emprunte du projet sur le site. Flux piétons majeurs


Espaces et évènements liés au son sur le site

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III.2_représentations graphiques

L’espace urbain se déploie grâce aux axes majeurs existants, à savoir les flux piétons, mais aussi l’axe routier divisant le site, ainsi que l’empreinte du bâti 58 environnant. Le ruban du parcours émerge de la ville, telle la continuité immatérielle des flux, et fabrique une ascension autour de l’espace public destiné à accueillir les évènements sonores, créant ainsi une promenade qui permet non seulement d’apprécier les festivals en hauteur, mais aussi d’ouvrir des points de vue sur le lointain et ainsi introduire l’audience au cheminement sensible qu’offre le projet. L’aménagement de l’espace public est pensé, à la manière de l’édifice, en moments. Chaque retournement, chaque pli assume une fonction bien distincte. De ce fait, la promenade qui débute sa course le long du Black Diamond dévie et se soulève pour créer un intérieur sous elle-même. Elle plonge ensuite vers l’eau et retravaille l’embarcadère avant de remonter sur la place. Elle s’érige soudain et continue son chemin à 6m du sol pour s’étirer comme une flèche, projetant l’audience vers le lointain. Ce continuum s’oriente finalement vers l’entrée de l’édifice et commence son ascension entre les voiles de l’écrin pour créer les différents espaces du centre culturel. Le centre culturel se définit par deux entités fortes: le continuum matérialisé par le ruban, et l’écrin qui l’accueille en son sein: l’édifice. Ce dernier est un régulateur d’ambiances d’espaces, mais aussi des ambiances lumineuses et des orientations. Le parcours qui émerge du sol continue sa course à l’intérieur de l’architecture verticale et se fond en elle. Ces deux éléments très distincts aux premiers abords adoptent toutefois la même mise en œuvre de la façade en verre. Cette dernière se place en retrait par rapport aux deux entités et permettent une lecture claire des dynamiques que celles-ci proposent. Ainsi, le projet conserve une certaine légèreté face aux bâtis environnants parfois très massif. A droite: plan masse_remodelage du quai par les dynamiques formelles


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L’espace public que crée le ruban organise l’espace en deux zones majeures: l’espace principal visant à accueillir les festivals d’important envergure et des évènements plus modestes qui seront eux répartis le long de la promenade coté quai, à l’abri de la route. A la manière du son, les différents espaces de l’édifice ne sont pas pensés à fortiori à travers leur dimensionnement propre mais par les moments qu’ils occupent. Le prisme phénoménologique offre un regard sensible sur les différents espaces. Le continuum se déploie et se dilate afin de créer des instants, des directions, et non pas une succession de planchers et de niveaux trop monotones. L’audience est invitée à parcourir les différents fragments d’expérience que peut offrir l’édifice et se plonge complètement dans l’univers sonore jusqu’au sommet de l’édifice, matérialisé par le «belsonère» qui est le point culminant du projet et l’ouverture panoramique vers le paysage sonore de Copenhague. Cette continuité sera divisée en trois séquences reliant des effets aux caractéristiques proches. Mais tout d’abord, attardons-nous sur les espaces en rez-de-chaussée, répartis d’une part dans l’écrin et d’autre part sous le continuum de l’espace public. Celui-ci accueille les espaces de workshop ainsi qu’un espace cafétéria et une salle de conférence. Le ruban qui se soulève et crée un 60 dessous mène l’audience vers l’enserrement du continuum sur lui-même. Ce dernier devient rampe d’accès mais également toiture et fabrique des espaces vitrés sur 40 mètres. Ainsi les différentes fonctions se succèdent le long d’une promenade en hauteur à l’extérieur et d’un couloir à l’intérieur. Des parois amovibles occupent les salles de workshop et permettent un remaniement constant des espaces selon s’ils accueillent des étudiants, mais aussi des rencontres avec les chercheurs ou encore un cours. Des stores sont incrustés dans les plafond afin de pouvoir se fermer à la lumière naturelle si besoin est. Le rez-de-chaussée sous l’écrin vient quant à lui contenir l’administration ainsi que la seconde entrée de l’édifice, la première se faisant le long du continuum qui pénètre entre les voiles au second niveau. L’entrée secondaire relie l’accès à l’exposition mais aussi l’espace de lecture amovible, dans lequel il est sera proposé selon les évènements des supports papiers, vidéo et audio à consulter sur place. Ce niveau rallie également le niveau sous-terrain où se trouvent sanitaires et espace de stockage. Cette entrée la coeur de la nef permet, grâce à un dimensionnement plus important qu’à l’étage, de faire patienter des groupes de visiteurs ou d’étudiants avant de débuter l’expérience sonore.


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plan des rez-de-chaussĂŠe


62 séquence I_entrée

en matière sonore


L’expérience sonore débute juste après avoir passé l’accueil: on entre immédiatement au cœur du sujet, et de l’édifice, par la nef centrale réverbérante. Là, les escaliers et les rampes se croisent au-dessus de nos têtes, des voix et des bruits de pas se fracassent contre les parois, mais il est encore difficile de savoir d’où cela vient. Le premier espace traversé donne à faire l’expérience du bruit. On passe une chicane pour pénétrer dans une alcôve percée en son plafond. Les ondes sonores se mêlent, se projettent dans l’espace confiné pour créer un micro-climat sonore, brouillon, fort, qui émerge des espaces publics alentour grâce aux pavillons sonores incrustés dans les façades. On distingue des gloussements, le vrombissent des voitures et le sifflement des autocars. L’espace se replie de nouveau en coude afin de contenir ce brouhaha et l’on traverse à nouveau la nef. Vient ensuite un espace d’exposition s’élevant doucement par une rampe pour monter jusqu’au crescendo. Après s’être arrêté quelques instants dans l’espace préambule à l’effet, les plis du ruban nous mène vers une passerelle ouverte au-dessus du bruit, un niveau au-dessous. Les ondes glissent le long de la cloison commune aux deux effets sonores et augmentent le long du passage étroit.

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r+8_exposition

r+4_accueil

r+11_crescendo

r+7_effet de bruit


64 séquence II_l’ascension vers le calme


r+15_salle de projection

r+12_decrescendo

r+16_ salle de silence

La nef réverbérante dévoile de plus en plus d’écho et de résonance au fur et à mesure de l’ascension. Les espaces sonores suivants (decrescendo, silence) nous mène vers des effets plus calmes, maitrisés. L’espace de silence est une chambre anéchoique qui absorbe la quasi-totalité des ondes sonores. C’est un espace très particlier qu’il est possible de contourner.

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axonométrie coupée sur salle de silence et decrescendo


66 séquence III_la science et l’audience


Les niveaux suivants forment un moment majeur dans le parcours. Les espaces chercheurs se mêlent à l’exposition et deviennent moteur de la compréhension du travail acoustique. La salle acoustique variable, véritable cube suspendue dans le vide, accueille l’expérience acoustique pure. Adaptable, elle est le noyau de l’édifice et peut être observée à partir d’une passerelle, par une faille vitrée. Se développent autour d’elle des niches dédiées aux effets de filtre, qui utilisent cette fois-ci seulement les voiles des façades pour se réverbérer. Le dernier espace du belsonère s’ouvre sur le paysage sonore de Copenhague par le miroir sonore installé au-dessus de la SAV. Telle une oreille tendue vers le lointain, ce dispositif traduit une réelle nécessite de hauteur afin d’entendre plus loin. et de se fondre dans l’identité sonore du territoire. r+20_SAV, exposition et espace

chercheur

r+24_effet de filtre aigu et espace chercheur

éclatée de la salle acoustique variable

r+28_effet de filtre grave et espace prise de son chercheurs

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Afin de marquer davantage les deux entités que sont l’écrin et le continuum, la jonction entre l’acier et le béton se fait par un joint creux. Ce retrait accentue non seulement l’effet de complémentarité que l’on trouve entre les deux matériaux, mais cela sert aussi à encastrer des luminaires et créer des cheminements là où la lumière naturelle ne passe pas. La mise en œuvre devient à son tour un facteur esthétique du projet. De la même manière, la structure porteuse du continuum à échelle urbaine s’effile et s’élance afin de ne pas alourdir le bandeau et casser les dynamiques de l’espace public. voile acier 60cm ép.

plancher revêtement béton 30cm ép. poutrelle IPN 11*5cm joint creux de 10 cm

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Jonction en retrait des planchers

contreventement en fer rond

treillis structurel acier

revêtement béton

Axonométrie structurelle sans échelle du parvis


Les pavillons sonores perçant les voiles de la façade sont couplés à un système de panels orientés selon les sources sonores. Ces derniers sont soulevés afin de laisser passer les fréquences qui viennent se réfléchir dans les pavillons et rebondir sur les parois des niches sonores. Le système de panels est réalisé à partir d’un script de points attracteurs qui calculent l’emplacement des sources et optimisent l’orientation des panels abritant des pavillons sonores. Script de points attracteurs

source sonore

69 Plissé des voiles acier selon les sources sonores


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Conclusion La qualité acoustique d’un lieu réside avant tout dans la compréhension des sources sonores et ce qu’elles traduisent des espaces qu’elles caractérisent. De ce fait, l’application de ce facteur son à la conception permettrait de trouver le meilleur équilibre sonore possible dans ces espaces en question. Notre réflexion introduirait donc l’audience dans la problématique très complexe qu’est la gestion du son, et la mènerait à se questionner sur ce qui fait l’identité sonore d’un quartier, voir d’un territoire. l’ouïe doit trouver sa juste place au sein des réflexions qui gravitent autour des métiers de la construction, or mis par sa résorption. L’organisation formelle des espaces entre eux serait pour nous, à l’issue de ce travail, un moyen essentiel à la contribution d’une meilleure gestion de l’acoustique et des ambiances que cela engendre. Le projet que nous avons proposé est à voir, ou plutôt à entendre comme 71 des espaces évolutifs, de par sa matière première en permanent changement. Le son n’est pas maîtrisable à la manière de la lumière par exemple. Il est modifié perpétuellement par différents facteurs aléatoires. Les niches sonores que nous mettons en place tout au long du continuum sensible permettent à l’audience de faire l’expérience de l’identité sonore de Copenhague. Ces espaces peuvent néanmoins révéler d’autres sources sonores comme un chantier, un évènement musical, un clocher annonçant un mariage. Le paysage sonore est une essence intarissable évoluant avec les époques, les sociétés et les évènements qui les régissent. C’est ce qui donne à l’édifice figé un dynamisme certain. Le studio Research By Design a mis à notre disposition les outils nécessaires à la conception et à l’expérimentation d’un tel projet. Or mis l’utilisation de logiciels classiques, nous avons pu asseoir nos recherches sur tout un panel d’outils numériques tels que les logiciels de script, ainsi que des logiciels de simulation qui ont permis de tester et optimiser les ambiances sonores qui singularisent les espaces de l’édifice. Le son étant une matière très riche mais aussi très complexe à comprendre et maîtriser dans son intégralité, il est nécessaire d’appréhender ce projet sous l’angle de la recherche et d’une proposition théorique sur la conception d’espaces à partir de l’immatérialité d’un site plutôt que comme un objet figé dans l’espace et le temps.


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Le son donne à entendre la situation d’une époque, d’une société, que ce soit d’un point de vue politique, économique ou social. Véhiculant les révolutions et changements qu’un lieu traverse, il est aujourd’hui sources de nuisances et de cacophonie urbaine tant il est présent et mal compris. L’identité sonore d’un territoire, d’un quartier, est polluée par une indifférence totale à l’égard des émergences sonores fabriquant le souvenir d’un lieu. Il serait impératif de composer la ville et son identité sonore non plus en la faisant taire, mais en trouvant l’équilibre juste entre le calme et l’activité, entre les lieux dynamiques et ceux de pause. Et pour se faire, il est essentiel de voir, ou plutôt d’entendre, le son différemment. La proposition que nous faisons pour ce projet de centre culturel est de donner à expérimenter les effets sonores le long d’un continuum culturel matérialisé au sein d’une architecture de pli. A travers un panel de tests sonores et de recherches au sujet de l’expérience du pli, du repli, du sur-pli, comment interroger l’usager sur la véritable nature du son, et à plus grande échelle, sur l’environnement sonore dans le ou lesquels il évolue. Est-il possible de mettre le principe de la continuité plissée au service du son, afin de créer des espaces à expériences, autant physiques que sensibles?

The sound suggests the situation of an era, a society, whether it be a political, economical or sociological point of view. Inciting révolutions and changes of a place, it is today the source of all kind of troubles and urban cacophonies as much as it is present and misunderstood. The acoustic identity of a territory, a neighborhood, is corrupt by an overall disinterest of the sound, making up the memory of a place. It would be imperative to establish a city and its unique identity, not by making it silent and quiet, but in finding a right way between the calm and the loudness, the dynamic places and the resting ones. To do so, it is essential to see, or rather to hear, the sound in other ways. The proposition that we make for this cultural center consists to give the possibility to experiment the sound effects, through a cultural continuum, shaped by a folding architecture. By means of acoustic test panels and experiment fold’s researches, the unfold, how can we interrogate the user on the true nature of the sound, and in a more larger scale, on the acoustic environment in which he evolves. Is it possible to consider and offer to the sound, the folding continuity in order to create experimental spaces, as much physical as sensitive it could be.

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