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I.2_l’immatérialité du territoire comme générateur de projet
18 IL paraît donc évident d’entamer cette partie dédiée à l’analyse qualitative de la dimension sonore par les travaux de Raymond Murray Schafer, figure emblématique de la revalorisation du son dans nos sociétés actuelles. Connu et reconnu comme l’une des œuvres majeures de l’étude sonore sensible, «the tuning of world » avance un réel désir de la part du compositeur de développer la culture de l’écoute. Christian Hugonnet, rédacteur d’un des postfaces de l’ouvrage définit Murray Schafer comme « un grand penseur humaniste qui, par le sonore, touche au plus profond de l’être, au plus proche aussi du bien-être et de l’épanouissement de chacun. » 2 Murray Schafer a forgé la notion de paysage sonore pour désigner notre environnement acoustique. Selon lui, l’empreinte sonore d’un site, comme la musique, reflète la situation politique, économique et sociale de ce dernier. Ainsi, lorsque Mozart compose ses œuvres majeures, non dénuées d’équilibre et de grâce, règne Marie-Thérèse la Grande ( 1717-1780), reine d’Autriche aimée et respectée de son peuple de par ses actions juridiques jugées novatrices. Depuis l’apparition du tout premier son-celui de la mer- , le paysage sonore n’a cessé de s’enrichir des sons du monde vivant : oiseaux, insectes, langage, musique etc... Jusqu’à la révolution industrielle et électronique. Cette rupture change radicalement notre rapport au son, à la musique et, évidemment, au silence. Ce tournant met cependant entre nos mains les capacités à mettre en œuvre un authentique design sonore, maîtrisé et conscient, basé sur les principes de l’écologie sonore.
2 HUGONNET, Christian, directeur de la semaine du Son, dans Le paysage sonore de SCHAFER, R.M. 1977. p.403-404.
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La notion de "paysage sonore" est apparue en 1973 à l'université Fraser au Canada.
Si l’écologie est l’étude des humains dans leur environnement, l’écologie sonore est l’étude des sons dans leurs rapports avec la vie et la société. Et pour ce faire, le théoricien défend un module du design sonore : l’oreille et la voix humaine. Tel le Corbusier et son Modulor, les « designer sonore» utilisent l’échelle de l’homme car «la compréhension des sons autre qu’humains ne peut passer que par notre perception et notre propre émission de sons. Connaître le monde au travers de l’expérience est la première chose» 3 . La première tâche du designer sonore est d’apprendre à écouter. De nombreux exercices le permettent, comme l’enseignement du respect du silence, qui consiste par exemple à s’interdire de prendre la parole toute une journée et seulement écouter. Ces travaux et expériences élèvent cette discipline au niveau du domaine social, et consiste ainsi à enseigner une forme de respect sonore utilisable par tous. Moments d’écoutes et enregistrements divers permettent d’explorer plus précisément les formes sonores de l’urbanisation (dimension du bâti, hauteurs, ensembles etc...), mais également d’échanger avec les non-initiés et leur donner les clés pour découvrir et redécouvrir l’identité sonore de leur quartier par exemple. Pour notre part, il est question de créer un lieu qui capte et amplifie les sons majeurs du quartier dans lequel le projet s’implante afin de faire découvrir aux spectateurs ces sons familiers qui forgent, en complément de la vue, l’image sonore d’un lieu. Le rôle premier d’une tel édifice serait de donner à entendre l’identité sonore du quartier du projet, non plus comme fond sonore neutre, mais comme une richesse parlant du territoire que l’on expérimente, et qui nous mènerait à travers lui.
3 SCHAFER, Raymond M. Le paysage sonore. 1977. p.295. 19
Identité sonore de la place Kierkegaard, quartier historique de Copenhague, Danemark (site d’implantation)
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I.3_la cartophonie comme révélateur de potentiels sonores La cartophonie s’est avéré très vite être notre outil de prédilection en matière de repérage des phénomène sonores urbains et notamment des émergences qui font l’essence de ce projet de recherche. Comme a pu le dire Philippe Gervais-Lambony : « l’identité est une géographie : une explication de l’organisation de l’espace ». S’il parlait bien entendu de géographie, ses termes s’appliquent parfaitement au sens que l’on veut donner aux cartographies réalisées tout au long de l’année. Ces cartophonies permettent de définir les sources sonores les plus significatives du quartier historique sur lequel nous agissons. Le principe est de trouver, à différentes échelles, ce qui fait l’identité sonore de cette portion de territoire, et de Copenhague de manière générale. Car, contrairement à la vue, l’ouïe est un sens qui permet de « voir» plus loin la ville. La cartophonie est le recueil des différentes prises de sons effectuées sur un lieu. Ces prises sont autant professionnelles qu’amateurs. Nous avons 21 ainsi accès à des enregistrements très variés, selon le matériel utilisé ou la durée de la prise. Aujourd’hui très développée et accessibles à tous grâce aux nombreux enregistrements et entretiens audio disponibles sur le web, ces cartes sonores nos ont permis d’étudier en profondeur l’empreinte sonore du site choisi. Les sources que nous avons donc jugées essentielles à la compréhension sonore du quartier sont des éléments simples à reconnaître, comme le clocher d’une église, le grondement d’une gare ferroviaire, ou encore le chant des mouettes.
liste de quelques sources sonores et leur intensités Gare centrale de Copenhague Route sur site Clocher du Christianborg palace Bateaux Cour intérieure ouverte Soren Kierkegaard Fontaine du jardin de la Royal Library Clocher du Cristian’ chruch
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