Nina Romain - Être(s) Humain(s) - Concevoir et Habiter le Logement Social en France

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ÊTRE(S) HUMAIN(S) CONCEVOIR ET HABITER LE LOGEMENT SOCIAL NINA ROMAIN

ÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEURE D’ARCHITECTURE DE BRETAGNE


MÉMOIRE DE MASTER - FÉVRIER 2016


Remerciements Je remercie tout d’abord Christophe Camus de m’avoir guidé tout au long de l’écriture de ce mémoire. Je remercie le personnel de la bibliothèque de l’ENSAB pour leur bonne humeur communicative et leur dévouement. Je remercie ma mère pour sa patience et ses relectures inspirées. Et mes remerciements vont également à Sébastien Le Letty pour sa patience lors de nos longs moments passés à travailler à la bibliothèque.



Table

Chapitre premier. - Introduction

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Chapitre II. - L’évolution du modèle d’habitat moralisateur, du taudis ouvrier au logement social des années 50 21 1. Survivre au garni ouvrier 26 a. Lutter contre les épidémies b. Le Second empire et ses prototypes 2. Vivre dans l’Habitation Bon Marché 47 a. La deuxième Révolution Industrielle, la naissance des HBM et la philanthropie b. La fondation Rothschild, l’Office et les balbutiements du plan type 3. Habiter l’Habitation à Loyer Modéré 65 a. La loi Loucheur et la syndicalisation b. Mobilisation générale et naissance des Habitations à Loyer Modéré

Chapitre III. - Et les habitants dans tout ça ?

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1. Vers une législation de l’«habiter» a. La politique des grands ensembles

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b. Les raisons sociales de son échec 2. Les HLM font évoluer leur image a. «Objectif mieux vivre» b. Le droit au logement face à la mixité sociale 3. L’habitant devient acteur de son logement a. Les enquêtes de satisfaction b. Les réponses des offices HLM b. La loi «Egalité et Citoyenneté»

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Chapitre IV. - Vers une conception du logement social 105 1. L’architecte face à l’usager 108 a. Faut-il apprendre à habiter? b. Les limites du rôle de l’architecte 2. La conception architecturale face à l’évolution des modes de vie 120 a. Ces contraintes qui dessinent le projet b. Le logement social comme lieu d’expérimentation de l’«habiter»

Chapitre V. - Habiter le logement social, s’approprier la contrainte 147 1. Promenons-nous au Thabor 149 a. Un choix difficile b. Quelles sont les caractéristiques de ces logements? 2. La perception du logement par les habitants 159


a. Mise en place compliquée des entretiens b. Habiter une architecture signée

Chapitre VI. - S’approprier pour exister

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Annexe. - B.Girbovan, 10/1, 2008

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Bibliographie

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Crédits photographiques

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Index des noms cités

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CHAPITRE I Introduction



C’est un fait, notre métier d’architecte nous pousse à construire pour autrui, et ce pour tout projet, qu’il concerne un bâtiment public ou un bâtiment privé. Pendant nos études, nous apprenons à dessiner, à penser des espaces, nous affûtons quotidiennement notre perception de l’esthétique, nos connaissances sur l’art de bâtir. Cependant, un thème à la fois concret, indissociable de l’architecture, et en même temps très sensible, est parfois légèrement mis de côté. Le rapport que peut avoir l’architecte avec son bâtiment est souvent très fort, mais il est également important de penser à ses usagers, qui en assurent la pérennité. Ce sont ces derniers qui forgent l’identité du bâtiment dans l’usage qu’ils en font, leur utilisation de l’espace, qu’elle soit quotidienne ou non. Je pars du principe que si nous commençons à adopter un jugement architectural sur les projets qui nous entourent, la vision d’une personne non initiée a autant d’importance si elle en a l’usage. En effet, nous aurions tendance à laisser « glisser » quelques anomalies de conception au profit de la beauté du plan ou de la grande qualité des espaces. Au cours de ces dernières années d’études, j’ai pu découvrir plusieurs facettes de notre futur travail, et m’essayer à divers exercices architecturaux. Dessiner le logement prend, depuis quelque temps, une place de plus en plus importante dans mon cursus. Sujet d’actualité, il ne doit pas être considéré comme un simple produit de notre société mais comme un outil ou un support pour permettre à l’humain de se construire et de se singulariser face à une population massive et considérée à tort comme homogène. « Habiter est un trait fondamental de l’être.1 » Le texte « Bâtir, Habiter, Penser » de M. Heidegger est peut être l’un des premiers textes qu’il m’a été donné de lire à l’École. Dans son discours, il n’est pas ques1. Heidegger, 1958 , «Bâtir, habiter, penser», discours prononcé en 1954, in Essais et Conférences, p.192 11


tion de réfléchir au «bâtir» en temps qu’architecte ou constructeur, mais au «bâtir» d’un point de vue ontologique ; l’habitation ne fait pas référence au logement, qui n’a pas toujours été l’espace pour habiter, mais fait plutôt référence à l’action et la façon d’habiter. Se loger ou occuper n’a rien a voir avec le fait d’habiter et Heidegger considère que le logement n’est qu’une boîte dans laquelle on place des objets et des corps. Cette théorie va à l’encontre des théories fonctionnalistes prônées par Le Corbusier et la Charte d’Athènes quelques années plus tôt : « Les clefs de l’urbanisme sont dans les quatre fonctions : habiter, travailler, se recréer (dans les heures libres), circuler2. » Pour Heidegger, habiter n’est pas une fonction. C’est la condition qui préside tous nos comportements. « Habiter est la manière dont les mortels sont sur terre3. » C’est tout d’abord être homme, mais c’est aussi ménager son séjour sur terre, ce qui passe par le «bâtir» : « Le trait fondamental de l’habitation est [le] ménagement4. » Le « bâtir » et l’« habiter » sont donc indissociables, l’habitation donnant tout son sens à la conception. Toute construction ne ménageant pas le séjour de l’homme sur terre n’a pas lieu d’exister car elle est contraire au fait d’être humain. Ce texte a constitué, inconsciemment, un point de départ à mon questionnement. La notion de l’« habiter » telle que nous la pensons aujourd’hui, c’est à dire étroitement liée à la notion de confort, apparaît plus particulièrement à partir du XIXe siècle, en réponse à un désir d’individualisation et à des codes sociaux en pleine évolution. Habiter est un phénomène inhérent à chaque être vivant. D’ailleurs, les hommes habitent la terre depuis plusieurs dizaines de milliers d’années, mais la maison, archétype de l’habitat humain, 2. Le Corbusier Charte Athènes, 1933 3. Heidegger, op. cit., p.175 4. Heidegger, op. cit., p. 176 12


n’apparaît que depuis 10 000 ans. Sa représentation dans notre esprit vient du fait qu’elle a longtemps été la seule forme construite capable d’abriter les hommes. La maison est le symbole de l’habitat dans l’imaginaire occidental. La manière d’habiter et la localisation de l’habitat ne sont considérées comme des indicateurs culturels, révélateurs d’une position sociale, que depuis les années 50 - 60, époque de crise qualitative et quantitative du logement. Il s’est alors opéré de grands changements dans la façon d’habiter en France ; l’évolution du logement en est la preuve. « L’habiter, c’est une conduite par laquelle des hommes donnent un sens à l’espace où ils vivent, sens qui à la fois les protège, renforce la permanence de leur identité et leur permet de faire face aux changements en adaptant leur personnalité, sans rompre l’unité.5 » L’homme habite le monde qui est son espace ; le rapport entre l’espace et le soi en est l’appropriation. S’approprier est une action consciente ou inconsciente sur un espace donné, pour le rendre propre à son être, pour le construire selon des gestes et des sentiments qui sont propres à chacun. Ce processus, variant en fonction des sociétés, des époques, de la localisation, etc..., est bien difficile à définir. « Critique et polémique, la sociologie a insisté sur les dysfonctionnements parfois dramatiques de nombreux projets d’habitat, sur les décalages entre intentions des concepteurs et pratiques, sur les enquêtes de satisfaction qui ont une approche superficielle de l’appropriation, sur la méconnaissance des mécanismes de la participation des usagers. L’habitant est pour les concepteurs souvent un être sans chair sociologique et l’architecture moderne en a fait une abstraction : l’homme des temps modernes. Une distance qui a été théorisée a partir de l’analyse symétrique de la conception de la forme et des usages des habitants (...). S’est ainsi 5. M. CONAN, 1981 in LEGER J.-M., Derniers Domiciles Connus, Enquête sur les nouveaux logements 1970- 1990, p.22. 13


dégagée une analyse originale de l’appropriation de l’espace architecturé. La relation sensible à l ‘enveloppe architecturale (...), l’enjeu de la vie collective (...) et la pratique de l’espace du logement (...) soutiennent la dynamique plurielle de l’espace des dispositifs d’appropriation6. » L’appropriation comprend la production d’un idéal mental, basé sur l’expérience, l’apprentissage, les goûts et la personnalité de l’habitant. Elle permet de contrôler et de maîtriser un espace avec harmonie et de se conforter dans sa propriété face à autrui, correspondant à une idée de marquage. S’approprier, c’est aussi se construire une identité. Ce terme implique une dimension de propriété importante, mais d’ordre moral, affectif et psychologique, sans forcément de notion juridique. Dans un logement, il s’agit principalement de recréer un monde familier. « L’appropriation de l’espace désigne l’ensemble des pratiques qui confèrent à un espace limité, les qualités d’un lieu personnel ou collectif. Cet ensemble de pratiques permet d’identifier un lieu ; ce lieu engendre des pratiques (…) l’appropriation de l’espace repose sur une symbolisation de la vie sociale qui s’effectue à travers l’habitat.7 » Habiter est un acte poétique ; qu’il plaise ou non aux autres n’est pas un problème car c’est à la fois une extériorisation du soi et un acte extrêmement personnel et intime. P. Sansot élargit les notions liées à l’appropriation : « il n’y a pas à choisir entre l’action qui modifie l’espace et le transforme en une réalité qui vous ressemble et l’inaction qui n’affecte pas l’espace habité. Il est possible d’aborder l’appropriation du chez soi comme un mouvement, un processus d’élaboration d’un sens personnel de l’abri qui s’appuie sur la matérialité même des murs et du toit, la distribution des parois et des ouvertures pour délivrer

6. TAPIE G. Sociologie de l’Habitat contemporain, vivre l’architecture, p.147 7. N. HAUMONT, 1966 in SEGAUD M., Anthropologie de l’espace. Habiter, fonder, distribuer, transformer, p. 69 14


les virtualité d’un lieu.8 » L’appropriation transforme le logement, la boîte, en « chez soi », traduction du « Home » anglais, beaucoup plus signifiant. Il s’agit d’un processus de transformation d’un lieu « neutre » en un lieu unique par différents procédés mais aussi par des pratiques, des rituels de la vie quotidienne et culturelle. La vie quotidienne, autrement dit la ritualisation, est parfois banale et insignifiante, elle n’en est pas moins le « fondement » de la vie sociale. L’accession à un «chez soi» est devenue une banalité, une nécessité, plutôt qu’un besoin, la nuance ici, étant que l’on survit sans le nécessaire alors qu’il est possible de vivre dans le besoin. Pourtant, 3 800 000 personnes sont encore « mal logées9», c’est-à-dire sans confort. Le logement collectif social me paraît être la réponse à privilégier pour combler ce manque, apportant ainsi aux habitants un espace à vivre conçu par des architectes, ces derniers étant plus présents dans le collectif que dans le logement individuel10. La société attend du logement qu’il prenne en charge le vieillissement, la sécurité, les tensions sociales, les questions énergétiques et environnementales, urbaines... tout en garantissant une grande qualité de vie. Cet espace doit être sûr, stable et protecteur. On recherche des matériaux solides et de bonne qualité. Malheureusement, la hausse de contraintes découlant de la rigidité des normes et des législations, face à une baisse de moyens fournis par l’État, ne permet pas toujours de créer un logement social avec des qualités similaires à celles d’un logement collectif classique. Le logement français est 8. P. Sansot in SERFATY-GARZON P., « L’appropriation », in Dictionnaire critique de l’habitat et du logement p.7 9. Selon la Fondation l’Abbé Pierre dans le 21e Rapport du Mal Logement en France en 2016 10. En effet, il n’est pas indispensable de faire appel à un architecte pour un projet ne dépassant pas170m2 15


réputé pour être parmi les plus chers d’Europe mais aussi parmi les plus contraignants à concevoir11. L’étude de l’habitat social permet de répondre à de nombreuses questions importantes afin d’amorcer un processus de réflexions concernant certains désirs ou comportements de notre société. Le logement « s’est progressivement construit depuis le milieu du XIXe siècle, comme catégorie statistique, économique, comme forme architecturale et comme enjeu politique.12» Je trouvais impératif de redéfinir le contexte socio-culturel et politique du logement social ainsi que le développement du logement, de la chambre insalubre à l’habitat tout confort d’aujourd’hui. Cette recherche montre que des éléments développés aujourd’hui, tels que la fluidité des espaces, la liberté du plan, le rapport intérieur/extérieur ont déjà été au centre de recherches engagées sur la condition de vie des habitants. L’histoire de l’architecture de l’habitat social, du garni ouvrier au HLM, permet de comprendre l’évolution du logement, considéré tout d’abord comme un espace pour répondre à l’urgence, puis comme étalage de son appartenance sociale, et enfin comme miroir de la personnalité. 11. «Les logements sociaux répondent à plusieurs critères : ils sont agréés par l’État et financés avec l’apport de fonds publics, ils font l’objet d’une procédure d’attribution contrôlée par la puissance publique, ils ont un loyer plafonné, ils sont grevés d’une procédure d’affectation de longue durée ou illimitée, ils accueillent des locataires qui disposent, à leur entrée, de ressources inférieures à un plafond et peuvent bénéficier de l’APL, ils répondent à des caractéristiques techniques minimales.» (http://www.freha.fr/page/2134_lexique_logement_social.php) 12. Segaud M., Bonvalet C., Brun J., Logement et habitat : l’état des savoirs, 1998, in KAUFMANN V., PATTARONI L. & RABINOVICH A., Habitat en devenir. Enjeux territoriaux, politiques et sociaux du logement en Suisse, 2009, p.2 16


Le logement social implique une certaine fatalité et je trouve cette dimension très importante. Cette fatalité, cette contrainte, influencent la conception et l’architecte, ainsi que nous l’avons dit plus haut, mais aussi et surtout l’habitant. En effet, la demande d’attribution de logement se fait auprès de l’État et diverses conditions doivent être remplies pour pouvoir y accéder13. C’est donc une nécessité pour ces personnes d’être logées, bien souvent dans des délais très courts. L’usager se trouve face à un logement pour lequel il est prioritaire, mais qu’il n’a pas forcément sélectionné de son plein gré. On parle ici d’attribution et non de choix. Pourtant dans un autre contexte, on choisit son logement ; on choisit selon des critères (esthétiques, financiers, géographiques...), et on choisit entre différents types de logements, différentes propositions, différentes formes. On est acteur de son choix. A contrario, l’habitant du logement social se retrouve contraint de vivre dans une architecture qu’il n’a pas choisie et par conséquent qu’il subit. Dans ce contexte, il est facile d’imposer son architecture, ses idées, car avec toutes ces restrictions, comment ne pas désincarner l’habitant de toute son épaisseur sociologique ou culturelle? L’architecte peutil vraiment influencer le mode de vie de l’habitant ? Y-a-t-il un impact sociologique du bâtiment sur les habitants du logement social ? Je considère que le travail de conception requiert une certaine flexibilité dans la création, une modularité aujourd’hui de plus en plus recherchée, afin d’accompagner les modes de vie sans les frei13. Pour se voir attribuer un logement social, il faut répondre à certains critères, tels que : être en dessous d’un certain plafond de revenus, être de nationalité française, ou étranger justifiant d’un titre de séjour valable sur le territoire français. Les personnes prioritaires sont des personnes en situation de handicap, à charge d’une personne en situation de handicap, ou en situation d’urgence (expulsé, victime de violence...) (https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F869) 17


ner. Si l’on ne peut pas contenter l’usager au cas par cas, il faut lui permettre l’action d’appropriation. Ces questions sont aujourd’hui soulevées avec beaucoup plus de ferveur qu’il y a quelques années. Les modes de vie évoluent et l’architecture se doit d’accompagner ces changements. En effet, depuis ses débuts, le logement social a connu des changements spectaculaires : l’accès à l’eau, le partitionnement des pièces, l’équité homme/femme, etc... On recherche constamment de nouvelles techniques afin de contenter les usagers. On repense les pièces, on ré-étudie leurs fonctions, certaines disparaissant, d’autres se créant... L’architecture dans le logement social s’apparente presque à un laboratoire expérimental où la qualité de vie est questionnée encore et toujours. Les outils que proposent les architectes aux locataires sont divers et regorgent d’ingéniosité en ce qui concerne le gain de l’espace, le traitement de la lumière, etc... J’aborde donc une pluralité de thèmes dans ce travail de fin d’étude - qu’ils soient historiques, publics, politiques, sociaux, mais aussi plus intimes, dévoilant la promiscuité, les liens avec autrui, son voisin, l’architecte, le constructeur, l’élu - en soi, des thèmes concernant des domaines architecturaux mais aussi humains. Comme évoqué plus haut, le logement social est lié à certains contextes bien spécifiques, qui, bien qu’en partie rébarbatifs, semblent indispensables à une ébauche d’étude. On m’a ainsi reproché la présence de deux mémoires dans ce recueil, critique justifiée sur laquelle j’ai tenté à maintes reprises de rebondir, presque en vain. La première étape dans le développement de ma problématique, et par conséquent, ce que l’on pourrait considérer comme le premier mémoire, est la retranscription des recherches historiques et législatives retraçant l’évolution du logement social. Du garni ouvrier aux prémisses de l’habitat, j’ai voulu balayer une longue période afin de 18


comprendre et de m’approprier l’Histoire du logement social en France. J’emploie volontairement le terme de retranscription car bien que très intéressante, cette partie ne doit pas être considérée comme un réel questionnement personnel mais plus comme un outil, une introduction à mon questionnement. Par le biais de plans, de photos, se lit une évolution constante des mœurs, tout d’abord avec une architecture répondant à la nécessité, puis avec une prise de conscience politique et sociale s’opérant à plusieurs niveaux, vers une architecture plus confortable, plus à l’écoute. Dans la deuxième partie, cette architecture toujours plus humaine est mise en avant avec des exemples sélectionnes à partir des années 70, afin de redéfinir de grands courants de penseurs architectes et de questionner leurs méthodes. Il s’agit aussi de comprendre comment l’Homme habite et transforme la «boîte» qu’est son logement en habitat propre à son mode de vie, et le rôle de l’architecte dans tout ce processus sociologique, qu’il soit engagé ou plus réfléchi. Je développe aussi une démarche plus personnelle en me confrontant à l’exercice des entretiens dans une opération de logements sociaux rennais, afin de retranscrire de manière plus sensible la vision des habitants concernant leur logements. A l’aide de ce mémoire de master, en guise de conclusion à ma formation d’architecte, je souhaite aller plus loin dans l’exercice du logement social et en découvrir une autre dimension, plus sociologique. Ce sujet est d’autant plus important à mes yeux que j’ai passé 18 années de ma vie dans la ville du Havre, en Haute-Normandie, où j’ai pu appréhender ce type de logement avec un regard non initié et beaucoup de questions. J’ai réalisé, lors de ce travail, que ce vécu avait été beaucoup plus important et formateur pour ma vision personnelle de l’habitat social, mais aussi dans mes choix en tant que future architecte, que je ne l’avais imaginé. Il 19


était très important pour moi de faire la constitution d’un recueil de réponses, d’idées et de références sur l’habitat, entrecroisant diverses disciplines, afin de pouvoir par la suite, prétendre apporter une pensée plus mature et personnelle à la réflexion sur des logements sociaux durables et adaptés. Je suis aujourd’hui consciente que les réponses à mes questions ne doivent pas se limiter à une volonté immanente imposée par un milieu professionnel – l’architecture contemporaine – mais qu’il convient d’apporter une attention toute particulière aux retours des pratiques et du vécu.

« Nous ne sommes pas des êtres particulièrement bons, nous sommes de bons professionnels. L’habitat social pose des questions compliquées, et pour y répondre, il faut de la qualité plus que de la charité. » A.Aravena, lauréat du prix Pritzker 2016

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CHAPITRE II L’évolution du modèle d’habitat moralisateur, du taudis ouvrier au logement social des années 50



Pour traiter le sujet du logement social, il est important de revenir quelques siècles en arrière, afin d’en comprendre les origines, l’évolution, et de poser les bases de ce thème considéré comme l’un des plus importants de l’actualité. L’histoire du logement social part d’initiatives de chefs d’entreprises éclairés et de philanthropes, ainsi que de grandes idées éclairées telles que celles des bienfaits de la vie en communauté et du logement collectif. Elle est aussi étroitement liée à celle de la révolution industrielle datant du milieu du XIXème siècle. Entre 1875 et 1914, la population urbaine passe de 12 millions à 18 millions d’habitants alors que la population totale (41 millions d’habitants) reste pratiquement stable. En milieu urbain, le surpeuplement devient la règle. En 1906, 62% des personnes habitant des villes de plus de 5 000 habitants vivent à deux ou plus par pièce. De nombreuses enquêtes font alors état des conditions misérables d’habitat des ouvriers, avec des risques importants de propagation des épidémies. Pour ceux qui vont donner naissance au logement social, il s’agit aussi de protéger la famille – pivot de la société – et donc de favoriser la natalité dont le taux, depuis 1890, ne cesse de chuter. En effet, en 20 ans, le taux de natalité est tombé de 25 à 19 naissances pour mille habitants en France avec une mortalité infantile qui touche un enfant de moins de un an sur cinq. A la veille de la première guerre mondiale, la “dépopulation” est vécue comme un véritable drame national. Cette volonté d’améliorer la situation du logement n’est cependant pas dénuée d’arrière-pensées politiques. Pour lutter contre le socialisme naissant, la meilleure solution est, selon Napoléon III, « de combattre pacifiquement l’émeute »14 en rendant l’ouvrier propriétaire ;

14. TARICAT J. & VILLARS M., Le Logement A Bon Marché, Chronique – Paris 18501930, p. 58 23


« Celui qui possède ne veut pas abattre l’ordre existant »15, affirmait de son côté Jules Siegfried, le père des Habitations à Bon Marché. Commence ainsi la première phase d’un apprentissage de l’«habiter16», qui permet de « moraliser la classe ouvrière », de lui inculquer l’épargne et de lutter contre les deux « fléaux sociaux » que sont la syphilis et l’alcoolisme. Les premières réalisations de cités ouvrières sont le fait d’industriels tels J.-B. Godin, les Manufacturiers de Mulhouse, le chocolatier Meunier, les patrons de mines ou encore les grandes compagnies françaises de chemins de fer qui construisent des maisons pour leur personnel, qui sont déjà sensibilisés à certaines notions d’hygiène et dont le niveau de vie est nettement supérieur à celui des ouvriers. Il s’agit d’offrir à chacun l’accès aux avantages de la vie sociale, d’instaurer l’union parmi les hommes, de promouvoir la sociabilité générale et de mélanger de nombreuses classes, non seulement dans le logement propre, mais aussi dans les domaines alentours : santé, éducation, approvisionnement, loisirs, etc... «On croit généralement qu’il suffit de donner à une famille des locaux propres, hygiéniques et gais, pour qu’aussitôt les habitudes de désordre disparaissent, et que le but désiré soit atteint. (...) Les mauvaises habitudes se perdent lentement17.» Il s’agit d’habiter au delà du bâti : « Cet habitat doit être intégrateur »18. 15. TARICAT J. & VILLARS M., op. cit. p.58 16. Contrairement à l’« habiter » cité par M. Heidegger, il faut réfléchir ici en terme d’hygiène, de vie collective et de prise de conscience d’un soi individuel. 17. Fondation Groupe des Maisons Ouvrières, ses immeubles en 1908, Immeuble Avenue Daumesnil, 1909, p.7 in ELEB M., l’Apprentissage du « Chez Soi », p.32 18. GUERRAND R.-H. & QUILLIOT R., Cent Ans d’Habitat Social, une Utopie Réaliste, p.36 24


La recherche concernant le logement social est une véritable course contre la montre, tentant de pallier aux crises, aux épidémies dans un premier temps, puis s’alignant sur les nouvelles technologies et le confort demandé, tout en respectant une demande en perpétuelle expansion. Cette recherche consiste également en de nombreux allers-retours entre de grandes idées sur la façon d’habiter, afin de répondre aux besoins tout en préservant la dignité propre à chaque individu. On s’aperçoit que ces idées datant d’il y a presque 150 ans sont encore aujourd’hui les principales motivations du logement social19.

La Cité Meunier, à Noisiel, 1875

19. Ces recherches ont été principalement guidées par deux ouvrages qui couvraient à eux seuls une grande partie de l’historique du logement social en termes de travaux d’architectes et de citations : GUERRAND R.-H. & QUILLIOT R., Cent Ans d’Habitat Social, une Utopie Réaliste et TARICAT J. & VILLARS M., Le Logement A Bon Marché, Chronique – Paris 1850-1930. J’ai ensuite complété l’historique avec d’autres ouvrages plus ciblés sur la politique ou la sociologie, en retrouvant d’ailleurs beaucoup de données déjà présentes dans les deux livres. 25


Survivre au garni ouvrier Prônant la liberté, la Révolution bourgeoise de 1789 suscite bien des espoirs, mais laisse vite place aux réalités. C’est en effet au nom de cette liberté que « les entrepreneurs pourront faire travailler les enfants de sept ans ; au nom de la liberté, les loyers augmenteront quand les salaires diminueront ; au nom de la liberté, le prolétariat sera parqué dans les taudis et les cloaques des cités ouvrières »20 Le XIXème siècle est l’époque des grands travaux de chemins de fer, entraînant une partie de la population à migrer vers les villes qui deviennent cités industrielles. Ces cités ne correspondant plus aux conditions de la grande industrie nouvelle, elles sont démolies en masse. Face à cet afflux de travailleurs et à des logements de plus en plus rares, l’habitat populaire devient de plus en plus misérable. Au printemps 1832, le choléra frappe Paris et fait 18 602 morts21 tandis que la tuberculose, la maladie du manque d’air et de lumière, fait à elle seule près de 100 000 morts par an. La promiscuité et le manque d’hygiène sont de grands facteurs de ces épidémies contre lesquelles il est presque impossible de lutter. On les retrouvera pendant des années, tout comme la syphilis, frappant les grandes villes où les habitants sont entassés dans des logements exigus. Les quartiers populaires sont bien sûr les plus touchés et beaucoup s’emportent contre cette insalubrité qui tue lentement et sans relâche les ouvriers les plus pauvres. Parmi les voix révoltées, on peut citer de grands noms tels que Balzac, Hugo ou Zola, mais cette situation choque tout autant les partisans des idées nouvelles ayant participé à la Révolution, moins d’un siècle auparavant. Comme 20. HOUDEVILLE L., Pour une Civilisation de l’Habitat, éditions ouvrières, p. 57 21. GUERRAND R.-H. & QUILLIOT R. op. cit. p.24 26


on en est souvent témoin dans l’Histoire, c’est suite à des décès que cette situation est mise en lumière, créant peur et culpabilité. On s’aperçoit enfin que la classe ouvrière vit dans des conditions insalubres et souvent inhumaines. Le progrès social devient un sujet récurrent dont le logement fait partie. Les dirigeants avaient pourtant, jusqu’à maintenant, justifié et repoussé ce problème ainsi que celui des loyers trop élevés, en raison d’un sentiment d’indifférence chez les ouvriers : « Il ne s’est pas manifesté, dans la population ouvrière, un besoin collectif intense d’habitations nouvelles, à la fois meilleur marché et mieux aménagées. Quant à l’insalubrité et l’étroitesse des logements ouvriers, ce ne sont pas les ouvriers qui s’en sont rendus compte et qui s’en sont plaint, mais les hygiénistes et les réformateurs » 22 Ces derniers avaient tendance à demander des petits logements, quelque soit la taille de leur famille, pour des raisons financières mais aussi par habitude, considérant le logement comme un abri : «Ils correspondent à leurs moyens, ils en ont l’habitude, ayant intériorisé les contraintes des logements antérieurs, et ont des pratiques spécifiques par rapport à l’habitat, qu’ils ne valorisent pas, préférant investir, quand ils le peuvent, dans les sorties23.» La première révolution de 1848, non bourgeoise, sonne les prémices des premières luttes ouvrières, révoltes visant la bourgeoisie. La loi du 13 avril 1850 relative à l’assainissement des logements insalubres, malgré son inefficacité démontrée par la suite, montre bien que les choses sont en instance de changement. « Sont réputés insalubres les logements qui se trouvent dans des condi22. GUERRAND R.-H., Propriétaires et Locataires, les Origines du Logement Social en France (1850-1914), Ch.V La Nature de la spéculation et la pratique des spéculateurs sur le terrain p.377-389 23. ELEB M., l’Apprentissage du « Chez Soi », p.54 27


tions de nature à porter atteinte à la vie ou à la santé de leurs habitants. »24 S’il est reconnu que le logement ne peut être assaini, et que les causes d’insalubrité sont dépendantes de l’habitation elle-même, l’autorité municipale pourra, dans un délai qu’elle fixera, en interdire provisoirement la location à titre d’habitation. Cette crise politique aura pour répercussion l’instauration du Second Empire, période d’expérimentations et des premières volontés hygiénistes. Cette idéologie est aujourd’hui bien intégrée à notre vie de tous les jours : on n’a plus besoin d’être encouragé à aérer, se laver, nettoyer... Ce sont des gestes de notre quotidien qui sont assimilés. La notion de confort, tout juste naissante à l’époque, est maintenant plus facilement mesurable. Le confort est une nécessité : se laver tous les jours, se détendre quand on le peut, avoir un lit pour soi, un espace à soi, de l’électro-ménager... C’est une des notions de base de la société. * Cette dynamique étant lancée, le Second Empire est marqué par de nombreuses expériences pilotes concernant les logements sociaux. Avec l’avènement de la IIIème République et le développement du mouvement ouvrier qui s’organise de plus en plus, la question du logement va progressivement dominer l’ensemble des problèmes sociaux. La demande de main d’œuvre est considérable et de plus en plus de paysans sont arrachés à leurs terres et à leur ferme, un espace se suffisant à lui même, pour aller s’entasser dans 24. DUVERGIER J.B, Article 1er in Collection Complète des Lois, Décrets, ordonnances, Règlements et Avis du Conseil d’État, t.50, elle même extraite de l’annexe 1, pp. 131133 28


les villes, dans des casernes, dont le concept est pour eux inconnu et peu attirant. Louer un logement est une étape difficile pour de nombreux travailleurs, car c’est synonyme d’une infériorité par rapport au statut de propriétaire. Parallèlement à cela, l’État intervient dans les grandes villes au niveau de l’urbanisme comme avec le célèbre G.-E. Haussmann à Paris. Ces travaux sont à l’origine de plusieurs grandes idées : le maintien de l’ordre en détruisant les petites ruelles sombres et sinueuses (propices aux barricades), les créations de grands bâtiments tels que les gares, les banques ou les grands magasins, et le début de la duplication de l’habitat. Plus les travaux d’assainissement de la ville avancent, plus les classes populaires doivent émigrer en périphérie des villes. L’habitat ouvrier se détériore alors d’autant plus, même si les efforts continuent.

Superposition du tracé de l’avenue de l’opéra réalisé par Haussmann et du tissu urbain ancien. 29


Parmi ces efforts, la Cité Napoléon est sûrement référencée comme une innovation du service social. C’est le point de départ d’une réflexion ininterrompue sur le modèle architectural du logement ouvrier collectif partout en France. Lors de son exil en Angleterre, Louis Napoléon Bonaparte visite le premier immeuble de H.- G. Clark, « Maisons modèles pour familles », réalisé en 1847 (à l’aide de la « Society for Improving the conditions of Laborious Classes » créée en 1844, sous l’autorité du prince Albert). C’est sous cette influence londonienne que l’architecte M.-G. Veugny, supervisé par Bonaparte, imagine cinq bâtiments, accueillant 200 logements de tailles différentes, regroupés sur une cour-jardin intérieure, intégrant équipements scolaires, sanitaires, ateliers et commerces en rez de chaussée ainsi qu’une garderie. Les prix ne peuvent être augmentés et comprennent l’accès à l’eau chaude et à l’eau froide, aux médicaments, et dans certains cas, les meubles de l’appartement. Les idées sont lancées, fortes de bonnes intentions : « Lorsque l’on veut préparer des bâtiments pour l’habitation d’un grand nombre de familles, un point capital à observer dans le plan, c’est la séparation des intérieurs, l’indépendance de chaque famille... »25 La première pierre est posée en 1849, les premiers locataires emménagent en 1851. Ce concept fait l’objet de critiques, certaines personnes parlent alors de « casernement » et condamnent le regroupement des ouvriers dans ces grands bâtiments, où les mauvais comportements influencent les bons et où les familles n’ont pas d’intimité. « (…) beaucoup de familles ouvrières, les meilleures, répugnent à se cloîtrer dans des casernes, où l’on est empilé les uns sur les autres, et où règne une sorte de promiscuité. » 26 25. ROBERTS H., Des Habitations des Classes Ouvrières, 1850, p.20 26. Rapport de E. HAMEL, au conseil de Paris, 1882, in LAMBEAU L., Les Logements Bon Marché, 1883 in TARICAT J. & VILLARS M., op. cit. p.78 30


La Cité Napoléon, Paris 9e, 1849 à 1851. Architecte M.-G. Veugny 31


Certains de ces logements, trop chers, sont donc voués à la vacance, la petite bourgeoisie refusant de cohabiter avec la classe ouvrière. Il en résulte que les actionnaires ne rentrent pas dans leurs frais et l’équilibre financier du bâtiment devient très précaire. La Cité connaîtra un échec financier important qui empêchera par la suite la reprise d’un programme équivalent. Pendant des années, les idées proposées iront à l’encontre de ces réalisations. On oubliera l’autarcie, les équipements, le vis à vis, et on travaillera de préférence sur la petite maison dite « bourgeoise à petit loyer » : « Il résulte de tout ce qui a précédé qu’au lieu de bâtir un monument ressemblant à une vaste caserne pour y réunir 4 à 500 individus de la classe ouvrière, il vaudrait beaucoup mieux acheter de bonnes maisons ordinaires, ou même les louer à long bail, sauf à les approprier à leur nouvelle destination, ou mieux encore si il est possible, donner à chaque famille sa maisonnette. »27 Suite à cet échec, le logement bon marché emprunte exclusivement la voie de la banalisation, mimétisant le modèle bourgeois (ce phénomène s’étend d’ailleurs au delà du logement : le très célèbre magasin Au Bon Marché ouvre ses portes en 1852 avec la volonté de mettre à portée des produits de qualité mais moins chers...). On recherche l’isolement des logements, moins de circulations horizontales, donc moins de logements par paliers, tout en augmentant le nombre de circulations verticales. Les logements pour célibataires sont rassemblés dans des bâtiments différents car on ne veut pas mélanger les hommes seuls et potentiellement malsains aux courageux ménages ouvriers. La population des logements ouvriers s’homogénéise et on se trouve face à une sorte « d’élite ouvrière méritante ». 27. VILLERME, Sur les Cités Ouvrières, in Journal des Économistes, 15 Avril 1850, p.47 32


Le 22 janvier 1852, 10 millions de francs prélevés sur la vente des biens de la Maison d’Orléans sont consacrés, à titre de subvention, au logement ouvrier et un concours d’architectes est ouvert. Pour la première fois, il est demandé de réfléchir à des logements s’adressant à une population plus hétérogène mais avec des séparations nettes entre chaque ménage et un lavoir commun. En fait, il s’agit aussi de protéger les femmes contre la tyrannie et l’oppression et de leur permettre de se libérer des tâches ménagères afin qu’elles aient accès à des emplois utiles. L’objectif sous-jacent est de créer un modèle à dupliquer, économiquement viable. « Le problème a été résolu en Angleterre, il le sera en France. » 28 Toujours forts de toutes ces réflexions, les spécialistes se tournent vers une nouvelle forme de logement : le pavillon. F. Le Play, maître à penser des classes dirigeantes, développe des idées sur l’accession qui seront mises en application à Mulhouse. En effet, il considère qu’accéder à la propriété est une des traditions les plus importantes de l’Europe et qu’elle permet de diminuer les risques de mauvais comportements des cités ouvrières : « Le père en est presque toujours éloigné par les obligations du travail, ou par la recherche de plaisirs égoïstes et grossiers. La mère, abaissée à la condition d’ouvrier, déserte également le foyer, soit qu’elle s’adonne à la prostitution, soit qu’elle supporte honnêtement le poids d’un rude travail. » 29 Paris devient le terrain d’expérimentations des premières cités-jardins, des programmes d’envergure parant à la crise du lo28. Revue générale de l’Architecture et des Travaux Publics, 1852, Col. 222-228 in TARICAT J. & VILLARS M., op. cit. p.66 29. Propos de LE PLAY in GUERRAND R.-H. & QUILLIOT R., op. cit. p. 44 33


gement comme par exemple les 44 maisons du passage Boileau, de types divers, destinées aux petits travailleurs et à la haute classe ouvrière. Ces maisons avec jardins octroient un certain confort et permettent d’expérimenter pour des projets futurs : « On adapte les solutions aux ressources et aux exigences sociales des diverses couches de la clientèle et l’on tâte ses goûts, au grand profit des opérations futures à entreprendre sur une grande échelle. »30 ‌

La Cité Dollfus, villa Boileau, Paris 16e, 1884. Architecte J. Cacheux 30. CHEYSSON E., la Question des Habitations Ouvrières en France et à l’Étranger, 1886, pp. 63-64 34


Plusieurs opérations pavillonnaires apparaîtront dans toute la France, comme au Havre en 1889, avec quarante maisons construites par la Société Havraise des cités ouvrières, ou à Roubaix, avec la « ruche roubaisienne »... Les plus connues sont les pavillons de Mulhouse, dans une ville où la population passe de 32 000 à 62 000 habitants sous le Second Empire31. Une entreprise de manufacturiers propose alors un programme de pavillons de quatre pièces comprenant la cuisine, avec cave, grenier, jardin, payable par mensualités ; en soi, c’est une aubaine pour les nouveaux citadins en mal d’intimité ou pour la « bourgeoisie » ouvrière naissante. La cité n’est pas uniquement réservée aux employés des usines et permet ainsi de brasser quatre vingt quatre professions32, en évitant l’appellation de ghettos, très péjorative.

La Cité de Mulhouse, à l’initiative de J. Dollfus, 1854 à 1897. Ingénieur E. Muller 31. GUERRAND R.-H. & QUILLIOT R., op. cit. p.42 32. GUERRAND R.-H. & QUILLIOT R., op. cit. p.42 35


Exemples de types de pavillons La Cité de Mulhouse, à l’initiative de J. Dollfus, 1854 à 1897. Ingénieur E. Muller 36


Les pavillons, bien qu’étant l’idéal de toute la population, connaissent quelques problèmes. A Paris, par exemple, la superficie disponible ne permet malheureusement pas la construction à grande échelle et les actionnaires rechignent à participer à de tels projets, pour lesquels le bénéfice reste flou, parfois inexistant. Apparaissent alors deux possibilités : dans un premier cas, la classe ouvrière plus riche, peut se permettre d’habiter dans la banlieue de Paris ou en province, souvent loin des chantiers et des usines. Elle peut se permettre d’habiter dans ces maisonnettes incarnant le rêve de la petite bourgeoisie, ancêtres des lotissements que l’on connait aujourd’hui. Favoriser l’accès des ouvriers à la maison individuelle permet aussi à l’État d’encourager un bon comportement, l’épargne, et d’éloigner toute dépense dangereuse ou futile. Dans le second cas, le reste de la classe ouvrière est obligé de subir la promiscuité des bâtiments communs, mais dans le respect et le bien être en espérant un jour pouvoir s’offrir un logement différent. « Quand le terrain coûte si cher, il n’y a que les millionnaires qui puissent se donner le luxe d’occuper une maison tout entière. (…) Il faut donc renoncer à la théorie des aimables petites maisons de Mulhouse et recommencer à faire des casernes, mais des casernes qui ne seront pas parquées par classes où tous les logements ne seront ni égaux, ni semblables, où il y aura une place pour les petites familles et pour les familles nombreuses, d’où la fantaisie elle-même ne sera pas exclue – on n’en bannira que le luxe – des casernes où nous serons chacun chez nous, ce qui fera une différence. » 33 On revient donc à un habitat plus collectif. Le Familistère de Guise, construit entre 1858 et 1883, une des premières esquisses de l’habitation unitaire, s’inscrit dans le patrimoine français comme 33. J. SIMON in Revue des Cours Littéraires, 7 décembre 1868, pp. 779-780 in TARICAT J. & VILLARS M., op. cit. p.61

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l’un des exemples les plus complets en matière d’idées et d’innovations. Fortement inspiré des idées de C. Fourier et du phalanstère, un archétype utopique du logement social, le bâtiment incite à la rencontre, à l’entre-aide et à la coopération. A cette époque, le personnel en pleine expansion est disséminé dans la région, sans possibilité de nouveaux logements dans la ville. En les rassemblant géographiquement, J.-B. A. Godin, premier producteur européen d’appareils de chauffage, propose d’alléger la fatigue des ouvriers en réduisant la distance des trajets, et d’obtenir ainsi un personnel plus ponctuel, donc un rendement plus important. Sans porter atteinte à la liberté des ses employés, un tel projet lui permet ainsi d’exercer une autorité morale sur ces derniers. Godin achète le terrain en 1858, et les travaux continueront jusqu’en 1877 pour construire les trois pavillons du Palais social et ses dépendances (piscine, théâtre, écoles, etc...). Entre 1882 et 1883, deux autres bâtiments seront construits, mais faute de place, il ne seront pas intégrés à l’ensemble. Cela représente 465 logements pour une surface d’un hectare, permettant de loger jusqu’à 1 800 personnes, avec un coût pour Godin de plus de 2 millions de francs, (un peu plus de 3000 euros). Dans un souci de bien être, il place les bâtiments assez loin de l’usine pour éviter toute nuisance sonore ou olfactive. On retrouve une rue galerie à chaque étage, comme pour la Cité de Napoléon, et des cours intérieures avec verrières pour permettre aux enfants de jouer en toute sécurité. Les circulations sont très larges, aérées, et l’accès aux appartements se fait par des coursives permettant la sécurité incendie, la prévention des agressions ou des accidents... Les appartements comportent deux pièces de quinze à vingt mètres carrés, comprenant la cuisine, mais les familles peuvent demander à annexer plusieurs pièces supplémentaires, grande nouveauté pour l’époque. Ce qui est frappant, c’est que ce système est retravaillé aujourd’hui, comme nous le verrons 38


dans le chapitre IV. L’eau potable est distribuée dans les fontaines et dans les cabinets d’aisance. On récupère l’eau chaude de l’usine pour les bains et la piscine, mais aussi pour laver le linge, dans un bâtiment prévu à cet effet. Godin imagine un système pour les déchets, et est considéré aujourd’hui comme l’inventeur du vide ordure. L’apparition de ce genre d’innovation, mais aussi la possibilité qu’a l’ouvrier d’intégrer une opération de logements propres et bien pensés, invitent l’ouvrier à modifier doucement son mode de vie et ses habitudes pour devenir un homme plus sain, plus «civilisé». Pour toutes les familles un peu perdues quant aux règles de la vie en société, est imprimé un petit « livret rouge du bon locataire », sur base d’autodiscipline et de vie associative, tout cela encouragé par le propriétaire. De nombreuses réunions, fêtes annuelles, sont organisées, permettant de récompenser les plus méritants. Les habitants sont tellement respectueux, dans la peur de se faire remarquer par les autres, que même les naissances d’enfants illégitimes baissent considérablement par rapport à celles du reste de la ville. La preuve de l’avancée colossale de ce projet pour son époque est le fait que malgré les crises, les guerres et les innovation du XXème siècle, le Familistère a prospéré jusqu’en 1968, et est maintenant classé aux monuments historiques, ses appartements vendus et les annexes étant aujourd’hui passées dans le domaine public.

Fête du Travail, proclamation des Lauréats dans la Cour centrale du Familistère de Guise, 1858-1883. Architecte J.-B. Godin 39


Plan des logements et des communs de la partie centrale du Familistère A. Cour intérieure pavée en ciment B. Escaliers allant du sous sol au grenier C. Circulations D. Groupes de logements de deux chambres chacun, permettant de faire des logements de quatre pièces. a. Vestibules des logements b, e. Cabinets dressoirs des logements c, d et f, g Lits Placards compris Cheminées et ventilation E. Deux logements ; un de trois chambre (h,i,j), l’autre de deux (k,l) pouvant faire un cinq pièces F. Deux logements ; un de deux chambres (m,n) l’autre d’une chambre o, pouvant faire un trois pièces G. Logement de deux chambres sans vestibule H. Fontaines I. Cabinets d’aisances p. Vestibules dames q. Vestibules Hommes r, s, t, u. Cuvettes v. Urinoirs au RDC seulement J. Cabinets et trappes aux balayures 40


Coupe transversale de la partie centrale A. Sous sols a. Fondations b, f. Caves c. Corridors des caves d. Drainage général e. Entrées des caves g, h, i. Ventilations B. Cour intérieure j. Entrée des passages, escaliers, fontaines k. Circulations l. Entrées des logements C. Toiture en verre couvrant la cour et les galeries m. chenal des gouttières n. Donjon de ventilation D. Logements o. Porte d’entrée sur le vestibule p. Cabinet dressoir q. Placards r. Portes ménagées dans la maçonnerie permettant de réunir deux logements s. Cheminées et ventilation des logements E. Greniers t. Corridors 41


Dans cet élan arrive l’Exposition Universelle de 1867, qui voit naître plusieurs exemples de logements qui marqueront la typologie du logement ouvrier. Dans un secteur déjà bordé de maisons ouvrières, le comte de Madre fait construire quatre groupes de bâtiments, la Cité du « Comte de Madre ». D’échelle assez importante, tous différents mais reliés par un lavoir, les bâtiments comportent des boutiques en rez-de-chaussée et des cours pour faciliter l’éclairage et l’aération. La nuit, tous les passages sont fermés et les usagers doivent passer devant la conciergerie. Chaque palier dessert quatre logements constitués de deux pièces et d’une cuisine. Bien que ce lieu soit critiqué pour son manque d’air et d’éclairage la nuit, certaines améliorations, comme la pose éphémère, ici encore, d’un vide ordures, sont notoires et font de cette cité un modèle : « Il avait installé une conduite pour permettre à la ménagère d’envoyer du palier de son étage les détritus provenant de la vie journalière dans un réduit spécial placé au rez de chaussée, mais il fut obligé de le supprimer suite à son obstruction fréquente. Un grand nombre de constructeurs ont adopté le système de M. de Madre »34 « Tout y est mesquin, l’air y manque malgré ses promenades et ses cours, les latrines sont mal commodes. »35

34. CACHEUX E., Etat des Habitations Ouvrières à la fin du XIXe siècle, 1891, p.44 35. Rapport des Délégations Ouvrières à l’exposition Universelles de 1867, t.3, p.26 42


A gauche, la Cité du «Comte de Madre» qui a inspiré bien d’autres opérations. Paris, 1863. Architecte A. de Madre 43


On voit se dessiner trois types de cités ouvrières à cette époque. Celles, comme la Cité Napoléon, gérées par des concierges, avec une politique d’autarcie, une seule porte d’accès réglementant les entrées et sorties et un couvre feu à 22h. Celles largement ouvertes le jour avec différentes portes mais fermées la nuit, sous la joute d’un concierge surveillant les entrées et sorties, comme la Cité « du Comte de Madre ». Enfin, les cités formées de maisons distinctes, inspirées des maisons de la petite bourgeoisie, comme la Cité rue de Moret, un groupe de cinq maisons possédant chacune deux petites cours pour l’aération et l’éclairage, et des ateliers vitrés au soussol donnant sur ces dernières. La maison bourgeoise à petit loyers connaît un succès mitigé et la clientèle de l’habitation collective n’est malheureusement pas la clientèle escomptée au début des expérimentations. On ne travaille pas avec la plus grande masse de la population, celle qui est la plus démunie, et le mélange des classes est toujours impossible ce qui empêche le déficit des logements à très bon marché de se combler. « (…) plus on les rendra témoins des prétendus plaisirs des riches, plus on augmentera la distance qui sépare les diverses classes de la société française. Pour nous, il faut résolument créer des maisons spéciales pour loger les travailleurs. »36

36. CACHEUX E., Habitations ouvrières à la fin du XIXe siècle, 1891 p.41 44


La cour intĂŠrieure avec ateliers en contre bas, rue de Moret, Paris 11e, 1865. 45


L’ouvrier est réduit à un état d’être dénué de sens moral et de volonté ; il ne sait pas, ne comprend pas ce que c’est de vivre. Oublié par l’État, cette «enveloppe vide» subit sa condition sans rechigner, se pliant aux contraintes de sa condition qui découle de la pauvreté. Il ira dans le logement qui lui est attribué et devra s’en contenter malgré le manque de place ou de salubrité. Les typologies proposées, souvent des deux pièces estimés suffisants pour «stocker» une famille de quatre, permettent de partir sur de bonnes bases afin de loger cette population pauvre dans de meilleures conditions. Le confort à ce moment de l’Histoire n’est pas encore une tangente à prendre en compte dans la conception architecturale, car le logement ouvrier n’est qu’un outil pour pallier à la crise. On commence à leur apprendre à vivre ; par cela, on entend des bases telles que les rudiments de l’hygiène ou la vie en société. On commence aussi à les faire rêver.

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Vivre dans l’Habitation Bon Marché

L’effondrement du régime politique français annonce une deuxième crise structurelle du capitalisme. Les deux secteurs principaux, la sidérurgie (secteur avancé) et le textile (secteur récessif), se différencient du plus en plus. La bourgeoisie est victorieuse face à la classe ouvrière par deux fois (1848 et 1871). L’apparition de l’école laïque et obligatoire assoit la bourgeoisie comme une classe supérieure, dominante par rapport aux autres. Dans une volonté de transmettre les valeurs et les idéologies de la République, en opposition à celles de l’Empire et de la Monarchie, l’école est le terrain idéal pour former les futurs républicains. Cela impactera sur les enfants d’ouvriers qui ne pourront plus être obligés de travailler avant l’âge 13 ans. Apparaissent alors les premières statistiques permettant de quantifier la pauvreté, qui seront étroitement liées à la naissance d’un mouvement critique. Cette période de changements est propice à une certaine prise de conscience37, ce qui permet aux ouvriers d’élaborer des réponses à leurs conditions de vie : on commence à s’indigner et pour certains, la fin de cette crise du logement ne peut s’obtenir qu’en cessant l’exploitation et l’oppression de la classe populaire par la classe dominante. Apparaissent alors chez eux d’autres besoins que le besoin fondamental d’avoir un toit. On souhaite être logé, mais de façon moins précaire, avec plus d’hygiène, plus de lumière. Cela prouve que les premières opérations visant à assainir le logement ouvrier sont un succès. 37. C’est la période des publications de K. MARX, célèbre pour sa lutte en faveur de la classe ouvrière. 47


Les ouvriers refusent la formule des cités ouvrières, ghettos qu’il serait facile de contrôler à la moindre effervescence. Après plus de vingt ans de recherches, la population des logements bon marché est toujours une classe ouvrière « aisée », qualifiée, avec un emploi stable. Les philanthropes n’ont malheureusement toujours pas réussi à « brasser » les populations comme ils le voulaient, ce qui est un obstacle pour combler les déficits des habitations à très bon marché. En 1888, le mouvement semble lancé. A Paris, le don du banquier M. Heine à la Société Philanthrope relance enfin l’initiative concernant le logement social, stagnant depuis le Second Empire. A Marseille, la Caisse d’épargne s’engage avec la société des habitations salubres et à bon marché de Marseille. E. Rostand, président de la Caisse d’Épargne, comprend rapidement l’enjeu de l’épargne dans le logement social. Il commence par financer 11 maisons rue Saint Lambert, en 1890, conçues par l’architecte C. d’Albert ; puis 40 logements avec eau courante (486 litres par logements par jour). En Juin 1889, le premier congrès international des « habitations ouvrières » définit des règles pour le logement. Un appartement familial doit avoir deux chambres, une cuisine, des WC et un vide ordure. Pour la première fois de l’Histoire, le logement se normalise, devient l’objet d’une réglementation fixant un seuil minimum de salubrité pour pouvoir y vivre. Avec ce seuil, les habitants peuvent enfin prendre conscience de leur situation d’ouvriers mal logés, de leur réel statut social et de leurs manques. L’engagement pour le logement social n’est plus un phénomène isolé et l’habitation sociale trouve son nom : les habitations à bon marché (H.B.M.), acronyme couvrant une plus large couche de la population. Alors que les questions des logements ouvriers sont au cœur du débat, seules quatre sociétés se consacrent à l’édification des HBM : la Société 48


Philanthropique (1780), la Société des Habitations Salubres et à Bon Marché à Marseille (1882), la Société Anonyme Immobilière des Petits Logements à Rouen (1885), la Société Anonyme des Logements Économiques à Lyon (1886). En 25 ans, 28 sociétés de philanthropie seront créées. « Octobre 1885, un administrateur du comptoir d’escompte réunissait des membres de la chambre de commerce, des négociants, des entrepreneurs, pour fonder une Société anonyme immobilière de petits logements : ses actionnaires, déclarant agir pour la « paix sociale », s’interdisaient de toucher des dividendes supérieurs à 4%. »38 (A l’époque, les dividendes versés aux propriétaires s’élevaient à 12%.) Les rapports de l’Exposition de 1889 montrent toujours une grande réticence pour les circulations collectives, les balcons, les lieux de rassemblement, etc... mais certaines voix du Conseil de Paris demandent plus d’ouverture d’esprit. À cette époque, les programmes sont encore de petite dimension, souvent entre 50 et 60 logements de deux ou trois pièces. Le Familistère intéresse, les réussites londoniennes fascinent. Finalement, on n’a toujours pas relogé les familles ouvrières qui habitent dans l’insalubrité la plus totale. On se dirige alors vers une exigence de l’hygiène beaucoup plus poussée. Les architectes hygiénistes imposent leur façon de penser et ont un rôle formateur via leur conception architecturale : on isole de plus en plus les chambres de la pièce commune, permettant l’isolement d’un malade, les pièces sont réagencées pour la ventilation et la lumière, et pour la première fois, dans des plans des HBM, apparaissent les vestibules (aujourd’hui les entrées si importantes dans nos logements) qui servent, entre autre, de vestiaires pour les invités. Ce cloisonnement est très important car il permet plus d’intimité pour les membres de la cellule familiale, que ce soit entre 38. GUERRAND R.-H. & QUILLIOT R., op. cit. p.50 49


eux, permettant à un désir d’individualisation de naître, mais aussi envers autrui. On peut maintenant masquer certains éléments de la vie privée. La surface de la cuisine, immense, ayant servi jusqu’à maintenant de chambre à coucher, de salle à manger et de cuisine avec le fourneau, diminue. La chambre, où le lit est caché en journée grâce à un rideau, devient le salon, un espace pour discuter, échanger des idées. L’architecte concentre son inventivité sur l’intérieur des logements et la recherche d’une réelle identité pour le logement ouvrier : « Nos logements ont été traités comme des appartements ; nous les avons peints, décorés de notre mieux, considérant qu’il fallait rendre le logis agréable à ceux qui l’habitent. Nous voulions le faire aimer. Aimer son chez soi, aimer sa famille, ce sont deux sentiments qui vont de pair. »39 L’association privée, la Société Française d’Habitations à Bon Marché, est créée juste après l’Exposition Universelle de 1889 afin d’encourager la construction de maisons salubres par les particuliers, les industriels ou les sociétés locales. Elle tient une place décisive dans l’évolution du modèle du HBM en France en organisant de nombreux concours, bouleversant peu à peu les idées reçues à propos du logement. Ce sera le retour des grands programmes alliant mixité et indépendance. On revient petit à petit aux grandes idées de la Cité Napoléon. Un des concours de cette association comprend un programme d’une envergure inhabituelle : lancé en 1890, il est question de faire cohabiter ouvriers et employés, ménages et célibataires, locataires et propriétaires sur un terrain d’un hectare à Saint Denis, dans plusieurs types de bâtiments. G. Guyon est lauréat du concours avec sa proposition « La Ruche ». Dans sa 39. A. VAILLANT, A propos des logements bon marché, 1889, p.44 in TARICAT J. & VILLARS M., op. cit. p.60 50


proposition, l’ouvrier peut évoluer sur le terrain sans changer de quartier, de l’appartement modeste de la maison collective au petit pavillon dont il devient propriétaire : ce projet combine les deux façons de vivre. « à droite, au centre, du côté de l’entrée et à gauche ont été élevés 24 petites maisons familiales de types A,B et C... dans le fond du terrain ont été élevés deux bâtiments à étage type D et, en face de ceux-ci, un troisième bâtiment à étage mais plus important de type E. Ces bâtiments, D et E, sont destinés à recevoir plusieurs locataires par étage sont élevés sur cave et rez-de-chaussée de trois étages carrés et d’un grenier perdu. »40

Groupe d’habitation la Ruche, St Denis, 1891. Architectes Guyon et Picard 40. C. LUCAS Habitations Ouvrières en France et à l’Étranger, 2eme édition p.163 in TARICAT J. & VILLARS M., op. cit. p.60 51


Différents types d’habitations du Groupe la Ruche, St Denis, 1891. Architectes Guyon et Picard 52


Cette nouvelle petite bourgeoisie, dont l’idéologie est maintenant bien structurée, avance dans un désir d’ascension sociale. C’est ainsi que se développent de nouveaux thèmes via les journaux et l’école : la réussite sociale par le travail, la discipline de la vie collective, l’épargne... La situation du logement social reste catastrophique (par exemple, les garnis ou les locations meublées douteuses) et il arrive que le propriétaire se désintéresse complètement de son bâtiment et laisse à un locataire principal le soin de gérer les liens avec les habitants de la classe sociale la plus en marge. Le 5 mars 1892, devant une Chambre presque entièrement composée de « bourgeois » (8/573 appartiennent à la classe ouvrière), J. Siegfried et G. Picot déposent un projet de loi visant à défendre le logement ouvrier. Deux ans plus tard, la loi du 30 novembre 1894 peut être considérée comme la base de toutes les lois concernant le logement social. La loi exonère le propriétaire de certains impôts et convient d’une assurance vie pour la famille. Malheureusement, entre 1850 et 1902, l’évolution est lente et la situation stagnante agace, surtout quand on la compare aux pays voisins ; on ne compte en France qu’une centaine de sociétés à l’origine de 1 400 HBM grâce à la loi Siegfried contre 500 sociétés en Allemagne. En Belgique, George Picot déplore « A côté des cinq millions, la Caisse d’épargne et de retraite de nos voisins en a prêté plus de cinquante aux constructeurs de son pays. Un pays six fois moins peuplé que nous a accompli une œuvre dix fois plus importante ! »41 « Il pourra être établi dans chaque département, un ou plusieurs comités d’habitations bon marché. Ces comités ont pour mission d’encourager la construction de maisons salubres et à bon marché, soit par des particuliers ou des sociétés, en vue de les louer ou de les vendre à échéances fixes ou par payements fractionnés à des personnes n’étant propriétaires d’aucune maison, notamment à des ouvriers ou employés vivant prin41. G. Picot in GUERRAND R.-H. & QUILLIOT R., op. cit. p.64 53


cipalement de leur travail ou de leur salaire, soit par les intéressés eux même pour leur usage personnel. » « Ils peuvent recevoir les subventions de l’État, des départements et des communes » « Ils peuvent faire des enquêtes, ouvrir des concours d’architecture... »42 Une enquête sur les conditions de logements des français réalisée en 1906 révélera que celles-ci restent insupportables : en effet, on s’aperçoit qu’à Concarneau, 60% de la population vit dans un logis d’une seule pièce, 42% à Brest ; à Bordeaux, 743 logements d’une pièce n’ont pas de fenêtre, à Toulouse 423. Et enfin à Paris, 1419 locaux visités sont sans fenêtre ou de dimensions insuffisantes et impossibles à améliorer mais cependant habités. La loi Strauss du 12 Avril 1906 modifiera et complétera celle de 1894, rendant obligatoires les comités de patronage des HBM dans chaque département43, réservant le logement aux salariés peu fortunés. Elle sera suivie par la loi Ribot, le 10 avril 1908, qui donnera naissance aux sociétés de crédits immobiliers par l’octroi de prêts destinés à la construction de logements individuels, ce qui favorisera l’accession des familles ouvrières à la propriété. Au début du XXème siècle, on perçoit une volonté de stabilité dans cette classe sociale qui avait toujours été vouée aux déménagements incessants dus aux hausses de loyers et aux menaces d’expulsions. Un vent de rébellion flotte dans les airs, certains ouvriers

42. Article 1, Loi du 30 Novembre 1894 relative aux Habitations Bon Marché 43. Seulement 52 sur 90 des départements en avaient jusqu’ici, GUERRAND R.H. & QUILLIOT R., op. cit. p.65 54


refusent d’être expulsés et de payer « M. Vautour »44, le surnom donné aux propriétaires. Etre locataire à l’époque n’est pas un statut soumis à une législation et des codes, comme l’est la location aujourd’hui, mais c’est vivre dans une angoisse permanente qui ne permet pas de s’épanouir dans son logement, ni de s’y installer. On ne peut pas encore s’approprier son logement car la temporalité, donnée nécessaire de l’équation amenant à ce processus, est incertaine. Il est difficile d’investir un lieu d’où l’on risque d’être expulsé du jour au lendemain. « Se loger, c’est se plier aux exigences du « rapace » et de son concierge. Au loyer s’ajoute le « denier de Dieu » - une somme donnée au concierge par un nouveau locataire lorsqu’il prend possession des lieux. Les enfants sont indésirables. Se loger, c’est se soumettre aux menaces d’expulsion et voir son maigre mobilier, c’est à dire tout son bien, saisi. »45 Des familles commencent à s’éloigner de Paris, attirées par les pavillons ou par des logements moins chers, en suivant un schéma bien connu de la capitale aujourd’hui. Parmi les grandes fondations parisiennes, le « Groupe des Maisons Ouvrières », dans lequel se retrouve une partie du conseil administratif du projet de « La Ruche », revient peu à peu à des recherches concernant les grands projets autarciques ayant échoué auparavant, avec le but de créer un compromis avec les modèles validés lors des expositions universelles. Ce groupe est l’un des premiers à dresser la liste des différentes utilisations possibles des espaces d’un logement, en fonction de l’usager et de son passé (familles nombreuses, habitants venant d’un taudis, d’un hôtel de 44. Surnommé ainsi car ce dernier avait tous les droits sur ses locataires à l’époque et se permettait souvent de leur extorquer de l’argent. 45. GUERRAND R.-H. & QUILLIOT R., op. cit. p.100 55


célibataires,...). L’architecte du groupe, A. Labussière, sera d’ailleurs nommé architecte voyer de la Ville de Paris en 1916, chargé des habitations bon marché. L’aggravation de la crise du logement pousse ces recherches à s’ouvrir à plus de classes sociales, donc à des mentalités et habitudes différentes. L’immeuble 5-7 rue Jeanne D’arc, à Paris, est la première réalisation de ce groupe, témoin d’une volonté de faire cohabiter la petite bourgeoisie individualiste en préservant les traditions collectives. De nouveaux équipements sont intégrés, forts des expériences ratées, comme une bibliothèque, des remises pour les bicyclettes, les voitures des enfants, mais aussi des buanderies avec séchoirs, des ateliers ou des espaces couverts pour les enfants. En somme, des équipements que l’on retrouve encore aujourd’hui dans les logements sociaux et que l’on nous encourage à travailler dans nos projets, durant nos études. On travaille les distributions des logements, plus individuelles qu’auparavant, afin de mieux isoler les différents logements et encourager l’harmonie : « Aux étages sont également deux sortes de logements : les uns de trois pièces, dont une salle à manger et deux salles à coucher, antichambre, cuisine et water closet ; les autres de deux pièces (salle à manger et chambre), antichambre, cuisine et water-closet. Chaque corps de bâtiment étant desservi par deux escaliers, chaque palier ne donne accès qu’à deux logements. »46

Façade des services généraux, 5 rue Jeanne d’Arc, Paris 13e, 1900. Architecte G.Guyon 46. C. LUCAS, Habitations Ouvrières en France et à l’Étranger, 2eme édition p.150 in TARICAT J. & VILLARS M., op. cit. p.60 56


L’immeuble 5-7 rue Jeanne d’Arc, Paris 13e, 1900. Architecte G.Guyon 57


On peut citer également d’autres réalisations, comme l’hôtel pour célibataires, Rue de Charonne construit par A. Labrussière, un immeuble où les logements sont plus ou moins temporaires, accueillant des célibataires, mais bien différents des garnis connus à cette époque où le célibat devenait de plus en plus important.

L’hôtel pour célibataire de 743 chambres, rue de Charonne, Paris 11e, 1910. Architecte A. Labussière

Dans l’immeuble rue de la Saida, les 60 logements habités depuis 1913, répartis sur six pavillons de cinq étages, sont reliés par une circulation verticale ouverte sur l’extérieur. L’immeuble, en béton armé et en brique, est doté d’un toit terrasse non accessible. Les appartements ont une surface de 56m2 avec cuisine/salle à manger avec eau courante, trois chambres dont une grande, parentale, des toilettes, le tout sous 2,8m de plafond, triplement orienté et avec balcon particulier. Sur une parcelle libre à été implanté un pavillon pour les personnes âgées et les veufs, composé de 14 logements, chacun d’eux comprenant une grande pièce donnant sur la cour commune, une petite cuisine et un débarras.

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Plan RDC et plan d’un logement de quatre pièces avec entrée L’immeuble de la rue Saïda, Paris 15e, 1913, Architecte A. Labussière 59


Circulation verticale extérieure L’immeuble de la rue Saïda, Paris 15e, 1913, Architecte A. Labussière 60


* Les réalisations de la Fondation Rothschild, créée en 1904, sont sans doute l’ultime étape dans la genèse d’un modèle qui sera étendu par la suite par les Architectes de Paris et l’Office d’Habitations Bon Marché ; ceux-ci se basent sur l’hygiène, le confort, l’exemplarité et la communauté, sans pour autant faire crouler les locataires sous les règlements, donnant ainsi aux habitants plus de liberté et de libre arbitre. Les logements spacieux appellent à la décoration, à l’ameublement et donc à la personnalisation des logements. Une appropriation à proprement parlé est maintenant possible, confortant l’homme dans sa condition d’être unique. Les couloirs sont définitivement supprimés, les escaliers sont lumineux et extérieurs pour plus d’hygiène, et pensés comme un prolongement de la voie publique afin de donner l’impression d’un chez soi individuel : « On peut aller plus loin et concevoir d’autres dépendances qui compléteraient la maison et resserreraient les liens entre ses locataires telles que : 1. Une société coopérative de consommation, où ils pourraient faire au comptant leurs provisions de ménage et dont les boni annuels (…) serviraient à doter leur budget de prévoyance, par exemple à leur constituer une pension de retraite. 2. Une société de secours mutuels, qui les assurerait contre la maladie et la vieillesse et dont les cotisations seraient payées par les boni coopératifs. 3. Une salle de réunion et de conférence avec bibliothèque... » 47 Le concours de 1905 de la Fondation Rothschild, traitant un terrain de 5600m2 de la rue de Prague dans le XIIème arrondissement rassemble 127 projets et attire énormément de public. Les requêtes pour le concours sont d’éviter les couloirs, de varier les types de lo47. E. CHEYSSON Le Confort du Logement Populaire, p.16 61


gements et d’y intégrer des équipements. Pendant l’exposition du 3 avril 1905, on peut voir les recherches des participants concernant les directions des vents pour l’aération, l’utilisation de la cuisine, assez grande pour y manger, ou le souhait de traiter la cour, de préférence ouverte, comme poumon du logement mais aussi comme espace extérieur, avec le désir d’y jardiner ou d’y jouer. De grandes idées se dégagent de ces projets, et ces dernières seront ensuite reprises dans les logements futurs.

Plan du RDC de l’opération et plan R+1 d’un des bâtiments L’immeuble rue de Prague, Paris 12e, concours de 1905 organisé par la Fondation Rothschild et construit en 1909. Architecte Provensal 62


L’immeuble construit à l’issue de ce concours fait partie d’un groupe de maisons collectives également construit sur d’autres rues et qui comprend 321 logements et 36 ateliers avec installation de la lumière électrique, mais aussi de prises pour les machines à coudre par exemple, vide ordures, WC individuels ventilés, monte charge pour les ateliers... Une cuisine « ménagère », ouverte aussi aux personnes extérieures à l’immeuble, permet aux ménagères d’acheter des plats sains déjà préparés à des prix modéré et est adjacente à une école de cuisine et d’enseignements ménagers ; des bains douches et une garderie (accueillant 20 à 30 enfants par jour et permettant d’inculquer les bonnes habitudes de l’hygiène), une école de garde (après la garderie) qui serait ce que l’on considère comme l’aide aux devoirs aujourd’hui avec en plus des activités pour les filles ( couture, repassage, cuisine...) et pour les garçons (dessin, jardinage, découpe du bois...), des cours pour adultes (concernant l’hygiène, la puériculture, l’économie domestique...) et un dispensaire sont aussi inaugurés en 1910.

Intérieurs ouvriers à Paris, 1910 63


En 1913, un concours permet d’instaurer deux types de logements, qui seront appelés type ‘Henri Becque, une cité de transit entre le taudis et le HBM, et type ‘Émile Zola’, une HBM normale, en référence aux noms des terrains des opérations. Ces logements abandonnent complètement les références à l’habitation bourgeoise mais devront allier recherches, harmonie et esthétique en respectant un budget. On commence à normaliser le HBM, à travailler le plan type pour qu’il puisse répondre à une demande de masse. On est encore bien loin d’un réel confort, mais les efforts fournis dans les équipements, la conception de l’espace et les partie communes compensent ce manque. Le parcellaire s’agrandit, et les alignements sont moins importants, permettant de faire des opérations plus importantes. Cette normalisation du logement permet un gain de temps et d’argent dans les grandes opérations. « (…) il nous a paru indispensable de préparer l’exécution de 2 types d’immeubles : l’un, le type courant, ayant un aménagement moyen et comportant des logements de 5 pièces (10% du nombre des logements), 4 pièces (35%), 3 pièces (40%) et 2 pièces (10%) avec water-closet, eau et gaz et d’une chambre et une petite cuisine (5%). L’autre, plus sommaire quoi que parfaitement salubre et de construction robuste, mais présentant des logements dont le prix, ne dépassant pas 275F puisse être accessible aux familles les moins fortunées. »48

48. Conseil Municipal de Paris, Rapport au nom de la Commission des habitations à bon marché, 1912, p.178 in GUERRAND R.-H. & QUILLIOT R., op. cit. p.17 64


Habiter l’Habitation à Loyer Modéré Après la Première Guerre Mondiale, on assiste à une « redistribution des cartes » entre les puissances. Le capitalisme se développe, dans de nouveaux secteurs tels que l’automobile, le pétrole, etc... En matière de logements, une mesure prise pendant la guerre pour protéger les femmes et les enfants est maintenue pendant la période de l’entre deux guerres : le blocage des loyers. Bien que très utile pendant la guerre, ce blocage paralyse un bon nombre de propriétaires et de constructeurs, qui ne se retrouvent plus dans leurs frais et refusent d’investir dans de nouveaux logements, ou même de réhabiliter les logements déjà existants. La population française, ayant pourtant connu une perte d’environ 2 millions d’habitants pendant la guerre, se retrouve de nouveau face à une pénurie de logements. A. Levasseur, député républicain socialiste, fait appel aux collectivités durant le congrès international d’urbanisme de Strasbourg : « Le fait devant lequel nous nous trouvons, c’est que la construction privée s’est arrêtée, en ce qui concerne les petits et moyens logements surtout. Les causes en sont multiples. Les propriétaires, éprouvés momentanément par la guerre (…), ont été dérangés de leur quiétude traditionnelle et restent défiants en l’avenir (…). Aussi apparaît-il que c’est aux collectivités qu’incombe aujourd’hui le devoir de parer à la carence des propriétaires. Les collectivités seules peuvent disposer de larges crédits nécessaires à la réalisation de grands projets standardisés. Elles doivent construire pour trois sortes d’habitants : la population ouvrière, la population moyenne, la population aisée. La population ouvrière dois être servie la première car c’est la plus mal logée. (…) Le loyer sera établi en tenant compte du prix de revient avec participation de l’État. (…) Mais pour les logements ouvriers nous entendons non seulement des logements 65


hygiéniques, mais confortables, munis du chauffage central et de salles de bain (…) La propreté corporelle est indispensable à la santé et donne en même temps plus de dignité et de conscience au travailleur. » 49 En juillet 1923, le concours, organisé par labussière et l’Office parisien, permet de désigner quatre architectes qui travailleront sur quatre types de logements : le type ‘Emile Zola’, le type ‘Henri Becque’, l’appartement à bon marché de type intermédiaire et l’appartement à loyer moyen. On choisit des matériaux plus résistants, économiques, faciles à nettoyer (comme par exemple : mosaïque de grès cassé pour les sols et enduit de ciment badigeonné à la chaux pour murs et plafonds). L’architecture accompagne l’homme jusqu’à la richesse relative que le travailleur peut atteindre au fil du temps et favorise la réussite sociale. La loi Loucheur donnera l’occasion à ces modèles de se déployer sur toute la ceinture parisienne.

Les 11 premiers programmes de la ville de Paris

49. A. LEVASSEUR, rapport au congrès international d’urbanisme, Strasbourg, 1923 p.38 in HOUDEVILLE L., Pour une Civilisation de l’Habitat, p. 53 66


Les quatre types d’appartements définis par l’Office d’habitations de la Ville de Paris

On peut citer d’autres réalisations à Paris, découlant de ces types comme l’immeuble de la rue Boyer s’inspirant du type Becque, ou celui de la rue de Fécamps pour les locataires un peut plus aisés. Les logements intermédiaires comportent maintenant des cabinets indépendants avec lavabo, et d’une surface permettant l’installation de baignoires. Ceux à loyers moyens, pour une population plus aisée, sont de plus grande taille, avec un lieu de ‘réception’ plus large, le vestibule, un salon et une salle à manger qui peuvent être séparés ainsi qu’une porte dans la cuisine donnant sur le palier. 67


L’immeuble rue Boyer, Paris 20e,1913. Architectes Berry et Malot 68


Plans des HBM rue Boyer, Paris 20e,1913. Architectes Berry et Malot

605 logements, 43 Rue de FÊcamps, Paris 12e 1922. Office d’habitations de la Ville de Paris 69


Le 28 juin 1928, la Loi Loucheur, proposée par le fils d’architecte et homme politique philanthrope L. Loucheur, engage à construire 500 000 logements en dix ans, financés d’une part par des organismes de HBM et d’autre part par l’État qui s’engage à prendre en charge la moitié du coût des intérêts. Face au refus du gouvernement, seuls 260 000 logements seront construits en cinq ans. Cette loi se propose de développer la loi Ribot, et « d’offrir un logement aux personnes peu fortunées et notamment les travailleurs vivant principalement de leur salaire » 50. Le concept de logement social se précise. Adoptée, cette loi permet également des taux de prêts à 2,5% par les sociétés de crédit immobilier, et de continuer de percevoir, pour certains, des subventions pour les familles nombreuses, ou les invalides et pensionnés. Parmi ces 260 000 logements, tous ne sont pas destinés à l’accession. En effet, 18 000 HBM et 20 000 appartements à « loyers moyens » se seraient construits à Paris entre 1929 et 1933.

Catalogue de modèles de maison «loi Loucheur», 1929 50. GUERRAND R.-H. & QUILLIOT R., op. cit. p.91 70


Dans ce climat de crise économique, le programme Loucheur presque rempli, la question de la construction du logement reste en suspens et s’efface, masquée par une crise démographique et la stagnation de la population. La construction des bâtiments, malgré la loi Loucheur, s’effondre en 1933 : « L’indice de la production bâtiment (base 100 en 1913) passe de 82 en 1933 à 51 en octobre 1934. Parallèlement, le prix des matériaux accuse une hausse sensible nettement plus importante que celle de l’indice général du coût de la vie. »51 Les subventions, puis le système, sont mis de coté, créant des retards ou même des impossibilités de paiements de plus en plus courantes. L’Union Nationale des fédérations d’organismes d’HBM (créée en 1925) proteste contre cette mise en sommeil d’une loi qui était à reconduire. Mais en 1938, la loi Loucheur est définitivement suspendue, le ministre des finances se braquant contre toute contribution de l’état quant au financement de programmes autres que ceux indispensables à la Défense nationale. Malgré tout, cette loi permet de voir fleurir la fameuse « ceinture rose », immeubles édifiés à l’emplacement des fortifications de Thiers datant de 1845, que l’Armée a vendu à la ville après la Première Guerre Mondiale. Leur destruction en 1919 permet la construction de 12 106 logements HBM, 9 836 à loyers modérés et 2 957 HBM améliorées.52. Malgré cela, à Paris, la demande de logements passe de 65 138 en 1925 à 153 325 en 193653, provenant de familles nombreuses de la classe ouvrière, s’entassant souvent dans une pièce. Les îlots insalubres passent de six à seize accueillant plus de 150 000 personnes et les actions s’y opposant ne restent 51. GUERRAND R.-H. & QUILLIOT R., op. cit. p.32 52. GUERRAND R.-H. & QUILLIOT R., op. cit. p.95 53. GUERRAND R.-H. & QUILLIOT R., op. cit. p.96 71


qu’à l’état de réunions et brochures.

La mixité par contiguïté sur la ceinture de Paris, segment type, 1937 ILM : Immeuble à Loyer Modéré, HBM : Habitation a Bon Marché, EQ : Equipements, TV : Terrain à Vendre.

En 1937, les assistantes sociales effectueront 20 537 visites à domicile54 afin de contrôler les familles avant l’attribution de logements. Un peu partout, des réunions s’organisent certains soirs et les week-ends, afin de discuter de manière pacifique les problèmes de logements, tels que le loyer, la sécurité, etc... Les locataires se syndiquent de plus en plus et ce depuis le début du siècle avec l’Union Confédérale des Locataires par exemple. On revendique un chez soi, la sécurité d’un foyer, sans cette épée de Damoclès qu’est l’expulsion. On se bat aussi pour l’hygiène et la remise à neuf du logement. On s’aperçoit de plus en plus du poids de la classe ouvrière 54. GUERRAND R.-H. & QUILLIOT R., op. cit. p.104 72


faisant frémir la bourgeoisie. Les crises politiques et les incapacités du gouvernement forcent à l’union. La constitution du Front Populaire peu avant 36 et la réunification de la Confédération Générale du Travail (CGT) montreront bien la volonté de la classe ouvrière de lutter contre les injustices. A la veille de la Seconde Guerre Mondiale, il existe maintenant 1 581 organismes d’Habitation Bon Marché. La Seconde Guerre Mondiale permettra cependant de partir sur de nouvelles bases suite aux nombreuses destructions des logements et équipements (400 000 logements détruits et 1 500 000 endommagés). La classe ouvrière en sort grandie. Le baby boom d’après guerre sera le « phénomène de fixation de nouveaux comportements de consommation »55. 1939 : la France entre une nouvelle fois en guerre. Le niveau de vie inchangé entre 1918 et 1939, époque de transition entre le capitalisme du XIXe et le capitalisme dit « moderne », se détériore jusque dans les années 50. Après 1945, environ 1/5 du patrimoine est à reconstituer. Aucune organisation ne semble se préoccuper de cette nouvelle crise du logement, et semble plutôt se tourner vers l’idée de logements industrialisés. Le mouvement moderniste regroupé dans la Charte d’Athènes prône l’assainissement, l’embellissement et l’ordre dans les milieux urbains. C.-E. Jeanneret, dit Le Corbusier, qui avait fait polémique en prônant un urbanisme défait de toute Histoire ou tradition, est alors appelé pour plusieurs projets, souvent financés par des groupements de sinistrés à reloger. Certains de ces projets ont été annulés ou remis en question car leurs concepts étaient trop difficiles à accepter pour l’époque. Il faut savoir que les toits plats ou les fenêtres bandeaux représentent une nouveauté extrêmement différente des habitations aux pans de toits de l’époque. L’Unité d’Habitation de Marseille, elle, est encore 55. GUERRAND R.-H. & QUILLIOT R., op. cit. p.33 73


aujourd’hui un projet phare, symbole de confort et de modernité, bien que dénoncée pour ses logements trop luxueux, (gaz et électricité à chaque étage, salles de bains, chauffage individuel...). Celle de Rezé sera beaucoup mieux acceptée et grâce à une coopérative HLM, une véritable entente et une compréhension se lient entre l’habitant et le maître d’ouvrage, phénomène assez rare pour être cité. Un nouveau courant architectural se dessine. L’humain devient le noyau de l’architecture, la justification de sa conception. Maintenant que l’ouvrier sait «vivre» en société, il est temps pour lui de se moderniser.

La cuisine dans une unité d’habitation de la Cité Radieuse de Marseille conçue par C.Perriand et A.Wogensky. Des ouvertures permettaient la livraison de pain et de lait directement par l’extérieur du logement et la place de la femme y est réaffirmée. Elle peut recevoir ses invités tout en participant à l’événement, 1952. Architecte Le Corbusier 74


Un duplex ascendant de la Cité Radieuse de Marseille. Au fond, la cuisine et l’entrée, et à l’étage, la chambre principale, 1952. Architecte Le Corbusier

La loi du 1er Septembre 1948 permet de déterminer un loyer en fonction de la rentabilité du capital investi, de la nécessité de l’entretien, des frais de gestion, etc... Jusqu’ici, la baisse de loyer avait été tellement importante qu’il ne restait plus de budget pour les améliorations ou réparations et les logements retournaient vers l’insalubrité tellement combattue 50 ans plus tôt. Le logement doit retrouver sa place dans les budgets familiaux. Malgré tout, la situation de certaines famille nécessite des aides, tout en préservant une part du budget au loyer. En somme, toute famille a le droit au logement, avec aide ou non de l’État, mais ces aides ne doivent en rien remplacer complètement la participation de l’habitant. La politique des grands ensembles, quartiers de logements et équipements collectifs, voit le jour. Le gouvernement fixe les normes 75


de surfaces HBM en 1949 ainsi qu’un système de prêts spéciaux du Crédit Foncier de France. C’est le début de ce qui s’appellera l’« aide à la pierre ». La construction est maintenant aidée par l’État. Malgré cela et les nombreux chantiers de la Reconstruction, la crise s’aggrave. En effet, la population rurale continue d’affluer en ville et le morcellement du parcellaire, qui accueille encore la petite et la moyenne bourgeoisie empêche l’État de racheter des terrains et d’urbaniser les villes. Une grande entraide se met alors en place. Un bon nombre de logements vacants est alors occupé par des familles dans le besoin, placées par des mouvements le plus souvent catholiques. Certaines de ces occupations ne débouchent non pas sur des amendes ou de la prison, mais sur des accords avec les propriétaires, donnant naissance aux premiers accords collectifs de location... Cette technique de l’urgence permet donc de sensibiliser une population, mais aussi aux « Castors » de voir le jour. Ces « Castors » utilisent leur propres ressourcent pour construire, ils sont maçons, plombiers, charpentiers... et travaillent le week-end pour les plus démunis, utilisant des prêts divers... Ils construisent des logements plus grands, avec des équipements collectifs tels que des ateliers de bricolage pour les habitants, des laveries collectives, et salles de jeux... dans des matériaux parfois novateurs.

Une opération «Castors» à la cité des Abeilles, Quimper en 1954 76


En 1950, le sigle HBM, synonyme de mauvaise qualité devient HLM, Habitations à Loyers Modérés. L’État s’investit de plus en plus dans des projets sur le long terme, adoptant plusieurs textes de loi concernant l’investissement obligatoire des entreprises de plus de 10 salariés dans la construction, des nouveaux taux de prêts, mais aussi des lois sur la réglementation technique permettant d’accélérer l’industrialisation et d’améliorer le confort des logements en installant l’eau courante, l’électricité et les salles de bain privatives dans les années 60... Ces textes permettent aux logements sociaux de se développer, malgré les difficultés de l’État à s’engager massivement à cause de la Guerre d’Indochine. Il s’agit aussi de protéger l’habitant et de le rassurer afin que l’incertitude liée au logement laisse place au plaisir d’avoir un «chez soi». Le projet d’E.Beaudouin, gagnant d’un des concours en 1951, bouleverse complètement les idées d’implantations validées jusqu’ici. En effet, ses bâtiments ne sont plus au milieu de la parcelle, mais s’intègrent dans sa forme irrégulière et en suivent les bords, laissant ainsi un espace naturel au centre pour les habitants et les équipements collectifs, repoussant la voiture à l’extérieur de la parcelle ; cela deviendra le premier prototype du grand ensemble montrant l’industrialisation au service de la Nature et de l’hygiène.

Maquette de la Cité de Rotterdam, Strasbourg, 1951. Architecte E. Beaudouin 77


On change sa façon d’habiter : cela dépasse maintenant le cadre strict du besoin du logement, on cherche à s’approprier les espaces alentours. En entrant dans la période des « Trente Glorieuses », ces grands ensembles se généralisent. Le rôle est pourtant inchangé : le but est de permettre l’insertion des populations disposant de ressources modestes dans la vie sociale et professionnelle. Toujours dans l’idée de diminuer les coûts et les délais, le MRU, Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme, lance des concours faisant appel à des équipes comprenant architectes, ingénieurs et entreprises tout en respectant des normes. C’est lors de ces concours, et surtout dans la phase constructive, que l’on expérimente le plus, surtout au niveau des matériaux et des procédés de construction. A cette époque apparaît par exemple le procédé Camus. Breveté en 1948, et expérimenté au Havre en 1951, il est repris et transformé par J. Dubuisson et permet de travailler par refends perpendiculaires aux façades, ce qui libère ces dernières de tout élément porteur. La volonté d’aérer le logement pour éviter les maladies évolue pour devenir la satisfaction d’une belle vue sur l’extérieur, d’une orientation réfléchie. Dubuisson est également à l’origine des coffrages tunnels, permettant de couler dalles et planchers en une fois. On parle maintenant de « chemin de grue », la voie ferrée permettant de déplacer la grue sur le chantier en construisant des immeubles rectilignes, dans un gain de temps, de manutention et de productivité. En 1950, 70 000 logements sont réalisés, 30 000 en reconstruction, 12 000 HLM, 29 000 non aidés. En 1953, ce ne sont pas moins de 115 000 logements réalisés, 40 000 en reconstruction , 20 000 HLM, 35 000 « privés » et 20 000 non aidés. 56 On en oublierait presque que la demande est encore bien présente et que le fossé se creuse de plus en plus entre certaines classes 56. GUERRAND R.-H. & QUILLIOT R., op. cit. p. p. 121 78


sociales. Suite à la mort de deux personnes à cause du froid en 1954 – un jeune enfant dans un abri de l’Abbé Pierre et une femme récemment expulsée - l’État et le pays tout entier seront brutalement remis face à l’ampleur de la crise du logement. Le 1er Février 1954, l’appel lancé par l’Abbé Pierre mobilise les masses. En plus des squats, des collectes et des manifestations dans les rues sont organisées, les médias jouant un rôle important pour relayer l’information à travers le pays. Le logement devient un sujet de préoccupation, et c’est maintenant l’État qui lance des concours nationaux en complément de ceux lancés par les fondations. Des cités d’urgences sont érigées en quelques mois, et bien que la majorité d’entre elles deviennent des ghettos ou des logements bien trop chers à l’entretien, l’effort est notoire. En 1955, on passe à 50 000 logements HLM et les objectifs fixés par le Plan Courant57 sont atteints en 1956 avec 240 000 par an.58 La pénurie est encore bien présente et les HLM représentent donc le rêve pour une grande partie de la population. * En 1957, le Front républicain fait voter la « loi-cadre construc57 . Voté le 27 mars 1953 par l’Assemblée nationale, le plan Courant tient son nom du ministre de la Reconstruction, Pierre Courant, ancien maire du Havre. Il entre en vigueur le 16 avril avec le but de favoriser l’édification rapide et massive de logements nouveaux. «Des avantages spéciaux étaient ainsi accordés aux acquéreurs de terrains qui s’engageaient à y aménager des locaux d’habitation répondant à des plans-types, pouvant être revendus ou loués pour des sommes peu élevées. Ils bénéficiaient de primes substantielles pendant 20 ans.» (http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/celebrations2003/hlm.htm) 58. GUERRAND R.-H. & QUILLIOT R., op. cit. p. p.129 79


tion » qui englobe la construction de logements et d’équipements collectifs, mais aussi le relèvement de l’allocation pour personnes âgées et familles à faibles revenus. Cette loi permet aussi d’aborder le terme de ZUP (Zone à Urbaniser en Priorité), qui sera mis en place en 1958. Très vite, les ZUP seront programmées par tranches de 500 à 4000 logements, les grands chantiers seront favorisés pour permettre une organisation du travail plus aisée et la production en série. Petit à petit s’opère une normalisation des grands ensembles. On utilise des plans types de logements, tous similaires, soit, mais des logements confortables avec eau chaude, eau froide, salle de bain, ascenseur, vide ordure, rangements, WC individuels, et où le téléphone et la télévision auront bientôt leur place. Ces grands ensembles sont applaudis, preuve d’une nouvelle France urbaine, qui était jusqu’ici très en retard sur ses voisins. La taille standard des HLM change, passant de 53m2 pour un T4 en 1953 à 73m2 en 197259 (des normes toujours en vigueur aujourd’hui). La crise durera de 1954 à 1962, la France voyant sa population passer de 25,5 millions à 31,3 millions avec le Baby-boom et les rapatriés des anciennes colonies. De 58 à 74, on passe de 291 000 à 514 000 logements permettant à peu près de pallier à cette demande en masse.60 La difficulté est qu’il s’agit maintenant de répondre à la demande au niveau qualitatif, et non plus seulement quantitatif. C’est aussi l’époque des abus les plus malhonnêtes concernant la construction (chantiers abandonnés, arnaques, logements non conformes aux attentes...). Jusqu’ici, les HLM ne profitent qu’aux

59. GUERRAND R.-H. & QUILLIOT R., op. cit. p. p.137 60. GUERRAND R.-H. & QUILLIOT R., op. cit. p. p134 80


cadres supérieurs (23% des locataires de HLM61 en font partie!) alors que non destinées à cette classe. « La bourgeoisie ne loge pas les travailleurs, elle les stocke »62. En réponse à tout cela, la législation se modernise et les lois se précisent, les contrats exigeant de fournir des biens terminés, des garanties de prix et de qualité. En 1972, par exemple, sera créé le plan de construction et le club Habitat et vie sociale, visant à la réhabilitation des HLM, ancêtre du « développement social des quartiers » (DSQ) qui sera adopté 10 ans plus tard. Il permettra de diminuer la discrimination en décloisonnant les quartiers sensibles et en s’attaquant à la mauvaise qualité des logements HLM mais aussi aux problèmes éducatifs, sociaux et économiques.

61. GUERRAND R.-H. & QUILLIOT R., op. cit. p. p.39 62. Formule issue du mouvement de Mai 68 81



CHAPITRE III Et les habitants dans tout รงa...?



Vers une législation de l’« habiter » En 1975, la France est dans une période d’inflation - synonyme d’emprunts facilités et sûrs - et de croissance économique - signifiant augmentation de revenus et promotions – en somme, une période propice au logement, permettant un placement intéressant. Le niveau de confort n’ayant jamais cessé d’augmenter, les classes sociales, bien que toujours existantes goûtent maintenant toutes aux mêmes loisirs, connaissent les vacances, la cuisine équipée et le temps libre. Cette standardisation de la vie, cette réussite sociale que l’on expose grâce à une voiture ou une maison n’est plus en adéquation avec la barre ou la tour (d’ailleurs parfois qualifiées de HLM à tort) qui vieillissent mal, qui ne sont plus adaptées au nouvel électroménager. L’uniformisation si bien accueillie quelques années auparavant est maintenant décriée. On dénonce le fait que les bâtiments sont construits en masse sans se soucier de ceux qui en deviendront les habitants. En effet, maintenant que l’on est bien logé, il est temps de se soucier de l’esthétique, de l’isolation phonique, de l’insertion dans le site, du rapport avec la Nature... tant de questions qui n’étaient pas une priorité auparavant, des améliorations considérables de la qualité de vie. La réponse publique s’organise sous quatre approches différentes : l’approche sociale, la réhabilitation, la recherche de nouvelles formes architecturales et la démolition. Ainsi, on commence à construire de nouvelles habitations groupées, de gabarits de faible hauteur donc à échelle humaine. Cela permet de détruire ou de libérer beaucoup de logements pour les moins fortunés, et la construction de pavillons explose dans les campagnes. Avec cette fièvre de la propriété, les experts font des erreurs dans l’anticipation de la population concernant le logement social. Celui ci n’est plus considéré comme un problème majeur du 85


pays, les aides à la pierre disparaissent peu à peu au profit des aides à la personne, temporaires, moins coûteuses et plus utiles selon les dires de certains. Une nouvelle crise économique apparait et tous les efforts instaurés dans une France en pleine expansion se voient neutralisés face à un pays en plein choc pétrolier, et où le chômage est en constante augmentation. Les aides à la personne ne sont alors plus temporaires et énormément de ménages ayant eu accès à la propriété sociale se retrouvent endettés (dettes qui, heureusement, seront pour certaines renégociées en 1988). * Face à l’impasse, en 1989, les partisans de l’aide à la personne sont donc forcés de reconnaître que l’aide à la pierre est toujours indispensable à la construction de logements sociaux et permet de limiter et de maîtriser le montant de l’aide publique. L’investissement dans un logement en accession devient risqué car il se base sur la fructification de l’emploi, du salaire et des taux d’intérêt. On assiste alors à un équilibrage entre la ville et la campagne, l’individuel et le collectif, la propriété et la location... Les associations HLM permettent à la population la plus défavorisée des offres de logements mais engendrent un déclassement car la plupart de ces logements sont maintenant en décalage avec le niveau de vie standard, résultat d’une nouvelle société dite de consommation ; une certaine morosité s’installe à travers des classes sociales qui n’ont plus l’espoir d’évoluer, contrairement aux périodes précédentes.

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Le jugement des usagers-locataires sur l’action des HLM Source CECOP : Union HLM, Juin 2000

La ségrégation s’installe à nouveau et semble encourager certains comportements que l’on pourrait qualifier de dominants ou d’indépendants par rapport aux règles de vie de la société ; en fait, cette mise à l’écart créée un sentiment d’injustice puissant au sein des familles défavorisées, sentiment qui engendre la plupart du temps 87


des comportements parfois violents. Bien que l’on tente d’apporter une solution à ce problème dans l’implantation d’équipements, comme les maisons de quartiers, cela ne marche pas toujours dans les ensembles déjà construits. La politique des grands ensembles s’essouffle et ne répond plus aux attentes des habitants, qui se voient parqués dans les quartiers devenant de plus en plus sensibles et enclavés. Face au nombre croissant de demandes auxquelles il faut répondre, l’enjeu est de préserver la diversité et la mixité des populations sans laquelle l’intégration n’est pas possible. La marginalisation des quartiers empêche l’insertion et l’évolution sociale. Ceux qui peuvent partir partent, et les autres se retrouvent dans des quartiers qualifiés de « ghettos » ou de « cités », situation entraînant échec scolaire, insécurité, image négative, etc... Ce phénomène d’exclusion sociale, bien réel depuis une trentaine d’années, à relier à cette mauvaise réputation contre les HLM, donne naissance à une loi donc le nom est bien trouvé, la loi relative à la lutte contre les exclusions, datant du 29 juillet 1998. «‘‘Elle tend à garantir sur l’ensemble du territoire l’accès effectif de tous aux droits fondamentaux dans les domaines de l’emploi, du logement, de la protection de la santé, de la justice, de l’éducation, de la formation et de la culture, de la protection de la famille et de l’enfance.” (...) L’objectif général étant de faciliter l’accès au logement et le maintien dans le logement des personnes démunies, la loi s’articule autour de plusieurs thèmes : le renforcement du droit au logement, l’accroissement de l’offre, la réforme des attributions de logements sociaux, la prévention des exclusions et l’amélioration des conditions de vie dans l’habitat.» 63 En découle un autre problème qui inquiète la politique capitaliste du logement social : la délinquance. Cette délinquance, devenue 63. A propos de la Loi du 29 juillet 1998, Journal Officiel n° 68, p.2 http://www.anil.org/fileadmin/ANIL/publications/Etudes/713.pdf 88


un phénomène culturel, avec ses codes, ses inspirations, etc... sévit partout en France et est encore en 2016 un véritable fléau. On ne compte pas le nombre de dégradations dans les zones sensibles, comme par exemple avec l’histoire du faux hall du Havre datant de 2008, qui a en tout et pour tout duré six semaines64, une anecdote parmi tant d’autres. On voit peu à peu s’installer une certaine haine contre ces quartiers que l’on fuit, et l’insécurité représente un véritable frein pour le logement social et son image. Il est donc indispensable d’inverser la tendance car l’insécurité est un facteur qui joue sur la qualité de vie des HLM.

64. En Aout 2008 fût installé un conteneur aménagé en hall d’immeuble afin de pousser les jeunes du quartier de Graville la Vallée à se rassembler ailleurs que dans les halls d’immeubles. En effet, ces halls étaient fréquemment vandalisés et cela créait de l’insécurité mais aussi beaucoup de conflits de voisinage. Cette construction, à l’initiative d’un bailleur social, n’a malheureusement pas reçu l’accueil escompté et a été vandalisée à trois reprises en six semaines avant d’être désinstallée. 89


Les HLM font évoluer leur image

Une annonce pour le lancement de la campagne « Image» de 1987

En 1987, l’Union des HLM lance la campagne « HLM aujourd’hui, objectif mieux vivre » ayant pour but de changer l’image de ses logements, campagne dont les idées continuent à être diffusées aujourd’hui (on y découvre ainsi que les organismes HLM construisent de la maison individuelle et que certains des grands progrès techniques concernant le thermique, l’acoustique et les matériaux ont été développés dans ces habitations). Cela permet de valoriser réellement le logement social65 et de casser l’image négative des grands ensembles. Cette campagne sera suivie dans les années 90 par la proposition du Mouvement HLM concernant le 65. « Domaine couvert par l’ensemble des organismes de logements destinés à assurer la jouissance d’un logement aux ménages dont les ressources ne dépassent pas les plafonds de ressources fixés par l’État.». Définition issue de PEYRAT D., Habiter, Cohabiter, la Sécurité du Logement Social, Rapport à M.-N. LIENEMANN, secrétaire d’Etat au Logement, p.12 90


« grand projet pour le septennat », projet de société visant à réhabiliter le logement social, à en améliorer la qualité de vie (c’est à dire accéder aux standards des autres logements) et à accueillir des populations défavorisées, contrairement aux années 80 où la politique se tournait plus volontiers vers la démolition. Mais ce projet n’est pas toujours applicable, certains HLM étant en trop mauvais état, ou ayant subi trop de vices techniques entraînant des démolitions. On est plutôt dans une optique de renouvellement urbain. Le rôle du HLM est également important dans la création contemporaine et la rénovation urbaine. En effet, on recherche un modèle de qualité et un haut niveau de prestation. On cherche à concilier les qualités de l’habitat l’individuel et les économies de l’habitat collectif. Ces organismes HLM doivent dorénavant être considérés comme des entreprises et non pas comme des associations basées sur la générosité, tout en gardant leur but non lucratif ; on est maintenant loin des sociétés usant des capitaux privés à des fins philanthropiques présentes au XIXème siècle. Il est donc temps d’assumer que l’économie est indissociable du social : « Ne parlez plus de locataires mais de clients ! »66 En 2004, la loi de cohésion sociale recentre l’action sur les quartiers en difficulté tout en démolissant les bâtiments vacants ou à la limite de l’insalubrité. En parallèle, on tente de recréer du lien social et on offre à la place de ces grands ensembles des pavillons ou des logements plus adaptés à la vie en communauté ce qui réjouit la plupart des acteurs locaux. L’agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU) est créée la même année, réglementant les chantiers dans le domaine de la réhabilitation, la production ou la démolition de logements ou d’équipements publics comprenant leur acquisition, mais aussi dans le domaine de la « réorganisation 66. Mot d’ordre lors du congrès HLM de Nancy en 1985 91


d’espaces d’activités économiques ou commerciales ».67 Ces grands projets permettent de dessiner les frontières entre public et semi privé, de délimiter des zones destinées aux habitants des HLM mais tout cela avec un cadre juridique. Bien que nous soyons conscients que les HLM sont des lieux d’expérimentation d’une importance capitale pour tout le secteur du logement, ils ne sont malheureusement pas valorisés, réputés pour être des lieux de violences et de pauvreté que l’on met à l’écart, ou des lieux de délabrement que l’on rejette (c’est en tout cas la perception que j’en ai, ce que j’ai ressenti en fréquentant ces quartiers). « HLM, un mot qui pèse lourd sur les organismes. (…) lequel produit un retour d’images peu valorisant »68 Il a d’ailleurs été question de changer le nom HLM pour que les logements sociaux ne subissent plus cet acronyme mais l’initiative a sagement été remise à plus tard. En effet, elle n’a pas été adoptée car les Offices refusèrent de changer de nom à cause d’une image (ce qui avait déjà été le cas lors du changement des HBM en HLM), préférant tenter de résoudre les problèmes d’intégration et d’accession pour redonner une vision plus positive de ces quartiers et engendrer une plus grande ouverture d’esprit. * Avec cette image négative, un autre des grand problèmes du logement social est encore aujourd’hui son accessibilité, qui ralentit ainsi l’intégration des habitants à faibles revenus. On pourrait croire 67. Regard, ‘contexte juridique’ in FÉDÉRATION NATIONALE DES OFFICES D’HLM, La Rénovation des Quartiers d’Habitat Social, p 170 68. STRATIS CORPORATE. Journal du congrès HLM de Bordeaux, in MAURY Y., Les HLM, l’État Providence vu d’en Bas p.85. 92


qu’avec une évolution aussi importante que spectaculaire pendant les deux derniers siècles, qu’après tant de combats pour loger les personnes plus pauvres, le problème d’attribution est réglé depuis longtemps. Mais il n’en n’est rien. En 1998, une loi générale est votée donnant à l’État « le droit de fixer les priorités en matière d’attribution de logements, pour éviter notamment les exclusions que subissent les familles défavorisées »69. Deux idées se font alors face : le droit au logement (une donnée considérée comme fondamentale) et la mixité sociale (qui est une solution à une dégradation des modes de vie). Ces deux termes que l’on voudrait voir définir le logement social sont difficilement compatibles et opposent deux clans qui n’arrivent pas à faire valoir leurs priorités respectives et qui se retrouvent dans une impasse. En fait, on assiste à un conflit entre le ministère du logement (dont dépend l’attribution) et l’Union HLM (dont dépend la production de logements sociaux). En somme, c’est un combat entre l’État et les organismes HLM qui prend une ampleur considérable. On reproche en effet à certains organismes de faire le « tri » dans les demandes, en établissant des fiches sur le comportement des locataires... « Sur cette question de l’intégration, je souhaite souligner les difficultés que rencontrent les organismes (…) Il est vrai que les associations de lutte contre la discrimination – en premier lieu SOS racisme – ont identifié dans certains organismes des faits qui n’auraient pas dû exister (…) mais nous avons parfois le sentiment d’une critique injuste, car qui fait plus que les HLM pour l’intégration par l’habitat des familles étrangères ? » 70 . L’Union HLM évoque une impossibilité a mettre en œuvre une mixité sociale sans discrimination car les exclus ne représentent pas

69. MAURY Y., Les HLM, l’État Providence vu d’en Bas, p.72 70. DELEBARRE M., discours de clôture du congrès de Bordeaux, septembre 2000 in MAURY Y., op.cit. p.74 93


un groupe comprenant des classes sociales différentes71 ; selon eux, il est important de reconquérir les classes moyennes afin d’éviter la ségrégation en favorisant l’accession progressive à la propriété, synonyme de cette fameuse ‘réussite sociale’, mais aussi d’instaurer une mixité de fonctions alliant habitats, commerces et équipements. C’est à ce moment que s’opère alors une grande restructuration de l’Union HLM et plus largement des organismes HLM pour remédier à cette impasse. Alors que le partage des rôles est encore flou et difficile à définir et que ces organismes sont remis en question, de nouvelles campagnes sont mises en place afin de démarcher les locataires. Le but étant que l’usager redevienne habitant d’un quartier et non d’un grand ensemble et qu’il soit plus particulièrement acteur du lieu dans lequel il vit.

71. Jusqu’ici, la loi d’orientation foncière de 1967 avait privilégié le zoning comme principe d’aménagement des logements sociaux, un principe issu de la politique des grands ensembles. 94


L’habitant devient acteur de son logement Jusque dans les années 50, les doléances des habitants ne sont pas entendues ; l’urgence est, pour une grande partie de la population, de trouver un logement, leur bien-être en tant qu’être unique n’étant pas à l’ordre du jour. Par la suite, le problème, bien qu’encore présent, ne l’est plus que pour une maigre partie des français, alors que les nouveaux questionnements tournent plutôt autour du confort des habitants. Ce n’est donc qu’au milieu des années 90, sous une influence néo libérale72, qu’apparaissent les enquêtes de satisfaction, afin d’améliorer efficacement les qualités de vie. Les HLM deviennent soucieux de connaître l’avis des usagers, pour une plus grande recherche expérimentale. Pourtant, ils sont conscients qu’au regard de la situation dans laquelle se trouve l’habitation à loyer modéré à cette période, les réponses seront sûrement décourageantes mais plusieurs enquêtes sont tout de même lancées. Ces enquêtes, résultats d’observations et d’entretiens approfondis sont très importantes pour justifier les choix pris par les Offices ; la plupart du temps, c’est finalement moins la dimension architecturale ou résidentielle qui est visée par ces mauvais résultats que sa composante sociale. Sans surprise, l’espace HLM est perçu comme un espace mis de côté, en effet, « 70% des français estiment que les HLM ne sont pas agréables a vivre »73. Bien que ressenties majoritairement comme confortables et propres (respectivement a 68 et 54%), les HLM sont bruyantes et surpeuplées. « 29% en 1993, 38% 72. Le néo libéralisme est une critique envers le développement l’État providence à partir de 1945, et plus particulièrement visant à dénoncer l’accroissement des interventions publiques dans l’économie. 73. Résultats de l’enquête CECOP 2000 commandée auprès d’un cabinet consultant in MAURY Y., op.cit. p.86 95


en 1995, contre 53% en 1999, considèrent que les HLM représentent un risque, car beaucoup de gens à problèmes s’y regroupent »74. Les habitants de ces logements ne sont pas satisfaits, n’ont pas forcement de bonnes relations avec les autres locataires75 et considèrent comme mauvaise la répartition des HLM dans la ville. Ces enquêtes laissent paraître que les logements construits en masse sur la base de plans types ne sont plus adaptés à ses habitants dont les mœurs ont déjà beaucoup changé. Ces logements, non conformes à l’idéal des habitants, semblent être un frein à leur bien-être malgré le confort qu’ils concèdent. L’habitant semble subir son logement, qui devrait pourtant être un espace de protection et de repos. Ces contraintes physiques que représente un lieu de vie inadapté sont-elles compatibles avec l’idée d’appropriation? * Face aux résultats bien trop souvent négatifs, les organismes HLM décident de réagir. L’enquête de l’année 2000 est décisive tout particulièrement dans l’organisation de l’Union HLM, qui, forte de son influence, définit une stratégie dans quatre directions : il s’agit de repenser ou retravailler le secteur local, le secteur HLM, le marché HLM et d’élargir son champ d’action à l’Europe. Il faut redéfinir les rôles, se rapprocher de l’agglomération et non de l’État, toujours dans l’idée de ce néo libéralisme évoqué précédemment. Il s’agit d’être plus efficace sur le terrain, d’avoir plus de poids, tout 74. Résultats de l’enquête CECOP 2000 commandée auprès d’un cabinet consultant in MAURY Y., op.cit. p.86 75. Bien que l’architecture ne soit pas forcément citée dans les données de ces sondages, on peut quand même noter qu’une mauvaise isolation phonique peut créer énormément de problèmes. Les tensions de voisinage peuvent être créées suite aux nuisances sonores venant des appartements ou des parties communes. 96


en ouvrant des postes à l’échelle régionale et locale : « (…) Pour aider, l’union crée sept nouveaux pôles dits inter régionaux. (…) Une trentaine d’experts travaillera essentiellement sur le travail collectif des organismes comme le renouvellement urbain, la politique de la ville ou le développement social. »76 En fait, l’Union HLM veut agir tout autant en amont qu’en aval et considère (jusqu’ici à raison) que le changement ne pourra s’opérer qu’en modifiant le haut de la hiérarchie. Il faut ainsi concentrer les bureaux et opérer un remembrement des organismes du logement social. (Malgré tout, en 2012, c’est encore 800 organismes qui se répartissent pour un parc de 4,7 millions de logements sociaux77). On ne peut que déplorer l’impossibilité de communication entre ces nombreux bureaux, qui déteint forcément sur la qualité de prestation. En tant que partisan de la mixité sociale, l’Union doit faire entendre ses opinions et les appliquer. La loi Chevênement en 1999 va être d’une grande aide : le passage d’une politique publique nationale de l’État (gérée par l’État) à une politique territorialisée de l’habitat (gérée par l’agglomération) permet à l’Union de déplacer le problème à une échelle plus réduite, et donc de retrouver toute son importance, avec de nouvelles marges de manœuvre. « Nous HLM, sommes bien placées pour tenir notre place : bonne connaissance des milieux communaux et des différents partenaires urbains, conscience aiguë des problèmes et enjeux liés à la ville, capacité (rare!) à pouvoir à la fois produire et gérer le tout avec une réelle diversité de l’offre de produits de services. »78 On s’attaque au niveau local : « la politique de mixité sociale, de densification du bâti ne se résume pas 76. Journal du congrès HLM de Bordeaux in MAURY Y., op.cit. p. pp.3-4 77. Données extraites du texte «Sylvia Pinel engage 20 actions pour améliorer la mixité sociale dans les quartiers et les immeubles, 15 avril 2015» p 9 78. Journal du congrès de Bordeaux, p.3 in MAURY Y., op.cit. p.92 97


à la question des attributions même si elle est importante. Elle doit être traitée par l’ensemble des acteurs du logement et de la ville, les élus, les organismes HLM, les associations, les locataires. Un ensemble capable de mettre en œuvre une démarche collective... »79 L’organisme souhaite voir la définition du logement social de la loi SRU80 (Solidarité et Renouvellement Urbain), prônant la mixité sociale, évoluer afin de passer du stade de logeur social à celui « d’opérateur de services urbains » au profit de la classe moyenne (via l’accession) : il s’agit pour l’avenir de mélanger la maîtrise d’ouvrage d’opérations d’aménagement et de restructuration urbaine et la destruction de certaines opérations, mais aussi de faire des offres destinées à la location et à l’accession sociale à la propriété. L’Union rejette complètement le statut de « logeur de pauvre » qui correspond plutôt aux idées de la coalition revendiquant le « droit au logement ». Elle veut développer une formule d’accession progressive à la propriété, en accompagnant réellement les ménages, sur un principe que l’on pourrait rattacher à celui de G. Guyon, 79. J.-P. Caroff, Président de la fédération nationale des offices HLM et OPAC, Journal du congrès HLM de Bordeaux, p.6 in MAURY Y., op.cit. p.92 80. La loi relative à la Solidarité et au Renouvellement Urbain, votée en 2000 permet d’éviter la concentration de logements sociaux sur les mêmes communes et donc d’équilibrer le logement pour les plus démunis, mais aussi pour la classe moyenne. Elle définit un seuil minimum (de 20 à 25%) de logements sociaux à atteindre d’ici 2025 pour un certain nombre de communes selon leur nombre d’habitants. Les communes déficitaires sont soumises à un prélèvement fiscal pour compenser ou même à des sanctions. Elle a permit la construction de 87 000 logements sociaux réalisés entre 2002 et 2004, 95 000 entre 2005 et 2007, 130 500 entre 2008 et 2010 et près de 140 000 entre 2011 et 2013. Définition citée dans le bilan triennal 2011-2013 de la loi SRU p.2 98


avec son projet intitulé «la Ruche» en 189081 et de ce fait, revendique un réel droit à l’expérimentation. « - Une dimension cognitive. Le codage ‘mixité sociale dans l’habitat’ donne désormais du sens aux actes qui permettront l’évolution globale du secteur HLM et ainsi favorisera son insertion dans la sphère locale. - Une dimension normative. Le secteur HLM définit les ‘valeurs’ fondamentales qu’il entend respecter dans le cadre de cette évolution. (application des principes de rentabilité et de diversification des activités patrimoniales, valorisation des actions patrimoniales en direction des classes moyennes). - Une dimension instrumentale. Le secteur HLM met en musique les ‘principes d’action’ qui orienteront pour l’avenir l’action publique. (mouvement de concentration d’organismes HLM, intégration des HLM au pouvoir d’agglomération, acquisition du statut d’opérateur de services urbains...)82 » En ce qui concerne la dernière facette à faire évoluer, l’Europe, il s’agit de renforcer la position du lobby HLM à l’échelle de la commission européenne, comme par exemple l’obtention de sièges à la Cecodhas (Comité européen de coordination de l’habitat social). Cela permet d’évaluer précisément les nouvelles normes d’action à l’œuvre pour le logement social dans les autres pays européens et de ne plus être pris de court. La France a souvent été historiquement en retard face à certains pays comme l’Allemagne et l’Angleterre concernant ce domaine, il s’agit maintenant de ne plus refaire les mêmes erreurs. * 81. Voir Chapitre II, pp. 49-50 82. MAURY Y, Les HLM, l’État Providence vu d’en Bas, p.100 99


Bien que les questions de la cohésion sociale et des inégalités ne puissent pas être mises sur le compte seul du logement, elles n’en sont pas dissociables pour autant. La difficulté à concevoir de la qualité, pour un prix décent, mais aussi à ajuster l’offre et la demande, est bien présente. Le gouvernement commence aujourd’hui à prendre position et publie de nombreux documents et textes de lois visant à améliorer la mixité dans les logements mais aussi dans les quartiers en gagnant en attractivité et en créant des logements diversifiés. Cet ensemble de mesures nécessite la mobilisation de chacun, et en particulier des collectivités locales et des bailleurs sociaux. Il faut augmenter les constructions dans les communes soumises à la SRU. On est toujours face au même souci de droit au logement : le candidat locataire n’est pas acteur, mais subit les lois et l’attribution de son logement social. Un projet de loi, nommé « Egalité et Citoyenneté », sera présenté au Parlement au Printemps 2016 et préalablement rendu public pour que les internautes y participent ; son auteur, P. Kanner ministre de la ville, des sports et de la jeunesse voit ici « une forme de modernisation de la vie politique française »83 permettant de regagner la confiance des habitants. Il s’agit de limiter la production de logements sociaux dans les quartiers où ils représentent déjà 50% de la construction, de récupérer des terrains publics, mais aussi de créer des financements spécifiques afin de permettre aux bailleurs sociaux d’acheter de l’existant pour créer un parc destiné aux populations les plus démunies et de l’insérer dans le tissu urbain (avec un accompagnement de 18 mois pour les familles en vue d’un relogement dans le parc social). Une des actions consiste aussi à cartographier les logements sociaux en fonction des critères de revenus, du taux d’activité, du taux de bénéficiaires des Aides Personnalisées au Logement (APL), pour rééquilibrer la composition sociale des immeubles. Le 83. Propos de KANNER P. in Article du Journal le Parisien du 20 Janvier 2016 100


rôle des préfets sera renforcé et un décret leur permettra d’avoir une voix délibérative dans les Commissions d’attribution des logements (CAL). Il s’agit de corriger la ségrégation en instaurant une politique de loyers fixés en fonction des objectifs de mixité sociale (par exemple, il sera maintenant impossible pour les préfets de reloger les personnes dont les ressources sont inférieures au seuil de bas revenu dans les 1 500 quartiers prioritaires). Certaines de ces mesures, non législatives, étant déjà en action depuis 2015, il s’agit de compléter la loi SRU, très importante pour le logement social. Le fait que le Gouvernement prenne le temps de créer un sondage par rapport à ce texte prouve bien l’urgence à écouter l’habitant, lui seul pouvant exprimer les problèmes qu’il rencontre au quotidien. Aujourd’hui, les enquêtes de satisfaction sont souvent triennales, menées par des organismes de logements sociaux et permettent d’avoir des retours d’une importance capitale sur les conditions de logements. Elles aident à discerner les points positifs considérés comme « validés » et les points à travailler. Par exemple, en 2011, 438 organismes HLM ont participé à une enquête, représentant 80% du parc locatif social en France. Cela ne représente pas moins de 419 000 locataires interrogés directement.84 Ce genre de procédure de masse permet, en plus de lister les améliorations possibles, de se rapprocher du locataire et de l’impliquer dans les décisions prises sur son logement. Redonner la parole à l’habitant lui permet d’être acteur du logement social. La sociologie prend une grande place dans l’architecture d’aujourd’hui et nous ne pouvons plus nous permettre de laisser cette 84.

http://www.union-habitat.org/les-hlm-le-mag/dossiers/le-défi-de-la-quali-

té-de-service-dans-les-hlm/la-qualité-de-service-en Rédigé par Christine Roudnitzky 101


branche des sciences humaines de côté pour imaginer le logement de demain. L’enjeu n’est plus un accès au confort sommaire comme il l’a été pendant des siècles mais plutôt une possibilité d’évoluer, et d’accéder à un réel bien être dans son logement. On peut noter la notion de Citoyenneté de la loi de 2016, rarement évoquée auparavant dans le secteur du logement social. Revenons sur la citation « Ne parlez plus de locataires mais de clients ! »85 En effet, les offices HLM se voient obligés de gérer énormément d’argent, contraints à des législations difficiles et ne peuvent pas être considérés comme de simples associations. Mais comment estimer que le logement social est un marché comme les autres, alors que son fonctionnement dépend de tellement de questions sociales encore instables (comme l’emploi, la stabilité des prix et le pouvoir d’achat, l’environnement…) mais aussi et surtout d’êtres humains en perpétuelle évolution?

85. Mot d’ordre lors du congrès HLM de Nancy en 1985 102


Volet Habiter du comité interministériel Egalité et Citoyenneté, 2015 103



CHAPITRE IV Vers une conception du logement social



C’est dans ces conditions que l’architecte social conçoit ; sur des projets qui ne sont pas le résultat d’une demande spécifique de la part de l’habitant, mais d’une demande concernant une masse de personnes. Pourtant, le logement n’est pas seulement une addition de mètres carrés et de normes, car il ne s’agit plus de dessiner pour stocker des hommes. Concevoir le logement français, c’est aussi permettre à différentes mentalités (pour la plupart issues des principes du XIXème, et ancrées dans notre héritage) d’évoluer. C’est également permettre de préserver l’individualité de l’homme tout en encourageant son besoin de socialisation. «Habiter» le logement français, c’est entretenir les pratiques et les modèles autour des relations propre/sale, devant/derrière, montré/caché, dedans/ dehors... mais en laissant la possibilité à ces modes de vie de se modifier. Le logement représente bien plus qu’un simple produit à notre disposition. De façon générale, je me pose constamment la question suivante : l’architecte influe-t-il sur le mode de vie des habitants, ou est-ce l’usager qui influence la conception architecturale? En cherchant la réponse, j’ai pu discerner deux courants de pensée qui s’opposent à partir des années 5086, confirmant que mon questionnement avait lieu d’être. Souvent rattachés au mouvement moderniste, certains ont pratiquement « combattu » pour la totale liberté de l’architecte dans la conception, au nom de la discipline, sans se soucier de la personne qui ferait vivre leur projet. Il est bien sûr impossible de répondre à toutes les demandes, même si certains s’y sont essayés. Mais alors comment peut-on comprendre, recenser les besoins des habitants? Cela fait-il partie du rôle de l’architecte?

86. Sujet à relier au passage concernant les idées de M. Heidegger et de Le Corbusier dans Chapitre I. Introduction 107


L’architecte face à l’usager Le Corbusier tenait à ce propos un discours plutôt radical : « Tenir compte de ce que la famille exprime ? NON je ne crois pas qu’on puisse le faire. Il faut concevoir et discerner, puis offrir, poser la question à qui de droit.87 » Pour lui, l’architecture doit être de qualité, justifiée, travaillée, et la place de l’homme y est primordiale ; il s’agit plus d’une étude sur l’homme, en tant qu’être physique et moderne, que d’une étude concernant l’homme, en tant qu’être pensant avec une individualité propre. De ce mouvement naît une architecture sans prise en compte des désirs de la cellule familiale, mettant de côté la sociologie et souvent synonyme de contraintes pour les habitants. Prenons l’exemple des logements Némausus88 à Nîmes, où ils ont l’interdiction de peindre les murs de béton89, Jean Nouvel ne pouvant s’y résoudre... Cette anecdote démontre un réel attachement de l’architecte à son bâtiment, ce qui est le signe d’une grande implication, mais qui remet en question l’idée de bâtir pour les autres. Il faut, en quelque sorte, adhérer à la vision de l’architecte pour habiter ses bâtiments. Peut-on demander cela à un habitant? Quand on pratique l’architecture, sauf si elle est destinée à son usage propre, on est amené à construire pour quelqu’un d’autre, pour une population non homogène et donc, à en questionner les besoins et les désirs. J’estime d’ailleurs que cette difficulté à satisfaire un habitant en 87. LE CORBUSIER in Paul-Henry Chombart de Lauwe, Famille et habitation tome I, Sciences humaines et conceptions de l’habitation, 1960, p.200 ; citation extraite de BRESSON S., DENEFLE S., DUSSUET A. & ROUX N., Habiter le Corbusier, p.7 88. 114 HLM à Nîmes, 1987 89.http://www.lemoniteur.fr/article/nemausus-le-nouveau-logement-social-673149 108


empreignant tout de même le bâtiment d’un peu de sa propre personnalité est un des concepts forts de ce domaine. On ne construit pas pour nous, tout particulièrement dans le logement, et c’est un aspect qu’il faut prendre en compte. L’interdiction de peindre un mur parait banale mais c’est en fait une contrainte de taille pour les habitants90. C’est donc un premier frein à une appropriation, à l’installation d’un « chez soi ». Quelques dizaines d’années plus tôt, on pouvait voir encore plus réfractaire à une quelconque influence ou à une différente vision : F.L.Wright ne supportait tellement pas que l’on déplace les meubles qu’il avait conçu ou conseillé pour le logement, qu’il réaménageait les lieux en l’absence des propriétaires. Je n’arrive pas à imaginer ce qui peut se passer dans la tête des habitants quand ils rentrent chez eux et qu’ils découvrent qu’on a pénétré dans leur habitation par infraction, non pas pour les voler, mais pour remettre en question leurs goûts. Certains architectes n’hésitent pas à justifier cette impossibilité à laisser vivre leur bâtiment par le fait que l’habitant ne serait pas un érudit du logement et qu’il faudrait alors « apprendre aux gens à habiter »91. Cette volonté d’enseignement n’est pas sans rappeler l’utilisation des petits livrets du « bon locataire civilisé » utilisés dans les logements ouvriers au XIXe siècle. Cela impliquerait qu’il est possible, en conservant son rôle éducatif, de modifier les modes de vie populaires. Lors de son processus d’appropriation de l’espace habité, l’usager peut effectivement changer ses habitudes, ses rituels, afin de s’adapter à une architecture. S’il peut modifier son mode de vie - une 90. Il faut noter aussi, dans cet exemple précis que beaucoup de personnes sont réfractaires au béton brut, moins lumineux qu’un mur blanc ; le béton étant un matériau qui est qualifié, à tord, de froid et triste. 91. M. LODS, 1959, in LEGER J.-M., Derniers Domiciles Connus, Enquête sur les nouveaux logements 1970- 1990, p.9 109


personne adaptera son quotidien en fonction du lieu qu’il habite, un duplex par exemple - est-il possible de modifier cette façon de penser ancrée si profondément dans nos esprits qu’est l’« habiter »? Bien que l’humain s’adapte toujours à son environnement d’une façon ou d’une autre, l’architecture du logement ne doit pas être vécue comme une contrainte mais comme une expérience unique. Si le rôle de l’architecte est d’apprendre à habiter, cela implique également que l’Homme a besoin des architectes comme maîtres à penser pour pouvoir s’épanouir dans un logement, ou encore qu’habiter n’est pas inné. On peut concevoir que le fait que d’habiter en société requiert une éducation (d’ailleurs, plus une éducation qu’un apprentissage), car comme la célèbre citation le dit : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui »,92 il faut donc savoir reconnaître les limites de cette liberté, ce qui nous est souvent inculqué par nos parents ou par toute autre figure éducatrice. Mais je ne pense pas que l’Homme ne puisse pas habiter sans architecte, cette réflexion étant réductrice et très arrogante ; cependant, ce dernier apporte indéniablement un plus, une qualité à l’action d’habiter. Il peut conseiller, informer sur les notions d’« habiter ». Dans cette continuité, H. Ciriani disait de façon plus nuancée : « Je ne voudrais pas paraître trop arrogant en disant que je n’ai besoin de personne (…). Seul un jeune architecte qui n’a pas assez vécu ou qui n’a pas passé comme moi trente ans à bâtir des logements peut apprendre des habitants (…). »93. Cette prise de position n’est-elle pas un peu violente ? Bien que cette citation laisse entrevoir un apprentissage d’un jeune architecte avec l’habitant, donc une ouverture d’esprit plus importante, elle 92. In article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 Aout 1789 93. H. CIRIANI in BELLANGER F., Habitat(s), Questions et Hypothèses sur l’Évolution de l’Habitat p.26 110


laisse supposer aussi le fait que la formation d’architecte pourrait connaître des limites et que l’on puisse maîtriser l’art du logement, ce qui paraît très peu probable. L’architecture est un domaine qui demande beaucoup de travail et de recherches, avec des études qui ont toujours été poussées94 ; on ne s’improvise pas architecte. Mais c’est aussi un domaine qui ne cesse d’évoluer, de se renouveler, et quand Ciriani évoque ses trente années de travail bien qu’exemplaires (on parle ici des années 70 jusqu’au années 2000), on ne peut s’empêcher de penser aux changements considérables qu’a connu le logement durant ce laps de temps que ce soit dans sa forme, dans sa construction et mais aussi grâce à une grande remise en question concernant le logement, la forme urbaine et ses occupants95... Tous ces témoignages donnés par des architectes démontrent de réels décalages entre les intentions des concepteurs et les pratiques, perdant ainsi tout lien possible entre espaces conçus et espaces pratiqués. On en vient alors à se questionner sur le rôle de l’architecte et ses limites dans l’architecture : trop présent, il impose des modes d’occupation ou interdit certaines pratiques freinant l’appropriation. Au contraire, être un architecte peu « engagé »96 dans son architecture est-ce une solution ? C’est une opposition fondamentale entre convention, continuité et évolution.

94. Suite à la scission entre architecture et génie civil au XIXème siècle, elle devient une des disciplines des beaux-arts jusqu’en 1968, enseignée à l’École des Beaux-Arts, puis prend son indépendance pour se transformer jusqu’à devenir l’école que l’on connait aujourd’hui 95. Voir la partie III 1. Vers une législation de l’« habiter ». 96. Par engagé, il s’agit ici d’un architecte capable de se laisser guider par des personnes étrangères à l’architecture. Nous allons voir par la suite que ces architectes n’en sont pas moins engagés dans leurs idées. 111


* Comment définir le rôle d’un architecte et dans quel contexte a-til de l’influence? A-t-il un rôle formateur pour une population non sensibilisée à l’architecture? Pour J.C. Kaufmann, « la très grande majorité des français ont une vision très classique de la maison, notamment dans son aménagement. Le problème, c’est que les gens qui travaillent sur l’habitat appartiennent à une minorité – celle des novateurs – et qu’ils ne comprennent pas le second groupe, pourtant majoritaire ».97 L’innovation dans les formes architecturales n’est pas une demande de la plupart des habitants mais plutôt une exigence des institutions et des professionnels. Cette question d’une minorité souhaitant améliorer le niveau de vie d’une majorité, mais sans comprendre pourquoi cela ne marche pas, est assez potache, en soi. En effet, la plupart des personnes ont une image du logement qu’elles jugent comme idéale, en référence à leur histoire, à la représentation qu’en a la société, ou bien encore issue de magazines divers tellement à la mode en ce moment ; leur espace de vie doit y ressembler, parfois au détriment de leur confort. Par exemple, parlons de cette lubie des lofts, où tout chuchotement devient une source de bruit... Ou alors des cuisines ouvertes, restreintes, ne permettant pas d’y manger. Et il n’y a pas que cette image renvoyée par le logement qui est prise en compte par l’habitant. Kaufmann rajoute que « le résultat qui se dégage des enquêtes menées sur l’habitat souhaité par les français est d’une tristesse absolue. On s’aperçoit que les gens ne sont pas intéressés par l’architecture, mais plutôt par la proximité des fonctions, des commerces et des transports. Aujourd’hui l’image la plus forte c’est le pavillon de banlieue »98. On recherche l’efficacité, la rapidité parfois au détriment de la qualité et du confort. Nous 97. Interview de J.-C. KAUFMANN in BELLANGER F., Habitat(s), Questions et Hypothèses sur l’Évolution de l’Habitat, p.11 98. Interview de J.-C. KAUFMANN in BELLANGER F., op. cit. , p. 199 112


sommes aujourd’hui ancrés dans une société qui ne laisse que peu de temps à la flânerie. Alors doit-on prendre en compte les désirs de l’habitant d’un logement, quand on sait que ces désirs méritent parfois une remise en question ? Et si oui, quelles sont les limites de cette écoute? « Pour avoir une opinion, ils en ont une! Qu’elle soit bonne, c’est autre chose. Comme la politique, l’architecture est un domaine où les gens croient avoir une opinion... Naturellement l’architecte doit tenir compte des désirs des gens dans la mesure où leurs opinions lui paraissent justifiées99» En parallèle du mouvement cité précédemment, il y a ceux qui estiment qu’on ne peut construire sans notion de l’humain, de l’« habiter », sans étude des modes de vie du quotidien, et qui pensent qu’il faut absolument anticiper le logement de demain. Pour eux, il est donc nécessaire de rester à l’écoute des usagers. Tenir compte de l’évolution des modes de vie des habitants, mais aussi de leurs diversités, est un courant qui date plutôt des années 2000, bien que l’expérimentation faite dans le logement pendant les trente années précédentes ait ouvert la voie ; aujourd’hui l’architecte est en partie sociologue, ou du moins, il est ouvert à cette notion. Ce nouvel architecte n’est pas sans rappeler ce que M.Eleb avait lancé lors des premières rencontres de l’architecture à la Villette : « Messieurs les architectes, soyez un peu moins sculpteurs, un peu plus sociologues! »100 99. A.WOGENSCKY, disciple de LE CORBUSIER in Paul-Henry Chombart de Lauwe, Famille et habitation tome I, Sciences humaines et conceptions de l’habitation, 1960, p. 191 ; citation extraite de BRESSON S., DENEFLE S., DUSSUET A. & ROUX N., Habiter le Corbusier, p.7 100. M. Eleb in BELLANGER F., Habitat(s), Questions et Hypothèses sur l’Évolution de l’Habitat p.27 113


Sans pour autant contenter tout le monde, le passé a su prouver que l’architecture ne se cantonne pas à la création pure et dure. Ce mouvement s’accompagne tout de même d’une inquiétude liée à l’idée de donner trop d’importance aux usagers, d’où une réticence encore présente dans quelques esprits, même si elle est de moins en moins décelable de nos jours. Par exemple, lors d’un entretien en 1997, P. Chemetov disait : « si l’on peut imaginer un degré de non finition du logement qui deviendrait le champ d’expression des habitants, certaines de ces propositions ne peuvent que s’accompagner de la régression de la place des architectes dans le logement. »101 Il faut insister sur le fait que les rôles doivent rester bien définis, l’habitant habite et s’approprie un espace, l’architecte l’y aide ; mais on peut supposer que les bienfaits d’une réelle discussion entre l’architecte conseiller et les habitants, permettent aussi de faire « passer un message architectural ou urbain auprès d’une population dont ce n’est pas la culture.102 » Ce courant socio-architectural semble être celui qui domine les discours de nos jours ; il est le fruit, comme nous l’avons vu, d’années d’évolution dans la perception de l’architecture et surtout d’échecs dans la création du logement qui ont permis une remise en question du travail de conception. Si l’on conçoit que créer une relation, une conversation avec l’habitant est bien le rôle de l’architecte, deux problèmes se posent : tout d’abord, dans le logement collectif, le client103 n’est pas l’habitant, mais le maître d’ouvrage 101. P. Chemetov in Loger ? Ou bien réinventer le monde, L’Architecture d’Aujourd’hui n°252, septembre 1987, p.21 CHATELET A.-M. & ELEB M., Urbanité, Sociabilité et Intimité. Des Logements d’aujourd’hui, in p.221 102. P. Dehan, Qualité et innovation architecturale, Élaboration d’une méthode d’évaluation de la qualité architecturale des réalisations innovantes et/ou expérimentales, Paris, Puca 1998 103. Terme que l’on peut remettre en question 114


public qui, nous allons le voir, n’a pas les mêmes priorités que l’architecte. Ensuite, le problème survient dans la formation au cursus architectural qui ne nous apprend pas à créer cet échange entre le concepteur et l’usager, comme il n’apprend pas à en traiter le discours et à en interpréter les données (ce que j’ai d’ailleurs pu voir lors de mes entretiens). Deux bâtiments ont marqué mes années d’études, donnant à cette discussion habitants/architectes une place centrale dans l’élaboration du projet. Le premier, celui des architectes G.Maurios et B.Kohn, les Marelles104, est un immeuble de logements à Paris, à l’intérieur de l’enveloppe duquel chaque acquéreur modèle son logement à l’aide de maquettes et de vidéos (nous parlons ici des pièces sèches). On peut alors se rendre compte des différentes personnalités des habitants, produisant ainsi des logements uniques. Par exemple, l’écart entre les cuisines peut varier entre 5,4 et 13,1 m2 et les séjours entre 13,8 et 30,8m2105 Le deuxième, la Mémé, est la maison des étudiants en médecine de l’Université Catholique de Louvain106 construite quelques années avant les Marelles. Ce sont les étudiants qui décident de contacter l’atelier de L.Kroll afin de devenir acteurs de leur habitat. Ce dernier n’en n’est pas à son coup d’essai et considère que « l’habitation est une action, et non un objet ». Pour lui, ces discussions sont 104. Réalisation expérimentale de 116 logements AP à Boussy-Saint-Antoine. Livrée en 1975 105. LEGER J.-M., Derniers Domiciles Connus, Enquête sur les nouveaux logements 19701990, p.76 106. Le nom Mémé vient de l’appellation «maison médicale». L’opération se compose de cinq bâtiments construits dont celui de la Mémé construits entre 1970 et 1972 115


« une façon de voir les habitants non comme des marchandises, mais comme un réseau infiniment précieux de relations, d’actions, de comportements, d’empathies qui forment lentement un tissu urbain. (…) Les ratés font aussi partie d’un projet. Notre règle était de n’interrompre personne. Le succès de ces réunions, ce n’était pas que tous tombent d’accord, mais qu’au final, ils acceptent leurs différences. »107 Alors, que dire des résultats de ces projets participatifs? Il ne s’agit pas ici de discuter sur le fait que la participation soit un mythe ou une solution, car les besoins des habitants, même dans un logement conçu par leurs soins, ne seront jamais éternellement satisfaits dans ce genre d’opération, à mesure qu’ils évoluent dans le lieu et en font l’expérience. Mais plus globalement, les habitants sont plus satisfaits que dans un logement standard, bien que cette satisfaction s’arrête aux frontières du logement et ne s’étende pas au quartier. Ces projets participatifs amènent les voisins à tisser des liens entre eux. D’un point de vue plus pragmatique, il existe pourtant une réelle difficulté pour relouer ou revendre ce genre de logements, et l’esthétique, les bâtiments s’apparentant à un amas de d’ouvertures et de pièces, est particulière et ne correspond pas toujours à la représentation idéale qu’en a l’usager potentiel de son logement. Sans aller dans la démesure du cas par cas, on peut s’interroger sur la consultation des habitants, qui a été si bénéfique lors des études de satisfaction, et qui semble répondre de manière plus réfléchie à leurs désirs. On peut cependant déceler un brin de culpabilité dans cette démarche et peut-être un peu d’hypocrisie. Déjà, il est utile de noter que les expérimentations visant à s’ouvrir et s’adapter aux différents modes d’«habiter» se développent dans un contexte bien 107. Citations issues de l’article du magazine Libération datant d’octobre 2013

:

http://next.liberation.fr/design/2013/10/11/les-kroll-une-utopie-ha-

bitee_938902 116


Maquette pour aider les futurs habitants à composer leurs appartements. Seuls les poteaux de la structure sont fixes, les éléments de cloison et les équipements peuvent être déplacés à leur gré. Architecte G. MAURIOS, les Marelles

La Mémé de L. Kroll 1970 - 1972 117


particulier, celui d’un après Mai 68. En ces temps de changements, certains architectes en viennent à douter quant au fait d’imposer quelque chose à une personne ne l’ayant pas demandé et remettent en question leur rôle, comme Y. Lion : « Je suis très gêné d’embarrasser les gens avec ma propre esthétique.108». S’agit-il vraiment d’imposer quelque chose ? Finalement, le slogan « Le rôle éducatif de l’architecte, c’est d’apprendre aux gens à habiter, ils ne savent pas 109» – se transforme aujourd’hui en « il faut apprendre à vivre dans de l’architecture signée » » 110, un propos beaucoup plus nuancé, qui redéfinit chaque rôle. Dans l’architecture, comme en général, les extrêmes ne sont pas forcément de bonnes choses. Loin, très loin de ces habitations participatives, les recherches continuent afin de pouvoir loger un majorité de personnes. Le passage d’un besoin d’être logé (en réponse aux différentes crises de logements) à un besoin d’être logé dans le confort, crée un nouveau type d’habitant, et par extension la demande d’un nouveau type de logement. On l’a vu dans la partie III, les législations modifient la construction et la normalisent. Un appartement confortable doit être à la pointe de la modernité et doit correspondre à un idéal véhiculé par la société de consommation qui permettrait aux habitants de vivre mieux, et d’accélérer leur ascension sociale. « Les demandes, en matière de cellule, étaient des cellules qu’on pourrait appeler cellules classiques françaises (…). On connait ce type de contraintes – une entrée, un séjour, coin jour, coin nuit indépendants, une cuisine assez grande indépendante. Cela implique qu’il faut en général un couloir qui va aux chambres. La France est un des seuls pays qui

108. Y. LION in LEGER J.-M., op. cit., p.13 109. M. LODS, in LEGER J.-M., op. cit. p.9 110. CHATELET A.-M. & ELEB M., Urbanité, Sociabilité et Intimité. Des Logements d’aujourd’hui, p.221 118


impose cette contrainte.111 » Dans la partie qui suit, nous allons démontrer que l’appartement type n’est pas une réponse adaptée à la volonté d’ « habiter », et que l’évolution de la société ne permet plus ce genre de réponse. Des exemples prouvent, par leur réussite ou leur échec, que le logement doit offrir diverses expériences à l’habitant, expériences proposées par la pratique de l’architecture. Sans être figés dans leur plan et tout en respectant les contraintes données, les habitations doivent répondre à de grands principes qui définissent l’homme, comme le rapport à autrui, à la Nature ou encore la construction d’un «chez-soi».

111. Ch. de Porzamparc à propos du ‘Crescent’ à Marne la Vallée et de la position prise des maîtres d’ouvrage par rapport aux plans stéréotypés in CHATELET A.M. & ELEB M., op. cit., p.111 119


La

conception architecturale face l’évolution des modes de vie

à

En 1959, l’enquête de Mme Picard pour le ministre de la construction permet l’esquisse de l’appartement référendum112. Ce dernier est en quelque sorte un plan type pour famille française qui est encore utilisé (à tort?) aujourd’hui mais avec des surfaces différentes. En effet, ce quatre pièces fait une surface de 82m2 et est destiné à 6 personnes. Aujourd’hui, un appartement quatre pièces standard est le plus souvent réservé à quatre personnes et fait en moyenne 73 m2, ce qui montre une évolution dans les exigences des usagers.

L’appartement référendum de 1959 imaginé suite à l’enquête de Mme Picard

Bien que le plan type ait été nécessaire à une certaine époque, afin d’introduire des règles à suivre comme avec les types Becques et Zola au début du XXe siècle ou pour théoriser le logement comme avec l’appartement référendum, il est souvent décrié comme un stéréotype allant à l’encontre d’une quelconque notion d’évolution 112. Techniques et Architecture, n°2, mars-avril 1959 in BENDIMERAD S. & ELEB M., Vu de l’Intérieur, habiter un Immeuble en Ile de France, 1945-2010, p.22 120


qu’elle soit sociale ou architecturale. Cet appartement, représentant un idéal conçu à partir d’une moyenne faite des attentes de gens questionnés à l’époque, ne pourrait répondre à la grande disparité des modes de vie qui est en train de se développer de nos jours. La cellule familiale n’est plus ce qu’elle était : les familles peuvent être monoparentales, recomposées, il existe des colocations à tout âge, les habitants sont bien plus indépendants qu’auparavant... et on ne peut se contenter de l’analyse d’une famille abstraite, constituée de deux adultes et deux enfants. Et quand bien même cette cellule «idéale» habite l’appartement «idéal» et avance dans la vie, les enfants laisseront bientôt leurs parents vieillissant dans un appartement trop grand, trop difficile d’entretien ; « la réalité de la structure des ménages est plus composite encore que ne le disent les décomptes statistiques : certains s’installent seul(e)s d’abord puis un couple se forme très rapidement ; on s’associe pour louer un logement ; pour les familles, loger des jeunes enfants est différent que d’accueillir de jeunes adultes. Une autre ligne partage de manière classique propriétaires et locataires : les premiers s’investissent fortement dans le choix de leur logement et peuvent intervenir sur son aménagement ; les seconds le font dans une moindre mesure113. » Le lieu accueillant ces familles doit être un lieu permettant des changements continus. Il faut, avant de dénoncer l’organisation intérieure des logements dont les dispositifs ne sont pas adaptés aux modes de vie des habitants, rappeler les raisons de cette standardisation du logement, qui n’est que la résultante de la normalisation dans le secteur du bâtiment. Le logement collectif subit, depuis quelque temps déjà, de nombreuses contraintes, principalement des contraintes diverses de sécurité, d’adaptabilité ou encore des contraintes environnementales, qui orientent la conception d’un projet et réglementent la construction. Par exemple, lors de mon cursus, j’ai appris à ne plus 113. TAPIE G. Sociologie de l’Habitat contemporain, vivre l’architecture, p.189 121


proposer certains plans de logements car je savais pertinemment que ceux-ci n’étaient pas compatibles avec les normes handicapés... Et cela va encore plus loin car c’est devenu une habitude, un réflexe de dessiner des couloirs de 1,2mètres pour permettre au fauteuil de rentrer dans une chambre, ou de laisser les fameux cercles handicapés partout sur mes plans. Je connais par cœur la surface minimum d’une chambre handicapable, les tailles standardisées des logements sociaux selon leurs typologies, le quota des typologies par opérations, etc,... A présent, l’architecte (ou l’étudiant) dessine en respectant, inconsciemment ou non, les nombreux impératifs de la construction. S’ajoutent à ces contraintes de formes, des contraintes économiques, très présentes dans le logement social. Les réponses des architectes parfois banales concernant le logement collectif sont en fait des réponses à ces contraintes de départ données par les maîtres d’ouvrage. Il n’est pas question ici de les critiquer car c’est leur rôle que d’imposer un coût, un temps et des programmes. Pour certains maîtres d’ouvrage, un plan type se justifie pour toutes les raisons citées ci-dessus, et bien d’autres, et peu d’entre eux participent à ce mouvement de diversification concernant les grands thèmes comme la flexibilité, la concertation avec les habitants, les extensions,… Bien sûr, il est possible dessiner des logements s’éloignant de ces plans stéréotypés, mais les maîtres d’ouvrage rechignent et les raisons sont très simples : ils craignent l’impossibilité de louer un bien trop différent, trop singulier, ou l’impossibilité de relouer ou de revendre un bien personnalisé. Lors de mes lectures, j’ai appris que l’architecture est réputée pour freiner la vente et cette formulation prend ici tout son sens. Néanmoins, le fait que des expérimentations, par exemple participatives, existent, démontre que les maîtres d’ouvrage ne sont pas forcément tous fermés à une évolution de l’habitat. Certains ont tout de même 122


un discours plus encourageant : « (...) c’est le rôle de l’architecte. Il n’est pas là pour reproduire des cellules types.114 » La plupart de ces derniers préfèrent tout de même mixer habitats dit atypiques et logements standards (donc découlant du plan type) pour assurer un avenir aux logements, un compromis plutôt intéressant finalement. On peut citer l’opération de l’architecte J.-P. Pranlas-Descours115 qui est divisée en six corps de bâtiments organisés autour d’une cour. Cette opération est définie comme « libre » car elle se compose de 17 types de logements différents. La cour est un passage obligé et donc un lieu de rencontre ; Les coursives sont protégées et investies, tout comme les paliers (avec des plantes, de poussettes, des jeux...). Ce projet très complet est le terrain d’un travail sur le neuf, la réhabilitation, le patrimoine, le simplex, le duplex et les ouvertures.

Rue Lepeu. Vue de la coursive depuis la cour 114. P. DESCADILLES, maître d’ouvrage social à Nancy, citation tirée d’Un Etat des Lieux du Logement d’Aujourdhui in ELEB M., SIMON P., Entre Confort, Désir et Normes, Le Logement Contemporain 1995-2012, p. 169 115. 20 logements PLA dont 3 ateliers d’artistes et 2 duplex dans deux petites maisons réhabilitées, 9 duplex en tout, et des commerces par J.-P. PRANLAS-DESCOURS. Immeubles rue Léon Frot, rue Charonne et Emile Lepeu, Paris 11e, 2005 123


Quand vient le temps de la réalisation, les contraintes sont aussi dans la construction : tout n’est pas réalisable, tout a un prix. De même, dans le logement le plus flexible, les pièces techniques, quasiment immuables une fois construites, sont un frein à ces expérimentations. Et cela ne permet que de jouer sur la superficie du salon et de la cuisine. Cette dernière est d’ailleurs le seul espace ayant connu une réelle évolution durant les deux derniers siècles, et reste encore aujourd’hui le sujet de bien des discordes concernant le choix entre cuisine ouverte et cuisine fermée. On s’aperçoit que sa forme et son usage dépendent des générations, bien que le compromis de la cuisine semi-ouverte soit proposé. Son importance ayant été longtemps remise en question, on retourne doucement à une cuisine spacieuse, où l’on peut mettre une table, un lieu de rassemblement familial, plus intime encore que le salon. La cuisine devient une pièce à vivre, plus centrée sur la famille, moins ouverte sur l’extérieur ou sur les personnes étrangères à la cellule familiale. Alors qu’elle a failli disparaître, il faut savoir que c’est la pièce préférée de 15% des français116 et qu’elle est un critère important pour beaucoup de jeunes couples. Autrefois, la cuisine était la pièce où l’on cuisinait, où l’on mangeait, où l’on se rassemblait mais aussi où l’on séchait le linge car c’était la seule pièce chaude de la maison.

116. BELLANGER F., Habitat(s), Questions et Hypothèses sur l’Évolution de l’Habitat p.214 124


Évolution de la cuisine de 1908 à nos jours 125


De ce fait, les normes sont un frein notoire aux transformations possibles, réduisant drastiquement la marge de manœuvre de l’architecte. « Si l’on posait naïvement la question : « Les architectes tiennent-il compte des modes de vie et de leurs évolutions ? » La réponse la plus évidente, la plus courante serait non. (…) La structure la plus courante des bâtiments de logements est aujourd’hui le refend transversal dont la portée économique est de 5,4m. Elle induit certaines répartitions et en particulier la place de la cuisine, ce qui donne un cadre à des usages. De façon similaire, l’épaisseur de ces édifices avoisine 12 mètres, ce qui implique que la salle de bain se situe au centre du logement, qu’elle n’est donc ni éclairée, ni ventilée naturellement. (...) De plus, les normes et la pression des maîtres d’ouvrage, qui tiennent à certaines prestations, constituent le cadre rigide de la réflexion sur la conception des logements. Qu’elles soient thermiques ou acoustiques ces normes ont la réputation d’entraîner une rigidité des organisations ou des choix qui gênent les pratiques, alors même qu’elles sont censées augmenter le confort. Enfin, les catégories de financement sont accusées de provoquer une organisation stéréotypée du logement. 117» Cette architecture que l’on pourrait appeler « architecture réglementaire » ne résulte que d’une simple obéissance aux contraintes rencontrées aujourd’hui et peut nuire au travail de conception architecturale, et donc à la qualité du logement. Il faut cependant nuancer le propos, car bien que ces contraintes ne soient pas contournables, certaines sont un plus pour les logements et leurs usages. En effet, ces normes ont été décidées et appliquées pour ne pas créer d’inégalités, en permettant, par exemple, une partie de la population, même minoritaire comme les handicapés, de pouvoir vivre dans plusieurs types de logements. D’autres visent la sécurité d’autrui, comme les mains courantes ou les sorties des secours... « Nous avons respecté la division partie jour/nuit qui me semble une très bonne chose, et les maître d’ouvrage l’exigent. A cause des points Qualitel, nous avons été particulièrement attentifs aux problèmes phoniques : il y a trois portes entre toutes les chambres et l’accès ex117. CHATELET A.-M. & ELEB M., op. cit., p.262 126


térieur ». Les raisons de cette division sont donc rationnelles, liées à une certaine notion de confort.118 » Certaines normes respectent ainsi des pratiques différenciées de la famille, ou du moins les autorisent, mais cette normalisation intelligente du logement ne suffit pas à rendre un logement confortable, c’est plutôt une protection contre l’abus. « Il ne s’agit pas seulement ici de revendiquer pour les habitants une attention à l’usage, mais aussi de réclamer pour eux que les architectes reviennent à une architecture savante de l’habitation, qu’ils convoquent ou révoquent de façon maîtrisée les principes de le distribution. Qu’ils reviennent au travail savant de la mise en place des pièces, de leurs liaisons, qu’ils réfléchissent, comme leur prédécesseurs, sur les dispositifs adaptés aux modes de vie actuels mais assez flexibles pour tenir dans un futur proche.119 » Si ces normes sont aujourd’hui un gage de qualité, on peut cependant se poser la question suivante : qu’est ce qu’un habitat de qualité ? Le logement doit pouvoir en offrir d’autres, complétant celles purement normatives, car il n’est pas qu’un simple produit. Ne doit-il pas aussi induire la qualité architecturale et la qualité d’usage? Les règles ne doivent pas définir le logement contrairement à l’usage. Ce dernier, comme élément programmatique, permet à l’habitant de s’épanouir dans son logement et entraîne un processus d’appropriation plus fluide et facilité. Les qualités architecturales d’un logement, telles que la vue, l’orientation, ou encore l’espace, sont autant d’outils pour parvenir à cet épanouissement. L’architecture doit s’adapter ou être adaptable dans le temps pour évoluer en même temps que la famille, et ainsi annuler les contraintes dues à la rigidité du logement. * 118. Ph Dubois in CHATELET A.-M. & ELEB M., op. cit., p.110 119. CHATELET A.-M. & ELEB M., op. cit., p.305 127


Les années 70 marquent le début d’essais d’expérimentations sur le logement, encadrés et encouragés par le gouvernement avec le Plan Construction (aujourd’hui Plan Urbanisme Construction Architecture). Ces expérimentations, qu’elles soient considérées comme probantes ou au contraire critiquées, sont un premier pas vers la manière d’appréhender le logement d’aujourd’hui. Face à l’évolution des modes de vie, au vieillissement de la population et aux besoins spécifiques des catégories de population, on se demande s’il est encore possible de concevoir le logement selon des schémas traditionnels? Faire évoluer la cellule de logement, pour tenter de répondre à ces changements dans la population du pays, représente un bouleversement dans la conception architecturale après presque de deux siècles pendant lesquels la distribution du logement stagnait, répondant à l’urgence de la construction sociale. Pour le Premier ministre J. Chaban-Delmas, il s’agit de « rendre possible un habitat mieux adapté, dans le présent et pour l’avenir, aux exigences profondes de notre société. Il s’agit de stimuler l’innovation ainsi qu’une recherche coordonnée, dans toutes les phases et tous les aspects de la construction des logements : conception, réalisation, coût, qualité, environnement et, plus généralement, cadre de vie... »120. Comme nous l’avons constaté, accepter une forme de participation de l’habitant est encore à cette époque-là du domaine de l’exception. Les réponses proposées à l’évolution des modes de vie d’«habiter» sont à l’origine de suffisamment d’échecs pour que l’on puisse se questionner à ce sujet. Sans pour autant forcer l’appropriation, le rôle de l’architecte est de la favoriser et de se rapprocher au maximum des désirs réalisables de la majorité des français. Ces derniers cherchent des espaces reposants, privés, ou flexibles. Les résultats des enquêtes de satisfaction faites depuis 120. Extrait de la lettre de mission du Premier ministre, J. CHABAN-DELMAS, à P. DELOUVRIER, 19 mai 1971 in PREMIER PLAN DOSSIER, Rendre Possible : du Plan Construction au PUCA, juin-octobre 2012, p.3 128


des années sont finalement les mêmes que les miens, les mêmes depuis des siècles. Il s’agit toujours de parvenir à introduire les qualités de l’individuel dans le logement collectif. Il ne s’agit pas ici de condamner le logement collectif, au contraire, car l’idée d’accession à la propriété pour tous, qui plus est par une maison individuelle, ne sera jamais qu’utopie. Comme le disait E.Girard : « Le logement collectif représente un mode de vivre ensemble que je défendrai toujours par rapport au tout individuel et à ses ravages sur le territoire. Mais il est utile d’écouter ce que signifie le désir affiché des français pour l’habitat pavillonnaire. »121 Par ravages sur le territoire, elle parle ici d’étalement urbain de plus en plus inquiétant, souvent lié à de la construction pavillonnaire, bon marché, mais discutable socialement et architecturalement parlant. On ne peut pas renverser la tendance, il faut donc tenter d’adapter le logement collectif à cette volonté d’isolement et d’indépendance, bien ancrée dans l’esprit français, représentation d’une réussite sociale. Dans le logement social, la frustration due à ce rêve est encore plus présente car l’accès à la propriété, représentant une somme d’argent plus que conséquente, est beaucoup plus lointaine. Beaucoup d’architectes se sont penchés et se penchent encore sur le sujet ; comme nous l’avons vu, le logement social est depuis des années le principal terrain d’expérimentations du logement, un exercice obligeant à respecter ou à déjouer les contraintes dont il fait l’objet. Finalement, ce qui différencie le logement standard du logement social, c’est une économie de moyens plus importante dont il faut faire preuve à la construction. Les autres réglementations concernent le domaine privé comme le domaine public. En réponse aux faibles moyens mis à disposition, on cherche de plus en plus l’économie dans ces logements (les surfaces sont réduites au 121. E. GIRARD, Offrir au collectif les qualité de l’habitat individuel, p.36 in ELEB M., SIMON P., Entre Confort, Désir et Normes, Le Logement Contemporain 19952012 p.169 129


minimum viable, malgré les normes handicapés122, on utilise des matériaux à faible coût, etc...) tout en respectant les nombreuses réglementations ayant un prix (les isolations phoniques et thermiques, l’assurance de la pérennité du bâtiment, etc...). On est face à des normes de plus en plus nombreuses, coûteuses et réductrices mais avec un budget similaire. Si l’on ne veut pas que la qualité du logement en pâtisse, il semblerait logique que les principales économies soient faites sur les espaces communs. En effet, ceux-ci s’amenuisent, poussant certains concepteurs à rejeter les circulations à l’extérieur, avec des systèmes de coursives par exemple (un vrai plus pour les normes incendie123, mais aussi une économie de chauffage, plus de luminosité...) Certains immeubles de faible hauteur suppriment même les circulations horizontales.

Circulation extérieure dans les logements de Lacaton & Vassal, Sain Nazaire

124

122. Loi sur l’accessibilité en 2007 : Une unité de vie avec salle d’eau doit se situer en continuité du séjour et de la cuisine, ce qui réduit considérablement les pièces de vie au profit des autres pièces telles la salle de bain et les toilettes. 123. Couloirs intérieurs de 25mètres maximum de la porte du logement à la porte de la cage d’escalier ou de la sortie de secours, avec portes coupe-feu. 124. 53 logements HLM, Lacaton & Vassal, 2011 130


Ce concept du prolongement de l’intérieur vers l’extérieur est très important pour le locataire. La plupart des personnes rencontrées utilisent leur balcon ou terrasse dès que le temps le permet. Ces espaces réorganisent complètement l’usage du logement, devenant salon, salle à manger et parfois même cuisine avec des barbecues. Aux Diversités, la terrasse sur le toit des maisons pilotis transforme complètement l’organisation classique du logement. La cuisine se trouve au niveau de la terrasse, le salon et une chambre au R+2 et le reste des chambres et un bureau au R+1.

Vue aérienne de l’opération de R. Hondelatte et M. Laporte avec leur distribution inversée, les Diversités, Bordeaux

La serre entre les deux corps de bâti, les Diversités, site de la Grenouillère, Bordeaux, F. Champiot, 2009 131


Ces espaces représentent un gain de place car ils peuvent accueillir du mobilier, des vélos, du rangement, et une économie financière. Les coursives et les loggias n’entrent pas dans le prix du loyer, mais rappellent le concept de la maison individuelle. On peut aussi citer les jardins d’hiver et la mise en place d’une double peau qui sont souvent très utilisés par les habitants car ces espaces sont abrités et considérés comme une extension du logement. On recherche la présence de végétation, comme on pourrait l’avoir dans son propre jardin. Cela peut se traduire par des pots de fleurs sur un balcon ou par la culture en terre sur les terrasses que j’ai pu voir aux logements Lucien Rose. Dès le XIXe siècle, on l’a vu, il s’opère des changements cruciaux dans la forme et le fond des logements. Et ce n’est pas seulement dans la typologie : la cour d’immeuble, par exemple, qui n’est plus la pièce d’apparat attribuée aux hôtels particuliers du XVIIIe siècle, devient d’abord une cour de service, indispensable pour éclairer ou ventiler. Au milieu des années 70, on retourne aux formes de l’îlot traditionnel avec des espaces extérieurs changeant de statut, la cour redevient alors essentielle dans la composition de l’habitat collectif.125 Conservant son but hygiéniste, elle s’agrandit. On lui attribut maintenant la fonction de lieu de rencontre, d’échange. Elle se transforme par la suite pour devenir un espace plus ouvert, souvent boisé ou planté, réservé aux habitants comme l’opération de la rue de Meaux de R. Piano, B. Plattner et M. Desvignes (paysagiste).126 Cette dernière créé une certaine fierté et un sentiment d’appartenance de la part des habitants, rassemblés autour d’une cour plantée de bouleaux. L’intimité et la sensation de 125. Bien qu’il s’agisse principalement d’un souci de respecter les contraintes économiques du terrain. 126. 221 logements HLM tri-partitionnés. Paris 19e, 1991 132


sécurité sont des mots clé de la conception bien que la cour soit accessible et traversante en journée.

Rue de Meaux. Entrée sur la cour inté- Rue de Meaux. Vue sur une loggia harieure plantée de bouleaux bitée

Ces espaces collectifs sont indispensables, car malgré ce désir d’individualité dans le logement, se sentir chez soi, c’est aussi accepter ses voisins. Dans le logement collectif, c’est une contrainte que l’on ne peut négliger et qu’il faut traiter. C’est d’ailleurs le parti pris de certains architectes, qui valorisent les espaces communs et les points de rencontres dans leurs opérations. C. Furet imagine des « vivre ensemble » dans son opération parisienne du 17ème arrondissement127, témoin d’un grand travail sur l’échange social dont elle est partisane, avec des cours intérieures, des espaces intermédiaires entre l’intérieur et l’extérieur, etc... Le bruit est la plainte la plus courante mais ne sommes nous pas plus tolérants envers des voisins que l’on rencontre et que l’on apprend à connaître? 127. 193 logements avenue de Clichy (PLA,PLI et accession), sept ateliers d’artistes. Livrés en 1996. 133


Cour intérieur de l’opération 141-143 avenue de Clichy et rue Lemercier, Paris 17e, C. Furet, 1997 134


Face à ces nouvelles mutations, les expérimentations dans le logement se font souvent sur la base de concepts issus de l’histoire du logement, mais réadaptés en fonction des nouveaux besoins.

Appartements-ateliers pour artistes céli- Rue Lepeu. Intérieur d’un atelier d’arbataires et pour « bon père de famille », tiste, J.-P. Pranlas-Descours, 2005 Paris 14e, A. Arfvidson, 1912

La typologie des logements semble être un constant va et vient entre de grandes idées telles que celles que l’on a pu étudier dans le chapitre II et il est impossible de réellement anticiper ce que sera le logement de demain. Après avoir assisté à un cloisonnement des pièces dans les logements ouvriers pour lutter contre les maladies au XIXème siècle, une fois ces maladies plus ou moins éradiquées, la transparence et le décloisonnement sont par la suite beaucoup traités, laissant parfois de côté le confort des habitants (bruits, odeurs mais aussi disparition de l’espace privé que l’on ne peut préserver des regards d’autrui...). Pourtant, le souhait de beaucoup d’habitants de protéger leur intimité à l’intérieur du logement, s’oppose à ce décloisonnement qui s’est développé, car « à la mode », avec les lofts, cités précédemment. On a donc prôné des distributions internes décloisonnées, qui obligent à une attitude active, remettent en question la pratique et la façon de meubler et jouent donc beaucoup sur la façon de s’approprier l’espace. Pour 135


pallier à cette perte d’intimité, on décide alors de travailler dans l’entre deux, par exemple avec un cloisonnement évolutif. Le célèbre plan libre de Le Corbusier devient alors le plan « libéré ». On peut ainsi s’approprier l’espace de différentes façons, et le cloisonner selon les besoins, avec du mobilier ou des paravents.

Essais d’habitation évolutive, Syndicat des architectes de la Seine, 1960 136


Certains architectes essayent de prévoir ces possibilités, ce qui apparaît dans les dessins des plans, où un renfoncement est pensé de façon à accueillir un lit ou un bureau, et où une ouverture est dessinée de telle façon que l’on puisse y installer une porte... Concernant cette volonté d’espace décloisonné cloisonné, Ph. Dubus crée un module regroupant cuisine, salle de bain, et rangements, constituant un noyau central desservant les chambres. Ce module délimite l’espace jour de l’espace nuit à l’aide de parois coulissantes tout en laissant la choix de préserver les perspectives visuelles de ces logements traversants.128

Plan de deux appartements de l’opération du Bois Habité, Lille avec bloc regroupant cuisine, WC, salle de bain et rangement. Ph. DUBUS, 2007 128. Logements individuels (six maisons de ville), 16 intermédiaires et 24 collectifs, du T2 au T5. Opération Bois Habité à Lille. Livrés en 2007 137


La distribution des pièces ne permet pas toujours plusieurs possibilités pour l’installation des meubles, alors qu’au fil du temps, nos besoins changent, nos modes de vie aussi et le logement doit s’adapter. Revendiquer une architecture « forte » dont la provocation active l’appropriation chasse souvent les classes populaires et provoque des problèmes de ségrégation sociale ; cette classe sociale ayant du mal à meubler les logements, difficulté souvent du à des problèmes financiers (le mobilier basique et bon marché n’est pas adapté à des logements atypiques). Prenons l’exemple de l’opération Kalouguine129. Ce projet est remarquable pour ses murs courbes et ses poteaux présents dans les logements. Ces éléments « placent leurs occupants dans l’inconfort de l’ambivalence entre l’usage pratique (difficulté d’ameublement et de marquage des murs) et l’usage symbolique du logement (valorisant par un espace nouveau ni HLM ni bourgeois)130. » Les surfaces sont supérieures à la moyenne et chaque appartement bénéficie d’une très bonne luminosité. On perçoit alors deux types de réponses des la part des habitants : ceux qui n’utilisent que les murs droits de l’habitat et qui habitent le logement « normalement » en rejetant l’innovation et ceux, dominants, qui recherchent un aménagement permettant de mettre cette innovation en valeur, en traitant les poteaux ou en rachetant du mobilier.

Plan d’un logement de l’immeuble Kalouguine à Angers, 1971 129. 220 HLMO, V. KALOUGUINE, Angers, 1971 130. BENDIMERAD S. & ELEB M., Vu de l’Intérieur, habiter un Immeuble en Ile de France, 1945-2010, p.82 138


Salon avec un aménagement classique dans l’immeuble Kalouguine à Angers dans les années 70 « J’avais posé mes conditions : si je peux pas mettre mes meubles je rentre pas, hein ?131»

Salon avec volonté de s’adapter à l’architecture de l’immeuble Kalouguine à Angers dans les années 70 131. Interview de Petiteau auprès des habitants de Kalouguine, 1977 in LEGER J.-M., Derniers Domiciles Connus, Enquête sur les nouveaux logements 1970- 1990, p. 70. 139


Deux ans auparavant, étaient construits les logements de l’opération Danielle - Casanova132 pour lesquels la plupart des habitants ont été obligés de renouveler leur mobilier en arrivant. En effet, les logements ont tous des angles aigus, très difficiles à investir pour certains habitants. Les petites chambres ne laissent parfois pas le choix quant à la position du mobilier. Les appartements, tous différents, sont attribués à l’origine en fonction des choix des futurs occupants. Aujourd’hui, ces bâtiments n’accueillent plus des ouvriers, mais des « représentants de la classe ouvrière » et des intellectuels. On peut « escalader » le bâtiment, lors d’une balade dessinée sur les toits plantés et aménagés, le tout favorisant les rencontres. L’architecte conteste la partition jour/nuit et la cuisine près de l’entrée, bousculant l’image stéréotypée du logement.

Plan d’un cinq pièces de l’immeuble Danielle- Casanova à Ivry sur Seine

Cuisine d’un logement

« Ce que je ne comprends pas, c’est qu’avec tout cet espace qu’ils avaient dans le salon, ils aient pas pris une peu dans le salon pour en rajouter dans la cuisine. Je me demande si c’est pas fait exprès pour que les gens ne mangent pas dans la cuisine133 ». 132. 80 ILN de J. RENAUDIE, Ivry sur Seine, 1969 133. Enquète de F. Lugassy, 1974 à propos de Danielle-Casanova, Ivry sur Seine in LEGER J.-M., op. cit., p.98 140


Salon d’un logement de l’immeuble Danielle-Casanova à Ivry sur Seine dans les années 70

Salon avec appropriation d’un angle de l’immeuble DanielleCasanova à Ivry sur Seine dans les années 2000

Promenade sur les toits de l’immeuble Danielle-Casanova à Ivry sur Seine dans les années 2000 141


Jusque dans les années 1950, c’est cette partition jour/nuit qui est à la base de tout logement. Mais le regroupement de toutes les chambres est remis en question, car il conduit à une perte d’intimité entre l’espace des parents et l’espace des enfants. Aujourd’hui on parle de tripartition, avec une pièce se détachant de la partie nuit, afin d’être plus isolée phoniquement que les autres pièces : celle-ci peut être suite parentale, salle à manger, bureau... Cela revient à dire qu’elle peut être une partie nuit, une partie jour ou une partie service. Ces logements comprenant une chambre autonome, parfois reliée à une salle d’eau, montrent une évolution des usages et la volonté d’un logement plus modulable, à l’image de la famille aujourd’hui. Dans une interview, J.C. Kaufmann se concentre ainsi sur l’enfant qui grandit, prenant une certaine indépendance en se créant une vie en dehors de l’habitat, de la famille et dont la chambre devient le refuge : il qualifie ce comportement de « neo camping »134, notion qui induit le fait que l’adolescent ne fait pas que dormir dans cette pièce mais qu’elle devient à usages variés. Afin d’anticiper l’agrandissement d’une famille et de réduire les déménagements, représentant en quelque sorte une perte de l’identité et un retour à zéro du processus d’appropriation, une des solutions proposées est la possibilité d’ajouter un studio accolé au logement135. Un grand T2 peut alors devenir un petit T3 relié par une loggia appropriable en guise de pièce supplémentaire. F. Borel, par exemple, imagine un T3 de 68m2 qui à certains étage devient un T2 et un studio avec entrée privative sur le même palier, accueillant étudiant ou personne âgée, non sans rappeler les appartements de type haussmannien avec les chambres des domestiques. 134. BELLANGER F., Habitat(s), Questions et Hypothèses sur l’Évolution de l’Habitat p.180 135. Cependant, cette possibilité s’avère très compliquée en dehors de l’accession. 142


Plan d’un logement 3 pièces modulable de F. BOREL, boulevard de Belleville, Paris 20e, 1989

Ces grandes idées font référence à une tendance à la polyvalence que connaît notre société aujourd’hui. Cette tendance se reflète dans les métiers que nous exerçons, dans l’attribution des pièces d’un logement, et même dans nos meubles (le canapé qui devient lit, la voiture avec plus ou moins de sièges...). La demande insistante concernant l’espace a pourtant déjà été traitée : les familles sont moins nombreuses et les appartements plus grands. Ce besoin d’espace est en partie expliqué par le fait « qu’en moins trente ans, le volume des objets a été multiplié par 10 »136 et que l’homme passe de plus en plus de temps chez lui, avec l’apparition de la télé, d’internet… « La sociabilisation ne fonctionne plus sur la proximité (on ne connait plus ses voisins) mais sur les centres d’intérêts. »137. Lors de mes entretiens, j’ai été frappée par le fait que certaines 136. BELLANGER F., op. cit. p.156, en réponse à quoi, on développe des espaces de rangements qui sont maintenant devenus une caractéristique essentielle d’un logement 137. BELLANGER F., op. cit. p. 185 143


familles avaient beaucoup attendu l’obtention leur appartement, non pas par rapport au manque d’offres comme je l’avais d’abord pensé, mais parce qu’ils avaient fait la demande d’une pièce supplémentaire. J’ai tendance à penser que dans le contexte actuel, lié à une période de crise, les familles ne feraient pas vraiment de difficultés lors des attributions, et pourtant, cette pièce supplémentaire semble de plus en plus indispensable, et le fait que la demande se fasse dans le domaine du logement social en est la preuve138. Cette nouvelle requête, permettant de se livrer à des hobbies ou de créer un espace plus intime, réservé exclusivement à la famille, n’apparaît réellement au cœur des discussions qu’à la fin des années 80 : « L’enquête INSEE en 1988 montre à ce propos que cette pièce en plus est souhaitée par les français avec des différences selon leur appartenance sociale et leur âge. Par exemple, entre 25 et 40 ans, les cadres supérieurs et les employés sont 73% à la souhaiter tandis que les agriculteurs sont 56% à accorder une préférence par ordre croissant à une pièce de rangement, une chambre d’enfant, une chambre d’amis et enfin une pièce à usage variable. »139. Elle ne fait que favoriser une appropriation face à l’indétermination croissante des pratiques. Ces expérimentations ont cependant leurs limites. Certains des points cités plus haut ont été remis en question, parfois critiqués pour leurs principes - une perte d’intimité avec le salon pour les couples transformant la pièce issue de la tripartition en chambre – des problèmes constructifs – comme les cloisons mobiles qui déçoivent les habitants ; elles ne sont pas assez isolantes et leur coût est bien trop élevé pour en permettre l’installation dans les logements sociaux - ou parfois pour un simple manque de bon sens - les 138. Je suis cependant consciente que ce n’est pas le cas pour toutes les familles 139. CHATELET A.-M. & ELEB M., Urbanité, Sociabilité et Intimité. Des Logements d’aujourd’hui p.215 note 160 144


odeurs de solvants et de peintures dans les appartements - ateliers. « Signalons aussi que le fait de proposer des logements innovants ou inhabituels aux habitants captifs du logement social, à ceux qui n’ont pas d’autres choix, est une position irréaliste de la part des décideurs, qui ont, comme de très nombreuses études l’ont montré, toutes les chances de voir ces études incomprises.140 » Les habitants ne comprennent pas forcément la volonté que l’on peut avoir à créer renfoncements, cloisons, ou certaines distributions... et interprètent parfois ces logements comme « non terminés », ou n’arrivent pas à s’y sentir bien. Il est très commun dans le logement que les outils proposés par l’architecte ne soient pas utilisés de la façon prévue. On peut prendre l’exemple des logements sociaux141 de Lacaton & Vassal, eux encore à Saint-Nazaire, dont les jardins d’hivers de 45m2 étouffent sous un monticule d’objets en tous genres, cette pièce non chauffée étant considérée comme un débarras plutôt que comme le prolongement des pièces. On en revient finalement à la question d’un apprentissage de l’habiter... L’appropriation, ce phénomène humain naturel poussant l’homme à investir son espace et à le rendre unique prouve pourtant que l’habitant sait instinctivement comment organiser son espace de vie. Cela signifie que chacun « possède un système de référence par rapport auquel il se situe, soit en le reconduisant, soit en le détournant, soit encore en faisant des compromis au contact de l’autre.142 », une base de données dans laquelle on puise pour pouvoir affirmer sa personnalité à travers le logement. L’appropriation, bien qu’elle soit mise en œuvre afin de se sentir mieux et en sécurité, ne doit pas être 140. CHATELET A.-M. & ELEB M., Urbanité, Sociabilité et Intimité. Des Logements d’aujourd’hui, p.262 141. 23 logements HLM, Lacaton & Vassal, Saint Nazaire, 2008 142. ELEB M., SIMON P., Entre Confort, Désir et Normes, Le Logement Contemporain 1995-2012, p202 145


confondue avec satisfaction. Elle peut d’ailleurs se faire dans les milieux les plus extrêmes : les prisons, les squats de SDF, les studios exigus des étudiants... Cette appropriation se fait par la décoration, la projection de frontières mentales, sans pour autant ressentir une satisfaction.

146


CHAPITRE V Habiter le logement social, s’approprier la contrainte



Promenons-nous au Thabor

Afin d’approfondir les notions étudiées dans la partie précédente, j’ai voulu moi même confronter des habitants à leur logement et recueillir leurs sentiments à propos du logement social. Il m’était alors indispensable de faire un choix concernant un bâtiment à étudier pour avoir divers points de vue à propos d’une même opération. Mes premières recherches se sont tournées vers Rennes. Je ne sais pas vraiment pourquoi, étant donné que ma ville d’origine, Le Havre, aurait été tout autant, voire plus « qualifiée », pour ce travail sur le plan du logement social. Je crois que j’ai encore du mal à me détacher de cette image négative que cette ville représente, des actes de violences que l’on m’a rapportés et dont j’ai parfois été témoin. Quand je pense aux logements sociaux havrais, je pense à ces fameuses barres des années 60 - 70 dans les quartiers sensibles, dont les halls étaient tagués, sales et en permanence occupés... Je suis consciente du travail de rénovation entrepris et de l’évolution de la ville ces dernières années, mais je n’arrive pas encore à passer outre ; comme quoi, le travail sur le changement de l’image du HLM est une tâche bien délicate... En Bretagne, nous avons beaucoup visité des opérations de logements sociaux durant nos études mais je ne connaissais que peu de logements sociaux récents ; cette volonté d’analyser un bâtiment datant d’il y a moins de 15 ans est à mettre en parallèle avec l’histoire du logement et ses problèmes qui ont été réglés, ou du moins retravaillés. En effet, j’avais par exemple étudié avec beaucoup d’attention deux barres des années 60 en master 1, dans le cadre d’un projet de réhabilitation à coté du stade rennais, encadré par M. 149


Faunières, mais je considère que les problèmes les plus récurrents et contestés de ce genre de bâtiments (isolation phonique, apparence austère, espaces communs sombres voire inexistants...) sont beaucoup plus travaillés dans la majorité des projets d’aujourd’hui. Par ailleurs, je ne voulais pas un projet trop récent, comme celui de J. Nicolas et S. Le Hen, que j’avais préalablement sélectionné, dans le quartier de la Touche ; bien qu’intéressant, j’estimais qu’il n’était pas assez ancien pour permettre au gens de se l’approprier. J’ai souhaité éviter les ZAC143, comme la Courrouze, qui bien que pouvant correspondre à mes attentes en terme de mixités, de dialogues avec les habitants, et d’études de logements, ne me plaisaient pas forcément architecturalement parlant. De plus, ces zones donnent plus de libertés aux architectes, souvent dans des espaces éloignés, permettant une conception moins contraignante, et je ne voulais pas perdre cette idée de contrainte, que ce soit dans les logements attribués et subis, ou dans l’architecture respectant, en plus des normes, les caractéristiques des logements sociaux. J’ai découvert l’opération Lucien Rose de 81 logements sociaux et d’une bibliothèque de quartier il y a 4 ans, quand H. Potin, enseignant d’atelier de licence 2 nous avait demandé d’étudier des logements. J’avais donc déjà, à cette époque, eu l’occasion d’aller frapper aux portes, afin de comprendre le projet. Malheureusement, les années ont fait que mon travail a été égaré, mais ce projet est resté dans un coin de ma tête. Ce bâtiment m’avait marqué à l’époque pour plusieurs raisons. Je me souviens encore du sentiment que j’avais eu en traversant le Thabor et en découvrant au loin les façades rosées bardées de bois clair. Rennaise depuis déjà quatre ans et adepte du Thabor, j’avais la sensation que la ville m’avait caché 143. Les ZAC sont des opérations publiques d’aménagement de l’espace urbain qui se sont substituées aux ZUP en 1967. 150


quelque chose... Ou était-ce peut-être ma sensibilité architecturale naissante qui me frappait de plein fouet. Bien qu’au tout début de mon cursus architectural, je pense que j’avais compris une part de l’enjeu de ce projet et la beauté de son intégration dans un cadre idyllique pour un centre ville d’une grande agglomération. Malgré cela, je n’avais pas aimé. Quelque chose dans la forme de ces trois blocs identiques me dérangeait et c’est d’ailleurs encore le cas aujourd’hui. Alors pourquoi l’avoir choisi ? Je pense que j’avais cette envie de terminer mon cursus scolaire en retournant sur un projet que je connaissais. « La boucle est bouclée » comme on dit, et ce mémoire, c’est un peu la poursuite d’un enseignement commencé il y a cinq ans. *

Plan masse de l’opération et son intégration au parc du Thabor 151


Comme je l’ai mentionné plus haut, ce projet s’implante en bordure du parc du Thabor, un lieu incontournable du centre ville rennais, et plus précisément à la sortie du parc botanique dans le quartier Lucien Rose, aux emplacements des anciennes serres. C’est d’ailleurs la première chose qui frappe : le plan masse est le résultat d’un réel travail sur l’intégration du site dans ce paysage et la transition entre le parc et la rue. En effet, au delà de la réflexion dont a fait preuve l’Atelier du Pont quant aux logements, que nous verrons ensuite, on retrouve une autre réflexion mêlant l’urbanisme, l’architecture et le paysage de manière très sensible. E.Hervé, maire de Rennes à l’époque, a souhaité l’implantation de ces 81 logements sociaux dans un quartier très chic, traduisant cette volonté de changement d’image des logements sociaux, dans la dynamique de la loi SRU. La médiathèque de quartier Lucien Rose, complétant le projet et refermant le site, est d’une petite taille pour une ville telle que Rennes, donnant à l’endroit le charme et l’intimité d’une petite commune. S’enchâssant au terrain, cette médiathèque permet aussi de signaler l’entrée du parc, accompagnant l’usager tout au long de l’ascension du dénivelé de quatre mètres, jusqu’au Thabor. Son toit plat en paliers est accessible et planté d’un potager. Éclairé par cinq failles, son intérieur est simple, fonctionnel. Le mobilier, dessiné par l’agence, est bien pensé et adapté aux usages des lecteurs, quelque soit leur âge. Du parc, on ne perçoit que trois gros volumes émergents, de même taille, à mi chemin entre les villas que l’on peut voir dans le quartier, et l’immeuble d’habitation. C’est donc un projet qui, à l’image de la médiathèque, reste à une échelle très réduite. Commandité par Archipel Habitat, le chantier commence en 2005 et se termine en 2009. Ce projet est Lauréat du Prix d’Architecture de Bretagne 2010, catégorie habitat collectif. Aujourd’hui, 152


plus qu’il y a quatre ans, la végétation occupe une place de choix dans cette opération et les terrasses des rez-de-chaussée ne se distinguent plus de la verdure entourant les bâtiments. J’ai lu quelque part que ce site était décrit comme hors du temps et c’est exactement la sensation que j’ai eu en y arrivant, et ce, même après plusieurs visites. Le quartier est calme et reposant. Pour un visiteur, l’endroit donne envie d’oser traverser cette intimité verdoyante. Les équipements qui jouxtent l’opération, comme l’école maternelle et élémentaire Duchesse Anne, en face de la médiathèque, ravissent les usagers qui laissent volontiers les écoliers y aller seuls, un vrai plus pour une opération de logement. Pour les habitants que j’ai rencontré, l’espace reste tout de même assez privé, malgré les nombreux passages dans la journée. En effet, bien que l’on puisse utiliser la bibliothèque et traverser le site, les habitations sont tout de même mises à distance, grâce au dénivelé du terrain. Le traitement de sol accompagne réellement, du parc à la rue, et il faut oser gravir les marches montant quatre autres mètres séparant l’esplanade au sud, des logements à l’ouest ; on peut aussi passer par l’arrière, par la rampe handicapable, mais on se retrouve alors face aux terrasses et balcons, à l’arrière des trois bâtiments principaux, et les grandes ouvertures donnent l’impression de s’immiscer dans la vie privée des locataires.

Vue des plots 2 et 3 du parc du Thabor 153


L’escalier principal pour accéder aux plots. A gauche, les trois autres bâtiments viennent refermer le site.

Les logements sociaux face à la bibliothèque de quartier Lucien Rose 154


Accès au plot 2 155


Appropriation des terrasses du plot 1 156


Les six bâtiments sont bardés de clins de bois rythmant la façade, les tons des matériaux ont été savamment choisis pour se fondre en douceur avec le paysage, entre le bois brut clair et le rose de l’enduit. Les trois plots en R+4 sont identiques dans leur nombre et leur typologie de logements, mais les halls, au RDC, sont différents. Chaque hall est traversant, assez lumineux pour un bâtiment aussi épais et les lieux sont propres. Le plot situé à l’Est est le seul à ne pas être physiquement traversant, bien qu’une petite fenêtre soit présente en façade. Cela amplifie la sensation que les bâtiments se referment sur eux-mêmes. Les trois autres bâtiments en R+3, dont les derniers étages sont des duplex, sont eux aussi identiques, organisés autour d’une « rue » interne traversante. Je me suis essentiellement penchée sur les plots, tout simplement, parce qu’à mon grand regret, je n’ai pas réussi à entrer dans les autres bâtiments. On y trouve trois typologies différentes, du T2 au T4, avec pour la plupart un accès à un espace extérieur. Les rangements y sont nombreux et les logements sont divisés selon la distribution jour/nuit. Chaque appartement comprend une entrée et une cuisine fermée sur les plans, ce qui n’est pas toujours le cas dans les appartements que j’ai visités. On peut lire sur les plans que les logements sont isolés par un mur porteur les uns des autres, mais aussi des circulations communes. Presque parfaitement orientés Nord/Sud, on peut cependant remarquer que les bâtiments sont implantés avec un léger décalage les uns des autres, pour gagner en luminosité et dégager des vues des espaces extérieurs, le vis à vis étant très présent. J’ai souhaité relier cette première approche, d’un œil que l’on peut considérer comme initié, au regard des habitants de cette opération de logements sociaux. Je voulais comprendre comment ils appréhendaient cette architecture et de quelle façon ils se l’étaient appropriée.

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Typologies des logements du RDC

Typologies des logements du R+1 et 2

Typologies des logements du R+3

Typologies des logements du R+4

Logements T2 Logements T3 Logements T4 158


La perception du logement par ses habitants

Ayant préalablement étudié beaucoup de logements dans le cadre de mes semestres d’ateliers, j’ai l’habitude de prendre le temps de sonner aux portes et de questionner les habitants sur leur ressenti, sur leur façon de vivre le bâtiment au quotidien et pour pouvoir voir les différents intérieurs. Pour la plupart, ils étaient très heureux de nous ouvrir et répondaient volontiers à toutes les questions posées. En général, ce genre d’entretien dure une vingtaine de minutes, et les personnes ne refusent que rarement que l’on visite, ou même que l’on prenne des photos. Après la première gêne, souvent due au « désordre » (plus ou moins relatif selon les appartements), on peut apprécier cette facilité qu’ont les habitants à raconter leurs anecdotes, à travers lesquelles on perçoit une certaine fierté d’être résidants d’un logement ou d’un bâtiment en particulier. Certains n’ont aucune connaissance relative à l’architecture, mais le fait de rencontrer des personnes s’intéressant à leur logement les amène à une prise de conscience quant au travail fourni en amont et ils se prennent rapidement au jeu de commenter les plans et les choix esthétiques ou fonctionnels. Mes meilleurs expériences ont été vécues à Saint Nazaire, dans différents projets, où les gens nous faisaient eux même les visites avec nos plans en nous montrant chaque recoin, sans aucune gêne. On s’aperçoit rapidement qu’il y a deux sortes de locataires : ceux qui n’ont pas vraiment le choix et qui jugent leur logement satisfaisant, malgré les limites qu’eux-mêmes identifient (la dissonance entre esthétique du projet et leurs goûts ; les petites malfaçons pénibles pour la prise de possession des lieux ; les imprévus de la vie collective). Inversement, d’autres mettent en avant d’emblée les critiques alors qu’ils trouvent dans le logement 159


habité, un concept en adéquation avec leurs attentes. Il ne s’agit pas de coller au discours des habitants mais d’en comprendre les modalités d’expression, les nuances et les contradictions. La mise en œuvre de petits entretiens spontanés ayant pris une grande place dans mes projets à l’école, je trouvais très intéressant de réitérer l’expérience pour mon mémoire. Cependant, la mise en place des entretiens dans l’opération Lucien Rose a été beaucoup plus compliquée que je l’avais imaginé. J’avais prévu de faire des croquis des logements, de la manière dont ils étaient agencés et je n’ai pu en faire que très peu... En effet, je n’ai pratiquement pas eu le droit de les visiter et encore moins de les dessiner. J’avais également prévu d’enregistrer les habitants afin de mettre en place des conversations spontanées et de mettre à l’aise les habitants, mais beaucoup ont refusé, m’obligeant à prendre des notes au fur et à mesure, ne permettant pas la fluidité prévue. Comme e l’ai dit précédemment, je me suis trouvé face, après coup, à la difficulté de retranscrire les informations et de les traiter, n’ayant jamais été confrontée à ce genre de travail auparavant, plus abouti qu’une simple visite basée sur la curiosité. En somme, je considère ces entretiens comme un échec, bien qu’ils m’aient permis de récolter des informations sur le bâtiment et les façons qu’avaient les occupants de l’habiter. Ces entretiens ont malheureusement pris une place secondaire dans mon travail, complétant les recherches, afin de l’illustrer de manière un peu plus sensible. , Ces rencontres se sont déroulées en deux phases durant le mois de janvier et février 2016. La première, début janvier, consistait donc à aller frapper directement aux portes. Fortes de mes expériences positives passées, je me suis vite aperçue cependant que celle-ci allait être différente. Je souhaitais instaurer une conversation, un réel échange entre les 160


habitants et moi, et j’avais négligé le fait que me présenter aussi rapidement devant leur porte pouvait les déranger, voire les choquer. Mon premier problème a été de pénétrer dans l’immeuble : même en expliquant mon projet, les locataires étaient relativement méfiants. Pourtant, les logements se situent dans un cadre calme, loin des zones plus délicates, et je ne pensais pas qu’il y aurait une telle réticence à me voir entrer dans les parties communes. Après quelques essais infructueux, j’ai réussi à entrer... sur un malentendu. En effet, les personnes d’origine étrangère étant très nombreuses dans ces logements, on m’a souvent ouvert la porte parce qu’on ne me comprenait pas. En passant d’étage en étage, j’ai pu m’apercevoir que beaucoup de personnes étaient absentes : en fait je n’ai pas eu réellement le choix. Comment choisir le jour et l’heure idéale pour aller interroger quelqu’un ? Il était pour moi hors de question de faire les entretiens le week-end, sans l’autorisation des habitants, car je considère ces journées comme sacrées, mais il m’était également impossible de faire cela le soir, ou le midi, consciente qu’il est délicat de rencontrer les gens après leur journée de travail ou lors de leur pause méridienne... Je me sentais condamnée à rencontrer des femmes au foyer, des retraités ou des chômeurs, ce qui ne me permettait pas de couvrir l’ensemble des habitants de ces logements. J’ai quand même réussi à rencontrer quelques personnes. (Finalement, je n’ai pas rencontré de retraités)... Les premières journées ont été laborieuses et plusieurs personnes m’ont fermé la porte au nez, refusé de me parler, et la plupart du temps, de manière assez sèche. Au fond, j’avais prévu ce premier échec, et j’avais bien pris soin de noter les noms et les numéros d’appartements des personnes ne souhaitant pas me parler pour ne pas y retourner. Pour être honnête, je n’ai pas vraiment insisté et j’ai changé ma méthode.

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Dans un deuxième temps, j’ai donc rédigé un mot afin d’annoncer plus clairement mes attentions. J’avais rapidement compris la réticence qu’avaient eu les locataires en me découvrant sur le pas de leur porte, et bien qu’ayant expliqué ma venue, je pense que certains ne m’ont pas fait confiance, pensant à une quelconque arnaque, ou bien, se sentant agressés dans leur sphère privée. Je ne peux pas blâmer ce comportement, qui finalement démontre un certain attachement à son logement et à l’intimité qu’il procure. Cela démontre par la même occasion que même les parties communes sont presque une extension au logement où il est étrange de découvrir une personne extérieure à l’immeuble. J’ai donc profité d’un entretien pour mettre ce mot dans les boîtes aux lettres de l’immeuble, profitant encore une fois, je l’avoue, des lacunes concernant la langue française de certains habitants, pour accéder à tous les halls. Cette fois-ci, je souhaitais, sans grande conviction, que les personnes intéressées me contactent, afin de respecter la vie privée de ceux que cela pouvait déranger. La première vague d’entretiens m’avait donné de quoi nourrir mon sujet, mais j’avais ce sentiment d’avoir un peu forcé la main, de ne pas avoir eu le contact spontané que j’avais pu avoir dans d’autres projets de logements. Cette deuxième méthode m’a permis de refaire des entretiens, avec des personnes plus ouvertes à une visite du logement, me permettant de faire quelques croquis. Et en effet, le contact a été plus fluide, donnant lieu à de vraies conversations. Pour autant, je n’ai pas eu l’impression d’avoir obtenu plus de renseignements. Humainement, j’aime ce rapport avec l’habitant, j’aime écouter les histoires de voisinages, les anecdotes de la famille concernant les espaces, principalement extérieurs ; j’aime visiter, recenser l’organisation de l’espace, ordonnée ou non, tellement révélatrice des mo-

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des de vie144. Mais dans l’opération Lucien Rose, l’idée de préserver l’intimité était bien trop présente pour cela. Malgré le fait que certains de ces habitants étaient volontaires, le malaise restait le même lorsqu’il s’agissait de parler de son quotidien, de ses rituels ou de laisser entrevoir son lieu de vie. Après avoir étudié le rapport présent entre l’habitant et le logement, je ne peux pas leur en vouloir. * J’ai donc obtenu 11 entretiens, si je retire les rapides conversations au seuil des logements, sans grande utilité quant à une retranscription de l’habitat et du quotidien de l’usager. Cela permet tout de même de recenser 11 modes de vie différents, dans des appartements conçus sur les mêmes principes, parfois identiques. Les différentes opinions de ces locataires montrent bien que le logement n’est pas une science exacte. La sensibilité qu’en a l’occupant dépend de beaucoup de données tels que l’âge, la classe sociale, la profession ou la cellule familiale dont il est issu, celle qu’il a engendrée... « Il reste qu’un logement est évalué par ses occupants en fonction des améliorations qu’il offre par rapport au logement précédemment occupé ; que chacun cherche à travers ses déménagements successifs à trouver un logement plus confortable. Le confort recherché est, comme le rappelle Jean Noël Blanc, relatif à la situation personnelle de chacun. « Un même logement peut être décrié par certains et hautement valorisé par d’autres, et ce jugement ne dépend pas, en définitive, des 144. Je vous invite à (re)découvrir le travail du photographe B. GIRBOVAN qui j’ai ajouté en annexe. Ce roumain, curieux de savoir comment ses voisins avaient investi le studio similaire au sien, photographia les dix studios de son immeuble. Rassemblées dans un projet appelé 10/1, ces photos révèlent les différentes façons de s’approprier le même espace. Bien que ce mémoire traite de l’ «habiter» français, cela n’en n’est pas moins intéressant. 163


goûts individuels, mais d’abord de la famille, compte tenu des stratégies qu’elle a adoptées. Voila pourquoi on peut conclure que l’obsolescence de l’habitat social tient pas moins à la qualité du logement qu’à la multiplicité des choix que le parc social peut ou non nous offrir aux diverses familles en fonction de leur trajectoire. » »145

Logements visités dans les plots 2 et 3 au RDC

J’ai commencé par le RDC des plots, où j’ai pu visiter trois logements dans les bâtiments 2 et 3 dans lesquels je n’ai pas eu le droit de dessiner. Dans le premier T3, vit un nouveau couple ayant la cinquantaine146. Lui avait un chien et deux chats avant qu’il rencontre sa compagne qui avait aussi deux chats. Du coup, « ça fait beaucoup » du goût de M. Ke, « mais on fait avec ». Le rez-dechaussée leur convient d’ailleurs pour cette raison car les terrasses ne sont pas fermées, mais juste délimitées par de la végétation et 145. BLANC J.-N., Vers le Logement Pluriel : de l’Usager aux Habitants, Plan Construction et architecture, 1988 p 114 in CHATELET A.-M. & ELEB M., Urbanité, Sociabilité et Intimité. Des Logements d’aujourd’hui, p.17 146. Entretien de Monsieur Ke., 2 février 2016 164


les chats ont pris possession du territoire. Lui est au chômage et il s’occupe de la maison pendant que sa compagne travaille. Ils font partie de ceux qui ont attendu leur logement car ils souhaitaient avoir un bureau ; ils n’ont pas d’enfant et n’en désirent pas. Le bureau est d’ailleurs leur pièce favorite dans laquelle ils passent de longues heures à lire. La cuisine, par contre, pose un problème car son aménagement ne prend en compte ni le frigo, ni la gazinière, ce qui donne une cuisine étroite dans laquelle ils ne cuisinent que peu.

T3 du RDC dans le plot 2 - Famille Ke.

Dans le troisième plot, le T4 accueille une famille de quatre, que l’on pourrait considérer comme classique147. Mme F. m’apprend qu’ici aussi la cuisine est un problème, car elle ne peut pas être aérée et qu’on ne peut y prendre ses repas. L’heure du repas est importante pour cette famille, presque le seul moment qu’ils passent tous ensemble pour pouvoir se parler, « il y a les soirées télé aussi, mais bon...» Elle me parle aussi de sa volonté d’aménager un es147. Entretien de Madame F., 1er février 2016 165


pace chaleureux mais privé, car elle reçoit peu. Dans ce logement, je n’ai pas eu le droit de visiter les chambres, trop intimes et pas assez ordonnées. Finalement, dans la plupart des cas, les chambres que j’ai pu visiter sont celles de la deuxième vague d’entretiens, certainement suite à un rangement de l’appartement. Le dernier habitat, un T2, est loué par un femme célibataire d’une quarantaine d’année148. Elle a ce qu’on pourrait qualifier de strict minimum et tout est bien rangé selon une organisation qui lui est propre. En discutant un peu plus, j’apprends que cet aménagement vient du fait que son appartement et sa terrasse donnent directement sur l’avant du bâtiment et que les gens regardent chez elle quand ils rentrent chez eux ; elle ne veut pas qu’ils voient un appartement en désordre et qu’ils émettent un jugement sur son mode de vie. Pour les mêmes raisons, elle refuse d’utiliser son espace extérieur car il est facile d’accès pour les passants et elle a peur qu’on lui vole des objets.

T4 du RDC dans le plot 3 - Famille F. T2 du RDC dans le plot 3 - Famille M. 148. Entretien de Madame M., 2 février 2016 166


Logements visités dans le plot 3 au R+1 Logements visités dans les plots 1 et 2 au R+2

Le R+1 et le R+2 sont en fait les mêmes plans, mais avec des ouvertures différentes. J’ai ainsi réussi à visiter trois appartements conçus sur un même plan, l’un au premier niveau et les deux autres au second, dans deux bâtiments différents. On s’aperçoit alors que les ouvertures influencent beaucoup les habitants dans l’aménagement du logement. Que ce soit pour le côté pratique, afin de ne pas obstruer la fenêtre avec un meuble par exemple, mais aussi pour la vue et la luminosité. Dans cette opération, le vis à vis entre les plots est important (un sujet récurent lors des conversations) et on prend soin de poser des rideaux ou de ne pas placer un lit en face d’une fenêtre. Dans le T4 du premier étage, dans le deuxième plot, vit une famille de quatre personnes depuis deux ans149. Monsieur B. travaille seul à la maison, et c’est son appartement de fonction. Il n’a pas d’avis sur la question de l’ameublement car c’est sa femme qui s’en occupe et qui « décore ». Il n’aime pas son logement et attend patiemment d’être logé ailleurs. La naissance de leur deuxième enfant a entraîné la transformation du bureau en chambre et il doit maintenant travailler sur une table dans le salon qui fait 149. Entretien de Monsieur B., 7 janvier 2016 167


fonction de bureau. De ce fait, ils ont placé la table près de la seule fenêtre orientée Sud afin de capter un peu de lumière car l’appartement, orienté Nord/Ouest, est très sombre à cause de la proximité du deuxième plot.

T4 du R+1 dans le plot 3 - Famille B.

Le T4 au R+2 du premier plot est habité par une famille de cinq personnes150. Là, un nouveau bébé vient d’arriver et l’appartement devient trop étroit. Ici encore, on se plaint de l’étroitesse de la cuisine. Les chambres sont très encombrées, la première étant réservée à l’aîné, la deuxième au cadet, le benjamin de quelques mois dormant dans la chambre parentale. L’aîné n’aime pas sa chambre car, du balcon, le reste de la famille peut voir le désordre y régnant. C’est d’ailleurs souvent à cause de cela que sa mère le rappelle à l’ordre, lorsqu’elle étend le linge. Dans le renfoncement dû à la position de la cuisine, ils ont aménagé le coin bureau afin de sur150. Entretien de la famille P., 30 janvier 2016 168


veiller le temps passé sur les jeux vidéo du cadet, encore «un peu trop jeune pour avoir son propre ordinateur. L’année prochaine peut être.» Dans le T2 du R+2, dans le premier plot, un jeune adulte vient de s’y installer151. Comme il veut déménager dans une autre ville, il ne compte pas rester là très longtemps et il a posé ses meubles tels quels, laissant des cartons remplis dans l’entrée et dans le dégagement. Il est rarement chez lui, donc ça ne lui pose pas de problèmes d’avoir sa vie dans des cartons. Il utilise le balcon pour ranger son vélo, car plusieurs vols se sont produits dans le local du bâtiment et il ne veut pas prendre de risque.

T4 du R+2 dans le plot 1 - Famille P. T2 du R+2 dans le plot 1 - Famille H.

Le T4 du deuxième étage, dans le deuxième plot, est lui habité par un couple avec un enfant152, avec projet d’en faire un deuxième dans les années à venir. La deuxième chambre était pour eux non négociable. Pour l’instant une chambre d’ami, ici encore avec un 151. Entretien de Monsieur H., 8 janvier 2016 152. Entretien de Monsieur et Madame M., 2 février 2016 169


bureau où travaille le jeune couple, se transformera pour accueillir le nouveau membre de la famille. Contrairement à la famille précédente, le renfoncement dans le salon leur sert de rangement et il y ont placé un rideau pour masquer le désordre. La taille du salon leur convient et ils apprécient beaucoup les barbecues sur le balcon l’été.

T4 du R+2 dans le plot 2 - Famille M.

170


T4 du R+2 dans le plot 1 - Famille P. - Chambre d’adolescent

T4 du R+2 dans le plot 1 - Famille P. - Cuisine ĂŠtroite 171


T4 du R+2 dans le plot 1 - Famille P. - Chambre parentale avec le couffin

T2 du R+2 dans le plot 1 - Famille H. 172


Logements visités dans les plots 1 et 3 au R+3

Au troisième étage, j’ai discuté avec une femme célibataire habitant depuis quatre ans dans le T4 du premier plot153. Le grand canapé d’angle prend beaucoup de place dans un salon étroit pour cette typologie, mais finalement, la famille mange sur le canapé, alors elle a choisi un canapé « trop grand mais confortable » plutôt qu’une table à manger. Ce qui m’a frappé, c’est le linge qui était étendu partout dans l’appartement. Elle m’explique que son balcon, en double hauteur, ne protège pas assez de la pluie et qu’il est donc rare de pouvoir faire sécher le linge dehors. Même étage, même plot, le T3 est encombré de petits objets en tout genre. Ce couple installé depuis la réception de l’opération Lucien Rose aime accumuler154. Ils se sentent réellement chez eux, et c’est finalement les seuls qui m’ont dit ça. « Il y a un bonne ambiance dans le quartier, c’est calme. » Pour eux, ils ont eu de la chance d’avoir ce logement et ne veulent pas le quitter. La télé, allumée en permanence, trône au milieu de la pièce. Tout à été mis contre la fenêtre afin de 153. Entretien de Madame B., 7 janvier 2016 154. Entretien de Monsieur et Madame V., 30 janvier 2016 173


pouvoir garder une place pour une table autour de laquelle il est possible de manger avec leur fils qui fait des études à Rennes.

T4 du R+3 dans le plot 1 - Famille B. T3 du R+3 dans le plot 1 - Famille V.

Dans le troisième plot cette fois-ci, habitent un couple et deux jeunes enfants155. L’appartement se rapproche beaucoup de leur logement idéal grâce à son espace extérieur et ils en sont ravis. Ils m’apprennent que le terrain de jeux pour enfants fait parti de la sortie hebdomadaire, tout comme la bibliothèque. La chambre de leurs enfants est trop petite pour les deux mais les enfants sont encore jeunes. Le canapé permet de « délimiter » l’espace cuisine qui se poursuit sur la grande terrasse, avec le barbecue. Ils utilisent celle-ci dès qu’ils le peuvent avec des voisins ou des amis. Ils ont d’ailleurs été obligés d’y installer un pare-vue pour préserver leur espace extérieur des regards des voisins d’en face.

155. Entretien de Monsieur et Madame Bl., 1er février 2016 174


T3 du R+3 dans le plot 3 - Famille Bl.

T4 du R+3 dans le plot 1 - Famille B. - Linge dans la salle de bain 175


T4 du R+3 dans le plot 1 - Famille B - Pièce de vie

T3 du R+3 dans le plot 3 - Famille Bl.- Pièce de vie 176


Logement visité dans le plot 3 au R+4

Au dernier étage, se trouvent souvent les logements les plus spacieux et les plus recherchés. En effet, le T4 que j’ai pu visiter, avec sa grande terrasse de même taille que le salon, est bien plus confortable que les autres156. En lisant les plans, j’avais tout de suite remarqué que les appartements du dernier étage étaient les seuls à avoir un véritable rangement dans l’entrée, un « débarras » que me montre fièrement madame K. sans pour autant en ouvrir la porte. C’est en effet la pièce fourre-tout qui jure avec le côté épuré du reste de l’appartement. La chambre d’une de leur deux filles est à mi chemin entre la chambre de petite fille et la chambre d’adolescent, avec une table basse et un canapé convertible. Mme K. m’explique qu’ils rachètent du mobilier plus adapté pour leur fille qui grandit. C’est d’ailleurs elle qui le choisit et elle ne veut plus de son lit mezzanine d’une personne, qui était un bon compromis pour avoir plus d’espace pour jouer étant plus jeune. Pour pallier au manque d’espace de la cuisine, Mme K. a rajouté une table à l’extrémité de celle-ci. Ainsi, elle a l’impression que cette dernière 156. Entretien de Madame K., 9 février 2016 177


est plus spacieuse. Elle peut y cuisiner et les enfants y prennent leur petit déjeuner. Les repas en famille, quand tout le monde est présent, se font sur le canapé et sur les poufs, devant la télé.

T4 du R+4 dans le plot 3 - Famille K.

T4 du R+4 dans le plot 3 - Famille K. - Espace repas 178


T4 du R+4 dans le plot 3 - Famille K. - Chambre de jeune fille

179


D’un point du vue plus général, les habitants interrogés paraissent globalement satisfaits de cette opération sans pour autant oublier que le logement social, ils l’espèrent, n’est qu’un lieu de passage, une étape de leur vie. A part le couple J, les autres habitants espèrent un jour pouvoir déménager dans un logement plus grand ou en dehors du parc social. La majorité d’entre eux gardent en tête l’idée d’habiter une maison sans pour autant parler d’être propriétaires. Vivre dans une maison signifie pour eux moins de contraintes concernant le logement comme pour les voisins : avoir plus d’espace, un jardin, ne pas être obligé de respecter les règles de vie dans les parties communes, ne pas devoir supporter les cris des enfants et leurs « ballons de foot sur les fenêtres » en été... Néanmoins, ils m’ont confirmé que la courtoisie de l’ensemble des habitants les uns envers les autres et le cadre remarquable que sont le parc du Thabor et la bibliothèque, permettait de compenser l’attente d’un logement meilleur. La plupart étaient également conscients qu’habiter dans le centre ville de Rennes est un privilège qui n’est pas donné à tout locataire social. J’ai posé la même question à chaque habitant : décrire en trois mots leur logement idéal. J’ai été étonnée des réponses fournies car seul M. B m’a répondu « maison, maison, maison. » sans aucune autre précision : « Je m’en (fiche) tant que c’est une maison ». D’autres locataires m’ont parlé de confort et de sentiment de bien être, de luminosité... sans préciser l’importance d’un habitat collectif ou individuel. M. K., lui, veut une maison avec du bois, car il trouve le clin de bois de l’opération Lucien Rose très appréciable et « très chaud ». Quand je leur demande de se d’expliquer leurs propos, on s’aperçoit que leurs réponses sont liées à des qualités ou des défauts vécus dans d’anciens appartements ou une anticipation de l’usage qu’ils veulent faire du prochain logement. Si les modes 180


de vie régissent l’aménagement d’un logement, on s’aperçoit ici qu’il en est de même pour chaque détail de l’architecture qui a une incidence sur la façon d’habiter. La position d’un lit, d’une table, la perception de l’espace... L’habitant, sans être initié à une quelconque forme d’architecture, perçoit ces éléments et choisit ou non de les prendre en compte selon un ressenti qui lui est propre, selon sa propre notion de confort. Par exemple, aucun des habitants n’a pu me dire quelle était la réelle orientation de son logement, pourtant, ils étaient tous sensibles à la luminosité selon le moment de la journée. Alors que le fonctionnalisme chez les architectes modernes insinuait que l’habitant n’était qu’un être de besoins, on s’aperçoit ici qu’il n’en est rien : « L’appropriation restitue l’initiative à l’habitant, son rôle actif dans l’espace urbain et domestique, elle sort du silence les actes apparemment sans importance par lesquels il donne sens à son habitat.157 »

157. D. PINSON in SEGAUD M., Anthropologie de l’espace. Habiter, fonder, distribuer, transformer, p.69 181



CHAPITRE VI S’approprier pour exister



La conception de l’habitat est une délicate équation entre le travail de plusieurs acteurs tels que le maître d’ouvrage, le maître d’œuvre et les habitants, sur fond de finances, de législations et de normes. Les diverses contraintes abordées dans ce mémoire n’en sont pas dissociables et influent sur la liberté de conception du logement ; elles ont forcément un impact sur l’usager. Il faut savoir en tirer profit et non les subir, tout en gardant à l’esprit qu’elles ne doivent pas altérer le mode de vie de l’homme. Depuis 1995, les changements et le processus d’expérimentation dans les logements se sont accélérés, apportant de nouvelles fonctions aux opérations collectives, abordant le sujet du logement de façon plus humaine. Malgré la grande accumulation de normes en France, beaucoup de projets sortent des sentiers battus, en s’éloignant d’une architecture type qui ne peut pas s’adapter aux modes de vie et à l’évolution de la cellule familiale dont on recense de nos jours une multitude de déclinaisons. Les diverses actions, notamment celles de la PUCA, semblent avoir relancé le questionnement du logement et ce, de manière durable. Peu cité dans l’ancienne école des beaux arts, cet exercice, avec pour point de départ l’être humain, devient au centre des préoccupations des enseignants, qui les partagent avec les étudiants. Le logement doit répondre à des exigences sociales, économiques et environnementales, mais aussi à des volontés de mixité programmatique, typologique et spatiale afin d’éviter toute ségrégation. Cela correspond à la vision d’une nouvelle vague d’architectes donnant plus d’importance à l’habitat, mais aussi à ses usagers. Conscients que concevoir un bâtiment ne relève pas d’une science exacte, les architectes s’entourent de plus en plus de sociologues, d’artistes, de géographes... Une architecture bâclée coûte cher dans le temps, que ce soit à la conception ou à la construction. On tra185


vaille les seuils, les espaces extérieurs, les espaces communs... On tente de magnifier les lieux afin de créer une réelle expérience du mode « habiter », de renforcer le bien être dans des espaces où se mouvoir est facilité. On donne de l’importance aux détails, comme la vue et le cadrage, de la lumière pour compenser les espaces parfois réduits, principalement dans le logement social. « Il s’agit d’occuper un lieu, d’être chez soi, de produire un logement chaleureux. Le contexte est ce qui nous anime. Il y a des pièces qui doivent voir dehors, et ce dehors doit faire rêver. Une attention à une distribution simple qui permet de mettre un nom à chaque pièce, qui renvoie à des comportements habitatifs très larges. On recherche une distribution simple qui ait des qualités de vues, de lumière, des balcons, des terrasses. On ne peut plus faire de double circulation, les surfaces ne l’autorisant pas, alors il faut trouver une certaine forme de déambulation, être attentif à l’art de placer une porte, une fenêtre, attentif aux gestes du quotidien. Le logement aujourd’hui n’est jamais pensé comme au XIXe siècle par rapport à la fête, à la réception, mais pas par rapport à la vie quotidienne. »158 On assiste à la prise de conscience du rôle social que doit avoir l’architecte : son dessin peut guider un mode de vie, spatialiser une culture, et alléger ou faciliter les gestes du quotidien les plus naturels. L’architecte devient médiateur. Cela lui confère beaucoup de responsabilités et son influence sur l’habitat doit être réfléchie et pesée. « Distribuer l’habitation, c’est en effet la diviser, l’organiser, en tenant compte des usages, des mœurs et du statut de l’habitant. Les divisions en parties (privée/publique/service, jour/nuit) engagent des pratiques. Certains plans à grand espace centré et petites chambres privilégient la vie communautaire, quand d’autres montrent, par une séparation nette des parties publiques et privées de 158. P. CELESTE, entretien du 25 mai 1991 in CHATELET A.-M. & ELEB M., Urbanité, Sociabilité et Intimité. Des Logements d’aujourd’hui, p.238 186


l’habitation, que l’on souhaite protéger la vie de chaque personne. Les architectes pour s’adapter aux usages, utilisent des savoirs élaborés dans d’autres champs (sociologie, démographie, psychologie, histoire...) Ils se fondent également sur leur expérience personnelle, sur leur appartenance de classe. Leurs projets font appel à des connaissances, des principes, des codes qu’ils sont rarement tenus d’expliciter, mais que l’on déchiffre à travers l’agencement des logements. Notre hypothèse est qu’il existe actuellement une pensée sur la distribution prenant en compte les modes de vie, mais qu’elle demeure le plus souvent implicite.159 » L’architecte n’est plus la figure érudite qui vient en aide aux plus démunis et les éduque en imposant une manière d’habiter et de se comporter, mais plutôt un architecte sociologue, conscient qu’il existe divers comportements humains. La définition proposée par l’Ordre des Architectes résume bien ces notions : « L’architecte ne vend ni modèle, ni plan-type, car votre logement ne doit pas vous imposer un mode de vie standardisé. Il organise l’espace en fonction de vos goûts et de vos besoins et joue des contraintes pour vous offrir une plus grande personnalisation. Sa valeur ajoutée, c’est le sur-mesure160. » Il s’agit de prendre conscience des désirs des habitants et d’une certaine façon, de connaître les hommes pour lesquels on conçoit. Bien que l’architecture ne puisse pas se détacher de sa dimension économique, celle-ci ne doit pas prendre le pas sur la pertinence de la réponse apportée : « la perspective aujourd’hui, la réappropriation de l’espace architectural par un homme concret, qui marche, qui a cinq sens, qui regarde, qui habite et qui aime un lieu.161 » Un manque de souplesse peut empêcher l’évolution de l’espace et engendre des contraintes 159. A.-M. & ELEB M., Urbanité, Sociabilité et Intimité. Des Logements d’aujourd’hui, pp.9-10 160. http://www.architectes.org/un-architecte-pourquoi 161. CH.PORTZAMPARC, IFA Electra moniteur, 1984, p.66 in CHATELET A.-M. & ELEB M., Urbanité, Sociabilité et Intimité. Des Logements d’aujourd’hui, p.227 187


qui dégradent la qualité d’usage du logement. Le logement est un lieu symbolique. « Il protège et ouvre au monde.162 » C’est un lieu où s’écrit une histoire unique, où se ritualise le quotidien, où s’accumulent des objets. Chaque comportement, chaque aménagement a un sens, qu’il ait été pensé ou non par l’architecte. On ne peut alors pas réduire le logement à un produit de consommation. « Ce qui est essentiel, c’est que le logement ne soit pas anonyme.163 » Un logement adapté peut accélérer ou faciliter le phénomène d’appropriation du logement, phénomène qui ne découle pas d’un quelconque apprentissage architectural ou social, mais qui survient naturellement, irrémédiablement. « Peu importe que l’on soit ou non capable de nommer un style architectural, l’essentiel est d’y projeter ce que l’on est à partir d’expériences passées de socialisation et un avenir.164 » Le « chez soi », dont le logement est le médium, est essentiel à la construction de l’être ; il est en quelque sorte l’extension de soi, miroir de la personnalité et des souvenirs. Pour cela, un logement ne peut être considéré comme un bien que l’on reproduit à l’identique en multiples exemplaires. D’ailleurs, on parle de plus en plus d’ « habitat », et non de logement, terme révélateur d’une évolution des modes de penser. Le « chez soi » est de moins en moins considéré comme un bien transmissible, car le vieillissement de la population ne permet pas aux enfants d’attendre pour hériter des biens quand les parents sont propriétaires. On est bien loin de la maison de famille qui 162. A. JACQUOT, Qualité de l’Habitat, une Exigence Sociale in ELEB M., SIMON P., Entre Confort, Désir et Normes, Le Logement Contemporain 1995-2012, p.9 163. GIRARD E. In Techniques et Architecture n°358 février/mars 1985, ELEB M., SIMON P., Entre Confort, Désir et Normes, Le Logement Contemporain 1995-2012 p.25 164. ELEB M., SIMON P., Entre Confort, Désir et Normes, Le Logement Contemporain 1995-2012, p.216 188


traverse les générations, beaucoup préférant acheter ou construire rapidement165. La conception du logement effectue de constants aller-retours dans les principes par lesquels elle est régie. Les expérimentations d’aujourd’hui ne sont que des réinterprétations des expérimentations plus anciennes, en fonction du contexte politique ou social. Par exemple, on est passé de la polyvalence de la pièce à vivre datant du XIXe à une séparation très stricte jusqu’aux années 50, pour revenir à une polyvalence, mais dans la multitude de pièces maintenant proposées. Cette évolution, dans la forme, n’est que le résultat de bien des déterminants et est justifiée principalement par l’usage. En effet, l’obsolescence des logements est en plus accrue par le fait que le confort technique ne fait qu’évoluer. Pour cela, on peut considérer qu’un logement n’est pas un bien durable dans le temps, et qu’il peut rapidement devenir un poids pour celui qui l’habite. On l’a vu, la principale demande des Français est l’espace. L’espace permet l’évolution, l’adaptation du logement. La pièce manquante est au cœur des discussions, permettant l’ajout de nouvelles fonctions, comme un bureau, un espace d’accueil pour mettre à distance les autres pièces plus privées... Et si cette pièce ne peut pas être intégrée au logement, il faut trouver d’autres solutions comme une cave, un balcon, une terrasse ou des espaces à ajouter comme le concept « pièce en plus166 » à Paris. La pluralité des fonctions données aux pièces est un concept admis. Aujourd’hui, en lien avec cette tendance à la polyvalence des pièces des loge165. Il est d’ailleurs presque impossible de faire un prêt immobilier à partir d’un certain âge. 166.. Une société nommée « une pièce en plus » lance une campagne en 1999 sur Paris afin de louer des boxes de 1 à 50 mètres carrés permettant de stocker des biens. 189


ments, et face à l’incertitude de l’évolution du mode d’habiter, on parle d’une nouvelle typologie d’habitation, avec de grandes pièces toutes de la même surface (estimées à 16 m2, y compris la cuisine) pour permettre à l’usager de s’approprier le logement plus facilement, d’accentuer cette modularité tant espérée et de ne plus avoir une prédestination pour chaque pièce. Finalement, s’opère de nouveau un retour au logement ouvrier, avec des plans comparables à ceux du Familistère de Guise167. « L’autonomie de plus en plus grande à l’intérieur de la famille donne une importance égale à toutes les pièces.168 » Il est possible que l’habitat de demain ne s’organise plus par pièces, mais par univers, un peu comme dans les magasins Ikéa, avec l’univers des enfants (chambre, salle de jeux et bureau), l’univers de la convivialité (salon, cuisine et salle à manger), ou encore l’univers de la détente (chambre et salle de bain)... « Ne plus raisonner en surface mais en nombre de pièces : les affectations figent les modes d’occupation quand des pièces indifférenciées, neutres, d’une taille d’environ 15m2, peuvent servir à plusieurs usages.169 » Partant de ce principe, le projet la Sècherie de l’agence Boskop réalise des logements dont les pièces sont toutes de la même superficie : «chaque logement est constitué de pièces carrées proches de 15 m² car l’unité mathématique du projet présenté n’est pas le logement mais la pièce. La position de chaque pièce peut être différente, ainsi que son orientation, sa couleur 167. BELLANGER F., Habitat(s), Questions et Hypothèses sur l’Évolution de l’Habitat, p. 62 168. L. DE GAUDEMARIS, directeur du design d’Habitat international. L’express, 15 octobre 1998 p.98. in BELLANGER F., Habitat(s), Questions et Hypothèses sur l’Évolution de l’Habitat, p. 13 169. O. SEYLER D’architecture n°148, aout septembre 2005 p.64-66 « Odile Seyler, playdoyer pour le confort » in ELEB M., SIMON P., Entre Confort, Désir et Normes, Le Logement Contemporain 1995-2012 p. 184 190


extérieure et ses baies. Le jardin est le centre de l’habitation, il peut même être considéré comme la pièce principale de l’habitation, il est aussi le lieu d’entrée. On pourra ajouter des pièces « + » pour répondre à l’évolution des besoins de la famille170.»

Plan des logements de la Sècherie, Nantes, 2009

Ce principe de «plan neutre», consistant à oublier les affectations données aux pièces de nos logements, semble être un premier pas pour permettre un réel procédé d’appropriation des habitants, non par adaptation mais par choix. « Les nommer (les pièces), comme nous le faisons quotidiennement en puisant dans le lexique disponible ou en nous risquant à détourner ou inventer un terme, (...) c’est non seulement connaître un lieu, mais se l’approprier, lui donner une consistance en le faisant sien, lui prêter un sens, le produire en quelque sorte.171» Si la nomination est un indice 170. 55 logements réalisés par l’agence Boskop, Nantes, 2009 http://www.actuarchi.com/2010/03/logement-dense-individualise-nantes-boskop/ 171. J.Ch DEPAULE « Fictions littéraires et espaces habités », Manières d’habiter, Communication n°73, 2002, p. 233 in SEGAUD M., Anthropologie de l’espace. Habiter, fonder, distribuer, transformer, p.72 191


de transformation sociale et de l’évolution de l’usage, son absence en est aussi un. Des mots tels que « cuisine », « chambre », « salle à manger » permettent de qualifier un espace et d’en induire un usage déterminé qui fait partie, comme nous l’avons vu, du processus d’appropriation ; mais d’une même façon, ces conventions culturelles peuvent empêcher certains comportements : on n’est pas censé manger dans une chambre ou dans une salle de bain, ou dormir dans un bureau et pourtant cela arrive. On a alors tendance à cacher ces activités au regard d’autrui. Il est impossible d’anticiper l’habiter dans lequel on s’épanouira demain mais on peut présumer sans s’avancer qu’y réfléchir impliquera indéniablement la participation des habitants. A. Aravena, récemment récompensé du prix Pritzker 2016 pour ses logements sociaux au Chili “Half of a good house” en est la preuve. Devenu un incontournable dans le milieu de l’architecture, le principe de ses opérations est de livrer des logements considérés comme inachevés, bien qu’habitables, et de permettre ainsi aux habitants de les terminer, d’être acteurs de leur mode de vie et par la même occasion, de leur condition sociale.

Avant et après l’intervention des habitants sur les logements de Quinta Monroy à Iquique, A.Aravena, Chili, 2004 192


Un intérieur des logements de Quinta Monroy à Iquique, A.Aravena, Chili, 2004

Avant et après l’intervention des habitants sur les logements de Villa Verde à Constitución, reconstruction après le séisme de 2010, A.Aravena, Chili, 2004 193


« Dans ces occasions, l’une des clefs est de poser des questions aux habitants. Si leur participation est bien organisée, cela fait économiser du temps et de l’argent. C’est la première chose que nous avons apprise.172» Cette approche permettant de construire plus rapidement et à moindre coût sur des terrains plus chers, et donc normalement inaccessible aux bailleurs sociaux, a été reprise par l’agence française LAN à Bègles.

Façade évolutive des 72 logements en accession libre et aidée, quartier des Terres Neuves à Bègles, LAN, 2015 172. A. Aravena in http://www.lexpress.fr/actualites/1/culture/alejandro-aravena-l-architecte-star-qui-fait-des-logements-sociaux_1767556.html 194


Je me suis rapidement aperçue que mon questionnement concernant qui, de l’architecte ou de l’habitant, influence qui, revient quelque peu à se demander qui, de l’œuf ou de la poule, était là en premier... L’appropriation dans le logement social, et dans l’habitat en général, est un processus naturel et surtout humain ; on s’adapte toujours à une situation que l’on ne peut changer. Par exemple, pour en revenir à l’opération Némausus, l’interdiction formulée par J. Nouvel concernant la pose de rideaux ou la peinture sur les murs des logements n’a pas été prise en compte par les locataires qui ont eu raison des exigences de son concepteur... L’architecte doit instaurer un climat de confiance réciproque avec les habitants des logements qu’il conçoit. En effet, il est admis que les usagers doivent faire confiance à l’architecte dans sa conception car c’est son métier et sa responsabilité de procurer un logement aux normes, dans lequel on peut évoluer. Mais parallèlement à cela, il est important que l’architecte soit conscient que l’habitant n’est pas dénué de sens et que bien que non initié à l’architecture, il sait habiter : « On ne peut pas tout changer d’un coup et pour tout le monde, mais on ne peut pas non plus reproduire les mêmes formes distributives sans tenir compte de la capacité d’inventivité des habitants en ce qui concerne les pratiques. Etre rassuré par des dispositifs stables peut permettre d’accepter des innovations restreintes.173 » L’action d’habiter est plus forte que l’action de se loger, d’occuper et que s’installer. L’interactivité entre le bâtiment, l’usager et l’architecte est le fondement de l’architecture. « La conception d’un logement repose sur un substrat culturel collectif, un état des lieux des savoir faire, des performances des matériaux développés par la technique. C’est aussi un lieu propice à un mieux vivre ensemble, une œuvre de précision où chaque détail, la position d’une prise 173. CHATELET A.-M. & ELEB M., Urbanité, Sociabilité et Intimité. Des Logements d’aujourd’hui, p.267 195


électrique, d’un radiateur, peut influer sur la manière de vivre dans une pièce et la rendre chaleureuse, ou non.174 »

174. A. JACQUOT, Qualité de l’Habitat, une Exigence Sociale in ELEB M., SIMON P., Entre Confort, Désir et Normes, Le Logement Contemporain 1995-2012, p.8 196


ANNEXE B.Girbovan, 10/1, 2008 Un photographe révèle différentes façons de s’approprier le même espace. On peut le voir dans son propre logement, puis découvrir l’habitat de ses voisins.



Neuvième étage, n°52 : l’appartement de l’artiste roumain, point de départ de son travail, un appartement de deux pièces qu’il utilise comme un studio.

Huitième étage n°47 : Madame Bita habite dans cet appartement depuis 1967 mais y vit seule depuis 1996. C’est en allant chez elle que le photographe a été frappé par la différence d’aménagement entre leurs logements et qu’il a eut l’idée de commencer ce travail. 199


Septième étage n°42 : Les Ene vivent en couple dans cet immeuble depuis 1967. Le mari est alité depuis deux ans.

Sixième étage n°37 : Lonut vit seul et est un très gentil garçon, d’après le propriétaire du logement.

200


Cinquième étage n°32 : Cette célébrité, ne voulant pas divulguer son nom, vit de ses rentes.

Quatrième étage n°27 : Madame Loana Suhariuc est propriétaire de ce logement depuis 1967. Son mari est décédé en 1982 et elle vit avec seule, son chat depuis 1989. 201


Deuxième étage n°17 : Appartement vide dont les locataires sont à l’étranger. L’homme sur la photo en est le propriétaire et possédait un double des clés.

Troisième étage n° 22 : « Monsieur Lukas » vit dans cet appartement avec sa copine espagnole.

202


Premier étage n°12 : Une mère et sa fille souhaitant elles aussi rester anonymes

Rez de chaussée n°7 : propriétaire de plusieurs logements depuis 1989, cette employée de la banque à la retraite a souhaité rester anonyme.

203



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Crédits Photographiques

Illustration de la couverture : Description : «Enfin chez soi...» Réhabilitation de préfabriqués, Berlin-Hellensdorf, Allemagne, 1994 Auteur ou ayant droit : Atelier Lucien Kroll S o u rc e : h t t p : / / w w w. a rc h i s c o p i e. f r / eve n e m e n t s / ex p o s i t i o n s / tout-est-paysage-une-architecture-habitee-projets-et-realisations-de-simone Illustration Chapitre I (p.9) : Description : Jardin d’hivers envahi dans des logements sociaux construits par Lacaton & Vassal, Saint Nazaire (44) Auteur ou ayant droit : N.ROMAIN Source : collection personnelle (2014) Illustration Chapitre II (p.21) : Description : La ceinture Rose à Paris Auteur ou ayant droit : R.DOISNEAU/RAPHO Source : GUERRAND R.-H. & QUILLIOT R., Cent Ans d’Habitat Social, une Utopie Réaliste, p.97 Illustration (p.25) Description : La Cité Meunier, à Noisiel, 1875 Auteur ou ayant droit : CÉDIA/MUSÉE SOCIAL Source : GUERRAND R.-H. & QUILLIOT R., Cent Ans d’Habitat Social, une Utopie Réaliste, pp.46-47 Illustration (p.31) Description : Superposition du tracé de l’avenue de l’opéra réalisé par HAUSSMANN et du tissu urbain ancien Auteur ou ayant droit : n/r Source : BUTLER R. & NOISETTE P., De la Cité Ouvrière au Grand Ensemble, La Politique Capitaliste du Logement Social, p.18 Illustration (p.31) Description : Cité Napoléon Auteur ou ayant droit : n/r 211


Source : TARICAT J. & VILLARS M., Le Logement A Bon Marché, Chronique, Paris 1850-1930, p.64 Illustration (p.34) Description : La Cité Dollfus, villa Boileau, Paris 16e, 1884. Architecte J. Cacheux Auteur ou ayant droit : F.X. BOUCHART Source : GUERRAND R.-H. & QUILLIOT R., Cent Ans d’Habitat Social, une Utopie Réaliste, p.50 Illustration (p.35) Description : La Cité ouvrière de Mulhouse, à l’initiative de J. Dollfus, 1854 à 1897. Ingénieur E. Muller Auteur ou ayant droit : Collection F.X.B. Source : GUERRAND R.-H. & QUILLIOT R., Cent Ans d’Habitat Social, une Utopie Réaliste, p.43 Illustration (p.36) Description : Exemples de types de pavillons. La Cité ouvrière de Mulhouse, à l’initiative de J. Dollfus, 1854 à 1897. Ingénieur E. Muller Auteur ou ayant droit : n/r Source : TARICAT J. & VILLARS M., Le Logement A Bon Marché, Chronique – Paris 1850-1930, pp.36-37 Illustration (p.39) Description : Fête du Travail, proclamation des Lauréats dans la Cour centrale du Familistère de J.-B. Godin Auteur ou ayant droit : collection R.H.G. Source : GODIN J.-B. A., Solutions Sociales, p.395 Illustration (p.40) Description : Plan des logements et des communs de la partie centrale du Familistère de J.-B. Godin Auteur ou ayant droit : collection R.H.G. Source : GODIN J.-B. A., Solutions Sociales, p.285 Illustration (p.41) Description : Coupe transversale de la partie centrale du Familistère de J.-B. Godin Auteur ou ayant droit : collection R.H.G. Source : GODIN J.-B. A., Solutions Sociales, p.289 Illustration (p.43) Description : La Cité du «Comte de Madre», 1863. Auteur ou ayant droit : n/r 212


Source : TARICAT J. & VILLARS M., Le Logement A Bon Marché, Chronique – Paris 1850-1930, p.74 Illustration (p.45) Description : La cour intérieure avec ateliers en contre bas, rue de Moret, 1865 Auteur ou ayant droit : n/r Source : TARICAT J. & VILLARS M., Le Logement A Bon Marché, Chronique – Paris 1850-1930, p.73 Illustration (p.51) Description : Groupe d’habitation la Ruche, St Denis, 1891. Architecte Guyon et Picard Auteur ou ayant droit : n/r Source : TARICAT J. & VILLARS M., Le Logement A Bon Marché, Chronique – Paris 1850-1930, p.93 Illustration (p.52) Description : Différents types d’habitations du Groupe la Ruche, St Denis, 1891. Architecte Guyon et Picard Auteur ou ayant droit : n/r Source : TARICAT J. & VILLARS M., Le Logement A Bon Marché, Chronique – Paris 1850-1930, p.95 Illustration (p.56) Description : Façade des services généraux, 5 rue Jeanne d’Arc, Paris 13e, 1900, Architecte G. Guyon Auteur ou ayant droit : n/r Source : TARICAT J. & VILLARS M., Le Logement A Bon Marché, Chronique – Paris 1850-1930, p.97 Illustration (p.57) Description : L’immeuble 5-7 rue Jeanne d’Arc, Paris 13e, 1900, Architecte G. Guyon Auteur ou ayant droit : n/r Source : TARICAT J. & VILLARS M., Le Logement A Bon Marché, Chronique – Paris 1850-1930, p.98 Illustration (p.58) Description : L’hôtel pour célibataire de 743 chambres, rue de Charonne, Paris 11e, 1910. Architecte A. Labussière Auteur ou ayant droit : B. DESCOINGS Source : ELEB M., L’Apprentissage du «Chez-Soi», p.59 Illustration (p.60) 213


Description : Circulation verticale extérieure. L’immeuble de la rue Saïda, Paris 15e, 1913, Architecte A. Labussière Auteur ou ayant droit : n/r Source : TARICAT J. & VILLARS M., Le Logement A Bon Marché, Chronique – Paris 1850-1930, p.103 Illustration (p.62) Description : L’immeuble rue de Prague, Paris 12e, concours de 1905 organisé par la Fondation Rothschild. Architecte Provensal, 1909 Auteur ou ayant droit : n/r Source : TARICAT J. & VILLARS M., Le Logement A Bon Marché, Chronique – Paris 1850-1930, pp. 108-109 Illustration (p.63) Description : Intérieurs ouvriers à Paris, 1910 Auteur ou ayant droit : E.ATGET Source : ELEB M., L’Apprentissage du «Chez-Soi», p.57 Illustration (p.66) Description : Les 11 premiers programmes de la ville de Paris Auteur ou ayant droit : n/r Source : TARICAT J. & VILLARS M., Le Logement A Bon Marché, Chronique – Paris 1850-1930, p.125 Illustration (p.67) Description : Les quatre types d’appartements définis par l’Office d’habitations de la Ville de Paris Auteur ou ayant droit : n/r Source : TARICAT J. & VILLARS M., Le Logement A Bon Marché, Chronique – Paris 1850-1930, p.128 Illustration (p.68) Description : L’immeuble rue Boyer, Paris 20e, Architectes Berry et Malot, 1913 Auteur ou ayant droit : n/r Source : TARICAT J. & VILLARS M., Le Logement A Bon Marché, Chronique – Paris 1850-1930, p.135 Illustration (p.69) Description : 605 logements, 43 Rue de Fécamps, Paris 12e 1922. Office d’habitations de la Ville de Paris Auteur ou ayant droit : n/r Source : TARICAT J. & VILLARS M., Le Logement A Bon Marché, Chronique – Paris 1850-1930, p.148 214


Illustration (p.70) Description : Catalogue de modèles de maison «loi Loucheur», 1929 Auteur ou ayant droit : Collection UNFHOLM Source : GUERRAND R.-H. & QUILLIOT R., Cent Ans d’Habitat Social, une Utopie Réaliste, p.92-93 Illustration (p.72) Description : La mixité par contiguïté sur la ceinture de Paris, segment type, 1937 Auteur ou ayant droit : L.COHEN & A.LORTIE Source : L.COHEN & A.LORTIE, des Fortifs au périf, les seuils de la ville, Paris, Editions Pavillon de l’Arsenal, 1992 in ELEB M., SIMON P., Entre Confort, Désir et Normes, Le Logement Contemporain 1995-2012, p. 82 Illustration (p.74) Description : La cuisine dans une unité d’habitation de la Cité Radieuse de Marseille conçue par C.Perriand et A.Wogensky. Des ouvertures permettaient la livraison de pain et de lait directement par l’extérieur du logement et la place de la femme y est réaffirmée. Elle peut recevoir ses invités tout en participant à l’événement, 1952. Architecte Le Corbusier Auteur ou ayant droit : J.REBOUD Source : LEGER J.-M., Derniers Domiciles Connus, Enquête sur les nouveaux logements 1970- 1990, p. 102 Illustration (p.75) Description : Un duplex ascendant de la Cité Radieuse de Marseille. Au fond, la cuisine et l’entrée, et à l’étage, la chambre principale, 1952. Architecte Le Corbusier Auteur ou ayant droit : J.REBOUD Source : LEGER J.-M., Derniers Domiciles Connus, Enquête sur les nouveaux logements 1970- 1990, p. 87 Illustration (p.76) Description : Une opération «Castors» à la cité des Abeilles, Quimper en 1954 Auteur ou ayant droit : D.R. Source : GUERRAND R.-H. & QUILLIOT R., Cent Ans d’Habitat Social, une Utopie Réaliste, p.118 Illustration (p.77) Description : Maquette de la cité de Rotterdam, Strasbourg, 1951. Architecte E. Beaudouin Auteur ou ayant droit : n/r Source : Cahiers du Centre Scientifique et Technique du Bâtiment, 1951 in http://www.pss-archi.eu/forum/viewtopic.php?id=31329 215


Illustration Chapitre III (p.83) : Description : Façade d’un immeuble d’habitations Auteur ou ayant droit : Maxppp Source : http://www.franceinfo.fr/actu/justice/article/expulse-d-unhlm-pour-cause-de-trafic-de-drogue-258057 Illustration (p.87) Description : Le jugement des usagers-locataires sur l’action des HLM en 2000 Auteur ou ayant droit : CECOP, Union HLM, juin 2000 p.6 Source : MAURY Y., Les HLM, l’État Providence vu d’en Bas, p.89 Illustration (p.90) Description : Une annonce pour le lancement de la campagne « Image» de 1987 Auteur ou ayant droit : D.R. Source : GUERRAND R.-H. & QUILLIOT R., Cent Ans d’Habitat Social, une Utopie Réaliste, p.152 Illustration (p.103) Description : Volet Habiter du comité interministériel Egalité et Citoyenneté, 2015 Auteur ou ayant droit : B. SUARD/ MLETR Source : http://www.territoires.gouv.fr/IMG/pdf/150315_sp_dp_20actions_ mixite_sociale.pdf

Illustration Chapitre IV (p.105) : Description : Maquette « Cergy Pontoise » Auteur ou ayant droit : L. KROLL Source : http://midionze.com/wp-content/uploads/2013/09/Cergy-Pontoise©LucienKroll.jpg Illustration (p.117) Description : Maquette pour aider les futurs habitants à composer leurs appartements. Seuls les poteaux de la structure sont fixes, les éléments de cloisons et les équipements peuvent être déplacés à leur gré. Architecte G. MAURIOS. Auteur ou ayant droit : n/r Source : http://www.archi-guide.com/AR/maurios.htm Illustration (p.117) Description : La Mémé de L.Kroll Auteur ou ayant droit : n/r Source : http://www.archiscopie.fr/evenements/expositions/tout-est-paysage-une-architecture-habitee-projets-et-realisations-de-simone 216


Illustration (p.120) Description : L’appartement référendum de 1959, suite à l’enquête de Mme Picard Auteur ou ayant droit : n/r Source : BENDIMERAD S. & ELEB M., Vu de l’Intérieur, habiter un Immeuble en Ile de France, 1945-2010 p. 22 Illustration (p.123) Description : Vue de la coursive depuis la cour Auteur ou ayant droit : G. A.GUILHEM-DUCLEON Source : BENDIMERAD S. & ELEB M., Vu de l’Intérieur, habiter un Immeuble en Ile de France, 1945-2010 p.162 Illustration (p.124) Description : Cuisine dans une alcôve de la salle commune, avenue Dausmenil, Paris, logement conçu architecte Labuissière, 1908 Auteur ou ayant droit : n/r Source : BENDIMERAD S. & ELEB M., Vu de l’Intérieur, habiter un Immeuble en Ile de France, 1945-2010 p.43 Illustration (p.125) Description : Cuisine dans une salle commune, rue Amiral Poussin, Paris, logement conçu architecte Labuissière, 1905 Auteur ou ayant droit : n/r Source : BENDIMERAD S. & ELEB M., Vu de l’Intérieur, habiter un Immeuble en Ile de France, 1945-2010 p.43 Illustration (p.125) Description : Cuisine à passe plat ouverte sur le séjour à Ternier Auteur ou ayant droit : J. BOSSU Source : BENDIMERAD S. & ELEB M., Vu de l’Intérieur, habiter un Immeuble en Ile de France, 1945-2010 p.43 Illustration (p.125) Description : Cuisine laboratoire et son coin repas, prolongés par le cellier,rue Commandant René Mouchotte, Paris, logement conçu par J. DUBUISSON, 1959-1966 Auteur ou ayant droit : R.SALZEDO Source : BENDIMERAD S. & ELEB M., Vu de l’Intérieur, habiter un Immeuble en Ile de France, 1945-2010 p.45 Illustration (p.125) Description : Une grande cuisine équipée, 1963 Auteur ou ayant droit : n/r 217


Source : BENDIMERAD S. & ELEB M., Vu de l’Intérieur, habiter un Immeuble en Ile de France, 1945-2010 p.45 Illustration (p.125) Description : Publicité pour les cuisines Comtesse, mêlant placards d’un cuisine équipée et des meubles à roulette Auteur ou ayant droit : n/r Source : BENDIMERAD S. & ELEB M., Vu de l’Intérieur, habiter un Immeuble en Ile de France, 1945-2010 p.49 Illustration (p.125) Description : Cuisine conçue par P. GAZEAU, quai François Mauriac, Paris, 1997 Auteur ou ayant droit : J.M. MONTHIERS Source : BENDIMERAD S. & ELEB M., Vu de l’Intérieur, habiter un Immeuble en Ile de France, 1945-2010 p.49 Illustration (p.129) Description : Circulation Extérieure dans les logements de Lacaton & Vassal, Saint Nazaire Auteur ou ayant droit : N.ROMAIN Source : ressources personnelles (2014) Illustration (p.131) Description : Vue aérienne de l’opération de R.HONDELATTE et M. LAPORTE avec leur distribution inversée, les Diversités, Bordeaux Auteur ou ayant droit : A.GUILHEM-DUCLEON Source : ELEB M., SIMON P., Distribution et Dispositifs, L’habitabilité des Pièces pp. 139-279 in Entre Confort, Désir et Normes, Le Logement Contemporain 1995-2012, p. 119 Illustration (p.131) Description : La serre entre les deux corps de bâti, les Diversités, site de la Grenouillère, Bordeaux, F. CHAMPIOT, 2009 Auteur ou ayant droit : F. CHAMPIOT Source : ELEB M., SIMON P., Distribution et Dispositifs, L’habitabilité des Pièces pp. 139-279 in Entre Confort, Désir et Normes, Le Logement Contemporain 1995-2012, p. 119 Illustration (p.133) Description : Rue de Meaux. Entrée sur la cour intérieure plantée de bouleaux Auteur ou ayant droit : M.DENACE Source : http://rpf.ice.spill.net/project/101/rue-de-meaux-housing/images/ page/4/ 218


Illustration (p.133) Description : Rue de Meaux. Vue sur une loggia habitée Auteur ou ayant droit : M.DENACE Source : http://rpf.ice.spill.net/project/101/rue-de-meaux-housing/images/ page/4/ Illustration (p.134) Description : Vue de l’opération 141-143 avenue de Clichy et rue Lemercier, Paris 17e, C. Furet, 1997 Auteur ou ayant droit : G.BERGERET Source : ELEB M., SIMON P., Distribution et Dispositifs, L’habitabilité des Pièces pp. 139-279 in Entre Confort, Désir et Normes, Le Logement Contemporain 1995-2012, p. 141 Illustration (p.135) Description : Appartements-ateliers pour artistes célibataires et pour « bon père de famille », Paris 14e, A. Arfvidson, 1912 Auteur ou ayant droit : A. CONSTANS Source : http://www.bloy.geometre-expert.fr/parisexpert/plans/rapports/ VuesHist.cfm?ref=636 Illustration (p.135) Description : Rue Lepeu. Intérieur d’un atelier d’artiste. Auteur ou ayant droit : G. A.GUILHEM-DUCLEON Source : BENDIMERAD S. & ELEB M., Vu de l’Intérieur, habiter un Immeuble en Ile de France, 1945-2010 p.163 Illustration (p.135) Description : Essais d’habitation évolutive, Syndicat des architectes de la Seine Auteur ou ayant droit : n/r Source : Catalogue du SAM, 1960, pp.69-73 in BENDIMERAD S. & ELEB M., Vu de l’Intérieur, habiter un Immeuble en Ile de France, 1945-2010 p.61 Illustration (p.137) Description : Plan de deux appartements de l’opération du Bois Habité, Lille avec bloc regroupant cuisine, WC, salle de bain et rangement. Ph. DUBUS, 2007 Auteur ou ayant droit : n/r Source : ELEB M., SIMON P., Distribution et Dispositifs, L’habitabilité des Pièces pp. 139-279 in Entre Confort, Désir et Normes, Le Logement Contemporain 1995-2012, p. 171 Illustration (p.138) Description : Plan d’un logement de l’immeuble Kalouguine à Angers, 1971 219


Auteur ou ayant droit : V. KALOUGUINE Source : LEGER J.-M., Derniers Domiciles Connus, Enquête sur les nouveaux logements 1970- 1990, p.82 Illustration (p.139) Description : Salon avec un aménagement classique dans l’immeuble Kalouguine à Angers dans les années 70 Auteur ou ayant droit : J. REBOUD Source : LEGER J.-M., Derniers Domiciles Connus, Enquête sur les nouveaux logements 1970- 1990, p.70 Illustration (p.139) Description : Salon avec volonté de s’adapter à l’architecture de l’immeuble Kalouguine à Angers dans les années 70 Auteur ou ayant droit : J. REBOUD Source : LEGER J.-M., Derniers Domiciles Connus, Enquête sur les nouveaux logements 1970- 1990, p.29 Illustration (p.140) Description : Plan d’un cinq pièces de 106,92m2 avec entrée de 22m2, des chambres entre 8 et 10,55m2, une cuisine de 6m2 un salon de 32,95 m2, une salle de bain de 3,23m2 et une terrasse de 36,5m2. Immeuble Danielle- Casanova à Ivry sur Seine Auteur ou ayant droit : Coll. Part. Source : BENDIMERAD S. & ELEB M., Vu de l’Intérieur, habiter un Immeuble en Ile de France, 1945-2010 p. 139 Illustration (p.140) Description : Cuisine d’un logement de l’immeuble Danielle Casanova à Ivry sur Seine dans les années 70 Auteur ou ayant droit : J. REBOUD Source : LEGER J.-M., Derniers Domiciles Connus, Enquête sur les nouveaux logements 1970- 1990, p.98 Illustration (p.141) Description : Salon d’un logement de l’immeuble Danielle-Casanova à Ivry sur Seine dans les années 70 Auteur ou ayant droit : J. REBOUD Source : LEGER J.-M., Derniers Domiciles Connus, Enquête sur les nouveaux logements 1970- 1990, p.138 Illustration (p.141) Description :Salon avec appropriation d’un angle de l’immeuble Danielle-Casanova à Ivry sur Seine dans les années 2000 220


Auteur ou ayant droit : R. SALZEDO Source : BENDIMERAD S. & ELEB M., Vu de l’Intérieur, habiter un Immeuble en Ile de France, 1945-2010 p. 139 Illustration (p.143) Description : Plan d’un logement 3 pièces modulable de F. BOREL, boulevard de Belleville, Paris 20e, 1989 Auteur ou ayant droit : Source : CHATELET A.-M. & ELEB M., Urbanité, Sociabilité et Intimité. Des Logements d’aujourd’hui, p.213

Illustration Chapitre V (p.147) : Description : Vue sur les espaces extérieurs du complexe Lucien Rose, Rennes (35) Auteur ou ayant droit : N.ROMAIN Source : ressources personnelles (2016) Illustration (p.151) Description : Plan masse de l’opération Lucien Rose Auteur ou ayant droit : Atelier du Pont Source : http://www.atelierdupont.fr/5295685/la-vie-en-rose Illustration (p.153) Description : Vue des plots 2 et 3 du parc du Thabor Auteur ou ayant droit : Atelier du Pont Source : http://www.atelierdupont.fr/5295685/la-vie-en-rose Illustration (p.154) Description : L’escalier principal pour accéder aux plots. Auteur ou ayant droit : N. ROMAIN Source : ressources personnelles (2016) Illustration (p.154) Description : Les logements sociaux face à la bibliothèque de quartier Lucien Rose Auteur ou ayant droit : Atelier du Pont Source : http://www.atelierdupont.fr/5295685/la-vie-en-rose Illustration (p.155) Description : Accès au plot 2 Auteur ou ayant droit : N. ROMAIN Source : ressources personnelles (2016) 221


Illustration (p.156) Description : Appropriation des espaces extérieurs du plot 1 Auteur ou ayant droit : N. ROMAIN Source : ressources personnelles (2016) Illustrations (pp.158-178) Description : Plans des logements sociaux Lucien Rose Auteur ou ayant droit : Atelier de Pont, modifiés par N. ROMAIN Source : http://www.atelierdupont.fr/5295685/la-vie-en-rose Illustrations (pp.171-179) Description : Croquis réalisés lors des entretiens des habitants Auteur ou ayant droit : N. ROMAIN Source : ressources personnelles (2016)

Illustration Chapitre IV (p.183) : Description : Intérieur d’un logement Némausus, avec peinture blanche sur les murs et rideaux aux fenêtres Auteur ou ayant droit : G.FESSY Source : DUPORT L., Les 20 ans de Némausus, p.142 Illustration (p.191) Description : Plan des logements de l’opération La Sècherie, Nantes 2009 Auteur ou ayant droit : ATELIER BOSKOP Source : http://www.actuarchi.com/2010/03/logement-dense-individualise-nantes-boskop/ Illustration (p.192) Description : “Half of a good house”, logements de Quinta Monroy, Iquique (Chili) 2004 Auteur ou ayant droit : C. PALMA Source : http://www.18h39.fr/articles/alejandro-aravena-entre-genie-architectural-et-vocation-sociale.html Illustration (p.193) Description : “Half of a good house”, logements de Quinta Monroy, Iquique (Chili) 2004 Auteur ou ayant droit : L. DUSUZEAN Source : http://www.18h39.fr/articles/alejandro-aravena-entre-genie-architectural-et-vocation-sociale.html Illustration (p.193) 222


Description : “Half of a good house”, logements de Quinta Monroy, Iquique (Chili) 2004 Auteur ou ayant droit : T. JALOCHA Source : http://www.18h39.fr/articles/alejandro-aravena-entre-genie-architectural-et-vocation-sociale.html Illustration (p.193) Description : “Half of a good house”, Logements de la Villa Verde, Constitución (Chili) 2013 Auteur ou ayant droit : ELEMENTAL Source : http://www.18h39.fr/articles/alejandro-aravena-entre-genie-architectural-et-vocation-sociale.html Illustration (p.194) Description : Vue de l’opération des logements de Bègles Auteur ou ayant droit : J.LANOO Source : http://www.lan-paris.com/fr/projects/begles#project-image-2

Illustration Chapitre VI (p.195) : Description : Photo de l’immeuble de l’artiste Auteur ou ayant droit : B. GIRBOVAN Source : http://www.jarty.net/bogdan-girbovan-photographs-his-neighbours/ Illustrations (pp.197-201) Description : Photos des habitants dans leur logement Auteur ou ayant droit : B. GIRBOVAN Source : http://www.jarty.net/bogdan-girbovan-photographs-his-neighbours/


INDEX DES NOMS CITÉS

A

L’Abbé Pierre 15,79 d’Albert, C. 48 Archipel Habitat 152 Arfvidson, André 135 Aravena, Alejandro 20, 192-194 Atelier du Pont 152-157

B

de Balzac, Honoré 26 Beaudouin Eugène 77 Bellanger, François 124, 142, 143, 190 Bendimerad, Sabri 138 Berry 68 Bonvalet, Catherine 16 Borel, Frédéric 143 Boskop 191 Brun, Jacques 16

C

Cacheux, Emile 42, 44 Cacheux, Jean 34 Caroff, Jean-Pierre 98 Céleste, Patrick 186 Chaban-Delmas, Jacques 128 Chatelet, Anne-Marie 117, 118, 127, 144, 145, 187, 195 Champiot, Franck 131 Chemetov, Paul 114 Cheysson, Emile 34, 61 Ciriani, Henri 110, 111 Clark, George 30 Conan, Michel 13

D

Dehan, Philippe 114

Delebarre Michel 93 Depaule, Jean-Charles 191 Descadilles, Patrick 123 Dollfus, Jean 34-36 Dubois, Philippe 127 Dubus, Philippe 137 Dubuisson, Jean 78 Duvergier, Jean-Baptiste 28

E

Eleb, Monique 27, 113, 118, 126, 127, 138, 144, 145, 187-189

F

Faunières, Marion 150 Fondation Rothschild 61, 62 Fourier, Charles 38 Furet, Catherine 133, 134

G

Gazeau, Philippe 125 Girard, Edith 129, 188 Girbovan, Bogdan 163, 197-203 Godin, Jean-Baptiste 24, 38-41 de Gaudemaris, L. 190 Guerrand, Roger-Henri 24-27, 35, 49, 54-55, 70-73, 78-81 Guyon, Georges 50-57, 98

H

Hamel, E 25 Haumont, Nicole 14 Haussmann, Georges-Eugène 29, 31 Heidegger, Martin 11, 12, 24, 107 Heine, Michel 48 Hondelatte, Raphaëlle 131


Houdeville, Louis 26 Hugo, Victor 26

O

J

P

Jacquot, Alain 188, 196 Jeanneret, Charles-Edouard dit Le Corbusier 12, 73-75, 107, 108, 136

K

Kalouguine, Vladimir 138-139 Kanner, Patrick 83 Kaufmann, Jean-Claude 112, 142 Kohn, Bernard 115 Kroll, Lucien 105, 115-117

L

Labussière, Auguste 124, 125 Lacaton, Anne 9, 129, 130, 145 LAN, 194 Laporte, Mathieu 131 Léger, Jean-Michel 115 Le Hen, Stéphanie 150 Le Play, Frédéric 33 Levasseur, Arthur 65 Lion, Yves 118 Lods, Marcel 109, 118 Loucheur, Louis 70 Lucas, C. 51, 56

M Madre, comte de 42-44 Malot 68 Maurios, George 115, 117 Maury, Yan 93, 99 Meunier, Emile-Justin 24-25 Muller, Emile 36

N

Napoléon III 23, 30 Nicolas, Johann 150 Nouvel, Jean 108, 183, 195

Ordre des Architectes 187

Perriand, Charlotte 74 Peyrat, Didier 90 Piano, Renzo 132, 133 Picard 51, 52 Picot, George 53 Pinson, Daniel 181 Plattner, 132, 133 de Porzamparc, Christian 119, 187 Potin, Hervé 150 Pranlas-Descours, Jean-Pierre 123, 135 Provensal, Henry 62

Q

Quilliot, Roger 24-26, 35, 49, 54-55, 70-73, 78-81

R

Renaudie, Jean 140-141 Roberts, Henry 25 Rostand, Eugène 48

S

Sansot, Pierre 14, 15 Segaud, Marion 16 Serfaty-Garzon, Perla Seyler, Odile 190 Siegfried, Jules 24, 53 Simon, Jules 37 Simon, Philippe 145, 151, 188

T

Tapie, Guy 14, 121 Taricat, Jean 23, 24

V

Vaillant, Alcide 50 Vassal, Jean-Philippe 9, 129, 130, 145


Veugny, Marie-Gabriel 30, 31 Villars, Martine 23, 24

W

Wogenscky, AndrĂŠ 74, 112, 142 Wright, Frank Lloyd 109

Z

Zola, Emile 26



Imprimé en mai 2016 Sur les presses d’Identic à Cesson Sévigné (35514)


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