Séminaire "construction" du paysage industriel - Les Moulins de Pont Réan

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LES MOULINS DE PONT-REAN ANNA GERARD / NINA ROMAIN

Séminaire dirigé par R.LABRUNYE et F. MORVAN-BECKER


Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Bretagne

'Construction' du paysage industriel – 2015 - 2016


Nous remercions chaleureusement Pierre Jolivet et Joël Deshayes pour le temps qu’ils nous ont consacré. En espérant avoir correctement retranscrit une partie de l’histoire des Moulins de Pont-Réan…

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TABLE

Avant propos …………………………………….. 7 Le Petit et le Grand Moulin : les premières informations………………………………………13 Des moulins à la minoterie : l’ère Evenet (de 1803 – 1866) …………………………………… 17 Pour un rendement toujours plus important : l’arrivée des Jolivet (de 1866 – 1883) …….. 33 Une minoterie à louer : les frères Burgot (de 1883 – 1914) …………………………………… 40 De la minoterie à l’anglaise au contingent et droits de mouture : Le retour des Jolivet (de 1914 – 1935) …………………………………………………….. 45 De la meunerie à l’alimentation animale : un ancien moulin reconverti en bureaux au bord de la Vilaine (de 1936 – Aujourd’hui) …………………………………………………….. 46 Sources …………………………………………. 61

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Avant propos Ce livre est le fruit de quatre mois de recherches sur le moulin de Pont-Réan. Nous n’avons pas la prétention de le considérer comme terminé, nous avons juste essayé de trier, comprendre et utiliser les informations que nous avons glané là où nous pouvions. Il est relativement rare que durant nos études nous ayons le temps de nous consacrer à l’histoire d’un lieu avec autant de précisions, c’était donc une première expérience. Nous avons aussi cherché à relier architecture et industrie, ou plutôt comment l’essor de cette dernière a pu influencer la construction/destruction des différences bâtiments du moulin de Pont-Réan et ainsi modifier le paysage environnant. Nous avons jugé utile d’ajouter quelques données historiques concernant Pont-Réan, d’un point de vue plus général, tout au long de notre compte rendu. Nous avons le sentiment que le moulin a toujours eu une place très importante au sein de ce bourg, de par son intégration dans le paysage, mais aussi par l’implication qu’ont pu avoir les différents propriétaires au fil des siècles par rapport aux projets du domaine public.

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Etat des lieux

SAINT MALO

FOUGERES

RENNES

PONT REAN

REDON

Avant de commencer notre compte rendu de recherches, il est important de resituer la ville dans son contexte. Pont-Réan qui se situe à 20km au Sud de Rennes, à cheval entre les communes de Bruz et de Guichen, s’est développé le long d’une départementale sur 4270 Hectares. (Le moulin et son terrain en faisant environ 4,2.) 8


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SAINT MALO

FOUGERES

RENNES

PONT REAN

REDON

« Le territoire communal est occupé par une alternance de formations schisteuses et gréseuses, qui forment des bandes subparallèles globalement orientées nordouest, sud-est. Il faut noter en particulier les schistes pourpres de Pont-Réan : schistes rouges en dalles, à surfaces inégales, bosselées, qui ont été très utilisées dans les constructions. » http://www.guichenpontrean.fr/module-Contenus-viewpub-tid-2-pid-132.html

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Carte rÊpertoriant les bâtiments construits en schiste rouge de la ville de Pont-RÊan.

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Reliant les deux rives, on peut voir le grand pont de pierre. Nous ne pouvions pas parler de Pont Réan sans commencer par parler de son pont. Son centre marque la limite entre les communes de Bruz et Guichen (et les cantons du même nom). Sous l’Ancien Régime, il séparait déjà les paroisses de Bruz et Guichen. Datant de l’époque romaine, il fut tout d’abord reconstruit à l’époque médiévale, puis sera remplacé en 1767. Il est aujourd’hui classé monument historique et est un véritable symbole pour la ville. Le Moulin est en résonnance avec cet édifice car à proximité immédiate, ce dernier permettant une vue imprenable sur le bâtiment et son déversoir.

Pont de Pont-Réan

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Le Petit et le Grand Moulin : les premières informations Si l’on parle aujourd’hui du Moulin de Pont Réan, son histoire nous raconte qu’il n’y avait pas un, mais deux moulins, construit l’un à coté de l’autre et fonctionnant de manière indépendante. La date de construction de ces deux moulins reste inconnue malgré toutes les recherches. Cependant ces dernières nous ont permis d'apprendre que sa date d'édification était antérieure à 1539 (début de navigation de la Vilaine).

“L’avis des Ingénieurs était basé, ainsi qu’il a été expliqué antérieurement, sur ce que la Vilaine n’a été rendu navigable qu’après l’établissement du Moulin de Pont Réan et en vertu de lettres patentes du mois d’août 1539 et sur ce qu’aucune redevance n’a jamais été imposée à l’usine de Pont Réan, qui n’a jamais eu de concession d’eau, mais à laquelle tout au contraire un droit à la jouissance d’un volume d’eau déterminé a été reconnu par le paiement d’une indemnité à chaque fois que les besoins du service de la Navigation empêchaient les usiniers de jouir de ce volume.” AD d’Ille et Vilaine, 7S170, Observation de l’ingénieur ordinaire (M.Abrial) pour le préfet d’Ille et Vilaine, Rennes, le 21 juillet 1855.

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AD d’Ille et Vilaine, 7S170, Observation de l’ingénieur ordinaire , Rennes, juillet 1855

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La première date que nous connaissons est celle du 3 juillet 1547 avec un extrait des Aveux indiquant : « Le moulin à blé et à drap de Pont-Réan est acheté par le seigneur de bagatz, Philippe du PAIN, à Anne de MontJean (baronne de Maletroit de Combourg, veuve de Jehan d'Assigné (baron de Coetmon et vicomte de Tonquedec » CHEVIRE Patricia , Escale à Pont Réan : des cahotiers à la Royale, Paris, Danclau, 1995, p.51

Nous nous sommes penchées sur cette appellation ancienne des moulins de Pont Réan, moulin à blé et à draps. L’usine à drap exploitait l’énergie des meules consistant à moudre afin d’écraser les fibres pour qu’elles soient tissables. La présence du Petit et du Grand Moulin, deux édifices distincts et indépendants pourrait alors confirmer deux activités différentes durant un temps. Le 31 janvier 1679, les moulins et des terrains sur l’autre rive sont achetés au Seigneur de Bagatz, par messire Loïc du Bouexic, Seigneur de la Ferronnais, La Lande en Guichen. Les premiers documents que nous avons trouvé aux archives concernant le moulin datent de 1785. On peut lire ici un extrait des livres de comptes du garde magasinier Sieur Jamart. 15


AD d’Ille et Vilaine, C5029, Comptabilité de la navigation intérieure, PontRéan, 1785.

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Des moulins à la minoterie : l’ère Evenet Le 18 juin 1803 (ou 29 prairial an 11), le Sieur Jean Marie Evenet achète les moulins, l’étang (qui aurait peut-être servi à l’alimentation des Moulins avant la construction du bief. Nous avons émis l’hypothèse que cet étang aurait pu être alimenté par le cour d’eau de la Massaye.) et des maisons servant d’habitations aux meuniers, une boulangerie et la maison principale appelée Auberge du « Petit Maure ».

Photo actuelle de l’Auberge du Petit Maure


Photos actuelles de la boulangerie et des habitations de meuniers

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AD d’Ille et Vilaine, 3 P 5355 , Cartes et plans, Guichen : section Pont Riant, 1833

Le cadastre Napoléonien ci dessus, datant de 1833, montre que le bief n’est pas encore celui qu’on connaît aujourd’hui. Le 12 septembre 1840, le Sieur Evenet vend des terrains à l’Etat afin de construire un déversoir. Suite à cette vente, l’administration des Ponts et Chaussées construit le grand déversoir pour les besoins de la navigation en 1841. Le bief créé permet de se servir de la Vilaine pour augmenter la puissance des roues des moulins. On peut voir sur les plans que le projet n’a que peu évolué par rapport à son état actuel.

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AD d’Ille et Vilaine, 7S 170, Moulins de Pont Réan 1845-1907, Plan du bief par l’ingénieur ordinaire (M.Abrial), Rennes, 1852

Vue actuelle du bief et du déversoir

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Parallèlement à cela, l’industrie des moulins se modernise : la mouture économique se répand en France après 1817 avec l’importation des minoterie à l’anglaise de M. Evans. Ce système permet à une seule roue hydraulique d'entraîner plusieurs paires de meules.

Schéma d'un moulin à l'anglaise, dans les années 1830 © Service régional de l'inventaire de Poitou-Charentes / Zoé Lambert, 2007

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D’après nos recherches, il semble probable que le moulin de Pont Réan fonctionnait sur ce principe de minoterie à l’anglaise, expliqué ci dessous : “La roue hydraulique (1), reliée au rouet de fosse (2), entraîne deux paires de meules (5) grâce à divers organes de transmission en fonte (pelote, rouet de volée et lanternes). Ces meules sont supportées par un beffroi, assemblage de charpente (3). Les sacs de grain à moudre sont hissés au dernier étage par une poulie extérieure. Le blé est versé dans un nettoyeur (4) pour en retirer les mauvaises graines et les cailloux. Le grain nettoyé est écrasé, à A l’étage intermédiaire, par une paire de meules (5) renfermée dans une caisse de bois ou archure. Par un système de goulotte (6), la mouture est recueillie au niveau inférieur dans un sac. La mouture est ensuite remontée au niveau supérieur et passée dans une bluterie (7), afin de séparer les différentes qualités de produit : farine blanche prête à être livrée, gruaux ou semoules, qui vont effectuer un nouveau passage à la meule et son (enveloppe du grain).” Le patrimoine industriel du Poitou Charentes, “Du moulin aux minoteries”, http://dossiers.inventaire.poitou-charentes.fr

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Le 9 avril 1845, M. Evenet fait sa première demande pour la transformation du Grand moulin en Minoterie. “Voici Monsieur le Préfet en quoi consiste ce changement, les moulin de Pont Réan indiqués au plan cadastral ci joint, ont deux coursives A et B de 0m55 d’ouverture chacun avec une prise d’eau de fond. Pour opérer le changement que j’ai l’honneur de vous demander, il faudrait élever les murs du moulin A sans les augmenter en largeur ni en longueur et changer la prise d’eau de fond en une prise d’eau de superficie de 2m66 de largeur de retrait sur le moulinB. La hauteur de la prise d’eau serait la même que celle accordée pour les usines de même genre établies sur la Vilaine. Le moulin B restera tel qu’il est actuellement sans subir de changement ainsi que les pêcheries et deversoir aux abords .” AD d’Ille et Vilaine, 7S170, Moulins de Pont-Réan (1845- 1907), extrait de la demande de M.Evenet au préfet d’Ille et Vilaine, 1845

Le 6 janvier 1848, les habitants de Pont-Réan demandent d’obtenir la permission de construire nouvelle chapelle plus grande que l’ancienne; l’ambition était d’avoir une église mais il fallait d’abord obtenir la création d’une succursale paroissiale. 23


AD d’Ille et Vilaine, 7S 170, Moulins de Pont RÊan 1845-1907, Transformation du Grand Moulin en minoterie Rennes, 1845

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Le 12 juillet 1852, le rapport des ingénieurs au préfet, pour la conversion du petit Moulin nous apprend : “A l’honneur d’exposer le Sieur Jean Marie Evenet, propriétaire des moulins de Pont Réan situés sur la rivière de Vilaine en la commune de Guichen, qu’ayant l’intention de convertir en minoterie suivant le nouveau système adopté, le petit moulin contigu et faisant corps avec la minoterie précédemment construite pour lui en 1845.” AD d’Ille et Vilaine, 7S170, Moulins de Pont-Réan (1845- 1907), Extrait de la lettre de M Evenet au préfet d’Ille et Vilaine, 12 juillet 1852

Ci dessous, les plans et élévation des relevés :

Relevé de la façade en amont, 1852

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Plan de relevĂŠ, 1852

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Sur l’élévation du projet de transformation, nous voyons que le petit moulin est rehaussé afin d’atteindre le même niveau que le grand moulin, transformé antérieurement en minoterie. Si nous comparons cette analyse avec le schéma d’une minoterie à l’anglaise, exposé page 21, nous comprenons que la transformation d’un moulin classique en minoterie nécessite un fonctionnement en étages : au rez-de-chaussée la roue, au deuxième les paires de meules et au dernier le traitement de la mouture, d’où la surélévation des toitures.

Elévation de la façade en amont, projet de transformation 1853

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ElÊvation de la façade en amont, projet de transformation 1853

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Vue de l’emplacement des roues (carte postale non datée) Image : CHEVIRE Patricia , Escale à Pont Réan : des cahotiers à la Royale, Paris, Danclau, 1995, p.52

Vue actuelle du moulin

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Vue actuelle du moulin ; détail sur l’emplacement d’une des roues

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C’est en réponse à la demande des habitants de Pont Réan datant du 6 janvier 1848 que M. Evenet, s’engage à verser la somme de 20 000F pour obtenir la création d’une succursale paroissiale. Cette demande correspondait à un désir d’otenir la permission de construire une nouvelle chapelle plus grande que l’ancienne. Le 20 mars 1858, après acceptation impériale, on procède à l’érection en succursale de la future église. Deux mois plus tard, Monsieur Evenet cède un terrain pour la future église et les travaux commencent. Beaucoup de personnes participeront à ce projet, en faisant des dons d’argent, de matériaux, de main d’œuvre… Afin que Pont Réan retrouve une identité forte. Le 28 décembre 1858 les époux Jean Marie Evenet et Julie Boutin, donne le pré de la Mare pour construire cimetière et éviter les cortèges jusqu'à Guichen ou Bruz. Bien que ce don ait été refusé à l’époque, il sera renouvelé par sa fille En 1863, l’abbé Lemaitre achète un champ de deux hectares à Monsieur Evenet afin de construire le presbytère. C’est grâce au Conseil de la Fabrique composé de MM. Jolivet, Moricet, Théraudin et Clermont que ces legs seront autorisés par le Gouvernement. (La Fabrique étant un conseil de décideurs au sein d’une paroisse qui gère la construction et l’entretien des édifices religieux). 31


Photos actuelles de l’église et du presbytère

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Pour un rendement toujours plus important : l’arrivée des Jolivet Le 4 septembre 1866, M. Pierre Jolivet et Mme Durand, d’abord minotiers à Pacé puis à Châtillon sur Seiche achètent le Moulin et dépendances à Monsieur Evenet. Cette transaction concernait : - La minoterie de Pont-Réan avec ses huit paires de meules et ses deux roues hydrauliques. - Une série de dépendances sur le bord du chemin d’entrée du site, dont les deux maisons des meuniers. (Avec l’Auberge du Petit Maure) - Des étables, écuries, une boulangerie (qui existe encore aujourd’hui), une remise, un magasin sur deux étages. - L’ile de l’Aulnaie et le pré des Raux (l’ile se situe entre le bief et la Vilaine ; le pré est sur l’autre rive). La digue ayant été construite aux frais de l’Etat, la moitié de l’ile est du domaine public, l’autre appartenant au moulin, comme c’est encore le cas aujourd’hui. Le 21 aout 1869, le Sieur Jolivet fait une demande afin de construire un nouveau bâtiment pour une machine à vapeur. C’est dans le but d’augmenter la puissance des roues 33


que l’on combine les deux forces (hydraulique et vapeur)

AD d’Ille et Vilaine, 7S 170, Moulins de Pont Réan1845-1907, Rennes, 1869

Vue du bâtiment et de la chemnée de la machine à vapeur Image : CHEVIRE Patricia , Escale à Pont Réan : des cahotiers à la Royale, Paris, Danclau, 1995, p.52

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Plan de 1972

Vue actuelle

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Vue actuelle : détails des traces de l’ancien bâtiment Le bâtiment a été réhaussé vers 1908 après acquisition d’une machine à gaz pauvre

Le 14 janvier 1870, un document atteste que la construction fut bien achevée. Tous ces documents trouvés aux archives nous ont permis de retracer les évolutions de la minoterie, de comprendre les démarches de l’époque pour les nouvelles constructions. Certains sont plus anecdotiques que d’autres mais nous ont parfois amusé, comme celui qui suit. Le rapport des ingénieurs du 24 avril 1872 concerne la demande du 23 février 1872 du Sieur Jolivet pour 36


rehausser le mur qui borde la cour de sa minoterie. Un mois plus tard, cette demande est refusée et le Sieur Jolivet est mis en demeure de détruire le mur qu’il a déjà commencé à construire avant validation des ingénieurs. En mars 1876, le propriétaire fait une demande pour acquérir une zone de terrain, sur l’eau, donc du domaine public, afin d’agrandir son usine. Le 31 mai 1877, une attestation de cession du terrain est délivrée. Le terrain sera acheté 20Fr 30. Nous n’avons pas trouvé à quoi servait ce bâtiment, mais nous avons fait plusieurs suppositions telles qu’un escalier, du stockage supplémentaire, ou des bureaux. “Je soussigné, Conducteur des Ponts et Chaussées, me suis transporté sur la rivière de Vilaine, dans la commune de Guichen, pour procéder au métré et à l’estimation du terrain à céder au Sr Jolivet, propriétaire des moulins de Pont Réan. J’ai reconnu que la surface de ce terrain est de soixante sept mètres soixante huit mètres carrés, ainsi qu’il résulte du plan et du métré d’autres parts. » AD d’Ille et Vilaine, 7S170, Moulins de Pont-Réan (1845- 1907), Extrait du rapport “Métré et Estimation” de l’ingénieur, le 8 mai 1876

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AD d’Ille et Vilaine, 7S 170, Moulins de Pont Réan 1845-1907, Rennes, 1876

Bien que les documents attestant de la construction de ce bâtiment n’ont pas été retrouvés, il est bien présent sur les photos.

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Vue ancienne du bâtiment de 1876 (carte postale non datée) Image : CHEVIRE Patricia , Escale à Pont Réan : des cahotiers à la Royale, Paris, Danclau, 1995, p.52

Vue actuelle du bâtiment de 1876

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Une minoterie à louer : les frères Burgot Cette période a été très compliquée à comprendre car peu de documents ont été retrouvés. La plupart des informations qui suivent nous ont été fournies lors de l’entretien du 16 janvier 2015 avec Monsieur Pierre Jolivet, un des propriétaires actuels du terrain. Le Sieur Jolivet meurt en 1883 ; un an après Madame Jolivet. Cette même année meurt un de leurs fils célibataire et leur fille, Anne Marie, mariée à un Burgot, mère de trois fils. Les Burgot sont eux aussi meuniers à Plouer. Ces derniers héritent de la minoterie, mais étant mineurs à l’époque, le bâtiment est loué. Julien Jolivet (deuxième fils) hérite d’un autre moulin (celui de la Lande Riotel à Pacé) et prend à bail pour cinq ans pour le moulin de Pont Réan. Puis il achète le Moulin du Boel à quelques kilomètres de là où il exercera aussi une activité de « marchand de granit » (des carrières schiste rouge étaient exploitées à côté de ce moulin). La même année, Mademoiselle Julie Adélaïde Joséphine Evenet (la fille de Jean Marie Evenet, ancien propriétaire) décède. Dans son testament, elle donne à la Fabrique la partie de terre qui lui appartient dans le champ du Moulin et une remise bâtie de bois et 40


couverte, destinée à la construction du futur presbytère de la paroisse de Pont Réan. En 1888, le bail de Julien Jolivet se termine et la location va à M. Pelerin, époux de Julienne, jeune sœur de Julien qui exploitera le moulin jusqu’en 1908. En 1889, Julien Jolivet construit sa maison à Pont Réan, sur un terrain de la rive en face, qui appartient encore aujourd’hui à la famille Jolivet.

Photo de la maison familiale

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Le 6 juin 1907 une demande de reconstruction de vannage est faite par les frères Burgot devenus majeurs entre temps. Les trois frères ne semblent pas désirer reprendre l’activité de Pont Réan. Nous avons tout de même retrouvé une trace de l’implication d’un des frères pour la minoterie. Devenu notaire à Rennes, Gustave Burgot s’occupait des papiers relatifs à la minoterie jusqu’à sa vente en 1914. Ernest et Fernand, eux, étaient minotiers à Plouer.

Vue du document de reconstruction du vannage (gauche) et vue actuelle du vannage, encore existant (droite)

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De 1908 à 1916, le moulin est loué à M. Denieul qui fait édifier un bâtiment en brique à l’Est pour la machine à gaz pauvre afin de remplacer la machine à vapeur hors d’usage. Ce local connaitra une reconversion en bureau avant d’être détruit, remplacé en 1973 par un nouveau bâtiment en schiste rouge, plus grand.

Vue ancienne du bâtiment de la machine à gaz pauvre (carte postale non datée) Ce bâtiment fut détruit lors de la transformation du moulin en bureau

Les seuls documents relatant cette époque sont des rendements journaliers dont les tableaux ont été trouvés aux archives départementales montrant que la minoterie de Pont-Réan était une des minoteries les plus importantes de la région, avec ses 65 quintaux en moyenne, de rendement journalier. 43


Rendements 1905-1907

Rendements en 1913 AD Ille-et-Vilaine 7S 01. Fonds préfecture. Service hydraulique, moulins et usines : affaires générales et collectives (1809-1929).

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De la minoterie à l’anglaise au contingent et droits de mouture : Le retour des Jolivet Le 6 juin 1914, Madame Anne-Marie Jolivet-Morin (veuve de Julien Jolivet), son fils Monsieur Felix Jolivet (1886 -1937) et son épouse Marie Perrier, son deuxième fils Monsieur Edmond Jolivet (1888 - 1932) et sa fille Madame Henriette Jolivet (1891- 1928) rachètent le Moulin de Pont Réan aux frères Burgot. Monsieur Denieul restera tout de même locataire et exploite la minoterie jusqu’en 1916, pour pallier à l’absence des propriétaires mobilisés la Guerre. Félix et Edmond, gazés pendant la guerre, reviendront malades, et, leur état de santé ne s’améliorant pas, ils seront que peu présents dans l’activité industrielle. L’activité du moulin se poursuit sous la direction de Mme Félix Jolivet née Marie Perrier. En 1927, on achète et on pose de la première turbine de type Francis de 18 chevaux.

Le broyeur Brault - Tessier & Gillet, visible dans le hall d’entrée de Sopral

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De la meunerie à l’alimentation animale : un ancien moulin reconverti en bureaux au bord de la Vilaine En 1936, “la force motrice est distribuée par une roue vertical d’1m80 de largeur et d’une turbine hydraulique Francis et un moteur à gaz pauvre Baechtold. Le matériel de mouture se compose de quatre broyeurs à cylindres, d’un fendeur Rose-Brault, d’un planchitère et d’une bluterie centrifuge.” CHEVIRE Patricia – Danveau, Escale à Pont-Réan : Des cahotiers à la Royale, Editions Danclau, 1995

La Turbine Francis Archives de documents de la FAO, Département du développement durable, “Energie Hydraulique”, http://www.fao.org

Felix et Marie Jolivet-Perrier ont trois enfants, une fille et deux garçons. Le premier sera appelé quand la guerre 46


commencera, fait prisonnier, et s’évadera pour se réfugier dans le Jura. Le second sera également appelé mais démobilisé, Mme Félix Jolivet obtenant qu’il reste pour l’exploitation, une activité importante pendant la Guerre. Pendant la guerre de 1939-45, Mme Félix Jolivet fait donc tourner le Moulin avec son fils Pierre et sa fille Marie-Thérèse. Pierre et Marie-Thérèse s’associeront ensuite en1951 dans la société des moulins, créée en 1946. Elle se spécialisera rapidement dans la production d’aliments pour animaux. (Volailles, porcs, puis bovins et agriculture fermière et enfin alimentation pour chats, chiens et chevaux.) Félix s’est installé dans le Jura et achète lui même un moulin qu’il développe de son côté, dans la même activité. Nous avons appris lors de l’entretien que la reconversion des meuniers dans l’alimentation animale était chose courante à l ‘époque de l’Après Guerre. En effet, l’activité de meunerie était désormais régie par des « contingents » fixés en 1935 et donc limitée. Les meuniers, face à cette situation achètent ou vendent leurs moulins, ceux ne pouvant se plier aux quotas fixés se reconvertissent. (les issues de meunerie telles que le son étaient déjà depuis bien longtemps données au bétail). 47


On pose la deuxième turbine Francis de vingt chevaux en 1947. L’usine de Pont Réan se développe ainsi de 1947 à 1987, jusqu’à la mort de Pierre Jolivet sur le site du moulin.

AD Ille et Vilaine, 3 per 2740. Annuaire technique regional. Bretagne : Ille-et-Vilaine, p. B 440 (1971)

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Vue aérienne de 1948

C’est dans les années 50 que cesseront les activités hydrauliques de la minoterie. Les activités de l’entreprise connaissent plusieurs évolutions dont l’abandon progressif, dans un premier temps, de l’alimentation animale diversifiée pour une spécification pour le bovin (les vaches laitières en particulier). Cela s’explique par l’importance de la filière laitière en Ille et Vilaine, premier département distributeur en France. Dans un deuxième temps, la croissance du marché se ralentissant (à cause des quotas laitiers), la société se spécialise dans l’alimentation pour chiens et chats puis pour chevaux. 49


Vue aérienne de 1961

En 1960, une convention d’endigage comble le trou existant à l’est du moulin d’origine, dessinant ainsi la cour de l’usine.

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Vues aĂŠriennes de 1970

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On construit l’aile Est en 1973 (à l’emplacement, comme précisé ultérieurement du local en brique pour la machine à gaz, lui même converti en bureau (Date inconnue). On ajoute un escalier extérieur, qui sera couvert quelques années plus tard par une verrière. « Lors des travaux, les soubassements des meules, en pierre du pays, furent retrouvés à l’emplacement des gaines électriques. » CHEVIRE Patricia – Danveau, Escale à Pont-Réan : Des cahotiers à la Royale, Editions Danclau, 1995

Vers 1970 - 75, la génération suivante rentre au fur et à mesure dans l’entreprise (Pierre Jolivet, son frère Philippe Jolivet et leur cousin Jean Mayol contribuent à développer l’entreprise et prennent la direction en 1988, après le décés accidentel de Monsieur Pierre Jolivet et le retrait de Marie-Thérèse Mayol. Cette même année, la minoterie change de destination et est officiellement transformée en bureaux.

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Vue aérienne de 1987

Le moulin et les entrepôts, notamment l’entrepôt de vrac (1988)

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Elévation Ouest, relevé, 1989

Elévation Ouest, projet, 1989 Nous voyons que toutes les ouvertures ont été transformées ainsi que le nombre d’étage. Seule la structure est conservée.

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Elévation Nord, relevé, 1989

Elévation Nord, relevé, 1989 Nous voyons le pignon de l’ancien petit moulin, à droite se trouve le bâtiment de la machine à vapeur, à gauche l’ancien escalier.

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Coupe sur l’extension, relevé, 1989

Coupe sur l’extension, projet, 1989 Sur cette coupe, nous voyons l’intervention au niveau de l’escalier : il est couvert par une verrière. Une avancée est également construite à la place du bâtiment qui accueillait la machine à gaz pauvre (à gauche). De plus, nous pouvons noter la longue ouverture à droite qui reprend la place de l’ancienne roue.

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En 2002, l’usine d’alimentation pour chevaux du moulin de Pont Réan est détruite par un incendie. L’entreprise avait la possibilité de reconstruire sur le site mais les contraintes d’une usine moderne et celles de son environnement sont désormais incompatibles. L’entreprise décide de quitter Pont Réan pour se délocaliser à Plechatel, à proximité de l’usine Pet Food de Sopral. En 2010, Sopral devient filiale de Sofiproteol , qui est devenu groupe Avril en 2015. Aujourd’hui, le bâtiment du moulin abrite encore les bureaux et le siège de la société Sopral. Depuis le départ en retraite de Pierre Jolivet et Jean Mayol en 2011, Philippe Jolivet reste DGA de Sopral.

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SOURCES Fonds d’archives consultés Aux archives départementales d’Ille et Vilaine: - AD Ille-et-Vilaine 7S 01. Fonds préfecture. Service hydraulique, moulins et usines : affaires générales et collectives (1809-1929). - AD Ille-et-Vilaine 7S 25. Fonds préfecture. Service hydraulique, moulins et usines : réglementation, prises d'eau, travaux (1845-1855). - AD Ille-et-Vilaine 3S 624. Fonds ponts et chaussées. Navigation intérieure, moulins et usines : indemnités de chômage des moulins (1862-1885). - AD Ille-et-Vilaine 1S 167. Fonds ponts et chaussées. Administration générale : enquête sur l'industrie et la production : moulins et minoteries (1912). - AD Ille-et-Vilaine 3S 548. Fonds ponts et chaussées. Navigation intérieure, moulins et usines, Guichen, moulins de la Bouëxière et de Pont-Réan (1895-1936). - AD Ille-et-Vilaine 3S 549. Fonds ponts et chaussées. Navigation intérieure, moulins et usines, affaires diverses (1885-1937). - AD Ille-et-Vilaine 2Q 550. Domaine fluvial. La Vilaine, cession d'un terrain dépendant de la Vilaine et situé dans le canal de fuite de l'un des déversoirs, le long des moulins de Pont-Réan (1876-1877). - AD Ille-et-Vilaine 2Q 553. Domaine fluvial. La Vilaine, autorisation accordée le 20 juin 1907, à F. Burgot, de reconstruire le vannage de décharge du moulin de 58


Pont-Réan (1907). - AD Ille-et-Vilaine 1Q 675. Domaines nationaux : séquestre des moulins, Guichen (an 3-1799). - AD Ille-et-Vilaine C 5003. Fonds de la Commission de la navigation intérieure : journal des recettes et dépenses, indemnité allouée à Félix Gaudin, fermier des moulins de Pont-Réan, pour chômage de ses moulins (20 décembre 1788). - AD Ille-et-Vilaine C 5029. Fonds de la Commission de la navigation intérieure : caisse de Pont-Réan, journal des recettes et dépenses (1784-1788). - AD Ille-et-Vilaine 3Z 390. Sous-préfecture de Redon : étangs et moulins, demande de conversion d'un des deux moulins de Pont-Réan en minoterie (1845). - AD Ille-et-Vilaine 3 per 2740. Annuaire technique régional. Bretagne : Ille-et-Vilaine, p. B 440 (1971). - AD Ille-et-Vilaine 2per 2966. Annuaire officiel d'Ille-etVilaine : administratif, industriel et commercial, Rennes (1869, 1870). Sites internet Le moulin à l'anglaise, Service régional de l'inventaire de PoitouCharentes / Zoé Lambert, 2007

http://dossiers.inventaire.poitou-charentes.fr Informations sur le fonctionnement des moulins – ressources

http://www.forgesmoulins.com Données historiques sur la commune de Pont-Réan

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http://patrimoine.region-bretagne.fr Site de la Mairie de Guichen

http://www.guichenpontrean.fr Informations sur la carrière des Landes

http://lithotheque-svt.ac-rennes.fr/landes/ Cadastre Napoléonien, 3 P 5355 , Cartes et plans Guichen : section Pont Riant, 1833

http://archives-en-ligne.ille-et-vilaine.fr Vues aeriennes 1947-1987, Cartes IGN

http://www.geoportail.gouv.fr/accueil La Turbine Francis Archives de documents de la FAO

http://www.fao.org Correspondances Entretiens avec Pierre Jolivet, actuellement propriétaire du Moulin et de son terrain Correspondances avec Joël Deshayes, président de l'Association du Patrimoine Historique de Guichen Pont-Réan (APHGPR), vice-Président du Cercle Généalogique d'Ille et Vilaine & responsable de la section de Rennes (CGIV 35) 60


Bibliographie Agence d’architecture Jolivet-Roche, Etude de faisabilité – usines Jolivet-Sopral, Pont-Réan, Rennes, Juillet 2014, 64p. CHEVIRE Patricia – Danveau, Escale à Pont-Réan : Des cahotiers à la Royale, Editions Danclau, 1995, 121p ABBE GUILLOTIN, Guichen et ses environs, 1990 réimpression de l’ouvrage de 1874, 104p.

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Imprimé en Décembre 2015 Sur les presses de Recto Verso à Saint - Grégoire (35762)

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