PORTO-NOVO une capitale en Afrique
Noémi Gilliand Lucia Tinghi
Directeur de l’énoncé théorique Yves Pedrazzini
CONTEXTUALISATION
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« AFRICA RISING »
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UN INTÉRÊT PARTAGÉ DENSITÉ ET INÉGALITÉS LES PROBLÉMATIQUES DE L’URBANISATION
« A COAST OF OPPORTUNITIES»
LES ROYAUMES LA VILLE YORUBA LES COMPTOIRS CÔTIERS LES OCCUPATIONS LA VILLE COLONIALE LES INDEPENDANCES LES VILLES NOUVELLES AU NOM DU PROGRÈS
11 11 13
15 17 19 20 21 22 25 27 29
PORTO-NOVO|COTONOU|LAGOS
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DES DYNAMIQUES TRANSFRONTALIÈRES
33
LA LAGUNE LE GOUDRON LES ACTIVITÉS
37 39 41
PERCEPTIONS DES VILLES
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OPPORTUNITÉS OU SÉCURITÉ TRADITION ET MODERNITÉ CONCLUSION
43 44 45
47
PORTO-NOVO
49
PORTFOLIO
67
UNE CAPITALE?
68 69
71 72 74 76 78 80 82 83
85 90 95
UN SYMBOLE SUBSISTER A TRAVERS L’HISTOIRE
LA CONSTRUCTION DE L’URBAIN TISSU VERNACULAIRE TISSU AFRO-BRESILIEN TISSU COLONIAL TISSU ACTUEL LES FLUX (RE) APPROPRIATION (RE) INTERPRÉTATION
CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE REMERCIEMENTS
DEMARCHE
Nous avons passé deux mois à Porto-Novo, au Bénin: un appartement dans le centre, une moto, des travaux de groupe sur la question de l’écosystème lagunaire en ville, des vacances... Imprégnées et convaincues, nous décidons de parler de cette Capitale. A partir d’une expérience sur le terrain, notre projet vise à lier le social au global et le concret au visionnaire. Ainsi nous établissons une démarche analytique à différentes échelles afin de situer Porto-Novo dans son contexte large. 1 Le contexte «urbain africain» décrit l’enjeu mondial et continental de l’urbanisation en Afrique. Les attraits économiques et le poids d’une croissance démographique gigantesque sur la gouvernance, l’environnement. 2 Le contexte «historique ouest-africain» permet un lien entre l’échelle globale et territoriale: l’Afrique de l’Ouest est un exemple concret de densification et illustre l’histoire des peuples, des occupations jusqu’à l’époque contemporaine. De plus, ce contexte explique les connexions entre les pôles régionaux autour du Bénin, les correspondances culturelles, économiques et perceptives autour de sa capitale Porto-Novo. 3 Le contexte «local» met en évidence les structures de la ville et suggère une stratégie pour le développement urbain de Porto-Novo en tant que capitale: les opportunités, l’importance de son image et de son patrimoine.
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AGASSOU dieu panthère symbole de sagesse et de courage, c’est un dieu protecteur personel pour les rois. acrylique sur toile Cyprien Tokoudagba
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CONTEXTUALISATION
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POPULATION 0.7 Md
% 0.03 0.37
POPULATION 0.4 Md
% 0.91 1.22 78
76
CROISS. TOTALE PIB CROISS. URBAINE PER CAPITA $ ANS ESPÉRANCE DE VIE CROISS.2%
CROISS. TOTALE PIB CROISS. URBAINE PER CAPITA $ ANS ESPÉRANCE DE VIE CROISS.2%
21’068
41’813 POPULATION 1.0 Md
% 2.20 3.28 54
POPULATION 0.4 Md
% 0.97 1.33 74
8
CROISS. TOTALE PIB CROISS. URBAINE PER CAPITA $ ANS ESPÉRANCE DE VIE CROISS.5%
10’493
CROISS. TOTALE PIB CROISS. URBAINE PER CAPITA $ ANS ESPÉRANCE DE VIE CROISS.5%
3’613
« AFRICA RISING » UN CONTINENT EN EFFERVESCENCE
L’«Afrique», chacun s’en fait une idée plus ou moins précise. Mais l’«Afrique blanche» du nord est si différente de L’«Afrique noire» subsaharienne, de même, l’Afrique subsaharienne est un ensemble composé d’entités extrêmement diverses au niveau culturel, économique, climatique. Cependant pour comprendre sa position sur l’échiquier mondial, certains chiffres sont toujours éloquents. POPULATION 4.2 Md
% 1.05 2.17 73
CROISS. TOTALE PIB CROISS. URBAINE PER CAPITA $ ANS ESPÉRANCE DE VIE CROISS.3%
9’144
D’une part, il s’agit du continent avec le plus fort taux de croissance démographique, ainsi que le plus fort taux d’urbanisation de la population. En Afrique de l’Ouest par exemple, entre les années 60, au moment des indépendances, et aujourd’hui, la population a été multipliée par trois, tandis que la population urbaine s’est vue multipliée par 10.2 Due en grande partie à un exode rural massif qui actuellement a plutôt tendance à ralentir, cette augmentation de la population urbaine n’en reste pas moins préoccupante. D’autre part, comme pour confirmer ces idées reçues, il s’agit aussi du continent avec la population la plus pauvre, la plus illettrée et avec la plus faible espérance de vie. Mais parmi les bonnes nouvelles, de plus en plus d’enfants vont à l’école et le produit intérieur brut par habitant est en hausse, même si les inégalités restent flagrantes.
1 ill.: Source: Banque Mondiale et ONU 2 Atlas de l’Afrique de l’Ouest
Il s’agit bien évidemment de statistiques qui ne sont que le reflet d’une réalité bien plus complexe. Cependant, ce qui est perçu comme problématique représente aussi des opportunités. Dans un monde idéal, la croissance démographique peut aller de paire avec une croissance économique. Elle peut favoriser de nouveaux débouchés pour des marchés saturés dans le reste du monde, tant du point de vue de la production que de la consommation.
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ALGER
POPULATION DES AGGLOMÉRATIONS 15 MILLIONS 5 MILLIONS 1 MILLION
CASABLANCA LE CAIRE
DENSITÉ HAB/KM² 500 200 45 10 KHARTOUM
DAKAR
ADDIS-ABEBA LAGOS ABIDJAN
ACCRA
NAIROBI KINSHASA DAR ES SALAM LUANDA
JOHANNESBURG DURBAN LE CAP
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UN INTÉRÊT PARTAGÉ A L’ÉCHELLE MONDIALE
Précédemment orientés quasi exclusivement vers l’Europe, les pays d’Afrique ouvrent et intensifient leur marché avec le reste du monde ainsi qu’entre eux à l’intérieur du continent. Malgré l’instabilité de certains régimes politiques qui ne favorisent pas toujours un développement optimal pour la population, des organismes inter-étatiques se mettent en place pour défendre des intérêts communs. De plus, bien que de nombreux programmes d’aide soient encore en cours, toujours plus d’entreprises investissent à présent en Afrique. Un intérêt concourant pour ses ressources naturelles où la Chine est la principale actrice vise les 60% des terres cultivables inexploitées du monde, le pétrole et le gaz en quantité significative, de la main d’œuvre jeune avec une formation de base, l’expansion de la téléphonie mobile et des nouvelles technologies de l’information et de la communication; l’Afrique ne laisse pas indifférent.
DENSITÉ ET INÉGALITÉS
Cependant pour la population, les richesses et les pôles d’attractivités sont très inégalement répartis sur le territoire. Les zones de densification de l’Afrique sont les littoraux et les zones d’accès à l’eau, elles évitent les déserts et le centre du continent. Cette répartition s’explique en partie par la recherche de confort climatique mais aussi historiquement, par les différents réseaux commerciaux à la fois internes et externes. La population africaine voit ses villes exploser, ses agglomérations devenir des métropoles. La concentration de personnes et des activités économiques dans un centre urbain unique provoque autant d’opportunités que d’inégalités par rapport au reste du territoire, villes et villages restent en marge de la dynamique économique. Pour essayer de limiter cet effet, différents programmes de décentralisation ont été élaborés pour tenter de mieux répartir les prises de décisions et les ressources à l’intérieur des pays. Cependant leur application prend du temps et le processus de métropolisation mono-centré est toujours très présent. A large échelle, la densification unipolaire des grandes villes côtières doit observer sa répercussion sur leur territoire : La croissance démographique se concentre en un seul point. Afin de répartir un essor économique de taille, les villes secondaires doivent absorber une partie de cette croissance, développant d’avantage de fonctions d’importance nationale et offrant des emplois attractifs pour les populations migrantes.
1 Ill.: Sedac NASA, ONU, 2010
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ÂŤ Africa is in the midst of a historic transition, and during the next few decades hundreds of millions of Africans will likely be lifted out of poverty, just as hundreds of millions of Asians were in the past decades. Âť 1
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«Les enjeux de toute politique visant à influencer positivement l’urbanisation c’est tout simplement de réduire ces risques et de favoriser et organiser les opportunités.»2
Le programme des Nations Unies pour les Établissements Humains explique l’urgente nécessité de «canaliser l’explosion » dans ces villes : tenter d’organiser l’urbanisation de telle sorte qu’elle joue un rôle positif sur le développement économique, la réduction de la pauvreté et des inégalités, et l’environnement. Ainsi, l’urbanisation doit d’abord prévoir les infrastructures indispensables aux transports et communications, les services essentiels de la santé à la sécurité, des stratégies de développement et encourager l’autonomie des populations à investir dans leur habitat.
«Ce sont ainsi deux villes qui se superposent et s’interpénètrent, une cité légale, officielle, héritage d’un urbanisme colonial jamais véritablement contesté, et une urbanisation née de ses propres habitants.»3
Les principales caractéristiques des villes africaines pourraient se résumer ainsi 3: Une croissance extrêmement rapide (sur le plan spatial et démographique) générant des problèmes quant aux infrastructures et réseaux techniques qui n’ont pas suivi. Une, éventuellement deux grandes villes concentrant la majorité de la population urbaine du pays, avec comme conséquence une répartition très inégale de la population et des dynamiques sur le territoire ainsi qu’une forte opposition entre le rural et l’urbain. Un phénomène d’étalement urbain qui augmente les difficultés d’équipement et de gestion spatiale. En effet, même si la densité de population est relativement élevée, une grande partie du bâti ne comporte encore que 1 à 2 étages. Le mode de fonctionnement urbain est largement dominés par le secteur informel (jusqu’à 90% des activités dans certaines villes). Il s’agit à la fois des activités mais aussi de la gestion du foncier.
LES PROBLÉMATIQUES DE L’URBANISATION
L’Afrique de l’Ouest et plus particulièrement la Côte sud, entre la Côte d’Ivoire et le Nigéria, est en profonde mutation. Alors que des soucis de base comme la gestion des bidonvilles ou de l’accès aux différents équipements se pose, comment bâtir sur ce qui existe? Que faut-il garder de l’héritage du passé? Sur quoi se baser pour penser au futur? Quels sont les éléments forgeurs d’une identité?
1 Time 12/12 «Africa rising» 2 UN habitat 3 Collage 5/11
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«A COAST OF OPPORTUNITIES» LA CÔTE OUEST-AFRICAINE
Modèle intrinsèque ou modèle extrinsèque, influences multiples à travers le temps, la ville doit former sa propre identité. Ceci est vrai pour n’importe quelle ville, mais tout particulièrement en Afrique ou les villes importantes aujourd’hui sont pour la plupart relativement récentes par rapport à celle d’Europe et où l’histoire de la colonisation, même si elle a officiellement duré moins d’un siècle, joue un rôle clé dans l’organisation du territoire. Cette forte influence se ressent encore aujourd’hui alors que les nations qui en découlent ont été créés il y a à peine cinquante ans, elles cherchent à s’affirmer, à faire leur place, à trouver leur propre modèle de développement. Paradoxalement, persiste cette fascination à la fois pour «l’Occident» et pour une modernité idéalisée. En prenant comme cas d’étude l’Afrique de l’Ouest et plus particulièrement la côte sud entre la Côte d’Ivoire et le Nigéria, nous avons voulu voir quelle histoire se cache derrière la réalité que nous avons entre-aperçue, et en quoi elle nous permettait de comprendre la situation de Porto-Novo par rapport à un environnement plus large. Ainsi à travers le temps, il est possible de mettre en avant certaines dynamiques, comme le déplacement des villes influentes, les axes de commerce ou le rapport à la côte.
1 ill.: laboiteverte.fr/evolution-des-cartes -de-lafrique
Des guerres de pouvoir entre royaumes Yoruba et Adja au morcellement stratégique des puissances européennes, des villages razziés pour remplir les négriers. Au retour au pays des esclaves affranchis, comment cela se transcrit-il sur le territoire? Quelles en sont les marques encore visibles aujourd’hui et quelles sont celles que l’on crée actuellement pour demain?
2 ill.: anthropologieenligne.com
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ROYAUMES D’AFRIQUE DE L’OUEST
SONGHAI
DAXOME
AKAN
ABOMEY HO TADO ALLADA
KUMASI
CÔTE DE L’IVOIRE
16
GRANDASSINIE BASSAM
ACCRA CAPE COAST ELMINA
ADA
CÔTE DE L’OR
KETA
KETU
LLORIN OYO
IFE
YORUBA
IFE EDO
S) GO (LA O Y EK GR VO DA NO BA RTOU PO NO TO CO IDAH O OU UR PO EG PO TO S R PO
ASHANTI
GRAND LAHOU SASSANDRA
OYO
SAVE
CÔTE DES ESCLAVES
BENIN
NRI
LES ROYAUMES
Lorsque les Portugais jetèrent l’ancre pour la première fois au XVe siècle sur les côtes du golf de Guinée, ils ne se trouvaient pas sur les terres de «vulgaires tribus sauvages». Il existait, bien avant leur arrivée, plusieurs civilisations bien organisées commerçant entre elles et au-delà.
L’ ancêtre divin des différentes dynasties yoruba, descendant du ciel, posa sur la surface des eaux un peu de terre et une poule; en grattant, celle-ci envoya de la terre dans différentes directions. Ainsi, autour d’Ifé fut créé le monde.
Une civilisation peut se définir comme un ensemble de royaumes qui se développaient à partir d’une ville-mère et d’un roi-prêtre fondateur rattaché à une divinité. En se développant, ces royaumes produisent plusieurs générations de cité-royaumes dans une lignée de descendance royale qui régissent leurs terres avec un rayon d’influence d’une centaine de kilomètres. Les empires les plus puissants étendaient leur influence sur d’avantage de terres, mais il était alors nécessaire de fonder des villes-sœurs pour gérer l’étalement géographique et la croissance démographique. Certaines villes ont atteint à leur apogée jusqu’à 20’000 habitants. Il serait donc prétentieux de croire que ce sont les Européens qui ont fondé les premières villes en Afrique. En pays Yoruba, Ifé, cité-fondatrice, donna naissance à des empires comme celui d’Oyo ou du Bénin (géographiquement plus à l’est que l’actuel république du Bénin) dont la capitale Edo correspond aujourd’hui à Benin City. Ce sont les descendants de ces royaumes qui s’installeront à Eko (Lagos) ou Akron (premier quartier de Porto-Novo). Le Royaume de Dahomey quant à lui est issu de la cité-mère de Tado (qui aurait été fondée par des descendants de Oyo). Le peuple de Tado fonda Allada, cité Adja-Fon, dont les fils partiront s’établir à Hogbonou (qui sera alors appelée Adjacé par les Yoruba déjà présents et Porto-Novo par la suite!) et Abomey qui deviendra justement la capitale du Dahomey. Plus à l’ouest se situe la civilisation Akan dont fait partie le royaume Ashanti (actuel Ghana) réputé pour son or et dont la capitale est Kumansi.
HAUSA
FULANI NOK
COMPTOIR VILLE CAPITALE
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Entre le XIIe et le XIXe siècle, ces royaumes sont tantôt alliés tantôt ennemis, ils font la guerre autant qu’ils font du commerce. Les Rois représentent un pouvoir symbolique, mais il ne s’agit pas de monarchie absolue puisqu’ils sont assistés de conseillers qu’ils ne choisissent pas forcément. Par ailleurs, « quel que soit son espace politique, l’autorité privilégiait davantage la gestion des hommes que la délimitation de son territoire par l’instauration de frontières. Les espaces du pouvoir étaient donc mouvants.»1 Il ne s’agit donc pas d’une réelle occupation territoriale par différentes puissances mais plutôt d’une sorte d’organisation hiérarchisée de différentes sociétés qui entretiennent des rapport de rivalité ou d’échange entre elles.
LA VILLE YORUBA
D’ailleurs c’est justement en fonction de l’importance du marché de la capitale que se lit la richesse d’un royaume. Il s’agit d’un des éléments structurants de la ville, avec le palais et la voie royale, ainsi que la palissade qui entoure la ville. «La voie royale correspond à la trajectoire des forces en présence, c’est-à-dire les habitants; le roi représente la force la plus efficace et la plus dotée de puissance unitairement parlant. Le marché est centré sur cette trajectoire parce qu’il représente la globalité des forces de la cité (les habitants) et constitue par là même un élément plus important que le roi.»2
1 Atlas de l’Afrique de l’Ouest 2 L’architecture en Afrique noire 3 ill.: Porto-Novo, ville d’Afrique Noire
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LES COMPTOIRS CÔTIERS
Les royaumes étaient tournés vers l’intérieur des terres, le commerce orienté vers le nord, connecté jusqu’aux voies transsahariennes, où l’on échangeait des esclaves, de l’ivoire, des noix de kola ou de l’or provenant du sud contre des denrées du désert comme du sel ou des dattes. Mais avec l’établissement des comptoirs portugais et hollandais, la dynamique change. Nommé «Côte de l’ivoire», «Côte de l’or», «Côte des esclaves», le littoral du Golf de Guinée est investi par les puissances qui partent à la conquête du monde. Rapidement, le commerce le plus rentable est celui des esclaves. Les négriers ne s’aventurent pas à l’intérieur des terres, mais traitent avec les royaumes qui s’occupent de leur fournir les criminels ou les prisonniers de guerre. Lorsque les Anglais et les Français arrivent dans la seconde partie du XVIIe siècle, la forte intensification de la traite négrière provoque plus de conflits entre les royaumes, séduits par l’opportunité d’une forte demande d’esclaves qui atteindra son pic au XVIIIe siècle. La traite est officiellement abolie dans la plupart des pays au début du XIXe bien que le trafic d’esclave persiste encore quelques décennies, alors que d’autres esclaves affranchis reviennent du Brésil vers leur terre d’origine pour s’établir comme commerçants. Par conséquent, le commerce vers la route transsaharienne voit son trafic diminuer au profit d’une orientation côtière, où les villes-comptoirs sont désormais des nœuds qui prennent de plus en plus d’importance entre l’Europe et les Amériques. L’attraction vers ce marché intercontinental modifie des jeux de pouvoir à l’intérieur des terres africaines. Les futurs colonisateurs, afin de sécuriser leurs afflux de marchandises proposent des protectorats qui vont créer une certaine dépendance de certains peuples africains déjà affaiblis par les guerres internes.
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LES COLONIES D’AFRIQUE DE L’OUEST
NIAMEY
HAUTE VOLTA 1898-1960
BAMAKO
OUAGADOUGOU
ROYAL NIGER COMPANY 1886-1960
DAHOMEY 1892-1960
GOLD COAST 187O-1957
COTE D’IVOIRE
PARAKOU
TOGOLAND
1893-1960
1884-1918
ABOMEY KUMASI
ABIDJAN GRANDBASSAM
20
PORTO-NOVO OUIDAH LAGOS LOMÉ COTONOU ACCRA
LES OCCUPATIONS
MALDUGURI
CHEMIN DE FER
DOUALA
ROYAUME UNI FRANCE ALLEMAGNE
Au cours du XIXe siècle, les puissances européennes ne se satisfont plus de commercer sur les côtes. Si dans un premier temps le protectorat fut une manière «douce» de s’installer, puisque le commerce d’esclaves avait été remplacé par d’autres biens produits ou extraits à l’intérieur des terres, les «blancs», s’imposant comme « protecteurs» et «civilisateurs», s’approprient le territoire, les richesses et le pouvoir. Ils remontent les fleuves et pénètrent de plus en plus profondément dans les terres jusqu’alors inconnues. Cellesci n’étant pas infinies, les différentes nations colonisatrices finissent par marcher sur les mêmes territoires. La conférence de Berlin en 1885, avait pour but de mettre d’accord les colons sur les règles du jeu de la colonisation et en fin de compte sur la manière dont ils se partageraient l’Afrique. En effet, cela eut comme conséquence une course aux territoires: la France se constitue un vaste empire en Afrique occidentale pour rivaliser avec les Anglais qui s’octroient une grande partie de l’Afrique orientale, les autres pays se partagent le reste des terres qui ne sont pas encore sous leur emprise. Suite à la signature de traités multiples et divers, les frontières sont tracées. Mais ces frontières sont artificielles, elles résultent de compromis et de compensations entre colons qui divisent les anciens royaumes et les différentes ethnies présentes. Cette notion de définition, de division et d’attribution de l’espace est un point clé de la domination coloniale. Utilisée comme un outil, et sert à la gestion de la population autochtone et des biens, autant au niveau de la colonie que de la ville. Un nouveau système administratif se met en place. Le but principal étant, rappelons-le, d’envoyer les richesses exploitées dans le sud vers le nord et ce le plus efficacement possible. Il faut donc dans le kit de la parfaite petite colonie : une capitale, assez confortable pour accueillir les courageux blancs qui viennent vivre une aventure exotique, dotée (sauf exception) d’un warf (ponton) où peuvent accoster des bateaux suffisamment gros. Par la suite, il est judicieux de construire une ligne de chemin de fer qui part de la côte et s’enfonce dans le pays. En effet c’est le moyen le plus efficace pour transporter les marchandises à travers la brousse et la forêt dense. Le warf et le chemin de fer étant des élément relativement évidents, intéressons-nous plus particulièrement au fonctionnement de la «ville coloniale».
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De nouvelles capitales, sièges de l’administration coloniale et lieux symboliques du nouveau pouvoir sont donc mises en place. Qu’elles se greffent sur une cité déjà reconnue comme Porto-Novo ou Lagos ou qu’elles soient conçues comme un projet de ville nouvelle bâtie sur un terrain vierge où l’on ne tient pas vraiment compte d’éventuel village de pêcheurs préétabli comme pour Abidjan, les villes sont construites principalement par et pour les Européens et suivent à peu près chaque fois le même schéma répondant avant tout à des contraintes sanitaires et de contrôle. Pour les européens qui craignent le paludisme et autres fièvres que l’on attrape sous ces latitudes, il faut avant tout un endroit qui se situe en hauteur, loin des marécages, où l’eau (abondant particulièrement en saison des pluies) puisse être facilement drainée et où une légère brise éloigne les moustiques. Des rues en damier, larges et aérées, bordées de grands arbres qui procurent l’ombre et la fraîcheurs salutaire. Ce sont donc des villes planifiées, inspirées des expériences coloniales précédentes en Afrique du nord ou en Asie, des villes qui fonctionnent sur un principe hygiéniste de ségrégation sociale et raciale, de distinction entre la ville européenne et la ville indigène.
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LA VILLE COLONIALE
1 ill.: Carte postale illustrant une rue du Dahomey. imagesdupasse.free.fr
Sans trop caricaturer, il y a la ville rectiligne avec la douane, les PTT, le palais des gouverneurs, l’hôpital et les maisons de fonction pour les habitants de ce beau monde. Et puis, (qu’elle soit préexistante ou non à cette dernière) il y a la ville des maisons à cour et des autels vodoun où se promènent les poulets et les chèvres. Ici les rues sont plus sinueuses, bien que le fameux plan d’aménagement ait prévu d’y tracer quelques axes pour y faciliter la circulation... Entre deux, une grande route, celle-ci conduit au marché, point de rencontre de ces deux mondes juxtaposés qui s’interpénètrent immanquablement. La planification des villes coloniales implique aussi de nouveaux modes d’attribution des terres. Alors que jusque là le droit coutumier définit qui peut s’établir dans quel quartier, le fait de pouvoir soudainement posséder un titre de propriété qui se vend ou s’achète représente quelque chose de tout à fait nouveau. Evidemment, n’importe qui n’a pas les moyens de s’offrir ce luxe et aujourd’hui encore la question du droit d’occupation du sol est un soucis loin d’être résolu dans la plupart des villes. Le temps des colonies a indéniablement marqué ces «capitales» ouest-africaines, tant au niveau physique que symbolique. Il est vrai que de nombreux équipements et infrastructures diverses datent de cette époque, de même, les trames dessinées au même moment sont encore présentes. Ce sont généralement aussi ces villes qui sont devenues aujourd’hui des grandes métropoles sur la côte...
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EVOLUTION DEMOGRAPHIQUE (EN MILLIONS D’HABITANTS)
45 M
97 M
162 M
NIGERIA GHANA
25 M
COTE D’IVOIRE
20 M
15 M
LAGOS
10 M
BÉNIN TOGO
5M 4M 3M 2M 1M
COTONOU PORTO-NOVO 1900
1960
1990
2012
DENSITÉ EN AFRIQUE DE L’OUEST
NIAMEY BAMAKO OUAGADOUGOU
KANDI NATITINGOU TAMALE
KADUNA
KARA SOKODÉ
PARAKOU
IFE
BOUAKÉ ABOMEY
DALOA YAMOUSSOUKRO
KUMASI TEMA
ABIDJAN
24
ABUJA
ACCRA
PORTO-NOVO OUIDAH LAGOS LOMÉ COTONOU
IBADAN BENIN CITY
ENUGU
PORT HARCOURT
LES INDÉPENDANCES
NIAMEY un «Le choc colonial a constitué élément décisif de l’urbanisme africain contemporain par la OUAGADOUGOU juxtaposition et l’inévitable interpénétration de deux modèles apparemment contradictoires: KANDI le (ou plutôt les) modèle(s) autochtone(s) ancien(s), et le NATITINGOU modèle spécifique colonial/ blanc/métropolitain.»1 KARA TAMALE SOKODÉ
PARAKOU
1 Archives FAO, l’urbanisation en Afrique
ABOMEY KUMASI TEMA KANO
ACCRA
PORTO-NOVO OUIDAH LAGOS LOMÉ COTONOU MALDUGURI
1960 : Année de l’« indépendance » pour de nombreux pays. Après plus de soixante ans de subordination aux puissances européennes, les jeunes nations ouest-africaines ont la volonté de montrer une force nouvelle, de marquer un affranchissement légitime. Le développement économique représente alors une priorité majeure, puisqu’il est supposé assurer le progrès et l’émancipation du pays. L’urbanisme joue donc un rôle décisif dans la propagation de cette nouvelle image d’indépendance. MALDUGURI KANO
Ainsi aidés par leur « anciens maîtres » et quelques institutions internationales qui mettent volontiers à leur disposition les sommes KADUNA et les conseils nécessaires à leur construction, les états investissent autant dans les constructions de prestige que dans les infrastructures et l’habitat, cherchant ainsi à véhiculer des symboles de prosABUJA périté, de modernité, et d’«occidentalité», car ces constructions cherchent aussi à encourager les investisseurs étrangers et acquérir IFE la crédibilité mondiale quant à une communauté africaine contemIBADAN poraine. Or, construire d’une identité urbaine africaine et garder une image BENIN CITY attrayante pour l’occident n’est pas une tâche facile : Comment la ENUGU structure formelle et organisationnelle des villes et des pays, amplement héritée du modèle colonial, peut-elle se réinventer sans véhiculer des symboles du passé? Comment transmettre l’idée de PORT HARCOURT modernité dans l’espace urbain tout en se détachant du fait que l’urbain en Afrique serait un produit importé de l’occident ? DOUALA D’autant plus que ces villes ont d’autres soucis à gérer en même temps, d’Abidjan à Lagos, en passant par Accra, Lomé et Cotonou, la population se démultiplie à une vitesse jamais vue. Les gens affluent de l’intérieur des terres dans l’espoir d’une vie meilleure sur la côte, venant grossir encore plus la principale ville du pays.
DENSITÉ DE POPULATION (HAB/M²)
DOUALA
PLUS DE 500 200-500 80-200 40-80 10-40 - de 10
Pour tenter de limiter les dégâts, le réflexe des différents organismes de coopération est plutôt d’essayer de maintenir les population dans leur campagne que de trouver des solutions pour l’aménagement des villes. Pendant ce temps, les régimes politiques en place se succèdent plus ou moins rapidement et violemment, ne laissant pas vraiment la possibilité de s’organiser sur le long terme. De toute manière, Entre les promesses des élites, leur dessins personnels, le rêve des citoyens et la réalité au quotidien, le décalage est grand et malheureusement, le temps n’a pas résolu ce différent...
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1 Basilique St.-Pierre, Yamoussoukro, 2010 oubangui.wordpress.com 2 Plan d’aménagement d’Abuja, 1976 wrtdesign.com
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LES VILLES NOUVELLES
« L’idée persistante qu’un beau plan de ville donne une belle ville. »1
DÉCENTRALISER «L’expérience prouve que le contrôle de la corruption est bien meilleur localement qu’au niveau national. Surtout, la décentralisation permet aux citoyens d’avoir leur mot à dire sur la vie locale, ce qui leur donne une raison de se soumettre à l’impôt. Pourquoi les Africains payeraient-ils des impôts ? Quand une école est construite, on leur dit que c’est un cadeau du président.»2
1 Chenal, 2009 2 Le Monde 21.09.09
Il existe pourtant des tentatives de villes nouvelles. Les exemples les plus parlants, sont sans doutes celui d’Abuja et Yamoussoukro. Les plans d’Abuja sont esquissés dans les années 70, elle deviendra la capitale officielle du Nigéria en 1991. Géographiquement, elle est fondée au croisement des deux diagonales du pays afin d’être plus représentative de la diversité ethnique du Nigéria, Lagos étant principalement yoruba. Yamoussoukro quant à elle devient la capitale de la Côte d’Ivoire en 1983. Cette ville nouvelle est originellement le siège du royaume de la reine Yamoussou, mais aussi le village natal de Félix Houphouët-Boigny, où il fut le chef avant de devenir président du pays. Il s’agit donc à la fois de déplacer le symbole du pouvoir plus au centre, dans le lieu d’origine des ancêtres, et de s’affirmer comme capitale africaine et non comme ancienne ville coloniale. Paradoxalement, les villes nouvelles, basées sur l’intention de créer un modèle moderne proprement africain, sont construites avec des symboles littéralement occidentaux : la reproduction de la Basilique de St-Pierre de Rome devient icône de la capitale ivoirienne et le schéma directeur d’Abuja semble inspiré d’un dessin de Cité Idéale du XIXe siècle. On remarque ainsi une fascination pour l’imaginaire urbain, avec comme conséquence que trop souvent, la beauté du trait prime sur la fonctionnalité. Et pourtant, si ces villes n’ont jamais dépassé l’ancienne capitale qui est restée la capitale économique, pourrait-on les mettre en perspective avec le mouvement de décentralisation qui est devenu une évidence dès la fin des années 80? A la fois pour dynamiser et tenter de rééquilibrer les forces à l’intérieur du pays et éviter que tous les services, les infrastructures et les décisions soient concentrées au même endroit, (dans cette fameuse grande ville côtière héritée des colons) plusieurs nations, vivement encouragées par la Banque mondiale pour ne citer qu’elle, mettent en place un système basé sur de nouvelles collectivités territoriales. Celles-ci sont dirigées par des élus à qui l’État confère une certaine liberté en ce qui concerne des prises de décisions locales. Ce mode de fonctionnement permettrait aussi un plus grand investissement de la part des citoyens qui se sentiraient plus concernés et ayant leur mot à dire. Dans l’idéal c’est aussi une opportunité d’émancipation pour certaines villes secondaires qui pourraient devenir plus attractives en sortant de l’ombre de la géante.
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1 Freedom Palace Hotel 2 Villa contemporaine
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Dans les fait, il existe là encore d’autres enjeux sous-jacents, conflits d’intérêts et de pouvoir, entre les chefs coutumiers, les élus, les élites et les bailleurs de fond venus d’ailleurs... « la planification est restée entre les mêmes mains depuis que les plans existent. Au niveau de la planification, il n’y a pas eu de décolonisation, ce qui interdit la naissance de nouveaux modèles. »1
Au final, aujourd’hui encore, la planification territoriale, au niveau de l’organisation de l’état ou du dessin des villes, ne vient pas du «peuple» et ne le prend pas suffisamment en considération. L’urbanisation est programmée par des bureaux français, suisses, ou hollandais, ou lorsque ce sont des Africains, ils ont très certainement étudié en Europe ou aux États-Unis. Quant aux chantiers, les entreprises chinoises sont toujours plus présentes. Elles remportent les appels d’offre en garantissant des délais rapides d’exécution, tout en fournissant l’équipement nécessaire, une partie de la main-d’œuvre qualifiée, les outils et les matières premières, quand ils ne demandent pas une compensation ou un autre avantage quelconque quant à l’exploitation de telle ou telle mine ou autre gisement précieux.
AU NOM DU PROGRES
De nouvelles autoroutes, des bouts de villes entiers émergent, nécessaires à la mobilité, au logement et aux activités de la population qui ne cesse de croître. Mais de quelle population s’agit-il? La ville qui d’un côté rassemble, crée toujours plus d’inégalités de l’autre. Les modes de vie évoluent, mais à quel point est-ce un choix conscient, volontaire, assumé? Porter des jeans et une chemise blanche est tellement plus classe que de porter le «boumba». De même qu’habiter une villa de béton recouverte de catelles dans la périphérie est un rêve pour beaucoup qui vivent soit encore dans des maisons (de terre) autour d’une cour partagée par plusieurs ménages ou dans des locatif qui font penser à certains ensembles de logement ouvriers et où le four à charbon continue à servir sur le balcon. Mais c’est peut-être aussi cela qui est caractéristique de l’Afrique, ce mélange de tout (et de rien). Une sorte d’hybridation de la ville, et de la manière d’y vivre. Ce côtoiement du goudron noir et de la terre rouge, le long desquels on trouve à la fois le dernier cellulaire importé d’Asie et les grigris qui protégeront des aléas de la vie.
1 Chenal 2009
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AGOTONON symbole de l’eau dans cette région l’eau est omniprésente, le chant des grenouilles dans la mare dépasse tous les autres sons. acrylique sur toile Cyprien Tokoudagba
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PORTO-NOVO | COTONOU | LAGOS
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1 Cotonou 2 Lagos 3 Porto-Novo ill.: relationalbcn.wordpress.com
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UN RÉSEAU RÉGIONAL DES DYNAMIQUES TRANSFRONTALIÈRES
«It was the image of a continent in perpetual crisis – with health gloom, economic gloom, food gloom, political gloom. So I was completely unprepared for the immediacy of the intelligence I encountered there.»1 «There’s a weird interdependence between the planned and the unplanned. It’s actually an extreme form of modernization.»2
Sur 150 km de côte, et 40 km dans les terres, un morceau d’Afrique qui contient à la fois Lagos en passe de devenir une des plus grandes métropole du monde, Cotonou la capitale économique du Bénin et entre deux, discrète, un peu en retrait au bord de la lagune, Porto-Novo. Par sa petite taille et son influence économique moindre, la Capitale béninoise se dissimule facilement dans le territoire. La tâche urbaine de 260’000 habitants de Porto-Novo apparaît comme un satellite de la capitale économique béninoise, qui à 30 km de là compte plus d’un million d’âmes, et qui elle-même ne peut rivaliser avec Lagos, une métropole de 15 millions d’habitants, à une centaine de kilomètres de distance. Malgré une grande disparité au niveau de la taille et de l’influence au niveau international, la proximité géographique génère des liens étroits entre les trois villes tant au niveau des infrastructures que des tissus sociaux. Un territoire donc avec trois villes, deux pays, l’océan, la lagune, la route et approximativement 18 millions d’humains qui vaquent à leurs occupations. Une réalité à la fois homogène et tellement hétérogène. Des flux de gens et de marchandises, les gratte-ciel et les maisons de bambou sur pilotis, le formel et l’informel, le rural et l’urbain, les très riches et les très pauvres, effervescence et repos, passé et futur, tout se croise et s’entremêle, se superpose...
1, 2 Rem Koolhaas, About Lagos, 2002
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PORTO-NOVO
LAC NOKOUÉ
COTONOU
PN-COO 45’
30 kM
PN-LGS 100’ COO-LGS 120’
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115 km
TÂCHE URBAINE ACTUELLE 1990 1960 1900 ZONE MARECAGEUSE ROUTE FRONTIERE
LAGOS
LAGOS LAGOON
105 km
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LA LAGUNE
L’eau est omniprésente sur ce territoire. Le réseau lagunaire absorbe les rivières du delta de l’Ouémé, s’étend du lac Nokoué, en passant par la Lagune de Porto-Novo et celle de Lagos où il est connecté avec la mer. C’est aussi le cas à Cotonou depuis que les Français y ont creusé un chénal en 1855. Ce système représente de bonnes opportunités au niveau du trafic (légal et illégal) mais aussi une grande fragilité au niveau de l’écosystème surexploité et pollué en raison des activités et de la pression urbaine subie de toute part. Les problèmes d’inondation sont aussi de plus en plus fréquents puisque les villes tendent à s’agrandir toujours plus sur des remblais souvent inappropriés. Historiquement, Les royaumes d’Oyo et de Porto-Novo faisaient déjà des échanges par la lagune. Les maisons de commerce qui s’installèrent par la suite continuèrent à utiliser ce moyen privilégié pour acheminer des marchandises vers Cotonou ou Lagos qui avaient, au début du XXe siècle une importance comparable. Quant aux villages lacustres, ils furent peuplés par des citoyens cherchant à échapper aux razzias esclavagistes et existent encore aujourd’hui. En effet, le Lac Nokoué accueille actuellement quelques 80'000 habitants, installés sur des pilotis, se déplaçant en pirogue, commerçant leur poisson (et différentes marchandises de contrebande) dans les marchés sur le littoral.
« Le commerce informel transfrontalier (…) perpétue la solidarité ancestrale des peuples de part et d’autre des frontières héritées de la colonisation. » 2
Le lien commercial de la lagune est donc encore très exploité aujourd’hui, principalement pour le commerce informel d’hydrocarbures nigérianes, mais aussi de réexportation de produits étrangers transitant par le port de Cotonou. Cette économie principalement basée sur la fraude, implique un grand nombre de personnes complices à chaque maillon de la chaîne. Ici les liens familiaux et ethniques créent une solidarité au-delà des frontières. Se mobilisant de préférence la nuit pour échapper aux contrôles, les contrebandiers acheminent l’essence frelatée petit à petit, à travers des chenaux creusés jusqu’au débarcadère où femmes et enfants les aideront à charger les camions et les motos. Ils se rendront alors jusqu’aux grands boulevards de la capitale béninoise et à travers le pays où là encore d’autres cousins plus ou moins éloignés se chargeront de revendre le liquide au litre dans des grandes jarres de verre, sur le bord de la route.
1 ill.: Mobilité en pirogue sur le lac Nokoué 2 Igué, 1995
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LE GOUDRON
vers OUAGADOUGOU
NIAMEY
vers ACCRA ABIDJAN
200 KM
Couloirs de développement transfrontaliers traversant le Bénin
La proximité des trois villes engendre une grande mobilité. Le commerce, les échanges sont rapides et facilités. La perméabilité du territoire renforce cette capacité d’absorber des flux importants de marchandises et de personnes. Officiellement on compte plus de 60’000 véhicules enregistrés passant chaque année la frontière bénino-nigérianne de Sémé-Kraké. Nombreux sont ceux qui n’ont ni papiers, ni visas mais qui participent au mouvement en monnayant leur passage directement avec le ou plutôt les douaniers qui se succèdent et réclament chacun leur billet (cela dit, que l’on soit en règle ou non, le passage se monnaie quasi toujours). L’autoroute côtière qui relie Lagos à Abidjan (et même Dakar) fait partie des projets de la Banque Mondiale en tant que couloir de développement subsaharien, l’objectif étant de favoriser l’intégration territoriale des systèmes socio-économiques à l’échelle d’une région entière. Dans un même ordre d’idée, les corridors routiers profitent à l’exportation à partir du port de Cotonou et sont clairement des axes dynamisant pour l’économie béninoise, notamment pour Niamey au Niger (qui compte les 4,8% des exportations béninoises) ou Ouagadougou au Burkina Faso (deux pays sans accès à la mer). Les «excès» des pôles économiques, saturés de population et d’activités, sont alors absorbés par ces axes qui s’urbanisent de manière spontanée et pas vraiment maîtrisée, la route étant l’endroit par excellence où tout (se) passe. Or Porto-Novo qui n’est pas au bord de la mer, ne se situe pas non plus sur cette route côtière. Elle est cependant la voie préférée pour aller vers le nord puisque le goudron est de meilleure qualité. De plus, sa position stratégique entre Cotonou et Lagos, offre une bonne opportunité: la population peut exercer une activité rémunérée dans la capitale économique tout en résidant dans la capitale politique. Qu’il s’agisse d’une classe sociale aisée ou pauvre, cette pendularité est largement exercée. On peut citer à titre d’exemple les conducteurs de taxi-moto «zemidjans», qui de Porto-Novo parcourent 30 km matin et soir. Une course de 150 francs CFA se facturant à 300 à Cotonou, le prix de l’essence du déplacement est rapidement amorti. Dans la catégorie plus aisée, les commerçants de Porto-Novo choisissent d’y maintenir leur lieu de résidence principale, tout en gérant leurs «affaires» dans la grande ville que ce soit Cotonou, Lagos ou les deux. Ils ont alors souvent plusieurs pieds-àterre, toujours pratiques pour loger leurs maîtresses.
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POPULATION
CROISSANCE
15’000’000
260’000 1’360’000
2244 $
8,85 $Md
6507 $
2.21 $Md
8076 $
PIB
AGRICULTURE PRODUCTION COMMERCE SERVICES
33,67 $Md
LAGOS COTONOU PORTO-NOVO
FORMEL
PORTO-NOVO
INFORMEL À 83%
FORMEL
COTONOU
INFORMEL À 70%
FORMEL
LAGOS
MINA, ADJA, XWA
YORUBA
PIB PER CAPITA
EMPLOI PAR SECTEUR
INFORMEL À 90%
FON, GOUN, TOFFINS
4.4 % 2.5 % 1.9 %
ETHNIES
AUTRES PORTO-NOVO COTONOU LAGOS
FRANÇAIS, GOUN, YORUBA FRANÇAIS, FON ANGLAIS, YORUBA, GOUN VODOUN
CHRÉTIEN
PORTO-NOVO COTONOU LAGOS
RELIGIONS
ISLAM PORTO-NOVO COTONOU LAGOS
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LANGUES PRINCIPALES
LES ACTIVITÉS
Evidemment l’intensité des activités et des échanges n’est pas comparable entre les trois villes. Le fait d’être grand, d’avoir un port (principale source de revenu pour la ville) et un aéroport (ce qui n’existe pas non plus à Porto-Novo) renforce les connections avec le reste du monde pour des importations matérielles et immatérielles, qui seront ensuite redistribuées dans le pays. Des grossistes, aux gamins qui vendent des bonbons à l’unité au feu rouge, il y a les semi-grossistes, les détaillants qui engagent des vendeurs qui sous-traitent encore... Vu que les postes sont multipliés à chaque niveau, cela occupe au final pas mal de monde. Le commerce est d’ailleurs l’activité principale avec les services, tant dans le secteur du formel que de l’informel et cela dans les trois villes. Une grande partie de la population se débrouille en cuisinant des beignets devant le portail de la maison, en utilisant la cour intérieure comme entrepôt, en louant des bâches et des chaises pour les mariages ou les enterrement, en réparant tout et n’importe quoi, parmi mille autres exemples d’emploi. Mais ce n’est en tout cas pas la majorité qui met une chemise blanche et des souliers cirés pour aller travailler dans un bureau climatisé. Quant à l’industrie, si elle est présente à Lagos, et dans une moyenne mesure à Cotonou, elle est pour ainsi dire inexistante à Porto-Novo où la population pratique par contre la pisciculture et le maraîchage au cœur de la ville.
LES CULTURES
«I did not understand the French language but I got by speaking my native Yoruba. A large part of the population there spoke the Yoruba language, with a slight variant though.»1
1 Sola Odunfa, journaliste de Lagos, news.bbc.co.uk
En ce qui concerne les aspects culturels, pour faire très court, il faut se rendre compte que, même si Lagos est la plus cosmopolite, les occidentaux ou les asiatiques restent finalement en tout petit nombre. Il y a par contre des Africains de différents pays et de multiples ethnies ayant des liens plus ou moins directs, les plus représentées étant évidemment celles issues des anciens royaumes dont le Yoruba. Cela a pour conséquence que les gens peuvent généralement bien communiquer avec l’une ou l’autre des langues autochtones, même si la langue officielle est d’un côté de français et de l’autre l’anglais. Il est courant que des familles aient des membres (plus ou moins proches) dans chacune des villes. Au niveau de la religion, officiellement et surtout dans les grandes villes, les gens sont généralement musulmans ou chrétiens. Cela dit, les pratiques animistes sont toujours très vivantes et présentes de façon plus ou moins explicite, particulièrement à Porto-Novo, considérée comme le berceau du vodoun.
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Croquis d’une rue de Porto-Novo Alain Sinou Porto-Novo, ville d’Afrique Noire
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PERCEPTIONS DES VILLES
Profitant de nos contacts sur place, nous avons pris quelques avis au sujet des trois villes. Rien de véritablement scientifique, plutôt des impressions et des réflexions que nous avons saisies au premier degré. OPPORTUNITÉS OU SÉCURITÉ ?
Qui n’a pas entendu parler de Lagos comme un grand chaos : un trafic infernal, des vols à main armée à chaque coin de rue, des quartier détruits et des populations délogées pour planter les gratteciels de demain. Après une telle description comment rêver de vivre à Lagos ? C’est un contraste extrême avec la perception urbaine de Porto-Novo: une ville calme, historique, verte et même ennuyeuse? Cotonou se situe dans l’intermédiaire des deux en tant que grande ville avec des offres d’emploi, cosmopolite mais toujours rythmée et fatigante. Comment vivre autour de ces trois pôles ? De quelle ville rêvent les habitants de la côte ?
« J’aimerais vivre à Porto a cause du calme qui y règne, mais je souhaite travailler à Cotonou. »1
Les grandes villes sont une vision du futur. Les familles les voient comme une source de revenus grâce aux opportunités de travail. Les jeunes voient en elles la possibilité d’une éducation supérieure, synonyme de sécurité sociale et l’accès à d’autres horizons. Une ville cosmopolite est le modèle de la modernité vers laquelle veut se diriger le peuple africain, c’est une opportunité par excellence. Or, ces urbanisations ont des retombées de taille sur la qualité de vie des individus : la dimension implique une distance à parcourir, un rythme à adopter, donc un autre rapport à l’espace et au temps. Une dynamique économique, des offre d’emploi, mais aussi de la concurrence, des conflits d’intérêts, une insécurité permanente. Lagos subit sans arrêt des violents conflits entre ethnies, groupes religieux et dans la rue, les affrontements sont quotidiens.
dessin : Porto-Novo, ville d’Afrique nore 1 Interview de Djamal
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Du Bénin, Lagos est perçue comme dangereuse mais utile. Ainsi on s’y rend, mais juste pour « faire ses courses » et puis rentrer au pays. Cotonou est perçue comme Lagos mais en plus petit, donc plus accessible et moins dangereuse. Porto-Novo est une ville tranquille, à l’unanimité, et plus sûre. A la seule exception des rituels respectés et parfois violents, comme le Ho-ro, une divinité vengeresse qui tue les malheureux dédaigneux du couvre feu établi. La qualité de vie de la petite capitale est privilégiée entre la sérénité du train de vie, l’«absence» de pollution, les traditions ancestrales et familiales présentes, et bien entendu un prix du terrain avantageux. Quelle est la plus belle ville? Porto-Novo, bien entendu. Ville historique, pleine de patrimoine architectural et culturel, elle est appréciée pour son esthétique. L’histoire dont témoignent ses murs est partagée en grande partie sur la côte ouest-africaine: l’héritage des royaumes, des religions, la dynamique du commerce maritime, la traite négrière, la culture afro-brésilienne, reproduisent des ambiances et des formes familières aux visiteurs africains. Cette sensation de bien-être, amplifiée par la dimension restreinte de la ville, est souvent perçue comme de la «beauté». De plus, la végétation du paysage urbain provoque une impression agréable et reposante. D’autres indicateurs par rapport aux capitales et principales villes ouest-africaines sont les modes de vie. A Porto-Novo, les habitants sont très attachés aux coutumes religieuses vodoun, rites et fêtes ont souvent lieu. Les traditions vestimentaires comme le pagne multicolore, dont chaque pièce est faite sur mesure, sont toujours actuelles, au contraire des villes côtières. Est-ce une force de la culture porto-novienne ou plutôt un décalage dans le processus de modernisation des mœurs ?
« Les industries sont légères donc ne polluant pas l'environnement rendant ainsi vivable les quartiers qui sont de parfaites cité-dortoirs. »1
TRADITION ET MODERNITÉ
«Coming from Lagos, I noticed in no time that dressing here was simple. Most men wore "boubou" and "sokoto", that is, traditional trousers and tops, made from wax-printed cotton. Probably because I had no business in banks and offices, I did not meet any man in Italian-cut suits and London-tailored T M Lewin shirts which are the trendy wears in Lagos.»2
Ce sont des villes perçues comme complémentaires, il faut cependant se rendre compte que la majorité des habitants de Lagos n’ont pas mis les pieds à Porto-Novo, même s’ils en connaissent l’existence. Et si le «Porto-Noviens moyen» connait bien Cotonou, ses excursions à Lagos sont plutôt rares.
1 Interview de J. O. Togbè 2 Sola Odunfa, news.bbc.co.uk
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CONCLUSION
Porto-Novo ne rivalisera probablement jamais en taille, en population, ou en puissance économique avec ses deux voisines. Pourtant sa situation stratégique sur la lagune et proche de la frontière maintient son intérêt. La proximité géographiquepermet de vivre dans l’une et de travailler dans l’autre. De plus, Porto-Novo est aussi sur l’un des passages vers le nord. Le territoire étant habité par des ethnies présentes depuis quelques centaines d’années, les populations maintiennent un certain attachement au sol et une solidarité familiale au-delà des villes et des frontières. Mais quel est l’avenir de cette petite ville? Porto-Novo, une simple cité-dortoir pour les plus nantis qui cherchent le calme de la «campagne»? La banlieue de Cotonou, une cité satellite aux portes de la métropole béninoise (elle même condamnée à jouer le même rôle pour Lagos)? En même temps on commence à se rendre comte que les villes ne peuvent s’étendre à l’infini. Joue-t-elle alors le rôle de ville secondaire sur un couloir transfrontalier en favorisant le transit vers le Burkina Faso et le Niger? Estelle capable d’absorber une croissance démographique en développant des infrastructures efficaces et des services fonctionnels? Que doit faire Porto-Novo pour revendiquer une plus grande place dans le territoire régional? Alors que les capitales d’Afrique adoptent des infrastructures et des modes de vie toujours plus «globalisés», à Porto-Novo, le développement urbain semble tarder. Au niveau des transports, les infrastructures routières sont peu développées, peu de routes sont goudronnées, la plupart étant de terre ou de pavés. Les transports publics sont gérés par le secteur informel: ce sont presque exclusivement les «zémidjans» (ce qui n’assure pas une sécurité routière optimale). Il n’y a pas d’aéroport, pas de port maritime. Bien que les infrastructures de communication soient en plein essor, internet ne dépasse pas en moyenne les 5 ko/s dans les cybercafés et les privilégiés qui utilisent une clé usb avec une carte sim n’obtiennent pas une connexion beaucoup plus rapide. L’éducation publique supérieure se limite au lycée technique. Il n’y a pas de véritable cinéma, ni de grand centre commercial. Comment une capitale peut-elle se trouver si démunie?
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TEGBESSOU emblème du roi pour son intronisation, le roi devait porter la tunique de son père, symbole du pouvoir transmis. ses rivaux voulant le forcer à retirer l’habit mirent de ortilles à l’intérieur. mais le roi ne l’enleva pas, montrant à chacun qu’il avait accédé au pouvoir et comptait bien le conserver. acrylique sur toile Cyprien Tokoudagba
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PORTO-NOVO
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1 Enseigne Maquis Bar le Paradis 2 Magasin de pancartes et enseignes, souvent utilisées indicateur de propriété foncière, plantés dans le sol
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1 La route: pavée, mobilité à deux roues, commerces aux abords... 2 Cour intérieure: théâtre de toute activité domestique
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1 Mosquée sur le Boulevard Extérieur 2 Villa moderne, villa contemporaine avec vue sur Collecteur G (financé par la Banque Mondiale)
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1 Zémidjan transportant des jerricans à essence 2 Débarcadère de contrebande d’hydrocarbures nigérianes
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1 Chantier d’immeuble 2 Quartier ancien, maison afro-brÊsilienne
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1 Rue Catchi: ligne droite traversant le centre 2 MarchĂŠ Ouando et maison afro-brĂŠsilienne
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1 Chantier de l’Assemblée Nationale 2 Villa inachevée (PAGE SUIVANTE) 3 Monument International du Zangbeto 4 Ancienne Mosquée Afro-bréslienne, construite en 1930
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Arrivée sur le pont avec Porto-Novo à l’horizon Alain Sinou Porto-Novo, ville d’Afrique Noire
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«Préambule» Alain Sinou Les villes africaines et leur patrimoine
En arrivant à Porto-Novo depuis Cotonou, la grande métropole côtière, le chauffeur de taxi qui amène des touristes en quête « d’authenticité africaine », n’a pas la même surprise que ses clients. Ces derniers, depuis leur départ, ont traversé une vaste conurbation sans vraiment pouvoir identifier de centre, ont roulé sur un « goudron» désespérément rectiligne, d’où s’échappent régulièrement des pistes en terre. Sont-ils encore dans une rue, ou déjà sur la route ? Ont-ils quitté la ville ? Difficile de l’évaluer et d’employer de telles catégories dans ce tissu urbain sans consistance, aux densités constructives aléatoires. Difficile également de définir des limites à l’urbanisation qui s’étend maintenant sur toute cette côte, à l’ouest, jusqu’à la capitale du Togo, Lomé, et à l’est, jusqu’à la mégalopole de Lagos au Nigeria, forte de plus de dix millions d’habitants. L’Afrique « authentique » se réduirait-elle aujourd’hui à un territoire informe, composé de quelques rubans de bitume et d’un lacis de « latérites », où émergent, au milieu d’un magma de tôles, des constructions à étages, « en dur », paysage qui rappelle tant de périphéries urbaines de la planète, et qui semble sans passé ? Après avoir parcouru une trentaine de kilomètres de voyage, arrivés face à un pont traversant une lagune, la vision de Porto-Novo, sur l’autre rive, est là pour apaiser les touristes. Après avoir roulé sur un terrain uniformément plat, empêchant tout point de vue, ils découvrent un vaste miroir lagunaire qui met en relief une pente douce sur laquelle s’étale la cité, dominée par la cathédrale, et ponctuée par les minarets des mosquées, les masses de quelques constructions contemporaines, et le feuillage épais de grands manguiers.
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En haut, sur fond blanc, la couronne murale à sept tours des villes capitales. En dessous, sur couleur bleue, une biche dans une pirogue en équilibre sur l’eau symbolisant l’arrivé du premier roi Tê Agbanlin à Porto-Novo et un palmier sur le rivage, symbole de richesse et prospérité. L’ensemble est encadré par la devise: Dans l’union, la justice et la paix marche!
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UNE CAPITALE?
« La capitale de la République du Bénin est Porto-Novo »1
Depuis qu’elle fut appelée Porto-Novo, cette ville a un statut de capitale: de son royaume, de la colonie du Dahomey, de la République du Bénin. Pourtant aujourd’hui c’est une capitale sans gouvernement, sans politiciens, sans institutions. La question de transférer la capitale à Cotonou s’est posée la première fois au début du XXe siècle. Mais, considérée comme plus salubre, Porto-Novo garde sa place. Dans les années 20, c’est les difficultés financières dues à la crise qui préservent le statu quo. Dans les années 50, alors que les Français étaient deux fois plus nombreux à Cotonou, Porto-Novo reste encore la capitale pour éviter les soulèvements populaires dûs au transfert vers une ville «trop coloniale». Pourtant, tous les crédits vont vers la ville côtière, et ce sera encore le cas à l’indépendance, où le premier président (soutenu par les Français) établit les institutions à Cotonou, bien qu’officiellement elle ne soit jamais nommée capitale politique.
CAPITALE, n. f. 2
Les Béninois ont appris à l’école que Porto-Novo est la capitale. Mais en dehors des frontières, pour ceux qui ont déjà entendu parler du Bénin, la plupart répondent Cotonou sans penser avoir tort et on ne peut franchement pas leur en vouloir. Aujourd’hui, pourtant, Porto-Novo est réaffirmée comme capitale et la construction de nouveaux bâtiments pour le gouvernement est en cours. Une partie des institutions est en train de revenir y siéger.
1. « Ville où siège le gouvernement d'un État : Paris est la capitale de la France. » 2. « Ville qui prime sur les autres du point de vue d’une activité .»
1 Constitution béninoise du 11 décembre 1990 article 1er, alinéa 2
Mais en plus du fait que l’activité légitime de Porto-Novo soit politique, quel est le rôle de cette capitale? Que représente-t-elle ? Il se pourrait qu’elle « prime sur les autres » par rapport à une activité, qu’elle ait un statut alternatif. Quels sont les atouts qu’elle doit valoriser, quelle identité peut-elle revendiquer pour faire sa place et acquérir la reconnaissance qu’elle mérite?
2 Dictionnaire Larousse en ligne
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Il est donc question de comprendre ce que représente cette ville pour la population et pour l’extérieur du pays, en terme d’image et de symbolique.
UN SYMBOLE
Une capitale ne doit pas forcément être la plus «grande» ville, c’est une réalité dans de nombreux pays à travers le monde entier. Par contre elle doit représenter ce dont elle est la capitale. Une nation, une culture, un patrimoine... Sa grandeur viendra alors soit du fait qu’elle incarne mieux que n’importe quelle autre ville une ou des spécificité qui la distingueront, soit du fait qu’elle incarne de façon générique quelque chose qui est commun à un grand nombre, que ce soit par ses habitants, son architecture, ses pratiques ou son histoire. Si la capitale doit véhiculer un symbole pour la nation, ce dernier sera la fierté des populations. Un rapport clair doit s’établir entre les villes du Bénin afin qu’elles reconnaissent leur lien avec la Ville. La visite de sa propre capitale serait un pèlerinage patriotique. Les béninois pourraient se reconnaître dans la culture et les mœurs de Porto-Novo en participant aux cérémonies vodoun, par exemple. La capitale devrait bien-entendu incarner autant le témoignage de son passé que des actions contemporaines, montrer la capacité du peuple béninois à s’adapter dans une société en mutation, tout en garantissant une certaine stabilité politique et sociale.
POUR L’INTÉRIEUR
Ce même statut symbolique s’adopte à l’échelle internationale de différentes manières. Porto-Novo serait la carte de visite du pays, la ville qu’on visite, qui nous donne l’impression de «comprendre le Bénin». Elle va se caractériser par des thèmes plus «globaux» par rapport aux autres villes signifiantes africaines, ou même du monde. Elle ferait référence à des institutions internationales. Il s’agit de s’insérer dans le réseau régional grâce à des caractéristiques profitables à tous, ou même devenir un modèle de ville durable grâce à la gestion écologique du développement urbain et grâce à la présence des vallons et de la lagune.
POUR L’EXTÉRIEUR
Alors, quel futur pour Porto-Novo ? Quelle type de capitale est-elle ou peut-elle devenir ? Un modèle national ? Une référence identitaire régionale ? Une ville frontalière de transit ? Elle a subsisté en tant que capitale, dans le passé et encore pour longtemps ?
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SUBSISTER A TRAVERS L’HISTOIRE
Porto-Novo a le caractère d’une capitale grâce à sa capacité de subsistance : elle a su, tout au long de l’histoire, survivre à tout conflit, domination étrangère, à l’événement de l’indépendance, sans fléchir. De même, elle conserve le témoin matériel de toutes ses étapes historiques, qui n’ont pas disparu pour cause d’un ennemi ou d’un conflit interne : l’héritage architectural est « assumé », voulu, revendiqué (du moins par les élites). Enfin, quand le continent tout entier est en effervescence, elle joue un rôle primordial dans la question de l’identité africaine et de son rôle dans l’urbanisation des villes, en tant que modèle. Porto-Novo doit être une capitale africaine, une référence de l’histoire ouest-africaine et un pôle urbain béninois majeur, la fierté de la nation pour ce qu’elle représente non pas en tant que puissance économique moderne mais comme modèle de développement culturel et de mise en valeur de son héritage bâti, mais aussi naturel.
VALORISER LE PATRIMOINE
« Cette ville constitue un témoignage assez rare en Afrique francophone de superpositions et d’imbrications culturelles. Dans cette région, seule Lagos connaît un destin analogue, mais sa forte croissance urbaine a aujourd’hui effacé de nombreux signes matériels de cette histoire.»1
En même temps, la valorisation du patrimoine en soi n’est pas vraiment originale et c’est une fois encore une préoccupation qui vient de l’Occident. Faire de Porto-Novo une ville musée pour essayer d’attirer quelques touristes supplémentaires n’est pas le but. Choisir quelques «monuments» significatifs et trouver des fonds pour les rénover. Les rassembler ensuite dans une petite brochure qui propose un parcours à travers la ville et explique quand et comment ces monuments ont été construits. Éventuellement prolonger la balade au bord de la lagune et dans les vallons pour montrer cette belle nature si proche de la ville (à condition de nettoyer les décharges sauvages). Vendre finalement cette brochure 1000 francs CFA à la maison du patrimoine. Cela pourrait se faire et ça aurait du sens, du moins pour quelques personnes. Mais qu’est ce que ça apporterait vraiment à la ville et à ses habitants? Quelques emplois pour les rénovateurs et les guides, plus de reconnaissance quant à l’intérêt que représente la cité, ce n’est pas un négligeable, mais pas non plus une préoccupation véritablement urbaine.
1 Sinou 2012
Pourtant, Porto-Novo a réellement un potentiel unique, celui d’une ville d’Afrique, petite certes mais qui condense un peu de tout ce qui est devenu souvent invisible dans les villes qui ont grandi trop vite. Une qualité et une familiarité dans laquelle beaucoup peuvent se reconnaitre et qui peut en faire une capitale. Car être capitale, c’est son destin, en quelque sorte... le Fâ a surement le dire un jour!
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LA CONSTRUCTION DE L’URBAIN
Comment se construit une capitale? En ce qui concerne Porto-Novo, il ne s’agit pas d’une ville planifiée dès le départ. Elle s’est construite petit à petit, par agglutination dans un premier temps, par insertion et juxtaposition ensuite, par expansion finalement. Et si toutes ces étapes sont visibles aujourd’hui, c’est parce qu’elles sont encore investies par les habitants qui y vivent. Les espaces symboliques de différentes époques sont transformés et réappropriés, de façon plus ou moins brutale, par ceux qui sont au pouvoir, mais ils perdurent se déplacent parfois et se côtoient encore aujourd’hui. Observer les différentes formes urbaines, ou plutôt comment un type de bâti s’insère pour contribuer à la construction de la ville. Essayer de comprendre ce qui aujourd’hui structure la ville et la rend telle qu’elles est. Définir quels sont les éléments clé, significatifs, symboliques à mettre en avant et sur lesquels il sera possible de s’appuyer pour penser l’avenir de la ville. Quelques anachronismes ne sont pas à exclure, mais il s’agit plutôt de définir un principe d’organisation spatiale plutôt que de refaire l’histoire le plus rigoureusement possible.
1 ill.: orthophoto, source : Mairie de Porto-Novo
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FONDATION DE LA VILLE FOSSÉ ET MUR ROUTES NOYAU ANCIEN PREMIER QUARTIER PALAIS ROYAL HOMMÉ ANCIEN MARCHÉ TEMPLE DES TROIS CHASSEURS TEMPLE D’AVESSAN
VERS ABOMEY
VERS OYO
FORÊT SACRÉE DJASSIN 2 1
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AKRON
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TISSU VERNACULAIRE Trois chasseurs yoruba se reposaient à l’ombre quand un monstre à neuf têtes leur apparu. De retour au village, ils consultèrent le Fa qui leur dit qu’il s’agissait d’Abori Messan, une divinité bienfaisante. Les trois chasseurs décidèrent alors de fonder Akron à cet endroit...
Des bâtiments en terre de barre rouge, un toit en chaume aujourd’hui remplacé par de la tôle... Les techniques de construction limitent les édifices à un rez, les différentes pièces de la maison se côtoient et donnent sur une cour où se passent la majorité des activités, qu’il s’agisse d’un palais ou d’une simple concession. Ce sont les liens de parenté qui définissent les rapports à l’espace ou le niveau d’initiation lorsqu’il s’agit d’espace sacré. Un quartier se rapporte à un lignage, généralement sous la protection d’une divinité. Les édifices forment les quartiers, qui forment la ville qui se densifie au fil du temps, les rues serpentent entre les concessions formant un vrai labyrinthe pour celui qui ne connait pas le coin. A l’ouest, se trouve la forêt sacrée qui abrite les couvents de plusieurs divinités vodoun et dans laquelle ont lieu différents rituels. Ce sera sur ce site que se construira la première mission chrétienne. On retrouve bien entendu une multitude de «lieux sacrés», au coin d’une rue, derrière un gros caillou, et évidemment dans la plupart des maisons. Pour un visiteur, ce n’est pas toujours aise à identifier puisque les traces visibles se limitent souvent à quelques plumes et un peu d’huile rouge, traces datant du dernier sacrifice. Au sud, la lagune. La ville se construit légèrement en retrait car les bords sont très marécageux et bien qu’elle soit peu profonde, le niveau de l’eau peut varier de plus d’un mètre selon la saison. La communication par la terre se fait en direction du nord. Aujourd’hui, le palais Homné a été transformé en musée, ce qui a permis de le restaurer. Les autres palais sont toujours habités et ont été plus ou moins transformés au fil du temps. D’autres «monuments» comme certains temples ont été «rénovés». Mais ce sont des lieux qui symbolisent des pratiques toujours existantes, il ne s’agit donc pas d’une réelle patrimonialisation du point de vue de la population. Quant aux concessions, elles se dégradent fortement. En effet, les habitants les plus riches préfèrent construire du neuf en périphérie, tandis que ceux qui restent sont les plus démunis et n’ont généralement pas les moyens d’entretenir les constructions de façon adéquate. Pourtant c’est probablement un des rares «centre-ville» d’Afrique où la pression n’est pas telle que l’on songe à tout raser. C’est peut-être l’occasion de réhabiliter et donner plus de valeur à ce tissu, physiquement et moralement, dans l’esprit des gens.
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LE PATRIMOINE AFRO-BRÉSILIEN 1900 - 1960 1700 - 1900 NOYAU ANCIEN PREMIER QUARTIER BÂTIMENTS AFRO-BRÉSILIENS RECENSÉS PAR L’ÉCOLE DU PATRIMOINE AFRICAIN
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MOSQUÉE PALAIS D’ÉTÉ DU ROI TOFFA MAISON DU PATRIMOINE MUSÉE DA SILVA
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MONUMENTS DÉJA CITÉS
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TISSU AFRO-BRESILIEN
Une autre particularités de Porto-Novo est sans doute la richesse de son bâti afro-brésilien. En effet, de nombreux esclaves affranchis originaires de la région sont revenus faire du commerce entre Lagos et Accra. Les affaires étant fructueuses tout au long du XIXe siècle, cette population était privilégiée. Ces commerçants construisent des maisons à l’image de celles qu’ils connaissaient au Brésil. Des édifices en briques de terre cuite et en bois, crépies de couleur vives, souvent sur deux niveaux, avec un toit en tôle à quatre pans. Les chambres sont en enfilade parfois entourées de galeries, protégées du soleil par des persiennes ouvragées. Les portes et les portiques sont eux aussi décorés de moulures et de divers ornements. En réalité, il n’existe pas un «tissu» afro-brésilien en tant que tel. Comme pour les autres commerçants présents avant la colonisation, les terrains sont mis à disposition par les chefs coutumiers et se mélangent à l’évolution de la ville existante. La logique d’occupation du territoire est alors très différente. En effet, si les concessions autochtones sont conçues pour s’agrandir au fur et à mesure des besoins de la communauté, les maisons afro-brésiliennes à la base, constituent une entité autonome au milieu d’un terrain. La confrontation de ces deux logiques n’est pas évidente. On peut se retrouver dans la situation où le terrain autour de la maison a été «colonisé» par l’étalement des concession alentours ou alors inversement, une famille un peu plus riche décide de construire une maison de ce style au milieu de sa concession. Ce cas ne se présente pas pour les bâtiments qui se situeront dans la ville coloniale, les parcelles et la propriété y étant plus clairement définies. Le statut de cette architecture reste ambigu. Quelle est la part d’afro et celle de brésilien (qui vient en réalité du Portugal)? Une sorte d’architecture hybride qui a fait le tour du monde. Que représente-t-elle? La richesse et la puissance de ceux qui sont revenus et qui voulaient se démarquer avec une autre architecture, représentant un autre style de vie mais aussi une autre religion, l’islam, qui n’est ni celle des ancêtres, ni celle des colons. D’où la construction de la grande mosquée, réplique des églises de Salvador de Bahia. Quel est l’avenir de ces maisons, symbole d’un âge d’or révolu, aujourd’hui abandonnées pour les même raisons que les batisses en terre? Le musée Da Silva, la maison du patrimoine... Pourrait-on envisager des alternatives pour valoriser ce bâti?
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LE PATRIMOINE COLONIAL VILLE BLANCHE VILLE INDIGÈNE BÂTIMENTS COLONIAUX RECENSÉS PAR L’ÉCOLE DU PATRIMOINE AFRICAIN
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ASSEMBLÉE NATIONALE JARDIN DES PLANTES CATHÉDRALE ECOLE DU PATRIMOINE AFRICAIN GARE DE MARCHANDISES GARE DES PASSAGERS DOUANE PONT PLACE BAYOL
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MONUMENTS DÉJA CITÉS
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TISSUS COLONIAL
Légèrement en hauteur, surplombant la lagune, la ville coloniale s’installe à côté de la ville existante. Les prescriptions sont respectées, les institutions sont mises en place. Le palais des gouverneurs, la Cour de Justice, l’hôpital, l’école militaire (aujourd’hui le lycée Béhanzin) et toutes les maisons de fonction. Mais si l’on pense que l’architecture coloniale est un modèle importé de France et commun à toutes les colonies d’Afrique de l’Ouest, on constate ici l’existence d’un mélange avec le style afro-brésilien au niveau des ornements par exemple. D’autre part, si le tracé des voies et des parcelles est clair dans la partie coloniale, les autorités se sont longtemps heurtées (et se heurtent encore aujourd’hui) aux traditions ancestrales dans le tissu existant. Il est en effet difficile de profaner les sépultures des ancêtres ou de déplacer telle ou telle divinité installée sur le tracé planifié d’une nouvelle route. C’est une manière de résistance de la part de la communauté locale, mais cela limite aussi les possibilités d’assainissement de certains quartiers. Le chemin de fer vient du nord. Dans un premier temps, il contourne la butte pour s’arrêter au débarcadère vers la lagune. Le pont pour la route et le train est construit à la fin des années 30 et relie enfin Cotonou par la terre. Cette ligne ferroviaire à été fermée en 1990 et depuis, le tracé des rails, toujours visible, sert de terrain de jeu aux enfants où, lorsqu’il est doublé d’une route, de lieu d’entrepôt pour des camions en fin de vie. C’est aussi une tranchée verte, une sorte de pendant urbain des vallons, ces tentacules lagunaires qui embrassent la ville. Quant au Jardin des Plantes et de la Nature, ersatz de la forêt sacrée, mais joli divertissement botanique des colons, il est aujourd’hui apprécié pour son calme et sa fraîcheur. D’une manière générale, la ville coloniale a été bien entretenue. Les bâtiments ont été récupérés pour des services publics ou de l’administration communale. On ne peut pas dire qu’il y ait un véritable rejet de cette architecture qui symbolise tout de même l’occupation. Ce choix des élites de se réapproprier les infrastructures peut aussi être interprété comme un dépassement d’une époque révolue.
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LA VILLE ONTEMPORAINE DENSITÉ HAB/KM² 500 - 4’600 4’600 - 7’200 7’200 - 12’000 12’000-22’000 22’000 - 41’600
NOUVELLE ASSEMBLÉE NATIONALE STATUE DU ROI TOFFA 1ER MUSÉE DU PALAIS HOMNÉ SIÈGE INTERNATIONAL DU ZANGBETO MONUMENT À AVESSAN MUSÉE ETHNOGRAPHIQUE ANCIENNE MOSQUÉE MAIRIE DE PORTO-NOVO STADE CHARLES DE GAULLE
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MONUMENTS DÉJA CITÉS
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TISSUS ACTUEL
Entre la fin de l’époque coloniale et nos jours, la croissance démographique est remarquable certes, mais pas autant que la croissance spatiale. La ville s’étend bien au-delà du boulevard extérieur, des nouveaux quartiers entiers sont lotis et nombreux sont ceux qui investissent bon train dans le terrain (Porto-Novo accueillant une population de commerçants yoruba et d’hommes d’affaires plutôt aisée). Quant à ceux qui n’ont pas les moyens, ils s’arrangent avec le chef de quartier et construisent tout de même leur maison. Cela prendra 10 ans s’il le faut, le temps d’avoir assez d’argent pour couler une dalle, de travailler un peu, de faire le rez, de s’installer, de travailler encore un peu, faire des enfants, construire le début du premier étage, et ainsi de suite. Un plan directeur existe, il est en train d’être révisé. Il définit principalement la voirie et les quartiers. Mais en ce qui concerne des directives relatives aux gabarits ou alignements, c’est pour ainsi dire peine perdue, lorsque le souci est d’abord d’équiper les logements en eau et en électricité et d’éviter les constructions en zones inondables. C’est pourtant ce qui se fait, et le vallon de Zounvi se fait petit à petit remblayer avec les déchets de la ville, les gens invitant leur voisins à y déposer leurs ordures afin de pouvoir construire les pieds au sec. A sa tête, le centre Songhaï (un modèle d’agriculture intégrée et de développement par et pour les Africains) constitue un petit monde vivant en quasi autarcie. D’une manière générale la tache urbaine suit encore la nature du terrain. De l’autre coté du pont, sur la voie qui rejoint l’autoroute côtière, la ville se développe aussi, mais de façon plus linéaire. Quand au centre, il continue d’accueillir anciennes et nouvelles institutions, les quelques musées existants, le stade Charles de Gaule et la «ville ancienne» avec son grand marché, et sa mosquée. Entre deux la place Bayol placée dans l’axe du pont et symbole de la ville pour la plupart des gens. Mais en réalité il est difficile de définir un véritable centre. La population se concentre encore dans les quartiers anciens et vers l’extérieur, proche des axes routiers, le long desquels on peut voir apparaître quelques immeubles de plusieurs étages. En dehors, la ville reste passablement plate, les arbres, les tours d’eau et les antennes sont les principaux référents de la skyline porto-novienne.
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VOIRIES AXE EN CONSTRUCTION ROUTE EN ASPHALTE ROUTE PAVÉE ROUTE EN TERRE GARE ROUTIÈRE DÉBARCADÈRE
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MARCHÉ OUANDO GRAND MARCHÉ
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MONUMENTS DÉJA CITÉS
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LES FLUX
Les personnes, les marchandises, on l’a dit, ici tout circule et là où ça bouge, c’est l’occasion de faire du business ou de gagner de quoi manger. En ce sens la route est un élément important et structurant. Porto-Novo a cette particularité qu’on y entre par un pont. Un pont qui la connecte à Cotonou, à Lagos, bref au monde. Une fois cette étape franchie, arrivé au grand giratoire, continuer tout droit pour arriver à la place Bayole ou, selon la cargaison transportée, prendre à gauche sur le boulevard extérieur, puis traverser la ville jusqu’au marché principal de Ouando. C’est là que sont acheminées la plupart des marchandises pour être en suite redistribuées dans les petits marchés de quartier. C’est ici aussi que se trouve une des gares routières d’où on embarque pour le reste du pays. Cet axe, ainsi que la route lagunaire connectent la ville avec l’extérieur. Sur la lagune, quelques embarcadères pour la contrebande avec le Nigéria, mais aussi le ramassage de sable de construction, un peu de pêche et les liens avec les villages lacustres de l’ouest. En ce qui concerne la circulation interne de la ville, on peut distinguer 3 axes significatifs. Le plus ancien part du Palais d’été, passe par le grand marché et traverse le noyau central jusqu’au palais des gouverneurs. Il est surnommé «l’axe du pouvoir». Le second, appelé «boulevard extérieur», est en ce moment l’axe «moderne» de la ville, la où se trouvent buvettes et maquis, hôtels, cybercafés et même un petit supermarché. C’est là aussi qu’on construit plus en hauteur. Et puis il y a un autre boulevard en construction, plus à l’extérieur encore, qui traverse le carrefour du cinquantenaire (de l’indépendance), mais son réel potentiel s’activera plutôt dans quelques années. En dehors de ces routes, des voies pavées rayonnent depuis le centre, d’autres sont en cours d’amélioration. On en profite si possible pour inclure dans les travaux des canaux d’évacuation des eaux, puisque tout s’imperméabilise alors qu’il pleut toujours autant. Mais par dessus tout, la rue, qu’elle soit en goudron, en pavés ou en terre, c’est celle où on vend et on achète des brochettes, du pain ou des cigarettes, où on fait la vidange de la moto, au milieu de laquelle on installe les bâches pour les mariages et les enterrements. La rue, chacun se l’approprie à sa manière, pour le meilleur et pour le pire.
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Appropriation de la rue, réappropriation de la ville? Malgré la grande richesse culturelle de Porto-Novo, la valeur historique du bâti ne semble pas toujours faire partie de la conscience collective. Le patrimoine n’est pas valorisé en tant que tel. Si les gens sont attachés au terrain sur lequel leur ancêtres sont enterrés, ils n’ont pas de problèmes à détruire un édifice pour en construire un nouveau, ou à juxtaposer toutes sortes de styles et d’époques différentes dans un même bâtiment.
(RE) APPROPRIATION
Si le processus de patrimonialisation a commencé en Afrique de l’Ouest dans les années 80 (impulsée par les Français nostalgiques d’un passé colonial sublimé?), à Porto-Novo il a fallut attendre 2001 pour qu’une équipe de l’EPA (École du Patrimoine Africain) et de l’EAMAU (École Africaine des Métiers de l’Architecture et de l’Urbanisme) soient mandatés pour réaliser un inventaire exhaustif du bâti et élaborer une stratégie pour «renforcer et valoriser l’authenticité de la ville, caractérisée par un mélange de cultures anciennes et modernes».
«La notion de patrimoine architectural, urbain ou paysager, ne peut avoir de sens légitime que dynamique. C’est-à-dire qu’il ne faut pas le chosifier, mais au contraire se le réapproprier, pour poursuivre, hic et nunc, le travail des générations passées.»1
Et pourtant, tout au long de l’histoire les porto-noviens se sont réappropriés (de manière plus ou moins consciente) des lieux ou des signes significatifs de pouvoir ou de culte. Le roi quitte son palais de terre pour le prestige d’un palais afro-brésilien, la forêt sacrée occupée par les colons est réinvestie dans le vallon du Donoukin à l’est. Le Palais des Gouverneurs devient l’Assemblée Nationale, une maison de fonction est réhabilitée pour les bureaux de l’EPA, l’ancienne douane pourrait bien devenir une annexe du musée Da Silva. Il s’agit là d’institutions. C’est des mutations qui s’inscrivent dans un processus naturel d’appropriation d’architectures, les habitants reconnaissent ces bâtiments comme faisant partie d’un tout auquel eux-même contribuent.
«Le patrimoine appartient à ceux qui l’habitent et qui choisissent ce qui doit être transmis non à ceux qui l’ont construit.»2
Et si cette réflexion est valable pour l’héritage bâti, elle l’est aussi pour l’héritage naturel. Porto-Novo est une « ville verte » et cette atout doit être préservé, grâce aux rites mais aussi dans la volonté de moderniser son développement urbain, plus durable.
1Françoise choay (www.aroots.org/notebook/article23.html) 2 Toulier 2005
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(RE) INTERPRÉTATION
«Articuler le temps et l'espace, la mémoire, le présent et le futur dans une approche dialectique apparaît crucial pour la définition de nos environnements urbains en constant renouvellement. Au-delà de tout a priori idéologique, c'est cette image très évocatrice et hautement symbolique de la stabilité du temps, qui donne l'impression de retrouver le passé dans le présent.»1
Comme les afro-brésiliens réinterprètent les construction d’Amérique du Sud, les maçons qui construisent les villas et les immeubles de Porto-Novo réinterprètent une architecture entre influences de l’Occident et l’Orient. A ce titre, les mosquées aussi sont un bon exemple: L’ancienne grande mosquée «baroque», puis toutes les petites mosquées de quartiers aux couleurs vives, et finalement, juste à coté de la première, la nouvelle grande mosquée climatisée en construction qui s’affirme entre tradition et modernité. Ce qu’on peut reprocher à cette architecture, c’est de ne pas tenir compte suffisamment du contexte, du climat, des conditions extérieures. Le risque est grand que les bâtiments vieillissent mal à cause des matériaux utilisés, de leur mise en œuvre et faute d’entretien aussi. Il ne s’agit pas seulement de réinterpréter les styles mais aussi les techniques de construction, les matériaux. Réinterpréter c’est aussi innover, c’est se rapprocher de la lagune avec la nouvelle Assemblée Nationale, se placer à l’entrée de la ville, redéfinir le front lagunaire, première vision lorsqu’on s’approche de la capitale. Car justement, il y a aussi la nécessité de réinterpréter ce qu’est la capitale. Après se l’être réappropriée, au niveau symbolique et physique avec le retour des institution, il faut lui donner un nouveau sens. Une grandeur humble qui réconcilie l’environnement naturel et construit, le passé et le présent, tout en se projetant dans le futur.
1 El Kadi 2005
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CONCLUSION
D’une part grâce au retour des institutions, Porto-Novo peut prouver son statut. Les institutions coloniales vouées à accueillir des nouvelles fonctions réaniment l’ancienne ville blanche, tandis qu’une nouvelle aire d’architecture gouvernementale se dessine en façade, accolée à la lagune. D’autre part pour sa richesse patrimoniale, elle a le caractère d’une ville puissante. Revitaliser son centre et favoriser des programmes publics va affirmer son identité unique. Ainsi conciliés, ces deux pôles de développement sont la clé de réussite de la capitale béninoise. Le centre historique se voit lié à la façade de la ville, le quartier lagunaire. Entre eux, la rue joue ce rôle de lien. La rue, espace de vie africain par excellence, relie les points de référence et accueille toute activité statique ou mobile. La qualité d’une rue se mesure en fonction de la diversité des activités qu’elle permet. Ainsi, la nouvelle voie d’entrée de la ville doit être en mesure d’assurer une mixité des usages maximale, tout en exprimant l’identité propre de la capitale. La nouvelle façade choisit de toucher la lagune, jusqu’alors considérée comme insalubre et donc incompatible avec l’image du pouvoir. C’est l’opportunité d’associer le développement environnemental et urbain contemporain et durable. En ce sens, Porto-Novo serait alors un modèle alternatif de capitale. Une ville qui construit son avenir la tête haute.
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Le chauffeur de taxi qui ramène les touristes n’est pas mécontent qu’ils aient enfin fini leur visite. Il est toujours étonné de les voir suer dans les rues, alors qu’ils pourraient se prélasser dans les piscines de leur hôtel, et admirer toutes ces vieilleries en ruine, qu’il aimerait voir éradiquées et remplacées par de belles villas en béton, qu’il rêve d’habiter un jour. Mais il lui reste encore tant d’hivernages à passer pour rembourser l’emprunt contracté lors de l’achat de son véhicule, pourtant vieux de plus d’une dizaine d’années. Il demeure cependant confiant, car il n’a jamais eu de grosse panne et surtout n’a pas eu d’accident, comme cela arrive à tant de ses collègues. Ce n’est pas qu’il soit plus rusé qu’eux, n’ayant jamais appris à écrire ou passé un quelconque examen, mais il est pieux. Et comme ses ancêtres qui honoraient Goun, le dieu du métal grâce auquel ils confectionnaient de puissantes armes capables de terrasser n’importe quel ennemi, il apporte régulièrement sa contribution au culte, tant il est connu, que ce dieu protège maintenant les automobilistes dans leur carcasse d’acier, à condition qu’ils sachent lui rendre hommage. D’ailleurs, pendant que ses Blancs visitaient le temple du monstre à neuf têtes, et écoutaient les racontars de ce vieux filou de gardien qui joue au grand prêtre pour leur tirer un peu plus d’argent, il s’est discrètement approché d’un bel amas de carburateurs, disposé en bordure de la route, et a murmuré une petite prière à son idole métallisée, afin qu’elle les ramène sains et saufs. Et c’est avec émotion qu’il a contemplé son vieux pot d’échappement rouillé, qu’un ferblantier a récemment soudé à l’assemblage, après qu’un génie, caché dans les entrailles d’un méchant goudron, l’ait détaché de son véhicule. Malgré ses suppliques, son dieu ne lui a toujours pas révélé quel est le concurrent qui a excité ce diable, mais il est confiant et s’applique à verser régulièrement ses huiles de vidange sur l’échafaudage de métal, afin d’obtenir ses faveurs. Il ne faudra pas pour autant qu’il oublie d’apporter son obole au prêtre du culte, qui sinon, pourrait lui jeter un mauvais sort ou ne plus le protéger de la jalousie de ses collègues, l’envoyant illico percuter un iroko sacré ! Voyant ses clients sortir du temple du monstre, les entendant maugréer contre l’état de saleté qui règne à proximité même d’un lieu si sacré, pointant d’un doigt accusateur le tas de ferrailles rouillées où il vient de se recueillir, il leur lance vite un bruyant éclat de rire, et commence à râler contre les employés municipaux, incapables de nettoyer la chaussée.
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«Epilogue» Alain Sinou Les villes africaines et leur patrimoine
GOU dieu du fer et de la guerre acrylique sur toile Cyprien Tokoudagba
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SOURCES
S. Ajifiowowe, Porto-Novo Décapitale du Bénin, bibliothèque nationale du Bénin, Porto-Novo 2010 J. Chenal, Y. Pedrazzini, G. Cissé, V. Kaufmann, Quelques rues d’Afrique, éditions Lasur, Lausanne, 2009 J. Chenal, Urbanisation, planification urbaine et modèles de ville en Afrique de l’Ouest : jeux et enjeux de l’espace public, Thèse n° 4268, EPFL, Lausanne, 2009 F. Choay, l’Allégorie du Patrimoine, éditions du Seuil, Paris 1992 M. A. Fassassi, L’architecture en Afrique Noire, éditions l’Harmattan, Paris 1978 (nouvelle édition 1997) A. Godonou, « Le projet de réhabilitation de Porto-Novo (Bénin) : objectifs en termes de conservation et de développement durable », in Repenser les limites : l’architecture à travers l’espace, le temps et les disciplines, INHA Actes du colloque, Paris 2005 O. J. Igue, Les villes pré-coloniales d’Afrique noire, éditions Karthala, Paris 2008 O. J. Igue, L’Afrique de l’Ouest : entre espace, pouvoir et société. Une géographie de l’incertitude, éditions Karthala, Paris 2006 C. Tokoudagba, Dahomey Rois & Dieux, Fondation Zinsou, Cotonou 2006 A. Sinou, B. Oloudé, Porto-Novo ville d’Afrique Noire, collection Architectures Traditionnelles, éditions Parenthèses, Marseille 1988 UN-habitat, « L’état des Villes Africaines 2010, Gouvernance, Inégalités et Marchés Fonciers Urbains», Nairobi 2010
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OUVRAGES
ARTICLES
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M. Pabois, B., Toulier (dir.), «Architecture coloniale et patrimoine, l’expérience française», institut national du patrimoine, Paris 2005 A. Sinou, «Diversité des formes patrimoniales et complexité de la valorisation : L’exemple de la ville de Porto-Novo au Bénin», in Les villes africaines et leur patrimoines, éditions Riveneuve, Paris 2012 A. Sinou, «L’architecture afro-brésilienne de la côte du Golfe du Bénin, un genre imparfait, entre ignorance et oubli», in Patrimoines oubliés de l’Afrique, éditions Riveneuve, Paris, 2011 A. Sinou, «La valorisation du patrimoine architectural et urbain l’exemple de la ville de Ouidah au Bénin», in Cahier de sciences humaines, n° 29, 1993 Time, Africa Rising, vol. 180, n°23, décembre 2012 The Africa Report, Africa in 2013, n° 46, décembre 2012
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ARTICLES
SITES
Site officiel du Gouvernement du Bénin, gouv.bj Site officiel de la ville de Porto-Novo, villedeportonovo.com Site officiel de la Ville de Cotonou, cotonou-benin.com World Heritage Centre, UNESCO, whc.unesco.org Données de la Banque Mondiale, data.worldbank.org Central Intelligence Agency, the world factbook, cia.gov Organisation des Nations Unies, un.org Food and Agriculture Organization, fao.org Organisation de la Coopération et du Développement Économique, Atlas de l’Afrique de l’Ouest, oecd.org Nations Unies pour le développement du Bénin, bj.undp.org Institut National de la Statistique et de l’Analyse Economique au Bénin, insae-bj.org Ecole du Patrimoine Africain, epa-prema.net Maison du Patrimoine de Porto-Novo, maison-du-patrimoine.org Centre songhai, l’Afrique relève la tête, songhai.org Collections éléctroniques de l’INHA, inha.revues.org
IMAGES
Les images ne précisant aucune origine sont des clichés de Porto-Novo de source personnelle
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REMERCIEMENTS
Nous voilà au moment final de la rédaction, les remerciements. Une longue liste des personnes à qui nous devons notre intense envie d’aventure et de découvertes et le courage de l’assumer jusqu’au bout... Pour «l’équipe des intellectuels», un cortège d’honneur défilera! Tout d’abord Manu qui nous a présenté l’opportunité de ce départ. Nous sommes aussi particulièrement reconnaissantes à Yves Pedrazzini, dont le profil expérimenté nous a ouvert un nouveau champ de vision sur l’Afrique contemporaine. Aurélie Blanchard, notre maître, qui nous a toujours soutenu et a su rehausser nos ambitions vers une échelle plus globale. Et puis nous remercions Jérôme Chenal, notre guide spirituel, pour ses précieux conseils, dont les statuts facebook ont animé nos longues journées d’hiver. Pour «l’équipe des africains», nous érigerons un monument. C’est une fine équipe qui nous a d’abord accompagné à la découverte de la Côte Ouest-africaine, nous a appris de nombreux usages locaux et astuces de survie en absence de connexion internet, mais aussi contribué aux recueils de témoignages par la suite. Ainsi C. Dejinou et J. O. Togbé, nos héros, suivis de B. Onikpo, F. Akinocho, R. Nome Fotsing, B. Pax, S. Tassi et Silvestre présents à tout moment pour nous accompagner dans nos recherches. Pour «l’équipe des représentants», nous écriront une chanson. Ainsi nous nommons Monsieur Karim da Silva, la Mairie de Porto-Novo, le Directeur de l’Ecole du Patrimoine Africain, Baba Keita, R. A. A. Gbénahou Kiki de la Maison du Patrimoine de Porto-Novo. Pour «l’équipe de soutien moral », les familles Gilliand et Tinghi, ainsi que leur futurs membres, sont au premier rang. Nous leur imprimerons un exemplaire du manuscrit. Et encore pour tous les anonymes, un immense merci!
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TOUTE CHOSE A UNE FIN, SAUF LA BANANE QUI EN A DEUX.
(proverbe africain)