Nymbathe n°20

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NYMBATHE JOURNAL L'ÉSOTÉRISME AU FIL DU TEMPS

LA LOUVE CAPITOLLINE Interview : KALA Beauté

APOLLON ET ARTÉMIS, LES JUMEAUX DE L'INACCESSIBLE Les poisons dans le monde Antique

LE TIRAGE DE LA MÉNADE


NYMBATHE JOURNAL OSTARA

LE MONDE ANTIQUE

L'Antiquité, si lointaine et pourtant si proche à la fois. Qui est celui qui, malgré les millénaires qui nous séparent, ne s'est pas au moins une fois senti touché par l'écho d'un mythe, la lumière d'un philosophe, le murmure d'un dieu oublié ? Dans cet ultime numéro du Nymbathe Journal, nous vous proposons de traverser les siècles à rebours, d'avancer sur des terres où les divinités étaient plus nombreuses que les hommes, et l'espace d'un instant, oublier les convulsions de notre monde sous le bruissement des oliviers. Toute l'équipe du Nymbathe vous adresse un grand et chaleureux merci pour avoir été les fidèles lecteurs de ses numéros. Nous espérons que chacun d'entre eux vous aura apporté de mémorables découvertes et un peu plus de sagesse. Nam et ipsa scientia potestas est Savoir, c'est pouvoir N O M A D I CXenia | Vetsera 24

LA REPRODUCTION, MÊME PARTIELLE, DES ARTICLES, PHOTOS ET ILLUSTRATIONS PUBLIÉS DANS CE MAGAZINE EST INTERDITE


NYMBATHE

Edito

01

Sommaire

02

Célébration Divination

Les Bacchanales 03 Tirage de la Ménade 11

Culture

Leto, les poisons & la mode 15

Plantes

Le Laurier noble 28

Nature

Les jumeaux de l'inaccessible 36

Interview

KALA Beauté 41

Beauté antique 54

Do it yourself

Les recettes de l'Olympe Regard sur...

58

Au Jardin d'Hespéris 61

Animaux et créatures

La louve 69 capitolline

Divertissements

74

Invités

87

Remerciements

88

N.B : LES ARTICLES DE NOS INVITÉS ENGAGENT LEUR VISION DU MONDE, PERSONNELLE ET PROPRE. ORIGINES DES IMAGES : LIBRES DE DROITS/ACHETÉES/DES RÉDACTEURS ET INVITÉS/WEB



CÉLÉBRATION

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LES BACCHANALES Célébrations antiques mystérieuses pour les contemporains que nous sommes, les Bacchanales ont enflammé les esprits et l'inconscient collectif, à l'image du dieu Dionysos/Bacchus qui les préside. Liées aux célébrations du retour du printemps, tentons d'en dessiner les contours pour chasser l'hiver avec enthousiasme ! Par Pandora

Feu divin, né deux fois, caché dans la cuisse de Jupiter, enfant replet et jovial entouré de nymphes et de satyres, élevé comme une fillette, éphèbe androgyne séduisant et trompeur, éternel étranger ou bonhomme ventru et hédoniste, Bacchus/Dionysos est une figure divine subtile, difficile à cerner. Il est facile d'en faire une figure de débauche tant sa place dans le panthéon antique grécoromain se joue des codes moraux de son époque. Dieu du vin, de l'ivresse et des excès, de la folie et de la fureur, du théâtre et du travestissement, il est un principe libérateur et subversif, qui nous relie à nos instincts primaires et notre quête perpétuelle du plaisir. Les célébrations en son honneur, appelées Bacchanales à Rome, sont tout à fait à son image, polymorphe et insaisissable. Partons donc à la découverte de ces cultes alors que les jours sombres laissent place à la joie retrouvée du printemps.

Origines L'origine des Bacchanales remonte à des temps archaïques et l'on ne peut avec certitude les dater, ni même leur donner une origine géographique précise, si ce n'est orientale. Culte d'abord rural en Grèce, très certainement lié à la fertilité, il consistait en des déambulations appelées Phallophories, où l'on portait une représentation de sexe masculin gigantesque. Les participants se grimaient à l'aide de lie de vin, et le cortège, à la manière d'un corso carnavalesque, se livrait à des démonstrations grotesques et obscènes. Les célébrations faisaient aussi certainement recours à des jeux de feu, comme ceux que l'on peut retrouver chez les slaves.

OLD GYPSY FORTUNE TELLER, DMITRI KESSEL, 1949

Ces célébrations primitives mettent l'accent sur le lien, voire la confusion entre les divinités du Thiase de Dionysos : celui-là même, mais aussi le Dieu Pan, et Priape. On retrouve cependant la base de ce qui devint des siècles plus tard à Rome les Bacchanales : un air de débauche, du vin et du déguisement grotesque. Au IVᵉ siècle avant notre ère, ces Dionysies rustiques sont reprises dans le cadre des cités, afin de mieux les contrôler. Naissent alors les grandes Dionysies, consistant en des concours de représentations théâtrales dramatiques, NYMBATHE JOURNAL


CÉLÉBRATION

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LA DANSE DES BACCHANTES, CHARLES GLEYRE

organisées à plusieurs dates entre le solstice d'hiver et l'équinoxe de printemps. Ces grandes Dionysies sont alors l'occasion d'instruire les citoyens, et les tragédies montrent le prix à payer quand on se laisse aller à ses instincts ou que l'on suit les principes du monde ancien. On cherche donc à réprimer le subversif, en le cantonnant à la scène et en lui offrant un cadre officiel. Néanmoins, le culte de Dionysos fait aussi l'objet d'un culte à mystère, et c'est celui-là même qui assurera la pérennité des célébrations à Rome. On sait peu de choses sur les cultes à mystère, car ils impliquent le secret des initiés, mais les cultes dionysiaques étaient à l'origine essentiellement féminins. Les prêtresses étaient nommées Bacchantes et les célébrations avaient lieu dans un bosquet sacré. Ces cultes sont liés à l'Orphisme, courant spirituel grec parallèle, qui conteste l'ordre établi des religions de la cité et appelle ses adeptes à se mettre "hors de la cité".

Le passage à Rome transforme en profondeur la forme des célébrations : d'un culte exclusivement féminin et diurne, on passe à une initiation mixte et nocturne. D'une célébration en trois temps entre le solstice d'hiver et l'équinoxe de printemps, on passe à des célébrations hebdomadaires tout le long de l'année. Les Bacchanales vont alors correspondre à l'image d'Épinal que l'on s'en fait, celle d'orgies démesurées laissant libre cours à tous les excès. À tel point qu'elles finirent par être interdites par Rome à la suite d'une controverse publique attestée par Tite Live et une plaque en bronze sur laquelle est gravée la décision officielle d'interdiction.

Les cultes dionysiaques sont introduits à Rome vers 300 avant notre ère, en passant par la civilisation étrusque qui viendra influencer leur forme de Bacchanales. À Rome, ces célébrations ne furent jamais établies de façon publique et restèrent des pratiques secrètes entre initiées : c'est une superstitio.

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Cela est rendu possible par le déguisement, le travestissement et le grotesque étant des attributs du Dieu, qui fut caché sous différents aspects durant son enfance, et plus tard n'apparaitra jamais sous sa véritable forme lors de ses épiphanies. Cette inversion de l'ordre social et moral est à l'origine des différentes répressions contre ces célébrations, car elles étaient vues comme le berceau possible de révoltes. Les représentations théâtrales lors des Grandes Dionysies grecques ont tenté de contenir cet esprit du travestissement et de l'inversion des rôles ; les acteurs étaient tous des hommes, et donc travestis s'ils jouaient des rôles féminins, et les histoires mettaient en scène toutes les transgressions possibles.

SATYRE ET MÉNADE, HENRI GERVEX

Un Culte Subversif Maintenant que nous avons une image de l'évolution des rites liés au dieu Dionysos/Bacchus, nous allons nous pencher plus en profondeur sur la substance même de ces rites. Pour ce faire, nous allons dresser un parallèle entre mythologie et pratiques. Tout commence donc avec la figure divine de Dionysos, qui peut être considéré comme l'essence même de la transgression. Il n'est ainsi pas étonnant que les célébrations en son honneur soient elles-mêmes basées sur la transgression, et que malgré les efforts des institutions de leur donner un cadre, les rites bachiques s'en sont toujours échappés. Ce qui caractérise en premier lieu ce culte, c'est l'inversion : inversion de l'ordre et des statuts sociaux, des codes moraux. Depuis leurs origines, les Dionysies sont un temps de liberté totale : citoyens, étrangers et esclaves prennent part sans distinction aux festivités.

Les Bacchantes, et plus tard les Bacchants, s'organisent en sectes secrètes. Les sources sont lacunaires sur ce qui se déroulait réellement au sein de ces sectes, mais toutes s'accordent autour de pratiques de transe, d'enthousiasme (littéralement une possession par les dieux) et de sacrifices sanglants dont les cris se faisaient entendre au loin. Des pratiques que l'on retrouve au ProcheOrient, comme les Derviches Tourneurs, peuvent nous orienter pour comprendre comment les femmes accédaient à cette transe, à travers la danse ou des balancements frénétiques. Les Bacchantes n'étaient, du moins à l'origine, pas des femmes enivrées au vin, le breuvage étant plutôt réservé aux hommes. Ces transes permettaient d'accueillir le délire bachique, but même du culte, qui a pu avoir une dimension thérapeutique. La transe n'était cependant pas une pratique conventionnelle, et réputée étrange ; en effet, lorsque l'on rentre en transe, on se retrouve hors de soi, étranger à nous-mêmes. Dionysos est un dieu de fureur, de folie. La pièce d'Euripide, Les Bacchantes, dépeint un portrait très sombre de ces rites, où les femmes en délire, possédées par le désir de vengeance de Dionysos, finissent par déchiqueter le jeune homme Penthée, faisant écho avec la vengeance d'Héra qui aurait démembré Dionysos à sa naissance selon la tradition orphique. NYMBATHE JOURNAL


CÉLÉBRATION

À Rome, il sera même reproché aux bacchants de pratiquer des sacrifices humains, où la chair des victimes était consommée crue. Il n'y a pas de preuves sur la véracité de ces faits, et la mauvaise réputation des Bacchanales dans l'opinion publique a pu influencer l'image qui nous en est parvenu, juxtaposant mythes et fantasmes sur la réalité. Cependant, ce que ces rumeurs d'homophagie nous confirment, c'est que les rites dionysiaques relèvent du tabou, le cannibalisme étant le plus grand d'entre tous dans les sociétés occidentales. La temporalité des célébrations nous offre aussi des pistes de réflexion. À l'origine, elles commençaient au cœur de la saison sombre, synonyme d'intériorité, de repli, et par extension, du feu secret. Par trois fois, les bacchantes se réunissaient, afin de préparer la venue du printemps. Dans certaines traditions, Dionysos est à l'origine le fils de Perséphone. C'est donc l'idée d'une gestation souterraine, dans les tourments du monde du dessous, qui peut venir nous éclairer sur une hypothétique dimension symbolique du culte.

BACCHANALE (VERSION DU MUSÉE POUCHKINE) - RUBENS

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La dernière célébration se fait au moment de l'équinoxe de printemps, ou un peu avant, et en marque l'apogée, la fin de l'initiation des nouvelles bacchantes. C'est donc dans un déferlement de joie extatique que le printemps peut renaître, au prix du sacrifice de l'hiver. Cette lecture symbolique est encore une fois une inversion : plutôt que de se rattacher au retour de la lumière, la saison sombre permet de naviguer dans les zones d'ombres de la société, d'explorer les tabous, et c'est ce passage par la folie, la fureur, la vengeance et les excès qui permet de renaître. Cela répond parfaitement à l'histoire de la naissance du jeune Dieu et de son enfance : Dionysos, arraché du ventre de sa mère ou luimême déchiqueté, recueilli par son père Zeus en son sein, né une une seconde fois, caché sous diverses formes, (une chèvre, une petite fille, brisant de fait des conventions morales, le travestissement étant une pratique hautement subversive dans les sociétés gréco-romaines), ne se présentant jamais sous sa qualité de dieu, mais s'adonnant à des vengeances cruelles, à la tromperie et à la ruse. On retrouve cette idée de renaissance par les ombres dans l'alchimie, avec son Nigredo, jusque dans la psychanalyse jungienne, avec le concept de l'Ombre. Le chrétien Jean de la Croix, lui, fait référence à la nuit obscure de l'âme. Ces concepts sont abondamment repris, simplifiés, voire tordus dans le New Age, mais font toujours référence à un passage difficile, destructeur de l'ordre établi, avant de trouver une nouvelle lumière. L'histoire des Bacchanales et du culte de Bacchus est donc avant tout l'histoire de nos représentations mentales autour de la subversion et de la transgression. Aujourd'hui encore, la période précédant l'équinoxe de printemps est celle des carnavals, où l'on se déguise et où l'on peut se permettre d'agir de façon grotesque, obscène. Il est un moment de liesse désorganisé, de folie collective. Le terme carnaval fait d'ailleurs référence à la chair. Dans la société judéo-chrétienne, le carnaval est célébré le Mardi gras (jour de Mars), et fait référence au fait de manger de la viande avant de ne plus pouvoir pendant le carême, jusqu'à Pâques, soit le retour du Printemps. NYMBATHE JOURNAL


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CHASSER L'HIVER La Saison Sombre est désormais derrière nous, et même si les jours se font encore frileux, il est temps d'accueillir la chaleur et l'enthousiasme printaniers dans nos cœurs. Et pourquoi ne pas s'inspirer des Bacchantes pour ce faire ? Je vous propose un rituel de bannissement et de libération de votre hiver intérieur afin de laisser place aux bourgeons de joie qui n'attendent que d'éclore ! Par Pandora

Avertissement Comme nous avons vu dans l'article précédant, les célébrations dionysiaques sont un moment de grand lâcher prise, de débordements de joie et de transe. Le rituel qui suit s'inspire de ces pratiques, et comme tout rituel, il n'est pas anodin. Le but ici n'est pas d'entrer dans une transe si vous n'êtes pas à l'aise avec cette pratique, mais comme tout acte de libération et de bannissement, il peut être exigeant pour votre psyché. Il est donc important de connaitre vos propres limites, et de vous approprier ce qui suit à votre convenance.

Préparation BACCHANTE, JEAN-BAPTISTE GREUZE

Afin de réaliser le rituel, il vous faut réunir quelques éléments : Une couronne végétale Une baguette en bois, ou tout autre objet phallique Un verre, du vin, ou une infusion de lierre terrestre si vous ne buvez pas d'alcool. Un lieu où vous pouvez danser, sauter, crier ou faire du bruit et faire du feu ou allumer une bougie en toute sécurité. Du papier et des crayons. Éventuellement, un instrument de musique type tambourin, crécelle, cymbales à doigts.

Rituel Ce rituel se déroule en deux temps, idéalement sur deux jours, mais il peut se faire le matin puis le soir de la même journée. La première partie est un temps de réflexion et d'introspection. Pensez à l'hiver qui vient de passer, que vous a-t-il apporté, de positif et de négatif ? Que voulez-vous laisser dans ses ombres ? Quelles sont les blessures, les injustices que vous avez subies ? Comment les gérez-vous ? NYMBATHE JOURNAL


CÉLÉBRATION

Une fois ce tour d'horizon mental et émotionnel fait, focalisez-vous sur ce que vous avez besoin de libérer ou ce que vous souhaitez bannir de votre nouvelle vie qui s'apprête à naitre. Écrivez-le sur une feuille de papier, ou dessinez-le, et réservez ceci pour la seconde phase du rituel. Ensuite, réfléchissez à la personne que vous voulez être ou devenir pour ce nouveau cycle. Que souhaitez-vous cultiver au printemps ? Visualisez vous naître une deuxième fois, et acceptez dans votre cœur que cette naissance est douloureuse, mais que vous prendrez votre revanche. Vous pouvez faire suivre ces réflexions d'une séance de méditation ou toute chose qui vous fait du bien, pour dire au revoir à cet hiver intérieur.

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La seconde phase du rituel est plus active. Rendez-vous au lieu choisi avec les éléments précédemment listés. Allumez votre feu ou votre bougie si vous faites le rituel dans un espace clos. À l'aide de la baguette, ou tout autre objet long et droit, tracez un cercle autour d'un feu ou d'une bougie, et des éléments du rituel, dans le cercle inverse des aiguilles d'une montre. Consacrez ce cercle à Dionysos, aux Nymphes, à Pan, à l'Homme Vert, ou tout autre divinité primordiale et sauvage de votre choix avec une prière où vous vous remettez entre leurs mains. Votre prière sera personnelle, mais si vous manquez d'inspiration, elle peut se présenter ainsi :

Par ce cercle je t'invoque, Dionysos, grand Dieu, Roi sauvage et mystérieux ! Que ma voix se joigne à la tienne, pour chasser cet hiver qui n'en finit pas ! Je t'offre ce feu et un doux breuvage, pour que tu m'accordes tes faveurs. Je m'abandonne à toi et reçois ton enthousiasme, afin de sacrifier le passé et renaître par la folie et dans la joie ! Coiffez-vous de votre couronne dans le cercle : ici vous êtes souverain et non plus esclave. Ce "déguisement" vous permet de ne plus être vous-même, de renverser l'ordre établi. Buvez votre verre de vin ou votre infusion à la santé du printemps, et saisissezvous de votre instrument si vous en avez un, ou commencez à chanter, crier ou taper des mains. Le bruit chasse les mauvais esprits.

BACCHUS ET ARIANE PAR EUSTACHE LE SUEUR

Quand vous vous sentirez rempli d'énergie et porté par le rythme des sons, vous pouvez danser autour du feu, dans le sens inverse des aiguilles d'une montre : ainsi on défait ce qui a été fait dans le passé. Laissez vous entrainer et sentez peu à peu l'hiver partir de votre cœur. À ce stade, il n'est plus important de rester dans le cercle, vous vous libérez des carcans, et surtout de ceux que vous vous êtes imposés. Laissez s'exprimer vos émotions, pleurez s'il le faut, hurlez de rage, jurez, riez aux éclats... La folie des Bacchantes vous accompagne ! NYMBATHE JOURNAL


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Continuez jusqu'aux premiers signes de fatigue, il est inutile et dangereux de vous épuiser. Revenez dans le cercle : servez-vous un nouveau verre de vin ou d'infusion, mais ne le buvez pas tout de suite. Prenez votre feuille de papier où est marqué ou dessiné ce que vous souhaitez bannir ou libérer, et brûlez-le dans le feu, ou à l'aide de la bougie. Prenez plaisir à le voir disparaître dans les flammes : c'est là votre revanche. Ôtez la couronne de votre tête, ou ramassez-la si elle est tombée. Jetez-la au feu, ou prenez une de ses feuilles et brûlez-la avec votre bougie : vous n'avez plus besoin de cet accoutrement pour être autre, vous avez repris le trône de votre existence. Une fois consumés, buvez une gorgée de votre breuvage, et jetez le reste sur la flamme, en remerciant les divinités qui vous ont accompagné. Éteignez le feu si ce n'est déjà fait. Défaites le cercle à l'aide de la baguette, en traçant cette fois le cercle dans le sens des aiguilles d'une montre, car l'ordre doit revenir. Il est alors temps de vous reposer, le cœur et l'esprit moins lourds, prêt à accueillir un printemps fécond.

LA BACCHANTE À LA PANTHÈRE, CAMILLE COROT

L'IVRESSE DE BACCHUS,SCULPTURE DE MICHELANGELO BUONARROTI

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Par Pandora


DIVINATION

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TIRAGE DE LA MÉNADE Les ménades, ces femmes folles des mythes anciens, membres du Thiase de Dionysos, nous enseignent la colère et le sauvage du féminin. Ce tirage qui s'inspire d'elles nous offre l'opportunité d'explorer ces émotions, véritables puissances de notre feu intérieur. Par Pandora

Mythes et Archétype

PROCESSION DIONYSIAQUE, MUSÉE ARCHÉOLOGIQUE NATIONAL DE NAPLES

À l'origine, les Ménades étaient les nymphes qui avaient recueilli l'enfant Dionysos sur le Mont Nysa et qui formèrent plus tard son cortège mythologique. Elles cristallisent l'apparence de la Ménade, vêtue de peaux de bêtes, la nébride et brandissant le thyrse, bâton surmonté d'une pomme de pin. Accompagnées des satyres, elles personnifient le délire dionysiaque : folie, furie, danse, musique frénétique, luxure... leur nom est d'ailleurs dérivé du terme grec mania, qui signifie folie. Ce délire n'est pas forcément funeste, il sert autant à guérir qu'à châtier. Dans les mythes et autres œuvres littéraires comme Les Bacchantes d'Euripide, l'accent est mis sur leur attitude sauvage, loin des attitudes conformes à la Cité. Mi-femmes mi-bêtes, elles commettent sacrifices et crimes sanglants au son de leurs cris. La Ménade est l'archétype opposé de la femme domestiquée, silencieuse et cloîtrée dans le gynécée.

Si le Ménadisme fut une pratique rituelle attestée, avec des collèges de Ménades, vierges consacrées à Dionysos, nous nous attacherons ici uniquement à l'image mythologique pour ouvrir une réflexion sur la puissance de cet archétype, primaire et complexe. La Ménade peut symboliser la femme sauvage qui réside en nous tous. Elle préside à nos instincts premiers, à nos désirs pulsionnels. C'est en elle que nous retrouvons l'expression de notre colère et de notre sexualité la plus crue. La Ménade ne se laisse pas domestiquer : elle agit. On ne peut la raisonner, elle n'est qu'expression. La rage est son moteur pour mettre fin à ce qui est devenu intolérable. Elle guérit par le feu, le sang et la perte du Soi. Cette folie n'est pas douce, mais faut-il la craindre pour autant ? Non au contraire, il faut la regarder telle qu'elle est, pour écouter son message, et enfin dire "Je me libère". NYMBATHE JOURNAL


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Si dans les images devant vous certaines vous fâchent, ou vous provoquent des émotions négatives, cela signifie qu'elles sont très importantes pour la suite du tirage.

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AN INCANTATION [A BACCHANTE] DE JOHN COLLIER

Tirage Et si nous allions à la rencontre de notre Ménade intérieure, pour voir ce qu'elle a à nous dire ? Dans un premier temps, je vous invite non pas à un temps de méditation calme, mais au contraire, à un moment de pure "folie" : défoulez-vous ! Criez, dansez, allez courir librement, tapez dans un sac de frappe ou n'importe quelle activité qui vous donne une sensation à la fois d'abandon total et d'énergie. Il s'agit ici de réveiller ce feu intérieur, et de laisser s'exprimer librement à travers le corps les tensions, frustrations et ressentiments que vous retenez en vous. Une fois arrivé au pic de cette énergie, il est temps de saisir votre outil divinatoire et de tirer de façon intuitive 7 cartes. Déposez-les comme suit, face à vous pour voir les images : imprégnez-vous d'elles, sans réfléchir à leur signification dans un premier temps. Quels sont les éléments qui attirent instinctivement votre regard ?

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Cet exercice de visualisation intuitive a dû vous calmer un peu, juste assez pour procéder à l'interprétation. Je ne peux que vous conseiller à ce stade de saisir un carnet pour y noter vos observations, car une fois revenu dans un état calme, il se pourrait que vous ne vous souveniez plus très bien de tout ce qui aura pu vous traverser pendant le tirage. Le tirage se lit ainsi : Au centre, la première carte représente votre Ménade : sous quel jour se présente-t-elle à vous ? Comment s'exprime-t-elle ? Cette carte vous permet d'en faire le portrait symbolique. Si vous ne vous reconnaissez pas du tout en elle, ou avez des difficultés à faire un lien entre votre personnalité et cette carte, ce n'est pas grave du tout, c'est même plutôt bon signe ! La deuxième carte représente sa façon de s'exprimer à travers vous, comment elle vous possède, tandis que la troisième va vous orienter sur les situations qui la réveillent, les déclencheurs. Cette première ligne de cartes est à analyser comme ce qui vous semble être "hors de vous", "hors de contrôle", en d'autres termes, ce qui vous rend fou !

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Enfin la dernière carte évoque la destruction et la guérison qui en résulte. Quelles choses votre Ménade vous pousse-t-elle à détruire, à ôter de votre vie ? Quels sacrifices vous inspiret-elle à faire pour vous libérer ? Que pouvezvous guérir grâce à son aide ? Comment y parvenir ?

Ce tirage peut être assez éprouvant, et il est important de vous aménager un temps calme après, pour revenir à vous. Comme tout travail de l'ombre fait avec des outils divinatoires, il est impératif de savoir mettre à distance le tirage et surtout d'analyser les émotions provoquées par les messages délivrés, plus encore que les messages en eux même.

MÉNADE FURIEUSE PORTANT LE THYRSE ET LA NÉBRIDE, ET TENANT UNE PANTHÈRE, COUPE À FOND BLANC DE MACRON, VERS 480 AEC

Les quatre cartes suivantes vont vous donner l'occasion d'explorer les différents domaines que peut influencer votre Ménade. En quatrième position, nous retrouvons les pulsions. Quels sont vos comportements impulsifs, vos idées intrusives ? Comment les gérez-vous ? Vers quoi dirigez-vous vos actions, négatives comme positives ? Êtes-vous à l'aise avec ces pulsions ?

Apprendre à regarder votre Ménade est aussi l'occasion de trouver les ressources intérieures pour puiser dans sa force tout en prévenant les dégâts qu'elle peut causer. Soyez indulgents avec vous-même, et si ce tirage fait résonner en vous des aspects de votre personnalité qui vous semblent très problématiques ou évocateurs de difficultés, n'hésitez pas à faire appel à l'aide de professionnels : un tirage ne saurait se substituer à un accompagnement psychologique.

La cinquième carte vous parle de désir. Que désirez-vous ardemment ? Comment ces désirs vous portent ils, vous inspirent ? Comment l'exprimez-vous ? Êtes-vous à l'aise avec ces désirs ? La sixième carte, elle, s'intéresse à votre colère, à la violence, à la rage. Qu'est-ce qui vous met en colère ? Qu'est-ce qui est insupportable pour vous ? Comment gérezvous cette colère ? Quel est votre rapport à la violence ? Êtes-vous à l'aise avec cet aspect de votre personnalité ?

MÉNADE FURIEUSE, COUPE À FOND BLANC DE MACRON, VERS 480 AEC

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CULTURE

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LETO Divinité oubliée et très peu évoquée, elle recèle pourtant en son sein des valeurs profondes et essentielles à remettre en avant dans l’agitation de notre monde moderne. Par Moïra

Dans le panthéon grec, lorsque l’on pense à l’aspect féminin, naturellement nous viennent à l’esprit des figures plutôt sensuelles ou dans l’image de la jeune fille ou de la femme. On pourrait évoquer par exemple Artémis, Eos, Héméra ou encore Nyx. Mais lorsque l’on se penche sur la maternité et le foyer, le plus souvent, c’est à Gaïa, Héra ou Hestia que l’on fera référence. Il en demeure cependant une qui ne doit pas être ignorée, ni mise de côté : Léto. Pleinement ancrée dans la protection des femmes enceintes, des accouchements difficiles et des douleurs liées à l’arrivée de l’enfant, cette divinité moins connue démontre une humanité surprenante en comparaison aux déesses précédemment citées. Gonflée de compassion, d’amour pur et inconditionnel, autant que de bonté, elle aurait la réputation de répondre à toute demande issue d’une volonté sincère du cœur, autant pour les hommes que pour les dieux. Première épouse de Zeus, et mère d’Artémis (déesse de la chasse, des accouchements et de la nature dans sa fonction la plus sauvage) et d’Apollon (dieu des arts, de la beauté et de la lumière au monde), elle démontre déjà autravers de ses enfants à quel point elle s’efforce de leur donner le meilleur, par leur beauté physique et leur grandeur d’âme. Son image pure et bienveillante fera d’ailleurs que, malgré le remariage de Zeus à Héra, elle demeurera sa maîtresse favorite.

LÉTO ENCEINTE DES JUMEAUX DIVINS ARTÉMIS ET APOLLON, HENDRICK GOLTZIUS

Du fait, elle subira à maintes reprises les colères légendaires d’Héra. Mais Artémis et Apollon, tellement accrochés à leur mère, la défendront et protégeront jusqu'au bout. Il semble que sa vénération ait plutôt été tenue à Délos, au même titre que celle de ses deux enfants, aux abords d’un lac que l’on tenait pour sacré. C’est d’ailleurs en ce lieu saint que l’on venait lui adresser prières et offrandes pour lutter contre les souffrances, les maladies, les problématiques de fertilité et les angoisses liées à la famille. NYMBATHE JOURNAL


CULTURE

PYTHON, LETO ET SES ENFANTS, GRAVURE, XIXE SIÈCLE

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LÉTO ET SES ENFANTS APOLLON ET ARTÉMIS, PAR WILLIAM HENRY RINEHART

De toutes les divinités grecques féminines représentant la Mère, Léto demeure celle qui a le plus d’amour à donner. Elle agit avec son prochain dans une acceptation, une tendresse et une affection totale qui, parfois, lui attire jalousie et méchanceté. Mais elle démontre par l’équité et l’égalité qu’elle offre via ses réponses apportées à chaque demande, que le rang ou la richesse ne changent rien. Seule compte l’innocence, seule compte la sincérité de la demande. Son culte aujourd’hui beaucoup moins répandu, mériterait pourtant de renaître pour ramener l’humanité à une plus grande tolérance et un amour maternel enveloppant et protecteur. À chacun d’entre nous de devenir son enfant, ou d’incarner sa grandeur. LATONE ET LES PAYSANS DE LYCIE, JEAN JOUVENET, 1700

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CULTURE

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LE POISON DANS LE MONDE ANTIQUE Dans l'Antiquité, l'utilisation des poisons était une chose courante. Un voisin trop bruyant ? Un amant infidèle ? Un dirigeant trop faible ? L'affaire était réglée en quelques gouttes ou gorgées. Aujourd'hui, je vous invite à voyager dans le temps afin de découvrir les différents poisons que l'on pouvait trouver à cette époque, leur magie, leurs effets ainsi que certains adeptes de cette méthode pour se débarrasser d'une personne gênante. Par Nymbathe

Dans le monde Antique, les auteurs n'ont que très peu mentionné les poisons (vient du grec φάρμακον, phármakon, qui veut dire : remède, drogue ou philtre) ou la toxicologie de manière plus globale. Galien mentionne d'ailleurs ceci : "Il est imprudent de traiter des poisons et d'en faire connaître la composition aux vulgaires qui pourraient en profiter pour commettre des crimes." Celui chez qui nous pouvons lire une Histoire des Poisons est Nicandre de Colophon. Quant à Dioscoride, il explique à ses contemporains comment utiliser les contrepoisons. Ces trois auteurs sont donc les principales sources que nous possédons aujourd'hui sur la toxicologie dans l'Antiquité. Tous s'accordent sur la marche à suivre en cas d'empoisonnement. Le meilleur moyen d'y remédier est le vomissement. Ils préconisent donc une solution aqueuse à base d'huile. Nicandre nous parle également d'un mélange à base de lait, de cendre ou de noyau de pêche écrasés. On trouve beaucoup de traces de poison en archéologie grâce à l'étude des lieux d'aisance. On remarque que ce sont d'ailleurs principalement les hommes qui sont victimes de ces empoisonnements. C'est pourquoi, certains parlent "d'armes de femmes". L'art des poisons est devenu, à cette époque, l'ennemi numéro un des politiques romains. Certaines victimes de ces phármakon sont plus célèbres que d'autres. Agrippine la Jeune (Ier siècle av JC) s'est d'ailleurs particulièrement bien illustrée dans ce domaine.

LE PHILTRE D'AMOUR, D'EVELYN DE MORGAN

Petite-fille de Tibère, fille de Germanicus, sœur de Caligula, et mère Néron, cette femme a évolué dans les cercles les plus restreints de la politique romaine. Néanmoins, n'étant pas née homme, elle n'a jamais pu assouvir sa soif de pouvoir comme elle l'entendait. Agrippine souhaitait plus que tout gouverner, comme les hommes de sa famille. Elle épousa en première noce, à l'âge de treize ans, le consul Cnaeus Domitius Ahenobarbus, de vingt ans son aîné. Comme vous l'aurez très certainement compris, ce mariage est une union politique commandée par Tibère. NYMBATHE JOURNAL


CULTURE

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La jeune fille faisant partie d'une illustre famille, elle était une épouse de choix. Son grand-père lui ordonna de ne pas avoir de descendance avec son mari, car l’empereur ne voulait pas que le sang Ahenobarbus coule dans les veines de sa descendance. Ce n'était vraiment qu'une union qui servait aux desseins du pouvoir. Néanmoins, Tibère mourra quelque temps plus tard, ce qui permettra à la jeune femme de commencer à suivre son destin. Elle donna naissance au futur empereur Néron. Pendant ce temps, son frère Caligula hérita du pouvoir. Il invita ses sœurs à régner à ses côtés, mais le peuple de Rome voyait bien ce qui se tramait dans l'ombre. Agrippine, ayant perdu son mari dans des circonstances suspectes, essayait par tous les moyens de tomber enceinte de son frère afin de pouvoir avoir un droit sur le principat. Les perversités et les vicissitudes de l’empereur engendrèrent une révolte au sein du peuple romain et son frère bien-aimé fut assassiné. C'est ici que va réellement commencer la vie tumultueuse de cette femme incroyable.

Agrippine se cherche un nouvel époux afin de servir son ascension vers le trône de l'Empire. Elle jette d'abord son dévolu sur Galba, un homme qui devait succéder à Caligula. Mais ce dernier étant déjà marié et fidèle à sa femme, elle ne put le convaincre de la choisir. Cependant, elle ne se décourage pas et va vers un très riche banquier de Rome. Elle adopta son fils et offrit une belle fortune à son épouse. Agrippine, n'étant toujours pas satisfaite, fit empoisonner son mari et hérita de plus de 200 millions de sesterces. À nouveau libre, Agrippine réfléchissait à qui pouvait bien correspondre à ses critères d'ambition. C'est alors que le destin lui sourit : la femme de l'empereur Claude disparut. L'ambitieuse se fit introduire dans le palais impérial afin de se retrouver en tête-à-tête avec lui. Mais peut-être devrais-je vous préciser que Claude, n'était autre que son oncle ? Et oui, le pouvoir est une affaire de famille.

CAMÉE, BUSTES D’AGRIPPINE L’AÎNÉE EN CÉRÈS ET AGRIPPINE LA JEUNE EN APHRODITE OU HÉRA, BNF

Cet homme tomba alors sous le charme d'Agrippine. À partir de ce moment, elle en fit ce qu'elle voulut. Elle réussit à écarter du pouvoir le fils naturel de Claude, Britannicus, et à faire adopter son propre fils Néron, ainsi devenu héritier du trône. La voilà devenue plus proche du trône que jamais. NYMBATHE JOURNAL


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Elle empoisonna Claude et devint la "régente" le temps que son fils devienne un homme. Elle chérissait cette période de sa vie, car elle avait enfin accès à ce qu'elle avait toujours désiré. Toutefois, Néron grandit et décida d'écarter sa mère, car il la soupçonnait de vouloir l'empoisonner, lui aussi. Il l'exila dans une villa, loin de la capitale, loin de lui. Elle sera mise à mort par son fils quelque temps plus tard, puisque trop inquiet de l’ambition de sa mère. Ainsi mourra l’une des plus fameuses empoisonneuses de l’Histoire. Voici maintenant l’histoire d’un empoisonné et non d’un empoisonneur. Peut-être connaissez-vous déjà le philosophe Socrate. Il est fort probable, car sans son illustre mort et Platon, on aurait oublié qui était ce personnage. Nous n’allons pas débattre de philosophie ici, mais plutôt des raisons de sa condamnation à mort et de la manière dont elle fut appliquée. Nous sommes alors à la fin des années 400 av JC en Grèce.

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Socrate a été formé par les sophistes et Anaxagore et il a participé à la fameuse guerre du Péloponnèse. Il était très connu pour son talent d’orateur et commence à dispenser son savoir à Athènes. Parmi ses élèves, se trouvent Platon et Xénophon qui, plus tard, nous transmettrons le savoir de leur illustre enseignant grâce à divers écrits. Socrate ne s’implique que peu dans la vie politique de la cité, ce qui attire sur lui l’animosité de ses contemporains. On estime qu’il était pourtant très avenant et avait confiance l’être humain. Alors, on commence à dire de lui qu’il distille dans l’esprit des jeunes Athéniens, des idées qui vont à l’encontre des dogmes de la cité. De plus, on pense qu’il profane les divinités par la parole et en refusant de perpétuer certaines traditions religieuses. C’est pourquoi, à la suite de ça, on lui interdit d’enseigner. Le philosophe sentait que le vent tournait en sa défaveur, mais il refusa de fuir. Il pensait qu’affronter ses détracteurs serait bien plus honorable que de ne pas pouvoir exposer sa pensée et son jugement. Il décide donc de rester et d’exposer sa philosophie. Bien entendu, dans cette épreuve, ses élèves le soutiennent et continuent de le défendre. Voici son accusation : « Mélétos de Lampsaque accuse, sous la foi du serment, Socrate d’Alopèce, fils de Sophronisque, des crimes suivants : Socrate est coupable de ne pas croire aux Dieux reconnus par la Cité et d’en introduire de nouveaux ; il est également coupable de corrompre la jeunesse. Pour ces crimes : la mort. »

THÉMISTOCLE BUVANT LE POISON, PAR HENRI-CAMILLE DANGER

Après quelques provocations envers ses juges, Socrate fut condamné à mort par la Grande Ciguë. On y ajoutait du Datura et de l’Opium afin de diminuer la douleur que pouvait causer ce cocktail mortel. Il but cette ciguë un mois après sa condamnation. La mort arriva lentement en commençant par les jambes puis en atteignant le cœur. Ainsi disparut l’un des plus grands noms de la philosophie grecque, à l’âge canonique de soixante-dix ans. NYMBATHE JOURNAL


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Le poison n’est cependant pas réservé aux futilités humaines. Loin de là. Ils servent le panthéon gréco-romain depuis toujours. Il est peu probable que vous connaissiez le premier dieu que nous allons aborder ensemble. Elle fait partie de la mythologie grecque, mais on ne parle que peu de cette divinité. Achlys est considérée comme une divinité mineure de la mort. Elle serait celle qui, lors des batailles, vient couvrir le regard des hommes avec son voile. Fille de Chaos et de Nyx, elle est également, et c’est là que ça nous intéresse, la divinité des Malheurs et des Poisons. Achlys est une divinité du Tartare où elle reste prisonnière. Hésiode nous offre une description de la déesse, pas vraiment flatteuse : « À leurs côtés [Clotho, Lachésis et Atropos (les Moires)] se tenait la Tristesse [Achlys] désolée, horrible, pâle, desséchée, consumée par la faim, chancelant sur ses épais genoux. De ses mains s'allongeaient des ongles démesurés ; une impure émanation s'échappait de ses narines et le sang coulait de ses joues sur la terre. Debout, elle grinçait des dents avec un bruit terrible et ses épaules étaient couvertes des tourbillons d'une poussière humide de larmes. » Cette déesse aime voir souffrir les mortels. Nous ne savons pas pourquoi, car nous n’avons que peu d’informations sur cette divinité mineure. Néanmoins, on sait qu’elle adorait utiliser le poison comme un outil de torture afin de pouvoir ensuite donner la mort aux hommes. Charmant !

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Abordons maintenant une autre figure des poisons : Médée. Elle est fille du mortel Æétès, roi de Colchide et d'une des Océanides : Idyie. Elle est par conséquent la nièce de la très fameuse Circée. Comme beaucoup d'histoires tragiques, où se mêlent l'amour et la trahison, la femme se retrouve à perpétuer d'irrémédiables actes infâmes. Celle de Médée commence sur l'île de Colchide. Un jour, alors qu'un bateau débarque, elle remarque Jason, un jeune homme venu conquérir la Toison d'Or. Toutefois, son père ne le voit pas d'un bon œil et demande au jeune conquérant de repartir. C'est alors que Médée décide de l'aider, car elle était tombée follement amoureuse. Magicienne et prêtresse d'Hécate, elle maîtrise l'art des poisons, des mixtures, des filtres… Elle prépare alors un onguent dont Jason doit s'enduire le corps afin de résister aux flammes du dragon. La jeune femme lui offrit aussi une pierre magique qu'il jeta parmi les gardes afin qu'ils s'entre-tuent. C'est ici que l'amour fit faire à Médée des choses dramatiques et que sa vie bascula dans les ténèbres. Pour la remercier, Jason demande à la jeune magicienne de l'épouser. Alors folle de bonheur, elle décide de le suivre. Afin d'être certaine que son père ne pourrait pas s'opposer à son vœu le plus cher, elle assassina son frère et le découpa en petits morceaux qu'elle dispersa derrière elle. Mais hélas, elle ne s'arrête pas là. Par amour pour son futur époux, elle engendre le chaos partout où elle passe. Ainsi, elle réussit à convaincre les filles de Pelias, que si elles tuaient leur père et le découpaient pour ensuite mettre les morceaux dans un chaudron, elles seraient jeunes et belles pour l'éternité ! Médée et Jason furent donc chassés et arrivèrent à Corinthe où naquirent leurs fils. L'idylle n'était pas faite pour durer, car le mari

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de la prêtresse vit un jour un joli minois du nom de Créüse passer devant lui. Fille de roi, elle aussi, elle réussit à s'attacher le père de famille qui répudia Médée et ses fils. Femme bafouée et trahie, elle laissa alors exploser sa colère divine. L'empoisonneuse répandit sur une tunique un filtre et l'offrit à la nouvelle épouse de l'amour de sa vie. La malheureuse, lorsqu'elle l'enfila, se mit à brûler et le palais s'envola en flammes avec elle. Noncontente de cette vengeance, elle décida de faire encore bien pire. Médée commit l'inacceptable. Crime passionnel ou par folie, je vous en laisserai en juger. Ici, je me permettrai de vous poser le décor, fictif, afin de vous plonger dans l'horreur. Nous sommes au beau milieu de la nuit. La voûte céleste est doucement bercée par Séléné, la Lune. Une femme trahie, blessée, à l'agonie comme une bête traquée, s'approche lentement du tendre visage de ses enfants. D'une main tendue, elle caresse leurs boucles en bataille et les regarde dormir dans les bras de Morphée. La ressemblance avec leur père est frappante. La blessure du cœur se met à couler sans pouvoir cesser. C'est alors qu'un éclat argenté surgit dans cette obscurité et vient glisser vers les gorges des deux fils de Jason et Médée. À la suite de cet acte abominable, elle s'enfuit pour Athènes, sur un char tiré par des dragons, où elle prendra un nouvel époux, à qui elle donnera aussi un fils. Mais rassurezvous, ils vécurent sans que Médée mette fin à leurs jours. On raconte que bien plus tard, elle prit l'illustre héros, Achille, pour mari dans les Champs-Élysée. Pour maîtriser l'art du poison, il est très important de connaître les propriétés des ingrédients que l'on utilise. Je compte faire une énumération, non exhaustive, de ce que l'on pouvait trouver dans l'Antiquité pour faire notre petite tambouille.

MÉDÉE SUR SON CHAR D’OR, GERMÁN HERNÁNDEZ AMORES

Tout d'abord, sachez qu'à cette époque, on utilise une cinquantaine de poisons différents. On pouvait distinguer trois groupes : le monde minéral, le végétal et l'animal. Du premier, il y avait le gypse, le mercure, la chaux et l'arsenic. Si vous vouliez offrir en cadeau une mort douce et paisible, il ne faillait certainement pas se pencher sur l'arsenic. En effet, il provoque une corrosion des intestins ce qui va progressivement et irrémédiablement les détruire. Je vous laisse imaginer la douleur atroce ! Pour certains, il existe un remède qui serait les sucs de mauves avec une décoction de graine de lin et d'eau de riz. Dans le monde végétal, nous avons les stars des poisons, que nous connaissons au moins de noms. Voici donc venir l'aconit, la ciguë, la mandragore, le pavot et le colchique. Nicandre, au IIème siècle av JC écrit sur le pavot : "Celui qui boit, dit-il, un breuvage dans lequel entre le suc de pavots tombe dans un sommeil profond. Les membres se refroidissent ; les yeux deviennent fixes ; NYMBATHE JOURNAL


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une abondante sueur se déclare sur tout le corps. La face pâlit, les lèvres enflent, les ligaments de la mâchoire inférieure se relâchent ; les ongles deviennent livides et les yeux excaves présagent la mort. Cependant, ne te laisse pas effrayer par cet aspect ; donne vite au malade une boisson tiède, composée de vin et de miel, et remue le corps violemment, afin que le malade vomisse." On apprend aussi que la ciguë est en fait un savant mélange du suc de la tige, de la fleur, de ses graines et de ses feuilles. Les contemporains de Nicandre avançaient que le seul remède à cette potion n'était autre que du vin... Qui a soif ? Enfin, le monde animal n'est pas en reste. Nous pouvons utiliser les chenilles processionnaires du pin, les sangsues, le miel d'Héraclée (il est butiné par les abeilles sur les fleurs d'absinthe et d'aconit, ça doit être la fiesta dans ces ruches !), le sang de taureau, le lait caillé (comme quoi, les Bretons n'ont rien inventé avec le lait ribot) et les cantharides. Mais que faire avec tous ces ingrédients ? Eh bien, avec le sang de taureau par exemple, vous pouvez le laisser fermenter durant quelques jours puis le verser dans le verre de votre voisin. Cette manière d'empoisonner est l'une des plus courantes chez les Athéniens ! Si jamais vous avez une petite hésitation, vous pouvez toujours utiliser les cantharides. Ce sont des petits insectes d'un vert-jaune magnifique. Ils ressemblent un peu (pardon pour les fans de coléoptères) à des scarabées. Si vous les écrasez et que vous en faites une petite poudre, vous pourrez déclencher des troubles génito-urinaires. Autant vous dire que ce n'est pas très agréable. Mais ce n'est pas mortel donc parfait pour punir votre meilleure amie qui vous a piqué votre toge préférée ! C'est ici que s'achève notre remontée dans le temps où le poison régnait en maître chez les dieux comme chez les mortels. J'espère vous avoir appris quelques petites choses. CIRCE INVIDIOSA PAR HOHN WILLIAM WATERHOUSE

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LA MODE À L'ANTIQUITÉ

Par Diane Snotra

Au tout début de l’humanité, la fonction du vêtement était avant tout de protéger le corps des intempéries, des attaques d’animaux sauvages ou encore des blessures de la vie quotidienne nomade. Avec l’Antiquité, la hiérarchie sociale a fait son apparition et le vêtement a commencé à prendre une notion de valeur identitaire. Le savoir-faire a également évolué et les peaux de bêtes primitives ont laissé place à des étoffes plus nobles et travaillées telles que la laine, le lin, le chanvre ou le coton. Il y a environ 6 000 ans, dans la ville de Çatal Höyük, les habitants tissaient la laine de chèvre et de chameau et les tissus étaient ensuite décorés à l’aide de cachets d’argile. En 2900 avant J.-C, les Sumériens portaient des jupes et des châles à partir de laine et de lin finement tissés. Plus tard, vers 2700 avant J.-C, les nobles de la ville d’Ur se couvraient d’une tunique de tissu à longs poils appelée « kaunakès ».

Quant à l’Égypte, les pharaons et les nobles s’habillaient de lin très fin et portaient des perruques sophistiquées ainsi que de splendides bijoux en or ornés pour la plupart de lapis-lazuli, de chrysocolle et de cornaline. Les fresques égyptiennes nous montrent d’ailleurs qu’on utilisait déjà des métiers à tisser rudimentaires il y a environ 5 000 ans. Quatre piquets enfoncés dans le sol permettaient de tendre les fils du canevas, entre lesquels passaient ceux de la trame. Plus tard, le métier à tisser vertical permit d’obtenir des trames plus denses et d’améliorer la qualité du tissu. En Asie Mineure et le long du bassin méditerranéen, les peaux firent place à des vêtements en fibres végétales et en laine, bien plus pratiques et mieux adaptés au climat.

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Le premier procédé utilisé pour obtenir des tissus appropriés fut probablement le feutrage : la laine était démêlée, mouillée puis battue jusqu’à former un textile. L’étape suivante était le tissage qui a permis d’exploiter d’autres fibres qui servirent de vêtements au cours de l’antiquité. Grâce à ces nouvelles techniques, de nombreuses civilisations en profitèrent pour se vêtir, comme les Hittites qui portaient des vêtements courts, des jupes et des souliers recourbées vers le haut en plus de leur casque pointu. Les Juifs à l’époque d’Abraham s’habillaient de tuniques en laine agrémentées de motifs géométriques et dont le grand prêtre hébreu revêtait un habit sans manche appelé « éphod » avec un ornement carré reposant sur sa poitrine et qui n’était autre qu’un rappel des douze tribus d’Israël. Les habitants des terres nordiques, quant à eux, améliorèrent les techniques de tannage et de traitement des peaux pour mieux adapter leurs vêtements au froid tandis que les Olmèques portaient pour seul vêtement un pagne appelé « maxtlatl » ainsi que des coiffes très étudiées qui variaient en fonction du rang social. Au cours de l’Antiquité, la couleur pourpre était une teinte très recherchée, car très difficile à obtenir. En effet, un demi-kilo de pourpre nécessitait plus de 50 000 coquillages de murex ! Cette teinture valait donc très cher, c’est pourquoi les tissus teints en rouge devinrent symbole de prestige et de richesse. Les marchands phéniciens firent ainsi fortune en exportant des tissus teints en pourpre dans tout le bassin méditerranéen. Capturant des murex dans de petits filets, ils les mettaient à tremper dans du sel pendant trois jours. Puis, les coquillages étaient décantés dans des chaudrons où ils bouillaient durant six jours avant de pouvoir servir de teinture textile.

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La laine par exemple, était plongée cinq heures dans les chaudrons pour être ensuite lavée et peignée. Cette manie du pourpre s’exporta également chez les Perses dont la garde royale arborait de longues tuniques amples retenues par une ceinture, des chaussettes pourpres et des chaussures jaunes mais aussi chez les Assyriens sur leurs longues tuniques richement décorées portées sous un châle à franges et noué en bandoulière ou encore chez les Chinois où les personnes de haut rang portaient de la soie pourpre très fine. Et vous n’êtes pas sans savoir que les hauts dignitaires romains avaient l’honneur de porter des toges pourpres. Ces derniers avaient pour coutume de porter deux types de vêtements bien connus : la tunique dont les premiers modèles ressemblaient au chiton grec (cette sorte de longue robe aux bras dégagés et fixée par des fibules au niveau des épaules) avant que des manches y soient ajoutées et celle propres aux citoyens, utilisées depuis le VIᵉ siècle avant J.-C et dont la forme et les dimensions ne cessèrent d’évoluer.

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mais ces derniers restèrent toutefois fidèles aux tons clairs et aux tissus légers. Les Grecs, de leur côté, portaient le « péplos » : un ample rectangle de tissu peu drapé qui se fermait sur les épaules et le long des bras à l’aide de fibules. Chez les Celtes, les habits de laine longs jusqu’aux chevilles, les pantalons et les capes d’hommes aux motifs géométriques étaient de rigueur. Les Parthes et les Scythes aussi portaient des pantalons. Ceux des Parthes étaient amples et ceux des Scythes, rentrés dans des bottes en cuir et des chapeaux à oreillettes. Sans oublier nos ancêtres les Gaulois qui portaient les braies sous une tunique coute et près du corps. D’ailleurs, ce sont les Perses qui furent les premiers à porter le pantalon qui fut ensuite adopté par d’autres civilisations.

Les citoyens ordinaires en portaient une version courte, appelée « toge virile » tandis que les fonctionnaires de la cité portaient la « toge prétexte » bordée d’une bande pourpre qui retombait à la verticale sur le devant. Après les victoires militaires, les généraux revêtaient des « toges pictes » brodées d’or. Les femmes arboraient une cape de laine fermée par une fibule : la « palla » et les jeunes filles portaient une sorte de soutiengorge appelé « strophium » ainsi que des sandales dotées de lanières qui enveloppaient le pied et la cheville que l’on appelait « caligœ ». La semelle était renforcée avec plusieurs couches de cuir maintenues par des clous spéciaux. La mode romaine influença les vêtements des derniers rois d’Égypte, les Ptolémées

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En Asie, l’art de tisser la soie apparu en Chine, environ 2 000 ans avant J.-C. Certaines découvertes suggèrent même des productions plus anciennes. Très appréciée pour sa douceur et sa résistance, ce tissu était destiné aux personnes de rang élevé. Les techniques d’élevage du ver à soie et du tissage restèrent secrètes très longtemps : les larves des vers à soie étaient élevées sur des châssis où elles étaient nourries de feuilles de mûrier. Dès que l’animal s’enfermait dans son cocon, il était plongé dans l’eau chaude afin de le dévider. Le filament servant à produire le fil était alors enroulé sur des bobines pour être tissé. La soie obtenue était ensuite teinte et battue pour adoucir sa texture. La plus belle soie s’obtenait en entrecroisant six ou sept fils, qui étaient travaillés au métier à tisser pour réaliser des étoffes aux tons unis ou enrichies de motifs ornementaux colorés. Bien entendu, l’empereur chinois Qin Shi Huangdi portait des robes en soie précieuse et sa coiffe à rideau de franges dite « mianliu » témoigne de son rang impérial. Au Moyen-Orient, les étoffes servant à confectionner les habits étaient de grande qualité, notamment grâce à une fabrication locale florissante et au réseau très dense d’échanges commerciaux avec l’Inde, la Chine et l’Afrique. Les Byzantins arboraient le tablion qui était un double rectangle de tissu ornemental porté sur une cape retenue à l’épaule par un fermoir. Du côté des Mayas, le vêtement masculin se résumait à une écharpe de coton nouée à la ceinture, celui des femmes à une robe informe, ample et ouverte sur les côtés. SUR CETTE STATUE, LA DÉESSE ATHÉNA PORTE UN HIMATION SUR SON PLEPLOS

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LE LAURIER NOBLE Originaire du bassin méditerranéen, le laurier est une des plantes les plus illustres et symboliques de l'Antiquité. Allons à la découverte ou re-découverte de cette plante qui peut nous sembler si commune, mais qui recèle de magie… Par Astarthea

Laurus nobilis est l'un des symboles les plus prestigieux du dieu grec Apollon. Divinité des arts, de la musique, du chant, de la poésie, de la beauté masculine et de la lumière, il est aussi le dieu de la purification et de la guérison. C'est lors de sa victoire contre le serpent Python, vivant dans une grotte sur l'emplacement actuel du sanctuaire de Delphes, que le dieu s'éleva dans la vallée de Tempé. Couvert de feuilles de laurier et couronné de ses rameaux, il pénétra en vainqueur dans Delphes, où les habitants de la région, terrorisés par le monstre, l'attendaient. Dès lors, le laurier devint le symbole de la victoire, de l'immortalité acquise par celle-ci, de la sagesse, de l'héroïsme et du respect. Il sera depuis utilisé pour orner les têtes des héros, des hommes victorieux, des sages, des génies et des poètes.

BRANCHE DE LAURIER, WILLIAM BOUGUEREAU

Même de nos jours, laurier et distinctions ne font qu’un car le laurier est présent sur les diplômes du brevet des collèges et du baccalauréat ainsi que sur la médaille de la légion d’honneur. Le mot “baccalauréat” vient d’ailleurs du latin bacca « baie, olive, arbre à baies » et laureatus « couvert de laurier », « orné de laurier », « couronné de laurier » d’où « triomphant ». Lauréat a une origine identique : c'était la couronne qui, jusqu'à la Renaissance, récompensait les poètes, les artistes et les savants qui s'étaient hautement distingués. NYMBATHE JOURNAL


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Pausanias, géographe et grand voyageur qui a parcouru la Grèce à l'apogée de Rome, relate qu'à Delphes, sanctuaire du dieu Apollon, situé au pied du mont Parnasse en Phocide, le plus ancien des temples consacré à Apollon était bâti en branches de laurier. Le laurier nécessaire à la construction de ce temple proviendrait de la vallée de Tempé, en Thessalie. Il était d'ailleurs d'usage de rendre honneur au dieu victorieux tous les neuf ans, en réalisant une procession partant de Delphes. On venait alors jusqu'à Tempé pour cueillir le laurier, plante sacrée, avant qu'il serve à couronner les vainqueurs des Jeux Pythiques.

Considéré comme le plus bel arbre du Parnasse, ce n'est pas pour rien que le laurier en reste le préféré d'Apollon. Ovide raconte dans ses Métamorphoses l'histoire de la nymphe Daphné. Daphné, nymphe à la beauté incroyable, est la fille de Pénée -dieu du fleuve de Thessalie- et de Gaïa (ou de la naïade Créuse, selon les sources). Apollon, fou d'amour et de désir pour la nymphe, ne cessait de pourchasser la belle, toujours fuyante. Le mythe raconte qu'Éros aurait touché Apollon d'une flèche d'or et Daphné d'une flèche de plomb : la belle ne ressentait que répulsion à l'amour alors qu'Apollon brûlait de désir pour la nymphe. Tandis qu'Apollon, poursuivant Daphné jusqu'à l'épuisement, était sur le point de d'attraper la belle, elle supplia son père de lui venir en aide. Daphné se métamorphosa alors :

“ Une lourde torpeur saisit ses membres, sa poitrine délicate s'entoure d'une écorce ténue, ses cheveux deviennent feuillage, ses bras des branches, des racines immobiles collent au sol, son pied, naguère si agile, une cime d'arbre lui sert de tête ; ne subsiste que son seul éclat ".

APOLLON & DAPHNÉ, JOHN WILLIAM WATERHOUSE

Daphné échappe physiquement aux ardeurs du dieu. Néanmoins, celui-ci, entendant le cœur de la nymphe battre à travers l'écorce, embrasse l'arbre. Apollon lui fait alors une promesse :

“ Puisque du ciel la volonté jalouse Ne permet pas que tu sois mon épouse, Sois mon arbre du moins : que ton feuillage heureux Enlace mon carquois, mon arc et mes cheveux ! Aux murs du Capitole, à ces brillantes fêtes, Où Rome étalera ses nombreuses conquêtes, Tu seras des vainqueurs l'ornement et le prix. Tes rameaux respectés des foudres ennemis Du palais des Césars protégeront l'entrée ; Et comme de mon front la jeunesse sacrée N'éprouvera jamais les injures du temps, Que ta feuille conserve un éternel printemps" La nymphe, dont le nom signifie laurier du grec Δάφνη / Dáphnê, capitule et accède finalement aux désirs d'Apollon, pliant ses branches et sa cime en signe d’acceptation. NYMBATHE JOURNAL


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D'après Pline, dans Histoire naturelle - Livre XV, le laurier est considéré comme pacifique et épargné par la foudre. Il est par ailleurs interdit de couper le laurier pour un usage profane. On peut aisément faire le lien entre la nature de Daphné ainsi que de l'affection que porte Apollon à l'arbre, le protégeant de fait de tout danger. L'arbre apollinien possède également une forte symbolique divinatoire. La Pythie, aussi appelée Pythonisse, était l'oracle du temple d'Apollon à Delphes. Son nom est sans équivoque lié au légendaire serpent vaincu par Apollon, Python, et au nom archaïque de Delphes, Pytho. La Pythie rendait à l'origine ses oracles une seule fois par an, au septième mois de Bysios (février-mars), jour célébré comme étant l'anniversaire de la naissance d'Apollon. Par la suite les consultations devinrent mensuelles, à l’exception des trois mois d’hiver pendant lesquels Apollon séjournait chez les Hyperboréens et laissait le sanctuaire sous l’autorité de Dionysos. La Pythie est connue pour se tenir sur un trépied sacrificiel, où mâchant des feuilles de laurier en tenant un rameau à la main, elle déclamait ses oracles. La transe de la prophétesse était due à la possession par le dieu Apollon, rendant ses oracles incompréhensibles par le profane. Ils devaient être interprétés par les exégètes, des prêtres présents lors de la cérémonie, qui rendaient l'oracle final sous forme de réponse écrite. D'ailleurs, ceux pour qui l'oracle de la Pythie était annonciateur d'un destin victorieux, repartaient avec une couronne de laurier. L'utilisation du laurier n'était pas réservée qu'à la Pythie ou aux sybilles, prêtresses d'Apollon. Lors de la célébration des mystères d'Éleusis et des cultes liés à Dionysos, la manducation du laurier était également d'usage. Par exemple, les Ménades ritualisaient lors de cérémonies dionysiaques en mastiquant des feuilles de laurier, dans la vallée de Tempé, en Thessalie.

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Le laurier conservera cette symbolique prophétique, puisque devins et magiciens continuent d'utiliser la feuille de laurier pour la clairvoyance, la divination et les rêves prémonitoires. On utilise le laurier infusé avec ou sans ses baies, ou bien en fumigation lorsqu'on souhaite utiliser la plante de façon prophétique. Plusieurs traditions méditerranéennes, tant bien européennes qu'arabes, viennent confirmer l'usage du laurier en vue d'obtenir des visions ou de vivre des voyages extracorporels. Laurus nobilis est aussi un fort symbole de protection, de purification et de guérison. À l'Antiquité, vivre à côté d’une forêt de lauriers était synonyme de bonne santé. Les médecins grecs recommandaient son utilisation pour se protéger de la maladie. Les prêtresses du culte d'Asclépios -fils d'Apollon et dieu de la médecine- mâchaient ou brûlaient, puis inhalaient la fumée du laurier afin de prophétiser. Ces prophéties étaient d'ailleurs très différentes de celles de la Pythie et ne concernaient que la sphère médicale. Dans la Rome antique, une branche de l'arbuste était souvent fixée aux portes des personnes souffrantes. Au temps de la peste noire, ces rameaux étaient brûlés dans l'âtre des cheminées pour garantir des miasmes contagieux et utilisés dans les célèbres masques des médecins de la peste.

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D'après Scott Cunningham dans l'Encyclopédie des herbes magiques, "brûlé, éparpillé, ou répandu en décoction, son feuillage aromatique sert à purifier les autels et les lieux de culte depuis l'Antiquité la plus reculée. C'est avec des rameaux de Laurier que l'on brasse les bains qui vont servir aux ablutions rituelles". On retrouvera bon nombre de superstitions populaires au long de l'histoire en Europe, imprégnées par le christianisme, qui vont reprendre les croyances antiques et païennes de divination, protection, purification et guérison du laurier. Il y a aussi une corrélation entre le laurier et Hermès/Mercure. En effet, chaque 15 mai à Rome, la fête des marchands avait lieu, durant laquelle les commerçants et marchands bénissaient toutes leurs marchandises grâce au pouvoir du laurier. Ils se rendaient à une fontaine commune pour y puiser de l’eau ; dans cette eau, ils plongeaient une branche de laurier, et avec cette branche, ils bénissaient toute leur marchandise. NYMBATHE JOURNAL


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Vertus Magiques En magie, le laurier est associé au Masculin, au Soleil et à l'élément Feu. Les divinités correspondantes sont Apollon, AsclépiosEsculape, Déméter-Cérès. On retrouvera néanmoins Dionysos, les muses, les déesses Libertas et Salus -déesse de la Liberté et déesse du bien-être social, mais aussi Hercule et autres héros portant la couronne de laurier.

Le laurier peut aussi être porté comme une amulette pour éloigner la négativité et le mal. On le retrouve brûlé ou répandu lors des rituels d'exorcisme.

Dans les rituels, il pourra être utilisé comme purificateur, protecteur, dans les sortilèges de guérison, mais aussi pour le succès, la force et la puissance virile.

Placé dans les embrasures de fenêtres, il protégera de la foudre et sera suspendu pour empêcher les revenants de faire des tours pendables dans la maison.

Initialement, le laurier était une essence qui couvrait la plus grande part du bassin méditerranéen qui possédait par les temps anciens un climat plus humide et doux que de nos jours. Le laurier formait alors de grandes forêts.

Ses feuilles persistantes sont de formes lancéolées à bord ondulé. Elles sont plutôt épaisses et se déchirent avec difficulté, d'un vert foncé sur la face supérieure et d'un vert plus tendre sur la face inférieure. Au printemps apparaissent des inflorescences blanchâtres-ivoire, regroupées en quatre à cinq petites ombelles. Leur fruit, noir et amer, ne contient qu'une seule graine, mesurant de dix à quinze millimètres. Cette graine ne sera mature qu'à partir du milieu de l'automne, nécessitant plus d'humidité et des températures plus fraîches pour prendre.

Laurus nobilis est un arbuste dioïque allant de quinze à vingt mètres de haut, de la famille des Lauracées. Sa tige est droite, grise dans sa partie basse pour s'éclaircir sur le vert dans la hauteur. Les sols frais ont la faveur de cette essence.

Selon Pline, le laurier proteste contre le feu par un pétillement manifeste, et par une sorte d’aversion.

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PLANTES

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Il faut différencier le Laurier noble des autres plantes communément appelées "laurier", dont il est le seul à faire partie des Lauracées. Le Laurier rose (Nerium oleander) de la famille des Apocynacées, qui est une magnifique plante aux fleurs roses, souvent utilisée en ornementation. Prudence toutefois, car il s'agit d'une essence extrêmement toxique ! Il y a également le Laurier cerise ou amande (Prunus laurocerasus) de la famille des Rosacées ainsi que le Laurier du Portugal de la même famille puis le Laurier tin (Vilburnum tinus) une Caprifoliacée, le laurier d’Alexandrie (Danae racemosa), le laurier de Madère (Laurus azorica), les lauriers indiens (Codiaeum variegatum, Syzygium polyanthum), etc.

L'un des autres noms de cette essence est Laurier sauce : pour cause, c'est un aromate très populaire dans nos cuisines. Il compose le bouquet garni que nous ajoutons aux bouillons, potages et aux sauces. Le laurier est source de vitamine C, bêtacarotène, d’antioxydants, de potassium, magnésium et de phosphore, bien qu'en raison de sa faible quantité dans nos plats, nous ne bénéficions de ses bienfaits que de façon minime.

Le laurier possède une odeur et un goût formidable. Il est souvent séché avant d'infuser dans nos préparations son goût aromatique, alors qu'en Inde il est utilisé frais pour parfumer le ghee, le beurre clarifié. Les baies peuvent être utilisées comme la noix de muscade, mais en les râpant avec parcimonie afin d'éviter trop d'amertume. Le laurier peut également se déguster en infusion ou dans un café, afin de profiter de ses bienfaits médicinaux ou magiques, mais peut également être croqué en début de repas pour couper l’appétit. Vous pouvez infuser aussi une feuille dans de l'huile d'olive, qui donnera à vos vinaigrettes ou cuissons un goût subtil. Il reste néanmoins très efficace sur le plan phytothérapique, où il est utilisé pour ses feuilles, baies et fleurs. Les baies, ressemblent à des olives, possèdent un goût âcre alors que les feuilles ont une saveur amère et aromatique.

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On utilise les feuilles et les baies en infusion, décoction, poudres et bain de feuilles. Il est aussi possible de réaliser des macérats huileux de feuilles fraîches et d'utiliser les baies dans des onguents. L'huile essentielle de laurier est un must-have à avoir, si vous appréciez l'aromathérapie. Attention néanmoins, elle nécessite d'être utilisée avec précautions. La récolte des feuilles de laurier peut se faire en toute saison, mais la meilleure période pour réaliser les cueillettes est en été. Ses baies néanmoins ne pourront qu'être cueillies une fois maturité complète, vers octobrenovembre. Laurus nobilis est reconnu pour ses qualités anti-fongiques, antibactériennes, antivirales, antalgiques et anti-inflammatoires. Il possède des propriétés sédatives et rééquilibrantes du système nerveux, luttant contre l'anxiété et l'angoisse. Il peut aussi, à forte dose, posséder des propriétés narcotiques. À l'inverse, le laurier noble peut également lutter contre l'adynamie et devenir stimulant et tonique. C'est une plante très efficace dans le cadre d'affections virales, respiratoires et troubles ORL, d'infections buccales et cutanées. Il permet aussi de réguler la glycémie, le cholestérol et les triglycérides. Le laurier peut aussi apaiser les troubles de la sphère gynécologique comme les règles douloureuses ou l'aménorrhée, et de façon olfactive apaiser lors des accouchements. Il permet aussi d'activer Viśuddha, le chakra de la gorge.

Le Laurier est de plus utilisé en cosmétique depuis l'Antiquité, notamment dans le savon d'Alep. Savon originaire de Mésopotamie, il se compose d'huile d'olive et d'huile de laurier. Ce savon possède une odeur caractéristique, d'une couleur terreuse et d'aspect rugueux alors qu'en son cœur, il est plus tendre. Il est utilisé pour laver les textiles, les sols, mais il est surtout excellent pour notre peau. Ce savon pur et surgras fait des miracles sur les peaux sensibles et réactives, atopiques, grasses et sujettes aux imperfections. Il convient biensûr également aux autres types de peau, et peut servir pour le visage, le corps, les mains ou encore les cheveux. Il est aussi possible d'utiliser de l'hydrolat de laurier, resserrant les pores, prévenant la chute de cheveux, purifiant et régulant les peaux mixtes et grasses. C'est un excellent bain de bouche, antiseptique et rafraîchissant. L'hydrolat peut aussi être ingéré, délicieux dans la cuisine, ou pour apaiser l'inconfort digestif. L'huile végétale de laurier est aussi une alliée pour le bien-être animal, où elle est utilisée depuis l'Antiquité pour son action répulsive contre les parasites et insectes (mouches, moustiques, puces). Elle est idéale pour le soin au naturel des animaux à cornes et à sabots. Voilà bon nombre de raisons, sacrées comme profanes, d’utiliser le Laurier d’Apollon comme un allié dans nos quotidiens. NYMBATHE JOURNAL



NATURE

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APOLLON ET ARTÉMIS, LES JUMEAUX DE L'INACCESSIBLE

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Par Asteria Mageia

LA MORT D'ACTEON, TITIEN

Comme la nature, les dieux de la Grèce appartiennent à l'ordre du monumental. Il y a dans leurs cultes une expérience de la contemplation avant tout. On dit que l’homme grec pénètre la nature, celle qui se trouve en lui-même et au dehors. Pour lui, le magique et le naturel ne font qu'un. Je citerai le vœu de Faust qui représente cet esprit :

La nature est donc la première image du divin, mythologie sans voix, d'où tout émerge. Pour le Grec, le divin se manifeste dans les rayons brûlants du soleil et la clarté tricheuse de la lune : jumeaux mythiques et voyageurs se tournant autour pour se croiser quelques heures.

“Que ne puis-je éloigner la magie de mon sentier, désapprendre les incantations ! Je me tiendrais nature ! En homme seul devant toi, cela vaudrait alors la peine d'être un humain.”

Dans de nombreux mythes, le jumeau solaire est considéré comme éternel, sage. Son comportement est plus correct, car il respecte les normes qu'il a lui-même créées. Il est mesuré, il est apollinien !

Pour le peuple grec, l'individu se trouvant lui-même, trouve son monde et parvient à son accomplissement. Pour les anciens, plus préoccupés par l'avenir et la pérennité de l'espèce qu'aujourd'hui, la nature doit être respectée.

Le jumeau lunaire, lui, évolue dans un cycle de mort-vie perpétuel. Différent à chaque résurrection, il enfreint les tabous, donne, retire, triche, n’a de lois que celles de l'instant qu’il enfreint aussitôt.

Les règles sont établies jusque dans les moindres détails entre les rapports hommenature, Cela n'étant possible que dans une société de la polis (communauté de citoyens libres et autonomes œuvrant ensemble pour le bien collectif), où le bien-être de tous est audessus des intérêts individuels. À travers les mythes et les rites, la transmission se fait par la morale ; celle de la nécessité de sauvegarder l'équilibre de la société des hommes et de la nature des dieux.

Levons la tête un instant vers ce soleil éblouissant que l’on ose regarder trop longtemps. C’est Apollon ! Le dieu aux manifestations grandioses ! Sa divinité s'exprime lumineuse et pénétrante. À lui revient la supériorité de la connaissance, celle qui crée par l'esprit. Apollon, entre l’arc et la lyre, vise loin et juste. Sa majesté rayonne de son visage, l'autorité de ses yeux, la supériorité de ses lèvres. NYMBATHE JOURNAL


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Ses flèches invisibles portent la douce mort, l’assoupissement merveilleux. Loin d'être chtonien, il rappelle juste à l'homme l’hybris de vouloir être l'égal des dieux. Il nous demande de reconnaître nos limites et de ne pas oublier que la terre sera un jour notre linceul. Il rejette la proximité excessive, l'ivresse mystique. Il ne convoite pas l'âme, mais l'esprit; noble distance et élargissement du regard. Apollon est le plus grec de tous les dieux, car l'esprit apollinien surmonte et combat la démesure. De Delphes, il part avec l’hiver, pour revenir au printemps florissant avec ses oracles, alors ses prêtres chantent les voyelles qui guérissent. Dieu salutaire, il use de son pouvoir dans la grandeur spirituelle. Purifiant le coupable de la souillure qui fait son malheur, libérant l'homme de toute culpabilité physique et morale. Il conseille les infortunés et fournit un idéal de tenue. Il enseigne que la couronne de vie que l'on peut gagner c’est le souvenir de ses vertus, l’esprit de ses perfections et de ses œuvres, le voici donc patron des arts et des sciences. Ainsi il désigne Socrate comme le plus sage des hommes. Socrate prend alors pour destin de sacrifier sa vie à la recherche de la connaissance, de l’épreuve de lui-même et des autres. Ce dieu qui mène à la compréhension est de fait l’instaurateur des lois. Son savoir secret découle de l'élévation de l’esprit tout comme sa musique qui met en émoi la nature toute entière. Pour les lumineux, c'est un ravissement, mais pour les monstrueux un son crispant. Oh ! Comme il faut être mesuré pour percevoir Apollon ! APOLLON, FRESQUE ANTIQUE DU IER SIÈCLE, POMPÉI

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NATURE

Il est ainsi tout à la fois : musicien, purificateur, ordonnateur de règles, connaisseur du juste et de l’avenir. Grâce aux accents de sa lyre, il maintient l’univers en harmonie, son médiator n'est autre que la lumière du soleil. Nous voici arrivés au crépuscule, l'heure est à la rencontre des luminaires, seuil de tous les possibles. L’apparition des jumeaux dans la poésie ou les arts atteste qu'ils sont les plus sublimes des dieux. À part grâce à leur pureté et leur sainteté. Vénérés sous les noms de phoibos et hagnos, pur et sain, ces deux ont quelque chose de secret qui tient à distance. Oeuvrant de concert dans une éternelle complémentarité, Artémis désigne les lieux où l'homme doit bâtir et Apollon les lois qu'ils devront y rédiger. À elle les gynécées, à lui les champs de bataille.

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Et voilà que l'éblouissant laisse entière place à la pureté de la nuit et à sa jumelle lunaire. Dans cet univers féminin où le miroir est la nature virginale. Non la grande-mère sacrée qui enfante, nourrit et reprend en son sein, mais la jeune fille sauvage et inaccessible, pleine de splendeur et de sauvagerie, de dédain et de cruauté autant que d’innocence et de soucis de ses habitants. Dans cette vie grouillante d'agitation où tout est apparenté, c'est l’esprit divin de la nature pure qui s’exprime. C’est celle qui nous mène à l'extase sans pouvoir aimer elle-même ! C’est la chasseresse qui cajole l’ourson et défie les cerfs à la course, c'est Artémis ! Elle est hagnos celle qui symbolise les éléments intacts de la nature, souveraine des montagnes rudes, prêtresse des sources, la très belle que l'on honore en dansant. Liée à tout ce qui vit, elle materne les animaux tout en leur donnant la chasse.

À Apollon, la liberté spirituelle où la pureté est acquise en se libérant des entraves de la démesure et des excès. La masculinité stable, tel le soleil dans son attractif éclat aveuglant. Donneur de vie, force gravitationnelle attirant la terre et maintenant l’axe du kosmos. À Artémis, les idéaux de l’existence physique où la pureté réside dans le virginal. La féminité transfigurée, telle la lune dans sa mobilité et dans son étrangeté qui attire d'autant plus violemment l’homme qu'il en est exclu avec dédain. Archers frappant au loin sans être vus et astres lumineux qui règlent la vie sur terre. II est le soleil, unique source de chaleur, dieu de l’esprit. Elle est la lune, seule lumière dans la nuit, déesse de la matière. APOLLO ET ARTEMIS PAR GAVIN HAMILTON, 1770

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Elle est Artémis phosphoros, la porteuse de lumière, une torche dans chaque main, elle conduit sur les chemins lointains avec son cortège d'esprits errants. Déesse lune, on raconte les histoires de démence qu'elle suscite et que prise de miséricorde elle guérit. Timide adolescente fuyante, faite du charme le plus suave et de la dureté du diamant. Elle condamne d’un sourire avec une sauvagerie qui touche à l'effroyable, là sont les traits de la nature libre à laquelle Artémis appartient. Elle est créatrice et destructrice, les animaux dont les sabots sont séparés tels deux croissants de lune, lui sont consacrés et sacrifiés. Ses prêtresses ont neuf ans, 3 fois 3 morts lunaires. Elles s'enduisent le visage d'argile pour Artémis alpheia, la blanche, obtenant ainsi l'apparence de l’astre rond. Artémis agit du fond de la nature dans le secret du gynécée, main gauche qui punit et droite qui bénit. Elle provoque douleurs menstruelles et fièvre puerperale, pourtant, c'est bien elle qu’on invoque lors du passage à l’état de femme et dans la douleur de l’accouchement. Déesse de la délivrance, elle est locheia.

FRESQUE DE DIANE, VILLA ADRIADNE À POMPÉI, IER SIÈCLE APRÈS J.C

Protectrice, elle se fait kourotrophos, celle qui nourrit les enfants. Comme son frère, elle veille à la croissance, au passage à l'âge adulte, et à la décroissance. Tour à tour, Artémis dans les vertes forêts, Séléné brillante au firmament, Hécate ou Perséphone, enfin aux enfers. Elle est gardienne des espaces chastes jamais pénétrés, reine inconstante de l’exil, magicienne sauvage.

Pour aller plus loin Les œuvres d'Homère Oedipe à Colonne, Sophocle Le sexe des astres, Levi-Strauss Les grandes figures religieuses, Silvia m.s de Carvalho

Cette solitude de la nature a pour l'homme un attrait infiniment touchant, où malgré toutes les mises en œuvre pour la rendre familière et utilisable, le secret ne se révèle jamais complètement. Elle se dérobe à lui, se retrouve partout où il n'est pas. Il peut la détruire, mais jamais vraiment la comprendre. NYMBATHE JOURNAL



INTERVIEW

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Avec KALA Beauté, ça a été le coup de foudre : esthétisme, inspiration, naturel et éthique, tout y était pour me séduire. La démarche au cœur de la marque représente pour moi tout ce que devrait être la cosmétologie. Plusieurs des produits de la gamme font partie de ma routine (beauté externe comme interne) depuis quelque temps déjà. Il était impensable pour moi de ne pas consacrer à KALA Beauté quelques pages pour ce numéro. Par Astarthea

Astarthea : Bonjour à toutes les deux ! C’est un plaisir d’accueillir KALA Beauté pour ce numéro consacré à l’Antiquité. Afin de vous présenter à nos lecteurs, dites-nous, qui se cache derrière KALA Beauté ? Quel est votre rôle au sein de l’entreprise ? KALA Beauté : Tout d’abord, merci infiniment de nous avoir conviées dans ce numéro, tu connais notre amour pour l’antiquité. Derrière KALA, il y a deux petits gémeaux aux caractères bien trempés (Margot & Emma). Sans revenir en détail sur nos parcours respectifs, ce qu'il faut savoir, c'est qu'on ne s'ennuie jamais. Nous sommes des passionnées, on voit le monde avec des cœurs d'enfants joyeux. On invente et fabrique comme des savants fous. On étudie et fouille comme les plus curieux des archéologues. Puis, on travaille comme des abeilles, non-stop, depuis bientôt 3 ans. Nous avons conscience que le monde qui nous entoure n'est pas que beau… Mais nous avons décidé de le nourrir d'amour à notre façon. Nous allons t’épargner la totalité des tâches que nous exécutons, ça serait trop long... Tout faire de façon indépendante et ne rien soustraiter implique une charge de travail considérable, mais c’est le prix à payer pour mettre au monde un projet de sens. De façon générale, Margot est très structurée et permet à KALA d'avoir de grandes lignes directives, elle s'occupe de tout ce qui est finance, administratif, stratégie business, le développement produits...

EMMA ET MARGOT, CRÉATRICES DE KALA BEAUTÉ

Emma est plus sur l'univers et l'image de la marque, le community management, le story telling, la manutention, les préparations commandes, les relations presse... Quoi qu'il arrive, nous discutons de tout à deux et il y a plein de tâches sur lesquelles nous devons être ensemble. Pour faire très bref, nous proposons des produits de beauté DIY avec les matières premières conditionnées dans des ampoules. (tu peux retrouver une vidéo sur notre page Instagram où nous utilisons notre machine à ampoule). Ainsi que des cures, tisanes, bains aux plantes médicinales. NYMBATHE JOURNAL


INTERVIEW

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A : KALA évoque la notion de “ beauté créatrice”. Pouvez-vous développer celle-ci ? KB : On ne répétera jamais assez à quel point il est important de faire les choses en conscience. Nous avons tendance à fonctionner comme des automates, habitués à réaliser les tâches quotidiennes rapidement sans y prêter la moindre attention.⁣⁣ KALA est une invitation à ouvrir des espaces pour soi. C'est prendre quelques minutes pour se reconnecter à l'instant présent. Il y a là un processus nouveau; prendre soin de sa beauté n'est plus seulement appliquer un produit.⁣⁣

LE COFFRET HERA

A : Comment vous est venue cette idée de proposer une marque de produits de beauté inspirée par la mythologie grecque ? KB : Tu l’as remarqué, il y a un attrait grandissant pour les méthodes de soins traditionnels, un réel besoin de retour à la simplicité, à la source. Bien que l’Ayurvéda ou la médecine chinoise par exemple soient absolument passionnants, nous nous sommes demandé où étaient nos traditions de soins ? Pourquoi sont-elles si peu présentes? Qui a écrit à ce propos? Quels sont les méthodes qui étaient utilisées?

D'abord on le fabrique de ses mains. On sait que les matières premières proviennent du territoire français et ont été cultivées avec soin par des amoureux de la Terre. En les utilisant, on contribue à l'économie en circuit-court et on offre un débouché aux petits producteurs laissés à l'abandon par le capitalisme. ⁣ Puis, en appliquant le produit, on pose une intention. La pensée influence directement la matière. Au lieu de souhaiter corriger miraculeusement ces différences qui nous rendent si uniques, KALA propose de s'accepter tel que l'on est. La beauté est propre à chacun, pourquoi la définir selon des codes? ⁣

C’est à travers nos recherches bibliographiques autour du bassin méditerannéen (où nous habitons) et notre exploration spirituelle que petit à petit la mythologie grecque s’est présentée à nous. En étudiant les contemporains Galien, Théophraste ou encore Dioscoride nous avons découvert une mine d’or. Au-delà des produits de bien-être traditionnels, nous avions envie de créer un univers plein de magie et de légendes… CRÈME DE JOUR

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Nous avons ritualisé nos soins en nous inspirant des méthodes des civilisations antiques méditerranéennes. A l'époque, les rituels de beauté s'accompagnaient toujours d'incantations. Les anciens croyaient au pouvoir de dialoguer avec leur propre corps.⁣⁣

A : Qu’est-ce que la KOSMOTIQUE ?

Avoir conscience que la beauté va au-delà de l'apparence physique. Et voir qu'en décidant de prendre soin de soi avec des produits naturels, notre beauté contribue à prendre soin des autres et de la Terre. Elle devient créatrice.⁣⁣

Il est toujours très intéressant de revenir à l'étymologie des mots afin d’en comprendre leur essence. Cosmétique vient du grec ancien « kosmos » qui signifie « ce qui ordonne le monde ». C’est l’harmonie de l’Univers dans toute sa splendeur. L’équilibre des êtres et de la nature. La résonance des astres les uns avec les autres. Le grand tout unifié en mouvement.

Cette beauté créatrice, nous avons eu envie de savoir ce qu’elle animait chez les personnes de notre communauté, c’est pourquoi nous leur avons demandé d’écrire à ce propos… OH MERVEILLES! Tu as d’ailleurs toi aussi participé à ce projet d’écriture collective! Nous continuons à publier les textes que nous recevons, ils nous inspirent et insufflent un peu de lumière dans ce monde. (Si les lecteurs de Nymbathe souhaitent participer, c’est avec plaisir qu’ils peuvent nous envoyer leur inspiration à propos des mots “Beauté Créatrice” à contact@kalabeaute.com)

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KB : Nous ne nous retrouvions pas dans le mot cosmétique. Ce que nous faisons est différent, nous avons donc décidé de nommer notre concept d’une autre façon.

Au fil de l'Histoire, « kosmos » est assimilé à « la parure, l’ornement ». Plus tard, le mot perd de son sens car les Latins le traduisent par « cosmetes » qui signifie « l'esclave chargé de soigner la parure de son maître ». Puis, arrive « cosmétique » au sens que nous connaissons ; « qui prend soin de l’apparence ». La traduction latine nous est encore très proche; nous devons prendre soin de notre enveloppe, l'embellir, la modeler afin de répondre aux préceptes de la société. En ce sens, l'esprit est esclave, le corps est le maître... L’ère est au changement, cet accord tacite n'a plus lieu d'être. La cosmétique ne prend soin que de l’extérieur. KALA vient réunifier le corps et l'esprit en créant la KOSMOTIQUE. C’est le retour à l’équilibre de la beauté telle qu’elle a toujours été, loin des définitions dénaturées qu’on lui octroie. Cette beauté immuable et en même temps propre à chacun.

L'HUILE FLORALE

Nous sommes Créatrices d'essentiels, les produits viennent directement de la Terre et ne prétendent pas miraculeusement changer votre apparence. Utiliser la KOSMOTIQUE c’est s’engager vers une beauté plus saine, car elle prend soin de l’Esprit, du Corps et de la Terre. Les traditions antiques en témoignent depuis des millénaires; nature et beauté ne font qu’un. NYMBATHE JOURNAL


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A : La gamme HERA est un must-have à découvrir. De quel type de produits est-elle composée ? KB : Le but de cette gamme c’est de te permettre réaliser tes produits visage en maîtrisant totalement leurs compositions en quelques minutes à la maison ! Tu peux fabriquer: une eau botanique une crème de jour une huile florale Les ingrédients naturels que nous utilisons sont très peu transformés, tu pourras retrouver des huiles végétales, des hydrolats ou encore des macérats huileux tous issus de petites productions françaises. C’est vraiment simple et ludique, pour fabriquer un produit, il suffit de craquer les ampoules, mélanger et le tour est joué! Nous voulions aller un peu plus loin, donc chaque produit est disponible en 8 versions différentes afin de correspondre au besoin des différentes peaux. (Margot a même créé un questionnaire dont on n'est pas peu fière que tu peux consulter sur notre site)

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A : Pourquoi avoir choisi la déesse Héra en particulier ? KB : Son énergie nous a beaucoup porté, surtout au début de la création de KALA… Nous avions envie de faire passer nos messages de façon poétique c’est pourquoi nous avons tourné un court-métrage en son honneur. Nous avons créé notre propre mythe en nous inspirant des divinités et de la mythologie existante. Il ne faut pas trop en dire, nous vous invitons plutôt à visionner la vidéo afin que vous compreniez pourquoi nous avons choisi Héra et ce qu’elle incarne pour nous.. Spoiler : Emma a obligé Margot à jouer Artémis. Les trois minutes de vidéo représentent deux jours entiers de tournage sous la canicule de Grèce. Toutes les scènes sont tournées dans des lieux sacrés sur L’île d’Aegina.

IMAGE TIRÉE DU COURT-MÉTRAGE HÉRA PAR KALA BEAUTÉ

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Nous avons passé beaucoup de temps à tester, goûter les mélanges, étudier les propriétés des plantes. Nous avions envie de remettre au goût du jour l’usage traditionnel des plantes médicinales françaises. Les Naïades qui sont les nymphes protectrices de la nature se sont imposées comme une évidence pour nommer les produits et les envelopper d’histoires. A : Pouvez-vous nous parler des cures de plantes que vous avez créées ?

CURE DE SAISON

KB : Parlons d’abord des cures de saisons qui sont faites spécialement pour soutenir l’organisme face au changement... Toutes les traditions nous enseignent les vertus de l'alternance qui ne fait que refléter les grands cycles naturels. La cure de saison reprend cet enseignement; elle doit être rafraîchissante en été et détoxifiante en hiver, tonifiante en automne et dépurative au printemps ! L'intérêt est simplement de prévenir troubles et maladies sans attendre qu'ils nous surprennent. Nous conseillons de la prendre durant trois semaines avant d’accueillir la nouvelle saison.

A : Vous offrez également les tisanes des Naïades, composées de différentes plantes. Pouvez-vous nous présenter cette gamme ? KB : Nous avons pensé une gamme de tisane à base de plantes médicinales afin d’accompagner les petits dysfonctionnements et petits maux du quotidien. Il y en a dix pour soutenir les grands systèmes du corps humain; tisane digestive, articulaire et musculaire, immunitaire et respiratoire ect… Nous n’utilisons que 26 plantes différentes pour faire nos mélanges, tu commences à comprendre que derrière tous nos choix il y a une raison… Les plantes devaient être disponibles chez un petit producteur français être cultivées en agrobiologie être connues et utilisées durant l’antiquité avoir un mythe associé

TISANE BIEN-ÊTRE DES NAÏADES

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Nous avons aussi pensé à une cure qui se fait sur les cycles de la lune en résonance avec la déesse Hécate. Ce qui est génial avec celle-ci c’est que tu peux la commencer n’importe quel mois de l’année au lendemain de la pleine lune lorsqu’elle entame sa phase décroissante. Débute alors la Phase I de détox qui va durer 14 jours. Tu continues ensuite avec la Phase II, énergisante qui se réalise également pendant 14 jours en lune croissante. C’est un bon moyen de se recentrer si on sent que notre corps et notre énergie partent un peu dans tous les sens. Tu seras d’accord avec nous pour dire qu’on découvre bien des trésors lorsque l’on prend le temps de s'aligner avec les astres…

BAIN VISAGE

A : Les bains de plantes aux noms enchanteurs de Naïades offrent du rêve. Comment ces synergies sont-elles pensées ? De quelle façon les utilise-t-on ? KB : L’usage des plantes médicinales dans les bains était très répandu durant l’antiquité. Nous avions envie de mettre en avant ces pratiques à travers des bains vapeurs visages. Ils s’utilisent comme une inhalation, la vapeur va purifier la peau en profondeur. Ils ont tous une base de thym et de romarin pour également avoir un effet sur les voies respiratoires.

- CURE LUNAIRE D'HÉCATE

Nous proposons également des bains pour le corps ou les pieds ! Nous conseillons de préparer une grande marmite d’infusion à verser dans le bain, puis de parsemer l’eau des fleurs et plantes à la guise de chacun. Les mélanges sont pensés pour détendre, booster l’organisme, hydrater ou purifier. NYMBATHE JOURNAL


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A : J’ai pu tester vos Perles du Phénix ainsi qu’un encens en résine. Je les aime énormément, notamment en offrande sur mon autel. Votre palette d’encens, totalement naturelle, s’est étendue dernièrement. Sous quelle forme se présentent-ils ? D’où sont-ils issus ? KB : C’est nos petits trésors… Nous proposons trois résines différentes de conifères des Alpes. En fonction de l’altitude nous lui conférons différentes propriétés. Pour son utilisation, il convient de la mettre sur un charbon incandescent. C’est un ami de la montagne qui nous a fait découvrir cette tradition. La résine que tu retrouves chez nous est ramassée uniquement par lui. Ainsi, nous nous assurons que les arbres ne sont pas “saignés” pour leur résine, il prend uniquement la sève qui coule le long des troncs. Il fabrique aussi des petites perles d’encens, le procédé utilisé pour la fabrication est le même que le papier d'Arménie. L’odeur qui se dégage est également celle de la résine mais moins forte.

PERLE D'ENCENS

ENCENS RÉSINE

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BAIN D'ARGILE ET DE FLEURS

A : N’oublions pas non plus la gamme des argiles de Prométhée. Une nouvelle fois, pouvez-vous nous révéler l’essence de ces produits ? KB : Comme tu l’as très bien remarqué, tous les produits portent des noms liés à la mythologie. Pour les argiles nous avions envie de rendre hommage aux terres de Grèce, c’est pourquoi nous leur avons donné des noms de monts ou terres sacrées. Lorsque tu parcours le site, tu peux voir que les “familles” de produits ont toujours une légende associée, voici celle de Prométhée…

“ Le mythe raconte que Prométhée façonna les premiers Hommes dans l’argile. Athéna, admirant son art, anima les créatures encore inertes. Mais les enveloppes charnelles étaient bien vides de sens, pas une étincelle dans leur regard... Prométhée s’empressa de voler du feu à Héphaïstos afin de rendre les Hommes lumineux. Cette flamme insérée aux creux des êtres devint leur âme... il paraît que cette même braise brûle encore dans le ventre de l'humanité. ” NYMBATHE JOURNAL


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A : La marque met un point d’honneur à respecter une charte éthique : pourriez-vous nous parler de vos matières premières et de leurs origines ? KB : L’origine de nos matières est vraiment un point clef de notre projet. Nous avons évoqué tout cela au fur et à mesure des questions mais il est important d’en faire une synthèse, pour nous la traçabilité et la qualité était primordiale. Nos 26 plantes médicinales sont cultivées à la main par les paysans-producteurs du Syndicat des Simples. Elles poussent en agrobiologie, une agriculture respectueuse de la nature et des êtres vivants. Nos 8 argiles sont extraites de carrières françaises selon des procédés de séchage et de broyage mécaniques. Elles sont naturelles et ne subissent aucun traitement chimique, ni ajout de pigments. Nos 3 résines d’encens sont ramassées par notre ami Eric sans saigner les arbres. Il récupère ce que la nature lui offre, puis nous envoie sa récolte magique dans notre atelier du Sud de la France. Nos ingrédients actifs pour les produits de beauté (huiles végétales, hydrolats, macérats) sont issus du végétal par des procédés traditionnels de fabrication (pression mécanique, hydro-distillation, macération solaire). Ingrédients fonctionnels pour les produits de beauté (émulsifiants, texturisants, conservateurs) sont également issus du végétal (chicorée, maïs, crucifères) par des procédés mécaniques exempts de solvants chimiques. De l’approvisionnement des matières premières jusqu’à l’étape finale des produits, rien n’est laissé au hasard. Nous menons toujours l'enquête afin de trouver les solutions

les plus proches de chez nous. Nous privilégions le circuit court dans le but de valoriser le travail des entreprises locales. Il arrive que les solutions les plus responsables ne soient pas présentes sur notre territoire. Dans ce cas seulement, nous faisons appel à des entreprises des pays frontaliers de l'UE (Allemagne, Belgique). Nous demandons des fiches techniques et certificats d’origine pour tout ce que nous sélectionnons. Si nous pouvons nous rendre sur place, nous le faisons également. Tous les produits KALA sont fabriqués par nos mains dans notre atelier du Sud-Est de la France! A : De plus, KALA est écoresponsable, n’est-ce pas ?

une

marque

KB : Nous avons construit la totalité du projet de façon responsable. Nous croyons que c’est notre devoir en tant que nouvelle génération. Nous ne sommes pas dans la rue à manifester contre un système qui ne nous convient pas… mais c’est une forme d’activisme que d’avoir une activité engagée sur tous les points. Nous ne pouvons pas espérer voir le monde changer du jour au lendemain mais c’est notre façon à nous de mettre notre pierre à l’édifice. On ne te cache pas qu’il est compliqué d’être en marge du fonctionnement de la plupart des entreprises, le circuit-court à un coût. Le fait de tout fabriquer de façon indépendante demande un investissement personnel à 100%. Mais nous sommes fières d’avoir fait ces choix et on espère que ça inspirera d'autres personnes à réaliser des projets de coeur. NYMBATHE JOURNAL


INTERVIEW

A : Que souhaitez-vous faire ressentir et apporter aux personnes qui utilisent les produits que vous concoctez ? KB : C’est amusant que tu nous poses cette question… Car nous nous sommes réellement demandé la même chose. Nous croyons que les gens ont besoin d’un peu de magie et de beauté. Quand tu reçois tes petits produits, on a envie que tu ressentes tout l’amour et la passion qui est dedans. Il y a aussi une partie rituel pour certains coffrets ou tu peux vraiment ouvrir des espaces de pratique très simple pour te faire du bien. Nous t’invitons à te reconnecter à tes sens, notamment grâce à la rééducation olfactive. Chez nous, pas de produits de synthèse, tout est brut. Tu ne trouveras pas d’arômes dans les tisanes ou de parfum dans les produits de beauté. Ces odeurs de plantes permettent de faciliter ton ancrage. Imagines, tu es en ville, tu vois peu la nature… Tu ouvres un sachet de tisanes et tu trouves de belles plantes séchées que tu peux toucher, sentir…

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Pour le mois de Février, c’était le coffret Rituel du Phénix qui était à l’honneur. Nous proposions de nous concentrer sur la guérison de l’âme et la compréhension de notre chemin. Nous avions donc deux rendez-vous à ce sujet : Mercredi 9 Février avec Rebecca de Alchimie et grimoire, c’est une vraie sorcière, elle fait des lectures d’âme, des régressions karmiques entre autres… Mercredi 23 Février avec Clémence de Maison Khepri, qui est thérapeute, passionnée d’astrologie, elle utilise le Theta Healing et l’hypnose… Mais ce n’est qu’une ébauche du savoir et des pratiques de ces femmes incroyables. L’idée c’est de présenter toutes ces personnes et que notre communauté puisse piocher ce dont elle a besoin pour avancer dans son éveil et son développement personnel.

Il y a aussi une dimension que l’on peut qualifier d’éducative, sur le site nous essayons de donner un maximum d’informations pour que les personnes comprennent bien ce qu’elles ton entre les mains et comment l’utiliser. A : Votre compte Instagram est très actif et plaisant à suivre. Depuis peu vous réalisez des lives avec des invités. Pouvez-vous nous en parler ? KB : Nous avions envie que le compte instagram soit utile à notre communauté. Nous avons rencontré tellement de personnes incroyables à travers notre travail ces 3 dernières années que nous voulions en faire profiter tout le monde ! Tous les mois, nous proposons un coffret rituel avec une thématique associée. En fonction de la thématique, nous invitons des personnes dont le savoir ou les professions nous paraissent pertinentes. NYMBATHE JOURNAL


INTERVIEW

A : Pensez-vous créer de nouvelles gammes inspirées d’autres divinités, dans les temps à venir ? KB : Oh si tu savais… Lorsque nous avons pensé KALA, nous avons créé des gammes de produits de beauté sur cinq ans… Peut-être aurons-nous l’occasion un jour de développer tout ça ! Mais pour l’instant nous devons nous restreindre aux 70 références qu’il y a sur le site. Ce qui est déjà pas mal cela-dit. A : Avez-vous des projets que souhaiteriez confier à nos lecteurs ?

vous

KB : Plus nous avançons, plus nous prenons conscience que la vie est mouvement,

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changement, bien sûr que nous aimerions continuer à développer KALA, mais peut-être que le projet se modifiera au fil du temps. Qui sait ? Nous chérissons l’idée de pouvoir ouvrir un centre de soin un jour entièrement dédié au bien-être, nous sommes encore loin de tout ça. Il est important d’avoir de grands rêves mais il est encore plus important d’être dans le présent et de profiter de chaque instant. A : Merci énormément, Margot et Emma, d’avoir accepté mon invitation et de nous avoir dévoilé l’esprit ainsi que le concept de votre fabuleuse marque de produits. J’espère que nos lecteurs seront aussi enchantés que je le suis !

Pour découvrir l'incroyable univers de KALA : SITE : KALABEAUTE.COM INSTAGRAM : KALA_BEAUTE_CREATRICE FACEBOOK : KALABEAUTECREATRICE

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DO IT YOURSELF

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CÉRAT HYDRATANT ET PROTECTEUR

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Pour ce numéro sur le monde antique, quoi de mieux que de vous proposer une des recettes de l'ouvrage : Fabriquez vos soins de l'Antiquité, de Maud Kochanski Lullien, chez Améthyste Édition du groupe Alliance Magique. Vous rêvez d'être aussi mystérieuse et envoûtante que la reine Cléopâtre ? Et bien suivez-moi ! Par Nymbathe

INTRODUCTION Tout d'abord, qu'est-ce qu'un cérat ? Si vous ouvrez votre Robert, vous pourrez y lire ces mots : "Mélange de cire et d'huile destiné à des applications sur la peau". Celui dont je vous présente la recette est à base de cire d'abeille, de cire florale de rose et d'huile d'olive. Les propriétés de cette combinaison sur notre corps composera un 'anti-rides naturel.

IL VOUS FAUT 1 c.à.s de cire d'abeille 4 c.à.s d'huile d'olive 1 morceau de cire florale de rose de la taille d'une graine de tournesol. 1 petite boîte pour y conserver la préparation.

ATTENTION

Cette recette est tirée de : Fabriquez vos soins de l'Antiquité dans sa globalité. Veuillez bien respecter les consignes. NYMBATHE JOURNAL


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1 . "Faites fondre au bain-marie une cuillère à soupe de cire dans quatre cuillères à soupe d’olive, auxquelles vous ajouterez un morceau de cire florale de rose de la taille d’une graine de tournesol (où vous utiliserez simplement de

QUELQUES INFORMATIONS : Vous pouvez conserver votre cérat plusieurs mois dans un endroit frais ou tempéré.

l’huile de rose, si vous en avez)." Ce dosage est pour une boîte qui "équivaut à une routine de plusieurs semaines sur la base de la recette donnée, mais vous pouvez doubler, tripler, le cérat étant une base qui sert à tout."

2 . "Quand la cire est complètement fondue, transvasez le mélange dans le pot.

Appliquez le pendant une minute sur votre visage.

Puis laissez reposer au frigo ou dans un bol d’eau froide."

3 . "Prenez un peu de cérat entre les doigts et mouillez-le avec un peu d’eau avant de l’étaler sur votre visage. (le cérat du pot doit rester sec). Mouillez de nouveau votre visage, comme le préconise Hippocrate."

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MAQUILLAGE À LA CLÉOPÂTRE

Par Diane Snotra

Quand on évoque le domaine de la beauté dans le monde antique, on pense immédiatement à Cléopâtre, cette reine mythique d’Égypte ! Le célèbre film de 1963 portant son nom et mettant en scène la légendaire Elizabeth Taylor a contribué à populariser cette image de souveraine divine au maquillage bleuté et étiré sur les tempes, lui apportant un regard aussi hypnotisant que son aura millénaire. C’est donc ce maquillage que je vais vous apprendre à réaliser sur vous les jours où vous vous sentez aussi puissante et belle que Cléopâtre !

Pour commencer, appliquez votre fond de teint liquide, crème ou poudre habituel de manière naturelle au doigt ou au pinceau, selon votre technique favorite. Ensuite, munissez-vous de votre poudre de soleil afin de réchauffer votre teint à l’instar de Cléopâtre qui vivait sous le soleil égyptien. Prélevez-en avec un gros pinceau pour le teint et appliquez-la à la racine de vos cheveux, sur vos tempes et sur l’arête de votre nez. Le tout avec parcimonie, car le but est de créer un effet d’avoir pris le soleil naturellement. Pour en finir avec le teint, ajoutez un blush pêche ou rosé selon votre carnation (pêche pour les peaux mates ou tirant sur le jaune et rose pour les teints pâles ou tirant sur le rosé) sur le haut de pommettes afin de les relever et de leur donner un air félin qui complimentera le travail des yeux qui va suivre. NYMBATHE JOURNAL

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Mais avant cela, il est important de rehausser vos sourcils ! Choisissez un crayon ou un fard poudre d’un ton en dessous de la teinte naturelle de vos sourcils afin de les rendre plus intenses. Pour cela, suivez tout simplement la ligne naturelle de vos sourcils avec le crayon ou le fard. Si vos sourcils sont fins, vous pouvez un peu les épaissir pour ce maquillage, car ils doivent être forts pour bien encadrer le maquillage des yeux ! À l’aide d’un fard crème ou poudre bleu (pailleté ou mat, c’est selon vos goûts, car les deux versions fonctionnent très bien !), vous allez pouvoir vous enduire toute la paupière du haut en remontant jusqu’au sourcil et en étirant sur les tempes jusqu’à la queue (référez-vous aux photos d’Elizabeth Taylor pour la forme précise à adopter). Pas besoin d’estomper ce magnifique bleu puisqu'il doit former un monobloc de couleur. Vous pouvez ajouter quelques paillettes dorées par-dessus le bleu afin d’ajouter encore plus de panache à ce maquillage si vous le désirez. Ensuite, il vous faudra un crayon khôl noir ou un crayon pour les yeux basique noir, mais très crémeux et gras pour en ourler vos yeux aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur de la muqueuse ! C’est très important d’en mettre partout, sinon vous aurez les parties non maquillées qui feront comme des trous blancs disgracieux dans votre rendu final. Étirez ensuite la pointe de votre crayon vers les tempes, exactement comme quand vous faites un eyeliner, mais de manière beaucoup plus épaisse et étirée et en traçant une sorte de triangle inversé qui s’arrête à la queue du sourcil et qui ainsi, encadre complètement le fard bleu. Pour le coin interne de l’œil, faites une pointe légère à la manière des maquillages de chat. Pour finir ce maquillage royal, appliquez un peu de mascara noir sur vos cils du bas et du haut ainsi qu’un rouge à lèvres crémeux ou mate de couleur nude. Vous voilà maquillée comme Cléopâtre ! NYMBATHE JOURNAL

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RECETTE

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TITRE

Spanako Keftedes TEMPS DE PRÉPARATION

15 min

TEMPS TOTAL

45 min

INGRÉDIENTS Keftedes: 100 gr d'épinards cuits égouttés et hachés

PRÉPARATION

30 gr de feta 1 càs de parmesan 1 càs de persil finement haché 1/2 càc de fenouil moulu Sel et poivre

Chapelure : Farine 1 œuf Chapelure

1. Dans un saladier, mélangez tous les ingrédients des Keftedes, en salant et poivrant à votre goût. 2. Formez des petites boulettes que vous disposerez sur un plat allant au réfrigérateur. 3. Laissez 30 minutes au frigo. 4. Préparez trois plats distincts avec les ingrédients de la chapelure : un bol de farine, un bol d'œuf et un bol de chapelure. 5. Sortez les boulettes du frigo, et roulez-les successivement dans la farine, l’œuf, et la chapelure. 6. Jetez-les quelques minutes dans un bain d'huile chaude, le temps qu'elles dorent et servez en accompagnement avec une salade. NYMBATHE JOURNAL


RECETTE

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TITRE

Liqueur Mylona TEMPS DE PRÉPARATION

15 min

TEMPS TOTAL

1 mois

INGRÉDIENTS 1 L d'eau-de-vie, ou de vodka 2 bâtons de cannelle

PRÉPARATION

5 clous de girofle 5 graines de cardamome 1/2 càc de muscade moulue Sirop de sucre, selon le goût

1. Commencez par écraser légèrement les graines de cardamome pour les ouvrir. 2. Versez dans une jarre l'eau-de-vie ou la vodka, ajoutez toutes les épices et placez à reposer dans un endroit sombre, à température ambiante. 3. Laissez reposer 1 mois, en donnant un tour de cuiller en bois tous les 2-3 jour. 4. Ce mois écoulé, filtrez les épices et allongez à votre goût l'alcool avec le sirop de sucre.

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AU JARDIN D’HESPÉRIS

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L’Art de la transmission par le Verbe Par La Poudre et la Plume

Devons-nous créer des œuvres dignes des artistes les plus (re)connus pour donner vie à l'Art, aux Arts ? Ou, au contraire, sont-ils à la portée de celles et ceux qui se contentent d'ouvrir grand leurs yeux pour regarder, leurs oreilles pour entendre, leurs mains pour recueillir… Leur cœur pour s'émouvoir ? Peutêtre les Arts se font-ils alors Médecine en nous reliant à notre Terre, à celles et ceux qui y ont marché avant nous, comme celles et ceux qui marchent encore à nos côtés. Peut-être nous suffit-il simplement de revenir à nos sens pour accueillir et nourrir ces Arts nés de nos mains, nés de la Terre. Car, parait-il que "la beauté est dans les yeux de celui qui regarde" (Oscar Wilde). Et, dans les yeux de Nadège Quinssac, créatrice du podcast Au Jardin d'Hespéris, elle qui peut se nicher dans la délicatesse d’une fleur et de sa senteur, un mot qui murmure à nos oreilles, une langue ancienne… Et même, dans des souvenirs chéris, de ceux que les années qui passent ne suffisent pas à délaver. Alors, il nous reste… Il nous reste leur tendre caresse, imprimée sur notre peau d'argile, retenue dans notre cœur sensible. Issue d’une formation en Lettres Anciennes, Nadège Quinssac enseigne le français, le latin et le grec depuis 1999. Un métier passion qui dépasse pour elle les murs étriqués des seules salles de cours… Éprise de mythologie, pour ses précieuses transmissions, pour ses enseignements qui n’ont en rien perdu de leur richesse au fil des siècles, Nadège a créé en octobre 2020 le podcast "Au jardin d’Hespéris”. HÉRACLÈS ET LES HESPÉRIDES. BAS-RELIEF. VILLA ALBANI, ROME.

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A GAUCHE : LE JARDIN DES HESPÉRIDES, FREDERIC LEIGHTON| AU CENTRE : HESPERUS, WILLIAM ETTY| À DROITE : LOGO D'AU JARDIN D'HESPÉRIS

Là-bas, elle nous propose des balades contées entremêlant harmonieusement mythologie et astrologie. Et, quand on saisit sa main tendue pour arpenter les sentiers des anciens, c’est nous-même que nous découvrons au détour d’un chemin… Chemin que nous vous proposons d’emprunter auprès de Nadège :

Et, sur ce chemin, l’astrologie découverte par ces peuples anciens s’est naturellement rattachée à mes centres d’intérêt. J’ai ensuite suivi une formation en Lettres Anciennes, pour, à mon tour, transmettre ces enseignements qui me sont si précieux. C’est ainsi que j’enseigne le français, le latin et le grec depuis plus de vingt ans.

“Jeune fille, je vibrais déjà pour la culture antique et ces croisements entre divinités et vie quotidienne des Anciens. Ainsi, la découverte du grec par l’enseignante qui m’a initiée en fin de 6e m’a ouvert un champ des possibles illimité qui m’a fait voyager dès mes 11 ans. J’ai été littéralement séduite par cette enseignante qui nous a rendues accessibles les connaissances antiques en les entremêlant étroitement à notre époque et à ses problématiques.

En 2020, en parallèle de mon métier d’enseignante, j’ai été sollicitée par Alexandra Fryda Marty pour réaliser des audios sur les divinités associées à chaque Archétype. Vu les retours enthousiastes et les demandes reçues, le Jardin d’Hespéris est devenu une évidence pour offrir un espace spécifiquement consacré au grec et à sa culture riche. Je l’envisage ainsi comme une formidable opportunité de porter ma voix plus loin que le collège où j’enseigne, de pousser les murs afin NYMBATHE JOURNAL


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afin de rendre plus accessible le grec, le dépoussiérer et montrer tous les apports de cette culture au cœur de notre vie. J’y suis fidèle à ma façon de l’enseigner, en tressant des liens étroits entre Antiquité et Modernité, comme son enseignement m’a été transmis. Au printemps 2021, c’est devenu une évidence : je souhaitais aller encore plus loin dans ce tissage entre deux Mondes, deux Temps, et ces êtres humains qui ont foulé notre Terre tour à tour. J’ai ressenti au creux du ventre l’élan de rencontrer des Tisseuses et Tisserandes Modernes qui, comme leurs aînées, œuvrent chaque jour depuis l’espace du cœur, avec leurs propres savoir-faire, fils et aiguilles, pour la Grande Oeuvre. Désireuse de les rattacher à cette lignée, de les inscrire en héritage, j’ai donc commencé à inviter au Jardin d’Hespéris des femmes qui m’inspirent par leurs tissages du quotidien. L’idée est d’unifier, à l’instar du péplos d’Athéna. Tissée et brodée durant neuf mois dans les ateliers de Tisserandes, cette création unificatrice était en effet vouée à revêtir la statue de la Déesse en bois d’olivier lors de la fête des Panathénées, laquelle cristallisait toute la cité athénienne.

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Le Jardin d’Hespéris a également connu une autre forme d’expansion, d’abord avec Beauty Therapy Absolution. Chaque mois, je prends ma plume pour la rubrique “Le rendez-vous des divinités”, mettant en avant une Divinité en lien avec un mois, une saison, un archétype… Sous tous ses aspects. Ainsi, la Déesse Hestia, qui a accompagné le mois de janvier, a bien plus de rôles, de poids et de puissance que celui, unique, qu’on lui attribue traditionnellement (à savoir, veiller à la flamme). Ce fut donc un régal pour moi de le décliner dans de nombreux domaines afin de mettre en lumière les autres rôles clés qui lui étaient dévolus. Une autre expansion s’est faite aux côtés de KALA Beauté Créatrice. Les deux femmes qui œuvrent derrière cette marque sont si inspirées par l’Antiquité qu’elles donnent à leurs délicates créations (tisanes, bains du visage ou du corps…) des noms de Divinités. Elles m’ont donc proposé de porter ma voix à leurs côtés pour nous promener auprès de la Divinité choisie par leurs soins. Chaque mois, j’écris un texte et enregistre un audio pour inviter à une balade à la découverte des plantes, arbres et végétaux entrant dans la composition des créations mises à l’honneur en fonction de la saison ou de la lunaison.

Unifier… Mais aussi, préserver et perpétuer tel un trésor ce fil précieux qui nous relie à nos anciennes. Un trésor pour moi, qui reçoit leurs mots en cadeaux, et un trésor pour elles, qui, en déroulant l’écheveau de leur pratique, de leurs ouvrages… De leur vie, en apprennent davantage sur elles-mêmes. C’est ainsi que grâce à cet immense ouvrage tissé par chacun et chacune, des portes insoupçonnées se sont ouvertes, d’un être humain à un autre. Bientôt, un Tisseur entrera au Jardin, ouvrant la voie au Tissage au masculin. De même, certains Artisans et Artisanes, eux aussi Tisseurs et Tisserands au service du Collectif placés sous le patronage d’Athéna, y trouveront leur place pour honorer les travaux et ouvrages créés de leurs mains dans la matière.

LEKYTHOS (AMPHORE À HUILE) EN TERRE CUITE (-540) D'UNE SCÈNE EN LIEN AVEC LA FABRICATION DES TISSUS

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L’Antiquité vient m’enseigner sur leur sagesse, leur détermination à faire avec la Nature… Et leurs erreurs, elles aussi sources d’apprentissage. Ils détenaient ainsi les clés du savoir sage, de par l’observation de la Nature dans son cycle de Vie-Mort-Vie. Ils avaient compris que l’être humain est en éternel partenariat. S’il refuse ce partenariat, l’équilibre est impossible. Il vit alors dans l’hybris, le déséquilibre et l’excès. Étant Balance ascendant Capricorne, j’aime profondément l’équilibre et l’harmonie. Je ne boude pas mon plaisir à voir le Beau dans la plus petite chose, qui contient en elle le germe de la grâce.

Enfin, en novembre 2021, mon expansion a pris un autre visage auprès de Clémence Tisserot, créatrice de Céleste Community et Espiègle Paris. Elle m’a ainsi proposé une transmission au sujet des “Prêtresses du Miel”. Celle-ci prend la forme d’un livret écrit, sorti du nid pour être mis en voix lors d’Ateliers d’1h30. À ce jour, les deux premiers volets ont eu lieu. Auprès de Clémence, je vous dévoile les origines du Miel, sa symbolique autant mythologique que sociétale ou culturelle, je décrypte le mythe de l’apiculteur antique Aristée, je pars à la rencontre des Prêtresses des Déesses ou Dieux nommées les “Prêtresses du Miel”... C’est aussi l’occasion de croiser des Poètes et Philosophes au Verbe à la saveur du miel, pour nous enivrer de ce divin nectar.

Dans mon métier, j’enseigne les langues et cultures anciennes sous cet angle : nous décryptons les Mythes pour tous les fantasmes et peurs nichés en leur sein. J’aime aussi rendre tangible et concrète cette partie de l’Histoire en tissant des ponts, des passerelles, des liens entre cette époque fascinante et la nôtre en soulignant que, même si le contexte change, les problèmes de fond demeurent. Les questions des êtres humains restent les mêmes à travers les âges.

Il me semble primordial de tresser de tels liens avec l’Antiquité, comme beaucoup le font avec la culture Celte, et ainsi d’entrelacer les fils reliant cette période avec notre époque moderne. En effet, les Anciens vivaient en osmose, en équilibre, avec les lunaisons, les saisons, les rythmes de la Terre, de la Lune et du Soleil. Ils avaient compris l’importance de respecter les cycles de la Nature qui les avait accueillis. NYMBATHE JOURNAL


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Faire aborder la philosophie Antique en m’appuyant sur des exemples modernes est donc mon terrain de jeu favori avec les élèves. Quand je vois qu’ils comprennent ce lien et qu’ils arrivent à le mettre en mots, en faisant le parallèle avec des personnes qu’ils côtoient, des situations personnelles, je sais que j’ai tissé avec eux, comme ils ont tissé avec moi. Ce tissage restera les habiter, prêt à être ensuite réactivé au moment opportun de leur vie. Dans ces instants-là, je me sens presque euphorique, en entière harmonie avec ce que je fais de mon métier. Mon Art est celui de la transmission par le Verbe. Je reste en effet intimement convaincue qu’il peut apporter outils et ressources à ceux qu’il touche, comme il m’a tant apporté et continue à m’apporter dans les repères, les couleurs et les contours de ma vie. Je le vois comme une pochette médecine qui rassemble les Mythes, les Divinités, la Parole médecine, les notions philosophiques, l’artisanat comme les pharmakon, ces plantes médicinales des Magiciennes-Sorcières de l’Antiquité si proches de la Nature, en symbiose avec elle. Cette pochette médecine tisse avec tous ces domaines et savoirs dont les Anciens ont planté les graines et qui continuent à germer, à éclore et à infuser en nous, dès lors que l’on cueille le nectar précieux des sources et racines antiques qui sont notre berceau.

C’est ainsi que les Arts Médecines m’évoquent des savoirs et savoir-faire ancestraux, transmis de génération en génération. Ce, pour apporter du baume, des remèdes, des solutions, résoudre des situations, guérir, et aider, en harmonie avec la Nature et la philosophie des Anciens, ceux à qui ils sont appliqués. Ils répondent ainsi à mon amour pour les cultures anciennes, leur façon de voir les choses et la vie. Ils sont également en résonance forte avec ma façon de me soigner et de me faire du bien en passant par ce que la Nature nous offre. Ce profond respect de la Nature par nos anciens me touche et me rappelle profondément le regard que mes propres grands-parents maternels portaient sur le Monde. Ils m’ont appris à vivre en préservant cette cyclicité : à manger des fruits et légumes de saison, et de préférence locaux, à faire alliance avec les saisons et les lunes. De même, Rose, ma grand-mère, m’a appris le langage des fleurs, la patience à leur égard et l’émerveillement en assistant à leur éclosion, leur floraison, en admirant les couleurs qu’elles nous offrent. Ainsi, les plantes et les cadeaux du jardin m’ont été transmis, même enseignés parfois, par elle. De la cueillette de l’aubépine aux tisanes de tilleul, du potager à la culture des fleurs, telles que les cosmos, le gypsophile, les statices, les gaillardes, les œillets… Et surtout les roses. NYMBATHE JOURNAL


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Le jardin de mes grands-parents maternels, avec les champs qui entouraient leur maison, est LE souvenir doux et LE lieu refuge avec lequel je me reconnecte très souvent pour y revoir les abeilles butiner les fleurs cultivées, celles-là même contemplées et adorées par ma grand-mère. Ainsi, j’y vois les grappes de lilas dodeliner, j’y goûte à nouveau les cerises qui me faisaient de jolies boucles d’oreilles avant de les déguster. J'y revois le figuier et ses succulentes figues violettes, le banc de bois comme la cabane fleurie que mon grand-père m’avait créés pour y faire la dînette ou y lire les aprèsmidis chaudes d’été, les pissenlits cueillis par ma grand-mère pour les faire en salade… Le potager, les prunes pour les délicieuses confitures cuites dans le chaudron. Je me revois lire à haute voix, déclamer, me gargariser du doux miel des mots lus tout en foulant l’herbe grasse et verte… Puis, je notais précieusement les mots nouveaux rencontrés dans mes nombreuses lectures. Et je lisais du grec, savourant les sonorités de ce nouvel alphabet, m’emmenant dans ses paysages exotiques et ensoleillés donnant sur une mer scintillante… Alors, oui, les Arts médecines sont pour moi dans la Nature, ses fruits, ses légumes, ses herbes et plantes, dans le Verbe et ses couleurs chatoyantes… Mais aussi dans les fils, pelotes, tissus et étamines à broder que ma grand-mère, aussi couturière, aimait à sortir les après-midis et soirs pour créer… Un lien de transmission génétique, héréditaire, me relie à eux. Ainsi, ils me nourrissent de leur beauté toujours réinventée : Une fleur éclose un matin de printemps, le jasmin odorant le soir venu, les feuillages des arbres et leurs camaïeux de vert, les livres et leur richesse dès les premières lignes, mais aussi, une odeur de livre ouvert… Les Arts Médecines m'offrent leurs généreux cadeaux et me permettent de contempler, de réfléchir. NYMBATHE JOURNAL


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De me sentir en gratitude pour tout ce qu’ils m’apportent et que je peux ensuite transmettre à mon tour dans mes cours, créations, publications d’épisodes au Jardin d’Hespéris. Entre eux et moi, entre moi et eux, c’est un tendre et amoureux va-et-vient, un doux échange nourricier.

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Alors, j’essaie à mon échelle de transmettre comme je l’ai appris en montrant l’utilité et la richesse contenues dans ces Arts Médecines. Je porte ma voix pour que le message soit plus largement entendu, pour tisser encore et encore plus grand, comme une envie irrépressible de transmettre, car je ne peux pas garder de tels trésors pour moi seule vu les Médecines et enseignements qu’ils contiennent. Beaucoup de Divinités m’accompagnent et me séduisent : Artémis et sa force de caractère, à une époque où les femmes n’étaient pas écoutées ; Apollon et la protection qu’il nous offre dans bien des domaines, la fascinante Athéna, à la fois Guerrière et Gardienne des Tisserandes et Artisans… Mais aussi Hestia, qui m’a enveloppée de douceur en ce mois de janvier, m’aidant à traverser des temps parfois confrontants. En la mettant en lumière pour Beauty Therapy Absolution, allant ainsi à sa rencontre plus profondément, c’est comme si un dialogue s’était ouvert. Je ressens sa présence fortement depuis, comme si elle m’infusait ses énergies protectrices, douces et bienveillantes pour me préparer à l’impulsion printanière, à l’élan de vie des beaux jours inspirés. D’ailleurs, je la porte à mon poignet grâce au superbe bracelet confectionné par Julie Frigara, l’une des inspirantes Tisseuses, invitée au Jardin d’Hespéris en 2021. Faire le tour de la Roue de l’Année en la compagnie de ces Déités, m’accompagner de leurs plantes, enseignements, essences… m’apprend à savourer chaque journée, soirée, lunaison, saison, pleinement, et m’offre de les vivre pleinement. Plus qu’une simple routine, c’est un véritable rituel, un art de vie : je ne m’imagine pas faire ni vivre autrement.” NYMBATHE JOURNAL



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LA LOUVE CAPITOLINE Comment évoquer l’Antiquité sans parler de l’image de la Louve romaine, et de ses enfants, fondateurs de l’un des empires les plus puissants encore à ce jour ? Laissez-vous conter sa légende et celle de sa progéniture. Par Moïra

Appelée Lupa Capitolina, emblème ancestral de la ville de Rome, cette statue de bronze créée par Antonio Pollaiuolo, est exposée en plein cœur du Palais des Conservateurs romain, mais compte de très nombreuses répliques partout dans la ville et à travers le monde. Son importance aux yeux des Romains, mais plus largement de toute l’Italie, est colossale. La ville aux sept collines s’appuie sur plusieurs légendes mythologiques. Celle que je choisis de vous conter ce jour est la suivante. Les enfants du roi Procas, seigneur de l’une des plus anciennes cités d’Italie, Alba Longa, se déchirent pour sa succession. De leurs maux naissent une guerre interne d’une grande violence, et qui dépassera les frontières de la cité. Problème, cette cité se situe à moins d’une vingtaine de kilomètres de Rome. Numitor, l’aîné, finira par céder le trône à Amulius, le plus jeune des deux enfants, pour apaiser les tensions et trouvera un terrain d’entente avec ce frère qui souhaitait à tout prix cette reconnaissance de souverain aux yeux du monde. Tandis qu'il devient un tyran, effrayant par la simple évocation de son nom, Amulius voudra s’assurer qu’aucun descendant de son frère ne puisse réclamer le trône et le faire tomber. Il tuera de manière cruelle son neveu Lausus, et imposera à sa nièce, Rhéa Silvia, de devenir prêtresse de Vesta. Conséquence, la jeune fille est condamnée à rester vierge pour le reste de ses jours, et donc à ne jamais donner d’héritier à la lignée de Numitor.

LOUVE CAPITOLINE, SCULPTURE EN BRONZE

Entre temps, le dieu Mars (dieu de la guerre) tombera amoureux de Rhéa Silvia, s’unira à elle et la mettra enceinte. Amulius apprenant la chose, la fera enfermer, puis, de peur que le dieu Mars ne cherche vengeance, à l’accouchement de cette dernière, lui enlèvera ses jumeaux pour les faire jeter dans les eaux du Tibre. N’oublions pas que ces enfants ne sont pas des mortels communs, mais bel et bien le produit de l’union d’une mortelle et du dieu de la guerre. Ils arriveront, du fait, à se sortir des

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ROMULUS ET RÉMUS, MUSÉE DU CAPITOLE

eaux tumultueuses du fleuve, ramper sur les rives et seront recueilli par miracle par une Louve qui deviendra leur mère. Ces enfants, vous les connaissez. Leurs noms : Romulus et Rémus. Enfants sauvages, ils ne seront jamais retrouvés par Amulius. Protégés par la louve, ils grandiront, deviendront forts et apprendront au contact de la nature comment survivre, comment se réinventer, et comment, d’instinct, réparer l’humiliation et l’injustice subie par leur mère et leur grand-père. À l’âge adulte, ils feront le choix de créer une cité. Mais pour cette ville, ne peut être à la tête que l’un d’entre eux. Ils feront le choix de s’en remettre aux augures. « Romulus choisit le Palatin et Rémus l’Aventin comme emplacement. Remus, obtient, dit-on, un augure : six vautours. Quand le double de vautours se présenta à Romulus. Chacun d’eux fut proclamé roi par son groupe. On discuta, on en vint aux mains et dans la bagarre, Remus tomba, frappé à mort.

Romulus, resté seul, la ville nouvelle prit son nom. » Pourquoi alors avoir insisté à ce point sur la simple image de la louve plutôt que sur les jumeaux à proprement parler ? Pour plusieurs raisons en vérité : La louve représente ici le symbole de la volonté des dieux à ce que Rome puisse, un jour, exister et devenir un outil de propagation de leur pouvoir. Si elle n’avait pas été présente, à cet instant, sur cette rive, la création même de la cité n’aurait jamais vu le jour. La louve est la représentation la plus symbolique, la plus hautement révélatrice de l’amour de la mère pour ses enfants, et l’importance de la matriarche dans l’éducation et la protection d’une descendance hors du commun. La louve, enfin, apporte un aspect sacré et assez magistral, quasi mystique, à la légitimité de ces jumeaux sortis des eaux par leur simple volonté de nouveau-nés. NYMBATHE JOURNAL


ANIMAUX & CRÉATURES

ROMULUS, REMUS ET LEUR NOURRICE, JACQUES-LAURENT AGASSE

Un peu sorcière, un peu magicienne, cette louve en est-elle réellement une, ou fallut-il trouver un symbole animal pour représenter celle qui fera que ces enfants deviendront l’origine même de l’expansion et du pouvoir guerrier antique ?

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SOL DE MOSAÏQUE À L'IMAGE DES ARMOIRIES DE ROME (LUPA CAPITOLINA). MILAN, ITALIE

Femme à la famille, et par extension, à la ville. Bien sûr, les mentalités ont évolué, mais il n'en demeure pas moins que la Louve Capitoline a ouvert la voie à une protection historique, et cristallisé le pouvoir du Sauvage sur le Civilisé.

Aujourd'hui encore, en Italie, la Louve a un aspect très particulier dans la culture. D'ailleurs, nombre de commandants romains, ou Magister, portaient sur les épaules une peau de loup pour symboliser leur autorité, et s'assurer la protection de cette gardienne quasi mystique sur le champ de bataille. On dit également bien souvent des mères de familles italiennes qu'elles sont louves, protectrice du clan, des valeurs, du domaine / territoire. Sa mémoire, ainsi transmise par le sang de chaque mère, réveille l'histoire de l'une des plus grandes épopées historiques. Ce faisant, elle met la lumière sur la puissance matriarcale et le sens profond du lien de la ROMULUS ET RÉMUS (SCULPTURE DE LA FONTAINE DE LA PLACE DU CAPITOLE)

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CINÉMA

Fiction basée sur le personnage historique d'Hypathie d'Alexandrie, femme philosophe au destin tragique, Agora d'Alejandro Amenabar, sorti en 2009 est une ode au savoir et à la liberté. Par Pandora

Les évènements se déroulent au IVᵉ siècle de notre ère, alors que la ville d'Alexandrie est sous domination romaine. Hypathie, célèbre et talentueuse philosophe et astronome néoplatonicienne se retrouve au cœur de bousculements sociétaux qui vont lourdement impacter son destin. Fresque historique librement adaptée de faits réels, ce film propose un regard très contemporain : en prenant pour contexte le basculement du paganisme au christianisme d'État, le réalisateur aborde de grands sujets universels et d'actualité. Et il faut dire qu'il le fait avec talent, justesse et sensibilité.

L'Empire ayant à sa tête un empereur chrétien, le conflit est résolu en faveur des chrétiens qui finiront par détruire la bibliothèque pour y installer leur église, forçant Hypathie et ses élèves à fuir. La seconde partie du film se déroule quelques années plus tard, et traite de la montée du fanatisme chrétien, et des drames qu'il implique. Mais la force du film réside dans le traitement intime de cette période, à travers les personnages principaux, Hypathie, Orestes et Davus, chacun incarnant un archétype.

Le film commence avec la perte d'influence du paganisme classique, et les provocations publiques grandissantes des chrétiens sur l'Agora qui vont mener à une offensive violente des païens et à un soulèvement populaire orchestré par les milices chrétiennes. Hypathie et son collège se réfugient alors dans la légendaire bibliothèque d'Alexandrie. Difficile de ne pas y voir une métaphore : en temps de crise, il est important de se tourner vers son histoire et préserver ses savoirs. L'essentiel. NYMBATHE JOURNAL


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Hypathie tout d'abord, personnage central, est présentée comme une femme libre, qui valorise avant tout la science, la philosophie et la tolérance. Voix de raison et de tempérance, elle se refuse de prendre part dans le conflit et reste fidèle à ellemême. Sa quête de savoir dirige sa vie, et l'on suit avec passion ses réflexions pour expliquer les révolutions astrales. Orestes, lui, est un jeune homme ambitieux, élève d'Hypathie. Amoureux éconduit d'Hypathie, il lui restera néanmoins fidèle, et en fera sa conseillère une fois devenu Préfet d'Alexandrie. Le personnage peut être irritant, mais son destin n'est pas exempt de leçon. Converti au christianisme pour assurer sa position sociale et politique, ce choix lui fera payer un prix amer : les actions intéressées se retournent toujours contre nous. Le troisième personnage central est celui de l'esclave d'Hypathie, Davus. Jeune homme intelligent, lui aussi amoureux de sa maîtresse, il est en prise entre son amour pour elle et sa conversion. Il est le personnage qui évolue le plus, de jeune esclave à homme libre, de la science au fanatisme, de la raison à la violence. Mais les événements lui offriront une voie de rédemption, toutefois tragique.

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Ce triangle amoureux n'est pas sentimentaliste pour autant et permet à Aménabar d'insuffler un air de tragédie grecque à son œuvre. Au niveau des thèmes abordés, on peut retirer quatre grands thèmes : Premièrement l'opposition entre savoir et croyances, philosophie et religion, et le risque des dérives idéologiques qui entrainent irrémédiablement persécutions et haine de l'autre. La seule à ne pas tomber dans ce travers est Hypathie, qui se présente comme "athée" : elle dit même "Je crois en la philosophie", qui n'est pas sans rappeler Socrate. Le deuxième thème, distillé en filigrane, est le féminisme. En présentant une femme forte, instruite, libre, qui refuse le mariage pour se donner à son art, le film propose un modèle féminin très positif. Seul personnage féminin, c'est l'occasion de montrer les défis que rencontrent les femmes dans des milieux traditionnellement masculins : convoitise/harcèlement, mansplaining… Mais le message le plus fort à mon sens, est celui de l'effacement de l'influence féminine sur les arts, la science à mettre en parallèle avec la destruction de la bibliothèque.

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Le troisième thème est sûrement le plus intéressant : celui de la Liberté et plus encore du libre arbitre. Nous sommes là sur le point central du film. Nos protagonistes doivent tous assumer les conséquences de ce libre arbitre, qui est à la fois principe philosophique, principe religieux et condition pour être réellement libre. Hypathie l'exerce en ne retenant pas sa parole même face à l'adversité. Orestes sacrifiera le sien pour son ambition et Davus en fera l'apprentissage douloureux. Le film nous inspire donc un message : la véritable liberté est intérieure et réside dans des actions alignées avec qui nous sommes réellement. Le dernier est celui de l'illusion de la perfection. À la fin du film, Hypathie découvre que la révolution de la terre autour du soleil est elliptique. Cette question de la révolution des corps astraux est une métaphore. Durant le film, il est question de la perfection de l'univers, qui, s'il est parfait, doit être organisé en cercles parfaits. Mais cette recherche de la perfection mène à des impasses, et ce n'est qu'en abandonnant cette attente que la solution est trouvée. Cela fait écho aux événements. Il n'y a pas de révolution parfaite, de vérité harmonieuse, et plus encore, aucune réponse n'est jamais parfaite ou conforme à nos attentes irréalistes, aux préjugés. Mais comme dit Hypathie "après tout, un cercle n'est qu'une ellipse spéciale". Sur la forme, Agora est un film à l'esthétique léchée et fait preuve d'un certain réalisme historique, tant au niveau des décors que des costumes, que de la représentation de la vie quotidienne cosmopolite à Alexandrie, fortement influencée par l'Égypte grecque. La musique n'est pas inoubliable, mais rappelle par moments les envolées lyriques de Lisa Gerrard. Il n'y a pas de gros problèmes de rythme, et c'est un visionnage facile, pour peu que l'on aime les films bavards.

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Les effets spéciaux numériques ne sont pas trop envahissants, et ne desservent pas la beauté classique du film.

L'avis de la rédactrice Même si ce film n'est pas exempt de défauts, il nous entraine de façon efficace dans l'ambiance troublée de la fin de l'Antiquité et offre en plus une réflexion sur le présent. Ce que j'apprécie le plus, c'est que sur un sujet aussi délicat à traiter, le réalisateur ne tombe jamais dans le manichéisme ou l'angélisme. Ici, personne n'est parfait, (à par peut-être Hypathie, parfaitement imparfaite ?) et aucune cause n'est meilleure que l'autre : tout le monde a du sang sur les mains et veut imposer sa vision du monde aux autres. Mention spéciale au jeu de Rachel Weisz, éblouissante et sensible dans son rôle empreint de douceur et de détermination. Aussi, l'historienne en moi est terriblement satisfaite par les efforts de recherche faits pour dépeindre un IVᵉ siècle réaliste : les acteurs du théâtre sont tous des hommes, même pour les rôles féminins, Orestes, grec, joue de l'aulos, et les faits relatés, même si organisés de façon anachronique, sont fidèles aux descriptions faites dans les chroniques de l'époque. Film philosophique sans être lourd, c'est à mon sens un film qui peut toucher une grande partie d'entre nous, et donne du grain à moudre sur nos propres préjugés et positions.

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LITTÉRATURE

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PAR MAURICE DRUON

Énième récit mythologique ou passionnante plongée dans le monde des dieux de l'Antiquité ? Chronique d'une œuvre olympienne Par Xenia Vetsera

Il est parfois des moments, au cours d’un apprentissage solitaire, où nous nous retrouvons face à des œuvres que nous aurions voulu trouver plus tôt. Ce fut le cas pour moi, avec « Les Mémoires de Zeus ». Les récits disponibles en mythologie grecque sont aussi nombreux que variés, et autant le dire tout de suite : « Les Mémoires de Zeus » est un récit de mythologie grecque. À travers la narration de Zeus lui-même, nous allons revivre les étapes de la création du monde, des dieux, des hommes, et celles de l’histoire qui les relie tous entre eux. Mais alors, si « Les Mémoires de Zeus » n’est qu’un récit mythologique comme on peut en trouver tant, en quoi se distingue-t-il particulièrement ? Par sa philosophie ! N’est-ce pas là d’ailleurs la véritable essence de l’âme grecque ? Ces Mémoires ne sont pas qu’un simple déroulé des faits. Tout au long du texte, les symboles mythologiques sont rapportés à notre histoire, soulignant sans cesse le lien entre la dimension divine imagée et sa réalisation concrète sur terre. Pourquoi les plantes se nourrissent-elles de cadavres ? Car lors du banquet de chair humaine servi aux

dieux par Tantale, Démeter fut la seule à goûter aux plats. Les dirigeants de nos pays ne sont-ils pas à l’image de Prométhée, le dieu des hommes, aux intentions si troubles ? L’ingéniosité d’Hermès doit-elle aller de pair avec la morale ? Et Hadès, aveugle dieu des richesses enfouies, ne nous enseigne-t-il pas que la recherche des plus précieux trésors se fait parfois au sacrifice de notre vie ? Tout au long du texte, vous trouverez les enseignements philosophiques qui se retranchent derrière le masque de la mythologie. N’est-ce pas le véritable objet des contes, de désigner derrière ce qui semble n’être qu’une simple histoire une morale et une sagesse ? Un immense coup de cœur sur ces Mémoires qui m’ont séduites par leur finesse, et par leur caractère toujours si actuel qui fait l’étoffe d’un grand livre, en dépit des époques.

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LITTÉRATURE

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PAR SORITA D'ESTE

Par Xenia Vetsera

Trouver de bons manuels de dévotion se révèle parfois être une tâche compliquée, davantage encore si l’on espère trouver des textes en français. Concernant Hécate, si l’on ne veut pas se retrouver avec des réinterprétations très personnelles et modernes de la déesse comme l’ont fait Cyndi Brannen et Courtney Weber (que je ne porte pas spécialement dans mon cœur, si jamais vous souhaitez mon avis sur la question), il faut s’armer de sa pioche et de patience pour se familiariser avec les sources antiques qui sont à disposition.

Cette dernière œuvre pourrait être décrite comme un résumé de l’ouvrage « Rites et pratiques en l’honneur de la déesse Hécate », aussi, je vous invite à commencer par « Rites et pratiques » à moins que vous n’ayez qu’une simple curiosité intellectuelle pour le culte d’Hécate.

Le meilleur compendium en français de ces sources est l’œuvre d’Athanassia Zografou, intitulée « Les Chemins d’Hécate ». Mais soyez avertis qu’il s’agit d’une œuvre d’historiographie extrêmement rigoureuse et assez difficile, sans rien à voir avec un manuel de pratique ou d’ésotérisme. Parmi cet horizon un peu compliqué se trouve l’œuvre de Sorita d’Este, qui compile au mieux les sources antiques avec la pratique moderne de l’Hellénisme. Certains d’entre vous sont peut-être déjà familiers de son livre intitulé « Hécate : au seuil du sanctuaire », écrit en collaboration avec David Rankin. NYMBATHE JOURNAL


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« Rites et pratiques », tout en étant une œuvre accessible y compris auprès d’un public non-initié, démontre un véritable intérêt pour l’intégration des sources antiques à la pratique moderne. Vous y trouverez le détail des origines de la déesse, ses différentes nominations, ses symboles, ses avatars, les lieux où elle était célébrée, la façon dont elle était célébrée, le type d’offrandes et de prières… En répertoriant et en décrivant tout ce matériel antique, Sorita d’Este offre au lecteur des outils dévotionnels authentiques pour se familiariser avec le culte de la déesse. Le problème de la pratique dévotionnelle actuelle provient bien souvent d’un défaut de connaissance de la divinité, dû à de perpétuelles réinterprétations personnelles des cultes. De fait, on ne révère plus un dieu, mais l’image qu’on veut avoir d’un dieu. Et vous découvrirez ainsi que l’Hécate antique est loin des lectures plus modernes qui ont fait

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L'ouvrage se révèle ainsi être un guide sourcé doté d’une très intéressante bibliographie, et qui fournit un portrait complet accessible à quiconque désire mieux connaître chaque aspect de la déesse. Le seul reproche qui pourrait lui être adressé est son côté un peu listing, qui répertorie tout de manière parfois un peu inégale (certaines parties étant très développées et d’autres très peu, peut-être en raison d’un manque de matériel sur la question). Toutefois, la base nécessaire à une pratique dévotionnelle est là : l’apprentissage des sources qui permet de nous familiariser avec la divinité. Il serait erroné de croire que la révérence aux dieux commence par des invocations sauvages destinées à toutes sortes d’objectifs. Sorita d’Este reste bien heureusement loin de ces dérives avec ce guide qui constitue une excellente entrée en matière pour découvrir la déesse et mettre en pratique une dévotion.

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MUSIQUE

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Par Astarthea

Daemonia Nymphe nous envoûte de prime abord par son nom, chantant à nos oreilles comme une promesse de fêtes dionysiaques, de danses bacchiques, de longs voyages inspirés par l'Illiade et l'Odyssée, mais aussi comme une immersion profonde dans le mysticisme grec antique… La musique était perçue par les Grecs comme le plus beau des arts, plus encore que la poésie, la danse ou encore la médecine. Spyros Giasafakis et Evi Stergiou, duo charismatique à la tête du groupe, réussissent avec brio à ressusciter les instruments helléniques anciens sur la scène, faisant de Daemonia Nymphe une ode à la Grèce antique. Daemonia Nymphe signifie Divine Nymphe, de "daïmôn" (Δαίμων) en grec ancien qui peut se traduire par Dieu, divinité, esprit divin, le groupe désirant relier le pouvoir féminin au sens ancien de la notion du divin. L'ensemble musical compose et joue de longues envolées mélodieuses à l'aide d'instruments fabriqués à la main par Nikolaos Brass selon le modèle antique grec,

tels que lyre, kithara, barbitos, aulos, pandoura, askavlos… Les paroles, en plus d'être empruntées aux hymnes orphiques ou homériques ainsi que des vers de Sappho, découlent de la propre écriture du duo. Spyros, ayant suivi des études aux BeauxArts de Thessalonique, s'inspire des périodes archaïques et classiques grecques, en plus de son héritage culturel, mais pas aussi des "vibrations qu'ils reçoivent de leur environnement", selon une déclaration des musiciens.

OLD GYPSY FORTUNE TELLER, DMITRI KESSEL, 1949

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Le duo originaire d'Athènes s'est formé en 1994, initialement par Spyros et son frère Pantelis, après avoir eu le souhait de mettre en musique un texte de la mythologie grecque. Après de longues années d'exploration des textes grecs anciens et de travail de composition, les frères sortent un premier album en 1998 : The Bacchic Dance Of the Nymphs. Pantelis quitte le projet pour se consacrer à son propre groupe, Spyros sera rapidement rejoint par Evi et en 1999 le duo commence les concerts. C'est à cette époque qu'ils contactent Nikolaos Brass et que l'utilisation d'instruments anciens devient une priorité. Compositeurs et chanteurs principaux du groupe, Spyros et Evi sont accompagnés par Victoria Couper au chant et les musiciens Vaggelis Paschalidis, Christopher Brice, Stephen Street, entre autres lors des sessions live, où chacun arbore costumes et masques, nous plongeant toujours plus dans l'aura mystique de la musique de Daemonia Nymphe. La musique de Daemonia Nymphe possède une empreinte singulière et innovante, si bien que le projet ésotérique rencontre un grand succès auprès des amateurs de musiques éthérées ou historico-folk.

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« Tous les instruments de la Grèce antique que nous utilisons sont en fait fabriqués par Nikolaos Brass dans son atelier d’Athènes, après une longue période de recherche et de collaboration avec des musicologues. Et le résultat est fascinant, très proche des instruments originaux. » Spyros Giasafakis

Ils vont se produire dans bon nombre de pays d'Europe, mais aussi outre-Atlantique. De grands musiciens vont alors s'intéresser à la musique de Daemonia Nymphe, comme Peter Ulrich (ancien percussionniste de Dead Can Dance), Damon Albarn (Blur, Gorillaz), Dessislava Stefanova, Luka Aubri (Rastaban, ex-Omnia). Daemonia Nymphe participe nombreux projets, comme composition de musique pour comme Macbeth (2016) mis en Anastasia Revi pour le National Northern Greece, des films documentaires historiques.

aussi à de de la le théâtre scène par theater of ou des

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En 2013, la sortie de Psychostasia marquera un tournant dans la musique de Daemonia Nymphe. L'album se veut légèrement plus sombre, ayant pour thème la pesée et le jugement des âmes par les dieux, le concept de psychostasie. Il sert de base au spectacle de théâtre musical Psychostasia: The Performance, créé par Daemonia Nymphe en collaboration avec la Theatre Lab Company à Londres. L'album sera décrit comme un voyage, le voyage d’une Vie, le voyage d’une Âme. Il débute avec Zephiros (le dieu du vent) puis naît ‘Pnoe’ le souffle qui anime. L'âme glisse alors dans le royaume de Némésis, le destin, et nous emmène à la rencontre de Gaïa, des forces de la Nature, nous fait virevolter sous les danses lunaires pour Sélèné et Eros pour finir dans les rêves d’Hypnos. Le dernier album sorti, Macbeth, présente des thèmes bien différents des précédents. Pour cause, les chansons s'articulent autour de la pièce de Shakespeare. La musique de Daemonia Nymphe reste grandiose, profonde et ensorcelante. Le morceau Witches' Lullaby est un chef-d'œuvre, qui sera par la suite le sujet d'un projet plus complexe. La discographie du groupe se compose de cinq albums qui sont distribués par le label français Prikosnovénie depuis 2002. The Bacchic Dance of the Nymphs - Tyrvasia, réédité en 2007, se veut puissant et empreint de dévotion, avec les superbes morceaux Summoning Pan et The Bacchic Dance of the Nymphs, titre éponyme à l'album. C'est néanmoins les albums Daemonia Nymphe et Krataia asterope, en 2006 et 2007, qui proposeront les titres les plus connus du groupe, dont les légendaires "Dance of The Satyrs", "Daemonos" et "Nokturnal Hekate". Les voix enchanteresses d'Evi et de Victoria Couper donnent la réplique à la voix masculine et profonde de Spyros, merveilleusement accompagnées par les instruments pour invoquer dieux grecques et éléments de la nature.

En 2021 est sorti l'EP Witches Lullaby. Celui-ci propose la réinterprétation de la berceuse initiale composée par Daemonia Nymphe par différentes artistes féminines d'autres cultures. Le groupe a invité l’artiste vocale japonaise Hatis Noit, la chanteuse/musicienne britannico-portugaise Victoria Couper, la chanteuse/compositrice espagnole Priscilla Hernández et la chanteuse/compositrice britannico-chypriote Rey Yusuf. Evi Stergiou de Daemonia Nymphe participe avec sa propre version de la berceuse.

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L'avis de la rédactrice Daemonia Nymphe est l'un de mes groupes favoris, il ne se passe pas un jour sans que je n'écoute un de leurs morceaux. Je suis particulièrement sensible aux ambiances et à la sensualité dans la musique et autant dire que Daemonia Nymphe possède une essence incroyable composée de ces deux choses. J'aime infiniment leurs mélodies empreintes d'une solennité païenne, la symbiose merveilleuse des chœurs féminins et de la voix suave de Spyros. La musicalité est incroyable, justement dosée, et les percussions nous mettant presque en transe…. La musique de Daemonia Nymphe, selon moi, prend aux tripes. Déjà par la musique, mais également par les textes. L'utilisation du grec ancien et moderne donne encore plus de profondeur, et pour l'amoureuse de mythologie, d'histoire et de littérature que je suis, c'est du nectar à l'état pur. Pour moi, la musique de Daemonia Nymphe est hypnotique. Et ce, sans parler de la joie que j'avais éprouvée de les voir en 2011 au festival Trolls et Légendes. Ce moment à voir et écouter Daemonia Nymphe reste l'un de mes plus beaux souvenirs de concert, c'était purement incroyable, comme si j'avais pu être spectatrice d'un court moment aux Mystères d'Eleusis ou Dionysies.

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JEU VIDÉO

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Jeu salué par la critique, Hadès nous plonge dans les Enfers grecs à la suite du jeune Zagreus qui tente de s’échapper de ce royaume pour percer les secrets qui entourent sa naissance. Par Xenia Vetsera

J’ai mis très longtemps à céder à l’appel d’Hadès. Pourquoi ? Car il s’agit d’un roguelike, qui est un genre que j’apprécie habituellement peu : j’ai le sentiment de tourner dans les mêmes salles, d’occire les mêmes ennemis pour récolter des trophées qui, en dehors de leur puissance, ne m’apportent aucun réel sentiment de consécration… Et je savais que cela allait être le cas pour Hadès. Je ne me trompais pas.

À cet instant, retour à la case départ au palais d’Hadès, mais le butin que vous aurez amassé lors de votre première partie vous permettra d’augmenter la puissance de votre personnage, afin d'espérer aller un peu plus loin la prochaine fois. Le but du jeu étant bien évidemment de gagner assez de puissance pour sortir des Enfers en une fois sans se faire tuer.

Et pourtant, cela a été un coup de cœur. Un énorme coup de cœur. Pourquoi un tel revirement me demanderez-vous, alors que nous avons clairement sous la main un monument du rogue-like, avec les mêmes salles et les mêmes ennemis à faire et à refaire ? Simple réponse : le scénario, imbriqué à la perfection dans le gameplay. Le déroulement d’une partie est simple : vous tentez de vous échapper des Enfers, en partant du palais d’Hadès qui se trouve au niveau le plus bas. Vous enchaînez les salles avec la vie et les armes que vous avez à disposition, jusqu’au moment où vous allez vous faire tuer.

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Vous verrez souvent cet écran... pour le meilleur. Le point fort, c’est que la mort de votre personnage ne sera jamais punitive. Bien au contraire : à chaque fois que vous mourrez et que vous retournez à la case départ, un nouvel aspect du scénario se dévoile. L’histoire avance à chaque fois que vous mourrez, vous n’aurez donc jamais à relire les mêmes choses ni à revivre les mêmes scènes. Tout est extrêmement bien écrit et calibré. De même, vos sorties dans les donjons aléatoires vous amèneront à rencontrer de nouveaux personnages d’une salle à l’autre. C’est ainsi que, quel que soit le niveau de répétitivité du jeu, tout se renouvelle en permanence, en évitant tout sentiment de lassitude grâce à la progression d’un scénario en béton.

Esthétiquement, le jeu est par ailleurs de toute beauté. La réalisation rend un magnifique hommage à la diversité des Enfers : les sombres ruines du Tartare, les étendues brûlantes de l’Asphodèle, les champs oniriques de l’Élysée... Absolument rien à redire, chaque niveau flatte l’œil par sa disposition, son style dessiné et ses couleurs. L’ambiance sonore est quant à elle extrêmement immersive, et que dire du doublage somptueux des personnages, digne d’un film. Si vous êtes amateurs de mythologie grecque et de jeux vidéo et que vous n’avez pas encore cédé à Hadès parce que comme moi vous goûtez peu les rogue-likes, foncez sans aucune hésitation sur cette œuvre-là.

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Merci à nos invités ASTÉRIA MAGEIA @asteria_mageia

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