OUTRE-MER grandeur Nature n°24 _ septembre-octobre 2024

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ÉDITO

DIRECTRICE DU PROGRAMME

« DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET

CHANGEMENT CLIMATIQUE » (CCES 1 ) DE LA COMMUNAUTÉ DU PACIFIQUE

La CPS 2 , fondée en 1947, principale organisation scientifique et technique de la région Pacifique, œuvre pour ses 27 États et territoires membres, et est reconnue pour son expertise technique et son approche multisectorielle. Elle engage des projets innovants axés sur la préservation des écosystèmes et le soutien aux communautés, facilitant l’accès au fonds climat et soutenant l’élaboration de politiques et de projets d’adaptation et d’atténuation ciblés.

Sa division CCES est essentielle pour renforcer la résilience des communautés face au changement climatique, auquel les îles du Pacifique, dépendantes des ressources naturelles et peu diversifiées économiquement, sont particulièrement vulnérables.

Parmi ses initiatives, le Projet Régional Océanien des Territoires pour la Gestion durable des Écosystèmes (PROTEGE), financé par l’Union européenne (36 M€,

2018-2024), vise à promouvoir un développement économique durable et résilient face au changement climatique, pour les pays et territoires d’outre-mer (PTOM) européens du Pacifique. Son objectif est d’appuyer leurs politiques publiques en renforçant la coopération régionale sur ces quatre thématiques : agriculture et foresterie, pêche côtière et aquaculture, eau et espèces envahissantes.

Sans avoir la possibilité de détailler l’ensemble des 250 actions, d’une nature très variée, qui ont été promues à travers une importante communication – émission de télévision Résilience ; vidéos, tutoriel ; films, etc. – je peux citer quelques exemples d’opérations menées par le programme.

Ainsi, sur le thème de l’agriculture, PROTEGE a promu le développement de l’agroécologie et de l’agroforesterie, notamment à travers la création d’un réseau régional de 27 fermes de démonstration, permettant de partager les résultats et les connaissances des agriculteurs et d’accompagner l’ensemble des systèmes agricoles vers l’agroécologie et l’agriculture biologique, d’accroître la biodiversité et de résister aux effets du changement climatique. Cette initiative s’est étendue à la région Pacifique avec l’Initiative Kiwa.

Parallèlement, PROTEGE a également soutenu les trois PTOM sur la durabilité de leurs systèmes alimentaires via les financements de stratégies et de projets concrets.

En matière de ressources marines, PROTEGE a par exemple mis en place des Observatoires des pêches côtières en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna, a renforcé la connaissance des ressources et des espèces vulnérables, testé des espèces aquacoles résilientes et élaboré un kit d’aquaponie pour les Tuamotu.

Concernant la gestion de l’eau, PROTEGE a développé des solutions pour protéger la ressource, gérer les pollutions, sécheresses et inondations, tout en finançant la mise en œuvre de plans de sécurité sanitaire des eaux et du matériel pour les communes.

PROTEGE incarne l’engagement de la Communauté du Pacifique en faveur d’un environnement durable et inspire un modèle de coopération régionale pour la construction d’un « Pacifique bleu et résilient ».

LES MARQUISES REJOIGNENT

LES BIENS DU PATRIMOINE MONDIAL

C’est officiel depuis le 26 juillet : le patrimoine culturel et naturel des Îles Marquises est reconnu par l’UNESCO. Le projet, initié en 1996, avait été inscrit sur la liste indicative en 2010, mais le dossier de candidature n’avait finalement été déposé qu’en janvier 2023. Un travail de longue haleine, fruit de la collaboration de l’État, du Pays de la Polynésie française, de la Communauté de communes des îles Marquises (CODIM), de l’Office français de la biodiversité et des Marquisiens, largement impliqués dans le projet. Sur le plan concret, les grandes décisions suivront le plan de gestion rédigé par les différents partenaires pour répondre aux

ACTU OUTRE-MER

défis à relever. Félix Barsinas, maire de Tahuata et vice-président de la CODIM, évoque la nécessité de préserver des zones pour la pêche côtière, tout en évitant les conflits avec les pêcheurs hauturiers. Autre enjeu : développer un tourisme durable et conscient.

L’UNESCO compte aujourd’hui 1 223 biens, dont 53 en France et six dans les outre-mer. Mais « Te Henua Enata », le bien des Îles Marquises, est le tout premier site ultramarin français « mixte », reconnu tant pour sa culture que pour sa nature terrestre et marine. Cette inscription renforce la visibilité des Marquises et du reste de la Polynésie française qui, indiscutablement, surfent aujourd’hui sur une belle vague de notoriété internationale ! En témoigne le Haut-commissaire de la République en Polynésie française dans son allocution du 29 juillet : « Quel honneur, quelle joie, quelle immense chance, quel extraordinaire bonheur d’avoir appris, le jour même où nous célébrions l’ouverture des Jeux de Paris 2024 près de la vague majestueuse et puissante de Teahupo’o, l’inscription des Marquises au Patrimoine mondial par l’UNESCO. »

Mont Temetiu depuis Atuona, à Hiva Oa.
Caldeira de Hanavave à Fatu Hiva. © M. Grellier / OFB

MER ET LITTORAL : UNE STRATÉGIE

NATIONALE 2024-2030 QUI VALORISE

DAVANTAGE LES OUTRE-MER

Élaborée tous les six ans, la stratégie nationale pour la mer et le littoral (SNML) est établie par le Gouvernement en concertation avec le Conseil national de la mer et des littoraux (CNML). Elle fixe les grandes orientations de la planification de l’espace maritime et de l’espace littoral à travers quatre grandes priorités pour les six ans à venir : la neutralité carbone à l’horizon 2050 ; la protection de la biodiversité grâce notamment au déploiement des zones de protection forte ; l’équité sociale et enfin la compétitivité d’une économie bleue durable.

La stratégie 2024-2030 comprend, dans près des 18 objectifs qu’elle définit pour atteindre ces priorités, des focus dédiés aux spécificités des outre-mer. De plus, les territoires ultramarins sont mentionnés dans l’intitulé de l’objectif 16 : « Accompagner dans les outre-mer le développement de l’économie bleue et valoriser une biodiversité préservée, selon les particularités et les atouts de chacun ».

L’outre-mer, qui représente plus de 97 % du domaine maritime français, voit ainsi sa place s’affirmer dans cette nouvelle stratégie. La SNML souhaite par exemple « renforcer la coopération régionale à l’échelle de chacun des bassins ultramarins en positionnant la France comme une force motrice de coopération au seindesorganisationsinternationalesexistantes ».

+d’info ici : Consulter la SNML 2024-2030

DEPUIS LE 1 ER AOÛT, L’HUMANITÉ A DÉPENSÉ LES RESSOURCES PLANÉTAIRES DISPONIBLES EN 2024

Le « jour du dépassement », un outil créé en 1970, représente le jour où l’Humanité a consommé toutes les ressources naturelles que la Terre peut produire en une année pour régénérer ses consommations ou absorber les déchets produits. Cet indicateur calculé par l’ONG Global Footprint Network, basée à Oakland en Californie, prend en compte l’empreinte écologique d’un pays – émissions de CO 2 , surfaces agricoles, production d’électricité, etc. – ainsi que les ressources qu’il produit.

Si la date du 1 er août correspond à une réalité mondiale, le jour du dépassement a été fixé en France hexagonale au 7 mai 2024. Autrement dit, il faudrait 3,3 planètes Terre si l’humanité vivait en dépensant autant de ressources que la population française. Dans les territoires d’outre-mer, les dates varient du 28 mai pour la Polynésie française, au 6 juin pour la Martinique et La Réunion, au 10 juin pour la Guadeloupe ou encore au 22 décembre pour la Guyane française, ce département étant couvert à plus de 95 % de forêt.

Si les dates ne sont pas à prendre en compte au jour près, le « jour du dépassement » illustre les pressions que les territoires exercent sur les écosystèmes et la biodiversité. Il rappelle l’importance, pour réduire la pression humaine sur la Terre, de revoir nos modes de production et de consommation et d’accélérer la transition vers des économies plus durables.

+d’info ici : Jours du dépassement 2024 par pays

Écart à la moyenne annuelle de référence 1991-2020 de la température moyenne (période de 1991 à 2024) à Saint-Pierre. © Météo-France

SAINT-PIERREET-MIQUELON

UN MOIS DE JUILLET HISTORIQUEMENT CHAUD

L es températures très hautes qu ’ a connu L ’ archipe L au mois de jui LL et sont symptomatiques du dérèg L ement c L imatique e xp L ications avec t homas B eck , responsa BL e du service météoro Logique régiona L de s aint - p ierre - et - m ique Lon

INTERVIEW

THOMAS BECK, RESPONSABLE RÉGIONAL

DE MÉTÉOFRANCE

• Comment caractériser les températures qu’a connu Saint-Pierre-et-Miquelon en juillet ?

- Il s’agissait du deuxième mois de juillet le plus chaud depuis 1966, date du début des mesures instrumentées sur l’archipel. La température moyenne du mois s’élève à 16,5 ° C et est supérieure de 2,1 ° C à la valeur normale. Un pic de 25,5 °C a été atteint le 8 juillet, à comparer au précédent record de 28,3 °C, atteint le 6 juillet 2013. Pour autant, à côté de ces températures relativement élevées, le temps n’a pas été véritablement ensoleillé, le mois de juillet a été pluvieux et brumeux comme à l’ordinaire.

• Le dérèglement climatique est-il en cause ?

- Oui, ces fortes températures s’inscrivent dans une tendance claire. Depuis les années 90, quasiment

LE

2 E

MOIS DE JUILLET LE PLUS CHAUD DEPUIS LE DÉBUT DES STATISTIQUES DE MÉTÉO-FRANCE EN 1966

toutes les années ont été supérieures aux valeurs normales calculées sur la période 1991-2020 (voir le graphique, NDLR). Même s’il est nécessaire de consolider ces données brutes, on constate bien un réchauffement significatif, dont l’ampleur est à l’image de ce qui se passe sur l’ensemble de la planète

• Outre ces fortes températures, quels dérèglements du climat observe-t-on sur l’archipel ?

- Si on regarde les données, les autres caractéristiques climatiques de l’archipel comme le découpage des saisons ou la pluviométrie – à peu près 1 300 mm par an – ne sont pas impactées de façon significative pour l’instant. Mon ressenti personnel est qu’il y a un peu plus de phénomènes extrêmes et surtout, une augmentation de la fréquence des tempêtes et des études spécifiques seraient nécessaires pour le confirmer. En revanche, la grosse problématique liée au dérèglement climatique ici est l’érosion du littoral et la montée des eaux qui posent la question de la délocalisation du village de Miquelon. La Direction de la climatologie et des services climatiques de Météo-France réalise actuellement une synthèse des connaissances relatives au changement climatique et à ses impacts sur Saint-Pierre-et-Miquelon.

Rédaction et interview : Enzo Dubesset

SAINTBARTHÉLEMY

UNE CAMPAGNE POUR

RECENSER LES ARBRES

REMARQUABLES

Les arbres dits remarquables répondent à des critères liés à leur taille, leur âge, leur forme, ou encore leur valeur historique ou patrimoniale.

e n ce dernier semestre de L ’ année , L es projecteurs se tournent vers L es futures cé L é B rités de s aint -B arthé L emy : L es ar B res remarqua BL es de L ’ î L e u ne campagne participative est en cours pour identifier ceux qui se distingueront par L eur grandeur , L eur B eauté ou L eur popu L arité , et auront L ’ honneur d ’ être reconnus comme patrimoine ar B orico L e Loca L .

Pour préserver les trésors arboricoles de Saint-Barth, l’association Island Nature Expérience (INE) et l’Agence territoriale de l’environnement (ATE) lancent une grande campagne de recensement des arbres remarquables de l’île. Les habitants sont appelés à participer et à présenter leurs « candidats » : grands, gros, beaux, originaux ou chargés d’histoire, tous les arbres qui interpellent et émerveillent doivent être identifiés.

CE PROJET OUVERT À TOUS

PERMETTRA DE REPÉRER LES ARBRES

LES

PLUS EXTRAORDINAIRES DE L’ÎLE

L’objectif est d’établir une liste aussi exhaustive que possible afin d’inscrire tous les arbres patrimoniaux sur la carte de l’urbanisme du territoire. Cette inscription ne confèrera pas un statut d’espèce protégée à l’essence, mais elle favorisera la conservation des sujets identifiés. À ce jour, seuls deux arbres figurent sur la carte de l’urbanisme, tous les autres – hors espèces protégées – pourraient donc potentiellement être abattus.

Toutes les contributions vont être collectées et examinées par l’ATE, puis les propositions finales seront soumises aux élus de la Collectivité de Saint-Barthélemy qui acteront leur intégration définitive au règlement de l’urbanisme. Une campagne participative qui garantira ainsi la préservation du patrimoine arboricole

de l’île, tout en invitant les Saint-Barthinois à apprécier la beauté de ces arbres majestueux et la joie de cohabiter avec eux.

Rédaction : Romy Loublier

LE PLAN LOCAL D’URBANISME (PLU) :

Grâce au plan local d’urbanisme, les arbres peuvent faire l’objet d’une protection juridique si l’arbre est inscrit en tant qu’Espace bois classé (EBC) ou si une valeur paysagère réelle lui est reconnue. Le règlement du PLU peut ainsi par exemple « interdire tout abattage d’arbre remarquable, sauf état phytosanitaire qui le justifierait. »

En feuilletant les guides de voyage, Loterie Farm apparaît incontournable pour qui désire s’échapper en pleine nature sur la petite île antillaise de 87 km2 Dans cette réserve privée et dernière forêt tropicale secondaire de Saint-Martin, des sentiers serpentent jusqu’au sommet de l’île, le Pic Paradis (424 m), offrant des vues plongeantes sur le littoral et l’océan.

LES LOISIRS DE NATURE DANS

UNE AMBIANCE CHIC ET CONVIVIALE

Afin de valoriser ce site exceptionnel, le propriétaire des lieux, William Welch, a préservé et replanté de nombreuses espèces végétales indigènes et endémiques, que les visiteurs sont invités à découvrir en arpentant les sentiers ou, de manière plus insolite, en s’harnachant depuis la canopée à des tyroliennes plongeant sur 300 mètres de dénivelé dans la forêt peuplée de manguiers, banians, acajous...

SAINT-MARTIN

ZOOM SUR LA RÉSERVE PRIVÉE LOTERIE FARM

n ichée dans L es co LL ines du pic paradis , cette ancienne p L antation sucrière a été reconvertie en une vaste réserve privée de 54 hectares propice à La détente et à L ’ aventure.

La vocation du lieu est de faire profiter de ce cadre naturel privilégié au plus grand nombre, tout en s’animant en fin de semaine de « Saturday brunch », « Jungle pool party » et autres après-midis « DJs dans les arbres »... Au fil du temps, les prestations n’ont cessé de s’étoffer, avec la création du plus grand parcours d’accrobranche de la Caraïbe, de gazébos loués à la journée pour une dizaine de personnes, d’une immense piscine de plus de 500 m2 alimentée par une source naturelle présente sur la propriété, du restaurant « L’Hidden Forest Café », ou encore d’un golf écologique entretenu sans produits phytosanitaires et dont la gestion de l’eau se veut raisonnée.

Dévastée par l’ouragan Irma en 2017, la Loterie Farm s’est relevée difficilement et William Welch, dorénavant, ne souhaite plus agrandir son parc de loisirs, mais bel et bien privilégier « la connexion avec la nature ».

Rédaction : Stéphanie Castre

SARGASSES, UNE MENACE PÉRENNE À

L’ENCONTRE D’UNE DESTINATION D’EXCEPTION

L es échouements de sargasses , ces a L gues B runes qui dérivent en mer , sont devenus une pro BL ématique permanente à s aint - m artin . L a façade est de L ’ î Le su B it en effet des arrivages continue L s , avec des vo L umes de p L us en p L us conséquents de juin à octo B re .

Les impacts des sargasses sont réels : problématique de santé publique due à l’émanation de gaz nocifs, odeur d’œuf pourri et corrosion des équipements en bord de mer, dépréciation du foncier, altération des milieux naturels, du trait de côte et détérioration de l’image de la destination à l’international.

Les sargasses existent depuis toujours dans l’océan Atlantique, mais leur volume est en augmentation exponentielle. Un phénomène alimenté par le changement climatique, l’élévation de la température des eaux, mais aussi la modification de la courantologie et l’apport en nutriments venus des fleuves Mississippi, Congo et Amazone. Ces derniers collectent en effet les excès d’engrais utilisés à l’échelle de leurs bassins respectifs sur des sols devenus agricoles, du fait notamment de la déforestation.

TÉMOIGNAGE

BERNADETTE DAVIS, VICE-PRÉSIDENTE DE LA COLLECTIVITÉ DE SAINT-MARTIN EN CHARGE DE LA DÉLÉGATION AU CADRE DE VIE

« Nous sommes victimes de dérèglements mondiaux dont les causes sont humaines et vis-à-vis desquelles nous ne portons pas de réelle responsabilité. La Collectivité de Saint-Martin a doublé son effort financier en 2022 et 2023 pour lutter contre les échouements de sargasses. Et 2024 s’annonce comme une année noire en termes de volumes échoués et collectés.

Certes, la solidarité nationale s’exprime, et notamment via le Plan Sargasses II, mais la réalité de l’accompagnement de la nation reste loin des objectifs annoncés, fixés à 50 % des besoins des collectivités.

Sur un autre plan, ce fléau est d’une rare complexité à gérer puisque nous sommes incapables de prévoir la fréquence et les volumes d’algues sargasses d’une année sur l’autre, ce qui ne facilite ni la gestion budgétaire, ni le cadre administratif de notre intervention.

Je reste quelqu’un qui a fait l’essentiel de sa carrière dans le secteur du tourisme. Ces échouements d’algues sont une calamité pour la destination. Toute la côte est de Saint-Martin souffre de cette situation. La destination Saint-Martin est construite à l’échelle internationale, entre autres, sur la qualité de ses plages, les activités nautiques et la qualité de nos établissements touristiques. Aujourd’hui, certaines images publiées sur les réseaux sociaux font le tour du monde et je crois que personne n’a vraiment pris conscience de l’effet destructeur que cela induit pour la destination. Il ne faut pas oublier que notre économie est ultradépendante du tourisme et que nous n’avons pas de secteur localement qui ne soit en lien direct ou indirect avec cette activité. »

Des mots qu’assume la vice-présidente Bernadette Davis, tant elle est convaincue que le phénomène va s’installer dans le temps avec une tendance haussière, impliquant de fait la mobilisation croissante de fonds publics.

Depuis début 2023, la Collectivité de Saint-Martin a fait le choix de ne plus stocker les sargasses sur les sites de collecte, devançant par là les conclusions du comité de pilotage national. En effet, les produits issus de la décomposition des algues contiennent potentiellement de l’arsenic et des métaux lourds bioaccumulés par les sargasses. Les algues sont donc collectées et expédiées en décharge, où elles sont traitées pour éviter la contamination des sols et des hauts de plage.

Du fait des opérations de collecte, certaines zones ont reculé de plus de 40 mètres en quelques années.

Les méthodes ont donc été modifiées pour limiter au maximum l’impact sur le trait de côte et les espaces naturels. Les opérateurs se sont très largement impliqués en modifiant localement leurs matériels pour s’adapter aux contraintes de chacun des sites de collecte et se mobilisent parfois sept jours sur sept pour parvenir à endiguer les échouements.

Pour autant, les nuisances sont bien là. L’essentiel de l’urbanisation a été historiquement développé à proximité du littoral faute d’espaces disponibles à l’intérieur des terres, constituées de monts escarpés. Ces échouements pèsent lourdement sur les populations riveraines, incommodées par les émanations de gaz tels que le sulfure d’hydrogène (H2S) et l’ammoniac (NH3), sans compter la corrosion que ces gaz induisent sur les équipements métalliques, dégâts non pris en charge par les compagnies d’assurance.

Pour celles et ceux qui ont investi dans ces secteurs, que ce soit pour y résider ou pour bénéficier des revenus de la gestion locative ou saisonnière, cela constitue une véritable dépréciation.

Le sujet des sargasses ne peut être appréhendé à Saint-Martin comme il peut l’être ailleurs. Les spécificités locales imposent une approche différenciée. En effet, la société saint-martinoise s’avère, plus qu’ailleurs, tributaire des activités et des aménagements des espaces littoraux au regard de la topographie relativement accidentée de l’île. De plus, les impacts des échouements viennent mettre à mal le secteur d’activité hypercentral, le tourisme, dont est dépendante la quasi-totalité de Saint-Martin.

Depuis 2011, des radeaux de sargasses s’échouent de manière récurrente à Saint-Martin et sur les îles alentour. La nouveauté réside dans la fréquence et la densité croissantes des épisodes d’échouements, l’arrivage en masse des sargasses rendant difficile le traitement du problème.

MARTINIQUE

LE TOUR DES YOLES RONDES SE MET AU VERT

L e t our des y o L es rondes cé L è B re chaque année durant L es grandes vacances L a voi L e , L a compétition , L ’ esprit d ’ équipe et met en va L eur L es criques et B aies de L a m artinique u n événement sportif incontourna BL e , qui rassem BL e depuis 38 ans une fou L e immense , mais qui a su évo L uer pour mettre L a préservation de L ’ environnement au cœur des festivités .

Le Tour des Yoles rondes de la Martinique n’est pas une course de voile comme les autres. Ici, durant une semaine, tous les regards sont tournés vers la mer et ces embarcations traditionnelles inspirées du gommier.

Autrefois, ces courses se pratiquaient entre marinspêcheurs et départageaient déjà les patrons les plus chevronnés. Aujourd’hui, les équipages sont prêts à tout pour franchir la ligne d’arrivée en tête, dans des conditions de navigation parfois difficiles, et ces embarcations légères et rapides à une ou deux voiles attirent une foule passionnée toujours plus nombreuse.

À terre comme en mer, on se presse ainsi de toute l’île pour assister à ce ballet coloré. Face à un tel succès populaire, le Parc naturel marin de Martinique s’emploie depuis 2019 à mettre en place des actions de sensibilisation pendant le tour afin d’éviter les dégradations du milieu marin. Car une véritable armada avec près de 500 navires en tous genres se rejoint chaque jour au départ et à l’arrivée des yoles, s’empressant de jeter l’ancre pour profiter de la course.

DES BOUÉES ET DE LA SENSIBILISATION

Pour préserver les fonds marins, herbiers ou récifs coralliens, de nombreuses bouées ont ainsi été installées sur les sites sensibles depuis 2022. « Nous avons dans l’ensemble toujours eu un bon contact sur le terrain avec les plaisanciers, et notre dispositif, repérable par une bouée blanche aux couleurs du parc, est aujourd’hui relativement connu et plutôt bien respecté. Cela nous donne même l’occasion d’échanger avec les plaisanciers sur les besoins en aménagement pour répondre à la problématique tout au long de l’année et pas simplement à l’occasion du tour », indique Tiphaine Rivière, chargée de mission usages maritimes au Parc naturel marin. Cette année, afin de préserver encore plus l’Anse Noire, très fréquentée durant le tour, le Parc a interdit le mouillage sur toute la baie. Une mesure bien acceptée par la plupart des plaisanciers, même si quelques usagers récalcitrants ont été observés. Grâce au travail de sensibilisation des agents du Parc, les plaisanciers ont rapidement compris l’intérêt de cette mesure et levé l’ancre rapidement.

L’équipe du Parc naturel marin de Martinique au cœur de la course sur le bateau Madiwak. Les agents veillent à la sécurité de l’événement et s’assurent que les zones de mouillage soient bien respectées par les plaisanciers souhaitant assister à « l’after-yole ». © Bruno Garel / OFB

Rédaction : Mariane Aimar

un rayon de 50 mètres. © Jessica Crillon / OFB | L’herbier marin, un écosystème fragile fréquenté par les tortues, poissons, lambis...

COMMUNIQUER POUR FAIRE ÉVOLUER LES MENTALITÉS

L’édition 2024 du Tour des Yoles a une fois de plus remporté un vif succès tant à terre qu’en mer. En amont de l’événement, le Parc naturel marin de Martinique a lancé une vaste campagne de communication qui a porté ses fruits durant la course.

Une sensibilisation des usagers axée à la fois sur l’impact de l’ancrage des bateaux, mais également sur la gestion des déchets. La Fédération des Yoles Rondes de la Martinique a elle-même diffusé ces messages d’information dans les spots télévisuels et sur l’ensemble des réseaux sociaux officiels. Les associations locales et l’Office de l’Eau ont également communiqué sur cette indispensable préservation du milieu marin et, à l’heure du bilan, le constat est plutôt positif. « Globalement, il semble que les plaisanciers soient assez sensibles et un peu plus disciplinés d’année en année », souligne Tiphaine Rivière.

À ce jour, cependant, le problème reste entier quant aux regroupements festifs qui ont lieu en marge de l’événement sportif. Ces « after-yoles » n’ayant pas d’organisateurs, il est difficile de progresser sur la réduction des impacts de ces soirées festives populaires. Des solutions sont à l’étude et elles pourraient se traduire à l’avenir par la mise en place de lignes de mouillages, comme cela se fait dans le cadre d’autres manifestations nautiques qui rassemblent également de nombreux bateaux, ou par un système de poubelles ou de ramassage des déchets efficace.

Préserver les tortues de mer est aussi l’un des objectifs du Parc naturel marin de Martinique créé en 2017, géré par l’OFB et second plus grand parc naturel marin de France après celui de Mayotte. © Mariane Aimar

ON PROTÈGE CE QUE L’ON CONNAÎT

Pour préserver les écosystèmes marins, encore faut-il les connaître. C’est dans ce sens qu’ont été orientées cette année les campagnes de communication. Faire découvrir la fragilité des herbiers, ces plantes marines présentes dans les lagons et qui contribuent à la biodiversité et au maintien du sable. Souligner le rôle crucial des récifs coralliens en tant que nurserie et habitat pour les poissons et barrières naturelles face aux houles venues du large. Expliquer que certains sites abritent des épaves sous-marines historiques. Ou encore rappeler que de nombreuses baies hébergent des tortues marines, espèces protégées.

Bouée de mouillage aux Anses d’Arlet préservant les herbiers de l’ancrage des plaisanciers. Autour de la bouée, on ne peut jeter l’ancre dans
© Mariane Aimar

UNE CAMPAGNE DE SENSIBILISATION PLEINE DE PEPS

L’ o ffice de L ’ e au m artinique a p L usieurs temps forts de communication dans L ’ année e n 2024, L a période des grandes vacances sco L aires de jui LL et - août a fait L ’ o B jet d ’ un temps de communication spécia L pour marquer L es esprits de toutes L es générations .

En Martinique, les grandes vacances riment avec Tour cycliste, Tour des Yoles et autres manifestations culturelles au sein de différents milieux aquatiques. Tous les ans, l’ODE Martinique et d’autres partenaires institutionnels profitent de l’occasion pour rappeler à la population les bons gestes à adopter durant les activités de loisirs.

Pourtant, communiquer sur la pratique de gestes durables en faveur des milieux aquatiques et, plus globalement, de la nature, constitue toujours un défi. La sensibilisation à la préservation de l’environnement est souvent perçue par les citoyens comme ayant pour seul objectif de culpabiliser les populations. Il peut donc s’avérer périlleux de responsabiliser la population en diffusant des messages de sensibilisation et d’information sans aller chercher de sentiment de culpabilité.

Depuis 2017, la communication de l’ODE développe des éléments de langage valorisant l’utilisation du « nous » et des accroches positives pour encourager le changement des comportements. Cette année, le pari a été d’utiliser une pratique peu exploitée en communication institutionnelle : la mise en récit. En effet, en mettant en scène des talents du territoire dans leur vie quotidienne, l’ODE a misé sur l’émotion pour que le

message soit mieux compris et que son impact soit plus fort. L’ODE a donc créé une web série composée de six talents martiniquais, dénommée « Swen dlo kay nou », soit : « Prenons soin de l’eau de chez nous ».

SWEN DLO KAY NOU, UNE SÉRIE DANS L’AIR DU TEMPS

Le récit commence avec une bande de copains composée de Lionel Nidaud, Maurane Voyer, Call me Ludo et El Milliard qui passe quelques jours ensemble. Ces amis vont se rendre dans plusieurs lieux différents : à la rivière, à la mer, en bateau et en maison de vacances. Ils seront rejoints par Danielle René-Corail et Suzy Trébeau dans deux épisodes de la série.

Chaque épisode présente un bon geste à adopter pour « prendre soin de chez nous ». Lionel Nidaud, personnage principal, incarne la voix de la prise de conscience sans moraliser ses amis. Sa réplique « prenons soin de chez nous » revient comme un refrain tout au long de la série, donnant ainsi un fil rouge aux téléspectateurs. Au fur et à mesure, les amis comprennent qu’il y a plusieurs façons d’agir durablement pour préserver l’eau et les milieux aquatiques.

Lionel Nidaud, la chanteuse Maurane Voyer, et les influenceurs El Milliard et Call me Ludo sur la plage de Madiane pour le tournage de la série Swen dlo kay nou. Cette création de l’Office de l’Eau

UNE SÉRIE DIGITALE ET TÉLÉVISÉE

En 2024, Internet est devenu le premier média des Antilles-Guyane. 96 % des Martiniquais ont un téléphone portable et 40 % des internautes passent plus de trois heures par jour sur la toile. La vidéo est le format le plus consommé sur Internet.

La série a donc été formatée pour séduire les internautes. On y retrouve plusieurs codes : un format court, avec des répliques percutantes, des paysages et des talents reconnus par le public. Les épisodes ont été diffusés chaque mercredi en collaboration avec Lionel Nidaud, France-Antilles Martinique et les autres talents.

Pour conquérir davantage de cibles, le choix a été fait de diffuser également la série à la télévision. Ainsi, selon un calendrier similaire, les téléspectateurs ont retrouvé un épisode par semaine tous les soirs sur Martinique La 1ère.

TÉMOIGNAGE

LIONEL NIDAUD, INFLUENCEUR ET COCRÉATEUR DE LA SÉRIE

Avec plus de 100000 abonnés sur ses réseaux sociaux

« Cela fait près d’un an et demi qu’on collabore sur d’autres projets, donc quand l’ODE Martinique m’a proposé d’être l’acteur principal de la série, j’ai accepté tout de suite ! Cela fait sens aux valeurs que je souhaite véhiculer, en effet je veux utiliser mon influence pour de bonnes choses comme la préservation de l’eau. Qui ne peut pas être touché par cela ? Je n’ai rencontré aucune difficulté à rassembler des talents autour de ce projet. Ils m’ont tous dit oui, personne n’a hésité !

C’est important que des institutions comme l’ODE soient aujourd’hui sur les réseaux sociaux, car le canal de diffusion a totalement changé. Avant, on consommait beaucoup la télé ou la radio et cela a diminué, même si ces médias sont toujours utilisés. On a accès facilement à Internet, on est chaque jour sur nos téléphones, donc c’est utile pour les institutions de passer par ces canauxlà et par les influenceurs qui ont une forte caisse de résonance. Cela permet surtout de faire passer les bonnes informations, cette série en est un bel exemple !

Ce genre de collaboration peut véritablement faire évoluer les habitudes. Cette série permettra à chacun de prendre conscience que des choses très simples peuvent faire la différence. Le fait de voir des personnalités que l’on admire, comme Maurane Voyer, appliquer ces règles, de suite le message délivré est “faites comme Maurane, protégez l’eau, protégez l’environnement”. Les retours sont là ! Ma satisfaction est de voir que mon influence est positive ! J’espère d’ailleurs que la série reviendra pour une nouvelle saison. »

+ d’info ici : Retrouvez ici la série Swen dlo kay nou

Swen dlo kay nou, la série digitale de l’ODE Martinique qui sensibilise le public de manière ludique et engageante.
Call me Ludo, jeune Martiniquais qui monte sur les réseaux sociaux, est ici filmé pour un épisode sur la Route des Gués à Saint-Joseph.
Rédaction : Mathilde
Edmond-Mariette
Minoton /
ODE Martinique
Portrait : © Lionel Nidaud

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TERRE OUTRE-MER

MARTINIQUE : PRÉSERVER LA MANGROVE DES ESPÈCES ENVAHISSANTES

« Alors voilà, nous arrivons dans la zone de mangrove, cette magnifique forêt naturelle qui se trouve à deux pas des boutiques et des magasins, qui s’était rendu compte de ça ? » Mélanie Herteman est écologue, spécialiste des mangroves. À la demande de la commune du Lamentin en Martinique, elle dispense une formation à une vingtaine de ses agents. Elle leur explique les raisons de la dégradation de la mangrove, cette forêt tropicale humide située à l’interface de la terre et de la mer. Les palétuviers, ces arbres spécifiques aux mangroves, ont besoin d’une eau à forte teneur en sel pour pousser, mais les hommes ont modifié l’écosystème.

« Il faut distinguer l’eau de pluie de l’eau pluviale. L’eau de pluie, elle est là pour faire du bien à l’écosystème, elle vient directement du ciel. L’eau pluviale est issue de toute l’artificialisation qui provient de l’installation des maisons, des agrandissements de parkings, des routes qui n’en finissent pas d’être construites, etc. Toutes ces eaux du bassin versant, sur les hauteurs du Lamentin, ne s’infiltrent plus et donc arrivent ici. L’herbe de Guinée, qui est une plante envahissante, a tout recouvert et quand les anciens arbres vont tomber, les jeunes ne pourront pas repousser. C’est comme ça que la mangrove perd des hectares en peu de temps. »

Les eaux pluviales des hauteurs du Lamentin et de sa zone industrielle se déversent dans la mangrove, ce qui diminue son taux de salinité au point de favoriser la prolifération d’espèces exotiques envahissantes, l’une des principales menaces pour la biodiversité outre-mer.

Doris Joseph Marie-Luce est responsable du service Environnement de la commune du Lamentin en Martinique : « On voit toute une zone enherbée qui bénéficie de cette eau douce, là où avant nous avions de grands palétuviers. Et ici, vous voyez des lianes invasives qui poussent et étouffent le palétuvier. Une fois qu’il est mort, il tombe et l’herbe avance... Notre chargé de mission, qui arrive cette année, va rencontrer les entreprises pour voir où passent les canaux d’évacuation des eaux pluviales, afin de faire en sorte que moins d’eau douce arrive dans cette mangrove. »

Depuis une dizaine d’années, Le Lamentin préserve sa mangrove. Cet écosystème protège les littoraux des tempêtes, de la montée des eaux et de l’érosion.

Il capte trois à cinq fois plus de carbone que les forêts tropicales et filtre en partie les pollutions terrestres, ce qui protège les récifs coralliens. C’est aussi une réserve de biodiversité : oiseaux, chauves-souris, crabes, crevettes et bon nombre de juvéniles de poissons grandissent à l’abri des prédateurs dans les mangroves.

Visuel
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:
© Valentine Dubois

GUADELOUPE

QUAND LES ESPACES VERTS URBAINS FONT LA PART BELLE AUX POLLINISATEURS ET AUX PLANTES ENDÉMIQUES !

v égéta L iser L ’ espace ur B ain dans une Logique de va Lorisation des p L antes endémiques et de préservation des po LL inisateurs ? c ’ est L e pari qui a été re L evé par L e projet revpo L, de « rev égéta L isation de L ’ espace ur B ain et périur B ain en faveur des po L L inisateurs ».

Conçu par les associations antillaises Caribaea Initiative et Amazona, cofinancé par France Relance, l’Union européenne et l’OFB, le projet REVPOL a été mis en œuvre de 2021 à 2023 à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe et au Lamentin en Martinique.

AMÉLIORER LES STRATÉGIES

DE REVÉGÉTALISATION EN FAVORISANT LE RETOUR DES POLLINISATEURS

Avec un axe scientifique fort, REVPOL avait principalement pour but de mieux connaître les interactions entre les pollinisateurs – composés d’abeilles, guêpes, fourmis, moucherons, papillons, oiseaux, coléoptères, chauves-souris, etc. – mais aussi entre les plantes endémiques et exotiques, afin d’identifier les espèces à planter pour favoriser le retour des pollinisateurs en ville. In fine, REVPOL portait l’ambition d’émettre des recommandations et conseils en termes de gestion

d’espaces verts aux Antilles. Élise Queslin, directrice des programmes de Caribaea Initiative, revient pour nous sur la mise en place du projet. « Les collectivités locales ont été incluses dès sa genèse. Particulièrement engagées dans des démarches environnementales notamment en faveur de la biodiversité en ville, les communes de Pointe-à-Pitre et du Lamentin ont alors été sollicitées pour devenir partenaires de ce projet. Une importante phase de sensibilisation a dû être menée en amont, pour changer la perception des plantes endémiques que peuvent avoir les gestionnaires d’espaces : celles-ci étaient moins favorisées dans les aménagements, car bien moins fleuries et colorées que les plantes exotiques, qui peuvent non seulement se révéler être des espèces exotiques envahissantes, mais également des végétaux néfastes pour les pollinisateurs. »

En Guadeloupe, deux jardins participatifs expérimentaux ont ainsi été aménagés à Pointe-à-Pitre : l’un au foyer Gerty Archimède, l’autre à l’École Raymonde Bambuck.

En haut de page : à Pointe-à-Pitre, les élèves de l’école Raymonde Bambuck se sont investis dans le projet REVPOL à travers des ateliers de plantation au sein de leur établissement. Ils ont ainsi attiré des insectes ayant fécondé le pistil des fleurs, produisant ainsi des fruits...

Dans les deux cas, la chargée de mission de Caribaea Initiative a proposé des ateliers de sensibilisation et de formation aux seniors du foyer et aux petits écoliers de six ans, pour leur présenter de manière adaptée l’intérêt de la nature en ville. Puis est venue l’étape de la plantation avec les agents du service des espaces verts de la ville, et l’installation de panneaux pédagogiques d’identification des espèces. « Les jardins sont aujourd’hui toujours présents et maintenus par l’école et le foyer ! », se réjouit Élise Queslin.

SOUTENIR LA RECONQUÊTE DE LA BIODIVERSITÉ AU CŒUR DES VILLES

En Martinique, la Ville du Lamentin, très investie dans le cadre de REVPOL, a soutenu quant à elle la création d’un jardin expérimental sur le site du parc paysager du Neg Mawon, qui rend hommage aux résistances de l’esclavage. Menée avec le Conservatoire botanique national de Martinique (CBNMq), la pépinière Grenn Péyi et l’association Péyi Vert, cette initiative a permis le partage de connaissances et la fourniture généreuse des plants destinés à ce jardin expérimental inspiré des forêts martiniquaises et caribéennes. « La Ville du Lamentin avait en effet à cœur de s’inscrire dans la démarche impulsée par le projet REVPOL », nous indique Roseline Prospa,

la responsable adjointe du service Environnement et cadre de vie de la ville. « La place du Neg Mawon a été choisie pour son intérêt culturel et pour sa visibilité au sein du quartier très passant de Place d’Armes. Des élèves du Lycée professionnel agricole du Robert et du Collège Édouard Glissant du Lamentin, ainsi que des agents de mon service, y ont composé un jardin natif test respectant les différentes strates – herbacée, arbustive, arborée – de façon à encourager la venue des pollinisateurs », poursuit-elle. REVPOL a initié un bel élan dans la commune, qui a par la suite conçu le projet « Nèg Mawon Pollinisateur », lancé en décembre 2023 par une étude paysagère et qui s’est concrétisé en juin 2024 sous forme de plantations réalisées par des élèves et collégiens du Lamentin.

En Guadeloupe tout comme en Martinique, le projet REVPOL est parvenu à créer des îlots de fraîcheur qui perdurent et dans lesquels se développent aujourd’hui des plants d’espèces indigènes issus de la démarche « Végétal Local » animée par le CBNMq. L’objectif étant toujours de valoriser la biodiversité locale et de contribuer au retour des pollinisateurs. « Le guide issu de l’expérience REVPOL permettra, espérons-le, de développer dans nos îles, comme dans d’autres territoires ultramarins et d’ailleurs, de nombreux espaces à végétaliser en ce sens », souhaite Roseline Prospa.

Rédaction : Axelle Dorville

INTERCO’ OUTRE-MER DONNE LA PAROLE

AUX INTERCOMMUNALITÉS DE GUADELOUPE

d ans cette édition , i nterco ‘ o utre - mer , réseau des intercommuna L ités d ’ outre - mer , met en avant ses adhérents en g uade L oupe , auxque L s nous avons posé cette question : « queLLes sont aujourd ’ hui Les priorités environnementaLes au sein de votre intercommunaLité ? »

TÉMOIGNAGES

ÉRIC JALTON, PRÉSIDENT DE LA COMMUNAUTÉ D’AGGLOMÉRATION

CAP EXCELLENCE 1

1 Et maire des Abymes

« Cap Excellence a fait de l’environnement une grande cause territoriale. À ce titre, elle s’est conformée aux prescriptions de l’État en matière de plan et a initié des projets exemplaires – écoquartiers, parc d’activité HQE, Agropark, ouvrages de protection des côtes... – récompensés par de nombreux labels. La préoccupation environnementale doit se traduire dans tous les compartiments de l’activité humaine : logement, transport, eau, agriculture, protection contre les inondations, traitement des déchets, énergies alternatives... Nous plaidons pour la création d’un plan global doté de moyens afin de prévenir les menaces annoncées par le GIEC. »

GUY LOSBAR, PRÉSIDENT DE

LA COMMUNAUTÉ D’AGGLOMÉRATION

DU NORD BASSETERRE (CANBT) 2

2 Et président du Conseil départemental de la Guadeloupe

« J’encourage nos agents à se former aux pratiques favorables au développement durable et à contribuer à faire du Nord Basse-Terre un territoire de haute qualité environnementale. Par exemple, le 16 juillet, ils ont bénéficié d’un chantier-école proposé par le Parc national de la Guadeloupe dans le cadre du projet “PROTÉGER”, de promotion et développement du génie écologique sur les rivières de Guadeloupe. Cette formation a porté sur les techniques d’utilisation de végétaux vivants et leurs propriétés mécaniques dans les travaux de construction, de protection des sols contre l’érosion et de stabilisation des berges. »

La future déchetterie de Trioncelle. © Cap Excellence | Agents de la CANBT formés à la réintroduction d’espèces indigènes sur les berges de la Lézarde. ©

| Extrait de l’exposition itinérante de la CANGT dédiée

CANBT.
aux mares. © Delphine Salvar | La CARL se veut exemplaire en matière de transition écologique. © Riviera du Levant | La CCMG œuvre à la restauration des mares de Marie-Galante, menacées de disparition. © CCMG
Présidée par Lyliane Piquion-Salomé, Interco’ Outre-mer
Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte

D’AGGLOMÉRATION

DU NORD GRANDE-

TERRE (CANGT) 3

3 Et maire de Morne-à-l’Eau

« Labellisée Territoire Engagé pour la Nature, la CANGT poursuit ses actions en faveur de la transition écologique, des milieux naturels et de la biodiversité locale, de l’amélioration du cadre de vie. Par exemple, l’Atlas de la Biodiversité Communautaire portant sur les mares nous permet d’accroître la connaissance de notre patrimoine naturel. L’exposition photo itinérante sur les mares et le programme d’animations déployé cette année avec le concours des Médiathèques du Nord Grande-Terre traduisent cette volonté de sensibiliser le public à la préservation de la biodiversité, mais aussi à la gestion de la ressource en eau. »

MARYSE ETZOL, PRÉSIDENTE DE LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DE MARIE-GALANTE (CCMG) 5

5 Et maire de Grand-Bourg

« Diversifier l’agriculture est une priorité de la CCMG, où la monoculture de la canne prédomine. Or se pose le problème de l’eau, car nous n’avons pas ici d’eau agricole. C’est pourquoi nous portons le projet 6 de réhabiliter les 44 mares d’intérêt collectif de l’île. En 2022, les travaux de restauration démarraient dans 12 mares, avec le curage des sédiments pour éviter leur comblement, l’ajout d’argile pour rétablir leur étanchéité, et la stabilisation des berges. Des aménagements ont été faits : barrières en bois, abreuvoirs, équipements pour prélever l’eau (filtre décanteur, mire de niveau)... Nous commençons déjà à travailler sur les 36 autres mares. »

LOÏC TONTON, PRÉSIDENT DE LA COMMUNAUTÉ D’AGGLOMÉRATION

LA RIVIERA

DU LEVANT (CARL) 4

4 Et maire de La Désirade

« Dans le cadre de notre Plan Climat Air Energie Territorial (PCAET) qui a débuté en 2018, nous menons différentes actions en faveur de la réduction de l’impact carbone, notamment en encourageant sur notre territoire la pose de panneaux photovoltaïques par des hébergeurs touristiques et en sensibilisant les particuliers à cette démarche. D’autres initiatives de la Riviera du Levant visent à sensibiliser et éduquer la population aux enjeux environnementaux, comme par exemple à travers la protection du marais de la pointe Gros Bœuf à Saint-François, ou encore la pose de repères de crues afin de faire perdurer concrètement l’information du risque dans la mémoire collective. »

6 Projet cofinancé par l’ODE et le Département de la Guadeloupe.

INTERCO’ OUTRE-MER PORTE LA VOIX DES DES INTERCOMMUNALITÉS ULTRAMARINES

« Les territoires d’outre-mer représentent un vaste éventail de paysages, d’histoires et de cultures. L’essence même d’Interco’ Outre-mer est de contribuer à la préservation de cette richesse, cette diversité dans l’unicité. En travaillant ensemble, nous pouvons continuer à être un moteur de changement positif pour les outre-mer et faire aussi de cette opportunité un levier de développement économique », Lyliane Piquion-Salomé, présidente d’interco’ Outre-mer.

GUYANE

LA LUTTE CONTRE LA PÊCHE ILLÉGALE, PLUS IMPÉRATIVE QUE JAMAIS

v érita BL e f L éau économique et éco L ogique , L a pêche i LL éga L e n ’ a cessé de s ’ accroître en g uyane ces 30 dernières années m a L gré une re L ance de L a stratégie et des initiatives en termes de coopération internationa L e , tout , ou presque , reste à faire

Lorsqu’il a survolé les 400 kilomètres de côtes de la Guyane, le 1er juin 2024, Laurent Kelle a compté pas moins de 93 tapouilles, des bateaux de pêche légers utilisés dans la région, en train de larguer clandestinement leurs filets dans les eaux territoriales françaises. Ce jour-là, les illégaux, venus du Suriname, du Guyana et du Brésil étaient cinq fois plus nombreux que les pêcheurs de la filière guyanaise légale. Et, pour le responsable du WWF Guyane, cela n’a rien d’exceptionnel. Depuis la fin des années 90, il fait partie de ceux qui alertent inlassablement les services de l’État sur l’ampleur de ce fléau.

De l’ordre de 6 000 tonnes en 2010, la pêche illégale – ou pêche INN pour Illicite, non déclarée et non-réglementée – n’a cessé de se développer ces dernières années, à mesure que les eaux territoriales des voisins de la Guyane s’appauvrissaient, victimes

de surexploitation. Un rapport du WWF, du Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins (CRPMEM) et de l’Ifremer doit être publié courant septembre pour faire le point sur le préjudice.

« Personne ne s’attend à de bonnes nouvelles. On peut d’ores et déjà affirmer que la pêche illégale a augmenté », annonce Laurent Kelle.

PRÉJUDICE ÉCOLOGIQUE ET ÉCONOMIQUE

La situation est dramatique pour la filière légale guyanaise, troisième secteur économique du territoire. En plus de pâtir du vieillissement de sa flotte et de ses infrastructures, elle doit désormais faire face à une surexploitation de ses ressources et à la présence de pêcheurs étrangers parfois armés et violents dans ses eaux. Le préjudice écologique est lui aussi majeur, car la quasi-extinction des tortues luth dans l’ouest de la Guyane, premier site de ponte du monde dans les années 90, s’explique largement par la pêche illégale. « C’est courant de voir des tortues qui se prennent dans les mailles des filets. J’ai pu en voir jusqu’à 11 adultes dans un même filet », rappelle Laurent Kelle.

Or, les illégaux se préoccupent bien peu d’éviter le cabotage aux abords des zones de ponte, pourtant protégées. Le dernier Plan national d’actions (PNA) en faveur des tortues marines (2014-2024), actuellement

haut de page : six tapouilles en provenance du Suriname ou du Guyana, se cachant dans les mangroves en Guyane avant de repartir pêcher dans les eaux françaises en toute impunité (survol en mai 2023). En moyenne, une trentaine de ces navires pêche quotidiennement dans les eaux guyanaises.

RTMG| Ci-dessus : tapouille brésilienne péchant dans les eaux guyanaises également (survol en juin 2024). Ces navires peuvent embarquer des filets mesureant jusqu’à 20 kilomètres. En moyenne, nous observons 35 navires brésiliens pêchant en Guyane chaque jour. © Julien Clozeau / WWF

Selon le WWF, les deux fléaux qui continuent aujourd’hui de menacer la biodiversité de la Guyane sont l’orpaillage illégal et la pêche illégale.

« Afin de mettre un terme à ces menaces, le seul véritable levier à actionner reste celui d’une coopération transfrontalière effective. » © WWF

| Ci-dessous : les longs filets maillants dérivants sont des pièges pour les grands vertébrés comme les tortues marines. © Hugo Hebbe

en cours d’évaluation, avait d’ailleurs inscrit la lutte contre la pêche INN parmi les objectifs prioritaires. Si ce dernier plan est objectivement un échec, quelques lueurs d’espoirs subsistent.

Sur les trois dernières années, la Préfecture de Guyane annonce en effet que 27 tapouilles ont été saisies puis détruites, dont 26 côté Brésil, là où la coopération transfrontalière est la plus dynamique. Un chiffre bien trop faible pour les représentants du CRPMEM qui exigent une éradication pure et simple de la « pêche pirate », mais qui est néanmoins en hausse et qui s’explique notamment par une meilleure coordination entre les services de l’État.

Dans l’ouest de la Guyane, zone où la prédation est la plus forte, un premier bateau a été saisi et détruit en mai, le premier depuis « plusieurs années », selon la préfecture. Si cela reste dérisoire aux yeux des milieux écologistes et de la filière légale, les pouvoirs publics veulent y voir le signal encourageant, d’une reprise de la lutte.

DES AVANCÉES ENCORE FAIBLES

Preuve que cette question est prise un peu plus au sérieux par les pouvoirs publics, Emmanuel Macron en avait fait un axe fort de son déplacement en mars, au cours duquel il était allé à la rencontre de la filière, sous les halles du marché aux poissons de Cayenne. Le président de la République s’était fait applaudir par les pêcheurs en annonçant la « multiplication des opérations de démantèlement » et la création, « dans le mois », d’un site capable de détruire les navires saisis dans l’ouest guyanais, structure impérative pour gagner en efficacité. À ce jour, rien de concret n’a encore été mis en place, les autorités en étant toujours à la phase de prospection pour trouver un site et une entreprise capable de réaliser le chantier. Un appel d’offres a été passé fin août. De même, les drones expérimentés en 2018 et qui se sont avérés très performants pour accroître la surveillance ne font toujours pas partie de l’arsenal de lutte.

Enfin, rien n’avait été annoncé quant à la coopération transfrontalière avec le Guyana et le Suriname, pourtant au cœur du problème. À ce sujet, les acteurs locaux montrent pourtant qu’il y a une volonté commune d’avancer. En juin dernier, un protocole d’accord commun a même été signé à Paramaribo entre des fonctionnaires et des représentants économiques de chaque pays. « C’est un embryon d’accord avec des propositions qui sont maintenant entre les mains des trois gouvernements respectifs, et nous les appelons à s’en emparer », explique Laurent Kelle, à l’origine de la démarche, avec le CRPMEM de Guyane.

Rédaction : Enzo Dubesset

TROIS EXEMPLES DE PROJETS

ACCOMPAGNÉS PAR LE FONDS VERT EN GUYANE

soutenir Les projets des territoires pour accéLérer Leur transition écoLogique est La vocation du f onds v ert , créé en 2023. L’ é tat accompagne ainsi fortement L a mo B i L isation des co LL ectivités territoria L es en outre - mer . Z oom sur trois projets f onds v ert en g uyane .

L’ÉCLOSERIE NATURELLE KAWANA

POUR LES TORTUES LUTH

Malgré un plan de restauration (2007-2012), un plan national d’actions (2014-2023) et la création d’une réserve naturelle nationale, les populations de tortues luth de l’ouest guyanais se sont littéralement effondrées. Alors que 12 000 à 18 000 femelles fréquentaient tous les ans ces sites de ponte dans les années 1970, elles n’étaient plus qu’une vingtaine en 2022. Le projet d’écloserie naturelle porté par l’association Kwata consiste en un enclos de protection installé sur la plage d’Awala-Yalimapo, pour préserver les derniers rares nids présents. Le second objectif est de retravailler les enjeux de sauvegarde de l’espèce avec les communautés locales. Selon Benoît de Thoisy, directeur de Kwata, « dans le contexte actuel de réchauffement climatique, cette écloserie est un peu une “opération de la dernière chance” pour essayer de maintenir la population de tortue luth de l’ouest guyanais ».

Bénéficiaire : association Kwata

Opération : 210 000 euros / Subvention : 195 000 euros

Date de fin de la convention : septembre 2026

LA GESTION DU SITE PROTÉGÉ

DES SALINES DE MONTJOLY

Îlot de biodiversité périurbain de 63 hectares situé entre l’agglomération de Cayenne et la mer, les Salines de Montjoly abritent des milieux écologiques d’une diversité remarquable. Or, l’anthropisation a modifié le fonctionnement hydraulique de cet étang qui était naturellement en relation plus ou moins directe avec l’océan. Aujourd’hui, 80 % à 90 % de la zone d’eau libre s’est refermée, entraînant de forts impacts sur la biodiversité et les services écosystémiques associés, du fait notamment de la rétention des eaux de pluies. « Dans le cadre de ce projet soutenu par le Fonds Vert, l’association Kwata, qui est gestionnaire des Salines de Montjoly depuis 2012, œuvre à la mise en place des actions prioritaires du plan de gestion : poursuite des actions de sensibilisation, opérations de surveillance, suivis faunistiques et floristiques notamment », explique Benoît de Thoisy.

Bénéficiaire : association Kwata

Opération : 121 918 euros / Subvention : 94 688 euros Date de fin de la convention : septembre 2026

UNE CARTE SUR LA PROJECTION DU RECUL DU TRAIT DE CÔTE

Dans la commune d’Awala-Yalimapo, qui se trouve à l’extrême nord-ouest de la Guyane entre les embouchures des fleuves Maroni et Mana, les dynamiques côtières sont rapides et complexes. La politique d’aménagement du territoire doit prendre en compte l’érosion du littoral, qui s’accentue ces dernières années sous l’influence d’un banc de vase amazonien. Une première cartographie réalisée en 2015 offrait des projections jusqu’en 2050, mais sans prendre en compte les effets du dérèglement climatique à moyen et long terme. L’axe 2 du Fonds Vert porte justement de manière spécifique sur l’accompagnement pour l’adaptation des territoires littoraux au recul du trait de côte. Awala-Yalimapo a ainsi pu bénéficier de financements pour se doter d’une cartographie mise à jour à l’horizon 2100 afin de penser l’aménagement de son littoral avec sobriété et résilience.

Bénéficiaire : commune d’Awala-Yalimapo

Opération : 50 000 euros / Subvention : 40 000 euros

Date de fin de la convention : octobre 2025

TÉMOIGNAGE

GUILLAUME BRUNIER, INGÉNIEUR-CHERCHEUR LITTORAL ET RISQUES CÔTIERS AU BRGM

« Le secteur d’Awala-Yalimapo représente un espace complexe, composé d’estuaires majeurs et soumis aux déplacements de bancs de vase en provenance de l’Amazone. Le littoral guyanais, qui est l’un des plus mouvants du monde, alterne rapidement les périodes d’accrétion et d’érosion. Pour étudier ces dynamiques côtières si particulières, le BRGM est en train d’établir une méthodologie qui rend compte des singularités de ce littoral sur lequel les modèles d’études au niveau national ne peuvent être appliqués stricto sensu Cartographier ici une projection de recul du trait de côte s’apparente en quelque sorte à un projet de recherche-action ! Après cette cartographie à AwalaYalimapo puis une autre à Macouria au cours de l’année 2025, le BRGM rédigera une nouvelle méthodologie dédiée à la Guyane, qui permettra d’élaborer plus facilement les prochaines générations de cartes. »

Rédaction : Lucie Labbouz

MIEUX CONNAÎTRE LES FÉLINS DE GUYANE

GRÂCE AUX TRAVAUX DE L’UTC

e n g uyane , L ’ o ffice français de L a B iodiversité dép Loie L ’ unité technique « connaissance » (utc ), une équipe de terrain qui assure des missions de suivis scientifiques . L es agents s’intéressent notamment aux féLins de La forêt guyanaise, des animaux emBLématiques et discrets, encore ma L connus et parfois sources de conf L its avec L es popu L ations Loca L es

INTERVIEW

STÉPHANIE BARTHE,

CHEFFE DE L’UTC GUYANE DE L’OFB

• En quoi consistent les suivis de félins effectués par vos services ?

- Nous étudions trois des cinq espèces de félins présentes en Guyane : le jaguar, le puma et l’ocelot. Pour mieux comprendre l’activité de ces animaux et l’étendue de leurs territoires, nous avons réalisé par le passé des études télémétriques sur deux sites en installant des colliers émetteurs sur des jaguars et des pumas. Aujourd’hui, nous déployons un réseau de pièges photographiques sur quatre sites, dans lesquels l’activité humaine varie : le Centre spatial guyanais (CSG) en partenariat avec le CNES 1, un espace privé et réglementé de 300 km², soit la superficie moyenne du domaine vital d’un jaguar mâle ; la ferme Manoa en zone agricole, où des attaques sur le bétail ont été signalées ; la Réserve périurbaine du Mont Grand Matoury ; et enfin la Réserve naturelle nationale des Nouragues, qui forme un territoire isolé.

« LES PIÈGES PHOTOS NOUS

PERMETTENT D’IDENTIFIER

LES INDIVIDUS ET DE COMPARER

LEURS DYNAMIQUES DE GROUPE »

Qui plus est, en partenariat avec l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), nous collectons les déjections 2 des animaux pour mener des études génétiques et aussi comprendre le régime alimentaire des félins.

• Les populations de félins sont-elles en bonne santé en Guyane ?

- Bien que la Guyane dispose d’habitats vastes et bien conservés, les félins font face à des pressions telles que la destruction des habitats, la diminution des ressources alimentaires, le braconnage. Localement, le puma et le jaguar apparaissent comme quasi menacés sur la Liste rouge de l’UICN, mais les connaissances restent insuffisantes pour savoir si leur nombre est en diminution ou non. Sur le site du CSG, un protocole spécifique déployé en 2013, puis en 2023, a permis d’évaluer une densité de deux à trois jaguars pour 100 km2. Par extrapolation, la population a été estimée en 2020 à 1 400 3 jaguars en Guyane, un chiffre à préciser. Pour ce faire et pour établir une tendance, nous allons à présent reconduire ce protocole tous les trois ans.

Les analyses génétiques nous donneront par ailleurs des informations sur la diversité et le brassage entre les animaux. Grâce à une densification de notre réseau de collecteurs sur le littoral et au sein du Parc amazonien de Guyane, nous pourrons déterminer s’il existe des sous-groupes génétiques ou si les populations sont homogènes. Le coefficient de consanguinité est en effet un indicateur important de la santé d’une population.

• Dans quelle mesure, selon vous, les jaguars posent-ils problème aux éleveurs ?

- En 2022, on recensait 442 animaux d’élevage tués par des jaguars, soit deux fois plus qu’en 2021. En réponse et bien que l’espèce soit protégée, les tirs de représailles augmentent et ajoutent une pression difficile à évaluer sur les jaguars, sans pour autant résoudre le problème des éleveurs. Avec la collecte des fèces, l’objectif est de définir la proportion d’animaux domestiques dans le régime alimentaire des félins et de comparer ces résultats entre les zones agricoles et les sites protégés.

« NOTRE HYPOTHÈSE EST QUE

LA DÉFORESTATION ET LA CHASSE DE LA FAUNE SAUVAGE POUSSENT PETIT À PETIT LES JAGUARS À SE REPLIER

SUR LES ANIMAUX DOMESTIQUES »

• Quelles sont les solutions pour avancer sur ce conflit homme-animal ?

- Auparavant, les jaguars menaçants étaient déplacés à plus de 300 kilomètres, une méthode coûteuse et inefficace, car les deux tiers revenaient sur le site initial. Désormais, nous priorisons les solutions concrètes et

soutenons l’association HISA qui aide les éleveurs à adopter des mesures de protection : clôtures électriques, lumières, chiens ou ânes, par exemple.

Face à ces nécessaires changements de pratiques agricoles, les données scientifiques informent les éleveurs et les sensibilisent face aux idées reçues. Nous savons par exemple aujourd’hui qu’un jaguar abattu sera remplacé par d’autres individus, et que les zones naturelles de forêt préservée assurent aux jaguars des stocks de nourriture suffisants, évitant ainsi qu’ils ne s’attaquent au bétail. Dans les années à venir, nos protocoles de suivis vont s’intensifier, ce qui permettra de mieux connaître, mieux protéger et, je l’espère, mieux cohabiter avec les félins de Guyane.

+ d’info ici : Guide pour protéger le bétail des félins

Rédaction et interview :
Romy
Loublier
Félin intégralement protégé et plutôt nocturne, l’ocelot pèse jusqu’à 15 kg et se nourrit de petits mammifères, oiseaux ou lézards. © OFB
Le puma est protégé en Guyane. © Hadrien Lalagüe | Document de suivi des jaguars à la ferme Manoa où, chaque année, sept à neuf jaguars sont identifiés. En 2022, un turn-over a été observé à la suite de la disparition de Sleepy, le mâle dominant, qui a laissé place à l’installation d’au moins trois nouveaux individus. © OFB | Équipe de l’UTC Guyane sur le site du CSG. © CNES | Sleepy portant son collier émetteur en 2021. © OFB

+ d’info ici : www.cirad.fr

UNE NOUVELLE ÉTAPE POUR LA PRÉSERVATION DE LA BIODIVERSITÉ RÉUNIONNAISE

e n L ien avec ses partenaires , L e c irad se mo B i L ise très activement pour L a B iodiversité réunionnaise , qui est menacée par 129 espèces exotiques envahissantes ( eee ) dont L a L utte est jugée prioritaire p oint d ’ étape sur L e projet de recherche - action engagé depuis 2018 par L a ce LL u Le r e m i n at – r estauration des m i L ieux n ature L s .

INTERVIEW

MATHIEU ROUGET, CHERCHEUR

EN ÉCOLOGIE DES COMMUNAUTÉS AU CIRAD À LA RÉUNION

• En quoi consistent les actions de ReMiNat ?

- Le projet ReMiNat est né du besoin des gestionnaires de disposer de connaissances et d’outils pour améliorer la gestion des espèces exotiques envahissantes. Les EEE sont en effet la problématique numéro une des

gestionnaires de milieux naturels sur l’île. Porté par le Parc national de La Réunion, le Cirad et l’Université de La Réunion, le projet réunit une vingtaine de personnes. Notre but était de prioriser les espèces contre lesquelles lutter et les sites d’intervention : 129 EEE ont ainsi été identifiées sur environ 3 000 présentes et 10 000 hectares retenus. Pour diagnostiquer les degrés d’invasion par ces espèces, le Cirad a développé des outils de télédétection. Par exemple, nous avons cartographié au Grand Bénare la distribution de l’ajonc d’Europe, EEE très agressive, grâce à une campagne d’imagerie en ULM qui a permis de distinguer les individus en fleurs, etc. Nos données aident ensuite les gestionnaires à faire des choix de programmation.

• Quelles principales avancées observez-vous ?

- ReMiNat favorise la coordination des acteurs et le partage d’informations pour mener les chantiers les plus appropriés. Un partenariat actif et efficace ! Ensemble, nous avons franchi un grand pas vers une approche intégrée de la lutte contre les EEE. Nos méthodes sont suffisamment robustes, mais simples et rapides pour être applicables sur le terrain par les gestionnaires. Enfin, des recherches sont en cours pour tester de nouvelles techniques : la lutte biologique, ou encore la plantation et le semis d’espèces indigènes sur les sites considérés comme prioritaires.

De gauche à droite : le caliphon (Strobilanthes halmitoniana), espèce échappée des jardins qui se propage en forêt tropicale de montagne. | L’ajonc d’Europe (Ulex europaeus) envahit de ses bosquets denses et épineux les habitats

GWENDOLINE LE LIARD, CHEFFE DU SERVICE PRÉSERVATION

DES PATRIMOINES NATURELS

AU PARC NATIONAL DE LA RÉUNION

« En 2017, l’Union internationale pour la conservation de la nature dégradait la note des sites réunionnais inscrits au Patrimoine mondial de l’UNESCO, du fait d’un manque de moyens alloués à la lutte contre les espèces exotiques envahissantes et de problématiques de gouvernance du bien. C’est dans ce contexte qu’a été conçu ce projet intégré de conservation et de restauration des milieux naturels, destiné à inverser la perte de la biodiversité causée par la prolifération des EEE. Cette inversion de la perte de biodiversité est justement l’un des grands enjeux que le territoire a actés dans la charte du Parc national de La Réunion.

Piloté par un groupe de travail multi-acteurs 1, le projet s’appuie sur la mise à jour de la connaissance de l’état de conservation des milieux naturels face à l’invasion par les espèces végétales ; un travail réalisé par la cellule ReMiNat, financée par le Fonds Vert pour 2023-2028, coportée par le Cirad, l’Université de La Réunion et le Parc national de la Réunion, avec deux bénéficiaires secondaires, le CBNM et l’Armeflhor. L’objectif est la coconstruction d’une stratégie de restauration concertée, basée sur un changement de paradigme – passer de la lutte contre les EEE à la conservation des milieux les plus préservés et la restauration de la fonctionnalité des habitats les plus dégradés – et sur un changement d’échelle, avec 6000 hectares prioritaires à gérer, contre 600 auparavant.

Avec des moyens humains et financiers renforcés et une gouvernance technique et politique, ce projet ambitionne de couvrir des actions de diagnostic et la construction de programmes d’intervention en milieu naturel et en zones d’interfaces. »

1 État, Département, ONF, Parc national de La Réunion, Cirad, Université de La Réunion, Conservatoire botanique de Mascarin.

LÉA MARIE, CHARGÉE DE MISSION BIODIVERSITÉ À L’OFFICE NATIONAL DES FORÊTS (ONF) RÉUNION

« Avec 150 ouvriers déployés, 100 000 hectares de forêts gérés – soit 40% de la superficie de l’île – et près de 200 opérations de lutte chaque année contre les EEE dans des secteurs différents, l’ONF est le premier gestionnaire des milieux naturels à La Réunion. ReMiNat nous aide, en tant que gestionnaire, à mieux connaître les enjeux de conservation dans les massifs forestiers que nous gérons. Dans le cadre de ce projet, nous avons participé à des inventaires afin d’évaluer le degré d’invasion de certains massifs. Nous avons pu identifier des “aires de contrôle intensif”, comme à Grand Coude ou aux Makes, qui sont des zones accessibles, peu envahies et à fort enjeu de conservation.

Il est urgent de faire rempartauxEEEsurces sites encore préservés où, avec moins de moyens, on réussit à toucher plus de surface. Il faut rappeler que le travail reste mécanique, les EEE sont retirées patiemment au sabre. Dans les trouées créées par les chantiers d’arrachage, nos agents replantent des espèces indigènes qui profitent alors de la lumière pour se développer. »

Dans le cadre du projet ReMiNat, réalisation du diagnostic du degré d’invasion sur le massif du Piton de la Fournaise. © Margot Caubit
Rédaction et interview
Axelle
Dorville | Stéphanie Castre

ÎLE DE LA RÉUNION

L’OCÉAN INDIEN TRAVERSÉ PAR DEUX RAMEURS RÉUNIONNAIS

partis d’austraLie Le 26 avriL, sophie Bernier et f anch L andron , un coupLe d ’ aventuriers, ont reLié La réunion après 86 jours en mer.

5 800 kiLomètres sans assistance, sans escaLe, en tota L e autonomie a L imentaire avec L eur

Bateau à rame ! q ue L ques jours après L eur arrivée, sophie nous Livre ses émotions entre LiBerté, soLitude et coLère de voir La poLLution humaine au mi L ieu de ce désert BL eu

Cela faisait des années que le couple pensait relier l’Australie à La Réunion à la rame. « Il y a deux ans, j’ai lancé un ultimatum à Fanch et lui ai dit : “soit on le fait, soit on arrête d’en parler.” Le projet s’est vraiment concrétisé à partir de cet instant », nous précise Sophie Bernier. Le couple n’en était pas à son coup d’essai. Sophie, vice-championne du monde en 2008 de freestyle en chute libre avait en 2014 relié l’île Maurice à La Réunion en kitesurf et Fanch Landron avait réalisé deux traversées à la rame Madagascar-Réunion.

UNE EXPÉDITION DE TROIS MOIS, EN TOTALE AUTONOMIE SUR L’OCÉAN

Le couple a une certaine conscience écologique dans sa vie quotidienne et ne se voyait pas voyager avec un bateau à moteur ou à voile. « Cela fait déjà un moment que l’on vit comme ça, on habite dans une maisonconteneur aménagée, nous avons des toilettes sèches et nous faisons énormément attention à nos choix de consommation. On sait que l’on n’est pas parfait, mais on essaye de faire les choses à notre échelle »

Sophie et Fanch ont décidé de partir d’Australie avec Otrouble, une sorte de grand kayak rose de sept mètres pour affronter seuls l’océan Indien, tant redouté des navigateurs pour son côté sauvage avec ses courants souvent défavorables. « Pour être autonomes, nous avions installé des panneaux solaires et un dessalinateur afin de boire de l’eau douce tout le long de notre voyage et l’on se nourrissait d’aliments lyophilisés. »

VIVRE AU MILIEU DE CE DÉSERT BLEU ET DES ANIMAUX MARINS ET VOIR

L’EMPREINTE INÉVITABLE DE L’HOMME

Deux chavirages, des vagues hautes en moyenne de 4,50 mètres et ayant atteint neuf mètres... Mais ce sont la relation avec l’océan et les souvenirs avec la faune marine qui ont le plus marqué Sophie. « Àmi-parcours, une baleine de Mink était arrivée un matin à quelques mètres du bateau. Elle était là, près d’une heure avec nous, c’était un véritable moment suspendu, en totale harmonie avec les éléments. À quelques jours de leur arrivée, des marlins venaient quotidiennement chasser les bancs de thons qui se trouvaient sous notre bateau. Nous étions devenus les spectateurs privilégiés des scènes de la vie aquatique. Nous étions un bout de rose au milieu de cette infinité de bleu. » Sophie et Fanch ont également pu assister à de majestueux ballets aériens de puffins, de sternes et d’autres espèces d’oiseaux marins pélagiques.

Et quand ils pensaient être seuls au milieu de l’océan, l’empreinte de l’Homme s’avérait en fait omniprésente, comme inévitable. « Nous étions si loin des côtes, si loin de tout. On ne pensait pas voir cet océan de plastique et pourtant, il était là, d’immenses nappes de déchets flottants. Un vrai désastre écologique devant nos yeux, c’était tellement triste. On a alors pensé directement aux dauphins, aux tortues et aux baleines et à tous ces animaux marins qui meurent régulièrement de la pollution créée par l’être humain. Et cette plaque de plastique n’était que la partie immergée, imaginez tout le microplastique ingurgité chaque année par la faune marine »

MONTRER QUE TOUT EST POSSIBLE ET DÉPOSER UNE PETITE GRAINE

AUX GÉNÉRATIONS FUTURES

Cette solitude a également représenté une bouffée d’air pour Sophie : « Quand on ramait, il y avait forcément des moments de divagation, de méditation sur des sujets aussi futiles que profonds, c’était un véritable rendez-vous avec nous-mêmes, ce qui nous arrive très rarement dans notre vie de tous les jours. »

À leur arrivée officielle sur la base nautique du Port le 22 juillet et après 86 jours seuls en mer, une centaine de proches, de soutiens et de supporters étaient présents, sur fond de musique maloya. Parmi eux, des enfants et Lucie qui avait suivi quotidiennement la traversée grâce aux posts de L’Indien à la rame publiés sur les réseaux sociaux par Sophie et Fanch, et au traceur GPS partagé avec leurs followers. La petite fille disait vouloir être « une aventurière comme Sophie » quand elle serait grande. « On n’a pas voulu faire cela pour devenir des exemples, mais si on peut procurer le sentiment que tout est possible quand on le veut vraiment et qu’on y met les moyens, alors ce n’est que du bonus », se réjouit Sophie.

Après ce périple, le couple reprend tranquillement sa vie d’avant, la vie de Monsieur et Madame Tout le Monde, mais pas tout à fait non plus ! C’était sûrement leur dernière aventure en mer et Otrouble va être vendue pour continuer ces folles histoires. Un film de 52 minutes sera projeté lors du prochain Festival du film d’aventure de La Réunion. Sophie pense également à écrire un livre sur leur périple.

« Ce ne sera pas un carnet de voyage, mais il sera question des grandes phases de la préparation et de ce qui nous a marqués le plus » Prochaine étape pour Sophie, chercher une maison d’édition spécialisée dans les récits d’aventure. À suivre, donc...

Rédaction : Pierre-Yves Fouché

Sophie et Fanch, lors de leur incroyable épopée à la force des bras depuis Carnarvon sur la côte ouest australienne jusqu’à l’île de La Réunion, « à la maison ». © Sophie Bernier

DIONY PARKS À SAINT-DENIS, UNE « FORÊT AVENTURE » EN PLEIN CENTRE- VILLE !

L a v i LL e de s aint - d enis dép Loie une nouve LL e vision pour son territoire : L ’ avenir sera vert et s ’ écrira avec L es ha B itants . L’ orchestration de cette am B ition s ’ i LL ustre sur L ’ ensem BL e des grands aménagements prévus , dont notamment un projet phare : d iony p arks .

UN SCÉNARIO D’AMÉNAGEMENT

CHOISI PAR LES CITOYENS

Pour poser les premiers jalons du projet Diony Parks, la municipalité a organisé un laboratoire participatif géant dont le but était de recenser, grâce au concours des citoyens, des idées permettant d’imaginer les futurs parcs et jardins de la ville. Cette action de démocratie participative s’est traduite par une série d’ateliers et réunions publiques, et par un site Internet lui aussi destiné à recueillir les idées des Dionysiens. En 2022, une grande campagne de vote a été lancée et le scénario de « forêt aventure » dessiné par les élèves de l’école élémentaire de Joinville a été élu par plus de 17 000 citoyens. Les quatre scénarios non retenus serviront de laboratoires d’idées pour enrichir ce projet.

BONHEUR, ENVIRONNEMENT ET GRANDS PROJETS

À la suite de cette grande concertation, le terrain de trois hectares situé entre le Petit Marché et la gare routière va reprendre vie en devenant une immense forêt urbaine baptisée « Diony Parks ». Les objectifs affichés de la maire Éricka Bareigts sont clairs : « Pour l’ensemble de nos projets, dont l’emblématique Diony Parks, notre mission est d’offrir aux Dionysiens un cadre de vie où chacun peut s’épanouir, élever sa famille, construire son projet de vie. Bonheur, bienêtre, développement durable et protection de l’environnement sont les moteurs de ma mandature et les dossiers avancent. Ville citoyenne et ambitieuse, Saint-Denis est en pleine transformation. »

La Ville de Saint-Denis souhaite redonner sa place à la nature dans l’espace urbain grâce à la démarche participative. Le projet « Diony Parks » (ici en projection 3D), qui bordera le front de mer de la capitale ultramarine, s’inscrit dans le cadre de cette approche. © Ville de Saint-Denis

LES TRAVAUX DÉBUTERONT DÉBUT 2025

Une structure en forme de vouve – nasse cônique qui sert à la pêche des bichiques – haute de 25 mètres sera installée sur une butte. En effet, pour protéger le parc du vent et offrir des zones de végétation et de jeux variées, la topographie du site va être modelée avec la création de buttes symbolisant les remparts et ravines de La Réunion. Cette vouve surprendra par son originalité, sa grandeur et la vue imprenable qu’elle proposera aux visiteurs sur le front de mer.

Sans oublier un parc surélevé, élément central des futurs aménagements ! Prenant appui sur les buttes, une passerelle de plus d’un kilomètre de long permettra de cheminer au-dessus du parc, à hauteur de la canopée des arbres avoisinants, dans l’esprit de la forêt aventure dessinée par les enfants et souhaitée par la population. Cette passerelle jouera aussi le rôle, sur sa partie inférieure, de support à de nombreux jeux qui seront ainsi abrités du soleil et de la pluie.

L’Îlet Gourmand, espace d’environ 700 m2 agencé sur deux niveaux, aura vocation à accueillir un bar et de multiples événements. Son toit-terrasse sera le point de départ de la grande tyrolienne du Diony Parks, qui ravira sans nul doute les petits et les grands !

Cascades, espace de lecture, scène, toboggans, balançoires, labyrinthe, jeux d’eau, mur d’escalade, filets de grimpe… Le Diony Parks dynamisera le bas de la rue Maréchal-Leclerc, tout en offrant aux Dionysiens et aux visiteurs un lieu d’exception. © Ville de Saint-Denis

« 1 MILLION D’ARBRES POUR LA RÉUNION » : UN

AMBITIEUX PLAN DE RECONQUÊTE ÉCOLOGIQUE

p orté par L e d épartement de L a r éunion , propriétaire de 95 % des forêts réunionnaises , ce grand projet de re B oisement vise L ’ o B jectif d ’ un mi LL ion de p L ants indigènes et endémiques à L ’ hori Z on 2028, dans L es mi L ieux nature L s et L es quartiers de L ’ î L e 1. Z oom sur Le dépLoiement de cette action phare qui s ’ appuie sur La moBiLisation citoyenne et de nomBreux acteurs Locaux

Le Département de La Réunion mène une politique active pour la protection durable des milieux naturels remarquables de l’île, qui se traduit notamment par la mise en œuvre, depuis août 2019, du plan « 1 million d’Arbres pour La Réunion ». La collectivité souhaite préserver cette biodiversité unique à l’échelle mondiale, en reconstituant les milieux naturels dégradés, en protégeant les sols face à l’érosion et en luttant contre les espèces invasives. Les micro-forêts endémiques et indigènes issues de ces plantations auront vocation à créer des puits de carbone limitant l’impact écologique des activités humaines et des refuges de biodiversité pour les générations futures.

En plaçant la population réunionnaise au cœur de la démarche, le Département l’incite à jouer un rôle majeur dans la protection de la biodiversité. L’objectif est d’aller au-delà des milieux naturels et d’amener la nature dans les quartiers. C’est ainsi que des actions sont par exemple déployées dans les collèges de l’île.

TÉMOIGNAGE

CYRILLE MELCHIOR, PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE LA RÉUNION

« Ce plan entend créer un cercle vertueux. Il favorise la sensibilisation, chez les jeunes notamment, sur les enjeux écologiques et les questions relatives au patrimoine naturel dans les quartiers, tout en soutenant le tissu économique local, dont la filière horticole réunionnaise. Le Département associe à cette démarche les forces vives de l’île : le monde économique, le tissu associatif, les acteurs du social et du médicosocial, les institutions, les acteurs de la culture et du sport, et plus largement tous les Réunionnais. C’est, au fond, un bel élan de générosité et de responsabilité pour notre territoire, notre économie, les générations à venir, et, modestement, notre planète. Car chaque action compte. Plus que jamais, La Réunion s’inscrit comme un acteur innovant, comme un territoire exemplaire incitant à modifier nos habitudes pour réduire les impacts du changement climatique. »

un espace forestier de 400 m2. © Département de La

TÉMOIGNAGES

GILLES HUBERT, 13 E VICE-PRÉSIDENT DÉLÉGUÉ À LA GESTION DE L’EAU ET AUX AMÉNAGEMENTS HYDRAULIQUES

« Dans le cadre du plan 1 million d’Arbres, le Département de La Réunion a célébré en juin dernier les 500 premiers “piedbwa” de la future micro-forêt du Collège Texeira Da Motta à La Possession, une initiative également soutenue par la Dotation biodiversité et le Fonds Vert. La micro-forêt, qui s’étend sur 2035 m2, compte aujourd’hui 3 500 plants d’espèces endémiques ou indigènes – bois de judas, grand natte, latanier, palmiste blanc, etc. – et d’espèces mellifères qui jouxtent le rucher pédagogique. Le projet consiste aussi à densifier l’arboretum existant.

Les collégiens vont pouvoir s’approprier leur patrimoine naturel via des enseignements pratiques comme la méthode de Miyawaki, qui limite la densité de plantation à deux ou trois plants par mètre carré,pour une gestion durable des micro-forêts. Nous souhaitons que ce projet au cœur du collège puisse inspirer d’autres établissements, se démultiplier et irriguer l’ensemble du territoire. »

SERGE HOAREAU, 1ER VICE-PRÉSIDENT DÉLÉGUÉ AUX AFFAIRES AGRICOLES, EUROPÉENNES ET INSTITUTIONNELLES

« C’était un double motif de fierté pour moi de voir en mars les 500 premières plantations de la future microforêt du collège Joseph Suacot, qui abritera 1500 arbres. En tant que maire de Petite-Île, je mesure la portée de cet événement pour notre commune, qui peut s’enorgueillir de sa jeunesse éclairée œuvrant à la reconquête écologique du territoire. Et en ma qualité de viceprésident du Département, je suis fier que le Conseil départemental accompagne l’établissement sur ce beau projet, dans le cadre du plan 1 million d’Arbres.

Avec nos partenaires, nous avons en effet souhaité que les collèges prennent pleinement part à cette dynamique lancée à l’échelle du territoire pour reboiser partout où nous le pouvons, notamment au cœur des quartiers. L’un des poumons de chaque quartier étant le collège, lieu d’éducation, de citoyenneté et d’ouverture au monde, les projets portés en son sein contribuent à sensibiliser chaque élève sur l’importance de sauver des arbres, et donc des vies. »

Sous la houlette de leur enseignant de SVT, les écodélégués du collège Texeira Da Motta de La Possession ont réalisé le 6 juin 2024 la première série de plantation de leur micro-forêt. En quelques jours, 3 500 « piedbwa » ont été plantés ! | Le collège Joseph Suacot à Petite-Île, premier collège de La Réunion à bénéficier de plants dédiés à une micro-forêt, va aménager en trois ans
Réunion

JARDINS DES MAISONS DES INGÉNIEURS : BILAN DE TROIS ANNÉES DE RESTAURATION CIRCULAIRE

L es jardins des m aisons des i ngénieurs , propriétés du g rand p ort m aritime de L a r éunion ( gpmd L r ), accuei LL ent depuis 2021 un projet d ’ enrichissement du so L à L ’ origine très dégradé et de p L antation indigène et endémique . r etour d ’ expérience sur cette initiative de « L a B oratoire du vivant » mise en œuvre depuis trois ans

Construit par l’agence Zone Up et le service Environnement et Aménagement du GPMDLR, ce projet visait à concevoir, à partir de jardins aux sols très dégradés, drainants et parsemés d’une flore en souffrance, « un écrin de nature évolutif dans une approche expérimentaleetpédagogique ». L’implication humaine a été au cœur de cette démarche innovante qui a mobilisé différents intervenants, dont l’entreprise EVE, retenue par le Grand Port pour former à l’entretien respectueux du site son équipe du Service Bord à Quai (SBAQ), spécialisée dans les espaces verts. Les travaux d’élagage et de taille, ainsi que la formation des agents du GPMDLR ont été confiés à Nuage Élagage. Le projet a aussi bénéficié du savoir-faire d’Elliot Boglio, prestataire formateur en agroécologie et de Luc Daniel, assistant technique extérieur du cabinet Klorys, qui ont joué un grand rôle dans sa réussite.

Tout d’abord, un nettoyage général des parcelles a été effectué et a donné lieu à l’évacuation de nombreux déchets anthropiques. Des opérations de fauche, défrichage et taille des arbres ont ensuite produit des déchets verts réutilisés en broyat et bois raméal fragmenté (BRF), un mélange non composté de résidus

de broyage s’inspirant de l’humus des sous-bois. Cette biomasse a alimenté le paillage des plantations, aux pieds des végétaux, pour favoriser la rétention de l’eau et le retour progressif de la faune souterraine.

Par ailleurs, la plantation d’arbustes et de végétaux couvrants – zoreilles cafres, mourongues et cotonniers notamment – a enrichi le sol en le tapissant d’une prairie d’engrais vert. En périphérie des parcelles, des îlots fertilisants comptant diverses espèces ont été plantés de manière à façonner plusieurs étages de feuillage. Des relevés de température en surface du sol ont révélé un écart allant jusqu’à 20 °C entre le sol à nu et celui des îlots fertilisants ! Parmi les autres résultats obtenus, on peut citer le comptage en cours de l’entomofaune 1, qui se révèle déjà très satisfaisant dans les espaces travaillés.

En partenariat avec le plan « 1 million d’Arbres » porté par le Département de La Réunion, 600 végétaux endémiques et indigènes ont été mis en terre en mars 2023, puis 1 200 en mai 2024 pour embellir le site, avec la participation de groupes scolaires et du personnel du GPMDLR.

Les jardins des Maisons des Ingénieurs sont eux-mêmes inscrits au titre

Ce lombricomposteur génère tous les six mois 1 m3 de compost. Il utilise l’absorption des matières organiques par les vers de terre pour produire un engrais naturel améliorant la fertilité du sol. | Différence d’aspect de la terre avant (à gauche) et après (à droite) la préparation du sol. | Vue aérienne des Maisons des Ingénieurs en novembre 2021 (à gauche) puis en juillet 2023 (à droite). | Agents du port et intervenants du projet en juillet 2024.

TÉMOIGNAGES

DAVID LAFOSSE, CHEF D’ÉQUIPE D’ENTRETIEN

DES ESPACES VERTS AU GPMDLR

« Mon rôle a été de garantir la bonne exécution des travaux programmés. J’ai apprécié l’engagement “des gars la kour dan Port”. Les agents ont découvert de nouvelles compétences. La première année, nous étions jusqu’à huit personnes mobilisées sur le terrain une journée par semaine. Puis, en équipe réduite, nous avons stabilisé les résultats, en assurant un entretien différencié suivant le sous-zonage des parcelles : désherbage sélectif, fauches décalées pour permettre la régénération naturelle des prairies, etc. Enfin, depuis un an, l’équipe développe une réelle approche de l’autonomie. Grâce au transfert de savoir-faire de la part des intervenants, nos agents ont bien intégré les principes et commencent même à proposer leurs propres pratiques ! Ce projet nous a beaucoup appris, souvent de façon très empirique. Par exemple, lors des plantations pour “1 million d’Arbres”, le manioc bord de mer s’est montré problématique, sa croissance rapide ayant privé les autres végétaux de lumière. Des tailles sévères ont été réalisées sur cette espèce et les déchets de coupes se sont avérés un excellent paillage ! “Le Port nout kiltir, nout zarboutan. Nou tiembo nou larg pas car nou yém a li.” »

2 Société

MAËVA NAZE, CHARGÉE D’OPÉRATIONS GÉNIE ÉCOLOGIQUE

« J’interviens dans le cadre du suivi des partenaires du plan départemental “1 million d’Arbres”, constituant notamment un réseau de micro-observatoires de la biodiversité indigène et endémique en milieu urbain et périurbain. À mon sens, le premier point notable sur ce projet est que l’aménagement paysager s’est fait avant la réhabilitation des Maisons. Habituellement, les jardins ont une place résiduelle après les travaux sur le bâti. Ici, ce n’est pas le cas et c’est très positif ! Deuxièmement, il y a eu un travail conséquent de revitalisation des sols avant plantation, grâce au broyat végétal et à la végétalisation du lieu qui produit un paillage naturel et fertilisant. On est ainsi passé d’un “sol passoire à un sol éponge”. Le troisième point important à souligner est l’utilisation d’une palette d’espèces endémiques et indigènes de l’île adaptée aux conditions environnementales du site.

Ce projet valorise la biodiversité locale, tout en s’inscrivant dans une gestion adaptative du site et raisonnée de l’arrosage. Après une période critique d’aide au maintien du cortège végétal, le but est que les espèces s’installent durablement et deviennent résilientes. »

:

MAYOTTE

MAYWET :

BILAN D’UN PROJET

EN FAVEUR DES ZONES HUMIDES

Les équipes de MayWet ont procédé à des vérifications de terrain, de façon à affiner la cartographie des zones humides de l’île. © UICN-CF

L ancé en 2021, L e projet may W et du c omité français de L ’ uicn pour L a protection des Z ones humides de m ayotte vient tout juste de se c L ôturer s on am B ition : mieux connaître ces mi L ieux et former L es acteurs L ocaux à L eur conservation u n enjeu crucia L pour L ’ î L e , en quête de so L utions afin d ’ assurer une ressource en eau dura BL e et de qua L ité .

EN UN SIÈCLE, LA SURFACE MONDIALE

DES ZONES HUMIDES A ÉTÉ RÉDUITE DE PRÈS DE 70 % 1

Les zones humides désignent un ensemble d’écosystèmes dans lesquels l’eau est un facteur déterminant. Lacs, vasières, prairies humides ou ripisylves ont la capacité de stocker l’eau, de la filtrer et de recharger les nappes phréatiques en cas de sécheresse. Une richesse inestimable donc, tout particulièrement pour Mayotte, touchée par des crises d’accès à l’eau potable. Mais sur l’île aux parfums comme ailleurs, ces milieux demeurent aujourd’hui en régression, menacés par l’urbanisation, l’agriculture et les aménagements hydrauliques inadaptés.

À MAYOTTE, LES FORMATIONS

D’ARRIÈRE-MANGROVE SONT EN DANGER CRITIQUE D’EXTINCTION 2

Face à l’urgence, le Pôle relais zones humides tropicales (PRZHT), soutenu par la DEALM 3, a initié « MayWet » il y a trois ans pour protéger les zones humides de l’île. Ce projet est né de deux constats : la nécessité d’améliorer la connaissance sur ces milieux naturels et de permettre une montée en compétence des acteurs impliqués dans leur préservation.

1 Source C.I.eau : ICI | 2 Source : https://uicn.fr/liste-rouge-mangroves-mayotte/ | 3 Direction de l’Environnement, de l’Aménagement, du Logement et de la Mer de Mayotte.

LE VOLET DE LA CARTOGRAPHIE : COMMENT AMÉLIORER LES

CONNAISSANCES

Après un premier travail cartographique publié par le Conservatoire botanique national de Mascarin (CBNM) en 2011, les zones humides de Mayotte restaient encore mal connues et insuffisamment délimitées. Un constat auquel MayWet a répondu en réalisant la toute première cartographie à haute résolution de ces écosystèmes sur leur partie terrestre. Au total, 2 781 zones humides ont été identifiées sur 442,2 hectares

Découverte d’une zone humide de Mayotte par des jeunes.

TÉMOIGNAGE

FLORENT TAUREAU, CARTOGRAPHE DU PROJET MAYWET, CONSULTANT INDÉPENDANT SPÉCIALISÉ EN CARTOGRAPHIE DES ÉCOSYSTÈMES LITTORAUX

« Grâce à l’analyse spatiale et aux vérifications de terrain qui permettent d’affiner la précision, nous avons pu identifier à Mayotte de nombreuses petites zones humides jusqu’alors inconnues et obtenir une carte très fiable. Malheureusement, nous avons aussi été les témoins directs des innombrables pressions qu’elles subissent. Cette nouvelle cartographie permettra, je l’espère, d’assurer une meilleure protection de ces milieux si fragiles. »

CADRE LÉGISLATIF :

BIENTÔT FINI DE PATAUGER !

Dans les mois à venir, un arrêté interministériel doit être promulgué afin de définir des protocoles d’identification et de délimitation des zones humides pour les départements et régions d’outremer (DROM).

Actuellement, le Code de l’environnement peine à s’appliquer dans les outre-mer, car les critères définissant le statut juridique des zones humides (listes de plantes, types de sol) ne sont pas adaptés aux contextes ultramarins.

En attendant, la cartographie élaborée via le projet MayWet est d’ores et déjà utilisée par les bureaux d’études pour identifier les zones humides et pourra être adaptée dès l’arrivée de ce nouveau cadre légal.

LE VOLET DE LA FORMATION : ACCOMPAGNER LES ACTEURS

Depuis 2018, les communes et les groupements de communes doivent assurer l’entretien, l’aménagement, la restauration et la préservation des milieux aquatiques dans le cadre de la compétence exclusive et obligatoire GEMAPI, à savoir « Gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations ». Mais les autorités compétentes manquent d’accompagnement pour bien appréhender les enjeux liés aux zones humides.

C’est pourquoi un volet de formation a été déployé dans le cadre de MayWet. Au programme : un séminaire, des ateliers pratiques, ainsi que la prise en main d’un guide juridique pour mieux comprendre le cadre législatif. Face au fort turnover sur le territoire, le Comité français de l’UICN envisage de pérenniser ces formations dans ses futurs projets.

LES APPLICATIONS CONCRÈTES

DU PROJET MAYWET

« Au-delà des connaissances acquises et transmises, notre ambition avec MayWet est d’aboutir à une intégration concrète des zones humides dans la stratégie d’aménagement territorial de l’île », précise Grégoire Savourey, chargé de mission biodiversité au Comité français de l’UICN. L’intégration des zones humides aux documents d’urbanisme (PLU, SCoT) permettrait de disposer d’un niveau de protection supplémentaire. Face aux grands projets d’aménagement, il serait également bien plus simple d’anticiper les risques et d’enclencher la séquence « éviter, réduire, compenser » (ERC). « Ce travail nous permettra aussi de disposer de données chiffrées, avec des éléments de comparaison dans le temps, pour évaluer la régression des zones humides et ainsi alerter plus rapidement », conclut Grégoire Savourey.

Rédaction : Romy Loublier

Atelier pratique pour renforcer les connaissances des acteurs. © UICN-CF
Page précédente en haut : la baie de Bouéni abrite la plus grande mangrove de Mayotte, qui s’étend sur près de 200 hectares. © Manrifa Moustoifa Ali | En bas : nouvelle zone humide cartographiée par MayWet à Mtsamoudou. © UICN-CF | Ci-dessus : carte. © Florent Taureau

UNE SEMAINE POUR NETTOYER MAYOTTE !

prévu pour fin 2024 par Le c onsei L départementaL de m ayotte, Le projet « m on îLe propre » rassem BL era de très nom B reux acteurs de L ’ î L e L e temps d ’ une semaine , afin de L a dépo LL uer

L’ o B jectif : apporter un effort de nettoyage majeur et sensi B i L iser L a popu L ation au respect de L ’ environnement et à L ’ importance de L a gestion des déchets .

DES ACTEURS COMPLÉMENTAIRES POUR UNE ÎLE PLUS PROPRE

L’événement, programmé entre octobre et novembre, consacrera une semaine au nettoyage de Mayotte, via le ramassage de déchets de toutes sortes dans chaque village. Une première sur ce territoire ultramarin. L’action pourra aussi bien être réalisée dans les quartiers qu’en zones naturelles et touristiques, et en dehors des agglomérations. Ambitieuse, cette opération de nettoyage prévoit la mobilisation de 80 000 à 100 000 personnes sur l’ensemble de l’île.

Bien que le Conseil départemental soit à l’initiative du projet et de sa planification, il s’agit d’une action volontariste dont le déroulement est organisé par toutes les communes et les forces vives de l’île.

LE DÉROULEMENT DE CET ÉVÉNEMENT INÉDIT À MAYOTTE

Le ramassage de déchets aura lieu principalement les trois premiers jours, lors desquels vont se succéder les scolaires, les associations et institutions, les entreprises... Ces « opérations place nette » seront mises en place sous la forme de promenades – ou de randonnées, selon le type de circuit parcouru – et coordonnées par les associations locales. Les zones habitées, les plages et les bords de route notamment bénéficieront en priorité de cette dépollution.

Le reste de la semaine, les volontaires pourront participer au rassemblement des déchets collectés et à leur acheminement vers des sites de regroupement dédiés pour l’occasion. Un bel effort collectif en perspective !

En préparation par le Département de Mayotte, le projet « Mon île propre » permettra par exemple de nettoyer les sites touristiques, comme ici la cascade de Soulou à Tsingoni, où les déchets sont régulièrement évacués grâce au travail très actif de l’association RandoClean. © RandoClean

INTERVIEW

AU CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE MAYOTTE

• Comment est né le projet « Mon île propre » qui aura lieu en fin d’année ?

- Cette idée est partie du constat d’une mauvaise gestion des déchets sur notre île. Les quartiers ici sont fortement pollués, ce qui a une répercussion sur l’environnement local, notamment sur le lagon. Dans ce contexte, les élus du Conseil départemental de Mayotte ont décidé de créer cet événement afin qu’un maximum de personnes puissent contribuer au nettoyage de leur île, via le ramassage et le rassemblement des déchets. Ceci permet également de responsabiliser la population mahoraise et de la sensibiliser à ces sujets.

De nombreuses opérations de nettoyage ont lieu à Mayotte, comme ici à l’initiative de la Communauté de Communes du Sud, mais « Mon île propre » sera le premier projet à couvrir l’ensemble du territoire de manière simultanée. © CCSud

« NOUS SOMMES CONSCIENTS

COLLECTIVEMENT DE L’IMPORTANCE DE PROTÉGER

L’ENVIRONNEMENT À MAYOTTE »

Mayotte a subi une forte croissance démographique ces dernières années, avec une consommation et une production de déchets de plus en plus importantes. Après ceux de la région parisienne, il s’agit du département français avec la plus forte densité de population, environ 800 habitants au km2 en 2024.

Dans un contexte insulaire à l’environnement fragile, il devient indispensable d’adopter une bonne gestion des déchets générés.

• Quelle est la situation de Mayotte en termes de gestion des déchets ?

- L’île ne possède actuellement pas de centre de traitement des déchets – mais d’enfouissement – ni de système de tri sélectif pour les particuliers, mais seulement de bornes collectives gérées par la Citéo. Certains déchets et leur accumulation posent particulièrement problème. Par exemple, en raison de l’absence de réseau de transports en commun, un grand nombre de véhicules circulent sur l’île. Arrivés en fin de vie, ils se retrouvent abandonnés sans pouvoir être pris en charge.

• Et ensuite ?

- Si l’événement est un succès, il pourrait être renouvelé une fois par an, et trouverait sa place dans le contexte environnemental de l’île.

Par exemple, 70 % de l’eau potable est fournie grâce à des retenues collinaires qui récoltent l’eau de pluie, la préservation de la qualité de cette ressource est donc cruciale. De plus, Mayotte possède un lagon très attractif mais directement exposé à la pollution, en particulier en saison des pluies lorsque l’eau achemine les déchets jusqu’à la mer. Il est donc nécessaire de gérer la production de déchets et leur dispersion.

La prochaine étape dans cette prise en charge sera d’organiser leur acheminement vers le lieu de traitement le plus proche, Madagascar.

Rédaction
Taugourdeau

PRIME VÉLO, PISTES CYCLABLES... LA CADEMA ENCOURAGE LA MOBILITÉ ACTIVE

La c adema , c ommunauté d ’ agg Lomération de d em B éni - m amoud Z ou , a été créée fin 2015 et exerce L a compétence « mo B i L ité ». p our sortir du « tout voiture », e LL e déve Loppe L es mo B i L ités douces et actives , dont Le vé Lo . Z oom sur Les projets d ’ itinéraires cyc L a BL es de L ’ intercommuna L ité et sur L es actions incitant L es ha B itants à se mettre en se LL e

Dans un contexte où les flux d’automobiles vers Mamoudzou sont, de loin, les plus denses du département, la Cadema s’engage à promouvoir les mobilités douces. Le déploiement de navettes en 2022 et la mise en service en ce mois de septembre 2024 du Caribus, bus à haut niveau de service (BHNS), témoignent de cette volonté. Les « modes actifs », à savoir les alternatives aux déplacements motorisés, sont également encouragés à travers un ambitieux programme d’amélioration des cheminements piétons d’une part, et de développement de la pratique du vélo d’autre part.

À ce sujet, la Cadema a élaboré son Schéma directeur cyclable, un travail de fond allant notamment de la phase de diagnostic et de définition des enjeux, aux études de tracé et d’implantation des futurs aménagements cyclables. Des temps de concertations publiques ont permis d’associer pleinement au projet les acteurs institutionnels, privés et associatifs, ainsi que la population. Ces échanges avec les différents acteurs du territoire, en faisant remonter leurs besoins, ont

d’ores et déjà favorisé l’émergence de la pratique du vélo au sein de l’intercommunalité.

Par ailleurs, la Cadema, en attendant la livraison des infrastructures cyclables planifiées dans son Schéma directeur, œuvre sur trois champs distincts qui visent à renforcer le potentiel des individus :

• Pouvoir : donner la possibilité aux habitants de la Cadema d’acquérir un vélo classique ou électrique via la « Prime vélo », une aide variant de 150 à 600 € selon le revenu des ménages et le type de vélo.

• savoir : apprendre aux enfants à se déplacer en vélo pour l’entrée au collège et ancrer le réflexe d’aller vers une mobilité décarbonée dès le plus jeune âge, dans le cadre du dispositif national « Savoir Rouler à Vélo ».

• vouloir : susciter l’envie d’enfourcher sa bicyclette en organisant la « Fête du vélo », un événement de promotion du vélo et ses bienfaits, qui a réuni associations, loueurs et vendeurs de vélos, collectivités, etc.

Dessin d’une voie verte face au lagon. Avec ses partenaires locaux LD Austral et Verso Consulting, Transitec a assisté la Cadema dans l’élaboration de son Schéma directeur cyclable : « malgré un usage marginal à ce jour sur l’île, le vélo se développe et apparaît comme un maillon essentiel pour sortir du “tout-voiture” et améliorer l’accessibilité pour tous. » © DL Austral | Dans le cadre de sa politique incitative aux mobilités actives, la Cadema propose aux habitants de Mamoudzou et de Dembéni, une prime allant jusqu’à 600 € pour l’acquisition d’un vélo classique ou électrique ! © Cadema

INTERVIEW

LÉO JUSIAK, CHARGÉ DE MOBILITÉS ACTIVES À LA CADEMA

• La Cadema a conduit une enquête sociale sur les usages et perceptions du vélo ?

- Oui, et cette enquête menée d’avril à juillet 2024 par les animateurs et agents écogestes de la Cadema auprès de 103 personnes a tout d’abord rendu cette conclusion intéressante : selon près de 95 % des répondants, le vélo apparaît comme une alternative crédible à l’usage de la voiture si des aménagements structurants existent. La population de la Cadema tendrait ainsi, par extrapolation, à se montrer ouverte à l’adoption du vélo, qui d’ailleurs ici à Mayotte n’a pas une image dégradante. Auparavant, je travaillais à Nouméa où une étude similaire avait été lancée, et selon laquelle seulement 10 % des répondants ont perçu le vélo comme une alternative crédible à la voiture. Nous sommes à Mayotte sur un territoire où l’idée d’utiliser le vélo à la place de la voiture semble davantage acceptable.

Cependant, la sécurité reste un enjeu prioritaire mentionné dans 98 % des réponses. Pour répondre à cette inquiétude légitime, les aménagements devront préserver les cyclistes de certaines zones à risques, tout en apportant un éclairage nocturne, une séparation avec les automobilistes, etc. Enfin, et pour aller à l’essentiel, un autre résultat ressort de l’enquête : l’achat d’un vélo représente un coût important pour 92 % des personnes interrogées.

• Justement, depuis 2022, la Prime vélo lancée par la Cadema connaît un véritable succès ?

- L’engouement pour cette aide à l’achat d’un vélo ne faiblit pas ! Nous recevons énormément de demandes. On va aussi travailler avec les jeunes dans les quartiers pour les informer qu’ils peuvent bénéficier de cette offre.

« LE VÉLO PERMET D’ÉVITER DES HEURES

D’EMBOUTEILLAGE CHAQUE MATIN EN VOITURE À MAMOUDZOU ! »

Il y a un vrai besoin d’offre de mobilités douces et actives, car une grande partie de la population n’a pas les moyens de s’acheter une voiture ou un scooter. La Prime vélo répond à une attente. Nous avons reçu 16 vélos pour les agents de la Cadema qui, eux aussi, sont ravis de ce moyen de locomotion. Il faut dire qu’à Mamoudzou, nombreux sont les conducteurs passant plusieurs heures par jour dans les embouteillages...

• Quels sont les autres projets pour promouvoir les déplacements à vélo ?

- Un linéaire cyclable est prévu sur le tracé du Caribus et des aménagements complémentaires – environ 30 kilomètres de pistes cyclables – doivent être créés à l’horizon 2025 pour faire face à l’augmentation exponentielle des flux d’automobiles vers Mamoudzou. Nous travaillons au développement d’infrastructures cyclables performantes, sécurisées et complémentaires au réseau Caribus et aussi aux navettes maritimes. De plus, nous continuons nos actions de formation à la pratique du vélo auprès des jeunes publics et, in fine, de l’ensemble des usagers. Une dizaine de formateurs seront mis à la disposition des écoles dès novembre. Enfin, nous avons lancé en juillet un appel à projets pour qu’un atelier de réparation, location et vente de vélos puisse ouvrir sur chacun de ces trois sites : Passamainty, Mamoudzou et Majicavo.

À la Cadema, nous pensons l’aménagement comme un écosystème qui mobilise tous les acteurs ayant envie de s’investir. Nous sommes très heureux de constater que des organismes d’État, des entreprises ou encore des associations souhaitent relever le défi avec nous !

QUELQUES AMÉNAGEMENTS PRIORITAIRES

Début des travaux en octobre 2024 :

• Tsararano-Dembéni-Iloni : 3 km de pistes cyclables

• Tsoundzou I et II : 2 km de pistes cyclables

Début des travaux en janvier 2025 :

• Passamainty-Doujani : 800 m de pistes cyclables pour compléter la voie mixte déjà livrée entre le pôle d’échange multimodal (PEM) de Passamainty et le carrefour Baobab (5 km)

Stade de réflexion entre les acteurs impliqués :

• Mangrove de Kawéni : 3 km de voie verte

Rédaction
Stéphanie Castre

RESTAURER

L’UNIQUE ARBRE DES ÎLES SUBANTARCTIQUES FRANÇAISES

r are terre émergée au sud de L’océan indien, L’îLe amsterdam a vu sa popuLation de phyLica arBorea quasiment disparaître à L a fin du xx e sièc L e. d epuis 2010, dans L a r éserve natureLLe nationaLe des terres austraLes françaises, Les taaf mènent un programme de restauration de cet ar B re remarqua BL e, pour recréer des B oisements sains et rési L ients

Au XVIIe siècle, les récits des voyageurs intrépides des mers australes décrivent Amsterdam comme une île impénétrable couverte de forêt dense. Or, les boisements de Phylica arborea, arbuste indigène au feuillage persistant, qui se répandaient sur près d’un tiers de la petite île de 58 km², ont été détruits au fil des siècles par des incendies, des coupes de bois au gré des passages de navires et par l’introduction de ruminants. En 1980, l’aire de distribution du phylica sur l’île Amsterdam ne représente plus qu’1 % de sa surface initiale.

UN DÉBUT DE RESTAURATION

DÈS LES ANNÉES 1980...

Entre 1988 et 1993, le Muséum national d’Histoire naturelle lance un programme de restauration qui permet de réimplanter 7 000 premiers arbres. En 2010, au sein de la jeune réserve créée quatre ans plus tôt,

l’administration des TAAF continue l’effort de restauration, en éradiquant les bovins de l’île et en réalisant des recherches sur la germination de cette unique plante arborescente native des Terres australes françaises. Une pépinière est mise en place sur la base scientifique Martin-de-Viviès et les boisements initiaux de Phylica arborea sont petit à petit repeuplés.

... PUIS UNE AMÉLIORATION CONTINUE

Ce projet de restauration, emblématique par sa durée, a passé un cap symbolique au mois de juillet avec la mise en terre du 10 000 e plant de Phylica arborea ! Les actions se poursuivent et dans un souci de perfectionnement, l’équipe des TAAF n’hésite pas à adapter ses protocoles, ni à s’investir sur des questions comme la régénération naturelle ou l’influence des espèces exotiques.

INTERVIEW

ÉTIENNE PROLHAC, CHARGÉ DE CONSERVATION ET RESTAURATION DES COMMUNAUTÉS VÉGÉTALES, ADMINISTRATION DES TAAF

• Pouvez-vous nous indiquer la manière dont est gérée aujourd’hui la restauration du phylica, espèce végétale emblématique des TAAF ?

- J’ai rejoint les équipes de l’administration des TAAF il y a un peu plus d’un an et demi, et m’occupe notamment de la restauration du Phylica arborea. C’est un programme qui fonctionne bien, et la perspective qui s’offre à nous est de pouvoir l’améliorer encore en nous appuyant sur près de 15 années de données.

J’ai souhaité aborder cette tâche avec une approche de gestionnaire : nous avions, par exemple, un protocole de germination qui nécessitait un suivi des graines très minutieux et très coûteux en temps humain. Aujourd’hui, nous mettons directement un grand nombre de graines en terre et, même si le taux de germination

Ci-dessus, de gauche à droite : évolution du recouvrement de phylicas sur Amsterdam en 1696, 1874 et 1988. Avant l’arrivée de l’homme, cette espèce ceinturait l’île (hors falaises) entre 100 et 250 mètres d’altitude. © Éric Gentelet

est plus bas, nous avons in fine le nombre de plants nécessaires. Cela permet de libérer du temps à l’agent pour être plus présent sur le terrain. Nos actions, en tant que gestionnaires, sont peut-être moins fines ou rigoureuses que pour un programme de recherche scientifique, mais nous nous libérons ainsi d’impératifs qui ne sont pas les nôtres, pour nous recentrer sur nos missions de restauration à proprement parler.

• Cela étant dit, vous mettez aussi en œuvre des protocoles très stricts ?

- Oui, si nous assouplissons quelques protocoles, nous avons à l’inverse mis en place une procédure plus stricte pour les plantations in situ, car nous avons remarqué, sur certains sites de réintroduction, l’apparition d’espèces exotiques envahissantes, probablement dues à la terre contenue dans les pots des plants. Depuis 2019, les racines des phylicas sont donc nettoyées la veille des plantations pour planter les végétaux « racines nues » et nous appliquons des mesures de biosécurité complètes : outils, chaussures, tout est nettoyé avant d’aller sur le terrain.

Il n’y a pas de grandes révolutions prévues sur ce programme qui fonctionne depuis 2010. Nous avons à cœur de poursuivre la restauration du Phylica arborea, en nous intéressant aux habitats préférentiels de cet unique arbre indigène de la réserve et aux usages historiques pouvant expliquer sa répartition relictuelle.

Rédaction et interview : Lucie Labbouz + d’info ici : Restauration du Phylica arborea

Une plante à fleurs adaptée aux vents tempétueux et à la salinité de l’air. © Flavien Saboureau | Pépinière de Phylica arborea à Amsterdam. © TAAF | Jeunes plants en serre qui seront, une fois matures, réimplantés dans le milieu naturel. © TAAF | Base Martin-de-Viviès. © Alexandre Trouvilliez
Le Phylica arborea, seul arbre indigène de la Réserve naturelle nationale des Terres australes françaises, n’est présent qu’à Amsterdam et, dans l’océan Atlantique Sud, sur l’archipel britannique isolé de Tristan da Cunha. © TAAF | Agent des TAAF sur le terrain. © TAAF

POLYNÉSIE FRANÇAISE

RANGIROA : UNE

SYNERGIE HUMAINE ET SCIENTIFIQUE AU CŒUR DU PROJET

La vocation du projet : caractériser la population de grands requinsmarteaux en Polynésie, étudier leur écologie, leur comportement et identifier les zones clés pour leur conservation. © Laurent Ballesta

TAMATAROA

t amataroa est une initiative scientifique innovante L ancée en 2023 sur L ’ ato LL po Lynésien de rangiroa pour quatre ans. en Langue LocaLe, « tamataroa » désigne L’espèce étudiée : L e grand - requin marteau . u n projet soutenu par L e f onds v ert et rendu possi BL e grâce aux ha B itants de cette petite î L e de L ’ archipe L des t uamotu et à L eur L ien si fort avec L e L agon .

Le grand requin-marteau (Sphyrna mokarran) est une espèce rare, emblématique et en danger critique d’extinction. Sa biologie reste méconnue, car il vit en général caché dans les profondeurs. Mais aux Tuamotu, l’atoll de Rangiroa est l’un des rares endroits au monde où des observations régulières sont possibles.

Le site est donc une aubaine pour les scientifiques qui se sont rassemblés en 2023 autour du projet Tamataroa, porté par Andromède Océanologie, les Expéditions Gombessa et la Mokarran Protection Society (MPS), puis déployé via un réseau international de collaborateurs pluridisciplinaires. Mais au-delà des technologies innovantes et du cortège d’experts, le projet témoigne d’une synergie locale forte en faveur de la conservation du lagon.

UN PROJET CITOYEN ET PARTICIPATIF

En 2021, la MPS a lancé une enquête participative auprès de la population de Rangiroa pour recueillir des témoignages sur le grand requin-marteau. Une centaine de personnes ont partagé leur expérience, aidant les équipes de Tamataroa à placer stratégiquement 85 balises acoustiques pour étudier les déplacements des requins. « Tout le projet repose sur la connaissance locale », explique Antonin Guilbert, le responsable de Tamataroa. « Le lagon de Rangiroa, de 1640 km², est immense, comparé à la portée limitée des balises, qui atteignent les 200 mètres. Les habitants nous ont fait gagner des décennies de recherche ! » Aujourd’hui encore, plus d’une centaine d’habitants de l’atoll de Rangiroa participent au projet en partageant leurs observations. Ils aident ainsi à affiner les recherches. « Certains font même un peu partie de l’équipe », estime Antonin. En retour, celle-ci organise des interventions scolaires, des apéros-sciences avec des scientifiques internationaux et des restitutions régulières sur les avancées du projet.

LE GRAND REQUIN-MARTEAU À RANGIROA

Le 2e plus grand atoll du monde est traversé chaque année par une extraordinaire concentration de grands requins-marteaux, en général de décembre à mars. L’espèce est encore méconnue.

Tamataroa repose sur la collaboration scientifique et la participation citoyenne, en intégrant des dimensions culturelles et de sensibilisation.

ET UNE APPROCHE INNOVANTE

De nombreuses questions se posent autour des grands requins-marteaux de Rangiroa : que viennentils chercher ici qu’ils ne trouvent pas ailleurs ? Le site est-il déterminant dans leur cycle biologique ? Où se déplacent-ils et pourquoi ?

« Nous sommes capables d’identifier en moyenne 20 à 30 individus par saison. Depuis ses débuts, l’association MPS a identifié près de 150 requins en cinq ans, uniquementdesfemellesettoutesmatures!Certaines fréquentent l’atoll depuis plus de 15 ans... Mais nous passons à côté de nombreux individus qui n’ont pas de signes distinctifs et que nous ne pouvons donc pas identifier », révèle Tatiana Boube, biologiste marine et ex-coordinatrice scientifique bénévole à la MPS.

C’est sur la base de ces travaux passionnants que le projet Tamataroa a été lancé avec un nouveau protocole couplant analyses génétiques et suivi des déplacements.

« Le défi était de taille, car ce requin est très sensible au stress et nous voulions éviter les manipulations et l’utilisation d’appâts. Ainsi Andromède a conçu un outil unique au monde : montée sur une arbalète sousmarine, une petite flèche creuse permet, en un coup, de prélever un petit morceau de peau et d’implanter une balise sur l’individu », explique Tatiana. Fin 2023, cette dernière a initié une thèse à l’Université de Polynésie française afin d’analyser les données récoltées.

« À ce stade, je peux déjà dire que certaines idées préconçues sont bousculées ! », nous confie-t-elle.

Rangiroa. © Étienne Ménager | MPS : « L’approche proposée dans le cadre de Tamataroa est inédite pour le suivi des grands requins-marteaux. Elle consiste non plus à attirer l’animal vers le scientifique, mais à aller à sa rencontre, in situ, sans faire appel à une quelconque méthode d’attraction pour réaliser les protocoles de suivi scientifique de la manière la moins invasive possible, sans contraindre l’animal ni modifier son comportement. » + d’info ici : Le projet Tamataroa

TÉMOIGNAGE

TAHUHU MARAEURA, TAVANA (MAIRE) DE LA COMMUNE DE RANGIROA

« Rangiroa et sa population soutiennent l’initiative Tamataroa, qui a pris beaucoup d’ampleur ces dernières années. On commence à avoir des résultats scientifiques concrets qui nous conduiront vers des solutions pour améliorer la vie de ce requin emblématique de nos eaux. Et cela va nous permettre d’aller encore plus loin : grâce aux nombreuses données collectées, nous allons pouvoir lancer un programme pour la gestion et la préservation de toutes les ressources de notre lagon. C’est important pour nous et surtout pour les générations futures. »

Rédaction : Romy Loublier

Ci-dessus

: rencontre entre les plongeurs de l’équipe de Tamataroa et le grand requin-marteau dans les profondeurs de la passe de Tiputa, sur l’atoll de Rangiroa. Cette passe est réputée dans le monde comme un haut lieu d’observation de cette espèce de requin. © Thomas Pavy
De haut en bas : une partie des équipes de MPS et des Expédtions Gombessa réunies pour Tamataroa. © Gil Kébaili | La passe de Tiputa. © Étienne Ménager | Des travaux de sciences participatives et d’enquêtes citoyennes sont menés auprès des pêcheurs de l’atoll. © Gil Kébaïli

L’AFD SOUTIENT LA CONSTRUCTION D’ABRIS DE SURVIE ANTICYCLONIQUES AUX TUAMOTU

e n p o Lynésie f rançaise , L ’ archipe L des t uamotu , composé d ’ ato LL s de fai BL e a Ltitude , est particu L ièrement sensi BLe au risque cyc Lonique . L’ a gence française de déve Loppement ( afd ) préfinance L a construction d ’ a B ris de survie anticyc Loniques et accompagne L es communes dans L eur po L itique d ’ adaptation au changement c L imatique

De décembre 1982 à avril 1983, la Polynésie française était frappée par le passage de six cyclones qui ravagèrent les Tuamotu, causant 16 morts, 200 blessés, 25 000 sinistrés et des dégâts matériels colossaux.

ACCOMPAGNER LES COMMUNES

VERS UNE MEILLEURE ADAPTATION

AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

Face à ces risques qu’exacerbe le dérèglement climatique, l’État et le Pays aident les 17 communes des Tuamotu à construire ou rénover des infrastructures de prévention et de mise en sécurité des personnes. Ainsi 17 abris de survie anticycloniques seront financés à part égale entre l’État et la Collectivité de la Polynésie française, à hauteur de 95 % du coût des travaux, soit près de 50 millions d’euros. L’AFD intervient, d’une part, avec un outil de préfinancement des travaux et, d’autre part, en proposant des prêts à long terme pour financer la part communale de 5 %.

LES ABRIS SORTENT DE TERRE !

À Manihi, chef-lieu de l’atoll homonyme, le premier abri a été édifié en y intégrant l’école primaire communale, afin de mutualiser l’usage des deux bâtiments et de garantir l’entretien des locaux. À Hao, le deuxième abri sera également le siège de la mairie et abritera les services techniques de la commune. Les 15 autres projets sont priorisés en fonction des infrastructures existantes ou non sur les atolls.

EXTRAIT D’UN TEXTE DE JACK LONDON

Dans sa nouvelle La Maison de Mapuhi, l’écrivain raconte le terrible cyclone qui dévasta Hikueru, atoll des Tuamotu, en 1903 : « Raoul est consterné par le ciel. Il est devenu noir. Beaucoup de gens étaient encore à terre, groupés au pied des arbres et s’accrochaient, priaient. Il vit, au pied d’un autre arbre, un grand groupe de personnes qui s’accrochaient à des cordes et les unes aux autres. »

sont des

quotidien – école, mairie, centre d’incendie et de secours – qui, de fait, sont entretenus et servent en cas d’urgence à abriter les populations.

Ci-dessus : l’abri de Manihi lors de sa construction. Autonomes en eau et en énergie, les abris de survie anticycloniques
bâtiments à usage

INTERVIEW CROISÉE

VICTOIRE LAURENT, RESPONSABLE DE LA DIVISION ÉTUDE ET CLIMATOLOGIE

À MÉTÉO-FRANCE EN POLYNÉSIE FRANÇAISE, ET YAN O’CONNOR, CHARGÉ DE MISSION – PÔLE SECTEUR PUBLIC À L’AFD, AGENCE DE PAPEETE

• Comment s’inscrit ce projet dans le contexte climatique actuel ?

Yan O’Connor - Le projet de création d’abris anticycloniques est une illustration d’adaptation aux effets du changement climatique, mais il y a de nombreuses autres problématiques auxquelles est confrontée la Polynésie française et qui sont des sujets d’importance pour l’AFD : l’érosion du littoral, le recul du trait de côte, ou encore les implications du réchauffement climatique sur la biodiversité, par exemple.

Victoire Laurent - Sur les atolls, les systèmes cycloniques peuvent engendrer des dégâts considérables, comme la série de six cyclones dévastateurs de l’été austral 1982-1983, qui ravagèrent l’archipel des Tuamotu. Ces îles basses, sans montagne, sont forcément des zones plus à risques pour les habitations. Il y a également un autre phénomène qui sera crucial à prendre en compte dans les années à venir : celui des inondations. Les houles du sud seront plus fréquentes et plus fortes, par conséquent l’aménagement des littoraux devra être pensé au mieux.

• Alors, comment faire pour accompagner au mieux les territoires ?

Victoire Laurent - Face à la menace directe que représente la montée de eaux, il convient bien sûr de protéger les populations en cas de danger, mais également de prévenir le risque en évitant notamment les constructions lourdes comme les digues, qui empêchent les dynamiques naturelles des plages. Ces ouvrages de défense bloquent en effet le travail naturel de l’océan qui, sous l’action des vagues, du vent et des courants côtiers, enrichit les atolls en sédiments, ce qui contribue à empêcher leur disparition. Nos aménagements des années futures vont être primordiaux pour les atolls des Tuamotu, il faudra les penser de manière durable et raisonnée.

Yan O’Connor - À l’AFD, nous inscrivons nos actions dans des perspectives de longue durée et une grande partie de notre travail consiste à sensibiliser les élus à l’importance des planifications d’investissement pluriannuelles. C’est vraiment en faisant accéder les décideurs publics à ces visions à long terme que nous pourrons leur permettre de construire aujourd’hui la mise en œuvre des projets de demain.

À l’AFD, le cœur de notre mandat, c’est ainsi de soutenir le développement et d’accompagner les politiques publiques dans leurs réflexions pour aller vers une transition écologique des territoires.

+ d’info ici : https://www.afd.fr/fr/page-regionpays/polynesie-francaise

Dans l’archipel des Tuamotu, l’atoll de Anaa après le passage du cyclone tropical intense Orama en février 1983. © FAPF
L’abri anticyclonique de l’atoll de Hao est en construction, mais voici une représentation 3D de l’édifice dans le paysage, une fois terminé.
Rédaction et interview
Lucie
Labbouz

RÉCIFS : L’IFRECOR POLYNÉSIE LANCE LE GRAND CONCOURS « LES TROPHÉES TO’A

REEF 2024 »

L’ ifrecor p o Lynésie organise L a 1 re édition du concours « L es t rophées to ’ a r eef 2024 » du 18 jui LL et au 2 octo B re 2024. c e comité Loca L représente L ’ i nitiative française pour L es récifs coraLLiens (ifrecor), décLinaison nationaLe de L’initiative internationaLe pour Les récifs cora LL iens ( icri ). i L est présidé par L es représentants de L ’ é tat et de L ’ exécutif po Lynésien

En langue tahitienne, « To’a » signifie le récif de corail. Le concours s’adresse aux acteurs locaux – associations, privés, éducation, recherche… – et lance la dynamique de la stratégie 2024-2028 de l’IFRECOR Polynésie, vaste programme d’actions en faveur de la protection, restauration et gestion durables des écosystèmes coralliens. Mission : fédérer pour la résilience des récifs.

APPEL À UNE LARGE MOBILISATION POUR PROTÉGER LES RÉCIFS CORALLIENS POLYNÉSIENS

Le concours s’inscrit dans la dynamique nationale de la 3 e Conférence des Nations Unies sur l’Océan (UNOC3), organisée par la France et le Costa Rica à Nice en juin 2025. Avec un Grand prix de 8 400 euros et quatre prix de 4 200 euros, les Trophées veulent récompenser les meilleurs projets de préservation des récifs et des lagons de Polynésie. L’objectif est aussi d’impliquer les scolaires, avec les six prix des écoles « Mon récif, ma culture » (840 euros par catégorie), de la maternelle au lycée, en partenariat avec la Direction

UN ENJEU VITAL POUR LA POLYNÉSIE FRANÇAISE

Constituée à 99,9 % d’océan, la Polynésie française dispose d’une surface récifale quatre fois plus vaste que ses terres émergées, qui n’occupent que 3 726 km 2 de ce territoire grand comme l’Europe, contre plus de 15 000 km 2 de récifs coralliens et de lagons.

générale de l’éducation et des enseignements (DGEE). Les Trophées TO’A Reef mobilisent aussi la population en faveur de la préservation de ce patrimoine naturel vital pour les îles polynésiennes, grâce au prix « Coup de cœur ». Les écosystèmes coralliens, intimement liés à l’identité polynésienne, fournissent en effet nourriture et ressources vitales aux communautés locales, protègent les côtes des cyclones et absorbent près de 90 % de l’énergie des vagues.

L’organisation des Trophées TO’A Reef 2024 marque le nouvel élan impulsé par l’IFRECOR Polynésie pour mettre en œuvre les actions concrètes indispensables à la résilience des récifs coralliens polynésiens. Les récifs sont notre survie, préservons-les ! © IFRECOR

INTERVIEW CROISÉE

MOETAI BROTHERSON, PRÉSIDENT DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE ET ÉRIC SPITZ, HAUT-COMMISSAIRE DE LA RÉPUBLIQUE EN POLYNÉSIE FRANÇAISE

• Alors que se confirment les pires scénarios du réchauffement climatique, les Trophées TO’A Reef 2024 incarnent-ils une « mobilisation d’urgence » des esprits ? Quels enjeux pour la Polynésie ?

Éric Spitz - La mobilisation pour la préservation des récifs coralliens a commencé il y a 25 ans, avec la création de l’IFRECOR. Pour 2024-2028 nous avons souhaité, avec le Pays, porter une ambition forte et des actions concrètes. Le récent épisode mondial de blanchissement massif des coraux montre que l’urgence est réelle. Or, les Polynésiens ne peuvent pas vivre sans corail : c’est leur nourriture, leur économie. C’est aussi leur première protection contre les phénomènes climatiques. Les Trophées vont mettre en lumière toutes les initiatives des associations et entreprises polynésiennes, des chercheurs, des élèves, pour préserver ce bien inestimable.

Moetai Brotherson - À l’aube du lancement de l’année de la Mer, la sensibilisation de nos populations face aux enjeux environnementaux auxquels nous sommes exposés, est de mise. Le réchauffement des océans, la montée des eaux, la perte de diversité de nos écosystèmes sont souvent des sujets peu connus ou peu assimilés par tous. Nos populations côtières et des atolls sont directement concernées par tous ces bouleversements. Le récif nous protège, nous nourrit et permet un équilibre de l’écosystème marin. Le Polynésien s’approprie son corail, sa barrière récifale, mais les mœurs et coutumes disparaissent face à l’accroissement démographique et la modernisation. À l’instar des appels à projets pour la protection de l’environnement financés par le Pays, les Trophées invitent à l’interaction de plusieurs acteurs et à un échange intergénérationnel pour

un objectif commun de protection de nos écosystèmes coralliens. Cette initiative répond à des enjeux sociaux, économiques, environnementaux et culturels.

• En quoi le modèle polynésien de protection des écosystèmes coralliens peut-il contribuer aux travaux de la 3e Conférence des Nations Unies sur l’Océan qui aura lieu à Nice en juin 2025 ?

Éric Spitz - C’est d’abord la dimension culturelle et patrimoniale des récifs coralliens que les Polynésiens mettront en avant. Cette dimension implique nécessairement tous les Polynésiens, qui savent ce qu’ils doivent à ces écosystèmes. Elle incarne parfaitement le caractère sacré de l’océan, que l’on retrouve dans la façon de préserver les aires marines, les zones de pêche. Les mesures de préservation de l’océan ne seront efficaces que si toutes les populations se sentent impliquées. C’est comme cela que l’IFRECOR Polynésie a bâti sa stratégie, c’est ce modèle que les Polynésiens entendent montrer à Nice en 2025.

Moetai Brotherson - Nos pêcheurs et nos anciens ont un lien fort et une connaissance fine de leur environnement. Ces retours d’expériences couplés à l’approche scientifique constituent le socle de mesures de gestion de nos ressources lagonaires. Cette science inclusive et participative démarque la Polynésie française des autres pays. Les méthodes de gestion traditionnelles sont mises en lumière et valorisées au même titre que les méthodes scientifiques. Cette forte implication des communautés locales dans la gestion des écosystèmes coralliens est le point fort que la Polynésie souhaite également mettre en avant à Nice en 2025.

+ d’info ici : « Les Trophées TO’A Reef 2024 »

Rédaction : Damien Grivois

NOUVELLECALÉDONIE

S’ADAPTER

POUR SURVIVRE

Le centre d ’initiation à L ’environnement de nouveLLe-caLédonie a été totaLement détruit durant L es événements qui ont frappé L e territoire en mai dernier en queLques heures, 28 ans d ’ imp L ication pour L a préservation de L ’ environnement sont partis en fumée . m ais L e cie . nc n ’ est pas mort et , ma L gré L a tourmente , L es actions continuent

Quand on évoque le CIE.NC, on pense au sentier sous-marin de l’île aux Canards, à la forêt sèche de Tipenga où des panneaux présentent les interactions entre des animaux et leur plante hôte, ou encore au circuit pédagogique de l’îlot Maître. Ce sont de beaux outils qui permettent en toute autonomie de s’informer sur la biodiversité calédonienne. Mais le CIE, ce sont aussi plus de 700 actions de sensibilisation par an dans les écoles, ainsi que la conception de livrets et malles pédagogiques. Et pour sa directrice Carole Bernard, « notre plus grande fierté est la reconnaissance de nos collègues des autres associations, des institutions qui font appel à nous pour former leurs personnels, pour les accompagner dans leurs projets scolaires, pour créer des outils… ou quand le Muséum d’Histoire naturelle nous confie la portance du volet pédagogique de ses expéditions ».

Si les locaux et le véhicule de l’association n’existent plus désormais, l’équipe n’a pas baissé les bras pour autant. « Nous poursuivons notre mission et réinventons notre approche et nos outils. Certains supports présents dans notre antenne nord ont pu, non sans mal, être transférés à Nouméa, ce qui nous permet des interventions de qualité professionnelle. Pour le reste, nous avons travaillé sur la création de supports numériques ou refabriqué certains outils en qualité artisanale avec des photocopies plastifiées ! Cela permet

À Nouméa, les bureaux du Centre d’Initiation à l’Environnement de Nouvelle-Calédonie sont intégralement partis en fumée.

tout de même des activités en groupe, puis une mutualisation avec la classe », souligne Carole Bernard qui dirige le CIE depuis 2019. Face à la fermeture de nombreuses écoles, aux difficultés d’accès, l’équipe a dû se réorganiser. Les sorties sur le terrain sont priorisées quand elles restent autorisées, une manière de faire découvrir la biodiversité aux enfants tout en leur permettant de s’aérer, d’oublier pendant quelques heures un quotidien perturbé, anxiogène. Des échantillons de nature sont apportés en classe afin de maintenir les interventions. En dehors de Nouméa, le Nord et les Îles Loyauté sont aussi impactés, mais à des niveaux différents. Le CIE replanifie les interventions et réalise des animations quand les écoles sont accessibles.

Dans la situation actuelle difficile à la suite des émeutes, les sorties sur le terrain offrent quelques heures de répit aux enfants.

Le CIE.NC développe des activités éducatives et culturelles liées à l’amélioration des connaissances du milieu naturel calédonien. Ses membres s’emploient à sensibiliser et informer pour faire aimer l’environnement. | Des enfants attentifs et impliqués lors d’une animation nature.

UN APPEL AUX DONS

POUR SAUVER LE CIE.NC

À ce jour, Carole Bernard et ses équipes n’ont plus aucune visibilité sur leur budget de fonctionnement. Les institutions, principaux bailleurs de l’association, dénoncent et annulent les conventions signées. Le CIE s’emploie donc à répondre à des appels à projets, à chercher de nouveaux financements. Il a même lancé une cagnotte sur Leechi pour assurer sa survie. Et depuis le 1er juillet, six des sept salariés de l’association sont en chômage partiel afin de limiter l’épuisement de la trésorerie. « Il va falloir envisager des conséquences catastrophiques si l’on ne trouve pas d’aides financières. Le souci est qu’en tant qu’association, nous ne pouvons pas bénéficier du fond de solidarité de l’État qui est dédié aux entreprises. Pourtant, nous avons les mêmes difficultés. Avec d’autres associations (Caledoclean, FOL…), nous avons donc cosigné un courrier à l’attention de l’État pour l’alerter et demander la création d’un fonds de soutien aux associations », indique Carole Bernard.

FAIRE ACTE DE RÉSILIENCE

Carole Bernard est arrivée en Nouvelle-Calédonie pour ses études en biologie marine et n’en est jamais repartie. Après avoir exercé à l’IRD, travaillé dans l’enseignement durant 15 ans et réalisé du bénévolat,elleaprisladirectionduCIEen2019.Aujourd’hui,c’est l’incompréhension, la colère, l’horreur, l’épuisement.

« Outre la situation professionnelle qui est difficile pour une grande partie de la population, c’est aussi le physique, le psychologique qui sont touchés. Selon les quartiers où nous habitons, certains sont épargnés, pour d’autres, c’est l’angoisse permanente : on vit au son des détonations, des insultes d’une méchanceté inouïe, cloîtrés avec la peur de sortir et de laisser notre habitation au risque de la retrouver pillée et brûlée. C’est très compliqué. Personnellement, je le vis très mal. Au stress s’ajoute la fatigue de veiller la nuit, de sursauter au moindre bruit ou à chaque détonation. » Malgré tout, Carole Bernard et ses équipes mettent tout en œuvre pour montrer leur volonté de ne pas disparaître et faire acte de résilience. Pour que ne se perdent pas 28 années d’action pour la préservation de la biodiversité calédonienne.

Rédaction et interview : Mariane Aimar + d’info ici : Lien pour soutenir le CIE

CIE.NC a créé

les oiseaux et la biodiversité marine à l’île aux Canards, au large de Nouméa. | Par ailleurs, sur ce site, un sentier sous-marin propose 400 mètres de parcours dans deux à sept mètres d’eau.

PROJET PROTEGE : UN BILAN PROMETTEUR POUR LES PAYS ET TERRITOIRES D’OUTRE-MER DU PACIFIQUE

L e p rojet r égiona L o céanien des t erritoires pour L a g estion dura BL e des é cosystèmes (protege) visait à construire, dans Le cadre d ’ une coopération régionaLe, un déveLoppement dura BLe et rési L ient des économies des pays et territoires d ’ outre - mer ( ptom ) du p acifique , en s ’ appuyant sur L a B iodiversité et L es ressources nature LL es renouve L a BL es

Lancé en 2018, le projet PROTEGE est venu en appui aux collectivités et institutions des quatre pays et territoires d’outre-mer du Pacifique : Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis-et-Futuna et Pitcairn.

Mis en œuvre par la Communauté du Pacifique (CPS) et le Programme régional océanien de l’environnement (PROE), ce projet de coopération régionale s’achèvera fin 2024. Il est financé par le 11e Fonds européen de développement (FED) régional, à hauteur de 36 millions d’euros. Au titre de la responsabilité sociale et environnementale (RSE), un cofinancement a été apporté par les trois PTOM français du Pacifique pour un total de 128 000 euros.

PROTEGE, avec une équipe de 11 personnes 1, s’inscrit dans le cadre du programme Durabilité Environnementale et Changement Climatique de la Communauté du Pacifique (CPS). Ce projet ambitieux a été développé avec deux objectifs spécifiques :

• Renforcer la durabilité, l’adaptation au changement climatique et l’autonomie des principales filières du secteur primaire, qui regroupe l’ensemble des activités dont la finalité implique une exploitation des ressources naturelles : agriculture, pêche, foresterie...

• Améliorer la sécurité des services écosystémiques en préservant la ressource en eau et la biodiversité.

Pour les atteindre, ces quatre grandes thématiques forment la clé de voûte du projet PROTEGE :

• Agriculture et foresterie

• Pêche côtière et aquaculture

• Eau

• Espèces envahissantes

Avec plus de 250 actions opérationnelles mises en œuvre, PROTEGE apporte un soutien précieux à ces quatre territoires d’exception fortement dépendants de la qualité des ressources et des milieux naturels.

1 Dont 10 personnes au sein de la CPS et une personne au PROE.

« AGIR POUR UN DÉVELOPPEMENT DURABLE ET RÉSILIENT DES ÉCONOMIES DES PTOM, FACE

AU CHANGEMENT CLIMATIQUE »

PROTEGE a par exemple contribué à développer l’agroécologie et l’agroforesterie grâce à la structuration de réseaux d’agriculteurs océaniens ; à étudier la pression de pêche sur les ressources récifolagonaires ; à reboiser afin de restaurer le fonctionnement des masses d’eau ; ou encore à renforcer les outils de biosécurité aux frontières.

AGRICULTURE ET FORESTERIE

Exemple d’initiative : la mise en place d’un réseau régional de fermes de démonstrations dans le domaine de l’agroécologie

Lancé en 2020 par PROTEGE, 27 agriculteurs sont désormais structurés au sein d’un réseau en agroécologie entre la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna. La finalité de ce réseau était d’accompagner l’ensemble des systèmes agricoles – végétaux et animaux – vers l’agroécologie et l’agriculture biologique pour une plus grande autonomie vis-à-vis des intrants importés, une plus grande biodiversité cultivée et fonctionnelle, une meilleure gestion des ressources (eau, sol…), une résilience accrue face au changement climatique et une sécurité alimentaire renforcée. Une interface web en 360° permettra prochainement de visiter le réseau des fermes grâce à une visite virtuelle de leurs exploitations. À consulter sur le site de PROTEGE : https://protege.spc.int/fr

+ d’info ici : Vidéos en agriculture et foresterie

PÊCHE CÔTIÈRE ET AQUACULTURE

Exemple d’initiative : la création d’un Observatoire des pêches côtières à Wallis-et-Futuna

Piliers de la culture locale, de la sécurité alimentaire et du développement économique, les pêches côtières nourrissent les îles du Pacifique. Or, le dérèglement climatique et les impacts humains comme ceux liés à la surpêche fragilisent les écosystèmes marins. Alors que les pêcheurs s’accordaient à observer une diminution en quantité et en taille des ressources halieutiques, il était urgent de collecter des données scientifiques sur l’état des stocks et l’écologie des espèces halieutiques. Grâce au projet PROTEGE, à Wallis-et-Futuna, un Observatoire des pêches côtières existe désormais depuis 2022. Créé également en Nouvelle-Calédonie, cet outil innovant favorise l’amélioration des connaissances sur les ressources marines, tout en apportant une aide à la décision pour une gestion fine et adaptée. Ces deux structures nouvellement installées ont permis d’échantillonner, en deux ans, 15 000 poissons à Wallis-et-Futuna et 5 000 en Nouvelle-Calédonie.

+ d’info ici : Vidéo sur les Observatoires des pêches côtières

L’utilisation des plantes de service – engrais verts, plantes mellifères et espèces refuges pour les auxiliaires, c’est-à-dire les prédateurs naturels des ravageurs de cultures – limitent le recours aux intrants chimiques. Elles ont également été étudiées via le projet PROTEGE.

À Wallis-et-Futuna, les mesures obtenues au débarquement des pêcheurs montrent que 6 des 13 espèces de poissons récifaux évaluées seraient surexploitées. Inédites, ces données de l’Observatoire permettent d’objectiver les débats sur l’état des ressources côtières.

EAU

Exemple d’initiative : la préservation des bassins d’alimentation de captage en eau potable de la Nouvelle-Calédonie

En Nouvelle-Calédonie, la majorité des captages d’eau potable sont dégradés. Dans le cadre de PROTEGE, trois initiatives d’envergure ont été menées à Dumbéa avec le WWF, à Touho avec l’ONF International et à Bâ avec la mairie de Houaïlou, pour protéger ces zones de captages et ainsi améliorer la qualité de la ressource en eau potable. Les associations et les habitants ont redoublé d’efforts pour participer à la restauration des bassins versants : chasse aux cerfs et aux cochons sauvages, lutte contre l’érosion et surtout opérations de reboisement. Car du fait des défrichements et des feux, les espaces forestiers ont fait place à des savanes n’infiltrant pas l’eau, contrairement aux arbres, qui en alimentant les nappes phréatiques et les rivières, atténuent en saison sèche les pénuries d’eau.

+ d’info ici : Vidéo sur ces actions dédiées à l’eau

ESPÈCES ENVAHISSANTES

Exemple d’initiative : la réalisation d’une opération inédite de dératisation par drone aux Îles Marquises

Introduit par l’Homme lors des premières migrations, le rat est représenté par trois espèces en Polynésie française : le rat noir, présent quasiment sur toutes les îles habitées, le rat norvégien qui fréquente les grandes îles comme Tahiti et enfin, le rat polynésien qui a envahi les motu où il menace plusieurs espèces d’oiseaux du fenua nichant au sol ou dans des terriers comme les sternes fuligineuses, les pétrels, puffins et océanites. Face à ce risque de prédation, PROTEGE a permis de lancer en 2023 une campagne sans précédent d’éradication sur trois motu de l’île marquisienne de Ua Pou. Plus pratique, maniable et moins coûteux que l’hélicoptère, le drone a été choisi en tant que moyen de larguage des appâts raticides. Cette action, emblématique du projet PROTEGE, a été étendue également aux Gambier, sur un atoll des Tuamotu et dans l’archipel de Wallis-et-Futuna.

+ d’info ici : Vidéo sur la campagne de dératisation

Première réserve en eau de Nouvelle-Calédonie, le bassin versant de la rivière Dumbéa alimente en eau potable plus d’un Calédonien sur trois. L’érosion le menace en raison de la mine et des incendies.

Près de 900 000 euros ont été consacrés par PROTEGE à l’éradication du rat sur des sites prioritaires identifiés en Polynésie et à Wallis-etFutuna. Gérer les espèces exotiques envahissantes (EEE) est en effet nécessaire pour protéger la biodiversité et les services écosystémiques.

WALLIS-ET-FUTUNA

VOUS ÊTES-VOUS DÉJÀ IMMERGÉ(E) DANS LES ZONES HUMIDES DE WALLIS ?

p our sensi B i L iser à L ’ importance de protéger ces écosystèmes précieux , L e p ô L e - re L ais Z ones humides tropica L es vous invite à visiter de manière L udique , comme si vous y étie Z , L es L acs , cratères , î Lots cora LL iens et mangroves de W a LL is .

« À Wallis, petite île du Pacifique Sud, les zones humides abritent une biodiversité importante et plusieurs sites – lacs de cratère et de dépression, mangroves, herbiers, complexe récifo-lagonaire… – sont remarquables. Toutefois, de nombreuses pressions sont exercées sur ces milieux telles que la pollution, le défrichement ou encore l’urbanisation », souligne le Pôle-relais zones humides tropicales (PRZHT).

UNE EXPÉRIENCE IMMERSIVE

ET INTERACTIVE POUR ENTREVOIR DES MILIEUX ÉTONNANTS ET FRAGILES

En étroite collaboration avec le Service territorial de l’environnement de Wallis-et-Futuna, le Comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui anime le PRZHT dans le Pacifique, propose ainsi de faire connaître les zones humides de Wallis grâce à cet outil qui a reçu le soutien financier de l’Office français de la biodiversité (OFB). Ce projet mise sur l’utilisation des nouvelles avancées technologiques afin de renforcer la prise de conscience des problèmes environnementaux et influencer les actions écologiques au quotidien.

En haut : portail du site en ligne de la visite virtuelle des zones humides de Wallis. © Laurent Juhel

Depuis son smartphone, l’utilisation de lunettes à réalité virtuelle optimise l’immersion. Un concept gagnant dans les établissements scolaires de l’archipel, où ces outils pédagogiques sont facilement manipulables et transportables, mais aussi lors d’événements comme la Journée mondiale des zones humides ou la Semaine européenne du développement durable, qui se tiendra cette année du 18 septembre au 8 octobre.

DES VISITES VIRTUELLES DANS PLUSIEURS TERRITOIRES ULTRAMARINS

Cet outil numérique original couvre également des zones humides en Guadeloupe, à Mayotte et à La Réunion. Il rappelle que les zones humides font partie des écosystèmes les plus vulnérables et menacés des territoires tropicaux français. « Les visites virtuelles permettent de découvrir des milieux qui peuvent paraître lointains ou difficiles d’accès de manière ludique et informative pour susciter l’envie de participer à la préservation de ces sites », ajoute le PRZHT.

Rédaction : Stéphanie Castre + d’info ici : https://www.uicn-fr-ressources.fr/ visites_virtuelles/Wallis/

Depuis une idée originale de Geo-Graphique, Laurent Juhel

fédérer l ’ outre-mer, favoriser les éChanges, mettre en lumière les aCteurs de terrain, les initiatives Pour la ProteCtion de la nature et le déveloPPement durable

grandeur Nature OUTRE-MER

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OcéIndia

Un support proposé par aux Éditions Insulae 7 chemin Léona Revest - 97417 La Montagne, île de la Réunion

Stéphanie Castre, directrice de publication | oceindia@icloud.com

Rédaction : Stéphanie Castre, Lucie Labbouz, Romy Loublier, Axelle Dorville, Enzo Dubesset, Mariane Aimar, Pierre-Yves Fouché, Justine Taugourdeau, Damien Grivois, Mathilde Edmond-Mariette Minoton, Béatrice Tevanee, Igor Rembotte, Caroline Marie Conception graphique : Océindia

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