Partie 4- Quel devenir pour un paysage spécialisé

Partie 4 : Quel devenir pour un territoire spécialisé ?

Évolution de nos sociétés

A l’origine, nos sociétés n’étaient pas spécialisées. Vivant dans des communautés villageoises et/ou familiales, l’homme usait de toutes les ressources qu’il disposait autour de lui. En évoluant, il a commencé à se spécialiser dans les travaux qu'il entreprend ainsi : les métiers d’éleveurs, de bûcherons, d’agriculteurs, de commerçants se sont détachés, permettant une meilleure répartition des tâches et donc facilitant l’exploitation des ressources. Cependant, les sociétés paysannes ont fait perdurer les savoir-faire pour les fonctionnements quotidiens (élevage de quelques animaux, glanage du bois de chauffage, culture du potager…). Cela permettait en cas de crise de garder de la résilience*.

Dynamique de diversification d’un territoire

* Résilience : Capacité d’un système à se rétablir après une perturbation.

Dynamique de spécialisation d’un territoire Toutefois, l'évolution de notre société a entraîné une spécialisation de nos territoires et donc des activités vivrières. L’entrée dans un système mondialisé n’a fait que renforcer les territoires dans leur quête d’une connaissance poussée à l’extrême d’un domaine d’activité. C’est pourquoi, la spécialisation d’une branche de l’économie devient tellement forte qu’elle vient supplanter les autres activités, les faisant disparaître. Mais cette perte de diversité rend les territoires plus vulnérables et fragiles en cas d’aléas ou de catastrophes.

Alors comment imaginer l’évolution de la Sologne d’ici 30 à 50 ans ?

L’approche méthodologique choisie est celle des scénarios, permettant de s’immerger et de prendre du recul sur les changements d’ambiances paysagères que pourrait vivre ce territoire dans le futur. Ces scénarios pourront ainsi mettre en avant les répercussions de ce changement sur les usages et la forme de ce paysage.

Scénario 1 : Une intensification de la chasse

Imaginons que rien ne change, que les lois sur la restriction de l’engrillagement sur la chasse commerciale n’aboutissent pas. Dans cette course effrénée à la rentabilité, de nouveaux propriétaires ont choisi de fermer hermétiquement leurs terres de chasse. La création de nouveaux parcs cynégétiques affranchit leurs occupants des règles de chasse. On peut désormais entendre des coups de fusils à l’année. Le paysage autrefois sinueux se voit alors quadrillé par des chemins et des clôtures, devenant linéaire. De longues chaînes de miradors dans lesquelles attendent patiemment les postés ne laissent que peu de chance aux animaux de s’échapper vers le prochain carré lors des battues. Nourris, ces derniers se reproduisent faisant exploser les populations. L’économie de la chasse en Sologne se porte bien car cette région est devenue le centre de convergence des chasseurs internationaux. De vastes gîtes attendent l’affluence des jours de chasse. Malgré tout, elle est soumise aux différentes épidémies. Dans certaines propriétés, des cas de peste porcine africaine se sont déclarés, entraînant un abattage massif des animaux pour limiter cette épidémie. Le même sort attend les milliers d’oiseaux d'élevage lors des épisodes de grippe aviaire. Légende

Culture à gibier

Ligne de poste

Friche

Scénario 2 : Un système sylvicole conventionnel

Et si au contraire, la chasse était fortement réglementée ? De plus en plus de voix s’élèvent contre cette pratique considérée par les anti-chasse comme barbare et inhumaine. Que se passerait-il, si on supprimait brutalement la chasse ? Comment raccrocher le territoire à une économie ?

Actuellement, l’agriculture ne peut plus être une réponse rapide et massive car elle ne subsiste qu’en résidus épars. Les industries non plus ne peuvent apporter de solutions car en difficultés ou trop loin des abords du Néant. Sans la chasse, les grands propriétaires vont rapidement délaisser les grands domaines. Alors ne restera que la forêt.

Le couvert de celle-ci va s’épaissir rapidement, mais à quel prix? Les forêts proches des étangs, considérées comme remarquables ou ouvertes au public, garderont un semblant de fonctionnement naturel pour satisfaire le tourisme lié aux sites touristiques. Les autres se transformeront rapidement en parcelles intensives mono culturales. L’image de la Sologne autrefois imaginée comme sauvage changera, se muant en une forêt banale et pauvre.

D’un point de vue strictement capitaliste, la monoculture rapporte plus et plus vite, permettant la création de scieries et autres entreprises du bois. Mais l’intensification de la filière bois pourrait-elle résister et être durable face aux maladies, aux ravageurs et au dérèglement climatique ? Pourtant face à la chute brutale de l’économie, peu d’exploitants partiront vers des alternatives forestières douces, ces pratiques étant encore à leurs balbutiements.

De plus, l’abandon de la gestion des étangs par les propriétaires de chasse, faute de moyens ou d'intérêts, changera les dynamiques hydrologiques. Ainsi de nouveaux marais viendront prendre place dans les terres les plus humides, changeant la fréquentation de l’avifaune au profit des échassiers et limicoles. Légende

Résineux

Feuillus

Coupe à blanc

Plantation de jeunes plants

Forêt moins gérée

Marais

Scénario 3 : Une réouverture pastorale

Les deux scénarios précédents s'inscrivent dans des logiques de transformations brutales sur deux plans : l’intensité temporelle de la réponse et de la progression de la dynamique de fermetures des milieux.

Imaginons maintenant une réponse inverse à ces deux scénarios. Si au lieu d’interdire strictement la pratique de la chasse, la politique générale s'oriente vers un changement de pratique annonçant le retour des chasses extensives, en s’adaptant non plus à l’humain mais au milieu permettant donc plus de diversité.

En s’appuyant sur les ressources agricoles que la Sologne des étangs peut offrir, l’élevage extensif semble être une réponse au retour d’un paysage varié et productif. Ainsi pour entretenir à moindre coup les prairies en cours de fermeture, de nouveaux élevages apparaissent dans le paysage solognot.

Suivant une volonté de sauvegarde de la race rustique locale, on observerait le grand retour de la Solognote, accompagnée d’autres espèces rustiques, développant les filières viandes, laines associées à ces animaux. Progressivement, les prairies viendront grignoter la forêt pour répondre à la demande.

En prenant le temps de réfléchir à un mode de développement économique plus circulaire et résilient, les terres aux bords du Néant pourraient devenir un territoire pilote autour du déploiement des alternatives forestières dans la gestion des forêts. Le retour d’espaces ouverts, bordés d’une multitude de faciès végétaux entraînera la formation de mosaïque de milieux, favorisant de nombreuses espèces animales sauvages.

Cette diversité de paysages retrouvée offrira une image rayonnante de la Sologne, influant sur sa fréquentation touristique.

C’est à partir de ce scénario, pour l’instant brut, que va se poursuivre mon travail.

Légende

Prairie

Pisciculture

Forêt mixte