Note de politique - Politiques agricoles : Suivi et évaluation 2023

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Politiques agricoles : Suivi et évaluation 2023 Adapter l’agriculture au changement climatique

30 octobre 2023

Les impacts croissants du changement climatique soulignent la nécessité d’adaptation et de réforme des politiques qui font obstacle à l’ajustement des systèmes de production agricole.

e soutien total à l’agriculture a atteint le niveau record de 851 milliards USD par an au L cours de la période 2020-22 dans les pays de l’OCDE et les grandes économies émergentes ; 518 milliards USD ont été versés sous forme de dépenses budgétaires, c’est-à-dire financés par les contribuables, et 333 milliards USD ont été octroyés par le biais de politiques publiques qui hissent les prix intérieurs au-dessus des prix de référence, c’est-à-dire financés par les consommateurs. es investissements dans l’innovation, la biosécurité et l’infrastructure ont représenté 12.5 % L seulement des transferts au secteur, contre 16 % il y a vingt ans. e changement climatique a de plus en plus de répercussions sur l’agriculture et les systèmes L alimentaires mondiaux, car il entraîne une hausse des températures et une multiplication des sécheresses, des inondations et d’autres catastrophes naturelles. Pourtant, le soutien à l’agriculture reste largement caractérisé par des politiques faussant le jeu du marché qui consolident les systèmes de production existants et limitent la capacité des agriculteurs à s’adapter à l’évolution du climat. Il est urgent de prendre de nouvelles mesures pour évoluer vers des politiques publiques qui renforcent la résilience face au changement climatique.

Quelle est la problématique ? Le soutien total à l’agriculture s’est élevé à 851 milliards USD par an au cours de la période 2020-22 dans les 54 pays étudiés dans le rapport de l’OCDE Politiques agricoles : suivi et évaluation 2023. Malgré un léger fléchissement en 2022, cette moyenne représente un record absolu. Elle est près de 2.5 fois plus élevée qu’au cours de la période 2000-02, même si cette hausse est plus faible que celle de la valeur de la production agricole, qui a été multipliée par 3.6 (graphique 1). Le soutien à l’agriculture reste principalement le fait d’une poignée de grandes économies productrices : avec 36 % du total, la République populaire de Chine (ci-après, la « Chine ») a désormais détrôné les grandes économies de l’OCDE qui ont longtemps occupé la première place. L’Inde, les États-Unis et l’Union européenne, autres grands producteurs agricoles, représentent respectivement 15 %,

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14 % et 13 %. La Chine et l’Inde fournissent à elles seules 87 % du soutien agricole alloué dans les économies émergentes étudiées dans ce rapport, tandis que les États-Unis et l’Union européenne représentent près des deux tiers de celui distribué dans la zone OCDE. Tous pays étudiés confondus, 518 milliards USD par an ont été versés sous forme de dépenses budgétaires et 333 milliards USD par an ont été octroyés par le biais de politiques visant à rendre les prix intérieurs plus élevés que les prix de référence. Par ailleurs, plusieurs économies émergentes appliquent des politiques qui minorent les prix d’une partie ou de la plupart des produits de base sur leurs marchés intérieurs, ce qui se traduit par une taxation implicite des producteurs de 179 milliards USD par an en moyenne.

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Sou�en des prix du marché

Sou�en budgétaire aux producteurs

Sou�en aux consommateurs

Sou�en total (en % de la VP)

Services généraux

1,000

30%

800

24%

600

18%

400

12%

200

6%

0

0%

-200

-6%

-400

-12%

En pourcentage de la valeur de la produc�on agricole

Milliards de dollars

Graphique 1. Le soutien apporté à l’agriculture au niveau mondial reste considérable

Source : OCDE (2023), « Estimations du soutien aux producteurs et aux consommateurs », Statistiques agricoles de l’OCDE (base de données), http://dx.doi.org/10.1787/agrpcse-data-en.

Le soutien à l’agriculture a très largement profité aux producteurs à titre individuel. Les transferts aux producteurs à titre individuel ont ainsi représenté 630 milliards USD par an et 14 % des recettes agricoles brutes en moyenne durant la période 2020-22. Le soutien est très variable selon les pays : dans certains pays de

l’OCDE, il équivaut à plus de 40 % des recettes agricoles brutes, alors que dans quelques économies émergentes, le soutien négatif des prix correspond à 4 % de ces recettes. Tous pays confondus, le soutien net aux producteurs a représenté 10 % des recettes agricoles brutes, contre 18 % vingt ans auparavant (graphique 2).

Graphique 2. Soutien aux producteurs par pays, 2020-22 et 2000-02 Soutien des prix du marché Estimation du soutien aux producteurs 2020-22

Autre soutien pouvant créer le plus de distorsions 1 Estimation du soutien aux producteurs 2000-02

Autre soutien

Ar Ind ge e n Vi tine et No N uv U am ell kr e Af -Zé aine riq la ue nd du e Su d Ch ili Co Bré sta sil R Au ica Ka str za alie kh st Ru an Co ssi lo e Ind mbi o e Ét nés ats ie -U Ca nis n Mé ada xiq u Isr e aë Un Ch l ion in Eu Tür e kiy r o Ro pé e ya en um ne Ph e-U ilip ni pin e Ja s po Co n ré Su e iss Isl e a 11 No nde éc r on vè om ge ies ém OE To erge CD us n t 3 les es pa 4 ys 5

% 80 70 60 50 40 30 20 10 0 -10 -20 -30

Source : OCDE (2023), « Estimations du soutien aux producteurs et aux consommateurs », Statistiques agricoles de l’OCDE (base de données), http://dx.doi.org/10.1787/agrpcse-data-en. Note : Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem-Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.

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Les pouvoirs publics ont déployé les grands moyens pour protéger les producteurs et les consommateurs des conséquences de la guerre en Ukraine et pour lutter plus généralement contre les tensions inflationnistes. La guerre en Ukraine a eu des répercussions majeures sur les marchés internationaux et les chaînes de valeur des denrées alimentaires, des aliments pour animaux, des engrais et de l’énergie, et elle a renforcé les tensions inflationnistes qui existaient déjà avant. Dans un grand nombre de pays, les pouvoirs publics ont prolongé les mesures d’urgence ou en ont mis en place de nouvelles pour aider les producteurs et les consommateurs à faire face aux conséquences de la guerre sur les marchés agricoles. Ils se sont notamment employés à aider l’Ukraine à maintenir sa production et ses exportations alimentaires, à réduire les obstacles à l’importation de denrées alimentaires et d’engrais, à stimuler la production intérieure d’engrais ou le recours aux engrais organiques, ainsi qu’à compenser par des mesures de soutien le renchérissement des intrants. À cela s’ajoutent, dans plusieurs pays, des mesures de soutien supplémentaires destinées à protéger les consommateurs de la hausse des coûts de l’alimentation. En parallèle, certains pays ont érigé de nouvelles barrières à l’exportation qui ont accentué la tension et l’incertitude sur les marchés internationaux. D’autres ont assoupli ou suspendu leurs prescriptions environnementales afin de stimuler la production intérieure et de faire augmenter les approvisionnements mondiaux, au risque d’entraîner une dégradation de l’environnement.

Le changement climatique a un impact grandissant sur la production agricole partout dans le monde, du fait de la variabilité accrue des températures et des précipitations, des perturbations des services écosystémiques et du ralentissement de la croissance de la productivité. Les phénomènes météorologiques extrêmes de type sécheresse, inondation, canicule et tempête qui frappent l’agriculture sont de plus en plus fréquents et de plus en plus graves. S’il en résulte un allongement des périodes végétatives dans certaines régions, presque partout ailleurs, il est urgent que les exploitants s’adaptent à la détérioration et à la variabilité accrue des conditions de culture. Les pouvoirs publics redoublent d’efforts pour aider l’agriculture à s’adapter au changement climatique.

Les 54 pays étudiés dans le présent rapport ont adopté près de 600 mesures d’adaptation au changement climatique dans le secteur agricole. Il s’agit en grande partie de mesures de nature sociale, économique et institutionnelle, 61 % ayant trait à la planification de l’adaptation, à l’investissement dans le renforcement des capacités, à la fourniture de services climatologiques et à la mise en place de mécanismes financiers et de dispositifs d’assurance. Les 39 % restants concernent entre autres la mise en place de diverses approches fondées sur les écosystèmes, le développement d’infrastructures et des solutions techniques. Ces mesures sont davantage tournées vers la recherche de solutions utiles aux exploitants et aux systèmes agricoles.

Graphique 3. Mesures et programmes d’adaptation de l’agriculture Social, economique et institutionnel (SEI)

Comportementale, culturelle (BHC)

Infrastructures, technologies (INT)

Basé sur l’écosystème (ECO)

Irrigation et drainage 5.2%

Renforcement des capacités 18.0%

Planification 20.7%

Autres mécanismes financiers 5.3%

Services climatiques 11.4%

Assurance 4.3%

Agroécologie 7.0%

Santé des sols 5.5%

Diversification 3.8%

Qualité de l’eau 2.3%

Eau régionale 2.2%

L’élevage ou la sélection des races 3.3%

Gestion du bétail 2.3%

Gestion des pesticides 2.2%

Technologie des cultures ou de l’élevage 4.0%

Gestion des cultures 1.5%

Note : la taille de chaque rectangle est proportionnelle à la part dans le total des mesures et programmes correspondants recensés par le Secrétariat de l’OCDE, sur la base des informations communiquées par les capitales.

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Politiques agricoles : Suivi et évaluation 2023 Adapter l’agriculture au changement climatique L’adaptation effective de l’agriculture au changement climatique appelle toutefois des mesures supplémentaires. Les pouvoirs publics devraient dépasser le stade de la planification et s’atteler de toute urgence à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation des mesures d’adaptation. Les mesures destinées à renforcer la résilience au changement climatique devraient concilier le soutien au relèvement à court terme après des chocs liés au climat avec des ajustements progressifs à moyen terme, au gré de l’évolution des conditions, et des actions transformatrices à long terme, lorsque les systèmes existants seront devenus intenables. Parallèlement, les pays se voient contraints de redoubler d’efforts pour faire baisser les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’origine agricole. Si plusieurs d’entre eux ont actualisé leurs objectifs d’atténuation à l’échelle de l’économie, seulement 19 des 54 pays étudiés ont défini, sous une forme ou une autre, un objectif d’atténuation spécifique à l’agriculture. La majeure partie du soutien actuel à l’agriculture consolide les systèmes de production existants et entrave l’adaptation au changement climatique. Le soutien des prix du marché et les autres transferts au titre d’un seul

produit faussent les signaux envoyés aux producteurs, les dissuadent de modifier leurs systèmes de production et créent des distorsions sur les marchés internationaux, lesquels demeurent pourtant essentiels pour atténuer les effets des pénuries ou des récoltes exceptionnelles et pour renforcer la résilience des systèmes agricoles et alimentaires. Par ailleurs, l’objectif de 1.5 °C énoncé dans l’Accord de Paris ne pourra pas être atteint sans efforts d’atténuation dans le secteur agricole. Les investissements dans la R-D, la biosécurité, les infrastructures et les autres services d’intérêt général qui profitent à l’ensemble du secteur continuent de représenter une part modeste et décroissante du soutien à l’agriculture. Ils se sont montés à 106 milliards USD par an durant la période 2020-22, ce qui représente 12.5 % du soutien positif total, contre 16 % vingt ans plus tôt. Moins d’un quart a été destiné à la R-D, aux services de vulgarisation et au transfert de connaissances, alors qu’on sait qu’il s’agit d’investissements particulièrement rentables en termes de croissance durable de la productivité et de résilience, même si les bénéfices prennent parfois des années à se concrétiser.

Que devraient faire les responsables publics ? Lors de la Réunion des Ministres de l’Agriculture de novembre 2022 à l’OCDE, les ministres et représentants de 42 pays, Membres de l’OCDE et économies émergentes, plus l’Union européenne, se sont engagés collectivement « à soutenir la transformation des systèmes agricoles et alimentaires pour les rendre plus durables et plus résilients »1. En droite ligne avec la déclaration ministérielle, il a été établi que les pouvoirs publics pouvaient prendre les mesures ci-après pour rendre les systèmes agroalimentaires plus résilients face aux chocs successifs, notamment en relation avec le changement climatique, et pour favoriser une croissance durable de la productivité (on trouvera des informations plus détaillées sur chacun de ces points dans le rapport) :

1. Supprimer progressivement les mesures qui entravent l’ajustement de la production. 2. Focaliser l’action publique dédiée à la gestion des risques agricoles sur l’information, la facilitation et les risques de catastrophe. 3. Investir dans des interventions ciblées qui accompagnent l’adaptation au changement climatique et la transition du secteur vers des systèmes agricoles et alimentaires plus durables et plus résilients. 4. Donner la préférence aux mesures dites « sans regret » qui favorisent la résilience dans des circonstances très diverses. 5. Améliorer les systèmes de connaissances et d’innovation agricoles et les focaliser sur une croissance durable de la productivité. 6. Encourager l’offre de biens publics.

Pour en savoir plus • OCDE (2023), Politiques agricoles : suivi et évaluation 2023 – Adapter l’agriculture au changement climatique, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/b14de474-en. • Comparez votre pays, https://www.compareyourcountry.org/support-for-agriculture.

1

OCDE (2022), Déclaration sur des solutions transformatrices pour des systèmes agricoles et alimentaires durables, OECD/LEGAL/0483, https://legalinstruments.oecd.org/fr/instruments/OECD-LEGAL-0483.

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