Etude monographique coton

Page 1

ETUDE MONOGRAPHIQUE SUR LE COTON La problématique du Bénin

FLUDOR BENIN, Juin 2012.


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012

IA-

TABLE DES MATIERES Le coton dans le monde

4

Situation actuelle du secteur 1- La production 2- La consommation 3- Les échanges de la fibre sur le marché international 4- La tendance de fond : la baisse des cours

4 4 6

B-

Le coton et la mondialisation 1- Le dossier coton au niveau de l’OMC 2- Le manque de réactivité par rapport aux subventions

8 8 9

II-

Le coton en Afrique de l’Ouest et du Centre

11

A-

Etat des lieux

11

B-

L’Afrique de l’Ouest face à la survie de son secteur cotonnier 1- L’initiative sectorielle pour le coton 2- Les besoins de mise à niveau 3- Le cadre régional de l’initiative coton de l’UEMOA

13 13 15 17

7

III- Le coton au Bénin

18

A-

Evolution de la production et processus de libéralisation 1- Evolution de la production 2- Processus de libéralisation 3- Organisation institutionnelle de la filière 4- Projet d’Appui à la Réforme de la Filière Coton

18 18 20 21 22

B-

Les dysfonctionnements de la filière 1. manque d’organisation des producteurs et politisation de l’Interprofession 2- Les dispositions prises par l’Etat à partir de juin 2006 3- Le processus de privatisation de la Sonapra

23 23

C-

26

4- La campagne 2011-2012 5- La Commission Internationale Indépendante

7 29 29

Quel avenir pour la filière coton au Bénin ?

30

2


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012

ANNEXES ANNEXE 1. LA PROBLEMATIQUE DE LA PRIVATISATION DE LA FILIERE COTON AU BENIN

35

ANNEXE 2 : COMPARAISON DES EXPERIENCES DU BENIN ET CELLES DU BURKINA-FASO

39

ANNEXE 3 : ORGANIGRAMME 1 : SCHEMA DE GESTION DE LA FILIERE COTON AU BENIN AVANT 2000

41

ANNEXE 4 : 42 ORGANIGRAMME 2 : SCHEMA DE GESTION DE LA FILIERE COTON AU BENIN (20002007) ANNEXE 5: ORGANIGRAMME 3 : SCHEMA DE GESTION DE LA FILIERE COTON AU BENIN (2008-2011)

43

ANNEXE 6 REFORME DE LA FILIERE COTON BENINOISE – LECONS A TIRER DE L’EXPERIENCE D’IVOIRE COTON

44

ANNEXE 7 LES USINES D’EGRENAGE DE COTON AU BENIN

50

ANNEXE 8 IMPLANTATION DES SOCIETES D’EGRENAGE DE COTON AU BENIN

51

ANNEXE 9 IMPLANTATION DES USINES D’EGRENAGE DE COTON

3

52


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012

I- Le coton dans le monde Le coton constitue, depuis le début du vingtième siècle, l’un des produits majeurs qui alimentent le commerce international. Malgré la baisse tendancielle de la part du coton dans l’ensemble des fibres, ce produit demeure historiquement, la première source de fibres utilisées au niveau international. A- Situation actuelle du secteur ? 1- La production La culture du coton est répartie sur 36 millions d’hectares, occupant ainsi 25 % de la surface cultivée de la planète. Une centaine de pays environ produisent le coton qui constitue pour la grande majorité d‘entre eux, une base vitale d’emplois et de mieux-être social. La production cotonnière fournit directement près de 350 millions d’emplois. Superficie Mondiale de la culture du Coton Million Hectares 80 70 60 50 2011/12 : +7% 40 36,0 30 20 1980/81 xxxxxxx 1990/91 xxxxxxx 2000/01 xxxxxxx 2010/11

Source CCIC Cependant, la production mondiale du coton est concentrée sur quatre pays, la Chine, les Etats-Unis, l’Inde et le Pakistan qui comptent pour plus de deux tiers des volumes mondiaux. Ces quatre pays produisent environ 68 % de la fibre de coton. Si l’on ajoute l’Ouzbékistan et l’Egypte, les trois quarts de la production mondiale sont couverts par six pays. Il y a une décennie, la production mondiale de coton tournait autour de 25 millions de tonnes. Ce niveau de production découlait de l’augmentation des emblavures et des rendements dans les pays asiatiques, notamment la Chine continentale et l’Inde et d’une progression de la production en Amérique du Sud, le Brésil seul atteignant 1,4 millions de tonnes. Ceci malgré un fléchissement des Etats-Unis et du Pakistan d’une part, et aussi de la Grèce (-30 %) et l’Espagne (-64%) d’autre part, suite au changement des mécanismes de soutien des productions agricoles européennes. Actuellement, après une légère stagnation au niveau mondial, on observe à nouveau, depuis trois campagnes, une tendance haussière de la production, comme le montre le tableau ci-après :

4


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012

Production (en millions de tonnes) 2009-2010 22,170 2010-2011 24,872 2011-2012 26,970 Campagne

Dans le même temps, la superficie consacrée aux variétés biotechnologiques s’est élevée, passant de 25% de la superficie totale mondiale en 2005-2006 à près de 70% des 36 millions d’hectares cultivés en coton actuellement. Superficie du Coton Biotechnologique (Pourcentage du total mondial)

100% 75% 50% 25% 0% 95/96 Source CCIC

70%

00/01

05/06

10/11

La plus grande partie de l’évolution des rendements au cours des dix dernières années serait due à l’utilisation des variétés biotechnologiques qu’une dizaine de pays cultivent et commercialisent actuellement. Il s’agit notamment de l’Afrique du Sud, de l’Argentine, de l’Australie, du Brésil, de la Chine, de la Colombie, des Etats-Unis, de l’Inde, de l’Indonésie et du Mexique. L'Afrique représente 5% de la production mondiale de coton. © Source : CCIC, 2011-2012

5


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012

Traduction des diagrammes en tableau comparatif PAYS Chine Inde USA Pakistan Brésil Australie Turquie Ouzbékistan Autres

AFRIQUE

Part dans la production mondiale 27% 22% 13% 09% 07% 04% 03% 03% 07% 05% PAYS Egypte Mali Burkina Faso Zimbabwe Tanzanie Côte d’Ivoire Bénin Cameroun Zambie Soudan Autres

Part dans la production africaine 13% 13% 11% 08% 07% 06% 06% 05% 04% 04% 23%

2- La consommation La consommation internationale de fibres de coton a augmenté, depuis une cinquantaine d’années, à un rythme identique à celui de la production, soit de l’ordre de 2% l’an. Alors que les pays en développement représentaient, entre 1981 et 1998, environ 77% des utilisations mondiales, ce pourcentage a dépassé les 80% à partir de 1999 et ne cesse d’augmenter depuis. Ce déplacement du traitement des fibres de coton des pays développés vers les pays en développement s’explique en grande partie par la hausse très importante des coûts en main d’œuvre dans l’industrie textile des pays développés. Dans ce secteur, les charges salariales représentent environ le sixième du coût de revient d’un article. La hausse de ces coûts a donc induit une baisse drastique de l’activité textile dans les pays développés qui a été délocalisée dans certains pays, notamment asiatiques et maghrébins, où le coût de la main d’œuvre est plus faible et les législations sociales plus flexibles.

6


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 Les principaux producteurs sont également les principaux consommateurs de coton. La Chine, les Etats-Unis, l’Inde et le Pakistan comptent ensemble pour environ 56% de la consommation mondiale totale. 3- Les échanges de la fibre sur le marché international En dépit du développement de la transformation locale du coton, le coton demeure l’un des principaux produits agricoles commercialisés. Le tiers de la production mondiale du coton est exportée chaque année et près de 4,6 millions de tonnes de coton brut sont échangées annuellement depuis les années 1960. Les Etats-Unis demeurent le premier pôle exportateur et financier du monde en ce qui concerne le coton brut. Les débouchés traditionnels des exportations américaines sont, d’une part les pays asiatiques avec en tête la Chine, le Japon, la Corée et l’Indonésie, et d’autre part le Mexique et la Turquie. Après les Etats-Unis, l’Afrique de la zone Franc CFA arrive en seconde position avec 12% de fibres exportés, suivie par L’Ouzbékistan (11%). L’évolution des exportations mondiales de coton fibre, au cours des 25 dernières années, est caractérisée par une forte progression de l’Afrique de la zone Franc, qui a triplé sa part relative en volume, et des Etats-Unis qui passent de 30 à 40 %. 4- La tendance de fond : la baisse des cours Le commerce international a été marqué par une baisse tendancielle du cours du coton ces dernières années. Cette pression à la baisse des cours mondiaux s’explique en partie par le déclin de la part de marché du coton au détriment des fibres synthétiques. Depuis la fin des années 1950, la part du coton dans la consommation totale de fibres est en diminution constante, passant de 70% à moins de 40 % actuellement. Le progrès technologique a été un important facteur de la compétitivité de la fibre synthétique. Aux Etats-Unis, par exemple, la proportion de fibres synthétiques dans les textiles industriels a augmenté de plus de 300% en l’espace de 30 ans, alors que celle du coton a progressé de 50%, sur la même période. D’une manière générale, l’évolution à long terme des prix du coton est assez semblable à celle des autres produits agricoles, caractérisée par une baisse tendancielle. Cependant, la tendance baissière est environ deux fois plus rapide que pour l’ensemble des matières premières agricoles. La baisse s’est accélérée ces dernières années. Les prix se situent en moyenne autour de 55 cents par livre, contre 75 cents par livre précédemment. Cette baisse régulière des prix du coton s’est accompagnée d’une diminution des coûts de production qui est due à différents facteurs, tels que le progrès technique,

7


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 l’amélioration du réseau des infrastructures ou une meilleure gestion des stocks. Les évolutions des grands pays producteurs comme les Etats-Unis et la Chine ont également une incidence sur les cours du coton. Les importantes subventions accordées par les Etats à leurs cotonculteurs influent sur l’évolution des prix. Le CCIC (Comité Consultatif International du Coton) estime que les subventions à l’exportation et les soutiens internes des pays riches pour le coton ont déprimé les prix de 20%, ce qui a valu des pertes très importantes pour les exportateurs de coton africains. En mars 2005, à la suite d’une plainte du Brésil, relayée par des pays africains (Bénin, Burkina-Faso, Mali et Tchad), l’OMC a condamné les EtatsUnis en jugeant ces subventions illégales. Bien que les Etats-Unis soient appelés à supprimées progressivement les subventions, l’impact à court terme d’une telle suppression sur les cours du coton est diversement évalué. Selon les études et modèles utilisés, les estimations d’une remontée des cours du coton vont de 2 à 30%, voire 70%. Quant à la Chine, sa position de premier consommateur mondial de fibre exerce également une influence majeure sur les cours du coton. B- Le coton et la mondialisation 1- Le dossier coton à l’OMC Le coton fait partie des nombreux sujets de désaccords des négociations à l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce), considérés comme la cause principale de la suspension du cycle de Doha. Pendant la conférence ministérielle de l'OMC à Doha, au Qatar en 2001, les pays développés avaient accepté d'entreprendre des réformes de leurs politiques agricoles pour favoriser le développement des pays pauvres grâce à un commerce plus équitable. L'OMC s'était engagée à favoriser un accès au marché des produits des pays en développement, à leur apporter une assistance technique et à accorder une attention particulière aux besoins des nations les plus vulnérables. Ainsi, en utilisant des pratiques contraires aux règles de l’OMC et en usant du contexte de l’après 11 septembre, lors de la conférence ministérielle de l’OMC à Doha, les pays industrialisés sont parvenus à imposer le lancement d’un cycle de négociations qu’ils baptisent « Agenda de Doha pour le Développement ». Ce programme contient notamment les matières refusées à Singapour. A la conférence ministérielle de Cancun, au Mexique en septembre 2003, les négociations du programme de Doha ont achoppé sur tous les dossiers : sur ceux qui intéressaient les pays en développement parce que les pays

8


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 développés n’acceptaient pas les attentes du Sud et sur ceux qui concernaient les pays développés parce que les pays en développement se heurtaient au protectionnisme des pays du Nord. Pour les pays africains producteurs de coton, les mesures attendues comprennent une réduction, voire la suppression totale de toutes les formes d'appui aux producteurs des pays développés, une prise en compte de la spécificité du coton suite à la transmission, en 2003, de l'initiative coton au Comité de l'agriculture de l'OMC par un groupe de quatre pays africains Bénin, Burkina Faso, Tchad et Mali. Les travaux du sous-comité coton créé au sein du groupe spécial de négociations sur l’agriculture, à la suite de l’échec de Cancun ainsi que les pressions exercées par les cotonculteurs africains ont permis au dossier coton de connaître une légère avancée lors de la conférence ministérielle de Hong Kong. A cette occasion, les pays développés avaient pris l’engagement de supprimer en 2006 les soutiens à l’exportation, de supprimer de façon progressive tous les soutiens internes accordés à leurs producteurs à l’horizon 2013. Engagement sans suite réelle à ce jour. 2- Le manque de réactivité par rapport aux subventions Les principaux producteurs mondiaux du coton disposent tous de mesures de soutien à la production et aux prix. Ainsi, il y a une décennie, les subventions dans le secteur cotonnier ont atteint un niveau record de 5,8 milliards de dollars. En tête des pays ayant accordé les soutiens les plus importants, on retrouve les Etats-Unis avec 3,3 milliards USD. La Chine, premier producteur mondial, se place en deuxième position avec 1,2 milliards USD de soutien durant la même période. L’Union européenne arrive en troisième place avec 975 millions USD. De façon marginale, l’Egypte, la Turquie, le Brésil et le Mexique ont des mécanismes de soutien au coton pour des montants importants, cependant sans comparaison avec les Etats-Unis, la Chine, et l’Union Européenne (de 10 millions USD pour le Brésil à 60 millions USD pour l’Egypte). D’après le CCIC, seuls la Chine et les Etats-Unis accordent des aides directes à l’exportation dont l’effet économique est le plus immédiat sur la baisse du prix mondial. Une étude du CICC estime que les subventions directes à l’exportation et les soutiens internes des pays riches pour le coton ont déprimé les prix de 20%, ce qui a valu une perte de 300 millions USD aux exportateurs de coton africain. Suite à une plainte déposée en 2003 par le Brésil contre les Etats-Unis, l’Organe de Règlement des Différends de l’OMC a estimé que les subventions des exportations américaines et les mesures de soutien internes causaient

9


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 un préjudice sérieux aux intérêts brésiliens en faisant baisser injustement les prix mondiaux. L’Organe de Règlement des Différends a recommandé que les Etats-Unis prennent les mesures appropriées pour mettre fin à ces effets défavorables ou suppriment les subventions. Les pays africains producteurs du coton n’ont pas participé en qualité de plaignant au contentieux devant l’Organe de Règlement de Différends. Seuls le Bénin, le Mali et le Tchad se sont portés en tierce partie. Les pays africains se sont surtout battus sur le front des négociations à l’OMC, notamment dans le cadre de l’Initiative sectorielle en faveur du coton, lancée par le Bénin, le Burkina-Faso, le Mali et le Tchad, avant la réunion ministérielle de Cancun. Cette initiative, dénommée C4, demandait, entre autres, l’élimination des subventions du coton et le versement d’une compensation aux producteurs du coton des PMA aussi longtemps que les subventions seraient maintenues. Après l’échec de la réunion ministérielle de Cancun, le paquet de Juillet 2004, un cadre ayant pour but de remettre les négociations sur les rails, a convenu de traiter le coton de façon ‘’ambitieuse, expéditive et spécifique’’ et de prendre en considération à la fois les aspects relatifs au commerce et au développement du marché mondial du coton. En 2005, la conférence ministérielle de Hong Kong était parvenue à un accord en trois points : 1. éliminer toutes les formes de subventions des exportations de coton des pays développés d’ici à 2006; 2. étendre l’accès des exportations de coton des PMA aux marchés des pays développés en franchise de droits et de contingents dès le début de la mise en œuvre de l’Accord de Doha 3. réduire plus substantiellement et plus rapidement les mesures de soutien interne au coton L’annonce de l’élimination des subventions à l’exportation n’avait pas comblé les attentes des cotonculteurs africains, puisque cette forme de subventions représente à peine 20% des soutiens accordés aux agriculteurs des pays développés. La plupart des distorsions au commerce étant générées par des mesures de soutien interne, cette avancée était soumise à de lourdes conditions, les progrès sur la question coton dépendant fortement de ceux réalisés plus globalement dans le cadre des négociations commerciales du Cycle de Doha. En novembre 2009, l’OMC donnant droit à la plainte du Brésil a autorisé ce pays à imposer 294,7 millions USD de sanctions commerciales à cause des subventions américaines au Coton. Pour le C4, tierce partie, la situation n’a

10


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 pas changée jusqu’à ce jour, les négociations sur le Cycle de Doha étant toujours bloquées. Cependant, avec la hausse du prix du coton, les subventions au secteur – y compris le soutien direct à la production et à l’exportation, la protection des frontières, la garantie d’un prix minimum et les assurances « récoltes » – ont mécaniquement diminuée en 2010/11. Elles sont estimées par l’ICAC à $ 1,3 milliard contre 3,2 milliards USD en 2009/10 et 5,5 milliards USD en 2008/09. Cela représente en moyenne 5 cents par livre de coton contre 11 cents en 2009/10. Les baisses les plus spectaculaires l’ont été en Chine et aux Etats Unis. Elles demeurent tout de même élevées, et plus de 50% de la production mondiale bénéficie encore d’une aide publique directe. II- Le coton en Afrique de l’Ouest et du Centre Le coton est la principale culture d’exportation dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre. Ces pays sont parvenus depuis les années 1970 à multiplier par cinq leur production et à faire du coton une filière dynamique assurant un revenu à plus de dix millions de personnes. Cependant la filière cotonnière africaine traverse depuis quelques années une crise importante qui constitue une menace sérieuse pour les économies des pays producteurs. A- Etat des lieux L’Afrique de l’Ouest et du Centre représente une part relativement faible de la production mondiale du coton, environ 4%. Par contre, cette région occupe le deuxième rang mondial en termes d’exportation, avec 12% du volume mondial exporté, derrière les Etats-Unis (40%) et devant l’Ouzbékistan (11%). Environ deux millions d’agriculteurs produisent en Afrique de l’Ouest et du Centre un peu plus de deux millions de tonnes de coton graine et un million de tonnes de coton fibre. Avec les activités d’égrenage, de fourniture d’intrants, de transport et de commercialisation, on estime entre dix et quinze millions, le nombre de personnes dans la région dont les revenus dépendant directement du coton. Le Bénin, le Burkina-Faso, le Mali et le Tchad réalisent pratiquement les deux tiers de la production de l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Le coton constitue leur principale exportation agricole et correspond à environ 40% des revenus à l’exportation du Bénin et du Burkina-Faso, 30% du Mali et du Tchad. Pour l’ensemble du continent et de manière globale, la production a régressé au cours de la dernière décennie jusqu’a chuté à 590,000 tonnes au cours de la campagne 2009-2010, pour remonter à 705,000 tonnes lors de la campagne 2010-2011.

11


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 L’Afrique de l’Ouest et du Centre dispose d’un avantage comparatif dans la production cotonnière. D’une part, son climat et ses sols permettant de bons rendements, d’autre part, la récolte manuelle qui y est pratiquée fournit une fibre de meilleure qualité. Les coûts de production sont inférieurs à ceux observés chez les principaux pays producteurs : environ 30 cents par livre contre plus du double aux Etats-Unis. De plus, le taux de rendement à l’égrenage est aussi élevé, 40 à 43% en moyenne, alors qu’il n’est que de 34 à 36% en Inde. Dans les principaux pays producteurs du coton en Afrique, il n’existe pratiquement aucune autre culture offrant la même compétitivité économique que le coton. Cette situation créé une forte dépendance des économies de cette région à son prix mondial et des répercussions importantes sur la vie rurale quand le coton chute sur le marché international. Les facteurs de succès du développement des filières cotonnières africaines en général peuvent être résumés comme suit : a. L’utilisation d’engrais chimiques avec une culture du coton qui intervient en tête de rotation avec, en particulier un arrière effet favorable de la fumure du coton observé sur les cultures de céréales. b. Une lutte chimique contre les parasites et la mise à disposition des producteurs de variétés de semences bien adaptées aux conditions locales. c. Une offre de service d’appui et d’infrastructures par le gouvernement et les sociétés cotonnières. d. Des prix garantis à la production et l’existence de marchés d’écoulement de la production. e. Un système bien adapté de recouvrement des crédits à court terme alloués pour l’acquisition d’intrants, le recouvrement étant défalqué de la valeur de la récolte par la société cotonnière lors de la commercialisation du coton. f. La diffusion très large de la culture attelée, notamment par le biais de crédits de moyen terme gérés par les sociétés cotonnières. Cette diffusion a fortement contribué à l’augmentation des superficies cultivées en coton mais a également eu un effet bénéfique sur les cultures vivrières. g. L’émergence d’un tissu associatif villageois autour de la culture du coton, de mieux en mieux organisé. D’une manière générale, les succès de la culture du coton en Afrique de l’Ouest et du Centre ont été obtenus, jusqu’au milieu des années 1990, par des filières cotonnières caractérisées par une forte intégration verticale. Pendant cette période, l’entreprise publique (CFDT puis Sonapra au Bénin, ex CMDT au Mali, Sofitex au Burkina-Faso, Sodecoton au Cameroun) assurait un monopole pour l’achat du coton-graine et pour la vente des intrants.

12


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012

Les problèmes ont commencé en 1995, lorsque les Etats se sont vus imposer par la Banque Mondiale le démantèlement des sociétés nationales au profit d’entreprises privées. Au fur et à mesure du désengagement de l’Etat, les filières ont connus de nombreuses difficultés caractérisées par d’importants dysfonctionnements, à l’exception des pays où le modèle a été reproduit avec des actionnaires privés professionnels. B- L’Afrique de l’Ouest face à la survie de son secteur cotonnier Le coton est l’un des rares produits qui permet aux pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre de tirer des bénéfices du système commercial international. Mais depuis quelques années, les filières cotonnières d’Afrique de l’Ouest et du Centre traversent une crise importante qui résulte notamment d’une chute des cours du coton sur le marché mondial, réduisant ainsi les revenus des millions de paysans. La chute des cours du coton est largement liée aux subventions accordées par les pays développés à leurs agriculteurs. Pour toute la région d’Afrique de l’Ouest et du Centre, la perte de recettes d’exportation causée par les subventions est évaluée à environ un milliard USD par an. Plusieurs études du CCIC ont prouvé que la production de coton africain est rentable et aurait un effet de levier important sur le développement, si les subventions sur le coton étaient éliminées. C’est ce souci qui a conduit certains pays africains à présenter un plaidoyer au niveau de l’Organisation Mondiale du Commerce pour la suppression des subventions (cf. section ‘’ manque de réactivité par rapport à la question des subventions’’). 1- L’initiative sectorielle pour le coton 1.1- L’initiative sectorielle et la réunion ministérielle de Cancun Lors d’une session extraordinaire du Comité de l’agriculture de l’OMC, tenue le 30 avril 2003, une proposition conjointe a été déposée par le Bénin, le Burkina Faso, le Mali et le Tchad pour rechercher une solution à la distorsion des prix du coton provoquée par les subventions des pays développés. Intitulée « Réduction de la pauvreté : initiative sectorielle en faveur du coton », cette proposition a été examinée durant les travaux de la 5ème réunion ministérielle de l’OMC à Cancun, au Mexique, en septembre 2003. Le document soumis par les quatre pays africains rappelle d’abord les engagements pris à la réunion de Doha, concernant le rôle du commerce dans le développement et le remède à apporter aux distorsions dans les échanges agricoles mondiaux, surtout quand elles concernent les pays les moins avancés.

13


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012

L’initiative sectorielle pour le coton a soumis à Cancun deux propositions au comité de l’agriculture : la mise en place d’un plan de réduction des soutiens internes à la production en vue de leur élimination sur trois ans (2004-2006) et des mesures transitoires d’indemnisations financière pour les pertes subies tant que les subventions n’ont pas été éliminées. La proposition des quatre pays africains était originale pour plusieurs raisons. D’abord, il s’agissait d’une initiative venant de quatre petits pays africains qui introduisaient dans l’agenda des négociations commerciales multilatérales une discussion sur un problème urgent les concernant directement. Ensuite, ces pays ne demandaient dans leur initiative aucune aide supplémentaire, ni un traitement spécial, mais tout simplement l’application des règles de base du système commercial international. Sur le plan des principes, il était donc difficile pour les pays développés de contester la légitimité de la démarche des pays africains, d’autant qu’il s’agissait d’un différend opposant quatre PMA parmi les plus pauvres du monde aux deux superpuissances commerciales que sont les Etats-Unis et l’Union Européenne. Lors de son examen en plénière, l’initiative sectorielle a été accueillie favorablement par un grand nombre de pays. Une frange importante des pays du G90, regroupant les PMA, les Pays ACP et l’Union africaine, ont soutenu les propositions de leurs partenaires. Ils ont, en revanche, souligné qu’il existait d’autres produits que le coton faisant face aux mêmes difficultés. L’Argentine, le Canada et l’Australie avaient également apporté un soutien franc aux quatre pays africains. Néanmoins, l’initiative sectorielle a été soldée par une fin de non recevoir des pays industrialisés pourvoyeurs de soutiens, ce qui aurait participé à l’échec global de la conférence ministérielle de Cancun. Ces pays avaient refusé de traiter le dossier coton en dehors de la négociation globale sur l’agriculture et avaient proposé à la place de la compensation une aide à la filière coton. Le seul point d’accord qui a émergé de la négociation à Cancun est que l’initiative sectorielle sur le coton aboutirait à une forme d’aide au développement. 1.2- L’initiative sectorielle et l’après Cancun Quelques semaines après l’échec de la conférence ministérielle de Cancun, les quatre pays de l’initiative sectorielle sur le coton ont déposé une nouvelle proposition incluant leur double demande d’élimination des subventions et de compensation pour le préjudice subi. En mai 2004, l’Union Européenne (UE) a adressé une lettre à tous les pays membres de l’OMC, dans laquelle elle a apporté toute une série d'idées et de propositions nouvelles, y compris sa volonté de mettre toutes ses subventions à l'exportation sur la table et de se diriger vers une réduction

14


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 substantielle de toutes les formes de subventions qui ont un effet de distorsion sur le commerce. Les nouvelles propositions de l'UE ont donné lieu à des discussions intenses qui ont abouti, en juillet 2004, à un accord-cadre relatif au Programme de Doha pour le développement. Baptisé ‘’ Accord de Juillet’’, cet accord a fixé les paramètres essentiels des négociations dans cinq domaines clés: l’agriculture, les droits de douane appliqués aux produits industriels, la facilitation des échanges, les questions liées au développement et les services. Cet accord-cadre contient également les bases d’une solution pour le coton dont il a reconnu l'importance vitale pour un certain nombre de pays en voie de développement. Du 13 au 18 décembre 2005, la question du coton a encore animé la conférence ministérielle de Hong Kong. Les pays coauteurs de l’initiative sectorielle sur le coton, soutenus par de nombreux mouvements altermondialistes, ont fini par arracher aux pays développés des promesses sur l’élimination des subventions. Mais comme on l’a vu plus haut (page 10), c’est seulement la forte hausse des prix du coton qui a fait récemment se réduire, par l’application des formules, le montant des subventions. 2- Les besoins de mise à niveau Les filières cotonnières africaines en général et celles de l’Afrique de l’Ouest et du Centre en particulier nécessitent une véritable politique de mise en niveau pour répondre aux défis de compétitivité que leur impose le marché international. Le premier défi concerne la réorganisation des services de recherche/développement et d’appui à la production pour permettre aux producteurs d’accroître leur productivité. Une comparaison entre les coûts des différents pays au niveau mondial montre que les coûts agricoles de production par hectare restent encore nettement inférieurs en Afrique (395 USD par ha contre 617 USD en moyenne mondiale) du fait de l’absence d’irrigation et de la faible mécanisation. Cependant, cet avantage à l’hectare disparaît lorsqu’on rapporte le coût à la production aux rendements, qui sont plus faibles. Le coût de production du coton africain ressort à 36 cents par kg de coton graine contre 33 cents en moyenne mondiale. Ainsi, l’enjeu du coton biotechnologique est de plus en plus d’actualité en Afrique de l’Ouest et du Centre. Des essais avec du coton génétiquement modifié sont déjà menés au Burkina - Faso et au Mali. Le coton biotechnologique est la troisième culture transgénique mondiale derrière le

15


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 soja et le maïs. Il représente plus de 20% des surfaces cotonnières et plus du tiers de la production et des échanges dans le monde. Par ailleurs, des problèmes environnementaux sont progressivement identifiés. En plus des problèmes liés à l’utilisation intensive de pesticides chimiques (toxicité, pollution), plusieurs décennies d’intensification de la culture ont contribué à un appauvrissement des sols dans certaines régions, entraînant une stagnation, voire une régression des rendements. Le désavantage compétitif des filières cotonnières de l’Afrique de l’Ouest et du Centre se situe également dans l’aval de la production (transport, égrenage, frais administratifs et d’encadrement), du fait de l’éloignement relatif des zones de production par rapport aux principaux ports d’embarquement, du mauvais état des pistes, de la dispersion des zones de production. Le manque de synergie entre les Interprofessions en matière de recherche, d’approvisionnement, de formation et d’échanges d’expérience constitue un grand handicap au développement des filières. En principe, la région dispose d’un potentiel d’intégration au travers de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) et de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC). Une bonne intégration régionale permettrait non seulement aux pays concernés de développer leur marché intérieur, mais aussi à la région de renforcer sa position sur les marchés internationaux et de devenir une réelle puissance dans l’économie cotonnière mondiale. La dynamique de concurrence qui résulterait d’une meilleure intégration des filières nationales inciterait les sociétés multinationales du secteur agro-industriel à investir davantage, ce qui aboutirait à la création de nouveaux marchés d’exportations. Pour la survie du coton de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, il était donc nécessaire d’asseoir un cadre régional qui se chargera de coordonner leurs actions de développement des filières à travers :

La recherche : mise en place d’un partenariat sur la recherche sur les variétés de coton, notamment le coton biologique ;

La mutualisation des achats d’intrants : mise en route d’une étude régionale pour déterminer les modalités et les conditions d’approvisionnement en intrants ;

La rationalisation du transport : conduite d’une réflexion globale sur la logistique, l’évacuation ainsi que toutes les questions liées aux opérations portuaires ;

La définition d’un label régional permettant un classement et une codification balle par balle pour livrer des lots homogènes ;

16


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 •

La question des OGM qui représentent déjà 40% de la production mondiale.

3. Le cadre régional de l’initiative coton de l’UEMOA Le 15 mars 2011, l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) a lancé une offensive de lobbying pour remettre les demandes du groupe de pays producteurs de coton ouest-africains C4 pour la réforme du secteur du coton, au rang des priorités du programme de l’OMC. L’initiative entend obtenir une « réduction substantielle voire une élimination des subventions internes qui ont des effets de distorsion sur les échanges internationaux de coton », par le biais de propositions devant être présentées dans le cadre du processus de réforme de la PAC et de la révision de la loi agricole américaine, la Farm Bill. Une analyse publiée par le Centre IDEAS, un groupe de réflexion base à Genève, affirme qu’il est grand temps de parvenir à un accord sur la méthodologie à utiliser pour réduire les subventions au secteur du coton. Le groupe ACP a soutenu l’organisation d’ateliers à Genève pour examiner les options disponibles, et a même évalué « l’opportunité […] de déposer une plainte contre les États-Unis ». Il semble que les prix actuellement élevés du coton ne contribuent pas à avancer sur la question, puisqu’ils permettent aux gouvernements versant des subventions d’éluder la responsabilité des effets sur le commerce de leurs politiques de subventions internes. L’analyse souligne que l’UE n’a cesse d’insister sur le fait « qu’elle se conforme aux critères de Hong Kong pour gérer le coton d’une manière ambitieuse, rapide et spécifique grâce à sa réforme de 2004 », mais note les engagements de réduction des subventions à la table des négociations de Doha et l’engagement à aller encore plus loin dans le secteur du coton. L’analyse du Centre IDEAS affirme que les discussions de réforme aussi bien dans l’UE qu’aux États-Unis, conjuguées à la hausse actuelle des prix du marché, offrent une opportunité d’apaiser totalement les craintes des pays africains producteurs de coton. Alors qu’un lobbying politique pour remettre le coton à l’ordre du jour des négociations commerciales est clairement nécessaire, il semble qu’un travail technique considérable soit également nécessaire dans les consultations avec les ministères de l’agriculture chargés de préparer des propositions de réformes du secteur du coton dans le cadre du cycle de réforme de la PAC de 2013 et dans le cadre des discussions sur la prochaine Farm Bill américaine. En ce qui concerne la réforme de la PAC de l’UE, un travail technique sera nécessaire pour déterminer précisément comment les demandes formulées dans les propositions du groupe C4 devraient être traduites en propositions de réformes spécifiques du secteur du coton.

17


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 À l’heure actuelle, 65 % du soutien apporté au secteur du coton est intégré dans le régime de paiement unique. La question qui se pose est : qu’adviendra-t-il des 35 % fournis sous la forme d’une aide couplée ? L’enveloppe financière prévue au budget 2011 pour le soutien couplé au secteur du coton s’élevait à 256 millions d’euros. Ceci doit être replacé dans le contexte des récentes discussions du Conseil de l’UE qui ont souligné la nécessité de continuer à fournir une aide couplée à certains secteurs sensibles. Cependant, reste à voir si le coton sera défini comme étant un secteur sensible. III- Le coton au Bénin Sur la base d’une production annuelle moyenne de 350.000 tonnes, le coton représente plus ou moins 45% des rentrées fiscales hors douanes et contribue, en termes de valeur ajoutée, pour 13 % à la formation du Produit Intérieur Brut. Le coton procure un revenu monétaire à près de 3 millions de personnes au Bénin. Le revenu du coton crée également des effets multiplicateurs dans le transport, l’artisanat, le commerce et la construction. Au plan industriel, le coton représente environ 60% du tissu industriel local à travers 18 usines d’égrenage, 5 usines textiles, 3 unités de trituration de graines de coton et une usine de fabrication de coton hydrophile. A- Evolution de la production et processus de libéralisation du secteur Depuis une quinzaine d’années, le coton béninois a subi des mutations profondes qui ont eu des impacts non seulement sur la production mais surtout sur le fonctionnement de la filière. 1- Evolution de la production Le coton a été introduit dans la colonie française du Dahomey en 1946, notamment dans l’actuel département de l’Atlantique. Cette culture a commencé à se développer grâce à la Compagnie Française pour le Développement des Fibres Textiles (CFDT), société française fondée en 1949, avec la collaboration de l’Institut de Recherche du Coton et des Textiles (IRCT), créé trois années plus tôt. La production est restée très marginale au début et son développement s’est accru lors de la mise en œuvre des opérations de développement intégrées dans les départements du Zou et du Borgou. Entre 1960 et 1972, la production cotonnière a connu une croissance constante sous l’impulsion de la CFDT et de la SATEC (Société d’Assistance Technique et de Coopération). Cette période a été surtout marquée par un système d’encadrement efficace des exploitations cotonnières à la base, grâce à une spécialisation des encadreurs par spéculation.

18


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 La CFDT et la SATEC ont disparu, à partir de 1973, pour donner naissance à la SONACO (Société Nationale du Coton), une société d’Etat. La SONACO va s’éclater, quelques années plus tard, en deux sociétés : la SONAGRI (Société Nationale des Produits Agricoles) qui s'occupait du développement des produits agricoles et la SONACEB (Société Nationale de Commercialisation et d’Exportation du Bénin) qui intervenait dans la commercialisation et l’exportation des produits agricoles. Ces deux sociétés étaient appuyées par le Fonds de Soutien et de Stabilisation (FSS). De 1973 à 1982, période au cours de laquelle les sociétés SONAGRI et SONACEB ont été fonctionnelles, la production cotonnière a enregistré une baisse. Cette baisse est due essentiellement au choix stratégique de l’Etat de promouvoir les cultures vivrières. L’option de spécialisation par spéculation agricole a cédé place à une intervention intégrée à travers laquelle les problèmes des exploitations agricoles sont gérés dans leur globalité. Le 22 avril 1982, la SONAGRI et la SONACEB ont été liquidées et le FSS dissout, au profit de la SONAPRA (Société Nationale pour la Promotion Agricole) dont la création a été homologuée par le décret 83-77 du 04 mars 1983. La SONAPRA s’est spécialisée très tôt dans la promotion de la filière cotonnière et s’est dotée des moyens pour exercer le monopole de l’importation et la distribution des intrants, de la commercialisation et de l’égrenage du coton graine. Cette société a relancé la production qui est ainsi passée de 14.434 tonnes à la campagne 1981-1982 à 146.125 tonnes à la campagne 1990-1991, lorsque le processus de privatisation exigé par la Banque Mondiale a été enclenché. Lors des premières étapes de ce processus de privatisation, les choses ont semblé bien se passer avec la poursuite de l’accroissement de la production. Mais de la campagne 1995-1996 à celle de 2009-2010, la production a stagné le plus souvent aux alentours de 350.000 tonnes, voire décliné, et l’objectif des 500.000 tonnes en l’an 2000 n’a jamais été atteint, malgré les résultats de la campagne 2001-02 qui se chiffraient à 417.384 tonnes. Après la campagne 2004-05 qui avait permis d’atteindre la production record de 427.160 tonnes, une chute constante de la production a été observée, induite par des graves dysfonctionnements au sein de l’Interprofession cotonnière, mise en place en 2000. Ces dysfonctionnements se sont exacerbés pendant la campagne cotonnière 2005-2006 qui a connu une production de 190.000 tonnes seulement ; les deux campagnes suivantes 2006-2007 et 2007-2008, si elles n’ont pas été aussi désastreuses, n’en sont pas moins restées en deçà des 300.000 tonnes. La production a décliné à nouveau au cours des campagnes 2008-2009, 2009-2010 pour tomber à moins de 175.000 tonnes lors de la campagne 2011-2012. Sur le plan de la productivité, le Bénin avait, au début des années 1990, fait des efforts pour améliorer le rendement de son coton. Le rendement avait 19


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 atteint les 1400 Kg à l’hectare en moyenne. Mais depuis 1994, on observe une tendance baissière du rendement qui se situe aujourd’hui entre 1000 et 1100 kg à l’hectare en moyenne. 2- Processus de libéralisation Avant les années 1990, la filière était placée sous le contrôle d’une seule société d’Etat, la SONAPRA qui assurait la gestion de la filière et conduisait l’ensemble des activités, allant de l’importation et de la distribution de semences et d’intrants agricoles, de la fourniture de services aux producteurs de coton, de la commercialisation de coton graine et son égrenage à l’exportation des fibres de coton. Mais, les déséquilibres macro-économiques de la fin des années 1980 ont amené l’Etat à s’engager, sous la pression du Fonds monétaire international et de la Banque Mondiale, dans un processus de libéralisation de la filière coton. La réforme de la filière cotonnière s’est traduite par : - le transfert de compétences aux organisations paysannes dans le cadre de la mise en œuvre du Projet de Restructuration des Services Agricoles (PRSA), - la libéralisation à partir de 1992 de la sous-filière intrant par l’agrément d’importateurs et distributeurs privés, - la libéralisation de la sous-filière égrenage par autorisation des opérateurs privés à construire et exploiter des usines d’égrenage de coton graine et à exporter librement le coton fibre produit. L’activité d’égrenage a permis aux privés de détenir 8 usines sur les 18 que comptait le pays, représentant environ 47% de la capacité d’égrenage nationale, - le transfert en 1999 au secteur privé de l’organisation des appels d’offres pour l’importation et la distribution des intrants agricoles. L’Etat béninois, dans la conduite de la réforme du secteur cotonnier, a fait le choix d’une filière privée intégrée au niveau national. Ce choix repose sur les principes suivants : - un prix unique de cession des intrants coton aux producteurs sur toute l’étendue du territoire national ; - un prix unique d’achat de coton graine ; - l’obligation aux producteurs de vendre toute la production cotonnière aux sociétés d’égrenage installées sur le territoire national ; - l’obligation aux égreneurs d’acheter toute la production cotonnière. 20


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 3-- Organisation institutionnelle de la filière Le transfert de compétences au secteur privé a conduit les acteurs de la filière à se regrouper en organisations professionnelles opérant au niveau de chaque branche d’activités. Au départ, trois organisations professionnelles regroupaient l’ensemble des acteurs sur toute l’étendue du territoire. Il s’agissait de : - La Fédération des Unions de Producteurs du Bénin (FUPRO), structure faîtière du réseau des organisations paysannes dont la mission est d’assurer la production et la commercialisation du coton graine. - Le Groupement Professionnel des Egreneurs du Bénin (APEB) qui constitue le cadre de concertation des égreneurs. - Le Groupement Professionnel des Distributeurs d’Intrants Agricoles (GPDIA) qui constitue le cadre de concertation des sociétés de distributions d’intrants. A côté de ces organisations professionnelles originelles, d’autres structures ont été créées à la suite des dissensions intervenues au sein des acteurs pendant la campagne 2003-2004. Il s’agit de : AGROP (Association des Groupement de Producteurs), FENAPRA (Fédération Nationale des Producteurs Agricoles) et FENAGROP (Fédération National des Groupements de Producteurs), ADIAB (Association des Distributeurs d’Intrants Agricoles du Bénin). Mais en 2006, un nouveau cadre de représentation de chaque maillon de la filière a été institué. Ainsi, ont été créés (cf : annexe 4 et 5): - Le Conseil National des Producteurs de Coton (CNPC) - Le Conseil National des Distributeurs d’Intrants Coton (CNDIC) - Le Conseil National des Egreneurs du Coton (CNEC) Nous noterons ici que les nombreuses demandes d’adhésion à l’interprofession formulées par les triturateurs et les filateurs ont systématiquement été rejetées par cette structure. En dehors des organisations professionnelles, des structures techniques ont été mises en place par les acteurs privés pour gérer les fonctions autrefois assumées par la société d’Etat. Il s’agit de : - La Coopérative d’Approvisionnement et de Gestion des Intrants Agricoles (CAGIA), créée en 1998, chargée d’organiser et de gérer les appels d’offres pour l’approvisionnement et la distribution des intrants, - L’Association Interprofessionnelle du Coton (AIC), créée en 1999 par l’APEB et la FUPRO. Elle a connu l’adhésion du GDPIA en 2002. L’AIC est chargée de la gestion des fonctions critiques : production de

21


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 semences sélectionnées, recherche, dispositif de vulgarisation, entretien des pistes à vocation cotonnières, contrôle de qualité des produits. Elle sert également d’interface entre l’Etat et les familles professionnelles d’une part, et entre les familles elles-mêmes d’autre part. - La Centrale de Sécurisation des Paiements et des Recouvrements (CSPR), GIE créé par les trois familles professionnelles fin 2000 et chargé de la gestion des flux physiques et financiers à la commercialisation du coton graine. 4. Projet d’Appui à la Réforme de la Filière Coton (PARFC) En juin 2001, le gouvernement béninois a procédé à une évaluation de la filière aux fins de solliciter un appui auprès de l’Association Internationale de Développement (IDA), filiale de la Banque Mondiale. Sur cette base, un projet a été élaboré et négocié en septembre 2001 pour un montant total de 24,2 millions USD dont IDA : 18 millions USD, AIC : 5,9 millions USD et l’Etat béninois 0,3 millions USD. Le Projet d’Appui à la Réforme de la Filière Coton était régi par l’Accord de Crédit N°3598 BEN du 15 février 2002 et l’Accord de Projet N°3598 BEN du 15 février 2002 signés entre le Gouvernement de la République du Bénin et l’Association Internationale de Développement (IDA). Le crédit a été intégralement rétrocédé à l’Association Interprofessionnelle du Coton (AIC) à titre de don et mis en vigueur le 12 septembre 2002 pour une durée de quatre ans (2002-2006). 4.1. Objectifs du PARFC Le principal objectif que poursuivait le Projet d’Appui à la Réforme de la Filière Coton au Bénin est d’accompagner les efforts du gouvernement pour réduire la pauvreté, en stimulant une croissance dans le secteur rural, basée sur une large gamme de facteurs, susceptible de se traduire par une augmentation des revenus par habitant. Afin d’atteindre cet objectif, le programme se proposait de trouver réponse à deux questions fondamentales : (i) Comment étendre la culture du coton tout en réalisant des gains de productivité et de revenus au niveau d’un nombre accru de producteurs? (ii) Comment générer des effets multiplicateurs de revenus des exploitants agricoles cotonniers et autres. 4.2 Les composantes et Coordination du Projet Le projet s’articulait autour de cinq composantes : Composante A : Appui à l’Association Interprofessionnelle du Coton et Gestion du projet

22


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 Composante B : Appui à la Centrale de Sécurisation des Paiements et de Recouvrement (CSPR) Composante C : Appui à la Fédération des Unions de Producteurs (FUPRO) et à ses organisations membres Composante D : Appui à la mise en œuvre de Programmes de Services Techniques Sectoriels (PSTS) Composante E : Appui à la privatisation de l’outil industriel de la SONAPRA Le Secrétariat Permanent de l’AIC (SP-AIC) était chargé de l’exécution du Projet, sous l’autorité de son Secrétaire Permanent. Un Comité de Pilotage du Projet (CPP), placé sous la Présidence du Ministre de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche (MAEP), comprenait six autres membres représentant le ministère chargé du Plan, le ministère chargé Finances, les organisations des producteurs (OP), l’Association Professionnelle des Égreneurs du Bénin (APEB), le Groupement Professionnel des Distributeurs d’Intrants Agricoles (GPDIA) et l’Association Professionnelle des Banques (APB). 4.3 Résultats attendus Les résultats majeurs attendus du projet étaient notamment : la mise en œuvre d’un cadre réglementaire, la mise en place d’une chambre de conciliation et d’arbitrage, la mise en place d’un système de suivi-évaluation et d’une stratégie de communication, la maîtrise des flux physiques et financiers liés à la filière coton, le renforcement du leadership au niveau du réseau FUPRO, l’amélioration des compétences techniques et commerciales des organisations de base, la mise en place de variétés performantes, l’amélioration de la qualité du coton graine, la cession de l’outil industriel de la SONAPRA, etc. En 2007, le Projet d'Appui à la Restructuration de la Filière Coton du Bénin PARFCB, toujours élaboré par l’AIC, a pris la suite du PARFC pour une nouvelle durée de 4 ans. Fonctionnant sur des bases sensiblement identiques, ce projet est arrivé à terme en 2011 et les acteurs de la filière sont entrés en négociation avec le Gouvernement pour son renouvellement. B- Les dysfonctionnements de la filière 1- Le manque d’organisation des producteurs et une forte politisation de l’Interprofession. La filière cotonnière traverse, depuis ces cinq dernières années, une crise récurrente aux causes multiples, qui a eu des impacts négatifs sur la production et le revenu des producteurs. Si on excepte les campagnes 2001-2002 et 2004-2005, où le coton béninois a connu deux années exceptionnelles avec des productions record dépassant

23


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 les 400 000 tonnes, la filière est marquée par une chute constante de la production, tombant à 135.000 tonnes seulement pendant la campagne 2010-2011. Depuis la libéralisation du secteur, la situation ne cesse de s’aggraver comme le montre le tableau ci-dessous, exposant les dix dernières années. CAMPAGNE COTON GRAINE COTON FIBRE GRAINE DE COTON 1999-00 336.165 141.189 195.900 2000-01 363.159 152.527 181.800 2001-02 417.384 175.310 225.100 2002-03 336.916 141.505 180.500 2003-04 332.704 139.736 179.600 2004-05 427.160 179.407 230.900 2005-06 190.867 80.163 103.000 2006-07 240.618 101.060 129.900 2007-08 268.628 112.824 144.900 2008-09 210.675 88.483 107.200 2009-10 158.000 66.360 92.750 2010-11 135.000 56.700 74.500 2011-12 174.000 73.080 92.870 Plus que l’effondrement des cours sur le marché international, les difficultés actuelles du secteur cotonnier béninois découlent des dysfonctionnements internes à l’Interprofession. Ces dysfonctionnements résultent d’une part du manque d’organisation et de professionnalisme des acteurs, d’une insuffisance technique et, d’autre part, de la forte politisation de l’Interprofession. Les premières années du processus de libéralisation ont été marquées par une série de formations impliquant tous les acteurs intervenant dans la commercialisation du coton graine (secrétaires des groupements villageois et gérants d’USPP (Union Sous-Préfectorale des Producteurs devenue Union Communale des Producteurs de Coton). Ces formations leur a permis d’acquérir des aptitudes en matière de gestion des opérations d’achat, d’évacuation du coton graine et de paiement des producteurs. D’autres formations développées plus tard ont eu trait à la compréhension du mécanisme de la CSPR, au rôle de l’Interprofession, à la tenue des nouveaux documents de commercialisation et à l’amélioration des pesées. Cependant, le renforcement des capacités des producteurs s’est surtout focalisé sur la commercialisation. Très peu d’actions ont été initiées en direction des producteurs en vue d’améliorer leurs capacités de production. Le transfert de compétences dans le domaine de la vulgarisation et de l’encadrement des producteurs s’est effectué avec des agents et des groupements de paysans mal formés et beaucoup plus impliqués dans la gestion des marchés de coton.

24


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 Dans le même temps, le système rigide de distribution des intrants a été attaqué par certains acteurs qui s’estimaient exclus de l’Interprofession. Ils se sont alors permis de contourner le cadre réglementaire. Ainsi, lors de la campagne 2002-2003 par exemple, deux sociétés membres de l’ADIAB (composée des dissidents du GDPIA) ont procédé à des distributions parallèles des intrants portant ainsi de sérieuses entorses au dispositif de commercialisation. On a alors assisté à une hyper politisation de la filière avec des luttes de pouvoir des plus en plus intenses. Ces sociétés ont également réussi à provoquer la dissidence au sein de certains groupements villageois, ce qui a conduit à la création de l’AGROP-Bénin qui sera éclaté plus tard en AGROP et FENAPRA. Les dysfonctionnements internes à la filière coton peuvent se résumer comme suit : - Respect des règles 1. la non observation des délais pour la manifestation de l’intention de participation aux activités de la campagne. 2. la non observation des délais de paiement des factures par certaines sociétés d’égrenage du coton, ce qui rend difficile le respect des délais par les producteurs. - Gestion des flux physiques 1. la livraison du coton graine à des sociétés d’égrenage suspendues pour non-paiement d’acompte et des factures, hors du mécanisme de la CSPR. 2. le non respect du plan d’évacuation. 3. le refus des transporteurs de s’impliquer dans les efforts d’évacuation du coton restant sur les marchés dès l’installation des pluies. 4. la commercialisation du coton graine en dehors de leurs GV d’origine par crainte des effets de la caution solidaire, ce qui pénalise les producteurs honnêtes. 5. l’infiltration de certains égreneurs dans des localités non réservées à eux pour prélever le coton. 6. le détournement des camions chargés vers d’autres destinations. - Flux financiers 1. le retard observé par certaines sociétés d’égrenage pour le paiement des factures de coton graine. 2. le faible taux de récupération des crédits intrants auprès de GV engendrant des impayés importants (en raison de l’utilisation des intrants coton sur d’autres spéculations, du bradage des intrants par certains producteurs, du surendettement). -

Organisation

25


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 1. l’installation anarchique des marchés sans respect des normes d’accessibilité, des quantités autorisées, des dispositions de préparation, 2. l’insuffisance de maîtrise des opérations de commercialisation conduisant à des malversations sur les marchés par les organisations de producteurs, 3. les nombreux gaps de trésorerie provoqués par les impayés dus à la mauvaise gestion, -

Producteurs 1. les dissensions au sein de certains groupements villageois qui perturbent le dispositif de commercialisation, 2. la mésentente des Unions de producteurs autour de la gestion des fonctions critiques,

- Distributeurs 1. les agréments ou appels d’offres ne sont pas seulement attribués sur des bases techniques et économiques, mais aussi politiques, 2. la distribution parallèle d’intrants, parfois de mauvaise qualité, 3. la corruption des producteurs pour l’obtention des intentions d’achat des intrants. 2- Les dispositions prises par l’Etat depuis juin 2006 Le Président Boni Yayi a été élu à la tête de l’Etat en 2006, dans un contexte où les acteurs de la filière coton sortaient d’une campagne catastrophique avec 190 000 tonnes produites contre 428 000 tonnes, la saison précédente. De sérieux doutes planaient également sur la campagne 2006-2007 à cause de la déception des producteurs qui menaçaient d’abandonner le coton si l’Etat et les égreneurs ne leur remboursaient pas leurs dettes au titre des campagnes précédentes. Le total des dettes aux producteurs était estimé à environ 14 milliards de francs CFA, dont environ 4,5 milliards représentant une partie des subventions de la campagne cotonnière 2003-2004. Après avoir travaillé à rembourser les dettes des producteurs, le Président de la République a légitimement ambitionné une production de 500 000 tonnes de coton à la campagne 2006-2007. Mais cette campagne, qui s’est soldée par une production de 240 000 tonnes seulement, a connu de nombreux dysfonctionnements, notamment dans la mise en place des engrais spécifiques pour le traitement des plants de coton. Ces défaillances ont conduit à la contamination des cultures par des ravageurs. Les pertes de production enregistrées ont été estimées à environ 60 000 tonnes. Pour la campagne 2007-2008, le gouvernement a pris une série de mesures qui ont bouleversé le fonctionnement de l’Interprofession.

26


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 La première a été d’autoriser, par décret n°2006-742 du 29 décembre 2006, la Sonapra, société d’Etat, à participer à l’appel d’offre pour l’importation des intrants. Or, l’arrêté interministériel 2005 n°10/MICPE/MAEP/DC/SG/DCCI/DCE du 18 février 2005 avait fixé la liste des sociétés importatrices et distributrices agréées des intrants coton pour cinq campagnes successives. La SONAPRA ne figure pas sur cette liste. Ainsi, après avoir suspendu à deux reprises le processus d’appel d’offres pour la sélection des sociétés importatrices et distributrices des intrants pour la campagne 2007-2008, le ministre de l’Agriculture, par ‘’ un coup de force’’, a fini par imposer la société d’Etat comme adjudicataire de l’importation des engrais. Dans le même temps, le gouvernement a abrogé le décret N° 2005-41 du 02 février 2005 portant Accord Cadre entre l’Etat et l’Association Interprofessionnelle du Coton qui accordait à l’AIC la responsabilité de l’organisation de la campagne cotonnière. Le gouvernement a abrogé également le décret n° 099- 537 du 17 novembre 1999 portant transfert au secteur privé de la responsabilité de l'organisation des consultations pour l'approvisionnement en intrants agricoles. Un cadre transitoire de gestion de la filière coton a été décrété pour conduire la campagne cotonnière 20072008. Le Comité National Transitoire de gestion de la filière Coton (CNTC) est composé de 15 membres dont des Représentants de l’Etat (8) (MDEF, MAEP, MIC) du Bureau Exécutif de l’Association Interprofessionnelle du Coton (AIC) 1, du Conseil National des Producteurs de Coton (CNPC) 2, du Conseil National des Importateurs et Distributeurs d'Intrants Coton (CNIDIC) 2 et du Conseil National des Egreneurs Coton (CNEC) 2 (dont la SONAPRA qui dispose d’une voix). Les Triturateurs et les Filateurs en sont une fois encore écartés. Ce Comité a pour missions, entre autres, « de conduire l'ensemble des opérations liées à la gestion de la filière pendant la période de transition, de garantir l'unité d'action au sein de la filière, de concevoir, mettre en œuvre et suivre la politique de développement de la filière pendant la période transitoire » (article 34 du décret N°2007-238 du 31 mai 2007 portant définition et organisation du cadre de gestion transitoire de la filière coton en République du Bénin). Ainsi, l’Etat a alors repris le contrôle de la gestion de la filière remettant en cause la gestion de l’Interprofession par les acteurs privés. 3- Le processus de privatisation de la SONAPRA

27


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 La privatisation de l’outil industriel de la SONAPRA entre dans le cadre des réformes structurelles de la filière coton, lancées depuis les années 1990 par l’Etat béninois. Démarré en octobre 2002, le processus de cession des usines de la SONAPRA a conduit en mars 2003 à la sélection de Africa Merchant Bank, après appel d’offre international, comme la banque d’affaires devant conseiller l’Etat béninois dans le choix des repreneurs des usines. Mais la procédure de sélection des repreneurs par cette banque d’affaires a été jalonnée d’obstacles qui ont amené l’Etat à déclarer infructueux un premier dépouillement des offres de quatre soumissionnaires (nationaux) qui s’élevaient à 33 milliards de francs CFA. En Août 2004, malgré la pression des syndicats de la SONAPRA, un nouvel appel d’offre a été lancé avec un schéma de vente des usines par lots pour une offre globale de 44,7 milliards de francs. Cette deuxième sélection a été suspendue par l’Etat sur décision de justice ordonnant à la Commission Technique de Dénationalisation, la reprise de tout le processus de privatisation. Après trois ans de mutisme, le processus de privatisation de la SONAPRA a été relancé le 14 juillet 2007 dans le cadre d’un vaste chantier de privatisation des sociétés d’Etat annoncé par le gouvernement. A la place de la cession par lots, l’Etat a préféré, cette fois-ci, la cession des dix usines en une nouvelle société et l’ouverture du capital social de celle-ci à raison de 45% pour le secteur privé, 35% pour l’Etat, 7% pour le public béninois/étranger, 5% pour les collectivités locales, 5% pour les travailleurs et 3% pour les producteurs. Le 27 Août 2007, l’Etat béninois a lancé un appel à concurrence. Deux offres avaient été réceptionnées, celle de la société Contrat Supply Investment (CSI) et celle de Société Commune de Participation (SCP). Le processus a abouti le 06 octobre 2007, à la sélection de la Société Commune de Participation (SCP) comme adjudicataire des 45% du capital de la nouvelle société dont la valeur plancher fixée dans le dossier d’appel d’offres est de 35 milliards de Francs CFA. Cependant, à l’issue d’un Conseil Extraordinaire des Ministres tenu le 22 octobre 2007, le gouvernement a abrogé le décret de création de la nouvelle société, estimant que la procédure était entachée d’irrégularités. Un nouveau processus a été lancé. Il a pris fin le 11 octobre 2008 par la tenue d’une assemblée générale constitutive et la création définitive de la Société pour le Développement du Coton (SODECO), une société mixte dans laquelle l’Etat détenait 66,5% du capital social dont 33% de portage pour le compte des producteurs, des collectivités locales, du personnel de l’entreprise et du public béninois et étranger. Les 33,5% restant revenant à la SCP (Société Commune de Participation), société du Groupe Talon. Cependant, même si rien, ni aucun document officielle ne vient le confirmer, il se dit, depuis la fin de l’année 2011, que la répartition du capital entre

28


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 l’Etat et la SCP aurait changé, cette dernière devenant majoritaire en détenant maintenant 51% du capital. Malgré cela, la filière coton béninoise est toujours tributaire des subventions gouvernementales et reste marquée par un fonctionnement chaotique. 4- La campagne 2011-2012 Une fois de plus, la campagne avait engendrée beaucoup d’espoir de la part des autorités qui s’attendaient à une récolte de 300.000 tonnes. In fine, quand la campagne s’est terminée sur une production de 174.000 tonnes, des informations persistantes et concordantes sont parvenues au Président de la République, faisant état d’écarts significatifs entre les chiffres fournies par les producteurs au chargement du coton et ceux des pesées au pont bascule des usines d’égrenage, telles que déclarées par l’Association Interprofessionnelle du Coton. Un audit interne a été commandité sur la gestion de la subvention intrants allouée à la campagne 2011-2012 et la fourniture d’intrants pour la même campagne. Les résultats n’ont pas satisfait le gouvernement. Ceci a amené le Chef de l’Etat à limoger le Ministre de l’Economie et des Finances, Madame Adidjatou Mathys et le Directeur Général du Trésor et de la Comptabilité Publique pour avoir débloqué la subvention intrants, d’une part, et mettre en place une Commission Internationale Indépendante, d’autre part. Concernant la fourniture des intrants, le gouvernement a saisi la Justice. Le Président et le Secrétaire Permanent de l’AIC, l’Administrateur et le Président du Comité de Contrôle de la CSPR, une composante de l’AIC, ont été interpellés et brièvement placés en garde à vue. 5- La Commission Internationale Indépendante La Commission Internationale Indépendante, composée d’experts venus d’institutions régionales : la BOAD (Banque Ouest Africaine de Développement), le CILSS (Comité Inter-états de Lutte contre la Sécheresse dans le Sahel), l’UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine) et d’autres institutions comme la Géo-coton, ex DAGRI, avait pour mission de clarifier les incohérences dénoncées et de formuler des recommandations sur la gestion future du secteur cotonnier. Sur la base des constats faits par la CII et des recommandations formulés à mettre en œuvre dans l’immédiat et à court terme, le Conseil des Ministres, se réunissant de manière extraordinaire le 29 avril 2012, a décidé des mesures ci-après : 1. L’abrogation du décret n°99-537 du 17 novembre 1999 portant transfert au secteur privé de la responsabilité de l’organisation des consultations pour

29


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 l’approvisionnement en intrants agricoles ainsi que des décrets subséquents à savoir :

Le décret 2006-234 du 18 mai 2006 portant définition du cadre institutionnel de représentation des producteurs de coton au sein de l’interprofession de la filière coton ;

Le décret 2009-091 du 23 mars 2009 portant approbation de l’Accordcadre entre l’Etat et l’Association Interprofessionnelle du Coton ;

Le décret 2010-215 du 04 juin 2010 modifiant et complétant le décret portant définition du cadre institutionnel de représentation des producteurs de coton au sein de l’Association Interprofessionnelle de la filière coton.

2. La suspension de l’Accord-cadre entre l’Etat et l’AIC ; 3. La mise en place de l’Autorité nationale de suivi et de contrôle de la filière coton avec des démembrements dans les Départements et dans les Communes. Le bras opérationnel de cette Autorité est constitué de la SONAPRA rénovée dans son cadre institutionnel, des CeRPA (Centre Régionaux de Promotion Agricole) et des CeCPA (Centre Communaux de Promotion Agricole). 4. La mise en place d’un comité interministériel présidé par le Ministre d’Etat des Affaires Présidentielles et comprenant le Ministre du Développement, de l’Analyse Economique et de la Prospective, le Ministre de l’Economie et des Finances, le Ministre de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche et le Ministre de l’Industrie, du Commerce, des Petites et Moyennes Entreprises. Ce comité interministériel est chargé de réfléchir sur le cadre intégré du secteur cotonnier béninois au cours de cette période exceptionnelle. Un autre comité paritaire Gouvernement-Secteur Privé, présidé par le Premier Ministre Chargé de la Coordination de l’Action Gouvernementale, de l’Evaluation des Politiques Publiques, du Programme de Dénationalisation et du Dialogue Social, est chargé de réfléchir sur le nouveau partenariat à développer qui prendra en compte l’intérêt général et l’intérêt du secteur privé, avec pour objectif une gestion véritablement transparente pour une relance effective de la filière coton. Le Conseil des ministres s’est engagé à garantir la mise à disposition à bonne date des intrants coton (engrais, pesticides, insecticides de toutes sortes, herbicides) en relation avec le secteur privé en vue du démarrage effectif de la prochaine campagne qui est imminente. C- Quel avenir pour la filière coton au Bénin ?

30


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 Les défis pour préserver et développer durablement le coton béninois sont nombreux et complexes. En dehors des contraintes externes contre lesquelles il est difficile d’agir, telles que l’évolution des cours internationaux, la concurrence avec les fibres synthétiques ou qui demandent des efforts de négociations de longue haleine, telles que la lutte contre les subventions des pays développés, il est important que l’Etat béninois repense complètement le cadre global de libéralisation de la filière coton afin de corriger les dysfonctionnements internes évoqués plus haut. Dans le cadre de la recherche d’une solution durable aux problèmes du secteur coton au Bénin, les propositions suivantes méritent d’être examinées à plusieurs niveaux : - Diplomatie L’un des défis importants du coton africain concerne l’assainissement de l’environnement international afin de favoriser un traitement équitable et une juste application des règles du commerce international. Comme il a été constaté ces dernières années, les acteurs de la filière et les décideurs à divers niveaux doivent poursuivre la bataille contre les subventions des pays du Nord. Bien qu’il s’agisse d’une question sensible à laquelle les pays développés, les Etats-Unis en tête, ne semblent encore prêts à se plier, il est indispensable pour la survie du coton africain de maintenir la pression pour se faire entendre davantage. - Politique économique Il est important pour les décideurs africains de comprendre et de faire comprendre aux acteurs que l’enjeu du coton au niveau international fait aujourd’hui que cette culture a complètement perdu son caractère social pour devenir un produit purement économique. Ne pourront exister dans ce secteur que ceux qui sont encore capables de produire une quantité importante de coton et d’offrir un meilleur rendement sont susceptibles de résister à la compétitivité mondiale et d’être accompagnés par les Etats. Il s’agira, par exemple, d’accompagner et de promouvoir ceux qui sont capables d’emblaver les grandes superficies et de produire à des rendements supérieurs à 1000 Kg/ ha. Ceux qui sont encore aux petites superficies et à des rendements inférieurs doivent, par défaut de compétitivité, laisser la production du coton et se tourner vers d’autres spéculations. - Technique En vue de répondre convenablement aux exigences d’une économie de marché, l’Etat béninois devra créer les conditions permettant aux acteurs aptes, de faire face efficacement aux défis de professionnalisme et de compétitivité que leur impose le marché international. L’Etat doit donc s’impliquer dans les actions de recherches et d’encadrement des acteurs notamment en ce qui concerne : 31


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012

l’élaboration d’un programme de recherche avec forte implication des acteurs, la révision du calendrier des semis afin de l’adapter aux nouvelles conditions climatiques, la création de variétés de coton répondant aux normes internationales de qualité et aux exigences des acteurs de la filière, a mise au point de nouveaux itinéraires techniques notamment au niveau des programmes de traitement phytosanitaires, le renforcement de capacités du personnel de la recherche sur le coton biologique, le respect des itinéraires techniques du cycle de production, l’amélioration des techniques de récoltes et stockage, l’amélioration du système de classement du coton graine, le développement de la traçabilité du Label coton béninois.

Ces actions devront être menées en synergie avec les autres pays producteurs de la sous-région, notamment dans les domaines tels que la recherche, la mutualisation des achats, la rationalisation du transport, la définition d’un label région, la question des OGM. - Organisation De nombreux commentaires et suggestions ont été formulés sur l’organisation de la filière. Tous plaident en faveur d’un système de production par zone qui rapproche les producteurs de l’industriel. Nous en retenons deux que nous mettons en annexe de ce document. Le premier provient d’une étude comparative Bénin - Burkina Faso réalisée en 2006 par M. Nestor AHOYO ADJOVI sur l’évaluation des réformes de la filière coton au Bénin et l’autre d’un Groupe de travail sur la privatisation de la filière coton au Bénin, présidé par M. Roland RIBOUX. Ces deux documents soulignent, comme tous les autres, que le système qui milite le mieux en faveur de tous les acteurs est celui de la privatisation par région permettant ainsi de regrouper et d’encadrer les cotonculteurs autour d’un industriel égreneur sur la même zone de production. Dans le même sens, lors d’un récent atelier de restitution d’une étude de la BOAD (Banque Ouest-Africaine de Développement) intitulée « Promotion et développement de la filière oléagineuse dans l’espace UEMOA », il a été confirmé, en se référant aux résultats obtenus par la CFDT (Compagnie Française de Développement des Textiles) dans le passé et à l’expérience de la gestion de la filière dans les pays du Sahel et en Côte-d’Ivoire, que le système de privatisation par région permet à la filière d’être plus productive. Les mauvais résultats obtenus dans certains pays du Sahel sont le fait des conditions climatiques défavorables et non du système organisationnel. En Côte-d’Ivoire même, où la production cotonnière du pays a chuté de 400 000 à 150 000 tonnes dans une période récente à cause de la guerre et de l’apparition d’intermédiaires parasites, les rendements ont bondi de 32


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 500 Kg/ha à 3.000 Kg/ha, là où la société d’égrenage Ivoire Coton a décidé d’encadrer directement les producteurs. L’industriel dans sa zone a une vision à long terme de la filière que ne partagent pas les acteurs intervenant dans le processus de production du coton dans le cadre d’une interprofession où chaque catégorie pense tout naturellement à son intérêt immédiat. C’est pourquoi le retour au schéma de la liaison directe entre l’égreneur et les cotonculteurs qui l’approvisionnent constituerait la solution adéquate pour la renaissance de la filière coton béninoise.

33


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012

ANNEXES

34


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 ANNEXE 1 LA PROBLEMATIQUE DE LA PRIVATISATION DE LA FILIERE COTON AU BENIN

(Document du Groupe de travail sur la privatisation de la filière coton au Bénin, présidé par M. Roland RIBOUX, Juin 2006)

Depuis plusieurs années, les dissensions entre les acteurs dérèglent la filière coton. Il en résulte un démarrage tardif de la campagne (généralement en janvier), alors qu’elle devrait normalement intervenir le 15 octobre pour la zone nord et le 15 novembre pour la zone centre. Ce retard de près de deux à trois mois sur le calendrier normal du fait des discussions inutiles a des effets négatifs sur les résultats de la campagne. Cette situation de mauvaise gestion de la filière a donc eu pour conséquences des nonpaiements aux producteurs et le non remboursement à bonne date des crédits intrants aux distributeurs agréés, aboutissant finalement à des dissidences au sein des familles professionnelles. I - LES RAISONS DE LA DECOMPOSITION DE LA FILIERE - L’ERREUR DE LA PRIVATISATION PAR FONCTION AU LIEU D’UNE PRIVATISATION PAR REGION Le désengagement de l’Etat du sous secteur cotonnier s’est opéré progressivement au profit des organisations de producteurs (transfert de compétences en matière de commercialisation primaire et de gestion des intrants) et du secteur privé (distribution des intrants agricoles et égrenage du coton graine). Progressivement les usines privées ont été érigées : •

usines de la 1ère génération en 1995 : SOCOBE, ICB et CCB ;

usines de la 2ème génération en 1997 : LCB et SEICB ;

usines de la 3ème génération en 1998 : SODICOT, IBECO et MCI.

Le secteur privé devrait assurer maintenant la totalité de l’importation et de la distribution des intrants agricoles et représente près de la moitié des capacités d’égrenage de la filière. Avec la privatisation de la SONAPRA programmée depuis fin 2002, la totalité de l’égrenage devrait être assurée par le secteur privé. Mais en l’absence de cadre réglementaire et organisationnel clairement établis, la filière s’est vite heurtée à de nombreuses difficultés. Les conflits qui en ont résulté ont lourdement pesé sur les performances et les résultats financiers de la filière. L’effondrement de la production en 2005-2006 a mis en évidence l’impossibilité de résoudre ces problèmes par l’intermédiaire des institutions en place. Celles-ci ne peuvent aujourd’hui faire face : •

à la mésentente entre égreneurs sur la répartition du coton graine du fait d’une forte surcapacité d’égrenage (587.500 tonnes de capacité pour une production moyenne de 350.000 tonnes) ;

à des contestations régulières des résultats d’appels d’offres pour la sélection des distributeurs d’intrants ;

aux dissidences de certaines familles ;

35


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 •

au refus d’intégrer certaines familles professionnelles dans l’interprofession.

Ces problèmes ont contribué à exacerber les tensions entre différents partenaires de la filière et à déstabiliser une partie de ses organisations professionnelles. Ainsi, l’APEB, le GPDIA, FUPRO, AGROP, FENAPRA, etc. ont vu une partie de leurs membres les quitter et créer des organisations concurrentes. Ceci démontre que le Bénin a fait le mauvais choix en matière d’organisation de sa filière coton. Les pays de l’Afrique de l’Ouest qui ont privatisé leur filière coton, l’ont fait par région. Seul le Bénin l’a fait par fonction. 1. LES AVANTAGES DE LA PRIVATISATION PAR REGION Dans la privatisation par région, c’est la société d’égrenage, qui gère plusieurs usines dans une zone particulière du pays, qui est le maître d’œuvre :

c’est elle qui contracte les prêts auprès des banques pour financer la campagne;

elle importe les intrants de bonne qualité ;

elle avance les intrants agricoles (semences, pesticides et engrais) aux producteurs ;

elle encadre les producteurs et les aide à pratiquer les meilleures méthodes culturales ;

elle ‘‘commercialise’’ (c’est-à-dire organise le transport vers les usines) le coton graine vendu par les producteurs ; elle leur règle la différence entre les avances consenties en intrants agricoles et le prix convenu pour le coton graine livré ;

elle égrène et vend (localement et/ou à l’export) la fibre et la graine de coton ;

elle rembourse aux banques le crédit de campagne avec le produit de ces ventes.

Dans ce système, il y a un maximum d’éléments positifs pour le bon développement de la filière, grâce à la convergence des intérêts :

l’égreneur a intérêt à ce que ses producteurs soient aussi productifs que possible et désireux de cultiver à nouveau l’année suivante; il va donc leur consentir un prix raisonnable du coton graine, leur fournir les meilleurs intrants agricoles au meilleur prix, les régler à temps de ce qu’il leur doit ; il peut même leur obtenir différents avantages annexes (susciter des projets d’aménagement de pistes et dessertes rurales, promouvoir la construction d’infrastructures communautaire de base : hôpitaux, écoles, églises, mosquées, l’électrification et l’adduction d’eau villageoise, etc.) pour les maintenir dans la filière ;

les banques prêtent volontiers à la filière, car elles ont en face d’elles un interlocuteur unique, l’égreneur, à la surface financière importante (il a plusieurs usines ; souvent il a de grands opérateurs internationaux dans son capital).

bien entendu, l’Etat continue de jouer son rôle de régulation de la filière (recherche agricole, protection des végétaux, contrôle de qualité et tenue des

36


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 statistiques) ; il s’assure que la caisse de stabilisation des prix est bien gérée. Enfin il continue d’assurer le développement volontaire du secteur : ainsi, l’Etat Burkinabé a contraint un opérateur à monter de toute pièce une nouvelle usine d’égrenage dans le temps de la campagne plutôt que de faire envoyer le coton graine produit en surplus vers un pays voisin. 2. LES INCONVENIENTS DU SYSTEME PAR FONCTION Dans la privatisation par fonction, c’est l’association interprofessionnelle qui est le maître d’œuvre de la filière ; or cette association interprofessionnelle est, du fait de la concurrence des intérêts, une véritable foire d’empoigne. Ainsi, dans le cas tout à fait typique du Bénin :

les égreneurs n’ont aucun lien direct avec les producteurs, puisque c’est la CSPR qui désigne là où ils doivent prendre livraison du coton graine, parfois à des centaines de kilomètres de leur usine ; ils n’ont aucun intérêt direct à choyer tels producteurs en particulier, puisqu’ils ont en face d’eux des organismes impersonnels (CSPR et AIC) ; ils vont donc offrir les prix du coton graine les plus faibles possibles et ne pas hésiter à retarder les paiements au producteur ; ils auront ainsi recours à des tactiques de négociation (ne pas prendre livraison du coton graine tant que le ‘‘bon prix’’ n’a pas été accepté) impensables pour des égreneurs opérant dans le système ‘‘par région’’ ; n’étant pas responsables de ‘‘leurs’’ producteurs et de la pérennité de la production, ils s’en déchargent sur l’Etat qu’ils acculent à subventionner la filière ;

les distributeurs d’intrants ont intérêt à vendre leurs engrais et pesticides aux prix les plus élevés et en quantités aussi grandes que possible ; l’encadrement des producteurs pour une utilisation efficiente n’est donc pas leur soucis ; on pourrait même dire ‘‘au contraire’’ ;

les banques hésitent à financer la filière, car elles ont en face d’elles des garanties incertaines du fait des difficultés de la CSPR à faire entrer la totalité et du coton graine et des règlements des égreneurs ;

en effet, la trop grande divergence des intérêts et la contestation qui s’en suit des autorités de régulation (CSPR et Etat) amène certains intervenants à opérer en dehors des cadres (ventes ‘‘sauvages’’ d’intrants, refus de certains producteurs de livrer à la CSPR, prises de livraison ‘‘sauvages’’ du coton graine par des égreneurs ‘‘dissidents’’, etc.).

Le résultat inévitable de ces dysfonctionnements est, à terme, la disparition de la filière. Il faut donc que le Bénin passe au système ‘‘par région’’. II - LE BENIN PEUT PASSER DU SYSTEME PAR FONCTION AU SYSTEME PAR REGION Deux options sont possibles : 1. Considérer le Bénin comme une seule zone de production, système qui a bien marché jadis lorsqu’il a été mis en place par la CFDT. Dans ce cas, chaque société d’égrenage existant au Bénin apporte ses usines et équipements à une société nouvelle d’égrenage nationale à créer ; ces apports en nature sont évalués et constituent le nouveau capital

37


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 de cette société ; chaque apporteur est détenteur d’une portion du capital correspondant à ses apports. L’Etat apporte les usines de la SONAPRA ; il peut réduire sa participation en cédant une partie de ses actions dans la nouvelle société. 2. Diviser le Bénin en 2 ou 3 zones de production : -

deux zones à 300.000 tonnes de coton graine produit + potentiel ;

-

trois zones à 200.000 tonnes de graines de coton produite + potentiel.

L’exercice est bien entendu moins simple à réaliser que le cas de la zone unique de production et il conviendrait de procéder comme suit : On détermine les 2 ou 3 zones (selon le cas) géographiquement à peu près équilibrées de 300.000 ou 200.000 tonnes de coton graine environ chacune de production actuelle + potentiel de production. Bien entendu, on perçoit aussitôt que, les usines étant très fortement décalées vers le Sud, elles ne correspondent réellement pas aux 2 ou 3 zones de production qu’on aura déterminé, une majorité d’usines se retrouvant dans les zones plus au Sud, voire hors zone. La solution la plus simple est alors de déterminer 2 ou 3 groupes (selon l’option choisie) d’usines géographiquement cohérents du Nord au Sud et avec des capacités d’environ 300.000 ou 200.000 tonnes et de procéder comme pour la zone unique en créant 2 ou 3 sociétés nouvelles et en procédant aux apports comme vu plus haut. L’essentiel est que chaque nouvelle société d’égrenage puisse se focaliser sur l’encadrement de producteurs dans une zone précise qui est ‘‘sa zone’’. Le schéma peut être amélioré en décidant de déplacer les usines les plus au Sud vers le Nord, sous équipé, voire non équipé en usines, l’idéal étant, bien sûr, que les usines soient toutes positionnées à l’intérieur de leur zone. Certes le déplacement d’usines aura un coût (au maximum 1,5 milliards de FCFA par usine y compris le génie civil du fait des bâtiments à construire). Si l’on décide de déplacer 3 usines, le coût serait de 4,5 milliards de FCFA une fois pour toute, ce qui est très modeste comparé aux gains chaque année d’un meilleur encadrement des producteurs du fait de la proximité de l’égreneur. Ainsi, sur la base minimale de 400.000 hectares, une amélioration du rendement de 100 Kg/hectare simplement permettrait de gagner chaque année 7,2 milliards de FCFA sur la base d’un prix de cession du coton graine de 180 FCFA/Kg ; sur la base de 600.000 hectares, le gain chaque année est de 10,8 milliards de FCFA.

38


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 ANNEXE 2 COMPARAISON DES EXPERIENCES DU BENIN AVEC CELLES DU BURKINAFASO Evaluation des Réformes de la filière coton et leurs impacts sur les acteurs au Bénin, Docteur Nestor Ahoyo ADJOVI, Septembre 2006

La libéralisation de la filière coton au Burkina-Faso ne s’est pas opérée suivant le même rythme et de la même manière qu’au Bénin. Si le Bénin a procédé par une privatisation plus rapide et par fonction, le Burkina-Faso a fait l’option d’une libéralisation lente et d’une filière régionalisée. Le pays a été subdivisé en trois grandes régions cotonnières. Chaque région a été confiée à une société cotonnière. L’ancienne société d’Etat (SOFITEX), dont le capital a été ouvert aux privés avec une minorité de blocage de 35% pour l’Etat burkinabè, a gardé une région. Les deux autres ont été attribuées à deux sociétés dans lesquelles les paysans disposent d’une participation substantielle dans le capital. Chaque société d’égrenage gère la filière depuis la production jusqu’à la mise en marché du coton fibre : •

elle avance les intrants agricoles (semences, pesticides et engrais) aux producteurs (c’est elle qui contracte les prêts auprès des banques pour financer la campagne) ;

elle encadre les producteurs et les aide à pratiquer les meilleures méthodes culturales ;

elle ‘‘commercialise’’ (c’est-à-dire organise le transport vers les usines) le coton graine vendu par les producteurs ; elle leur règle la différence entre les avances consenties en intrants agricoles et le prix convenu pour le coton graine livré ;

elle égrène et vend (localement et/ou à l’export) la fibre et la graine de coton ;

elle rembourse aux banques le crédit de campagne avec le produit de ces ventes.

En dépit du contrôle exercé par les sociétés d’égrenage sur tout le processus de la campagne cotonnière, l’Etat burkinabè assure toujours son rôle de régulation de la filière à travers la recherche agricole et le contrôle de la gestion de la caisse de stabilisation des prix.

39


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 Comparaison des expériences béninoises et burkinabè

Politique

Encadrement paysans

des

Bénin

Burkina-Faso

Le secteur est politisé. Les sanctions sont absentes. les interventions sont nombreuses et surtout lorsqu’on est de la mouvance, on peut toujours espérer contourner les règles en comptant sur un parrain. N’importe qui peut se lever et troubler une réunion importante sans craindre l’autorité qui est fréquemment défiée. Depuis environ 10 ans, les DG de la Sonapra sont nommés pour une période moyenne de 8 mois. Aussi tous les postes stratégiques sont pourvus en agents par l’Etat et ils sont pour la plupart sans vision réelle.

La politique semble ne pas intervenir. Lorsqu’un paysan à la base par exemple est défaillant, l’agent d’encadrement est capable de le suspendre sans craindre des représailles politiques ou de responsables hiérarchiques. Le DG de la Sofitex est proposé par le Conseil d’administration et il est le seul fonctionnaire (agent permanent de l’état). Les autres sont conventionnés et leur survie dépend de la bonne marche de la société. La Sofitex, société d’Etat a pris entièrement en main l’encadrement des producteurs. Aujourd’hui avec la régionalisation de la filière, chaque société en charge d’une région a la responsabilité de l’encadrement jusqu’à l’égrenage. La probabilité pour ces sociétés d’obtenir en fin de campagne des produits à mettre sur le marché international dépend de l’organisation de la production et de la commercialisation. Elles sont donc obligées de s’y investir Bien qu’en partie libéralisée, le système reste dominé encore par la Sofitex qui représente, l’Etat (fortement présent) dans la filière. Peu d’institutions chargées de la gestion de la filière. Seulement trois sociétés ont reçu l’agrément de gérer la filière dont la Sofitex. Les infrastructures sont construites dans les régions selon la production et les usines installées tiennent compte des capacités de production de la zone.

L’encadrement au départ des réformes était aux mains de la Sonapra. Aujourd’hui en voie de démantèlement, elle ne s’occupe plus de l’encadrement des producteurs d’autant plus qu’elle partage l’achat du coton avec d’autres privés. Ces derniers ne s’impliquent pas du tout dans la production efficiente du coton mais attendent simplement pour acheter du coton enfin de campagne.

Cadre institutionnel

Le système béninois est désintégré. Une multiplicité d’institutions est créée pour gérer la filière. Chacune d’elle est à la recherche de maximum de recettes et de moindres coûts. Les coups bas sont permis pour éliminer les autres du jeu afin de mieux gagner.

Les d’égrenage

Les agréments pour la construction des usines d’égrenage sont donnés pêle-mêle et ne tiennent pas compte des zones de production. Par exemple, la campagne agricole (20032004), l’usine de Banikoara située dans la plus grande zone de production n’a pas eu son quota pendant que celle de Dassa située dans une zone à moindre production a atteint son quota d’égrenage.

usines

40


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 ANNEXE 3 ORGANIGRAMME 1 : SCHEMA DE GESTION DE LA FILIERE COTON AVANT 2000

ETAT

Récupération crédit intrant Achat coton graine Paiement des producteurs Paiement des prestations et ristournes Dénouement crédit intrant transport Egrenage coton Placement coton à l’export Mise en œuvre fonctions critiques (pistes, recherche, formation, encadrement, alphabétisation etc…)

SONAPRA

2

2 EGRENEURS Achat coton auprès SONAPRA Egrenage Transport Placement du coton Remboursement SONAPRA

Distributeurs d’intrants 1

ORGANISATIONS DE PRODUCTIONS

Production de coton, Commercialisation primaire, Prestations de services, Centralisation des besoins en intrants

1- filière entièrement gérée par l’Etat 2- phase transitoire ouverture filières aux privés

41


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 ANNEXE 4 ORGANIGRAMME 2 : SCHEMA DE GESTION DE LA FILIERE COTON AU BENIN (2000-2007) - Organise le cadre légal et réglementaire de la filière - Signe l’accord cadre de partenariat Etat et acteurs privés

- Représente les acteurs de la filière auprès de l’Etat et signe les accords et prestations de services

ETAT Ministères et Directions Techniques

- Cadre de concertation entre familles professionnelles -Elaboration du plan de campagne

- Contrôle le bon fonctionnement du système

- Gestion des fonctions critiques (recherche, semences, encadrement, qualité, pistes, fixation, p…….) GV

CNEC (Famille des égreneurs)

- Cadre concertation des producteurs

AIC

CNPC GV-UCPC-UDPC

(Familles producteurs et égreneurs)

- Sélection par appel d’offre des importateurs et distributeurs d’intrants coton

CAGIA - BENIN - Proposition de répartition du coton graine - Paiement avance de 40% d’acompte

- Formation producteurs sur utilisation intrants

CSPR-GIE Famille Importateurs Distributeurs privés d’intrants

- Egrène le coton graine - Place le coton fibre à l’exportation

- Gestion de la commercialisation primaire BANQUES

- Commercialisation primaire du coton graine

- Réception état décadaire et délivrance des ordres d’enlèvement du coton graine - Paiement des productions - Récupération et dénouement crédit intrant

42

- Suivi de la mise en place des intrants dans les GV

- Importer et distribuer les intrants - Formation à l’utilisation des intrants agricoles


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 ANNEXE 5 ORGANIGRAMME 3 : SCHEMA DE GESTION DE LA FILIERE COTON AU BENIN (2008-2011)

ETAT Ministères et Directions Techniques _______________________________________________________

Organise le cadre légal et réglementaire de la filière Contrôle le bon fonctionnement du système

AIC Structure faîtière Egreneurs / Distributeurs Intrants / Producteurs

CSPR-GIE Gestion de la commercialisation primaire CNEC Propose répartition du coton graine Egrène le coton graine Exporte le coton fibre

IDI Importe et distribue les intrants Forme à l’utilisation des intrants agricoles

CNPC Cadre concertation des producteurs Commercialisation primaire du coton graine

Réception état décadaire et délivrance des ordres d’enlèvement du coton graine Récupération et dénouement crédit intrant

Paiement des producteurs

Paiement avance de 40% d’acompte Paiement décadaire des 60% du solde

BANQUES

43


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 ANNEXE 6 REFORME DE LA FILIERE COTON BENINOISE – LECONS A TIRER DE L’EXPERIENCE D’IVOIRE COTON (Lettre d’information Investisseurs priv és au

n°17 du Bénin)

12

nov embre

2008

du

Conseil

des

Les récentes indications sur la prochaine campagne cotonnière (2008-2009) du Bénin font ressortir, une fois de plus, que notre pays ne parvient pas à tirer de ce secteur (l’un des deux piliers, avec le port de Cotonou, de l’économie nationale) tout le parti qu’il peut en tirer. Il nous a paru pertinent d’aller regarder comment les choses se passent dans le Nord Ouest de la Côte d’Ivoire, là où le groupe Industrial Promotion Services (West Africa) S.A., en abrégé IPS (relevant des projets patronnés par Son Altesse l’Agha Khan) a entrepris de relever le défi de la privatisation du secteur coton en Côte d’Ivoire. Celle-ci, intervenue en 1998 à la demande pressante de la Banque Mondiale, a consisté en la cession, par la CIDT (société contrôlée par l’Etat, en partenariat avec la CFDT) d’une partie de ses actifs regroupés en deux lots, ceux de :

la région Nord Ouest, comprenant : - les usines de Boundiali 1 Boundiali 2 Dianra - les Directions Régionales de Boundiali et d’Odienné

la région Nord Est, comprenant : - les usines de Korhogo 1 Korhogo 2 Ouangolo - les Directions Régionales de Korhogo et Ferkessédougou

la région Centre demeurant contrôlée par la ‘‘CIDT Résiduelle’’ avec : - les usines de Bouaké Mankono Zatta Seguéla - les Directions Régionales de Bouaké, Bouaflé, Katiola, Seguéla et Mankono

La région Nord Ouest a finalement été attribuée le 23 août 1998 au Consortium IPS WA et la Société Paul RHEINART AG, qui a créé, pour son exploitation, la société Ivoire Coton, dont le capital est réparti actuellement comme suit :

59% 25,5% 15% 0,5%

Cotton Invest (groupe IPS - l’Agha Khan) Reinhart AG DEG (filiale de KFW) Divers

Le cahier des charges de la privatisation prévoyait que l’encadrement des producteurs, à partir du 1er août 2000, serait assuré par les nouveaux propriétaires des usines, dans leurs zones respectives.

44


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 Avant cette date, conformément au cahier de charges, l’encadrement serait réalisé exclusivement par la CIDT. Par ailleurs, était installé un comité tripartite, comprenant les Producteurs, les Sociétés cotonnières et l’Etat, chargé pendant cette période de transition, d’un certain nombre de missions, dont la mise en place d’un mécanisme de fixation de prix d’achat du coton graine, la création de deux associations, l’une regroupant les producteurs et l’autre, les sociétés cotonnières. Il s’agissait là d’une première étape, qui aurait dû être suivie par la privatisation de la ‘‘CIDT Résiduelle’’, une fois que l’expérience des deux blocs cédés se serait avérée un succès. Les choses ne se sont finalement pas passées ainsi, du fait de la crise cotonnière (chute des cours de la fibre à l’international) et de la crise politique. L’entité qui avait repris la zone Nord Est (LCCI) a finalement fait faillite en 2006 et ses usines ont été réparties de la manière suivante :

Ivoire Coton : usine de Mbengué OLAM : usine de Ouangolo Coopérative Yebé Wognon (M. KONE) : usine de Korhogo 1 et Korhogo 2

Par ailleurs, sont apparus dans le paysage cotonnier : 1. en 2002, à Korhogo, l’usine de la SICOSA SA, joint venture entre Louis Dreyfus et URECOS CI, une union de coopératives ; 2. en 2004 à Bouaké, l’usine de la société DOPA, créée par des filateurs nationaux et animée par un Monsieur Patrick LEDE. Ces unités nouvelles, sans zone affectée, ni cahier de charges, n’ont pas manqué de brouiller le paysage. Enfin, la CIDT Résiduelle est restée en l’état, non privatisée. Voyons maintenant comment s’est comportée Ivoire Coton dans cet environnement. Tout d’abord, les chiffres de la zone Nord Ouest, depuis la date de prise en charge des producteurs par les repreneurs (1er août 2000). Campagne

2000-2001 2001-2002 2002-2003 2003-2004 2004-2005 2005-2006 2006-2007 2007-2008

92.837 132.632 154.833 78.688 147.128 134.558 79.014 45.863

tonnes tonnes tonnes tonnes tonnes tonnes tonnes tonnes

A première vue, les résultats, en dent de scie, sont typiques de nos pays ballottés par les évènements politiques, économiques et climatiques. Mais au-delà de ce constat, nous autres Béninois avons tout à gagner à nous poser la question suivante : comment cette société a-t-elle pu subsister, rebondir et peutelle s’apprêter à le faire à nouveau, alors que :

45


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 1. sa voisine, LCCI, a fait faillite (Groupe L’Aiglon) ; 2. le coton est une spéculation tout à fait secondaire en Côte d’Ivoire ; 3. la zone où Ivoire Coton est implantée a tous les ‘‘désagréments’’ attachés à sa présence dans la zone des ‘‘rebelles’’. On peut distinguer deux phases dans la stratégie d’Ivoire Coton vis-à-vis des producteurs de sa zone. 1. En 2001, les mauvais chiffres de la campagne 2000-2001 (92.837 tonnes de coton graine contre 132 032 tonnes pour la campagne précédente) amènent Ivoire Coton à développer un nouveau concept, celui ‘‘d’Encadrement Participatif par Objectif’’. Trois principes sous-tendent ce concept : a) on apporte un soutien technique agricole de qualité en utilisant le relais des coopératives ; b) on fixe des objectifs, d’activité et de production aussi bien aux producteurs individuels qu’à leurs groupements (les Organisations Professionnelles Agricoles) ; c) on fixe un objectif plancher (‘‘point mort’’ de 100.000 tonnes) au-delà duquel on partage le profit avec ceux qui y sont concourus, en cas d’atteinte des objectifs fixés. Par ailleurs, un ensemble d’actions sociales sont lancées. a) Hydraulique villageoise : Ivoire Coton s’occupe de la remise en état et de l’entretien de 800 pompes :

la société achète et stocke les pièces détachées ; elle les vend à prix coûtant aux villageois dont elle a assuré la formation ;

la construction de l’enclos relève du village ;

le puits est géré par le village (exemple : contribution de 5 FCFA par bassine).

b) Les ‘‘cases de santé’’ :

il s’agit de relais dispensaires : un bâtiment de 20m2 avec un lit pour le malade ;

les murs sont construits par les villageois ; la toiture est réalisée par Ivoire Coton qui apporte l’équipement et donne une première dotation de médicaments d’une valeur de 300.000 FCFA ;

Ivoire Coton assure la formation de deux jeunes du village aux premiers soins : une plaie, le paludisme, les maux de ventre, etc. ; ces jeunes sont disponibles dans la ‘‘case’’ le matin avant 8h et le soir après 17h ;

il y a actuellement 125 ‘‘cases de santé’’ dans de gros villages éloignés de tout centre de santé officiel.

46


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 c) L’éducation (programme démarré en 1994 avec la CIDT)

Ivoire Coton assure des cours d’alphabétisation en langue locale (le dioula) qui permettent, en 90 jours, de savoir lire, écrire, compter ;

L’opération, réalisée avec l’appui de l’Institut de la Linguistique Appliquée (ILA) à l’université de Cocody, a touché à ce jour plus de 150 villages dans la zone d’Ivoire Coton ;

Ivoire Coton édite des brochures en français et dioula qui permettent de diffuser de l’information sur les meilleures pratiques culturelles.

Grâce à cela, la production repart avec 154.832 tonnes obtenues en 20022003, 147.128 tonnes en 2004-2005 et 134.558 tonnes en 2005-2006 (la contre performance de 2003-2004 où seulement 78.688 tonnes ont été produites était due à la crise politique). 2. En 2007, les chiffres replongent (79.014 tonnes produites lors de la campagne 2006-2007). Les causes sont multiples : a) l’arrivée des deux usines n’ayant pas de zone affectée conduit à des comportements bien connus au Bénin où des producteurs vendent leur récolte à un autre qu’à celui qui a financé leurs intrants, ce qui pénalise les producteurs sérieux, piégés par la caution solidaire ; b) la baisse du prix de la fibre et la hausse de celui des intrants, en faisant se tasser le prix du coton graine au producteur, découragent ce dernier. La Direction d’Ivoire Coton repense alors de fond en comble l’Encadrement Participatif par Objectif. 1. Désormais, l’interlocuteur de la société n’est plus seulement la coopérative, mais également le producteur individuel ; la caution solidaire est donc supprimée. 2. Le système est complètement informatisé ; chaque producteur est individualisé et a son dossier de suivi, en particulier pour son ‘‘crédit intrants’’. 3. On assure au producteur un revenu minimum garanti. Dans sa relation avec le producteur, Ivoire Coton considère l’exploitant agricole global et pas seulement le cotonculteur. La société lui alloue une enveloppe ‘‘crédit intrant’’ sur la base de 70% de sa recette coton prévisionnelle (cette enveloppe est fixée par campagne). Ceci permet à l’exploitant de faire du vivrier ; Ivoire Coton se montre même disposée à soutenir les producteurs de sa zone sur des spéculations comme l’anacardier.

47


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 4. Les itinéraires techniques sont supervisés par les encadreurs d’Ivoire Coton se répartissant entre :

150 conseillers agricoles ; 50 techniciens spécialisés dans les principales activités que sont l’association agriculture-élevage, l’alphabétisation fonctionnelle, la recherche et développement

Ces encadreurs se voient attribuer des objectifs et leurs primes de campagne sont payées en fonction de l’atteinte des objectifs fixés selon les critères cidessous : a) objectif de production de coton graine arrêtés avant la fin des semis, les surfaces semées servent de base à l’octroi des principaux crédits agricoles ; b) taux de réalisation de la production par rapport aux prévisions par comptage capsulaire (réalisé en octobre) ; c) taux de remboursement des crédits. A noter que dans la zone d’Ivoire Coton se trouvent 50.000 cotonculteurs potentiels sur 105.000 hectares (actuellement 20.000 producteurs plantent sur 40.000 hectares). Aujourd’hui, le point mort est à 1,3 tonne à l’hectare, avec une subvention gouvernementale aux intrants de 50%, telle qu’elle a été accordée la campagne 2008-2009. Comme on le voit, la relation égreneur-producteur en Côte d’Ivoire, dans cette région Nord Ouest où l’égreneur, dans l’esprit des projets patronnés par Son Altesse l’Agha Khan, s’implique dans une optique de partenariat avec le cotonculteur et de développement à long terme, est aux antipodes de celle qui prévaut au Bénin, où égreneur et producteur ne se connaissent pas (seules les faîtières y dialoguent). Cette relation a permis à la région Nord Ouest de vivre et même prospérer trois ans de suite malgré l’absence de l’Etat. Pour l’approvisionnement en intrants, l’appel d’offre est lancé sous l’égide de l’APROCOT-CI (l’interprofession), mais c’est ensuite chaque société cotonnière, comme Ivoire Coton, qui négocie directement l’achat des intrants avec les fournisseurs ; les intrants sont finalement mis en place par Ivoire Coton qui affrète les camions nécessaires pour cela. Quelles leçons tirer pour la filière coton béninoise de l’expérience du groupe Agha Khan en Côte d’Ivoire ? 1. La privatisation par région, qui rend la société d’égrenage responsable de l’encadrement, aboutit à une gestion au plus près, qui s’adapte sans cesse aux circonstances et où est récompensée la performance (aussi bien celle des producteurs que celle des encadreurs). Ivoire Coton a anticipé sans cesse et pris des risques financiers ; plusieurs années durant, elle a utilisé sa propre trésorerie pour anticiper sur une subvention européenne en ce qui concerne le prix du coton graine et récemment sur l’achat des intrants dans l’attente de la subvention de l’Etat.

48


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 On est bien loin de la lourde machine administrative de la filière béninoise qui peine chaque année à démarrer et ne peut jamais anticiper quoi que ce soit. 2. La réussite de la privatisation dépend du choix de ceux à qui on confie les zones cédées. Trois points nous paraissent fondamentaux : a) Le groupe auquel appartient Ivoire Coton n’est pas à la recherche de ‘‘coups’’ financiers, mais a une vision sur le très long terme ; b) Ivoire Coton, par son actionnariat, a une solidarité financière qui lui a permis de traverser des périodes difficiles (c’est-à-dire d’absorber des pertes), typiques d’une activité cyclique comme celle du coton ; c) Le groupe IPS a su confier Ivoire Coton à des hommes passionnés par leur métier, qu’ils connaissent par cœur, et qui ont su se donner à fond. 3. L’égreneur doit maîtriser de bout en bout la chaîne qui va de la mise en terre de la graine de coton à l’exportation de la fibre ; c’est la contrepartie du fait qu’il prend le risque économique sur le paysan. 4. L’autorité de régulation de l’Etat doit être très forte et impartiale. Son rôle est particulièrement important pour écarter les ‘‘voyous’’, ceux qui veulent prendre la graine chez des producteurs auxquels ils n’ont pas avancé le crédit intrant.

49


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 ANNEXE 7 LES USINES D’EGRENAGE DE COTON AU BENIN

01 02 03 04 05 06 07 08 09 10

Usine SODECO (Groupe TALON) SODECO BANIKOARA SODECO BEMBEREKE SODECO BOHICON 1 SODECO BOHICON 2 SODECO GLAZOUÉ SODECO HAGOUMÉ SODECO KANDI SODECO PARAKOU 1 SODECO PARAKOU 2 SODECO SAVALOU

11 12 13 14 15

ICA GIE (Groupe TALON) CCB (1994) IBECO (rachat 2008) ICB (1995) SCN (2008) SOCOBE (1995)

Implantation Capacité égrenage Banikoara Bembéréké Bohicon 1 Bohicon 2 Glazoué Djakotomé Kandi Parakou 1 Parakou 2 Savalou

37.500 37.500 14.000 25.000 37.500 37.500 25.500 37.500 50.000 10.500 312.500 312.500

Kandi Kétou Péhunco N’dali Bohicon

25.000 25.000 25.000 40.000 25.000 140.000 140.000

MARLAN’S 16 MCI

Nikki

50.000

50.000

L’AIGLON 17 LCB

Paouignan

50.000

50.000

KASMAL 18 SEICB

Savalou

25.000

Inactif

Capacité totale active 552.500

50


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 ANNEXE 8 IMPLANTATION DES SOCIETES D’EGRENAGE DE COTON AU BENIN

SODECO Banikoara

• • • •

ICA / ICB

SODECO ICA / CCB

Péhunco

SODECO Bembéréké

MCI Nikki ICA SCN

SODECO

N’dali

Savalou

SODECO PARAKOU 1-2

SEICB Savalou

• •• •

SODECO BOHICON 1-2 ICA- SOCOBE

SODECO Hagoumé

• • •

51

SODECO Glazoué

LCB Pouignan

ICA- IBECO Kétou


Etude monographique sur le Coton, Juin 2012 ANNEXE 9 IMPLANTATION DES USINES D’EGRENAGE DE COTON AU BENIN

SODECO

ICA- CCB

SODECO

ICA ICB ICA SCN

SODECO 2

SODECO SEICB SODECO

LCB

SOCOBE

SODECO 2 SODECO

52

ICA IBECO

MCI


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.