L’INTERNET AU BENIN
Le Conseil des Investisseurs Privés au Bénin est une Association regroupant des entrepreneurs ayant investi de manière significative au Bénin. Emanation de tous les secteurs et de tous les métiers, le CIPB a pour objectifs: - De promouvoir un espace favorable à l'investissement et à l'emploi - D’accompagner l'Etat dans ses réformes - D’optimiser les ressources locales.
Avril 2008. © Propriété du CIPB, Immeuble Kougblénou, 85, avenue Steinmetz, 03 BP 4304 Cotonou, Bénin, www.cipb.bj
L’internet au Bénin, avril 2008, © CIPB
1
Table des matières Introduction
3
Première Partie Internet : Concept et opportunités économiques
4 4
1. 1.1 1.2 1.3 2 2.1 2.2
Eléments de compréhension du concept d’Internet Qu’est-ce qu’Internet ? Les métiers d’Internet Le Système des noms de domaine (DNS, Domain Name System) Opportunités économiques d’Internet Internet comme source de valeur ajoutée pour les entreprises et pour l’Etat Internet comme secteur de croissance
5 5 7 7 8 8 10
Deuxième partie Etat des lieux de l’usage d’Internet au Bénin
11 11
1 1.1 1.2 1.3 2 2.1 2.2 2.3
12 12 12 14 15 15 15 16
Historique et cadre réglementaire Historique d’Internet au Bénin Cadre réglementaire et politique de développement d’Internet Les infrastructures de base Le paysage actuel d’Internet au Bénin Les fournisseurs d’accès Internet Les cybercentres et la présence béninoise sur Internet La cybercriminalité au Bénin
Troisième partie Problèmes et Recommandations
17 17
1 2 2.1 2.2 2.3 2.4 2.5
18 20 20 20 21 21 21
Problèmes Recommandations Le cadre juridique et institutionnel Les infrastructures de base Les opérateurs privés L’administration La lutte contre la cybercriminalité
Conclusion
L’internet au Bénin, avril 2008, © CIPB
22
2
Introduction Les Technologies et l’Informations et de la Communication (TIC), en général, et Internet, en particulier, se sont rapidement imposés comme des outils indispensables à notre quotidien. Outils de communication, de travail, de loisir, d’information, voire de formation, l’usage d’Internet a bouleversé les modes de pensée, de comportements, de travail et a ouvert de nouvelles perspectives à la création du savoir, à l’éducation et à la diffusion de l’information. Dans les entreprises, Internet a surtout permis un fort développement des relations interentreprises et du service-clientèle. Un grand nombre de données transitent désormais par le Web et une partie du commerce s'est déplacée vers ce nouveau canal de distribution. Le Bénin, en dépit de son faible niveau de développement, reste collé aux progrès technologiques, en marquant à sa manière sa présence sur la toile mondiale. Toutefois, alors que les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication en général et Internet en particulier, sont désormais utilisées de façon intensive dans les pays développés, et africains parfois, le Bénin éprouve encore d’énormes difficultés à les maîtriser et à s'en servir pour ses multiples besoins de développement. La présente étude vise à faire un état des lieux d’Internet au Bénin, à partir d’un aperçu global sur les enjeux de l’internet dans le monde, notamment pour les entreprises. Cette étude, tenant compte du retard accusé par le Bénin dans l’appropriation de l’outil Internet, propose également des pistes de réflexion pouvant permettre aux pouvoirs publics béninois de concrétiser leur ambition de faire du Bénin, le quartier numérique de l’Afrique.
L’internet au Bénin, avril 2008, © CIPB
3
Première Partie Internet : Concept et opportunités économiques
L’internet au Bénin, avril 2008, © CIPB
4
1.
Eléments de compréhension du concept d’Internet
1.1
Qu’est-ce qu’Internet ?
1.1.1 Définition et historique d’Internet Le terme Internet a été formé à partir de l'anglais INTERconnected NETworks. Il s’agit d’un réseau informatique mondial utilisant le protocole de communication IP (Internet Protocol) qui rend accessibles au public des services comme le courrier électronique. Ses utilisateurs sont désignés par le néologisme « internautes ». Internet a été popularisé grâce à l'apparition du World Wide Web, les deux sont parfois confondus par le public non averti. En réalité, le web est une des applications d’Internet, comme le sont le courrier électronique, la messagerie instantanée et les systèmes de partage de fichiers poste à poste. Du point de vue de la confidentialité des communications, il importe de distinguer Internet des intranets, les réseaux privés au sein des entreprises, administrations, etc., et des extranets, interconnexions d'intranets pouvant emprunter Internet. Le réseau Internet est constitué de plusieurs dizaines de millions d’ordinateurs répartis dans plus de 100 pays. Ces ordinateurs communiquent entre eux de manière cohérente. L’utilisateur peut accéder aux services du réseau en s’adressant à d’autres ordinateurs appelés serveurs. Le concept Internet a été inventé pendant la guerre froide, par l’agence américaine ARPA (U.S Defense Department's Advanced Research Projects Agency) et permettait de sécuriser les transmissions informatiques contre les attaques nucléaires. Mais la véritable naissance d’Internet remonte à 1974, avec la mise au point de la norme IP (Internet Protocol). Cette norme a permis de fédérer tous les ordinateurs, toutes plates-formes confondues. Internet va connaître son développement réel en 1989, à l’avènement du Web. Grâce à sa convivialité, (utilisation de l’Hypertexte), le Web permet un usage facile, rapide, interactif et peu onéreux de l’internet. Depuis lors, lnternet est devenu le moyen de communication privilégié de la recherche scientifique avant de séduire, dans la deuxième moitié des années 1990, le monde des entreprises.
1.1.2 Les grandes applications de l’Internet -Le Web ou World Wide Web Le Web est la partie la plus attractive d'Internet et celle qui l'a rendu populaire. Le Web est un service, un moyen d'obtenir de l'information en provenance de divers ordinateurs. Il permet la circulation de tout type de document (textes, images, sons et vidéo). Les documents répartis sur des centaines de serveurs, de par le monde, demeurent accessibles, instantanément et en permanence, à toute personne disposant d’un accès Internet quel que soit le système d’exploitation utilisé. Ces informations sont constamment remises à jour et l’utilisateur dispose ainsi toujours de la dernière version en ligne. Pour accéder aux serveurs Web, un logiciel de navigation est indispensable. Il permet d’effectuer une demande par l’intermédiaire d’une adresse (URL) et de lire le résultat de cette recherche.
L’internet au Bénin, avril 2008, © CIPB
5
- Le courrier électronique ou l'E-mail La messagerie électronique permet, avec un logiciel courrier, d'envoyer tous types de documents numériques d'un ordinateur à un autre en quelques secondes au prix d'une communication locale. -Le transfert de fichiers (FTP) Le Web permet de télécharger des documents dans n’importe quel domaine d’activités. Il est également possible grâce aux ressources du Web de télécharger des logiciels directement sur le net en utilisant un programme de transfert de fichiers ou FTP (File Transfert Protocol). Trois types de programmes sont disponibles gratuitement : • les freeware : logiciels gratuits • les shareware : logiciels gratuits pendant une période d'essai • les beta : logiciels en cours de développement - Les forums de discussion ou les News Groups Internet permet aussi à des personnes se trouvant dans n’importe quel partie du monde de se retrouver sur une plate-forme virtuelle et de pouvoir échanger sur des centres d’intérêts communs. Il existe un nombre très important de groupes de discussion s'intéressant à tous les sujets possibles. Chaque forum est centré sur un thème particulier et dicte ses propres règles. - Les autres applications • Telnet : la télé connexion sur d'autres ordinateurs n'est utilisée que pour les bibliothèques universitaires et les BBS : (Bulletin Board System) ensemble d'ordinateurs accessibles par modem. • Gopher : la navigation dans les bases de données mondiales à l'aide de catalogues. On ne trouve que des menus et des fichiers qui constituent des fonds documentaires. • Wais : la recherche d'informations à l'aide de mots clé. Créé, il y a quelques années, pour accéder aux bases de données sur Internet. • Chat : possibilité de s’écrire en ligne et en direct. • Le téléphone par Internet, qui se développe internationaux.
de plus en plus, favorise les échanges
1.1.3 Télécommunication, TIC et Internet On entend par télécommunications toute transmission, émission et réception à distance, de signes, de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de renseignements de toutes natures, par fil électrique, radioélectricité, optique ou autres systèmes électromagnétiques. Ce mode de communication qui existait depuis la fin du 19è siècle a connu un développement assez remarquable, notamment grâce à l’avènement des ordinateurs, à partir de la première moitié du 20è siècle. Les mutations opérées par l’avènement des nouveaux outils de communication plus efficaces et plus accessibles ont conduit à la naissance et à l’usage du concept de Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC), devenu aujourd’hui TIC (Technologie de l’Information et de la Communication). Internet est l’une des dimensions des TIC tout comme le téléphone mobile.
L’internet au Bénin, avril 2008, © CIPB
6
1.2
Les métiers d’Internet
Internet est devenu aujourd’hui un domaine d’activité économique très dynamique et participe à la création d’emplois et de revenus pour des millions de personnes. L’importance de plus en plus croissante d’Internet dans la vie des entreprises participe à la création de nouveaux métiers dont certains exigent parfois de formations académiques assez pointues. Aux États-Unis, Internet représente 7 des 10 millions d’emplois créés pendant les quatre dernières années. Parmi les métiers en vogue, on peut retenir : • le Webmaster : Considéré comme le plus vieux métier de l’internet, le webmaster a pour mission de faire vivre, de façon technique, et parfois éditoriale, un site Internet ou Intranet. • le Développeur : Informaticien, son rôle consiste à élaborer des programmes informatiques en créant, selon le type de conception retenue, la solution technique qui en permet la réalisation. C’est l’une des fonctions les plus stratégiques des sociétés spécialisées dans Internet, et donc une mission que l’on réserve plutôt à des ingénieurs. • le Web-designer : A la fois informaticien et graphiste, il travaille surtout dans l’élaboration du côté esthétique d’un site Internet. • l’Administrateur de bases de données : Il travaille dans la mise en place des bases de données d’un site Internet. • le Hotliner technique : C’est une fonction qui est souvent exercée pour le compte des fournisseurs d’accès internet. Le Hotliner gère et traite par téléphone l’ensemble des difficultés rencontrées par le client lors de l’installation et de l’utilisation de ses services multimédias. • l’Intégrateur HTML : Pour avoir un aperçu du travail d’un intégrateur, il vous suffit d’utiliser la fonction "afficher le code source" lors de vos balades sur le web. Apparaît alors une suite de balises et de tags incompréhensibles pour le néophyte et qui forment le quotidien de l’intégrateur HTML. Tous les sites internet sont conçus à partir de ce langage codé.
1.3
Le Système des noms de domaine (DNS, Domain Name System)
Le DNS gère les adresses Internet (comme www.google.com) et les convertit en adresses IP. Ainsi, pour accéder à un site Web, un ordinateur doit d’abord accéder à un serveur DNS. Ce serveur DNS trouve ensuite l’adresse numérique (196.23.121.5 dans le cas de Google) du site concerné. Le DNS se compose de serveur racines, de serveurs de domaine de niveau supérieur et d’un certain nombre de serveurs DNS répartis autour du monde. Chaque nom de domaine pointant vers un site web est transformé en adresse IP par des serveurs spécialisés qui gardent en mémoire la totalité des correspondances entre les noms de domaine et les adresses IP. Au nombre de treize, ces serveurs racines répartis dans le monde entier remontent tous à un serveur principal qui contient toutes les données de correspondance du réseau mondial et constitue ainsi le véritable épicentre d’Internet. Ce serveur principal est hébergé par l'entreprise NSI-Verisign qui en gère le fonctionnement sous l'autorité de l'ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers), un organisme rattaché au ministère américain du Commerce. L’ICANN assure la coordination globale du système DNS en signant des accords et en agréant des registres et leurs responsables. En outre, il fixe le prix de gros auquel le registre loue les noms de
L’internet au Bénin, avril 2008, © CIPB
7
domaine aux prestataires d’enregistrement et impose certaines conditions sur les services offerts par le registre et par les prestataires d’enregistrement. Le DNS implique deux sortes de domaines de niveau supérieur. L’un est générique, l’autre est basé sur les codes pays. Les domaines génériques (gTLD, generic Top Level Domains), comprennent : • .com, .edu, .gov,.mil, et .org (en 1984) • .net et .int (ajoutés en 1985) • .biz, .info, .name, .pro, .museum, .aero et .coop (ajoutés en 2000). Les domaines dits «nationaux », appelés ccTLD (country code TLD) correspondent aux différents pays et leurs noms correspondent aux abréviations des noms de pays définies par la norme ISO 3166. C’est ainsi qu’on a le .us pour les Etats-Unis, le .fr pour la France, le .sn pour le Sénégal ou le .bj pour le Bénin. Selon l’organisation hiérarchique du DNS, l’autorité finale de la gestion du système des noms de domaine appartient au gouvernement américain à travers le ministère du Commerce. Mais le monopole des Etats-Unis sur le DNS est de plus en plus contesté par de nombreux pays du fait que le contrôle du DNS est devenu aujourd’hui un enjeu politique et économique crucial.
2
Opportunités économiques d’Internet
2.1
Internet comme source de valeur ajoutée pour les entreprises et pour l’Etat
- Un outil de compétitivité Internet est devenu aujourd’hui un outil presque incontournable pour les entreprises. Une récente étude américaine établit que 92% des six cents dirigeants de grandes entreprises mondiales interrogés affirment qu’ Internet transformera de plus en plus le marché mondial, tandis que 61% d’entre eux sont convaincus qu’ils atteindront plus facilement leurs objectifs stratégiques grâce à Internet. Les intérêts d’Internet pour les entreprises sont multiples et variés. Instrument efficace de compétitivité, l’internet intervient d’abord dans la réduction des coûts informatiques et de télécommunications, des coûts administratifs. Il permet aux entreprises de faire jouer plus facilement la concurrence et d'améliorer le service après-vente tout en abaissant son coût, à travers notamment la mise à disposition de documentation technique à jour, le télédiagnostic, la télémaintenance, la téléformation des opérateurs, connaissance fine et rapide des problèmes rencontrés, assistance des techniciens sur site. Internet offre aussi les outils permettant une réactivité et une flexibilité plus grande. Dans ce sens, il permet surtout la co-ingénierie entre donneurs d'ordre et sous-traitants et favorise des réductions considérables du temps de conception d'un nouveau produit. Il permet également une meilleure capitalisation des connaissances internes et des informations recueillies à l'extérieur, un renforcement de l'efficacité des commerciaux qui sont en mesure d'apporter chez le client des informations beaucoup plus riches, puis de prendre la commande et de lancer la production sans délai. Par ailleurs, l’internet permet un développement rapide des entreprises, notamment les PME, en leur donnant plus de facilités à conquérir de nouveaux clients, de nouveaux partenaires, de nouveaux marchés et de nouveaux fournisseurs. Aujourd’hui, une entreprise qui a pleinement compris les enjeux d'Internet détient un atout de performance et de compétitivité important si elle parvient à profiter efficacement des applications de l’Internet.
L’internet au Bénin, avril 2008, © CIPB
8
- Le commerce électronique ou le e-commerce Grâce à Internet s’est développé, un peu partout dans le monde, le commerce électronique, devenu l’une des branches d’activités les plus dynamiques de ce début de 21è siècle. L’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) définit le commerce électronique comme ‘’ la production, la distribution, la commercialisation, la vente ou la livraison de biens et de services par moyen électronique’’. Le commerce électronique peut prendre plusieurs formes : • de l’entreprise au consommateur (B2C, Business to Customer), le type de commerce le plus répandu, par exemple Amazon.com. • de l’entreprise à l’entreprise (B2B, Business to Business), le plus intensif du point de vue économique. En 2001, le volume de transactions B2B aux Etats-Unis portait sur une valeur de 995 milliards de dollars, ce qui représentait 93,3% des transactions en ligne ; • de l’entreprise à l’Etat (B2G, Business to Government), secteur extrêmement important dans le domaine des marchés publics; • du consommateur au consommateur (C2C, Customer to Customer), par exemple les ventes aux enchères sur e-Bay. Parmi les principaux biens et services vendus par Internet aux particuliers (B2C), on peut citer : • les biens culturels, comme les livres, CD et DVD • le matériel informatique, hi-fi, video, photo… • le secteur du tourisme et des loisirs : séjours, voyages, locations, billets de train, d'avion... • les biens de consommation courante : vêtements, meubles, électroménager, jouets. On trouve des systèmes de vente spécialement adaptés à Internet: développement de photographies numériques, téléchargement de musique, vente aux enchères entre particuliers, location de DVD par Internet. Enfin, de nombreuses entreprises proposent des services sur internet, payants ou non tels que : banque en ligne, assurance en ligne, presse en ligne. La publicité sur Internet est une des fonctions essentielles du commerce électronique. Entre professionnels, la publicité s’organise à l’aide de contrats qui visent à assurer la visibilité des sites marchands. Mais, vis-à-vis du consommateur, elle passe par des techniques plus ou moins agressives sur les sites web, par le biais de bandeaux clignotants ou défilants, de liens commerciaux appelés par le moteur de recherche, d’infobulles diverses, mais aussi de messages électroniques envoyés sous forme de spams ou ‘’pourriels’’. Le commerce électronique est en expansion constante. L’un des facteurs stimulant cette croissance est la possibilité d'être connecté à Internet à haut débit. Selon l’OCDE, les ventes aux particuliers via Internet (hors réservations de voyage) ont dépassé 100 milliards de dollars en 2006 aux Etats-Unis. Ce montant représente 3% des ventes de détail en fin d’année 2006. En France, 19,5 millions d'internautes soit près de 4 Français sur 10, déclarent avoir déjà effectué un achat en ligne, selon la Fevad (Fédération e-commerce et vente à distance) en 2007.
L’internet au Bénin, avril 2008, © CIPB
9
Avec une progression de 21% en un an, la croissance du e-commerce est plus de deux fois supérieure à la croissance de la population internaute. Plus de 17 500 sites marchands actifs ont été réalisé en 2006, avec un chiffre d’affaires supérieur à 12 milliards d’euros. Bien qu’il connaisse un regain d’intérêt dans certains pays, notamment dans le Maghreb, le commerce électronique est globalement très peu développé en Afrique. Les ventes en ligne se heurtent surtout au problème des moyens de paiement. Les cartes bancaires sont quasi absentes à l'échelle du continent.
2.2
Internet comme secteur de croissance
Le développement d’Internet s’est fait accompagné d’une éclosion d’entreprises dont les services font d’Internet, un secteur de croissance à part entière. Ces entreprises interviennent dans l’offre de services Internet, soit en tant que gestionnaire de nom de domaine, fournisseur de bande passante à Internet ou fournisseur d’accès Internet. Un fournisseur de bande passante sur Internet est une entreprise qui abrite le serveur d’un site et donne accès au site à tous les visiteurs potentiels en disposant de la bande passante, c'est-à-dire une connexion internet, suffisante pour que tous les visiteurs puissent lire les pages du site hébergé dans des conditions optimales, sans ralentissement. Quant au fournisseur d’accès à Internet, c’est un organisme ou une entreprise qui offre une connexion au réseau informatique Internet. Dans de nombreux pays, beaucoup de société d’Etat de télécommunications sont également des FAI. Ainsi, tout comme dans le domaine de la téléphonie, ces entreprises disposent d’un réseau d’abonnés qu’ils fidélisent en leur offrant des services de qualité. En France, par exemple, les plus grands fournisseurs d’accès Internet sont France Télécoms, Neuf Cegetel, Free qui comptaient fin décembre 2007, respectivement 7,3 millions de clients (49% de parts de marché), 3,22 millions de clients (21% de parts de marché), Free, 2,9 millions d'abonnés (19,7%) de part de marché. En France, Internet haut débit a représenté en 2007 un chiffre d'affaires de 1,178 milliard d'euros, soit une augmentation de 36,2% par rapport à 2006.
L’internet au Bénin, avril 2008, © CIPB
10
Deuxième partie Etat des lieux de l’usage d’Internet au Bénin
L’internet au Bénin, avril 2008, © CIPB
11
1
Historique et cadre réglementaire
1.1
Historique d’Internet au Bénin
Le développement d’Internet au Bénin est très récent. La première passerelle à Internet a été installée en 1995, lors du Vè Sommet de la Francophonie. A cette époque, France Cables et Radio, filiale de France Télécoms avait une liaison Internet de 64 kilobits par seconde pour la couverture du Sommet. La connexion était gérée par l’Office des Postes et Télécommunications (OPT), aujourd’hui Bénin Télécoms. Un an plus tard, face à la forte demande de connexion qui s’est exprimée, l’infrastructure de l’OPT s’est révélée de plus en plus insuffisante. En 1997, le Bénin a bénéficié du projet américain ‘’ Leland Initiative’’, destiné à renforcer la présence d’une vingtaine de pays africains, sur les autoroutes de l’information. Ce projet a permis au Bénin d’élever sa liaison internationale à 128 kbps au début de l’année 1998, à travers le prestataire américain MCI. Bien avant la connexion OPT, quelques rares Béninois jouissaient depuis 1994 d’Internet (notamment le courrier électronique), grâce à l’entreprise BOSS (Bénin Online Service System) qui proposait à la sous-région ouest-africaine, un accès par UUCP (Unix to Unix CoPy), un système de transfert de fichiers. Au début d’Internet au Bénin, les prestations de services Internet étaient assurées par des établissements qui faisaient également office de fournisseurs d’accès. Ces établissements, pour la plupart, ont installé des cybercentres (ou cybercafés) qui permettent à ceux qui ne disposent pas d'ordinateur d'utiliser Internet en échange d'une redevance. Il s'agit de l'Office des Postes et Télécommunications (OPT), de la société SECN, de la Société EIT, de Firstnet, des Arts Bobo, de SOBIEX Informatique, du Centre Syfed-Refer devenu Campus numérique et du Ministère du Plan. Les deux derniers sont des fournisseurs d'accès non commerciaux. Mais ces établissements et structures utilisaient la technologie RTC qui disposent des bandes passantes très faibles. Aujourd’hui, ces bas débits de la technologie RTC sont de plus en plus délaissés au profit du haut débit de la technologie ADSL promue par de nouveaux fournisseurs d’accès internet.
1.2
Cadre réglementaire et politique de développement d’Internet
Le développement d’Internet, et des Nouvelles technologies de l’Information et de la Communication en général s’est effectué au Bénin en l’absence d’un dispositif réglementaire et législatif spécifique. Le cadre institutionnel sur lequel repose les TIC demeure la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 qui prescrit à l'Etat l'obligation d'assurer un égal accès des citoyens à l'information, l'obligation d'éducation, l'obligation de garantir la liberté de la presse sous la régulation d'une Haute Autorité de l'Audiovisuelle et de la Communication (HAAC). En février 2003, le gouvernement béninois a adoptée une Déclaration intitulée `'Politique et stratégies des TIC au Bénin'', politique dont l'objectif est de « faire du Bénin d'ici 2025 une Société d'Information solidaire épanouie et ouverte ».
L’internet au Bénin, avril 2008, © CIPB
12
A travers cette déclaration, l’Etat béninois a affirmé la nécessité de s’approprier les TIC dont le développement permettra à l’ensemble de la population béninoise de devenir des « cybercitoyens », participant efficacement à la gestion de la démocratie, ayant les connaissances et le savoir-faire nécessaires pour être présents au rendez-vous de la mondialisation et apporter au marché international, les innovations issues de leur génie endogène. Selon la Déclaration, ce développement facilitera, au Bénin, le renforcement et l'optimisation des performances de tous les secteurs se rapportant à la vie humaine, générant en l'occurrence une économie prospère et compétitive ainsi que le bien-être pour les individus et la Nation. Vingt-deux stratégies, articulées autour des cinq piliers, sont par la suite énoncées. On peut noter en particulier, la « promotion des structures et associations professionnelles intervenant dans le domaine des NTIC » ; la création d’un fonds d’appui, l’extension du réseau électrique, l’équipement de tous les établissements scolaires et universitaires, le développement des logiciels libres, le renforcement des systèmes d’information administratifs, le développement de la coopération régionale, africaine, internationale, avec les pays asiatiques notamment. Le « Plan d’action » se décline en 154 actions indicatives, sur la base des stratégies précédemment énoncées et couvre pratiquement tous les secteurs du développement national. Il est censé être réalisé progressivement jusqu’en 2025, afin que la vision politique soit atteinte. Enfin, la partie « Orientations programmatiques et financement » stipule que la mise en œuvre des actions nécessite l’intervention de tous les acteurs nationaux (Etat, société civile, secteur privé) et des partenaires au développement : « Le financement des différentes actions incombe respectivement à l’Etat et au secteur privé. La création du cadre institutionnel approprié et incitatif pourra susciter l’engouement du secteur privé à opérer dans le secteur… Les organisations non gouvernementales (ONG) ayant pour vocation d’opérer dans le secteur s’impliqueront également dans la mise en œuvre de ce plan d’action… Le gouvernement sollicitera l’appui technique et financier des partenaires au développement pour assurer de façon globale la mise en œuvre de cette politique ». En août 2006, le gouvernement a procédé à l’adoption d’un Plan TIC intitulé ‘’ Feuille de route pour l’assainissement, le redressement et la dynamisation du secteur des télécommunications et des TIC au Bénin’’. La mise en place d’une telle feuille de route découle du constat des pouvoirs publics béninois, selon lequel l’environnement des Télécommunications et des TIC est marqué par « une inorganisation durable doublée d’une ouverture incontrôlée et tous azimuts, sans vision à long terme et en l’absence de toute Autorité de Régulation ». Le plan TIC indique qu’une réforme judicieuse et bien maîtrisée et une organisation bien structurée peuvent permettre facilement à ce secteur d’attirer des investissements importants, de favoriser la création de nombreux emplois, générer pour l’Etat des revenus confortables tout en assurant un essor économique durable à tous les acteurs et de jouer ainsi pleinement son rôle de moteur de la croissance économique. Parmi les mesures stratégiques, le Plan TIC Bénin préconise l’adoption d’une nouvelle stratégie nationale des TIC reposant sur l’ambition de faire du Bénin le quartier numérique de l’Afrique, la mise en place des politiques d’incitation à l’investissement dans les TIC, l’élaboration d’une stratégie nationale cohérente de maîtrise et de vulgarisation de l’Informatique.
L’internet au Bénin, avril 2008, © CIPB
13
1.3
Les infrastructures de base
Les infrastructures de télécommunications comprennent un réseau téléphonique de fils de cuivre et des stations micro-ondes. Pour les télécommunications internationales, il existe une station terrestre INTELSAT et un câble sous-marin. Le réseau téléphonique béninois est vétuste et caractérisé par les réseaux locaux de câbles téléphoniques qui ont été réaménagés dans les principales villes. En dépit des efforts de modernisation entrepris ces deux dernières années, la couverture reste encore insuffisante. La téléphonie communautaire a été développée à travers la mise en place des publiphones et les télécentres privés. Par ailleurs, la téléphonie rurale reste encore peu développée malgré les efforts de déploiement des équipements de VSAT par Bénin Télécoms S.A. Actuellement, Bénin Télécoms, l’opérateur historique, dispose d’un réseau fixe de 77 000 abonnés (dont plus des deux tiers sur la seule ville de Cotonou). La télé densité est de l’ordre d’une ligne pour cent habitants sur le réseau fixe. Tandis que la majorité du réseau est analogique, seules quelques centrales des villes de Cotonou et de banlieues sont numériques. Le téléphone cellulaire a connu, ces dernières années, une percée fulgurante sur le marché béninois. Le nombre d’abonnés au téléphone cellulaire est de 1.250.000 clients en août 2007. Cependant, le taux de couverture du territoire national reste encore faible. Cinq opérateurs GSM sont présents sur le marché béninois : Libercom, Moov, MTN, Bell Bénin et bientôt Globa Com. Depuis 2004, Bénin Télécoms développe un partenariat avec la société chinoise ZTE. Ce partenariat a permis le lancement, en août 2007, d’un réseau de téléphone fixe sans fil de type CDMA. Cette technologie mobile reconnue comme de troisième génération doit permettre à Benin Télécoms de combler le déficit de couverture nationale du téléphone conventionnel et du réseau GSM et de satisfaire la demande des abonnés Internet qui deviennent de plus en plus nombreux. En 1997, l’opérateur public s’est connecté à un vaste projet de câbles sous-marins à fibres optiques (SAT3/WASC/SAFE) reliant d’une part le Portugal à l’Afrique du Sud, avec des points d’atterrissage dans plusieurs villes côtières de l’Afrique de l’Ouest dont Cotonou, et d’autre part l’Afrique du Sud à la Malaisie en passant par l’Ile Maurice et la Réunion; soit une liaison de 28 800 Km de long. La mise en service du câble est effective depuis le 8 novembre 2002. Elle a permis un accroissement conséquent de la bande passante disponible dans de nombreux pays côtiers. La connexion Internet ne s’effectuait auparavant que par des connexions satellites ne délivrant chacune que des débits de l’ordre de quelques Mbit/s. C’est ainsi que les pays bénéficiaires ont pu ajouter, courant 2003, à leur bande passante totale constituée de plusieurs connexions VSAT de 2 Mbit/s, une connexion par fibre optique délivrant 50 Mbit/s. Grâce à cette infrastructure, le Bénin s’est doté d’une bande passante de 512 Mbits/s pour les télécommunications internationales, dont 45 Mbps est dédié à l’Internet. Mais jusqu’à ce jour, le câble sous marin SAT3 n’est exploité qu’à 12% de sa capacité, faute d’extension à l’intérieur du pays et de liaisons avec les pays de la sous-région. Depuis quelques mois, plusieurs projets d’extension du réseau de fibre optique ont été relancés, entre autres, la construction des axes fibre optique Cotonou- Hillacondji, Parakou - Malanville, Parakou – Porga. Il faut également noter l’augmentation de la bande passante de 45 Mbts à 500 Mbts. De plus, le Bénin a pu conserver son raccordement au SAT3 grâce à un nouvel investissement de l’ordre de 15 milliards de francs Cfa, effectué par le gouvernement.
L’internet au Bénin, avril 2008, © CIPB
14
2
Le paysage actuel d’Internet au Bénin
2.1
Les fournisseurs d’accès Internet
En dehors de Bénin Télécoms qui reste le principal fournisseur d’accès Internet au Bénin, plusieurs opérateurs privés fournissent l’accès Internet par réseau téléphonique commuté (RTC), par boucle locale radio, par satellite VSAT ou par ADSL. Le nombre d’abonnés RTC était de 6461 en 2005. Leur nombre se réduit du fait de l’avènement de la technologie ADSL. En ce qui concerne la technologie ADSL, deux fournisseurs se disputent aujourd’hui le marché béninois. Il s’agit de Pharaon Télécoms et de OTI qui disposent, chacun, d’une bande passante de 10 Mbts. La situation de la connectivité jusqu’à fin décembre 2007 au niveau de Bénin fait état de : 1991 abonnés par liaison RTC, 2006 par liaison ADSL, 21 par liaisons Spécialisées (Wireless et autres). En mars 2007, on dénombrait 60 sites nationaux ‘’.bj’’. Par ailleurs, une vingtaine d’opérateurs (VSAT, WIFI, WIMAX...) fournissent essentiellement des services Internet, de voix sur IP et de centres d’appel. Ils ont tous leur fournisseur à l’étranger. Mais ils demeurent aussi clients de Bénin Télécoms pour les lignes téléphoniques ou une connexion ADSL en secours. Ils sont de 2 catégories : les exploitants à des fins commerciales et les exploitants administratifs pour réaliser les connexions des structures et des filiales à l’étranger ou à l’intérieur. Les liaisons varient entre 2Mbps à 64 kps.
2.2
Les cybercentres et la présence béninoise sur Internet
Le développement d’Internet au Bénin a été suivi de l’ouverture et de l’exploitation de nombreux cybercentres dans les principales villes du pays. Ils sont les principaux lieux d’accès à Internet pour la plupart des internautes béninois. Les premiers cybercentres étaient détenus par les établissements prestataires des services Internet. Mais, d’autres opérateurs vont intervenir, par la suite, dans cette activité, soit sous initiatives personnelles, soit sous forme d’ONG. En 2003, il a été dénombré environ 7603 télé-centres privés offrant sur le plan national des services afférents à l’accès Internet et à la formation en informatique et à Internet. Du fait des problèmes de connectivité et de rentabilité, la plupart des cybercafés se déploient dans les grandes agglomérations. Pour permettre l’accès à un plus grand nombre de personnes, le gouvernement du Bénin avait mis en place en 2002 une vingtaine de télé-centres communautaires parmi lesquels cinq offraient des services Internet répartis sur le territoire national. Malheureusement, ce projet, pour des raisons de mauvaise gestion, n’a pas atteint les objectifs escomptés. Tout comme l’abonnement à la connexion à Internet, le taux d’utilisation d’Internet reste encore très faible au Bénin. Les internautes sont concentrés dans les grandes villes du pays, notamment à Cotonou, Porto-Novo et Parakou. Le faible taux d’usage d’Internet se justifie surtout par le fait qu’une partie importante de la population alphabétisée ne maîtrise pas l’outil informatique.
L’internet au Bénin, avril 2008, © CIPB
15
2.3
La cybercriminalité au Bénin
La cybercriminalité est définie toutes les formes d'activités criminelles conduites à partir d'un ordinateur dans l'espace d'un réseau local ou d'une entreprise, ainsi que d'un réseau plus large comme Internet. La cybercriminalité est immatérielle et transfrontalière. Selon le « Internet Crime Complaint Center » (IC3), elle sera exponentielle si des mesures hardies ne sont prises. Le Bénin n’échappe pas à ses pratiques qui polluent l’environnement d’Internet de par le monde. Le phénomène se caractérise essentiellement par des escroqueries qui sont commises par des internautes à partir de « cybercafés ». La cybercriminalité se manifeste au Bénin de diverses façons : • Les spams relatifs aux transferts de sommes faramineuses, aux invitations à des colloques, aux représentations commerciales, etc. • Les spams de désinformation et de manipulation • Les réseaux de photos pornographiques et promesses de mariage fictives • Les vols d’identité et d’adresses IP • Les ventes frauduleuses de billets d’avion • Les appels téléphoniques suite à des recherches minutieuses sur Internet • La délivrance de faux diplômes • Les achats de matières premières pour des usines pharmaceutiques fictives • L es intrusions motivées par des prouesses informatiques Beaucoup d’internautes mordent souvent à l’appât des cybercriminels dont les plus grands activistes proviennent au Nigéria En l’état actuel des choses, les forces de sécurité béninoises ne sont pas en mesure de lutter efficacement contre ce type de délinquance. D’abord cette difficulté s’explique par l’absence d’une cyberpolice dans le Bénin. De plus, le cybercrime n’est pas encore bien intégré dans le droit positif béninois. Au niveau des tribunaux, il est souvent assimilé aux affaires de sorcellerie d’autant qu’il est très difficile pour un juge, aux connaissances limitées en informatiques, de réprimer des faits immatériels.
L’internet au Bénin, avril 2008, © CIPB
16
Troisième partie Problèmes et Recommandations
L’internet au Bénin, avril 2008, © CIPB
17
1
Problèmes
Bien qu’il soit souvent cité parmi les tout premiers pays de la sous-région à adopter les technologies de l’information et de la communication, le développement des services d’Internet tarde encore à se démocratiser au sein de la population béninoise. Pourtant au niveau des infrastructures de base, le Bénin avait l’avantage de s’être connecté à la fibre optique. Cette technologie qui était censée augmenter la bande passante a été pendant longtemps sous exploitée. En dépit des efforts déployés, il y a quelques mois, par le gouvernement, le niveau de la bande passante reste toujours faible. De la sorte, les téléchargements sont extrêmement lents, parfois difficiles avec la menace permanente d’une coupure de connexion. La téléphonie sur internet donne des sons affreux, les visites virtuelles montrent des images hachées, les salons de bavardage ne permettent pas toujours les réponses instantanées, etc. Aujourd’hui, le taux de pénétration d’Internet au Bénin reste des plus faibles au sein de continent africain. Selon le tableau de classification produite par le Network Readiness Index (Indice de Préparation interconnecté)1 pour l’année 2006-2007, une étude d'évaluation publiée par le Forum économique mondial, le Bénin occupe la 109è place des pays ayant fait des progrès en matière d’adoption des TIC en général et de l’outil internet en particulier. Le faible développement d’Internet au Bénin est en partie lié au faible niveau d’alphabétisation et surtout à la non maitrise de l’outil informatique par une frange importante de la population instruite. Une récente enquête sur les TIC au Bénin a révélé un très faible niveau d’utilisation de l’ordinateur par les Béninois. Sur 9 869 personnes interrogées, seulement 18,4% savent manier l’outil informatique. 23,5% des travailleurs l’utilisent dans leurs activités professionnelles et un peu plus de 26% à la fois dans leurs activités personnelles et professionnelles. Le niveau d’utilisation de l’ordinateur est encore plus bas dans la partie septentrionale du pays au point que, dans certaines communes du Nord, il n’est même pas possible de trouver un seul ordinateur. Le même constat s’étend au niveau de l’administration. En dépit du fait que plusieurs services de l’administration se dotent progressivement d’une connexion Internet, l’usage de cet outil à des fins professionnelles n’est pas encore totalement une réalité. Ainsi, très peu de ministères disposent de site internet opérationnel. De même, le e-administration (service public en ligne), en nette progression dans certains pays africains comme Mozambique, avec le portail http://www.developmentgateway.org ou en Afrique du Sud, avec le Guichet unique du Cap (http://www.capegateway.gov.za), n’est pas encore inscrit dans les ambitions des pouvoirs publics béninois. Le coût de la connexion constitue un autre facteur limitatif des Béninois à l’accès Internet. Le coût d’obtention d’une connexion Internet reste des plus élevés de la sous-région, en dépit du faible pouvoir d’achat des Béninois. Au Bénin, la redevance mensuelle pour une connexion ADSL de 512 kbps varie entre 80.000 et 120.000 F CFA, selon le fournisseur alors qu’au Sénégal, elle est à 19 900 F CFA à la Sonatel (Société Nationale des Télécommunications).
1
Le Network Readiness Index mesure surtout la propension des pays à exploiter les opportunités offertes par les TIC.
L’internet au Bénin, avril 2008, © CIPB
18
Les fournisseurs d’accès Internet justifient le coût relativement élevé de la connexion par les tarifs de l’opérateur historique qui ne leur offre pas les facilités nécessaires sur les services de base pour leur permettre de pratiquer en aval des tarifs accessibles au plus grand nombre de Béninois. Les coûts d’achat de la bande passante demeurent un handicap. Ainsi, par exemple, la location de liaison de fibre optique (I-One) est actuellement facturée à un million de F CFA alors qu’au Sénégal, elle est de 200 000 F CFA. Toute chose qui conduit à des tarifs de communication peu attrayants car encore trop élevés pour les populations. Les problèmes d’alimentation électrique rendent les investissements bien plus importants que partout ailleurs. Les opérateurs sont obligés de prévoir des onduleurs et stabilisateurs de courant, pour compenser les baisses de tensions et préserver les appareils trop sensibles aux variations de courant, ainsi que des groupes électrogènes, pour pallier les fréquents délestages. De plus, au niveau de l’Etat, malgré l’ambition affichée par les pouvoirs publics de faire du Bénin le quartier numérique de l’Afrique, aucune mesure incitative n’est prise pour encourager les opérateurs des TIC en général et ceux des services Internet en particulier. Le secteur n’est pas inscrit au Code des Investissements. Aujourd’hui, beaucoup de cybercafés, confrontés à des difficultés financières, sont contraints au dépôt de bilan. Les fournisseurs d’accès Internet sont également bloqués dans l’extension de leur réseau à cause du désir manifeste de l’opérateur historique d’aller en concurrence avec eux. Bien que Bénin Télécoms ait choisi de se tourner vers les pays asiatiques pour acheter le trafic de base, force est de constater que la baisse du tarif qu’elle devrait induire ne rejaillit guère ni sur ses partenaires opérateurs, ni sur les populations. Le rôle de l’opérateur historique dans un contexte de libéralisation serait d’investir dans les infrastructures de base et de vendre ces services de base à des opérateurs privés désireux de promouvoir de nouveaux services à valeur ajoutée. Il se trouve aujourd’hui au Bénin que les contenus locaux ne sont pas hébergés localement. La quasi-totalité des sites béninois sont hébergés à l’extérieur, notamment à cause des différentes contraintes auxquelles les fournisseurs de services Internet doivent faire face (faiblesse de la clientèle, cherté de l’accès aux réseaux, etc.). L’hébergement local de contenus ne peut mieux se faire que lorsqu’il existe des points d’échanges Internet2 (indispensable pour le développement du trafic local) ainsi que les infrastructures de colocation3. L’absence de point d’échanges internet et l’acheminement du trafic local à travers des circuits internationaux sont notamment à l’origine des problèmes majeurs tels que le gaspillage des ressources (compte tenu de la cherté des communications au Bénin), l’asphyxie financière des fournisseurs de service Internet (qui supportent des charges élevées), la faiblesse des contenus et applications développés localement. Malheureusement, à l’étape actuelle des choses, il s’est avéré qu’en hébergeant son site en France, le service coûte douze fois moins cher qu’au Bénin, car il est quatre fois plus performant (vitesse des processeurs) et offre un débit trois fois supérieur. 2
Le point d’échange Internet (Global Internet eXchange, GIX) est un lieu physique où sont implantés des équipements électroniques (swichts, PC, etc.) et où s’échangent des trafics de chaque opérateur Internet. Lorsqu’on veut visiter un site web au Bénin, par exemple, on passe presque toujours par Paris, sauf si l’hébergeur du site est le fournisseur d’accès du visiteur. L’implantation d’un GIX local permet au trafic local de se faire sans passer par Paris. Cela améliore les temps de réponse, facilite certains usages (videoconférence sur IP par exemple).
3
La colocation consiste à loger des infrastructures d’Internet dans un centre d’hébergement spécialisé appelé Datacenter qui offre plus de garantie de
sécurité et favorise une meilleure connectivité.
L’internet au Bénin, avril 2008, © CIPB
19
2
Recommandations
L’ambition de faire du Bénin un quartier numérique de l’Afrique doit s’accompagner d’une série de mesures pour permettre l’accès à Internet à un plus grand nombre de Béninois. 2.1
Le cadre juridique et institutionnel • Il est nécessaire de mettre en place un cadre réglementaire et législatif concerté pour traiter des problèmes lies au développement des TIC, notamment la provision de licences aux opérateurs, la gestion des fréquences radio, l’arbitrage des disputes, la gestion du nom de domaine .bj, et enfin les recours et plaintes des usagers. La mise en place de ce cadre passe par un élargissement des compétences de l’Autorité de Régulation des Télécommunications qui doit être compétente et indépendante. • Le Bénin doit s’efforcer de passer le cap d’éternel consommateur des progrès technologiques pour devenir aussi un fournisseur de technologies. Aussi, est-il important de développer des centres de recherche ayant pour principale vocation : l’appropriation et l’adaptation au contexte béninois des évolutions majeures dans le secteur des TIC (reconnaissance vocale, langage naturel…) en général et d’Internet en particulier (gestion du contenu en langues locales). • Par rapport à la gouvernance d’Internet, le Bénin doit s’impliquer davantage dans les débats sur cette question ainsi que sur tous les enjeux liés à la société de l’information. Il s’agira surtout d’intégrer la législation d’Internet dans le droit positif béninois.
2.2
Les infrastructures de base • L’Etat doit poursuivre son effort d’extension du réseau de fibre optique afin de donner la chance à toutes les régions du pays de bénéficier des TIC en général et d’Internet en particulier. Dans la même optique, il doit déployer des technologies d’accès vers l’abonné pour le raccorder à la fibre optique. Il conviendra, par exemple, de raccorder les nœuds de l’axe à fibre optique (épine dorsale Cotonou-Parakou) à tous les abonnés intéressés fortement demandeurs des services des nouvelles technologies. • Pour permettre le développement de l’ADSL, qui présente un niveau de performance élevé et des capacités fonctionnelles exceptionnelles de débit, il est indispensable que Bénin Télécoms lance un vaste plan de développement du réseau traditionnel cuivre, seul capable d’acheminer les technologies d’accès à haut débit (ADSL suppose l’existence d’un réseau filaire étendu). • Les points d’échanges et les centres de colocation sont essentiels pour encourager l’hébergement des contenus locaux. L’Etat doit s’y investir en même temps qu’il doit veiller à la qualité de la bande passante. Certaines applications nécessitent une bande passante de grande qualité, à travers des liaisons par fibre optique, et ne peuvent fonctionner correctement sur des circuits satellitaires. L’exemple le plus patent est celui de l’hébergement des sites musicaux et des medias en ligne. De même, certaines applications de la téléphonie sur IP (VoIP) nécessitent un hébergement de grande qualité qui n’est favorisé que par l’existence de point d’échanges Internet, des centres de collocation et des réseaux à fibres optiques de qualité.
L’internet au Bénin, avril 2008, © CIPB
20
2.3
Les opérateurs privés • L’Etat doit manifester une réelle volonté de soutenir le secteur privé, en imposant à l’opérateur historique une véritable impartialité dans ses rapports avec les prestataires de service Internet. • Il est important d’inscrire le secteur des TIC dans le Code des Investissements au regard de lourds investissements qu’il draine et de la quantité importante de main d’œuvre qu’il absorbe. • L’Etat doit permettre aux fournisseurs d’accès Internet de se déployer aisément. Bénin Télécoms doit s’engager sur les délais de traitement de leurs demandes d’extension (raccordement de leurs abonnés, hébergement et colocation, déploiement de nouveaux équipements sur les centraux).
2.4
L’administration • L’Etat doit encourager la création des sites web au niveau des ministères et des services de l’administration. • Une formation des agents de l’administration est nécessaires afin de les mettre au fait des Nouvelles Technologies afin qu’ils en fassent un usage professionnel. • L’Etat doit promouvoir la e-administration aussi bien au niveau central que local, en donnant la possibilité aux usagers de faire des formalités en ligne et de disposer des renseignements utiles sur les divers services administratifs. • Dans le cadre de l’amélioration de la gouvernance, chaque administration doit disposer d’un réseau intranet pour donner plus de célérité aux dossiers et favoriser un meilleur partage de l’information. • Les pouvoirs publics doivent promouvoir l'intégration de l'outil Internet aux programmes scolaires
2.5
La lutte contre la cybercriminalité • Mettre en place une stratégie nationale de lutte contre la cybercriminalité • Une unité spécialisée de police doit être créée pour renforcer la Brigade Économique et Financière • Des juges d’instructions doivent être formés • Les gérants de cybercentres doivent être sensibilisés et formés
L’internet au Bénin, avril 2008, © CIPB
21
Conclusion Internet se révèle aujourd’hui être un outil incontournable dans la Nouvelle Société de l’Information. Pour les entreprises, il est au cœur des manœuvres pour le contrôle des marchés en même temps qu’il facilite l’acquisition et le partage des connaissances. L'information est devenue une ressource tellement précieuse que le destin des nations modernes, pour l'essentiel, est lié à leur capacité de la développer et de l'exploiter. Mais le développement d’Internet au Bénin se heurte à de nombreux goulots d’étranglements qu’il importe de lever sous peine de voir le pays rater le train du développement.
L’internet au Bénin, avril 2008, © CIPB
22