Le paradoxe de l informel

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Le paradoxe de l’informel : 3% des recettes fiscales pour 60% de la valeur ajoutée Bien que contribuant pour 60% dans la valeur ajoutée globale, le secteur informel en Afrique de l’Ouest ne paye que 3% des recettes fiscales, révèle Ahmadou Aly Mbaye, économiste sénégalais. (Les Afriques N° 110 - 4 au 10 mars 2010)

Les Afriques : Professeur, vous venez d’achever une étude sur le secteur informel au Bénin, au Burkina et au Sénégal. Pourquoi une telle étude ? Ahmadou Aly Mbaye : Cette étude est l’une des conséquences d’une analyse faite en 2002, en partie consacrée à la question du cadre réglementaire permettant à l’entreprise privée de se développer. C’est là que nous avons été confrontés au problème du secteur informel. Nous avons convenu de la nécessité d’approfondir la réflexion, pour avoir une meilleure visibilité sur le cadre réglementaire de nos pays. L’étude, financée par la Banque mondiale, a démarré depuis 2007. Nous avons enquêté, au total, sur 900 entreprises, du gros informel et du petit informel, au Sénégal, au Burkina et au Bénin. C’est la première fois qu’est constituée une base de données aussi complète sur l’entreprise privée. La plupart des autres études sur la question n’ont jamais couvert toutes les catégories d’entreprises privées. Nous avons conçu un bon échantillon stratifié, puis fait des interviews pour recueillir les opinions des dirigeants, des fonctionnaires, bref des acteurs, en sus des données secondaires comme les comptes nationaux.

Les Afriques : Quels sont les principaux résultats de l’enquête ? Ahmadou Aly Mbaye : Notre objectif était de jeter un regard critique sur le secteur informel en Afrique de l’Ouest. Nous nous sommes rendu compte que l’idée, généralement répandue, qu’il n’y avait pas de données sur l’informel, n’était pas une idée avérée. Il y avait bel et bien des données sur le secteur. Seulement, le phénomène est tellement complexe que chaque pays avait tendance à compiler ses données. Les pays avaient une acception de l’informel qui ne permettait pas une comparabilité à l’échelle internationale. Il fallait donc caractériser l’informel dans nos pays. Cela nous a permis de dégager quelques caractéristiques. La première, c’est la présence du gros informel. Il s’agit de gros acteurs, qui ont une surface financière extrêmement importante, mais qui sont restés informels dans leur mode d’organisation de grande entreprise, où une seule personne régente tout. Il n’y a aucun département fonctionnel, pas de service des approvisionnements, pas de service financier, ni de direction du personnel, avec à la clé une comptabilité externalisée. Cela pose problème. C’est un modèle intéressant à étudier pour nous, parce que ce sont quand même des gens qui ont réussi dans un environnement difficile. Ce sont des gens partis de rien et qui ont pu faire croître leurs activités jusqu’à devenir des acteurs incontournables d’un secteur donné. D’un autre côté, l’analyse-type d’acteurs révèle la fragilité de leur modèle d’organisation, car lorsque le promoteur meurt, l’entreprise disparait ou l’Etat se rappelle que l’entreprise devait beaucoup d’argent au fisc. Par ailleurs, nous avons constaté que les acteurs de 1


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