LES SUBVENTIONS AMÉRICAINES ET L'ARBITRAGE DÉCIDERONT DU SORT DU COTON 2011 Une interview réalisée par Élise Jacqueson et publiée dans l’Agefi Suisse. 11/01/2011
Comme nombre de matières premières, le coton a vu son prix exploser en 2010. Il a plus que doublé en une année. Le 21 décembre dernier, il a même atteint son plus haut niveau depuis la guerre civile américaine (1861-1865) à près de 1,60 dollar la livre. Pourquoi a-t-il atteint ces sommets ? Comment le cours du coton va-t-il se comporter en 2011 ? État des lieux et perspectives avec Romain Lathière, gestionnaire de fonds chez Diapason Commodities Management, à Lausanne. Comment explique-t-on l'envolée du prix de la livre de coton en 2010 ? Romain Lathière: Celle-ci était assez prévisible. Notamment en raison des stocks qui sont à leur plus bas niveau depuis la guerre de Sécession. Ils sont quasiment nuls. Ces dernières années, les stocks ont globalement diminué, à part en 2008 où la demande était moindre. La Chine a essayé de faire baisser le prix en mettant physiquement du coton sur le marché mais l'impact ne s'est pas avéré concluant. Quant aux stocks aux États-Unis, ils sont ridicules. Les fermiers américains se sont dépêchés de vendre leur production lorsque le prix était au plus haut. Les chiffres des stocks de début de campagne, qui donnent une vision globale des réserves avant que la prochaine récolte ne soit semée parlent d'eux-mêmes. Aux États-Unis, ceux-ci étaient de 10 millions de balles en 2009, 6,34 en 2010 et chutent à 2,95 en 2011. A quoi doit-on la fonte des stocks dans le monde ? Il y plusieurs raisons. L'une des principales est la forte demande (50 millions de balles) en provenance de la Chine, qui est en même temps le premier producteur mondial de coton avec 32 millions de balles en 2010. Ainsi, non seulement les Chinois gardent leur production pour couvrir leurs propres besoins mais ils doivent aussi en importer d'un peu partout. Par ailleurs, les récoltes ont été mauvaises. En Chine mais aussi en Inde, importateur devenu exportateur notamment pour son voisin chinois. Certains observateurs évoquent une baisse du prix du coton en 2011. Cela n'est-il pas impossible tant que les stocks n'ont pas retrouvé un niveau plus haut ? Il est encore trop tôt pour savoir comment va évoluer le prix du coton l'année prochaine. Ce qui est sûr, c'est qu'une importante volatilité s'est emparée des marchés. Il est possible que la livre enregistre une petite correction à la baisse ces deux prochains mois. Actuellement, le cours a déjà un peu diminué depuis son plus haut la semaine dernière. Mais, pour avoir une idée de la production, il faudra réellement attendre la fin du mois de mars, voire début avril, car c'est à cette période que l'on commence à replanter. Tout en sachant que les marchés se basent principalement sur les chiffres américains, ceux en provenance de Chine n'étant pas nombreux et à prendre avec des pincettes. En ce qui concerne les États-Unis, on peut penser qu'ils vont augmenter le nombre de terres dédiées au coton. Mais c'est difficilement prévisible car cela dépend des subsides qui seront versés aux fermiers américains. De plus, comme le prix d'autres matières premières ont également explosé, un arbitrage aura lieu. Les producteurs choisiront de cultiver ce qui leur rapportera le plus. Ensuite, il faudra attendre juillet pour savoir si la récolte s'annonce bien. Le gros souci est que le
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coton américain n'est pas de très grande qualité. Les aléas de la météo font que les rendements varient beaucoup. Quand les plants sont arrachés ou tout simplement inutilisables, lorsque la fibre de coton est jaunie par le vent. Les producteurs se retrouvent alors avec des récoltes invendables. Quelles répercussions aura l'envolée du prix du coton sur l'industrie du textile ? Ce n'est pas mon domaine mais il paraît évident que celle-ci sera impactée. Toutefois, le prix du pétrole est aussi très élevé. Cela aura donc une incidence sur le prix de l'acrylique qui devient cher également. Cela donnera lieu à un arbitrage. Par ailleurs, les maisons de trade qui restent sur le marché sont à même de hedger des hausses de matières premières telles que celle que l'on connaît aujourd'hui avec le coton.
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