DÉMATÉRIALISATION & INTERNET : RÉVOLUTION DE LA CONSOMMATION MUSICALE
Olivier LALANE | Sarah BRUN | L3 Communication des Organisations | 2012
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Introduction L’industrie musicale est en pleine mutation : les télécommunications via Internet et la dématérialisation viennent bouleverser les habitudes de distribution et de promotion de la musique. L’évolution des supports de fixation de la musique a toujours entrainé des modifications des comportements concernant sa consommation. Ainsi, alors que la musique était un produit d’art, elle devient au 20ème siècle un produit de consommation de masse. La cause de ce revirement majeur, c’est l’enregistrement et la reproduction du son. Cet acte fondateur a permis à la musique de pénétrer les foyers et de créer une nouvelle industrie. La musique vient dès lors à l’individu, qui n’a plus besoin de se déplacer au concert. La consommation en est profondément transformée. Appropriation de la musique, fétichisme musical, identification, écoute répétées à souhait… Tous ces changements modifient en profondeur le rapport de l’individu à la musique. L’apparition des radios et la vente de disques signent les débuts du star-system, avec le matraquage de « tubes », et la création d’un nouveau rapport entre l’individu et l’artiste, qui crée l’attachement et l’idolâtrie. La musique, présente partout, produite en quantité de plus en plus importante, voit peu à peu sa raison d’être évoluer, et devient en moins d’un siècle un produit de consommation résolument populaire, à visée divertissante, et volontiers simplifié pour plaire au plus grand nombre. On écoute la musique pour se divertir, et non plus seulement en vue de l’émotion. Evitons les jugements de valeur sans toutefois manquer de constater que la production musicale tend de plus en plus vers la musique d’accompagnement, de « fond sonore ». Car ce qui change radicalement (parce qu’aller au concert ou jouer de la musique ne sont plus les conditions sine qua none pour en entendre), c’est la façon dont la musique s’écoute. Le contexte d’écoute classique (être assis, silencieux, concentré) est remplacé par d’autres habitudes de consommation. La musique devient un produit qui accompagne l’individu au long de sa journée. A lui le choix de ce qu’il consomme, à répétition s’il le veut. A lui le choix d’entendre de la musique tout en s’adonnant à une autre activité. L’écoute active se raréfie, un phénomène que Theodor Adorno baptise « régression de l’écoute ». Mais les modes de consommation n’allaient pas rester figés à ce qu’ils étaient devenus avec l’apparition du support disque et de la radio. Bientôt de nouvelles avancées technologiques viendraient transformer la façon d’écouter et consommer la musique. Nous assistons de nos jours à une transformation sans précédent des modes de consommation : avec la dématérialisation et l’essor des abonnements en streaming, l’écoute illimitée devient possible. En un clic (et quelques euros), c’est la quasi-intégralité de la production musicale industrielle qui s’offre à nous. Après une contextualisation, nous nous pencherons au travers de 4 articles sur les enjeux et les impacts de cette véritable révolution.
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PLAN I. Contextualisation A) Historique des supports musicaux B) État des lieux de l’industrie musicale II. Article « Musique : le téléchargement payant en croissance, le streaming audio en devenir » A) Auteur et sources B) Analyse III. Mise en perspective A) « On veut du bon son » B) « Pourquoi le CD n’est (peut-être) pas mort ? » C) « Musique : esquisse d’une industrie musicale post piratage » IV. Notre positionnement
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I) CONTEXTUALISATION A) Historique des supports musicaux La naissance de l’enregistrement Le premier support de fixation de la musique est la partition, dès les débuts du Moyen-Âge. Le marché est alors anecdotique et ne concerne que les musiciens. Il faut attendre 1877 pour qu’apparaisse le premier moyen d’écoute en dehors des concerts, le phonographe. Créé par Thomas Edison, le phonographe est le premier appareil permettant d’enregistrer et restituer la voix humaine ainsi que les instruments. Le succès est mondial. Les débuts du disque Dix ans après, Emile Berliner crée le premier support plat d’enregistrement sonore en 1887, le disque phonographique 90 tours. Disque de métal, de cire, de laque ou de vinyle, pouvant se lire avec un phonographe supportant les disques plats, celui-ci tournait à 90 tours par minutes – d’où son nom – et mesure 30cm de diamètre, soit environ trois minutes d’enregistrement par face. Il a un vif succès car il est facile à dupliquer. Sa commercialisation dure jusqu’en 1920. C’est le début du disque, de la façon dont on l’entend aujourd’hui : un disque plat permettant d’écouter de la musique. La course à la technologie A partir de cette époque, les supports musicaux évoluent pour obtenir une meilleure qualité et plus d’ergonomie. C’est ainsi qu’apparaît, quelques années après les disques phonographiques, 90 tours, le disque phonographique 78 tours. Mesurant lui aussi 30 cm de diamètre, il permet cependant
d’enregistrer cinq minutes par face environ. Les disques phonographiques 78 tours furent commercialisés jusqu’en 1950. Les ventes, importantes, ne chutent qu’à partir de l’Après-Guerre. L’album et le single En 1948, les laboratoires de la Columbia mettent au point le LP, le long-player, c’est- à-dire l’album 33 tours, destiné à l’origine à la musique classique. Il peut contenir 25 minutes de son par face, 7 fois plus qu’un 78 tours, avec une qualité excellente et une innovation : la stéréo. En réponse, RCA lance son propre support, mais à une vitesse différente, 45 tours, et pour une durée maximum de 4 minutes. Ici, les nouvelles technologies modifient les modes de consommation, et même plus que ça. Elles structurent toute la production musicale : en inventant ces deux formats, les industriels ont inventé le format de l’album (50 minutes), et le format du single (4 minutes), qui deviendront les piliers de la culture pop et rock des années à venir. La cassette et le walkman 1964, c’est au tour de la cassette de faire son entrée sur le marché Son ergonomie et son coût séduisent rapidement le grand public. En 1979, on vend aux USA autant de vinyles que de cassettes (2 milliards). Cette culture de la cassette crée de nouveaux types de consommation et favorise le partage. Les copies et les échanges de K7 sont d’ailleurs tels qu’à l’époque, on impose une taxe sur les lecteurs et K7 vierges et que l’on lance en 80 une des
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premières campagnes anti-piratage « Home Taping Is Killing Music ». Les « home-tapers » qui font des copies de cassettes sont alors considérés comme de simples pirates, alors même qu’une étude publiée la même année indique qu’ils sont aussi ceux qui achètent le plus de disques. Les années 80 marquent le début de la musique portable et de l’écoute mobile. Le walkman préfigure le baladeur MP3. Ce mode de consommation entraine un attachement fétiche à la musique qui devient plus que jamais un marqueur identitaire. L’avènement du CD La course à l’innovation se poursuit encore avec le lancement du compact disc. Le CD est lancé en automne 1982, et en 1988, les ventes de CD passent devant celles des vinyles. Cette nouvelle technologie sera une aubaine pour les grandes compagnies de disques. En effet, les faibles coûts de pressage et de duplication du CD vont leur permettre de proposer en réédition des œuvres déjà parues autrefois en cassette ou en vinyle. Ce marché du renouvellement est particulièrement prolifique et l’industrie du disque connait dès lors son âge d’or, jusque dans les années 90. L’informatique L’informatique vient alors bousculer la donne. La musique peut être stockée sous formes de données numériques. Plus besoin de support physique, la musique tient sur une suite de 0 et de 1. Le MP3 est inventé en 1992. Il permet de réduire considérablement la taille des fichiers musicaux en les compressant. Si cette innovation permet le stockage massif à une époque où les disques durs ont une faible capacité, il en résulte une vraie dégradation du son, notamment au niveau des plages
dynamiques. En 2001, le marché du MP3 explose avec le premier iPod d’Apple. Pendant ce temps, les ventes de CD vierges dépassent celles des CD. Le P2P se développe en moins de deux ans, entre 99 et 2001, atteignant un pic sur le site Naptser en 2001. La révolution numérique Baladeur MP3, Ipod, e-mule, Youtube, Deezer, Megaupload, Smartphones… Tout s’accélère très vite en faveur de la dématérialisation. L’industrie musicale doit s’adapter à un marché en pleine mutation sous l’effet des bouleversements de la « révolution numérique », et se préparer à passer du statut « d’industrie du disque » à celui « d’industrie de la musique ». Pour se rétablir, elle doit apprendre à utiliser les possibilités nouvelles qui s’offrent à elle. Depuis quelques années, on voit des formats de fichiers émergents, tels que le FLAC. Le FLAC est un format lossless (littéralement « sans perte »), ce qui signifie qu’un fichier FLAC crée à partir d’un CD a exactement la même qualité sonore. Le FLAC conserve la qualité du support original, et la compression opérée pour réduire sa taille ne détériore pas du tout le son, contrairement au MP3, qui est un format dit lossy (« avec perte »). Créer un fichier FLAC à partir du Master d’un studio d’enregistrement donne un fichier qui correspond exactement à ce qui a été enregistré. La fidélité est absolue, la qualité indépassable.
Vinyle
CD
MP3 MP3 MP3 Lossless 128kbps 256kbps 320kbps (FLAC...)
Studio Master
Qualité sonore en fonction des supports
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B) État des lieux de l’industrie musicale L’industrie du disque est en crise, et qui dit crise du disque dit de moins en moins de ventes. Les revenus de l’industrie musicale sont en baisse depuis 2002, date à laquelle les ventes de CD ont commencé à chuter pour la première fois. 2002 coïncide avec l’explosion de l’ADSL dans les foyers français, ce qui ne va pas vraiment renforcer l’amour des maisons de disque pour Internet. Depuis 10 ans, le marché physique est en baisse constante. Les ventes de supports réalisées par les éditeurs ont représenté un chiffre d’affaires de 512,1 millions d’euros en 2009, contre 1,112 milliard d’euros en 2003. Le marché du disque est passé de 2188 albums commercialisés en 2000 à seulement 946 en 2010. Ces chiffres sont encore plus marquants pour les singles, on est passé de 955 singles commercialisés en 2000 à 109 en 2010. L’enjeu pour l’industrie phonographique n’est pas de relancer le marché physique du CD, condamné à un déclin certain comme l’ont été avant lui, mais bien plutôt de s’assurer de nouvelles sources de revenus en faisant respecter ses droits de propriété sur les contenus numériques. 2011-2012 a été pour cela une année charnière, notamment pour les nouveaux modes de consommations que sont le streaming et le téléchargement légal. Les revenus du marché numérique croissent de manière exponentielle. En juillet et août 2011, cette hausse a compensé pour la première fois la perte des revenus globaux du marché physique. La réglementation de l’environnement numérique, notamment avec la loi Hadopi de 2009 (Haute Autorité pour la Diffusion des Oeuvres et la Protection des droits sur Internet), a fait entrer la filière musicale dans une phase de réorganisation. Est-ce le signe d’une sortie de crise prochaine ? D’après Pascal Nègre, PDG d’Universal France (vice-Président Universal Monde), on pourrait en sortir dès 2013. Les espoirs sont tournés désormais vers les sites de téléchargement et de streaming (voir encadré).
Les principaux acteurs de la musique en ligne :
Quelques chiffres (Source : Rapport du SNEP Évolution du marché de la musique - de Janvier à Septembre 2011 - de Janvier à Septembre 2012
de novembre 2012)
iTunes (Téléchargement) Deezer (Streaming) Spotify (Streaming) AmazonMP3 (Téléchargement) Qobuz (Les deux !)
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II) ARTICLE « Musique : le téléchargement payant en croissance, le streaming audio en devenir » A) Auteur et sources
Marc Zaffagni est un reporter spécialisé en nouvelles technologies. Il travaille pour Eurêka Presse, une agence de presse spécialisée en sports et high tech. Elle est chargée de rédiger des articles pour ZDNet, Business Mobile, CNetFrance ainsi que le fournisseur d’accès Internet Free.
Cet article, « Musique : le téléchargement payant en croissance, le streaming audio en devenir » est paru le Mardi 28 Septembre 2010 sur ZDNet. fr, un média online d’information spécialisé en technologies numériques, en particulier Internet, le high tech, les télécommunications et le business.
B) Analyse Marc Zaffagni reprend l’étude de Nielsen Music dirigée en 2010, sur « l’état de la musique numérique ». Il explique dans un premier temps que le téléchargement payant est en augmentation dans les principaux pays d’Europe : Seule l’Espagne affiche un résultat négatif qui s’explique, d’après lui, par les 43% des internautes espagnols qui se rendent sur des sites peer-topeer contre 10% seulement sur des sites de téléchargement légal.
Article complet disponible à cette adresse : http://www.zdnet.fr/actualites/musique-le-telechargement-payant-en-croissance-le-streaming-audio-en-devenir-39754917.htm
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Ajoutée à cela la stagnation du marché américain, et on comprend facilement que le streaming devient l’alternative idéale au téléchargement. De ce côté-là, la France est bien partie puisqu’elle est en tête avec la plus grande adoption du streaming en 2010 : 11,7% des internautes. Deezer est le site spécialisé le plus fréquenté chez nous avec pas moins de 4 millions d’utilisateurs uniques chaque mois. Mais les sites les plus visités restent les médias audiovisuels : YouTube et Dailymotion.
Si l’auteur ne semble pas prendre position vis-à-vis du streaming, il conclut tout de même en disant que le streaming devrait logiquement évoluer avec les Smartphones puisque de plus en plus de gens se connectent via leurs mobiles. On attend donc une innovation de ce côté-là et pendant ce temps, le streaming via ordinateur reste probablement la meilleure alternative pour éviter le téléchargement illégal.
30% 20% 10% 0% -10%
Italie
France
Allemagne Angleterre
Espagne
-20% Progression du téléchargement payant
(Etude Nielsen Music sur l’état de la musique numérique en 2010)
III) MISE EN PERSPECTIVE Nous avons décidé d’élargir le point de vue de Marc Zaffagni en examinant des articles traitant des autres enjeux et conséquences de la dématérialisation et du streaming. Le premier soulève la question de la mort programmée du CD, et remet en cause cette fameuse prophétie des industriels, le second explore l’enjeu de la qualité sonore, et l’importance croissante qui lui est accordée, tandis que le troisième donne la parole à un acteur important de l’industrie musicale, président d’un service de streaming, qui défend un modèle de distrubition différent pour prospérer malgré le piratage.
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mauvaise qualité des fichiers audio. En effet, certaines plateformes de streaming et téléchargement « fabriquent » des fichiers haute qualité à partir de fichiers basse qualité mal encodés. Cette arnaque ne se retrouve bien évidemment pas chez tous mais encore une fois la confiance de l’internaute est mise en péril. Qobuz est en tête de file en termes de qualité sonore puisque le site propose de la qualité CD sans perte (« lossless ») mais aussi pour certaines œuvres, du Studio Master, la plus haute qualité existante de nos jours.
Article complet disponible à cette adresse : http://www.lepoint.fr/chroniqueurs-du-point/guerricponcet/musique-pourquoi-le-cd-n-est-peut-etre-pasmort-25-10-2012-1521005_506.php
A) « Pourquoi le CD n’est (peut-être) pas mort ? » Dans cet article du 25/10/2012 issu du site lepoint.fr, Guerric Poncet, spécialiste en politique et économie numériques, soulève deux problèmes quant à l’utilisation du streaming. D’une part, le streaming pose un problème d’accords entre les artistes, les maisons de disques et les distributeurs. Beaucoup d’artistes ont vu ou voulu leur musique supprimée des plateformes de streaming. L’internaute ne peut donc pas avoir une confiance irréprochable quant à ces plateformes car son album préféré peut disparaitre du jour au lendemain sur une simple mésentente.
Ces deux problèmes provoquent un manque de la part des internautes et font qu’il reste encore des clients sur le marché du CD. Il n’est donc pas encore complètement mort. Cependant les amateurs de musique deviennent paresseux et encoder un CD sur son ordinateur prend un certain temps. Les acteurs de la vente musicale cherchent alors des solutions pour combiner CD et musique dématérialisée et beaucoup veulent proposer des codes utilisables sur Internet pour télécharger un album qu’on vient d’acheter en magasin. Mais les plateformes sont réticentes car elles veulent garder le pouvoir sur leur contenu et, pour l’instant, seuls la Fnac et Virgin sont en passe d’utiliser ce système.
Le deuxième problème vient de la
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B) « On veut du bon son » Dans un second temps, nous avons rapproché un article issu de Télérama écrit par Laurence Le Saux. Dans cet article du 14/11/2012, l’auteur met en parallèle le streaming et la mauvaise qualité sonore. « Nous vivons une période musicale dégradée et dégradante » : c’est ce que dit Yves Riesel, cofondateur du service de musique en ligne Qobuz, afin de mettre en avant le fait que la musique est « abimée » par les mauvaises qualités proposées par beaucoup de plateformes de streaming/téléchargement.
leur collection de vinyles. De l’autre côté on trouve les fervents défenseurs de la musique en ligne comme Yves Riesel, tournés vers l’innovation et conscients que l’avenir de la musique est dans la dématérialisation. Il faudra donc trouver un remplaçant au CD et au vinyle, qui sera probablement une forme de musique dématérialisée mais dans une qualité supérieure ou égale à celle du CD.
Le mp3 est une compression qui uniformise le son, coupe les hautes et basses fréquences et instaure un volume constant et souvent plus fort. Il est très mauvais pour les oreilles. On propose, selon Yves Riesel, aux gens de payer pour une mauvaise qualité (utilisée auparavant par les pirates pour partager rapidement des fichiers) alors que la technologie permet tout à fait de véhiculer des fichiers de meilleure qualité. Qobuz s’inscrit d’ailleurs dans cette volonté de prôner une qualité supérieure de la musique. Deux écoles s’affrontent d’après l’article de Laurence Le Saux : d’une part les pro-vinyles comme Philippe Manœuvre, qui apprécient la chaleur et l’excellente qualité du 33 tours. De plus en plus de mélomanes se remettent peu à peu à enrichir
Article complet en pièce jointe.
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C) « Musique : esquisse d’une industrie musicale post piratage. » Enfin, dans ce troisième article paru sur LeMonde.fr le 07.03.2011, Axel Dauchez, Président de Deezer, évoque le streaming et les solutions qu’il faut trouver face au piratage. Auparavant, vinyles et CD faisaient office de « médiateurs affectifs », c’est-à-dire que ces objets étaient des moyens non seulement d’aimer, mais de faire aimer à quelqu’un d’autre, la musique. L’objet est synonyme de partage. Or depuis le numérique, on remplace ce médiateur par un désir de gain de place et de mobilité. Puisque gain de place il y a, le piratage est inévitable du moment qu’on réalise qu’on peut avoir accès à tout ce que l’on veut. Selon une étude de l’IFPI (International Federation of Phonographic Industry), 95% des téléchargements sont illégaux. Mais, contrairement aux idées reçues, ce piratage de masse n’est pas propre qu’aux jeunes, mais bien à tous âges et catégories sociales. Axel Dauchez pointe du doigt les pirates qui, selon lui, « ne dépensent rien en musique ».
Quatre conséquences en découlent. 1. La revalorisation effective de la musique. 2. Les prémisses d’une méthode de financement aux artistes via la publicité. 3. Ces sites peuvent servir de promotion pour des artistes peu connus. 4. Une conversion progressive aux outils payants. Depuis l’apparition de ces sites, le piratage a commencé à freiner. Axel Dauchez écrit que selon lui, il ne faut pas dégrader les offres de sites gratuits (en limitant par exemple la durée d’écoute gratuite) afin d’éviter un retour total au piratage: Actuellement, selon une enquête de Deezer, 92% de ses utilisateurs iraient voir ailleurs si la gratuité totale cessait sur le site. Encore une fois, il semblerait que l’avenir de la musique réside dans la qualité de l’offre.
Evoquant les modèles légaux gratuits financés par la publicité (comme l’était Deezer à l’époque de la rédaction de l’article), l’auteur explique qu’ils remplacent peu à peu la radio FM. La musique semble perdre de sa valeur mais elle connait un virage en 2010 où des sites apparaissent avec pour volonté de revaloriser la musique.
Article complet disponible à cette adresse : http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/03/07/ musique-esquisse-d-une-industrie-culturelle-post-piratage_1488698_3232.html
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IV) NOTRE POSITIONNEMENT Les NTIC sont en train de modifier complétement notre rapport à la musique. On assiste à une révolution presque aussi importante que l’apparition de l’enregistrement sonore. Concernant le streaming L’arrivée des abonnements de musique illimitée streaming est un bouleversement majeur, presque aussi important que ne l’a été l’arrivée de l’enregistrement. Les modes de consommation vont être transformés de façon radicale. Aujourd’hui, on peut trouver et écouter en quelques clics n’importe quelle musique en tapant son titre dans Google. Il suffit de s’affranchir de quelques euros mensuels pour pouvoir consommer tout ce qu’on veut, partout où on veut avec un appareil mobile connecté à Internet en 3G. C’est une révolution dans la culture, qui ouvre les portes de la curiosité, stimule l’ouverture musicale, autorise toutes les façons de consommer la musique imaginables. C’est sans doute dans le développement du streaming mobile que se trouve l’avenir de la musique. Au rang des points négatifs du streaming, on pourrait citer le fait qu’on ne trouve pas encore tout dans les catalogues en ligne. Par exemple, les Beatles ne sont disponibles ni en streaming, ni en téléchargement pour des raisons de droits, tout comme Metallica. C’est un frein pour abandonner complétement le CD, pour rejoindre ce qui est dit dans l’article « Pourquoi le CD n’est (peut-être pas mort) ». Un autre problème est le risque de se perdre parmi la surcharge de contenus, induit par l’accès à tout le catalogue musical. Le consommateur est vite perdu sans indications. Le risque étant alors de tomber dans la facilité des « tops » et autres titres mis en avant par les sites. Le streaming, malgré son parfum de liberté, favoriserait le mainstream. Concernant la qualité sonore En tant qu’audiophiles, nous sommes des fervents défenseurs de la qualité sonore. Nous préférons le format FLAC (et autres formats Lossless) au MP3 qui rime souvent avec mauvaise qualité, hérité de l’époque révolue où on stockait nos fichiers sur des disques durs à faible capacité. Il faut impérativement se débarasser de cette vieille carcasse : à l’ère du péta-octet, il n’y a plus de limite de stockage alors autant profiter de la qualité maximale qu’il est possible d’avoir. Notre génération a été éduquée et habituée à de la mauvaise qualité, notamment avec la radio, le mp3, et surtout le matériel audio de mauvaise qualité, (un exemple flagrant étant les très mauvais écouteurs d’iPod, fournis en bundle avec chacun des baladeurs d’Apple). Soucieux de sortir de cette mauvaise éducation, nous sommes tous les deux abonnés à Qobuz, qui est actuellement le service de téléchargement et de streaming proposant la meilleure qualité sonore (parfois même au-dessus du CD). La qualité sonore constitue un levier capital pour amener de nouveaux clients à la musique en ligne. Concernant le piratage Sur la question du piratage, nous sommes en désaccord avec Alex Dauchez. Le piratage n’est pas seulement un ennemi. Copier n’est pas voler. Copier c’est « faire deux à partir d’un » et non pas retirer quelque chose. Le piratage n’a pas un impact direct sur les revenus des artistes ou des maisons de disque, car une personne qui télécharge une œuvre culturelle ne l’aurait pas forcément acheté si elle n’avait pas pu la télécharger. L’équation «Un téléchargement = un client perdu » est fausse. De très nombreuses études confirment notre avis et prouvent de surcroît que les personnes qui téléchargent sont celles qui dépensent le plus d’argent en CD, DVD, Blu-ray, cinéma…
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La fermeture de sites comme Napster ou Megaupload et l’établissement de lois restrictives n’ont pas changé la donne. Au contraire, comme le souligne Robert Hammond, économiste et professeur à la North Carolina State University dans son étude : « Profit leak? Pre-release file sharing and the music industry » en 2010, le piratage fait augmenter les ventes d’albums en permettant la découverte d’artistes. Le piratage n’est donc pas la vraie cause de la crise. Il est plus plausible de dire que la crise du disque est due aux habitudes de gratuité des internautes. Paul Krugman, prix Nobel d’économie, va dans ce sens et estime que le modèle économique dont le but est de vendre des copies d’une œuvre, n’est plus valable puisqu’en informatique la copie d’information ne coûte quasiment plus rien. Avant internet, le disque représentait un service : la copie d’une œuvre. Étant donné le faible coût d’une copie actuellement, son prix semble de moins en moins justifié aux yeux du consommateur. Payer pour du non-palpable, qui n’a rien coûté ou presque : difficile pour le client de consentir à l’achat ! Enfin, il faut noter combien les maisons de disque ont pris de mauvaises décisions dans leur lutte contre le piratage, sans compter qu’elles s’en sont prises aux utilisateurs innocents ! Plutôt que de laisser le consommateur utiliser sa musique achetée légalement comme il l’entend, les maisons de disque ont décidé de brider les libertés de son client par des systèmes anti copies et des restrictions multiples. Ainsi, les disques ou les titres achetés ne pouvaient pas être utilisés librement, à la différence de titres téléchargés illégalement. Ceci est et restera la plus grande erreur du secteur du disque. On sanctionne et met en garde ceux qui achètent de la musique, de la même manière que les avertissements au début d’un DVD, qui sont paradoxalement adressés à ceux qui ont payé pour avoir leur DVD... A l’heure du « tout maintenant, tout gratuit », nous pensons que le consommateur est toujours prêt à payer mais il lui faut de la qualité et une vraie valeur ajoutée. Encore faut-il qu’il prenne conscience de cette qualité. Et pour ce faire, une des missions de l’industrie de la musique sera de rendre exigeant un public habitué à la médiocrité. Concernant la dématérialisation et la mort du CD Reconnaissons-le, le disque devient un cadeau de complément ou secondaire, et il reste bien souvent sur les étagères à prendre la poussière après avoir été encodé en MP3 sur l’ordinateur personnel. Mais pour une partie non négligeable du public plus âgé et non technophile, le CD reste encore le principal support d’écoute. Les passionnés continueront également d’acheter le CD pour la plus value qu’il offre : objet de design, au look réfléchi, aux couleurs et images soigneusement choisies. En plus d’écouter la musique, les acheteurs aiment feuilleter le livret, regarder les photos, lire voire apprendre des paroles de chansons… C’est cette valeur ajoutée qui justfie l’investissement marketing qui disque n’a pas cessé d’augmenter depuis 2007. Le support CD est aussi créateur et fédérateur de modes de consommation : il définit en particulier le concept de l’album et sa durée moyenne. Avec le tout numérique et la fin des limites de stockage, un album peut être constitué de deux à vingt, trente, quarante…une infinité de pistes. Et avec la musique dématérialisée en vrac dans un baladeur, la musique est consommée de façon morcelée, piste par piste, le plus souvent en aléatoire. Dommage pour la déformation de la vision de l’artiste, qui souvent produit des albums concept, à écouter en entier, et non pas des morceaux juxtaposés sans signification. Si tout support physique disparait, la musique devient un objet de consommation jetable avec lequel l’individu n’entretient plus une dimension symbolique forte. Nous sommes, pour notre part, encore trop attachés à ça. Il faut noter cependant que, tout attachés que nous sommes au support CD pour la musique, nous avons tous deux franchi le cap de la dématérialisation pour les jeux vidéo. La raison est simple : il existe une offre légale, Steam, qui propose des jeux vidéos dématérialisés pour des prix raisonnables, avec une vraie valeur ajoutée (sauvegarde dans le cloud, mises à jour automatiques, forums, etc.). Prenez-en de la graine, messieurs de l’industrie du disque.
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SOURCES Livres : - « Le caractère fétiche de la musique », Theodor Adorno Divers : - Entretiens avec Yves Riesel, président de Qobuz Articles : - « La crise du disque va-t-elle entraîner la fin des stars mondiales de la pop music ? », Bertrand Dicale, LeFigaro.fr, 15/10/2007 - « Le bon son revient en force », Didier Sanz, Le Figaro n°121 015, 15/10/2012 Mémoires et études : - « Evolution de l’industrie musicale : stratégies marketing et nouveaux modèles économiques », Gely Bastien - « Are streaming and other music consumption modes substitues or complements? », Godefroy Dang N’Guyen, Sylvain Dejean et François Moreau, - « L’histoire technique et économique de l’industrie musicale », Mathieu Teixeira, 2008-2009 - « L’industrie du disque à l’ère du numérique : l’évolution des droits d’auteur et l’édition musicale », Joëlle Bissonnette, 11/2009 - « Musique dématérialisée : quel niveau réel de qualité musicale ? », Thierry Gluzman, Stereo & Image n°71, 01/10/2012 Rapports : - Rapport de conférence de presse du Snep des 9 premiers mois de 2012, 08/11/2012 - Rapport du Snep : « L’économie de la production musicale », 2012 - Rapport de l’IFPI : « Music at the touch of a button », 2011 - Rapport Hadopi : « Biens culturels et usages d’Internet : pratiques et perceptions des internautes français », 23/01/2012 Articles choisis : - « Musique : le téléchargement payant en croissance, le streaming audio en devenir », Marc Zaffagni, ZDNet.fr, 28/09/2010 - « Musique : esquisse d’une industrie culturelle post-piratage », Axel Dauchez, LeMonde.fr, 07/03/2011 - « Musique : pourquoi le CD n’est (peut-être) pas mort ? », Guerric Poncet, LePoint.fr, 25/10/2012 - « On veut du bon son », Laurence Le Saux, Télérama n°3 279, 14/11/2012
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