Mini-mémoire : la communication d'Act-Up Paris

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COMMUNICATION DES ASSOCIATIONS Sarah Brun - Tiphaine Ventax - Olivier Lalane - Maxence Diogon L3 COMMUNICATION DES ORGANISATIONS | UNIVERSITÉ BLAISE PASCAL | CLERMONT-FERRAND

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SOMMAIRE

INTRODUCTION............................................................................................................................4 CHAPITRE 1 : L’ASSOCIATION ET SA POLITIQUE DE COMMUNICATION I. PRÉSENTATION DE L’ASSOCIATION......................................................................................6 A. Présentation d’Act Up-Paris B. L’association en chiffres C. L’organisation D. Les valeurs et principes de l’association E. Positionnement dans la société II. LA COMMUNICATION DE L’ASSOCIATION..........................................................................10 A. La politique de communication B. Les objectifs C. Les outils

CHAPITRE 2 : ANALYSE D’UN OUTIL DE COMMUNICATION UTILISÉ PAR L’ASSOCIATION I. CONTEXTE.........................................................................................................................14 II. ANALYSE D’UN OUTIL.......................................................................................................16

A. Présentation de l’outil B. Le message C. Analyse sémiologique

CHAPITRE 3 : ÉTUDE EN RÉCEPTION

I. LES MÉTHODES UTILISÉES..................................................................................................23

II. RÉSULTATS DE L’ÉTUDE.....................................................................................................28

CONCLUSION.................................................................................................................................29 ANNEXES.......................................................................................................................................32


INTRODUCTION La société évolue grâce à l’action des militants associatifs. Pas seulement, mais en partie. Ce postulat de départ est lourd de sens. Il implique une forte responsabilité qui pèse sur les épaules des militants associatifs. A eux de remplir le rôle d’auxiliaires de l’État, à eux d’accomplir les missions qu’il est incapable de remplir. A eux d’incarner la réponse directe à un État-Providence qui manque à ses promesses. Pour Jean-Louis Laville, « l’association naît d’une absence de lien social vécue comme un manque par des personnes qui s’engagent pour y remédier dans la réalisation d’un bien commun qu’ils déterminent eux-mêmes. » Quelles associations sauraient mieux témoigner de cette situation décrite que celles qui militent contre le SIDA ? Là où un vide social est laissé, là où l’État n’est pas impliqué, ou le problème reste irrésolu, les associations viennent à la rescousse. Mais si pleines de bonne volonté soientelles, comment peuvent-elles faire entendre leur voix dans un monde au cerveau hémiplégique, dont seul le côté « entreprise » semble tourner à plein régime ? Leur communication est plus que primordiale – encore faut-il qu’elles s’en rendent comptent – et c’est pourquoi elle doit être repensée, adaptée, inventée. La communication associative s’est professionnalisée dès l’apparition des ONG, avec des objectifs concrets, une culture du résultat héritée de l’espace anglo-saxon, bassin de Greenpeace ou WWF, l’arrivée de dirigeants issus du monde de l’entreprise et des méthodes de collectes de fond inspirées du marketing direct. Mais là où une entreprise communique pour vendre des biens et des services, les associations doivent communiquer pour créer et entretenir du lien social. Comment communiquer en tenant compte de cette spécificité ? Sans doute avec des outils de communication en adéquation avec les valeurs qu’elles défendent. Les associations de lutte contre le SIDA apportent de la convivialité, de l’humain, de l’utopie, de l’espoir, de la vie là où il n’y aurait sans eux que la mort. Particulièrement touchantes parce qu’elles traitent d’un thème douloureux et difficile, elles ont eu dès le début notre faveur pour ce dossier. Nous avons choisi d’étudier Act Up-Paris, association militante de lutte contre le sida créée le 26 juin 1989, suivant le modèle américain né 2 années plus tôt. Le choix de cette association tient à l’outil de communication que nous avons pris comme objet d’étude. En effet, c’est par le biais d’une affiche que nous avons découvert l’association. Cette affiche, nous l’avions trouvée par hasard sur le net. Elle nous avait intrigués et nous a immédiatement plu car bien que très simple en apparence, elle permet, en s’y penchant, de révéler toute la richesse et l’intérêt de l’analyse sémiologique. Quand est venue l’heure de choisir une association nationale pour ce dossier, nous hésitions entre plusieurs associations de lutte contre le SIDA, et c’est après quelques recherches que notre choix s’est porté sur Act Up-Paris. Nous avons bondi sur l’occasion d’en savoir plus sur eux et sur cette affiche. Ça n’était bien sûr pas notre seule motivation. En effet, Act Up-Paris, de par ses prises de positions fortes et son engagement, résonne particulièrement en ces temps de débat autour du mariage pour tous. L’intérêt que nous portons à ce mouvement nous a donc permis d’arrêter notre choix sur Act Up-Paris, plus que les autres.

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Quelques recherches plus tard, nous nous apercevions que nous avions en réalité déjà entendu parler d’actions menées par l’association, sans savoir qu’elle en était à l’origine. C’est le cas par exemple du célèbre épisode du préservatif géant rose couvrant l’Obélisque, place de la Concorde, le 1er décembre 1993. Nous voulions étudier une association qui agit comme un véritable acteur politique, qui se bat pour ses idées, pour faire évoluer les mentalités, pour créer du lien social et tisser des ponts de solidarité entre ceux qui en ont besoin. Act Up-Paris répond à ces attentes. On parle d’Act Up comme d’une association d’activistes. Et pour cause, Act Up est actif, et sur bien des fronts. SIDA oui, mais pas seulement : droits des prisonniers, des sans-papiers, des étrangers, des homosexuels, défense de l’égalité… Et pour défendre les valeurs qui sont les siennes, Act UpParis multiplie les actions de communication. Nombre de ces manifestations sont des actions coup de poing, ayant un fort impact symbolique et médiatique. Mises en scène mass médiatiques, happenings « choc »… Contrairement aux autres associations de lutte contre le SIDA, Act UpParis n’a pas peur de se salir les mains… ni de salir les chaussures des passants (un de leurs derniers happenings consistait en une mare de faux sang répandue sur le sol en pleine ville) C’est sur le terrain qu’Act Up-Paris est dans son élément. Fermement ancrée à Paris, bien qu’association nationale, elle colle tracts, affiches, distribue préservatifs et seringues stérilisées, principalement dans la capitale et ses alentours. Mais parce que son message est universel, national, international, qu’il nous concerne tous, et parce que les outils de communication utilisés sont à visée sociale et politique, non pas commerciale, la communication d’Act Up-Paris est parfois tournée vers le grand public, et non plus vers les seules communautés homosexuelles ou séropositives. Nous avons justement décidé d’étudier leur affiche « Le SIDA ne vous concerne pas ? », datant de 2006, celle-là même qui nous avait intrigués et par laquelle nous avions découvert l’association, car elle présente un intérêt certain. D’une part en raison de son caractère unique : c’est la seule affiche de toute l’histoire d’Act Up-Paris qui a été réalisée en sous-traitance par une agence de communication, ainsi que la première campagne d’interpellation d’Act Up-Paris en direction du grand public. Mais aussi pour sa richesse, puisqu’elle est dotée d’un visuel polysémique très fort. Et enfin pour son originalité, puisqu’elle délivre un message différent de ceux auxquels nous ont habitué les associations de lutte contre le SIDA. Son message étant « Tout le monde est concerné par le SIDA », nous nous sommes dès le départ demandé si un message autre que « protégez-vous » était encore compréhensible et visible dans un contexte communicationnel saturé de messages répétitifs sur ce thème donné. Pour tâcher de répondre aux interrogations soulevées par cette introduction, nous adopterons le plan suivant : Dans un premier chapitre, nous présenterons l’association Act Up-Paris. Nous aborderons son organisation, ses valeurs et principes, son positionnement dans la société et sa stratégie de développement avant d’étudier les spécificités de sa communication. Dans un second temps, nous étudierons en détail l’affiche « Le SIDA ne vous concerne pas ? » en plaçant cet outil de communication dans son contexte théorique, en le présentant puis en en faisant une analyse sémiotique pour confirmer son message. Le dernier chapitre sera consacré à l’étude en réception de cette affiche. Nous présenterons les méthodes que nous avons utilisées pour cette enquête, les interprétations que nous faisons des résultats, et les conclusions à en tirer en termes d’efficacité de l’outil.

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CHAPITRE 1 : L’ASSOCIATION ET SA POLITIQUE DE COMMUNICATION I. PRÉSENTATION DE L’ASSOCIATION

A. Présentation d’Act Up-Paris

Act Up (Aids Coalition To Unleash Power) a été fondé à New York en 1987 par Larry Kramer, et a ensuite inspiré la création d’autres groupes aux Etats-Unis, puis en Europe. Deux ans plus tard, lors d’un reportage à New York, Didier Lestrade, journaliste pour le Gai Pied, se rend par curiosité à une réunion d’Act Up-New York. Impressionné par le système de réunions sans dirigeant où la prise de parole se fait naturellement chacun son tour, il se dit qu’une même association devrait être implantée à Paris, berceau français de la culture homosexuelle. Alors qu’il apprend sa séropositivité, il décide de se lancer et fonde Act Up-Paris en 1989, avec à ses côtés deux autres journalistes, Luc Coulavin et Pascal Loubet. Elle se définit comme « une association issue de la communauté homosexuelle, veillant à défendre toutes les populations touchées par le sida ». Née du besoin d’une association plus engagée et militante qu’Aides, Act Up-Paris voit officiellement le jour lors de la Gay Pride du 26 juin 1989 où des homosexuels portent les premiers t-shirts floqués avec le slogan et le logo de l’association. Ces hommes ne sont pas encore les premiers militants d’Act Up-Paris mais simplement quelques amis des fondateurs, de beaux homosexuels qui arborent les t-shirts commandés quelques semaines auparavant. La technique fonctionne puisqu’une vingtaine de personnes se présentent à la toute première réunion hebdomadaire de l’association. C’est la première association française de malades qui luttent eux-mêmes contre le SIDA. A l’origine d’Act Up, il y a la colère contre les pouvoirs (médical, politique, religieux) dont la passivité et les préjugés ont été (et sont encore) au cœur du désastre humain du SIDA. Dans ce sens en 1992, Didier Lestrade contribue à créer « la plus belle réussite d’Act Up », le TRT-5 (Traitements et Recherche Thérapeutique), un collectif inter-associatif qui se concentre sur la recherche pour le traitement du virus et encadre les malades. S’il regroupait cinq associations lors de sa création, il en compte aujourd’hui dix : Actif Santé, Actions Traitements, Act Upparis, Act Up-Sud Ouest, Aides, Arcat, Dessine-Moi Un Mouton, Nova Dona, Sida Info Service et Sol En Si.

B. L’association en chiffres

Lors de notre entretien dans les locaux d’Act Up-Paris, lorsque nous avons demandé pourquoi l’association n’était pas adhérente au Comité de la Charte, nous n’avons pas pu obtenir d’autre réponse qu’un rire gêné. Si bien que les seuls chiffres dont nous disposons sur l’association sont ceux de leur rapport financier1. L’association compte actuellement 10 salariés et environ 150 membres. Selon le rapport financier 2011, le total des produits est de 938 626€ et son chiffre d’affaires s’élève à 2 333€. Si l’association s’est toujours considérée comme autofinancée, elle perçoit un grand nombre de subventions qu’elle utilise principalement pour ses événements. Ainsi Act Up-Paris touche 1

Voir le fichier « Bilan financier » dans le CD d’annexes

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PRESIDENTS D’ACT UP-PARIS Didier Lestrade (1989 à 1991) Cleews Vellay (1992 à 1994) Christophe Martet (1995 à 1996) Marc Nectar (1997) Philippe Mangeot (1998 à 1999) Emmanuelle Cosse (2000 à 2001) première femme, hétéro, séronégative Victoire Patouillard (2001 à 2002) Jérôme Martin (2003 à 2005) Hugues Fischer et Emmanuel Chateau (2006 à 2007) Marjolaine Degremont et Rachel Easterman-Ulmann (2008 à 2009) Safia Soltani et Stéphane Vambre (2009 à 2010) Frédéric Navarro et Cécile Lhuillier (2011 à 2013)

des aides pour la majeure partie privée (63,4% du budget) venant de diverses organisations : Sidaction (186 000€), les laboratoires pharmaceutiques (152 193€), le donateur individuel principal Pierre Bergé (150 000€) et l’Agence Française de Développement (53 597€) ; mais également publiques : le Ministère de la Santé et des Sports (122 700€), l’Agence Nationale de Recherches sur le SIDA (8 917€), l’Institut National de Prévention et d’Education à la Santé (35 000€), l’Agence Régionale de Santé (30 000€), la ville de Paris (50 000€) et le Conseil régional d’Ilede-France (5 000€).

Les militants d’Act Up-Paris considèrent cependant que les laboratoires ont une dette de sang envers eux. Ils estiment que l’argent versé est un don et non une subvention. Ils évitent ainsi un fléchage de l’argent de la part des laboratoires et l’association peut disposer de son apport comme elle le souhaite. Pour s’autofinancer, l’association a recours à la vente de t-shirts, de badges (1 753€) et de publications (580€). Mais ses principales sources de revenus hors subventions sont les dons (78 693€) et les cotisations des membres (2 130€). Act Up-Paris organise deux appels à dons par an : l’un au moment de la marche de fierté, la Gay Pride du 26 juin et l’autre pour le 1er décembre lors de la Journée mondiale contre le SIDA. Enfin, lorsqu’une action « tourne mal », des appels à dons ponctuels peuvent être organisés pour financer les éventuels frais de justice.

C. L’organisation

Malgré ses statuts d’association de loi 1901, les membres d’Act Up-Paris insistent sur l’importance de la démocratie totale chez eux. La hiérarchie est complètement gommée et les membres du bureau sont simplement élus par obligation législative. Il n’y a donc pas de direction à proprement parler2. Dans son livre Act Up, une histoire, Didier Lestrade explique qu’une certaine hiérarchie pyramidale existait tout de même au sein d’Act Up, en particulier lors des réunions hebdomadaires. En bas se trouvent les hétérosexuels, puis en remontant viennent les homosexuels séronégatifs, les séropositifs et enfin les malades. C’est une conséquence logique de la volonté d’Act UpParis de libérer la parole de ces minorités. Au sein de l’association, le turn-over est important, nous avons pu constater qu’aucun des salariés n’était présent depuis la création, le renouvellement des postes se fait très souvent. Le bureau est actuellement établi autour d’une coprésidence (Cécile Lhuillier et Frédéric Navarro), avec un vice-président (Arthur Vuattoux), un trésorier (Kamel El-Djatou) et un co-secrétariat (Jérémy Chambraud-Susini et Sibylla Péron-Noff). Un Comité de Coordination s’assure de la correcte gestion de l’association ainsi que du suivi du travail des commissions thématiques. Ces 2

Voir Organigramme p.42

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commissions « réalisent l’ensemble du travail de collecte de l’information et de préparation des débats autour de leur domaine » : Traitements et Recherche, Coïnfection, Droits sociaux, Nord/Sud, Prévention, Femmes, Homophobie/Egalité des droits, Drogues et Usages, Prison, Etrangers, Prostitution et le Pôle Santé/Répression. Du côté des membres, la côtisation pour devenir adhérent s’élève à 25€ par an. Elle offre une carte de l’association qui permet de venir participer aux actions mais surtout de voter tous les jeudis lors de la réunion hebdomadaire pour décider de la direction stratégique que va prendre l’association pour chaque action menée. En France, un deuxième Act Up existe, Act Up-Sud Ouest (anciennement Act Up-Toulouse) mais les deux associations, agissent la plupart du temps de façon indépendante.

D. Les valeurs et principes de l’association

La volonté première d’Act Up-Paris est l’éradication du SIDA. Act Up-Paris est une association de malade, qui sensibile, éduquet et assiste les malades. Si le SIDA est le fil conducteur de toutes leurs actions, Act Up touche néanmoins de nombreux domaines. L’égalité, en particulier entre hétérosexuels et homosexuels, est un thème souvent traité. Cependant l’association s’occupe aussi de recherches médicales, des prisonniers et des minorités qui ont moins accès aux traitements et constituent donc des « populations à risque ». Plus généralement, transformation sociale, combat, action, respect de la personne humaine et égalité sont au cœur des valeurs d’Act Up-Paris. Son action vise à : Rendre visible la maladie et les malades. S’approprier le savoir confisqué par le corps médical. Mobiliser et organiser l’information. Sensibiliser et travailler avec l’ensemble de la population. Faire pression auprès des décideurs (politiques et médicaux). L’association cherche à « retrouver une esthétique de l’éblouissement »3, c’est-à-dire à combattre l’exclusion des minorités (en particulier homosexuelles) et leur permettre de ne plus avoir honte, de ne plus se cacher, de ne plus être mis « de côté » dans la société. Pour cela, l’association essaie de sensibiliser la population via ses campagnes de communication et autres happenings. Son objectif stratégique reste avant tout son combat contre la maladie : « Nous menons une guerre contre le SIDA. Notre objectif est de gagner la guerre. » Pour certains, c’est une métaphore, mais c’est un sentiment partagé par de nombreux membres de l’association. Les malades du SIDA ne sont pas que des victimes, mais ce sont aussi des acteurs, qui défendent des idées politiques, c’est le principe fondateur de l’association.

E. Positionnement dans la société

Act-Up s’est singularisé en prenant des positions très fortes dans le débat public. Elle a fortement milité pour le PACS pendant le débat (1999). Historiquement et idéoogiquement 3

Didier Lestrade, Act Up, une histoire, Paris, Ed. Denoël, 2000, 449 p. (coll. Denoël Impacts)

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ancrés à gauche, et à l’extrême-gauche, ils sont, pendant la campagne législative de 1997, à l’origine du mouvement « Nous sommes la gauche », qui découle de la tribune du même nom. Cette tribune collective signée par plusieurs centaines d’associations et de citoyens a été publiée du 6 au 8 mai dans Libération, Témoignage Chrétien, et Les Inrockuptibles. Act UpParis affirme son positionnement ferme à gauche : « La gauche officielle ne gagnera pas les élections sans nous. Parce que nous sommes la gauche réelle. Nous sommes la gauche qui se bat et s’est toujours battue sur le terrain pour ses propres conditions de vie et pour celles de tous. » Il arrive par ailleurs à l’association d’effection des actions en commun avec le NPA qui défend les minorités, et avec les Verts, sur la question des médicaments génériques. En termes de politique on note également de nombreuses sorties d’Act Up-Paris contre la droite, souvant amalgamantes, considérant qu’à droite de la gauche, il y a le fascisme, et rien d’autre. En 2007, l’affiche « Votez Le Pen » avec le visage de Sarkozy4, réalisée par Act Up-Paris, avait fait couler beaucoup d’encre. Critiques envers l’État et le Gouvernement, l’associaiton mène de nombreux combats pour obtenir d’eux des avancées. Ils tentent par exemple d’obtenir des kits d’injection « propres » pour les prisonniers afin que le SIDA ne se transmette pas par les seringues usagées de drogués. Leurs combats les ammènent à faire du lobbying en permanence auprès des entreprises, des laboratoires et du gouvernement. Actuellement, Act Up-Paris se bat pour provoquer une réforme autorisation la libération des prisonniers malades du SIDA. Act Up mène une guerre contre les laboratoires pharmaceutiques, qui ont envers l’association, selon eux, « une dette de sang ». L’association va même jusqu’à utiliser l’argent des subventions provenant directement de ces laboratoires pour financer des happenings à leur encontre. LES CHIFFRES DU SIDA EN 2011 EN FRANCE : 150 000 personnes vivent avec le VIH et environ 40 000 l’ignorent. 6 100 personnes ont découvert leur séropositivité. L’Ile-de-France, la Côte d’Azur et la Guyane sont les régions les plus touchées. Les HSH (hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes) sont 2 400 à avoir découvert leur séropositivité, soit 40% des dépistages positifs. Source : AFP Le SIDA tue plus d’une personne par jour. Source : Institut de Veille Sanitaire DANS LE MONDE : 34 millions de personnes vivent avec le VIH. 1,7 million de personnes sont décédés de maladies liées au SIDA. 2,5 millions de nouvelles infections dont 330 000 chez les moins de 15 ans. Seulement 54% des séropositifs prennent des antirétroviraux (un soin pour préserver leur système immunitaire). 48% de l’aide internationale pour la recherche sur le SIDA vient des Etats Unis. Source : ONUSIDA

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Voir le dossier « Divers outils de communication d’Act Up » sur le CD d’annexes

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L’association entretient des relations cordiales avec les médias, qui sont le plus souvent friands de ses actions sensationnelles. Chaque salarié d’Act Up-Paris envoie ses propres dossiers de presse et communiqués de presse, concernant son secteur d’activité, à des réseaux croissants de contacts dans les médias locaux et nationaux, spécialisés et généralistes. Auprès du public, l’image d’Act Up n’est pas resplendissante. Sur la toile, Act Up essuie de très nombreuses critiques sur son « extrémisme », sur ses happenings « agressifs », son « intolérance » mais aussi sur la façon dont l’association gère ses subventions. Ils sont finalement accusés d’utiliser les méthodes de ceux qu’ils combattent. Sans aller jusqu’à une condamnation de l’association (il ne faudrait pas inverser les rôles et oublier qu’elle défend des valeurs justes), on peut critiquer certains aspects de leur communication qui amalgamme et stigmatise parfois à tort et à travers. Dans une vidéo d’août 2012 diffusée sur leur chaine Youtube officielle, ils donnent leur interprétation pour le moins anti-Catholiques de la prière du 15 août. La vidéo mal reçue - et mal réalisée - ne sert pas sa cause5. Il suffit de lire les commentaires de la vidéo pour comprendre que l’association est allée trop loin et a basculé du côté de l’intolérance, qu’elle exècre pourtant : « Je suis un jeune homo et ce genre de vidéos cathophobes (je ne suis pas croyant mais tolérant) me fait gerber. […] il reste plus grand chose de cette communauté pseudo-tolérante. » Act Up-Paris a opéré avec cette vidéo un retournement de situation dérangeant, qui ne sert ni son image ni ses intérêts. Pour Raymond Aron, « l’intolérance est une maladie contagieuse car elle finit toujours par contaminer ceux qui la combattent. » C’est précisément pourquoi Act Up-Paris se doit d’être irréprochable en termes de tolérance. La colère est saine, est moteur de l’action, mais ne doit pas se transformer en haine. Et la haine ne doit pas changer de camp. Act Up-Paris devrait montrer l’exemple, et certainement pas celui de la surenchère outrancière. II. LA COMMUNICATION DE L’ASSOCIATION

A. La politique de comunication

Act Up-Paris a choisi de réaliser elle-même toute sa communication en interne. Elle dispose pour ce faire d’un graphiste salarié et d’une bénévole. L’affiche que nous avons choisi d’étudier, « Le SIDA ne vous concerne pas ? » est la seule exception à cette ligne de conduite. Pour cette affiche l’agence de communication parisienne CLM BBDO ainsi que le photographe anglais Rankin ont offert leurs services à Act Up. Le partenariat avec CLM BBDO devait donner lieu à d’autres réalisations qui n’ont finalement pas vu le jour. Act Up a d’abord existé par les médias, pour leurs images simples, leurs messages clairs, leurs demandes choc. Peu à peu l’association a investi l’espace public, visuellement. Tracts, banderoles, pancartes, t-shirts, ce sont autant d’outils de communication au graphisme percutant, comme les affiches partout placardées dans la ville. Act Up s’est attaché à détourner les représentations dominantes, les stéréotypes. Face à la multiplicité des images erronées qui prétendaient représenter les communautés qu’elle défend, l’association a créé un langage propre, constitué notamment d’une identité visuelle forte et marquante, qui n’a pas bougé depuis la création de l’association. Ces images sont des traductions visuelles du discours politique à la première personne que mène Act Up-Paris depuis toujours. 5

Voir le dossier « Divers outils de communication d’Act Up » dans le CD d’annexes

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« Nos positions de malades sont donc la base de notre action. Cela se traduit notamment par un discours à la première personne. » Emmanuelle Cosse, Présidente d’Act-Up, 1999 Les militants interviennent donc dans l’espace public en disant « je » et « nous ». En guise de charte graphique, Didier Lestrade a décidé, au moment de la création d’Act UpParis, de reprendre celle des autocollants déjà existants d’Act Up-New York représentant un triangle rose sur fond noir assorti du slogan « Silence = Death ». Ce triangle était le symbole des déportés homosexuels pendant la Seconde Guerre Mondiale, cependant Act Up a décidé de le renverser : « Le triangle rose de la déportation des homosexuels masculins retourné, la pointe vers le haut, pour montrer sa résolution à opposer une réponse forte à une épidémie qui décimait des milliers de pédés. »6 L’association créé ensuite deux déclinaisons importantes de ce slogan : « Colère = Action » et « Action = Vie ». Didier Lestrade explique ce choix : « La boucle de l’activisme était bouclée : d’abord le refus du silence, ensuite l’utilisation de la colère, enfin la rédemption par l’action. » Aux slogans traditionnels et historiques s’ajoutent des baselines votées en assemblée générale, adaptées à chaque action ou campagne (ex : « Information = Pouvoir », « Ignorance = Ennemi »). La typographie du nom « Act Up-Paris » est la même que celle de New York : Adobe Futura Condensed Bold. Il s’agit d’une police sans empattement, très brut et stricte. Pour les contenus, l’association ne va écrire dans les premières années qu’en Times. Une police basique mais claire. « Le choix de la typo Times n’est pas un hasard : Pascal [Loubet] n’est pas un amoureux de la diversité dans la nature et ses rapports sont écrits et présentés d’une manière simple mais incontestable.»7 L’utilisation d’une phraséologie particulière pour les publications et affiches, avec des formules courtes, lapidaires et directes donnent une impression d’urgence mais aussi de sévérité. L’association tourne aussi régulièrement ses accroches en phrases interrogatives pour obliger le lecteur à lire et se sentir concerné ou interpelé. C’est une forme de communication violente, avec des mots durs, crus, présents depuis le début de l’association et des images souvent choquantes. On redonne sous forme de mots la violence que les malades du SIDA subissent. Depuis toutes ces années de guerre contre le SIDA, Act Up-Paris a porté la voix des séropositifs et des séropositives. C’en est fini de l’anonymat, des représentations désincarnées et des images floues. L’association utilise aujourd’hui des slogans lapidaires, des images symboliques et des actions médiatisées. Être séropositif ne signifie plus devoir se cacher mais au contraire avoir le droit de se montrer. A partir de 2004, la politique de communication d’Act Up-Paris a évolué. Ce changement de politique de communication est un prolongement d’une crise à Act Up, où des membres ont quitté l’association qu’ils ne reconnaissaient plus comme conforme à ses valeurs historiques. C’est le cas de Didier Lestrade, un des pères fondateurs.

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Didier Lestrade, Act Up, une histoire, Paris, Ed. Denoël, 2000, 449 p. (coll. Denoël Impacts)

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« Rachel [...]: « Mais Didier, les temps ont changé, Act Up aussi ». Non, pauvre crétine, ce n’est pas forcément le temps qui change Act Up, c’est toi qui le dénature depuis trop longtemps, avec tes majusculEs qui font que les communiqués de presse de cette association ont l’air de papiers issus d’un journal de lycée [...]. On était professionnels. On est devenu des pitres. »8 Dans tous les tracts à présent se trouvent des « E » majuscules pour signifier le féminin d’un mot (il remplace donc le (e)). Montrant la volonté de l’association de ne pas laisser les femmes « entre parenthèses », de côté, mais plutôt de les mettre à égalité avec les hommes. Même si elle est effectivement dé-professionnalisante (mais pas forcément décridibilisante), cette pratique renforce l’identité visuelle d’Act Up-Paris, dont les publications sont identifiables au premier coup d’œil. B. OBJECTIFS Act Up-Paris a différents objectifs en termes de communication : Obtenir une visibilité médiatique importante : les homosexuels étaient une communauté invisible et doivent faire parler d’eux pour sortir de l’ombre et se faire accepter de tous. Changer un discours stigmatisant qui voudrait que seuls les drogués, les homosexuels et les délinquants peuvent attraper le SIDA. Expliquer qu’il n’y a pas de « séropositifs victimes » (comme on considère aujourd’hui les femmes hétérosexuelles essentiellement) et de « séropositifs coupables » qui auraient mérité d’attraper le SIDA. Faire comprendre que les malades du SIDA ne sont pas que des victimes, mais que ce sont aussi et surtout des acteurs qui défendent leurs idées politiques et qui s’impliquent, qui se battent contre la maladie et contre le système. Faire changer l’idée reçue que la confiance et la sincérité seraient des outils de prévention efficaces, ce qui est une absurdité quand on sait qu’une très grande part des contaminations est le fait d’un statut sérologique méconnu. C. OUTILS Act Up-Paris est célèbre pour ses campagnes de lobbying. L’association tente de rencontrer des politiques pour les inciter à faire évoluer la législation dans leur sens. Le TRT-5 a par exemple milité pour faire évoluer la loi sur la toxicomanie. Le but était de distribuer des seringues gratuites aux drogués. Si on ne peut pas les empêcher de se droguer, on peut au moins limiter le risque de contamination du sang par la réutilisation massive de ces seringues. Bon nombre des actions de communication d’Act Up se déroulent dans la rue : là où on touche les gens directement. Fervents amateurs des « die-in », les militants n’hésitent pas à s’allonger en pleine rue, dans un lieu de grand passage pour symboliser les morts du SIDA. Le happening, initialement considéré comme une « représentation artistique », est aujourd’hui utilisé pour décrire les actions de communication esthétiques d’organisations. Act Up possède son propre type de happening : les zaps. Ce sont des actions très rapides (d’où le terme anglais de « to zap », zapper, détruire) où les militants jettent du faux sang, du faux sperme ou des 8

Didier Lestrade, Je désavoue Act Up. In : didierlestrade.fr

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cendres des membres d’Act Up morts du SIDA (ex : Cleews Vellay) sur des personnalités. Le dernier zap d’Act Up était contre Georgina Dufoix, ex-ministre des Affaires sociales et de la Solidarité nationale « mise en cause dans l’affaire du sang contaminé, celle qui s’était déclarée « responsable, mais pas coupable », a été relaxée en 1999 par la Cour de justice de la République. »9 Une mare de sang a été répandue devant le Grand Palais par une dizaine de militants, en réponse à la violence des pouvoirs auxquels l’association est confrontée quotidiennement. D’autres actions moins violentes mais tout aussi marquants sont pratiquées, notamment le célèbre préservatif géant sur l’Obélisque de la Concorde10 ou les selles de vélo roses11. L’association participe au traditionnel défilé de la Gay Pride tous les 26 juin et à de nombreuses manifestations (pour le mariage homosexuel, contre l’homophobie, pour le droit des étrangers…). Enfin, les militants pratiquent parfois l’occupations de lieux, la plupart du temps sous forme de sitting. Act Up-Paris est présente sur les réseaux sociaux (YouTube, Dailymotion, Facebook et Twitter). Cependant son e-influence est faible : peu de vues sur les chaînes de vidéos les réseaux sociaux Facebook et Twitter ne rassemblent que peu de fans/followers. Chaîne YouTube : 49 vidéos 98 214 vues

Chaîne Dailymotion : 25 vidéos 65 554 vues

www.youtube.com/user/ActUpParis

www.dailymotion.com/ActUpParis

Page Facebook : 6 000 fans

Profil Twitter : 1 500 followers

www.twitter.com/actupparis

www.facebook.com/pages/Act-Up-Paris/48072328649

Chiffres au 29/01/2013

Le site Internet de l’association est historique , il n’a pratiquement pas changé depuis sa création en interne il y a longtemps (et ça se voit). Il n’y a pas de poste attitré pour la rédaction de contenu, plusieurs salariés s’y attèlent donc. L’épuisement des forces et des membres a eu raison de la revue de presse. L’association se contente donc de fournir à ses membres un bilan financier annuel ainsi qu’un rapport d’activité. Elle édite également le journal Protocoles, un bulletin thérapeutique pour les malades. Il est en grande partie rédigé par les bénévoles de la commission Traitement-Recherche et par Jonas Lebail, coordinateur de cette commission. Ce bulletin est envoyé aux hôpitaux et à leur administration publique et aux abonnés. Il est consultable sur le site d’Act Up-Paris et est distribué lors des événements. Un journal d’informations générales est proposé tous les mois dans les locaux d’Act Up-Paris : Action. Pour garder le contact avec les médias, Act Up envoie pour chaque action ou événement important des communiqués de presse via un fichier presse interne. Ils ne font cependant pas de relances téléphoniques et attendent que les journalistes viennent à eux pour une interview. En revanche, la plus importante façon de communiquer via la presse pour l’association est de solliciter des tribunes. Elle en obtient généralement dans Le Monde ou Libération. A la différence d’AIDES, personne chez n’est chargé des relations presse : si un journaliste appelle pour une information, la charge de lui répondre revient aux coordinateurs et coordinatrices de commission, qui se chargent aussi des communiqués de presse concernant leur domaine. 9

Agnès Leclair, Georgina Dufoix, opposante au mariage gay, prise à parti. In : Lefigaro.fr, 10/01/2013 Voir le dossier « Divers outils de communication d’Act Up » dans le CD d’annexes

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CHAPITRE 2 : ANALYSE D’UN OUTIL DE COMMUNICATION UTILISÉ PAR L’ASSOCIATION I. CONTEXTE Comment communiquer pour sensibiliser ? A cette question, les associations de lutte contre le SIDA ont déjà répondu de diverses façons. On peut constater des traits communs à leur communication, qui s’inscrivent tous dans deux approches bien différentes : Une première approche « historique » grave, culpabilisante, responsabilisante et choquante Une seconde approche, plus récente, détendue, drôle, légère Est-ce que voir une affiche avec la Mort, représentée en Faucheuse, glissant sur un préservatif12 est efficace pour vanter l’utilité de ce dernier ? Ou vaut-il mieux représenter une balle de fusil en forme de pénis pour signifier que le sexe sans protection est dangereux ? Après une analyse du contexte communicationnel, nous avons pu dégager les éléments récurrents des campagnes de prévention contre le SIDA : le ruban rouge symbole de la lutte contre le sida le préservatif, ou son absence mise en évidence des éléments sexy qui attirent le regard en contraste avec un message d’autant plus choquant le message est très souvent adressé à la communauté gay/lesbienne la nudité la faible quantité de texte, qui laisse place au visuel la couleur rouge, qui représente le sang, le danger, mais aussi la passion et l’amour la volonté de choquer Le choc est sans doute encore l’approche la plus fréquemment utilisée en termes de prévention, (on a tous en tête des spots très violents pour la sécurité routière, ou encore les photographies d’organes cancerisés sur les paquets de cigarettes) même si cela tend à s’inverser à l’heure du web 2.0 et des réseaux sociaux, où l’on pense et conçoit les campagnes en terme de viralité. On partagera davantage une campagne qui nous a fait rire plutôt que ce qui nous a mis mal à l’aise. « L’utilisation de visuels agressifs joue sur un couple victimisation/culpabilisation qui risque d’insensibiliser le spectateur et de renforcer les stéréotypes négatifs » ; « cela conduit à une exploitation de la détresse humaine éloignée de l’éthique associative ».13 En faisant cette critique, Eric Dacheux induit l’idée selon laquelle les associations se tromperaient de démarche en choisissant une communication choc pour faire passer leur message, en somme, leur communication ne serait pas en adéquation avec les valeurs alternatives qu’elles portent. Si l’on peut contester la pertinence et la cohérence de l’utilisation de telles méthodes, on peut en revanche admettre que les affiches et campagnes choquantes sont souvent celles qui marquent, si bien que les créatifs redoublent d’inventivité pour inventer de nouvelles campagnes qui feront bondir dans les foyers, ou grincer des dents.

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Voir le dossier « Autres affiches non Act Up » sur le CD d’annexes Éric Dacheux, Étudier le marketing à la lumière de la communication. In : L’Année sociologique Vol.51

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Le choc des affiches de prévention contre le SIDA tient le plus souvent aux éléments suivants14 : les corps déformés/monstrueux, les aberrations physiques le sexe nu, cru, non-érotique une ambiance graphique lourde, des jeux d’ombres un jeu sur la peur (peur de la mort, de la maladie) le scandale (représenter Hitler pendant un coït) les mots durs, violents la mort montrée

Enfin, est-ce que le sens des messages ne souffre pas de trop d’exposition, est-ce que trop de communication nous aurait formaté à ne plus saisir les messages, mais simplement les interpréter machinalement, par habitude, voire les deviner, en fonction de l’émetteur qu’on identifie ? « Dans la pratique [le processus sémiotique] est limité, court-circuité par l’habitude, que Peirce appelle l’interprétant logique final : l’habitude que nous avons d’attribuer telle signification à tel signe dans tel contexte qui nous est familier. L’habitude fige provisoirement le renvoi infini d’un signe à d’autres signes, permettant à des interlocuteurs de se mettre rapidement d’accord sur la réalité dans un contexte donné de communication. Mais l’habitude résulte de l’action de signes antérieurs. Ce sont les signes qui provoquent le renforcement ou la modification des habitudes. »15 En somme, si on transpose ce constat à notre situation, cela signifie que notre interprétation d’un message véhiculé par un outil de communication d’une association est conditionnée par les expositions antérieures à des signes dans un contexte similaire. Dans ces conditions, un message porté « différent » a-t-il une chance d’être entendu ? Et cette sensibilisation « réussie », par la surexposition à des campagnes de prévention au message similaire, a-t-elle réellement atteint ses objectifs ? Certes, toute une génération (la nôtre) est particulièrement sensibilisée sur la question du SIDA. Est-ce à dire que nous y sommes sensibles ? Pas forcément. Il y a là une dichotomie à considérer. Avoir été sensibilisé à un sujet ne signifie pas y être sensible systématiquement. En résumé, le contexte de la communication des associations de lutte contre le SIDA est complexe, parce qu’il est inscrit dans une mouvance, avec des mutations qui s’annoncent nécessaires si l’on s’aperçoit que choquer n’est pas la meilleure façon de se faire comprendre. Il faut repenser cette communication, et surtout en repenser les objectifs car les supposées réussites d’hier pourraient demain révéler leur vanité.

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Voir le dossier « Autres affiches non Act Up » sur le CD d’annexes Nicole Everaert-Desmedt, La sémiotique de Peirce. In : Signo, 2011

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II. ANALYSE D’UN OUTIL

A. Présentation de l’outil

Act Up Paris lance sa première campagne d’interpellation réalisée par une agence de communication, CLM BBDO « Le SIDA ne vous concerne pas ? ». C’est la première fois qu’Act Up-Paris sous-traite sa communication, et aussi la première fois que l’association lance une campagne destinée au grand public. « C’est la première fois que nous nous allions à une agence de communication. Jusqu’à présent, nous concevions nous-mêmes nos campagnes et les diffusions par nos propres réseaux, essentiellement dans les établissements gays du Marais ou dans nos médias. » Eric Labbé, porte-parole d’Act Up-Paris, 2006 La campagne prend la forme d’une affiche conçue et réalisée gracieusement par Fred Lutgé et Dimitri Guerassimov de CLM BBDO, et par le photographe britannique de mode et de nu Rankin. L’affiche a ensuite été placardée en local à Paris et diffusée à l’échelle nationale par l’intercession de médias tels que les quotidiens nationaux qui ont accepté de la publier gratuitement. Le quotidien Libération a été le premier à la diffuser, le jeudi 30 mars 2006. L’affiche existe en deux déclinaisons, avec un modèle féminin16 et un modèle masculin17. Nous avons décidé de prendre comme objet d’étude le modèle féminin puisque c’est celui qui a été de loin le plus utilisé et diffusé (retenu pour une diffusion dans la presse nationale), et qui a donc le plus touché le public. Sa visibilité n’a pas été mesurée, mais elle a fait parler d’elle en 2006. Elle est toujours présente sur Internet et circule régulièrement, c’est d’ailleurs sur Internet que nous l’avons découverte, pour notre part. A noter : sa notoriété a inspiré une autre affiche de prévention contre le SIDA, « Shot, girl »18 de MTV Aids Awareness réalisée en juillet 2007 par l’agence Ogilvy (Portugal).

Voir le dossier « Affiches Le SIDA ne vous concerne pas » sur le CD d’annexes Voir le dossier « Autres affiches non Act Up » sur le CD d’annexes

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B. Le message

Pour sa première et unique campagne de communication au grand public, Act Up-Paris a choisi précautionneusement son message. Quand on s’appelle Act Up-Paris, on ne s’adresse pas tous les jours à tout un pays. La campagne part en réalité du constat (partagé par tous les acteurs ayant participé à la réalisation de l’affiche) d’un retour en arrière dans la perception de la pandémie du SIDA. En 2006, chaque jour 20 personnes étaient contaminées par le sida en France et pourtant le public se démobilisait. De nombreux jeunes pensaient alors que le sida ne concernait que certains groupes à risques. Il était alors nécessaire pour Act Up-Paris de se faire entendre au plus vite. Ainsi, et c’est un point important, le message premier de la campagne est inhabituel puisqu’il n’est pas « Protégez-vous », même si celui-ci est sous-tendu par la campagne (puisqu’il est le message principal de prévention diffusé par les associations de lutte contre le SIDA). Ici, le message est autre, précis et clair : le SIDA concerne tout le monde. Le sens et les conséquences sont multiples : Si le SIDA concerne tout le monde, il n’y a plus de coupables ni de victimes, plus de sidaïques ni de gens « normaux ». Il n’y a plus lieu de stigmatiser des catégories de population ou des communautés. Si le SIDA concerne tout le monde, il n’y a pas de tabou à avoir. Si le SIDA concerne tout le monde, il faut être responsable, se faire dépister, se protéger. L’affiche se veut intelligente mais compréhensible. Un personnage est représenté sans sexe. Une phrase d’accroche vient ponctuer l’image de la question « Le SIDA ne vous concerne pas ? ». Ce qu’il faut comprendre, c’est que l’image représente une personne qui pense ne pas être concernée par le SIDA. Si elle n’est pas concernée par le SIDA, c’est forcément qu’elle n’a pas de sexe. Si elle n’a pas de sexe, elle n’est donc pas concernée par le SIDA. Ce petit raisonnement fallacieux, appelé petitio principii car on suppose déjà dans les prémisses la proposition qu’on veut prouver (à savoir que tout le monde est concerné par le SIDA), n’est pas valable d’un point de vue logique, car pas suffisamment rigoureux, mais est assez simple pour être compris facilement, a priori. Pas de vagin = pas de sida. Pas de pénis = pas de sida. Sexe = concerné. «- Le sida ne vous concerne pas ? - Bien sûr que non. Le sida c’est pour les putes, les tox et les pédés... à la limite les nègres. Moi, je suis blanc, normal et moderne. Et en plus je suis baptisé. J’ai rien contre le revival 80’s mais soyons sérieux... Mettre une capote ? Et pourquoi pas mater un porno en VHS ?» Cette citation extraite d’un communiqué de presse d’Act Up-Paris dénonce le lieu commun qui voudrait que « Le sida c’est fini, le sida c’est les autres », sentiment qui se propageait insidieusement depuis l’apparition des trithératpies au milieu des années 1990. « Face à des chiffres mondiaux toujours plus apocalyptiques (mais toujours plus immatériels et désincarnés) les consciences s’usent et les pratiques se relâchent. Au point qu’en France, les contaminations repartent et repartent vite : 6000 nouveaux diagnostics en 2004, 7000 en 2005.

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Au point même que la perception de cette maladie devenue fantomatique s’accompagne d’un retour à l’ignorance, à la stigmatisation et au rejet.». Act Up-Paris rappelle ainsi que le sida est toujours là, qu’il est l’affaire de toutes et de tous, qu’il est une maladie et non une tare réservée à des « groupes à risques ». Le but de la campagne n’est donc pas directement d’inciter les gens à se protéger, mais bien de changer leur vision de la maladie et des malades, de créer un électro-choc afin que le public réalise que le SIDA concerne tout le monde.

C. Analyse sémiotique

Nous avons analysé l’affiche avec une approche sémiotique, en nous basant sur la théorie du sens de Charles Sanders Peirce, doublée d’une analyse sémantique. La femme Sur cette photographie, le sujet est une jeune femme allongée dont nous ne voyons que les jambes largement écartées et le haut du corps jusqu’aux épaules. Elle a ici une fonction d’icône, elle n’incarne pas un personnage, mais l’Être humain. Outre l’absence de sexe, elle nourrit une forte iconicité avec la représentation réelle d’une femme lambda. Le lecteur dans un premier temps semble pouvoir s’y identifier. « Moi je suis blanc, normal et moderne », voilà ce qu’énonce Act Up-Paris pour imiter la génération de gens qui se croient à l’abri du SIDA. Or la jeune femme de cette campagne représente parfaitement cette situation : Elle est blanche par la couleur de sa peau, extrêmement pâle, représentant ainsi la femme de type caucasien. Elle est « normale » puisqu’elle correspond aux normes d’apparence dictées par la société occidentale, voire à l’idéal féminin : fine, avec une belle poitrine. De plus, elle ne porte qu’un débardeur blanc, sans marque ni signe distinctif et cet unique vêtement est le symbole même de la neutralité puisqu’il ne représente aucun style vestimentaire particulier. Enfin, la jeune femme est « moderne » par la présence d’un piercing à son nombril, qu’elle met en valeur en relevant son débardeur. Le piercing est un élément toujours à la mode auprès des jeunes, et, placé au nombril, il est extrêmement populaire chez les femmes. L’image attire immédiatement le regard, de par la nudité du modèle, puis intrigue par l’absence de sexe. Notre sujet écarte les jambes et expose son sexe au regard de tous. Cette vision de son corps la place dans une posture soumise, entièrement à notre merci. De plus, la photo n’est pas une « photo volée » : la femme est clairement en position de consentement. L’image est à la fois violente et vulgaire. Cependant, malgré le caractère dérangeant de la photo, tout n’est que suggéré : en effet, la vulgarité réside en l’image du sexe montré, or la femme n’a plus de sexe ! De plus, on peut voir une certaine forme de provocation : en sus de ses jambes écartées, la femme soulève d’une main son débardeur, en signe d’invitation érotico-sexuelle, ce

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qui ne fait qu’accentuer le malaise ressenti par le lecteur. C’est ici que le paradoxe de l’image entre en jeu : la femme s’offre entièrement, mais elle n’a rien à offrir. Cette nudité inutile nous inspire de fait plus de pitié que d’excitation. À y regarder de plus près, cette femme semble irréelle, ce qui est renforcé par l’aspect « plastique » de sa peau. Une fois l’image comprise, la disparition du signe sexuel nous rappelle par un processus automatique et inconscient de différenciation/identification que nous avons tous un sexe. L’absurdité de la situation est donc comprise a priori sans effort poussé. Il est absurde de ne pas avoir de sexe. Il est donc absurde de ne pas se sentir concerné par le SIDA. Le fait que ce soit une femme fait voler en éclats le stéréotype du « pédé sidaïque ». La photo suggère qu’outre le préservatif, le seul moyen d’être protégé du SIDA serait de ne plus avoir d’organe sexuel. Cette « absence » effective sur le visuel provoque la peur et le dégout. L’évocation est quasi freudienne, du côté de la peur de ne pas avoir de sexe, (et l’angoisse de la castration pour la déclinaison masculine !). On peut même même qualifier cette femme de monstre, puisqu’elle est difforme. Ce sentiment de rejet est associé à celui que l’on ressent face au SIDA. L’absence du sexe est polysémique, et induit plusieurs interprétations comme nous le verrons dans l’étude en réception. Parmi les interprétations possibles, celle qui suggère qu’avoir le SIDA, c’est une façon d’être condamné à ne plus avoir une sexualité libre, d’où cette disparition symbolique pour signifier l’interdit par la censure. La fonction de contact d’une image est d’habitude établie par le regard du personnage, de face, touchant directement le lecteur. Elle est à l’inverse ici assurée par la pose suggestive de la femme. On nous oblige à regarder cette image choquante qui nous ferait détourner le regard si le sexe était présent. Ainsi la photo arrive à nous choquer par la simple suggestion. Il n’y a pas besoin de montrer le sexe, car on le devine par nous-mêmes par un processus sémiotique élementaire : L’objet est le sexe de la femme. Le représentamen est l’entre jambe vierge, ici pure potentialité. Il déclenche l’interprétant, qui est en l’occurence notre connaissance basique de l’anatomie humaine, qui fait le lien automatique entre cet entre-jambes vide et la vulve d’une femme, pourtant absente de l’image. Le signe est interprété immédiatement. Symboliquement, il ne faut pas montrer « ça » car c’est quelque chose de tabou. Tout comme le SIDA. La posture avec les jambes exagérément ouverte sur cet interdit est donc furieusement provocatrice...et paradoxale : on lève le voile sur un tabou...pour finalement s’apercevoir qu’il n’y a rien à regarder. Rien de si choquant. Est-ce à dire que le tabou n’a pas lieu d’être ? Que la réalité n’est pas si dure à regarder que ça ? C’est plutôt le contraire, et il est insinué qu’on se voile la face. Puisque l’image interpelle, attire le lecteur, pique son attention et est destinée à produire un effet sur lui, elle a une double fonction : conative et phatique (au sens établi par Jakobson). Le texte Il a une fonction d’ancrage. Tenant une place plus que minime à côté de celle de la photo, il est néanmoins d’une importance capitale pour la compréhension précise du sujet et du but de

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l’affiche. Dans le sens de lecture traditionnel occidental, c’est-à-dire de haut en bas et de gauche à droite, le texte arrive en dernier, après l’analyse immédiate que l’on fait de l’image. Il est divisé en deux. D’abord une question « Le SIDA ne vous concerne pas ? » écrite dans une police plus grande que le reste, qui interpelle directement le lecteur et sert d’accroche pour l’inviter à lire la suite, puis d’un paragraphe : « Chaque jour, 20 personnes sont contaminées en France. Homos ou hétéros, femmes ou hommes, ils pensaient que se passer de préservatif c’était un signe de confiance. Maintenant ils savent que c’est le contraire. Seul le préservatif protège du SIDA. » Le ton utilisé est courant et le discours est bref. Les chiffres (« 20 personnes contaminées par jour »), quasi-racoleurs, interloquent et invitent encore une fois à être attentif. La typographie utilisée est une police appartenant à la famille des égyptiennes (ou mécanes dans la classification Vox-Atypi) se rapprochant de la police Courrier, comme si le texte était tapé à la machine à écrire, renforçant ainsi le côté « officiel » voire institutionnel des propos tenus. Le bloc de texte justifié se détache un peu de la phrase d’attaque alignée à droite. Le logo Act Up-Paris est le dernier élément vu. Il y a une relation d’interdépendance entre l’image et le texte : sans le texte, l’image est incompréhensible et sans l’image, le texte est peu efficace. La légende apporte un remède à un malaise : « la terreur du signe incertain »19 définie par Roland Barthes. En effet le texte endosse ici une fonction d’ancrage du sens de l’image, il oriente la lecture de l’iamge dans la direction souhaitée par les créatifs. La composition Si l’on suit dans un premier temps le sens de lecture de l’œil, on passe d’un arrière-plan noir où on ne distingue rien, à une lumière crue qui montre la nudité de la jeune femme. Notre regard est attiré et vient se poser sur le point central de la photo : l’absence de sexe, pour terminer sa course sur le texte et le logo de l’association. Le cadre resserré renforce le sentiment d’intimité. Le sujet est photographié en plongée, dominé par le lecteur. Le regard se dirige vers un même point central. Plusieurs règles photographiques mettent géométriquement en évidence ce point fort de l’image. Règle des tiers

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Roland Barthes, Rhétorique de l’image, In : Communications n°4, Ed. Seuil, Paris, 1964

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Lignes de fuite

Ces règles nous permettent de souligner que le point fort est situé en plein centre de la photo, et non à l’intersection des lignes de force habituellement utilisées en photographie. Toutes les lignes de fuite convergent vers le sexe. Analyse géométrique

Enfin, on remarque la présence dans l’œuvre de formes géométriques qui reviennent : les triangles. Le triangle peut représenter à la fois la stabilité lorsqu’il est représenté avec sa base vers le bas, or sur l’image suivante, on peut voir que la plupart des triangles présents dans la photo sont pointés vers le bas. Le triangle possède aussi une certaine violence par ses arêtes tranchantes et ses angles aigus. Couleurs et lumière Dans l’ensemble, l’image est terne, dé-saturée, peu chaleureuse, voire lugubre. On note deux couleurs majoritaires dans cette œuvre : le noir et le blanc. Ces deux couleurs extrêmes, qui rappellent par ailleurs le logo d’Act Up, sont impersonnelles, d’où leur utilisation ici, à des fins de neutralité, pour que chacun puisse s’identifier à cette image. Le noir est utilisé pour l’arrière-plan. On ne distingue rien de plus que la femme et quelques plis de drap du lit sur lequel elle est entendue. On semble vouloir dissimuler quelque chose par l’obscurité, mais la lumière va nous révéler ce qui était caché. La pénombre accentue avant tout

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un sentiment d’intimité, l’impression d’être présent dans la pièce avec cette femme, penché sur elle, prêt à lui faire l’amour. Le blanc, symbole de pureté, de chasteté et d’innocence est ici utilisé de manière détournée : La peau quasiment blanche de la femme témoigne du traitement clinique, hygiénique, stérile, presque irréel de l’image. L’atmosphère froide qui se dégage est due aussi à l’absence totale de pilosité du corps de la femme et donc à l’apparence plastique de sa peau. Cette blancheur est un indice (tel que défini par Charles S. Peirce), elle évoque la maladie et la mort. Concernant l’utilisation et le rôle de la lumière, on peut clairement voir qu’un éclairage directionnel a été utilisé. La lumière semble venir de « l’œil » du lecteur et arrive directement sur le non-sexe de la femme, à la manière du faisceau lumineux de la lampe de poche. Cette lumière est très violente et semble faire irruption devant le sujet. Ce type d’éclairage dirigé évoque un interrogatoire de police qui place donc la femme en position de suspect, voire de coupable. Alors que l’obscurité connote le secret et le silence, la lumière symbolise la vérité révélée. On note qu’il y a un fort vignettage (angles noircis) qui permet de recentrer encore plus le sujet et d’accentuer le contraste clair-obscur. Référence

On pourra noter enfin une référence certaine au tableau L’Origine du Monde, de Gustave Courbet (1866), visible dans le choix des couleurs, du sujet, des drapés, et de la posture de la femme, représentée de la même façon, sans tête, couverte jusqu’à la poitrine, anonyme, blanche, jambes écartées, avec en point central son sexe. L’utilisation d’une telle référence n’est pas anodine ni risquée ou même tirée par les cheveux, puisque le tableau est ancré dans la culture populaire française. D’un point de vue sémiologique, on peut voir une opposition entre l’affiche et le tableau, au travers de la pilosité pubienne, qui symboliserait d’un côté la vie (et donc l’origine du Monde), et de l’autre la mort, la désolation (absence de toute pilosité) mais surtout et de façon certaine la fin du Monde : si la femme n’a plus de sexe, elle n’est plus une procréatrice en puissance. Conclusion Ce qui ressort de cette affiche, c’est avant tout le pouvoir choquant au travers de la simple suggestion. Toute son originalité réside en sa simplicité. Très peu d’éléments : un corps dénudé et un décor quasi absent, suffisent à interpeller le lecteur, au service du message de l’association. Pas forcément compréhensible dès le premier visionnage, elle révèle par la suite plusieurs chemins de lecture, qui amènent à la réflexion. Elle reste en mémoire, et est en ce sens réussie, mais la multiplicité des sens possibles qu’elle dégage en fait un outil risqué pour la compréhension d’un message précis.

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CHAPITRE 3 : ÉTUDE EN RÉCEPTION I. LES MÉTHODES UTILISÉES L’objectif était de répondre à une interrogation : cette affiche est-elle efficace ? Pour cette enquête, nous avons procédé selon deux méthodes issues des méthodes les plus utilisées dans les enquêtes de réception : le questionnaire personnel papier et l’entretien individuel oral. L’affiche, surtout diffusée via un journal quotidien, est un médium qui s’adresse en premier lieu à des individualités, à un instant T, le temps de quelques secondes d’attention et de réflexion. Ainsi, notre étude étant centrée sur la compréhension individuelle et première du message (et non pas son évolution par la discussion), il ne nous est apparu ni utile ni pertinent d’organiser des ateliers de groupe. Panel Nous avons décidé d’opter pour une population-mère majoritairement jeune (dont l’âge est compris entre 18 et 25 ans) car c’est une population habituée aux campagnes de prévention sur le sujet du SIDA, puisque constitutive de la génération Y, et prise le plus souvent comme cible principale par les associations de lutte contre le SIDA (puisque considérés comme sexuellement nomades et exposés davantage au risque d’infection, comme s’il existait une sédentarité sexuelle propre et sécuritaire à l’âge adulte). Ces jeunes à qui on a ressassé depuis le collège l’importance de porter le préservatif. L’enjeu était donc ici de savoir dans quelle mesure cette affiche pouvait se réveler efficace, comprendre si oui ou non le message n’était pas déformé par l’habitude voire la surexposition aux messages préventifs (là où le message est « Tout le monde est concerné » et que le jeune n’interprète que « Il faut se protéger », il y a déformation). En somme, est-ce qu’à force de trop de communication de la part des associations, les messages ne s’effacent pas au profit d’un « oui, oui on sait » - de la même façon que les campagnes anti-tabac se sentent obligées de redoubler de violence visuelle, puisque désormais tout le monde sait, par habitude, que le tabac tue, mais que ce message n’a plus (peut-être par trop de communication mal-pensée) la force équivalente à l’importance de sa signification. D’autre part, puisque l’affiche délivre un message justement différent, affirmant que tout le monde est concerné par le SIDA, il était nécessaire d’inclure dans notre échantillon des personnes plus âgées, afin de tester l’impact du message sur eux. Enfin, nous avons profité de la présence de plusieurs étudiants asiatiques présents au Manège le jour de notre atelier questionnaire pour recueillir leurs avis et positions, parfois en opposition avec les réponses des populations occidentales. Le panel était constitué de 100 personnes au total, dont 65 femmes et 35 hommes. Parmi eux : 80 personnes avaient entre 17 et 25 ans 20 personnes avaient plus de 25 ans Questionnaire papier Nous avons élaboré un questionnaire visant à vérifier la clarté du message de l’affiche, et la façon dont elle était perçue. Pour cela, nous avons demandé entre autres aux sondés de définir l’affiche en trois adjectifs, de proposer une nouvelle phrase d’accroche pour remplacer « Le

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SIDA ne vous concerne pas ? » ou encore d’écrire le message tel qu’ils le percevaient. La distribution du questionnaire papier s’est déroulée sur deux fronts. Dans un premier temps nous avons choisi de nous rendre à l’université Blaise Pascal pour recueillir l’avis de jeunes étudiants entre 18 et 25 ans, puis de le proposer à la Chorale universitaire afin de toucher des personnes plus âgées. Nous avons ainsi obtenu un panel assez diversifié, et même s’il reste en majorité jeune, il ne s’agit pas de nos connaissances proches mais de personnes que nous ne connaissons pas et qui ne sont donc pas tentés de donner des « bonnes réponses ». Le hall du Manège nous est apparu comme le lieu idéal pour installer notre stand à l’université. C’est l’espace de circulation de nombreux étudiants. Le risque était de tomber sur des élèves du même domaine, auquel cas l’enquête ne porterait que sur un échantillon peu diversifié de la population. Nous avons donc tâché d’interroger des gens venus de toutes filières, avec la plus grande diversité possible. Combien ? 65 en tout, réduits à 60 en enlevant les questionnaires rendus vierges ou incomplets.

Nous avons installé un atelier avec trois tables et quelques chaises à l’entrée principale du Manège, sur lequel nous avons disposé des cartes postales en libre service et un bocal de préservatifs et de sachets de lubrifiants, distribués gratuitement pour attirer les gens mais aussi pour les remercier de leur participation. Ces préservatifs et sachets de lubrifiants nous avaient été fournis à titre gracieux par Act Up-Paris à notre départ des locaux, pour nous remercier de notre passage. Nous avons eu l’idée sur le chemin du retour de les utiliser aux fins précitées. Une affiche était imprimée au format A4 (celui auquel elle a été le plus diffusée, dans le quotidien Libération) et était présentée à chaque personne qui venait répondre aux questions. Puis l’individu pouvait répondre tout en gardant un œil dessus, puisqu’une miniature couleur était reproduite sur le questionnaire. Questionnaire Internet Nous avons publié le même questionnaire au format Google DOC via Facebook à nos contacts respectifs et sur des pages communes aux étudiants d’Infocom afin de pouvoir obtenir plus de matière à notre questionnaire. Nous avons pu remarquer que les gens répondaient de façon plus développée sur Internet. Les internautes n’avaient pas de contrainte de temps et pouvaient regarder l’affiche tranquillement sans aucune forme de pression, sans être observés. Les réponses n’en sont que plus libres et

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plus conséquentes. Combien ? 43 en tout, réduits à 40 en enlevant plaisantins et doublons. Résultats des questionnaires Rappelons que le message premier et primordial qu’Act Up-Paris cherche à faire passer ici est que « nous sommes tous concernés par le SIDA ». 42% des personnes interrogées ont compris ce message, 35% vont jusqu’à justifier leur compréhension en arguant que tout le monde a un sexe donc tout le monde doit se sentir concerné sans distinction, ou encore qu’il faut être inhumain (et donc ne pas avoir de sexe) pour ne pas être concerné (5%). Parmi les 40 phrases d’accroche récoltées, seules 13 personnes ont été capables de formuler une nouvelle phrase d’accroche pertinente, prouvant qu’elles ont compris très clairement le message que nous venons de souligner. Parmi les meilleures propositions : « Pas de sexe, pas de risque », « Etes-vous intouchable ? », « Et pourquoi pas vous ? », « Je n’ai pas de vie sexuelle, et vous ? », « Le SIDA n’arrive qu’aux autres », « Voici la meilleure protection contre le SIDA » et « Le SIDA ? Je suis vaccinée ». 32% des gens pensent avoir compris l’affiche mais ne retiennent au final qu’une conséquence qui découle du message principal, sans doute par habitude des campagnes de prévention du SIDA : la nécessité de se protéger. S’ajoutent à eux 5 personnes qui vont plus loin. Il n’est plus question pour eux de protection mais plus généralement de rapports sexuels : « Sexe interdit pour cause de SIDA ». Trois personnes expliquent également que la femme se protège en se rendant intouchable sexuellement. Enfin, 8% n’ont pas du tout compris le message premier, ni un message de prévention sousentendu. Parmi eux, nous avons relevé les plus gros contresens : « le SIDA sous-entend la perte de l’utérus », « l’affiche veut faire parler ouvertement de la sexualité », « les femmes ont les moyens de se protéger de la maladie » « nous ne sommes pas définis par notre sexe » et « ne pas se protéger supprime l’amour et le désir. »

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51% des sondés trouvent cette affiche choquante, en particulier à cause de la nudité de la femme et du fait que l’on montre son sexe, ou en tout cas l’endroit où il devrait se trouver. Un résultat plutôt mitigé donc. Cependant 65% ont décrit l’affiche par un adjectif appartenant au champ lexical du choc (« choquante » revient 39 fois, « marquante » 6 fois, « effrayante » 4 fois). Les autres champs lexicaux les plus utilisés sont ceux de l’interrogation (49%), la provocation (32%), la pertinence (22%) et le malaise (14%).

ADJECTIFS LES PLUS CITÉS

L’association a également un déficit d’image, puisque seulement 13% des personnes la connaissent et parmi elles, 7 personnes savent qu’elle milite contre le SIDA. Pour finir, on se rend compte que la prévention contre le SIDA, si elle est très présente dans les collèges et lycées, est quasiment inexistante par la suite et donc insuffisante. Nous le prouvent les chiffres de nos statistiques : 23% disent ne pas se sentir concernés par le SIDA dont 4 personnes (de nationalité chinoise) qui estiment qu’elles ont une vie trop saine pour avoir le SIDA, et que cette maladie est très loin de d’elles. Parmi les autres raisons évoquées, 8% des sondés se sentent à l’abri car ils se protégent constamment. De l’autre côté, 77 % des gens se sentent concernés par le SIDA, et pour 5% d’entre eux, ils le justifient en explicant qu’une de leurs connaissances est malade, ou bien décédée des suites du SIDA. Entretiens individuels Afin de savoir au mieux dans quelle mesure le message était compris, nous souhaitions organiser des entretiens individuels, occasion d’échanger et d’obtenir des réponses plus développées. 24 personnes parmi les 100 interrogées ont accepté d’être recontactées pour un entretien. Nous en avons sélectionné 5, en fonction des réponses qu’elles avaient apportées au questionnaire papier, que nous avons toutes pu rencontrer à l’exception de Marie, avec qui l’entretien a eu lieu par téléphone. Les profils : Lucas, 17 ans, lycéen Marie, 29 ans, chef d’entreprise Solune, 19 ans, étudiante Gabriel, 20 ans, étudiante Léa20, 20 ans, étudiante

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L’étudiante préférant rester anonyme, le prénom a été changé.

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Résultats des entretiens Sur les cinq personnes interrogées, quatre ont parfaitement compris la signification du message de l’affiche : parce qu’elle est asexuée, la femme est immunisée contre le SIDA, or nous avons tous un sexe, donc nous sommes tous concernés. Gabriel souligne que le fait qu’elle n’ait pas de sexe fait d’elle un humain sans genre. Un homme peut donc très bien s’identifier à l’image. Nous avons d’ailleurs remarqué que 8% des personnes interrogées par questionnaire ont proposé l’idée de faire un dérivé de l’affiche avec un homme (dont 2 parmi nos entretiens individuels). Lucas est le seul à ne pas avoir soulevé ce point et à comprendre dans cette affiche que la maladie détruit la sexualité, « brise toute notion d’amour et de plaisir ». Le message ne passe donc pas très clairement auprès de tout le monde. Les personnes plus habituées à faire de l’analyse d’image arrivent plus facilement à décrypter le message (ex : Marie est graphiste, Léa en Histoire de l’Art…). Mais même avec ce bagage et si le message est compris, il faut un certain temps au lecteur pour comprendre la volonté des créatifs. Plutôt que de comprendre que nous sommes tous concernés, la nécessité de se protéger est ce que les gens retiennent le plus (pour rappel 32% des interrogés au total ont clairement retenu un message de prévention plutôt que de responsabilisation). Pour élargir, nous avons posé aux cinq personnes la question de l’impact des campagnes choc par rapport aux publicités traditionnelles. Si Léa et Solune affirment que ce genre de communication est plus efficace car il reste plus facilement en mémoire et « accrochent le regard », Lucas lui est « difficilement impressionnable par les publicités ». L’impact d’une affiche dépend donc totalement de la cible qui la reçoit et de l’état d’esprit dans laquelle elle se trouve. Il est certain que si on a tendance à se braquer ou à se fermer face aux campagnes de communication, on arrivera vite à ne plus ressentir quoi que ce soit vis-à-vis d’elles. Comme le précise Gabriel, la « surenchère publicitaire actuelle » fait que les gens ont besoin d’être tirés de leur torpeur pour réagir à l’affiche d’une cause aussi importante. Il faudrait pour ça passer par une communication choquante ou humoristique, selon lui. Paradoxalement la communication plus « traditionnelle » se prête bien à des événements culturels par exemple et suffit à attirer l’attention. Marie confirme cette idée qu’une « publicité purement esthétique » peut suffire pour attirer l’attention. On peut se permettre de choquer, l’impact sera certain sur une grande partie du public, mais ce choix doit résulter d’une stratégie réfléchie. Afin d’avoir une brève idée du du terreau dans lequel germe cette affiche, nos dernières questions orientaient nos interlocuteurs sur la qualité et la pertinence de la prévention pour le SIDA mais aussi de l’image d’Act Up-Paris à ce jour. Il revient que la prévention est très présente pour les jeunes puisque des interventions sont organisées dans les collèges et certains lycées. Cependant, on semble considérer qu’étant prévenu une fois, c’est acquis pour la vie. Or une fois sorti du carcan scolaire, les gens ne se sentent plus responsables, d’où l’utilité des campagnes de communication. Marie rappelle que beaucoup de gens sont probablement irresponsables aussi parce que le préservatif ne coûte plus 1 franc comme lors de son lancement. Dans tous les cas, malgré la

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prévention massive faite autour de cette maladie, les personnes interrogées ne savent pas, même approximativement, à quel point le SIDA est un fléau. Seul Gabriel est proche des réels chiffres puisqu’il a proposé 100 000 personnes contaminées en France et 50 millions dans le monde21. L’association Act Up-Paris est connue pour ses opérations de communication en pleine rue : die-in, sitting, happening… Il semblerait que les avis soient partagés sur ce genre de campagnes. Elles attirent facilement l’œil et marquent évidemment le spectateur, mais ont tendance à ne pas laisser une bonne impression, soit parce qu’elles sont violentes (ou parce qu’il en résulte de violentes conséquences), soit parce qu’elles ne paraissent pas pertinentes et qu’elles troublent l’ordre public sans raison immédiate valable. Act Up-Paris n’est pas vue comme une association violente mais Solune précise qu’ils n’emploient pas la « manière douce ». II. RÉSULTATS DE L’ÉTUDE Notre analyse semble pointer du doigt que l’affiche souffre d’un vrai souci d’interprétation. Nos statistiques montrent que seuls 32% des sondés ont saisi le message principal : « Nous sommes tous concernés par le SIDA». Le message est pourtant simple mais il est éludé par un deuxième, plus secondaire et que le public a tendance à déduire par habitude des campagnes de prévention: « Protégez-vous ». S’il ressort que l’affiche a choqué et donc interpellé beaucoup de gens, il convient de se demander s’il s’agit de la meilleure solution pour faire passer un message de ce type sans braquer le lecteur. La surcharge de campagnes préventives peut malheureusement entraîner une certaine lassitude du public ciblé. L’affiche est donc efficace au sens où elle retient l’attention du lecteur au point qu’il s’interroge sur le message, mais elle ne délivre pas assez rapidement les clés nécessaires à sa compréhension. Moins de la moitié des sondés (46 %) a trouvé l’affiche réussie et pertinente. Les personnes interrogées ont notamment reproché à l’affiche (pour 15 % d’entre eux) un texte et une phrase d’accroche pas suffisamment mis en valeur, nuisant à la compréhension. Les entretiens individuels ont confirmé nos observations premières et ont montré qu’une majorité du public sous-estime les chiffres du SIDA en France et dans le monde. La prévention doit donc bien continuer, mais pas sous forme d’un bombardement de campagnes publicitaires. Act Up-Paris, de son côté, souffre d’un déficit de popularité hors de la capitale et améliorer cette côte ne peut que crédibiliser l’association. Les campagnes à répétition qui ont habitué toute une génération à des messages incitant à se protéger n’ont pas parfaitement réussi à sensibiliser à la question du SIDA. Et les messages qui tentent de faire changer l’opinion publique sur le SIDA, sur des questions plus sociales que techniques (et donc sur les individus plus que sur le port du préservatif) sont asphyxiés par l’habitude. « Protégez-vous », « Fumez tue ». Oui, oui, on sait.

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Voir encadré « Les chiffres du SIDA » p.9

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CONCLUSION SYNTHÈSE L’affiche atteint ses objectifs partiellement. Après tout, si nous avons été sensibles à cette affiche et à son message, d’autres l’ont été tout autant. La manière-même dont cette affiche a été conçue témoigne du caractère spécifique de la communication des associations, mais aussi de la part importante qu’elle consacre à l’humain. Le fait que cette affiche soit le fruit du travail bénévole de CLM BBDO et de Rankin pour l’association Act Up-Paris souligne l’importance du message, et immunise l’association contre toute attaque sur des dépenses d’argent outrageuses dédiées à la communication. De plus, cette affiche a bénéficié d’une couverture médiatique gratuite, puisqu’Act Up-Paris n’a pas déboursé un centime pour qu’elle soit publiée à l’échelle nationale dans Libération. Mais l’affiche n’a sans doute pas eu le succès qu’aurait mérité le message qu’elle porte, premièrement parce qu’elle a bénéficié d’une diffusion de courte durée, mais aussi parce qu’elle présente des difficultés d’interprétation, dues autant à son caractère polysémique qu’à l’habituation du public aux messages préventifs répétés, qui perdent leur sens pour devenir des formules machinales. Le pari d’Act Up-Paris et de CLM BBDO était osé, et le message à transmettre nécessitait un outil fort pour interpeller. Le ton de l’affiche est en adéquation avec la stratégie de communication d’Act Up, avec des couleurs identiques, la volonté de montrer les choses sans euphémisme, sans mettre de gants, pour marquer les esprits. Bien réussie sur ce point, comme l’a montré notre étude en réception, l’affiche choque. Mais peut-être finalement qu’une affiche à vocation choquante, comme celle que nous avons étudié, détourne d’autant plus le public du message principal, plus qu’elle ne le sert. Et surtout, elle manque à traduire l’humanité et la solidarité qui sont les piliers de l’association. La communication d’Act Up-Paris s’est révélée très complexe. Si elle obéit à certains codes, édictés depuis la création de l’association, elle s’est vue transformée en même temps que l’association elle-même. Le départ de certains membres, et de nouvelles habitudes « prisEs », l’ont fait évoluer. Aujourd’hui, l’association gagne à développer sa communication sur le territoire national. Son champ d’action n’en serait que plus grand, et sans doute disposerait-elle d’une plus grande puissance mobilisatrice, en plus d’une vraie visibilité, qui lui manque actuellement. Pour toucher l’opinion publique, Act Up-Paris devra à l’avenir forcer la porte d’entrée des médias de masse. Certaines de ses méthodes déjà utilisées (détournements, happenings nonviolents), mises en place avec intelligence et parcimonie, sont tout à fait adaptées aux valeurs qu’ils portent, et il ne manque plus à l’association qu’une présence médiatique de plus grande ampleur. Act Up-Paris devra également communiquer davantage via Internet, où son message pourra être relayé à grande échelle, et pour un coût moindre.

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Au premier rang de ce qu’il est nécessaire d’améliorer pour garder la crédibilité et la légitimité de l’association se trouve la tolérance. Si le combat d’Act Up est radical et donc difficile à conjuguer avec la douceur, il ne faut pas que les militants cèdent à la haine et aux amalgames, bloquant la communication directe, alors qu’elle constitue pour eux un champ d’action considérable. Leur image doit aussi être cohérente avec les valeurs qu’ils défendent en tant que militants, et que l’association porte en tant qu’acteur politique. Nous avons appris beaucoup en réalisant ce dossier, sur le monde associatif - que nous ne connaissions que par le prisme des associations culturelles - sur Act Up-Paris en particulier, mais aussi sur le SIDA, forcément, et sur la communication des associations de lutte contre cette maladie. A l’heure de clore ce dossier, un constat se pose à nous : nous sommes très peu informés sur les associations, de façon générale. Elles nous concernent pourtant toutes et tous, par leur visée sociale et leur objectif politique. Les conclusions à tirer de cette étude vont donc au-délà de la seule communication d’Act UpParis, puisqu’elles révèlent l’importance grandissante de la communication des associations, mais surtout la nécessité pour elles de réinventer de nouvelles façons de communiquer, adaptées aux publics mais aussi cohérentes avec les valeurs alternatives qu’elles portent et défendent. AUTO-ÉVALUATION Nous nous sommes tous les quatre appliqués, au long de la réalisation de ce dossier à fournir un travail de qualité. En premier lieu, nous avons mené un vrai travail d’investigation, puisqu’en plus de nos recherches poussées, nous avons réussi à obtenir un entretien dans les locaux d’Act Up et nous sommes montés à Paris spécialement pour l’occasion. Le souci de rendre un travail complet et agréable à parcourir nous a fait accorder un soin particulier à des petits détails (était-ce nécessaire de mettre, par exemple, des tags et une pochette aux fichiers mp3 de l’enregistrement de l’interview ?), mais nous sommes heureux de pouvoir rendre ce dossier avec des annexes numériques soignées et une mise en page élaborée qui respecte aux mieux les consignes formelles. Nous avons par ailleurs fait relire notre dossier. Malgré notre planning, et les efforts mis en œuvre pour le respecter, nous nous sommes trouvés débordés à l’approche de l’échéance. Les leçons à en tirer sont la nécessité de s’imposer des délais plus stricts, surtout en termes de rédaction, car mettre en forme synthétique une quantité si importante d’informations toutes plus intéressantes les unes que les autres à nos yeux s’est avéré une tâche longue et fastidieuse. Du reste, certaines de nos prises de contacts se sont certes avérées tardives, mais nous avons pu avoir accès à toutes les réponses nécessaires pour présenter sérieusement l’association et l’affiche. Pour ces raisons, quelques tensions dans le groupe ont éclaté à l’approche de la deadline, mais c’est dans des situations pareilles que nous saisissons les enjeux du travail collectif, au-delà des difficultés qu’il entraine, et c’est avec calme que nous avons repris les rennes du projet pour le mener à bien, avec la sensation d’être devenu nous même une micro-association, confrontée à des obstacles similaires, liés à la coordination délicate d’individualités et de personnalités fortes.

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Le challenge de l’intelligence collective aura été finalement relevé en surmontant les dissensions et nous en sommes particulièrement fiers. Afin de réaliser ce dossier, nous avons mobilisé toutes nos forces dans la recherche et la récolte d’informations, dans la lecture d’ouvrages et d’articles scientifiques liés aux questions de la communication, des associations, de l’image et de l’espace public. Nous en tirons un bénéfice important dans la mesure où ces lectures enrichissent notre travail, mais surtout ont nourri notre réflexion personnelle. Notre première approche de l’étude en réception n’est certes pas parfaite, et s’il était l’heure de recommencer, nous procéderions à quelques ajustements concernant la diversité du panel et le cheminement logique des questions au sein des questionnaires. Les nombreuses heures consacrées à ce travail universitaire témoignent de notre implication et de notre forte motivation. Nous estimons avoir fourni un travail important, qui soulève des questions intéressantes et apporte de vrais éléments de réflexions, c’est pourquoi nous nous évaluons avec la note de 15/20.

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ANNEXES

AFFICHE « LE SIDA NE VOUS CONCERNE PAS ? » DÉCLINAISON MASCULINE DE L’AFFICHE QUESTIONNAIRE VIERGE D’ÉTUDE EN RÉCEPTION STATISTIQUES GRAPHIQUES STATISTIQUES DES QUESTIONNAIRES (CLASSEMENT DES ADJECTIFS CITÉS PAR CHAMP LEXICAL QUESTIONS POSÉES LORS DES ENTRETIENS INDIVIDUELS FICHE DE LECTURE : DIDIER LESTRADE, ACT UP, UNE HISTOIRE CHARTE GRAPHIQUE D’ACT UP-PARIS ORGANIGRAMME D’ACT UP-PARIS PLANNING APPELS ET MESSAGES ÉLECTRONIQUES RETRANSCRITS CONTENU DU CD D’ANNEXES NUMÉRIQUES

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BIBLIOGRAPHIE LIVRES Didier Lestrade, Act Up une histoire, Paris, Ed. Denoël, 2000, 449 p. (coll. Denoël Impacts) Act Up-Paris, Action = Vie, Paris, Ed. Jean di Sciullo, 2009, 228 p. (coll. Democratic Books) Dominique Wolton, Penser la communication, Paris, Ed. Flammarion, 1997, 356 p. (coll. Champs essais, 2008) Thierry Paquot, L’Espace public, Paris, Ed. La Découverte, 2009, 125 p. (coll. Repères) Eric Dacheux (en collaboration avec Alain Caillé, Jean-Louis Laville et al.), Associations et communication : critique du marketing, Paris, Ed. CNRS, 1992, 160 p. (coll. CNRS Communication) Nicole Everaert-Desmedt, Le processus interprétatif : introduction à la sémiotique de Ch.S. Pierce, Bruxelles, Ed. Mardaga, 1995, 151 p. (coll. Philosophie et Langage) ARTICLES SCIENTIFIQUES : Éric Dacheux, Les enjeux de la communication des associations dans l’espace public. In : PROASILE la revue de France Terre d’Asile, 2003 Nicole Everaert-Desmedt, La sémiotique de Peirce. In : Signo, 2011 Éric Dacheux, Étudier le marketing à la lumière de la communication. In : L’Année sociologique vol.51, 2001 Roland Barthes, Rhétorique de l’image, In : Communications n°4, Ed. Seuil, Paris, 1964 SITES : www.actupparis.org www.bdsp.ehesp.fr www.afp.com www.unaids.org (Site de l’Onusida) DIVERS : Didier Lestrade, Je désavoue Act Up. In : didierlestrade.fr. Disponible sur : didierlestrade.fr/ politique-sida/act-up/article/je-desavoue-act-up (Page consultée le 28/01/2013) 20 Minutes, Les campagnes contre le SIDA les plus anxiogènes. In : 20minutes.fr. Disponible sur : www.20minutes.fr/culture/diaporama-520-photo-377554-les-campagnes-contre-le-sida-lesplus-anxiogenes (Page consultée le 20/01/2013) Chaîne YouTube d’Act Up-Paris : www.youtube.com/user/actupparis Bilan mondial de l’épidémie du SIDA 2012 (Onusida) Communiqué de presse Le SIDA ne vous concerne pas ?, Act Up-Paris, 30 mars 2006

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Déclinaison masculine de l’affiche

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QUESTIONNAIRE D’ÉTUDE EN RÉCEPTION LICENCE 3 COMMUNICATION DES ORGANISATIONS | UNIVERSITÉ BLAISE PASCAL - CLERMONT-FD II

« Le SIDA ne vous concerne pas ?

Chaque jour, 20 personnes sont contaminées en France. Homos ou hétéros, femmes ou hommes, ils pensaient que se passer de préservatif c’était un signe de confiance. Maintenant ils savent que c’est le contraire. Seul le préservatif protège du SIDA. »

AVEZ-VOUS DÉJÀ VU CETTE AFFICHE ? OUI

NON

VOUS ÊTES :

DÉCRIVEZ L’AFFICHE EN TROIS ADJECTIFS : ........................................................................................................................... EST-CE QUE CETTE AFFICHE VOUS CHOQUE ? OUI SI OUI, POURQUOI ?

NON

........................................................................................................................ ........................................................................................................................ ........................................................................................................................ SELON VOUS, QUEL MESSAGE VEUT-ELLE TRANSMETTRE ? ........................................................................................................................ ........................................................................................................................ ........................................................................................................................ QUELLE AUTRE PHRASE D’ACCROCHE DONNERIEZ-VOUS À CETTE AFFICHE ? ........................................................................................................................ CONNAISSEZ-VOUS ACT UP-PARIS ? OUI NON SI OUI, QUE SAVEZ VOUS DE CETTE ASSOCIATION ? ........................................................................................................................ VOUS SENTEZ-VOUS CONCERNÉ PAR LE SIDA ? OUI POURQUOI ?

NON

........................................................................................................................ REMARQUES (EX : CETTE AFFICHE EST-ELLE RÉUSSIE OU RATÉE ? QU’AURIEZ RAJOUTÉ, ENLEVÉ OU FAIT DIFFÉREMMENT ?)

UNE FEMME UN HOMME QUEL ÂGE AVEZ-VOUS ? MOINS DE 18 ANS ENTRE 18 ET 25 ANS ENTRE 25 ET 35 ANS ENTRE 35 ET 50 ANS PLUS DE 50 ANS À QUELLE CATÉGORIE SOCIOPROFESSIONNELLE APPARTENEZ-VOUS ? AGRICULTEURS EXPLOITANTS ARTISANS, COMMERÇANTS, CHEFS D’ENTREPRISE CADRES PROFESSIONS INTERMÉDIAIRES EMPLOYÉS ETUDIANTS OUVRIERS RETRAITÉS OU SANS ACTIVITÉ SERIEZ-VOUS D’ACCORD POUR UN ENTRETIEN INDIVIDUEL PLUS POUSSÉ (10 MINUTES ENVIRON) ? OUI NON

........................................................................................................................

SI OUI, MERCI D’INDIQUER VOTRE E-MAIL/NUMÉRO DE TÉLÉPHONE

........................................................................................................................

..........................................................

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STATISTIQUES GRAPHIQUES

SEXE DES PARTICIPANTS

ÂGE DES PARTICIPANTS

ACTIVITÉ DES PARTICIPANTS

EST-CE QUE CETTE AFFICHE VOUS CHOQUE ?

AVEZ VOUS DÉJÀ VU CETTE AFFICHE ?

SERIEZ-VOUS DISPONIBLE POUR UN ENTRETIEN ?

CONNAISSEZ-VOUS ACT UP-PARIS ?

VOUS SENTEZ-VOUS CONCERNÉS PAR LE SIDA ?

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STATISTIQUES DES QUESTIONNAIRES CLASSEMENT DES ADJECTIFS CITÉS PAR CHAMP LEXICAL CHOC

INTERROGATION

Choquante 39 Marquante 6 Effrayante 4 Percutante 3 Frappante 2 Impactante 2 Dure 2 Traumatisante 1 Violente 1 Terrible 1 Incroyable 1 Inoubliable 1 Tape à l’œil 1 Accrocheuse 1

Intrigante 11 Interloquante 7 Etrange 7 Etonnante 6 Bizarre 5 Surprenante 4 Captivante 3 Ouverte 2 Enigmatique 2 Interrogative 1 Curieuse 1 Mystérieuse 1

MALAISE

ORIGINALITÉ

Dérangeante 6 Perturbante 3 Troublante 2 Déroutante 1 Embarrassante 1 Gênante 1

NOIRCEUR

Sombre 3 Noire 2 Obscure 1

Originale Inhabituelle Spéciale Novatrice Hors du commun Futuriste Surréaliste

6 2 1 1 1 1 1

PROVOCATION Provocante 19 Osée 6 Vulgaire 2 Pornographique 1 Douteuse 1 Crue 1 Pas catholique 1 Sensible 1 Libre 1

PERTINENCE Efficace 4 Claire 2 Directe 2 Parlante 2 Bien pensée 1 Utile 1 Explicite 1 Précise 1 Sensibilisante 1 Expressive 1 Appropriée 1 Significative 1 Incitative 1 Profonde 1 Intelligente 1

EROTISME

FROIDEUR

Sexuelle 6 Sexy 2 Sensuelle 1 Attractive 1 Erotique 1

Froide 2 Epurée 2 Pauvre 1 Sobre 1 Impersonnelle 1 Anonyme 1 Sérieuse 1

CONDAMNATION

DOULEUR

BEAUTÉ

Criminelle 2 Censurée 2 Dangereuse 1 Négative 1

Triste 3 Touchante 1 Douloureuse 1

Belle 3 Jolie 1 Esthétique 1

LAIDEUR

INCOMPRÉHENSION

Moche 1 Peu esthétique 1 Contre nature 1

Incompréhensible 2 Floue 2

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QUESTIONS POSÉES LORS DES ENTRETIENS INDIVIDUELS 1. D’après vous, pourquoi la femme de l’affiche est représentée sans sexe ? Qu’est-ce que cela signifie pour vous ? 2. Comment comprenez-vous le message que l’affiche (photographie et texte inclus) cherche à faire passer ? Pour aller plus loin : 3. Les publicités choc ont-elles plus d’impact sur vous que les publicités traditionnelles ? 4. Pensez-vous que la prévention sur le SIDA soit suffisante aujourd’hui ? Si non, que faudrait-il faire ? 5. A votre avis (et sans chercher sur Internet), combien de personnes sont actuellement touchées par le VIH en France ? Et dans le monde ? Vous êtes nombreux à ne pas connaître Act Up-Paris, voici donc une rapide présentation : Act Up-Paris est une association de lutte contre le SIDA issue de la communauté homosexuelle. Elle a été fondée en 1989 et milite pour faire réagir les politiques, les laboratoires pharmaceutiques mais aussi le grand public face à cette maladie. Chacune de leurs actions est ralliée à cette cause : défense des droits des homosexuels, des prisonniers, des minorités… 6. Que pensez-vous des happenings, die-in (plusieurs personnes qui font semblant d’être mortes en pleine rue), sittings et autres opérations grand public pratiquées par de nombreuses associations ? 7. Trouvez-vous ce genre d’événements violents ? 8. Act Up-Paris se définit comme une association non-violente, êtes-vous d’accord avec cette affirmation ? 9. Seriez-vous prêt à militer aux côtés de l’association (même sans y adhérer) ? Si non, pourquoi ? Le message que voulaient transmettre les concepteurs de cette affiche était le suivant : « Tant que nous aurons un sexe, nous serons tous concernés par le SIDA. » Autrement dit, la seule façon de ne pas être concerné par le SIDA serait d’être asexué, ou de ne coucher qu’avec des personnes asexuées, comme la femme représentée sur cette photo. C’est impossible, nous sommes donc tous concernés. A noter : cette affiche a aussi été déclinée avec un modèle masculin (leur montrer la photo) 10. Trouvez-vous le message véhiculé par l’affiche suffisamment clair ? Avez-vous mis du temps à comprendre où cette affiche voulait en venir ? Si oui, pourquoi ?

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FICHE DE LECTURE DIDIER LESTRADE, ACT UP, UNE HISTOIRE « Combien de chuchotements faut-il pour former une rumeur qui devienne un cri ? » Kate Lohse – Don’t leave me this way - Art in the Age of Aids (National Gallery of Australia)

Sur l’auteur : Didier Lestrade est un journaliste et écrivain français homosexuel. Depuis 1977 il écrit pour Gai Pied, Rolling Stone et Libération et créé le très célèbre magazine gay Têtu. En 1986 il apprend sa séropositivité et se consacre entièrement à la lutte contre le SIDA à partir de 1989 après avoir assisté à une réunion d’Act Up-New York. Il devient cette année-là l’un des co-fondateurs d’Act Up-Paris aux côtés de Pascal Loubet et Luc Coulavin. En 2000 il publie son premier livre, Act Up, une histoire suivi de plusieurs ouvrages : Kinsey 6, journal des années 80 (Denoël, 2002), The End (Denoël, 2004), Cheikh, journal de campagne (Flammarion, 2007) et Chroniques du dance floor (Libération 1988-1999, 2010). Sur le livre :

Le livre est introduit par Larry Kramer, fondateur d’Act Up-New York.

Dans un premier temps, Didier Lestrade explique comment lui est venue la volonté de créer l’association Act Up-Paris en 1989. Loin d’être militant ou dirigeant de nature, il se rend à New York en tant que journaliste et assiste à une réunion d’Act Up-New York où il prend conscience que Paris a réellement besoin une association contre le SIDA aussi engagée et organisée. Il s’entoure de deux amis journalistes, Pascal Loubet et Luc Coulavin et ensemble ils fondent Act-Up Paris. Il ressent très vite un besoin de « retrouver une esthétique de l’éblouissement », de sortir les homosexuels de l’ombre des clubs et de les faire réagir et militer. La première apparition publique d’Act Up-Paris a lieu à la Gay Pride du 24 juin 1989. A cette occasion les trois membres commandent des t-shirts d’Act Up-New York marqués « Silence = Mort ». Si les porteurs de t-shirts sont leurs plus beaux amis et non les premiers membres de l’association, Didier Lestrade précise : « ce n’est pas ce que nous étions qui comptait, c’est ce que nous représentions ». Lorsqu’en 1985 les premiers tests du SIDA apparaissent, le syndrome cesse d’être « une maladie abstraite ». Il devient plus facile de faire de la publicité autour de la maladie et Act Up-Paris ne s’en prive pas. L’association entretient une relation particulière avec le quotidien Libération. Le journal a l’habitude de relayer leurs informations, et même si c’est parfois à leurs dépends, comme le précise Didier Lestrade, à ce moment-là « bad pub was good pub », tout ce qu’Act Up souhaitait c’était qu’on parle d’elle. Act Up se présente comme une association sans hiérarchie pyramidale. Didier Lestrade précise dans ce sens que les réunions hebdomadaires suivent les Robert’s Rules of Order. Il s’agit de règles de procédures pour le bon déroulement des assemblées, compilées dans un ouvrage de 1876 d’Henry Martyn Robert. Ce n’est en fait pas tout à fait exact, la hiérarchie existe, mais elle peut être contestée à tout moment. Cependant, l’auteur sousentend également une deuxième hiérarchie qui, elle, n’est en aucun cas contestable. En effet au fur et à mesure que l’association prend forme, les rôles s’inversent et les séropositifs cessent d’être une minorité. Ils représentent le haut de la hiérarchie et les séronégatifs et les hétérosexuels sont à leur tour la minorité de la communauté. Dans son chapitre Le bruit et la fureur, Didier Lestrade explique le slogan de l’association, fidèle à celui d’Act Up-New York, Silence = Mort, complété par deux autres (Colère = Action et Action = Vie) : « La boucle de l’activisme était bouclée : d’abord le refus du silence, ensuite l’utilisation de la colère, enfin la rédemption par l’action. » Enfin, avant de se concentrer sur le déclin d’Act Up-New York et de faire une rétrospective des événements majeurs des dix premières années de son association, Didier Lestrade fait un chapitre conséquent qu’il intitule « La plus belle réussite d’Act Up ». Dans celui-ci il présente le TRT-5, un collectif inter-associatif qu’il a contribué à créer en 1992. Si à sa création, il regroupait cinq associations, le collectif Traitements et Recherche Thérapeutique en compte aujourd’hui dix : Actif Santé, Actions Traitements, Act Up-paris, Act Up-Sud Ouest, Aides, Arcat, Dessine-Moi Un Mouton, Nova Dona, Sida Info Service et Sol En Si. Son rôle est de se concentrer sur la recherche pour le traitement du virus VIH et d’encadrer les malades en se mettant à leur disposition.

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CHARTE GRAPHIQUE D’ACT UP-PARIS

Charte graphique originale Act Up-Paris Logo :

Hauteur : 42cm Largeur : 36cm Référence polices des textes : Adobe Futura Condensed Bold (CB Futura) Etroitisation 65 à 75% Times Etroitisation 100%

Logo : diamètre 44 mm Références couleurs : Noir Extra-Black Pantone Magenta 2 Pantone-Process Références polices : Adobe Futura Condensed Bold (CB Futura) Etroitisation 65%

Copie conforme du document qui sert de charte graphique officielle en interne 41


ORGANIGRAMME DE L’ASSOCIATION

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PLANNING

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APPELS ET MAILS (1) 28/12/2013 – 15H – APPEL À ACT UP-PARIS En appelant l’accueil d’Act Up-Paris, nous sommes tombés sur Véronique Symon, la coordinatrice des publications. Nous lui expliquons notre démarche et demandons s’il est possible de venir leur rendre visite pour rencontrer le responsable communication, Christophe Rolland. Elle nous explique qu’il est en arrêt maladie et qu’elle le remplace jusqu’à son retour. Nous convenons d’un rendez-vous avec elle le 16 janvier à 13h et lui laissons nos coordonnées (mail et téléphone portable) en cas de problème. 09/01/2013 – 16H – APPEL À CLM BBDO Sans réponse. 10/01/2013 – 14H – MAIL À RANKIN, PHOTOGRAPHE

“Dear Rankin,

We are four French students in 3rd degree of communication (Do not worry; we’re not going to ask for an internship!) We need to write a thesis on communication of Act Up-Paris, an association to which you graciously offered your talent. You have done for them a campaign photo free, with two different models, a man and a woman, both represented sexless on the final display. We know that in addition to your many requests, you spend a lot of time to charitable projects. Would you also kindly take the time to answer to these few questions? 1. Can you tell us why you volunteered took these photos? 2. Did you had aesthetic constraints or consigns from Act Up? 3. Why this association in particular, did she solicited? Or, did you go to it? Thank you in advance for your attention Sincerely,

Maxence (and Sarah, Tiphaine & Olivier)”

11/01/2013 – 14H – APPEL À ACT UP-PARIS Nous appelons Véronique Symon, simplement pour confirmer notre rendez-vous du 16 janvier. 16/01/2013 – 13H – RENDEZ-VOUS À ACT UP-PARIS Retranscrire 2h d’interview (écoutable en intégralité sur le CD) serait trop long mais voici un rapide résumé de notre entrevue avec Véronique Symon, coordinatrice publications et remplaçante du responsable communication (pour l’interview complète, voir l’enregistrement audio sur le CD en annexe).

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APPELS ET MAILS (2) Nous nous rendons (Olivier et Sarah) dans les locaux d’Act Up-Paris pour notre rendez-vous à 13h avec Véronique Symon. Elle a du mal à répondre à toutes nos questions car elle n’est salariée que depuis quelques mois et n’est que la remplaçante du responsable communication, Christophe Rolland. Elle nous répond tout de même, non sans une certaine méfiance, du mieux qu’elle peut. A partir de 14h, d’autres personnes arrivent et viennent, curieux, s’asseoir à notre table. Nous rencontrons donc Céline Grillon, coordinatrice plaidoyer international et Ludovic Chéné, administrateur technique et financier. Ces derniers ont pu compléter les informations dont nous avions besoin. Ludovic propose de nous envoyer plusieurs documents (notamment la charte graphique et l’organigramme) et nous fait visiter les lieux. Nous découvrons le placard à goodies où nous collectons affiches, flyers, cartes de visite, badges et magazines. Nous prenons quelques photos des locaux et nous apprêtons à partir lorsque Ludovic nous demande si nous voulons emmener une certaine quantité de préservatifs et de lubrifiants. Nous acceptons volontiers et repartons en les remerciant pour leur accueil chaleureux. 19/01/2013 – 16H – MAIL À CHRISTOPHE ROLLAND

« Bonjour monsieur Rolland,

Je suis étudiant en troisième année de Communication à Clermont-Ferrand et je participe avec 3 camarades à une étude sur Act Up-Paris et sa communication. J’ai pu m’entretenir avec certains de vos collègues à Paris – dont Véronique, votre remplaçante actuelle – qui nous ont fait un très gentil accueil, mais vous étiez absent. Pouvons-nous convenir ensemble au plus vite d’un petit entretien téléphonique ? Nos délais sont très serrés. Je promets de ne pas vous voler beaucoup de votre temps, nous disposons déjà de la majorité des réponses nécessaires, seuls quelques détails auxquels vous êtes le seul à pouvoir répondre nous manquent. Merci d’avance de l’attention que vous porterez à notre demande. Olivier (et Sarah, Tiphaine et Maxence) » 22/01/2013 – 11H30 – APPEL À CLM BBDO Nous appelons l’agence de communication parisienne CLM BBDO qui a réalisé l’affiche que nous avons choisi d’étudier. Nous expliquons dans un premier temps notre démarche à la secrétaire : « Nous sommes étudiants en communication et travaillons sur une affiche réalisée par l’agence en 2006. Nous cherchons donc à joindre les personnes qui ont travaillé dessus, Frédéric Lutgé et Dimitri Guerassimov. » La secrétaire nous demandant plus d’informations, nous précisons que cette affiche a été créée pour l’association contre le SIDA Act Up-Paris en 2006. Après nous avoir expliqué qu’ils n’étaient plus dans l’agence, nous sommes redirigés vers une personne susceptible d’être dans l’agence depuis 2006. Nous réexpliquons alors notre cas mais la femme n’était pas encore dans l’agence en 2006 et ne connait personne dans ce cas. Visiblement l’agence a récemment renouvelé une grande partie de son personnel.

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APPELS ET MAILS (3) 28/01/2013 – 16H – MAIL À LUDOVIC CHÉNÉ

« Bonjour et encore merci pour votre gentillesse et votre disponibilité,

Suite à notre passage dans vos locaux à Paris, nous avons cherché sur le site d’Act Up-Paris le dernier bilan financier, mais impossible de trouver un bilan plus récent que celui de 2010. Pourriez-vous nous adresser par mail le bilan le plus récent qui existe ?

Merci par avance de l’attention que vous porterez à notre demande (urgente !) Sarah et Olivier »

29/01/2013 – 15H – APPEL À ACT UP-PARIS Nous appelons le standard d’Act Up-Paris pour relancer Ludovic Chéné afin d’obtenir des bilans financiers à jour de l’association. Cécile, co-présidente actuelle, nous répond. Le responsable en question est absent pour le moment. Nous demandons à Cécile de lui transmettre la consigne suivante : nous envoyer le bilan financier 2011 dans la journée. Nous en profitons pour demander les coordonnées de Christophe Rolland, elle ne les a pas. Qu’à cela ne tienne, au vu de son ancienneté au sein de l’association, nous jugeons intéressant de lui poser les questions que nous destinions au responsable communication. Elle nous apporte les réponses nécessaires. Nous recherchons enfin à savoir si l’affiche a été réalisée gracieusement ou pas par l’agence CLM BBDO, et à l’initiative de qui a été faite l’affiche. Cécile nous donne le numéro de Jérôme, militant de longue date, présent et impliqué en 2006 lors de la création de l’affiche. 29/01/2013 – 15H – APPEL À JÉRÔME Nous l’appelons, il est très pressé, l’appel durera 1 minute 30 montre en main. Il nous confirme que l’affiche a été faite gracieusement et que c’est CLM BBDO qui a approché Eric Labbé, responsable média porte-parole d’Act Up-Paris à l’époque (à qui ne serait jamais venue l’idée de s’adresser à une structure d’ordinaire si onéreuse).

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CONTENU DU CD D’ANNEXES NUMÉRIQUES

CONTENU Enregistrement audio (format MP3 128 kbps) en 5 parties de l’entretien dans les locaux d’Act Up-Paris à Paris, avec l’aimable autorisation de Véronique SYMON, coordinatrice des publications d’Act Up-Paris (réalisé par Sarah BRUN et Olivier LALANE) Photographies des locaux d’Act Up-Paris Questionnaires papiers scannés en couleur & questionnaires web réunis en un fichier .xls Photographies de l’atelier questionnaire à l’Université Blaise Pascal (hall du Manège) Retranscription écrite des entretiens individuels Rapport financier d’Act Up-Paris de 2011 (le plus récent) au format PDF Bilan mondial de l’épidémie de SIDA 2012 (Onusida) Des affiches de prévention contre le SIDA non réalisées par Act Up Divers outils de communication d’Act Up Les affiches « Le SIDA ne vous concerne pas ? » en haute-qualité

En cas de problème de lecture du CD, merci d’envoyer un mail à l’adresse suivante : olivier.lalane@live.fr

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UFR LANGUES APPLIQUテ右S COMMERCE ET COMMUNICATION | 2013 48


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