Juliette Ols, mémoire d'initiation à la recherche

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ENTRE STRATEGIE METROPOLITAINE, URBAINE ET COMMERCIALE : LA CONSTRUCTION DES CENTRES COMMERCIAUX

JULIETTE OLS ECOLE NATIONALE SUPERIEURE DE L’ARCHITECTURE ET DU PAYSAGE DE LILLE Architecture, territoires urbanisés & paysage : Céline BARRERE & Isabelle ESTIENNE


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Remerciements Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont participé à l’élaboration et finalisation de mon travail. Tout d’abord, je remercie Mesdames Céline BARRERE & Isabelle ESTIENNE pour l’aide qu’elles m’ont apportée tout au long de ce séminaire d’initiation à la recherche et pour m’avoir guidée au fil de ma démarche. Je remercie l’ensemble des interlocuteurs qui ont pris le temps de répondre à mes questions et qui ont contribué à la rédaction de ce mémoire : Mme Assia BECAR de MEL, Mme Elise BONDUELLE de l’ADU, Mme Martine LEFEBVRE de MEL, Mme Blandine MENAGER du service urbanisme de Villeneuve d’Ascq, Mr Philippe PETITPREZ directeur de Citania, Mr Jean Michel STIEVENARD ancien maire de Villeneuve d’Ascq & Mr Jean Claude RALITE directeur de l’EPALE entre 1969 et 1973. Je remercie également l’ensemble des documentalistes et archivistes de la municipalité de Villeneuve d’Ascq pour leur patience et leur collaboration dans les recherches exhaustives liées au sujet de ce mémoire. Je remercie le personnel des archives départementales de Lille pour leur disponibilité. Je remercie Emilie RUELLAN pour les échanges et discussions qui ont fait avancer nos recherches respectives. Enfin, je remercie tout particulièrement Thomas POCREAU pour son aide, sa patience et son soutien tout au long de cette année de recherche. Je remercie ma famille, Clémentine, Jean François et Véronique pour leur patience, leurs avis critiques et leur disponibilité quant à la correction de mon mémoire.

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A Jeanne et Louis.

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Sommaire Remerciements ....................................................................................................................................... 2 Avant-propos ........................................................................................................................................... 8 Les motivations ................................................................................................................................... 8 Position par rapport à l’objet d’étude ................................................................................................. 8 Une image, un texte .......................................................................................................................... 10 Introduction........................................................................................................................................... 12 I.

Les métropoles : territoire stratégique d’implantation des groupes de grande distribution ....... 20 1.1 Maillage commercial et consommation d’espaces ..................................................................... 20 1.2 AUCHAN : Un groupe commercial, au service d’une stratégie de développement patrimonial ........................................................................................................................................ 23 1.3 David contre Goliath : grands projets et contestations .............................................................. 31

II.

Le centre-ville de Villeneuve d’Ascq : un espace bipolaire ........................................................... 38 2.1 Dynamiser la métropole lilloise par le biais de la construction d’une ville nouvelle .................. 38 2.2 AUCHAN : Un programme d’implantations commerciales massives à partir des années 1960 . 48

III.

La dissolution de l’EPALE : marqueur d’une rupture du paysage ............................................. 52

3.1 L’année 1983 : un tournant décisif pour l’urbanisation de seconde génération ........................ 54 3.2 Une ZAC à l’image de la zone commerciale type d’AUCHAN ...................................................... 65 Conclusion ............................................................................................................................................. 71 Annexes ................................................................................................................................................. 76 Bibliographie et corpus ....................................................................................................................... 132 Contexte historique ......................................................................................................................... 132 Contexte actuel ............................................................................................................................... 132 Corpus ............................................................................................................................................. 134 Acronymes ........................................................................................................................................... 137 Table des matières .............................................................................................................................. 138

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Avant-propos Les motivations Le choix du séminaire de recherche a été orienté sur la question des centres commerciaux suites aux problématiques périurbaines et rurales introduites par Frédéric LESCUREUX au sein du laboratoire « Rural » du S8 de la formation paysagiste DPLG. La question de l'économie en espace périurbain et rural est intéressante pour une étudiante en paysage puisque cela induit des formes urbaines particulières, parfois démesurément grandes, comme les zones commerciales, et cela est marqueur du paysage. Avec le laboratoire « Lecture de projet » encadré par Denis DELBAERE et Isabelle ESTIENNE au S8, j'ai commencé à m'intéresser à Villeneuve d'Ascq. J’ai voulu approfondir cette première lecture de la ville pour mieux comprendre la genèse de son centre directement liée au centre commercial de V2.

Position par rapport à l’objet d’étude Je suis fille d’une mère ingénieure technico-commercial et d’un père anciennement agriculteur qui ont su me transmettre l’amour de la terre et de la nature. Ma maison se situe en pleine campagne du centre Bretagne. C’est un coin tranquille où mes parents ont planté 13 hectares de forêt. Ils ont toujours été attachés à leurs origines : mon père étant auvergnat et ma mère bretonne. Ces deux régions sont composées de paysages sublimes, vastes et variés. J’ai pu découvrir très tôt la richesse de ces grands paysages montagnards et océaniques par le biais de grandes randonnées. J’aime les vastes étendues de ces régions, sans urbanisation massive sur plusieurs dizaines de km². Au fil du temps, mon intérêt pour la préservation des espaces agricoles s’est développé par le biais de discussions familiales, amicales. Je me suis toujours demandée pourquoi les politiques d’hier et d’aujourd’hui valorisent les projets de centre commerciaux, consommateurs d’espace et pensés principalement pour la voiture. L’effet de mode « du renouveau urbain » lancé par l’agriculture urbaine me pose question. Les marques de grande distribution s’accaparent cette idée pour rafraîchir leur façade. Mais est-ce qu’ils changent véritablement leur manière de penser la ville, de la construire ? J’ai toujours eu l’intuition que les entreprises de grandes distributions utilisent purement et simplement cette belle image de renouveau, de mixité, qui fait rêver les citoyens d’un idéal social dans le seul but de faire un maximum de bénéfices. Pour exemple, LECLERC est un groupe de grande distribution originaire de Bretagne. Il joue sur la conscience des citoyens pour les faire consommer en rendant l’accès à l’art plus simple. AUCHAN dans 8


le nord est dans le même principe. Il s’accapare une idée vraiment belle de partage pour son propre développement patrimonial avec l’ouverture de nouveaux centres commerciaux « locaux » comme O’Tera à Villeneuve d’Ascq qui peut évoquer le principe des magasins éthiques… Sauf qu’ils ne vendent pas que des produits locaux, ils vendent aussi des produits venus d’ailleurs. Derrière la façade du local, ils bernent les consommateurs en proposant des produits non équitables, non « éthiquables ». J’ai donc décidé de travailler dans ce séminaire de recherche sur un sujet particulièrement sensible pour moi. Je supporte très mal le fait de devoir piétiner des heures pour acheter, pour consommer. L’idée de me rendre dans un supermarché ou un hypermarché me rend nerveuse. Depuis toute petite, on m’a appris à respecter la nature et donc à me déplacer majoritairement à vélo ou à pied. Le simple fait de prendre la voiture pour aller faire des courses est difficile à concevoir pour moi. En tant que consommatrice, j’apprécie les temps de marchés. Prendre l’air pour aller faire ses courses tout en connaissant la provenance des produits par le contact humain (entre vendeur et acheteur) me plaît. Au contraire, le centre commercial est un espace neutre, hostile à toutes conversations entre vendeurs et consommateurs. Le monde se déplace rapidement, et aux heures d’affluence c’est un véritable calvaire. Entre centre commercial et marché local, le choix est rapidement fait. Etant étudiante en formation paysage, je suis également profondément marquée par l’impact des centres commerciaux sur le territoire. Cette quantité de bitume destinée à rendre toujours plus facile la vie des citoyens m’interpelle. La question de la disparition des terres agricoles est primordiale dans la planification urbaine de demain. J’aimerais comprendre à travers ce mémoire de recherches ce qui pousse les politiques publiques à approuver des projets de grandes envergures, et parfois inutiles. Les prises d’intérêts entre politiques publiques et enseignes commerciales m’intriguent. J’ai toujours été très curieuse de savoir ce qu’il se passe derrière le rideau de la scène politique. A partir de ce travail de recherches, j’aimerais donc mieux comprendre les relations entre les différents acteurs dans les projets de construction de zone commerciale. C’est un travail d’investigation qui va tenter de percer les mystères qui règnent dans ce type de projet ayant des enjeux économiques importants, politiques et commerciaux.

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Une image, un texte

Figure a- Panneau publicitaire pour un lotissement près de Chaumont sur Loire, Source : photographie personnelle

En ayant choisi une photographie prise en Val de Loire, j’ai cherché à présenter à l’ensemble du séminaire ce à quoi je m’intéressais : Pourquoi vouloir raser un champ entier de vignes, qui plus est patrimoine culturel de la région, pour la construction de lots libres qui allaient par la suite dévaster le paysage si particulier et classé du Val de Loire ? Si ce nouveau lotissement va voir le jour, c’est bien que différents acteurs se sont mis d’accord pour sa construction. Cette image a donc soulevé des questions pour le lancement de mes recherches sur le sujet des centres commerciaux : Comment s’inscrivent les parcelles vouées à être construites en zones commerciales dans les schémas directeurs d’aménagement, de développement de l’urbanisme ? Comment l’intéressé acquiert-il les parcelles ? Comment le constructeur décide de s’implanter ? Je veux ainsi comprendre le rôle des centres commerciaux dans la structuration du territoire, la gestion du foncier à différentes échelles pour comprendre les différentes logiques qui s’appliquent sur les activités en m’intéressant au cas particulier de Villeneuve d’Ascq.

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Introduction En 2010, l’Agence de Développement et d’Urbanisme de Lille Métropole (ADU) a réalisé l’Atlas du grand commerce situé dans la métropole. Il y est indiqué que le groupe de grande distribution AUCHAN est l’enseigne d’hypermarché (avec CARREFOUR) la plus présente dans l’agglomération. Il y est aussi précisé que l’Association Familiale des MULLIEZ possède trente-quatre commerces sur l’ensemble des centres commerciaux (Roncq, Lomme, Englos, Faches, Leers, Euralille, V2) juste après le groupe CARREFOUR qui en possède quarante-neuf. « Dans l’ensemble de l’offre alimentaire, AUCHAN est l’enseigne qui détient la plus grande surface de vente de la métropole lilloise [71250m²]. C’est aussi le leader métropolitain des hypermarchés, à la différence de ce qu’on peut observer au niveau national où les enseignes Carrefour et Leclerc dominent. »1 Le sujet développé pour ce séminaire de recherche « le paysage et l’économie » a pour objectif de mettre en lumière les enjeux et intérêts portés par les différents acteurs rassemblés lors de la réalisation d’un centre commercial. Le centre commercial est une source d’enjeux économiques pour les acteurs publics et privés2. Chacun de ces acteurs possède une stratégie foncière et c’est la conciliation de ces stratégies que nous allons développer dans ce mémoire. Afin de mieux apprécier les stratégies de planification urbaine d’une métropole et les stratégies d’implantation commerciale d’une filiale de grande distribution, nous avons porté notre analyse sur la genèse de la zone commerciale développée autour du centre commercial V2 AUCHAN à Villeneuve d’Ascq.

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NEUVILLE, Léna, RAUDIN, Emma, Atlas du grand commerce de Lille Métropole, ADU de Lille Métropole, juin 2009, p.28

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PAQUOT, Thierry in Revue urbanisme, mars-avril 2011, n°377, p.39

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Figure b- Plan de situation, Source : bing.com/maps

Ce cas d’étude recoupe différents aspects opératoires pour cette recherche : 

La zone commerciale de la ZAC de Valmy a été conçue dans le cadre de la ville nouvelle par l’Etablissement Public d’Aménagement de Lille Est (EPALE). De plus, le centre-ville a été pensé dans les années 1970 comme étant commercial3.

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Archives de l’EPALE, Côte 12EP341, Charte d’aménagement concerté pour le quartier de l’Hôtel de Ville

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Un centre commercial « principal » de centre-ville (de moindre importance) a été programmé pour ne pas faire concurrence aux centres villes de Roubaix et Tourcoing déjà souffrants d’une situation économique très faible4. Aujourd’hui, ce centre commercial est pourtant d’envergure métropolitaine, voire départementale5. Afin de mieux identifier le caractère unique ou non de l’implantation du centre commercial V2,

nous avons porté notre attention sur la stratégie globale d’implantation du groupe AUCHAN. Gérard MULLIEZ, fondateur de l’enseigne, réalisait des réserves foncières très larges pour le développement d’une zone commerciale6. Dans un premier temps, il construisait un centre commercial de son enseigne, puis, les différents membres de la famille MULLIEZ développaient les leurs. Cette stratégie de développement a permis à l’ensemble du groupe d’imposer une présence importante sur le territoire et de véhiculer une véritable image de cohésion. Aujourd’hui, AUCHAN est une enseigne commerciale, mais également une combinaison d’enseignes familiales. Cette structure nécessite une stratégie foncière, portée par Immochan, filiale immobilière du groupe créée en 19767. Elle est en charge de la réalisation des réserves foncières, de la définition des stratégies d’implantation et de la gestion de son patrimoine foncier. A partir de cette analyse des mécanismes d’implantation du groupe AUCHAN avec pour exemple la zone commerciale d’Englos les géants, nous proposons de réaliser une archéologie d’implantation et de structuration du territoire du centre-ville de Villeneuve d’Ascq comme méthode de recherche. Nous avons pu identifier de nombreuses similarités entre ces deux zones. On y retrouve la même configuration : à Villeneuve d’Ascq, un centre commercial AUCHAN construit dans un premier temps (ouvert en 1977) puis un développement rapide et important des enseignes de la famille MULLIEZ à partir de 1983 (date à laquelle l’EPALE fut dissout8). Voici un extrait de l’analyse développée par l’ADU : « Aujourd’hui, la présence du groupe [MULLIEZ] dans la Métropole s’exprime au travers d’une douzaine d’enseignes. Celles-ci s’implantent toutes en milieu périurbain, et la plupart sont regroupées dans les mêmes pôles périphériques,

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BAUDELLE, Guy, Villeneuve-d’Ascq, ville nouvelle. Un exemple d’urbanisme concerté, Paris, C-EP Éditions – Éditions du Moniteur, avec le concours de l’EPALE, 198 p., p.26 NEUVILLE, Léna, RAUDIN, Emma, Op. Cit., p.39 et p.42 6

PETITPREZ, Philippe, Entretien mené le 27/11/2014 http://fr.wikipedia.org/wiki/Immochan, Immochan, auteurs multiples, licence de documentation libre, consultable sur le site http://fr.wikipedia.org/ , date de mise en ligne le 28/09/2007, dernières modifications apportées le 09/06/2014, consulté le 08/04/2015 8 Archives de l’EPALE, Côte 3EP406 7

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autour d’un hypermarché AUCHAN. Grâce à sa politique d’acquisition foncière, le groupe a pris place dans les sites les plus stratégiques de l’agglomération en termes de flux routiers. »9 Partant de cette observation, nous avons fait l’hypothèse que la zone commerciale de Villeneuve d’Ascq avait été planifiée par le groupe AUCHAN au même titre que la zone commerciale d’Englos. Cette hypothèse a cependant été réfutée par l’implication de l’EPALE en tant qu’acteur principal de la planification de la ZAC de Valmy. Créé en 1969 par le décret 69.32610 d’Etat comme Etablissement Public d’Aménagement de la ville nouvelle de Lille Est, L’EPALE est gestionnaire du foncier et possède des prérogatives et des modes d’actions spécifiques lui permettant d’incarner l’intérêt public et de mobiliser un territoire vaste destiné à la construction de la ville nouvelle. En amont de la création de cet établissement public, l’Etat a déclenché de nombreuses procédures de déclaration d’utilité publique (DUP) puis de zones d’aménagements différés (ZAD)11. L’ensemble du sol défini par les DUP et ZAD a ainsi pu servir de base pour l’action de l’EPALE. Après dissolution de l’établissement public en 1984, l’ensemble du passif et de l’actif de l’EPALE a été racheté par la Métropole Européenne de Lille12. Le sol appartient dorénavant à cette collectivité. Cet aspect s’ajoute à ceux de départ, après les recherches exploratoires. A partir de ces observations, nous pouvons faire l’hypothèse que la stratégie d’implantation d’AUCHAN a été modifiée par la présence de l’EPALE. Ne pouvant réaliser de réservation foncière, AUCHAN a dû adopter une autre stratégie d’implantation qui a elle-même impacté l’aspect actuel de la zone commerciale. Il s’en dégage une question générale : comment l’implication d’un Etablissement Public d’Aménagement influence une stratégie d’implantation commerciale ? Et plus spécifiquement, comment l’EPALE a influencé la stratégie d’implantation commerciale habituelle d’AUCHAN ? Cette problématique va nous permettre de comprendre la structuration actuelle de la zone commerciale et ainsi de confronter planification historique et morphologie actuelle. Un projet de planification urbaine regroupe différents acteurs qui interviennent dans la gouvernance du projet. Le cas d’étude présenté dans ce mémoire va nous permettre d’analyser les rapports entretenus entre des acteurs politiques, techniques et commerciaux. Enfin, le dernier enjeu est d’analyser ce que la zone commerciale représente aujourd’hui en termes d’enjeux économiques pour la ville et la métropole.

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NEUVILLE, Léna, RAUDIN, Emma, Op. Cit., p.29

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Archives de l’EPALE, Côte 3EP184 BAUDELLE, Guy, Op. Cit., p.101 à p.102 12 STIEVENARD, Jean Michel, Entretien mené le 19/12/2014 11

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Afin de répondre à cette problématique, le travail a été orienté autour de quatre hypothèses que nous développerons dans ce mémoire. 

Tout projet étant voué à évoluer de manière plus ou moins significative dans le temps, notre première hypothèse porte sur une question : Les principes d’aménagement urbain de l’EPALE ont été actualisés régulièrement au fil de la construction de la ville nouvelle.

L’EPALE a joué à son insu, le rôle de la filiale immobilière en proposant le même procédé d’implantation aux différentes enseignes commerciales. La deuxième hypothèse est donc que le processus de prise de décision habituel d’implantation incarné par Immochan dysfonctionne de par la présence de l’établissement public et réoriente son processus d’implantation.

A partir des vues aériennes historiques de la zone commerciale, nous supposons que l’EPALE a été un obstacle au développement de l’AFM. Ce site a toujours été un emplacement stratégique. De par sa proximité aux différentes autoroutes, il est visible. Les enseignes s’étant majoritairement développées à partir des années 1983, date à laquelle l’établissement public fut dissout, la troisième hypothèse dégagée suppose donc que malgré la présence de l’EPALE, il y a eu des prises d’intérêt au cours du projet de la zone commerciale.

Enfin, le projet d’aménagement urbain implique une gestion de la centralité et se doit de gérer le développement de la ville sur le long terme. A partir des observations faites sur site, nous supposons que les promoteurs commerciaux ont favorisé la mise à l’écart de ces deux notions dans le quartier de l’Hôtel de Ville.

Pour réaliser l’archéologie du projet de la zone commerciale du centre-ville de Villeneuve d’Ascq, les archives municipales ont été dépouillées de manière systématique en fonction des côtes qui nous ont été communiquées par le service des archives. Les recherches ont été réalisées par motsclés en fonction de l’état d’avancement des recherches : « V2 », « AUCHAN », « Centre commercial », « ZAC de Valmy » + « création », « Dossiers de cessions de lots » + « compromis de vente » mais aussi par dates (entre les années 1966 et 1985). Il était nécessaire de consulter l’ensemble des documents planificateurs réalisés à différentes époques pour comprendre l’évolution du projet du centre-ville.

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A partir des recherches réalisées, les documents suivants ont donc été essentiels à l’écriture de ce mémoire : -

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Les documents planificateurs de l’EPALE (Schémas d’Aménagement, dossier de création) : 

Plan des ZAD et DUP réalisées par l’Etat de 1966

Plan de phasage de la ville nouvelle de 1970

Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme (SDAU) de 1970

Plan d’Occupation des Sols (POS) de 1973

Dossier de création de la Zone d’Aménagement Concerté (ZAC) de Valmy de 1981

Les photographies aériennes historiques du site de geo.lillemetropole.fr, un des outils principaux du paysagiste ;

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Le cadastre actuel de la zone commerciale.

Ces deniers ont permis de croiser de manière concrète la stratégie urbaine développée par l’EPALE et la stratégie d’implantation du groupe commercial MULLIEZ, en prenant en compte les enjeux actuels que la zone commerciale porte pour la commune et la Métropole Européenne de Lille (MEL). Les photographies aériennes permettent d’analyser rapidement l’évolution du territoire et de cibler les périodes clés. Mises en tension avec le cadastre, cela permet de comprendre le découpage du foncier actuel « vu de loin ». La confrontation des recherches menées aux archives et celles menées sur le terrain avec les entretiens nous permettent de placer les différents acteurs ayant été impliqués dans le projet du quartier de l’Hôtel de Ville. En effet, nous avons choisi de rencontrer 6 personnes différentes présentées ici par ordre chronologique pour cerner les interactions entre acteurs publics et privés : -

Philippe PETITPREZ, directeur de Citania et directeur de l’aménagement, de l’urbanisme et de l’environnement de la filiale immobilière Immochan, pour comprendre la gestion des zones commerciales AUCHAN ainsi que la stratégie de développement adoptée au fil des années ;

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Blandine MENAGER, membre du service Grands Projets à la direction Aménagement, officiant dans la réalisation de la nouvelle centralité de Villeneuve d’Ascq, pour comprendre le centreville et connaître les propriétaires du foncier de la ZAC de Valmy ;

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Jean Michel STIEVENARD, premier adjoint au Maire de Villeneuve d’Ascq de 1977 à 2001 puis maire de 2001 à 2007, pour avoir des informations sur la chronologie des constructions du quartier de l’Hôtel de Ville et comprendre les relations établies entre les politiques locaux et les acteurs privés ;

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Assia BECAR, chef de projets dans le service « Renouvellement urbain, Espace Naturel & Urbain, Aménagement & Habitat » à la MEL, pour connaître les projets futurs du centre-ville de Villeneuve d’Ascq ainsi que les stratégies de développement urbain adoptées à partir de la dissolution de l’EPALE sur le quartier de l’Hôtel de Ville ;

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Martine LEFEBVRE, directrice du service « Foncier / Aménagement et Habitat » de la MEL, pour avoir des réponses quant aux stratégies développées par la MEL sur la ZAC de Valmy et plus largement sur le quartier de l’Hôtel de Ville après dissolution de l’EPALE ;

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Jean Claude RALITE, directeur de l’EPALE entre 1969 et 1973, pour comprendre les objectifs posés par ce dernier à l’échelle du centre-ville et avoir son opinion sur le profil actuel de la ZAC de Valmy.

Cela a permis de constituer une mémoire constitutionnelle (archives) alimentée par la mémoire des acteurs. Les entretiens réalisés ont contribué à la rédaction de ce mémoire grâce à leur richesse d’information et leur pertinence dans les propos liés à la zone commerciale étudiée. Ils ont également permis de comprendre comment l’évolution de l’organisation territoriale se transmet entre les acteurs et de voir qu’il est difficile de collecter l’ensemble des informations voulues pour l’avancement des recherches. La mise en relation des différents éléments du corpus permet d’établir une analyse fondée sur l’évolution du territoire sud de Villeneuve d’Ascq et de cerner le système hiérarchique politique d’un projet d’aménagement. Cette démarche est novatrice et permet de présenter un cas réel au lecteur par rapport aux deux grandes thématiques qui se dégagent de ce mémoire de recherche : L’URBANISME COMMERCIAL et LA PLANIFICATION URBAINE.

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I.

Les métropoles : territoire stratégique d’implantation des groupes de grande distribution

Cette partie permet d’expliquer le déroulement normal d’une implantation du groupe de grande distribution AUCHAN. Elle dresse un état des lieux sur la chronologie d’un projet d’implantation commercial, l’espace-temps entre l’achat des terrains et l’ouverture des différentes enseignes du groupe. L’intérêt dans cette partie est de montrer les enjeux urbains qui se dégagent dans le projet d’une zone commerciale.

1.1 Maillage commercial et consommation d’espaces Etalement urbain / Etat des lieux Les terres agricoles disparaissent à grande vitesse en France. Le mitage de ces terres est principalement dû au développement de la ville.13 Une partie des Français sont désireux de devenir propriétaires. Ayant une impossibilité d’accéder au foncier des centres villes trop coûteux, ils s’installent en périphérie pour bénéficier de ses atouts (proximité des lieux de consommation, proximité avec le lieu de travail) et ceux de la campagne (tranquillité, sécurité pour les enfants, grand jardin pour leurs jeux). Pour répondre aux besoins quotidiens de ces habitants, les espaces de grande distribution se retrouvent en limite de ville et de campagne : « Le dynamisme du commerce est toujours en périphérie, ne serait-ce que parce que le dynamisme démographique s’y trouve aussi »14. Ils tendent à réinvestir les centres villes pour fidéliser un maximum de clientèle15. Ayant des aires de recrutement de clientèle très larges, ils ont besoin de vastes surfaces de stationnement et de chalandises. Les zones commerciales sont représentatives du modèle de société de consommation de biens et d’espaces. A l’image des lots à bâtir pour les lotissements, les zones commerciales proposent un panel d’architecture peu diversifié, récurrent.

13

MANGIN, David, La ville franchisée, formes et structures de la ville contemporaine, Ed. La villette, Paris, 2004, p.18 MAOTI, Philippe, in Revue urbanisme, Op. Cit., p.43 15 LAVADINHO, Sonia & LENSEL, Bernard, in Revue urbanisme, Op. Cit., p.56 14

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Situation des centres commerciaux dans les métropoles, cas de la métropole Lilloise

Figure c- Plan de situation des zones commerciales dans la métropole Lilloise, Source : ADU Lille Métropole

D’après l’analyse de l’Agence de Développement et de l’Urbanisme de Lille Métropole (ADU), la majorité des centres commerciaux se situe en périphérie de l’agglomération lilloise. Cela s’explique concrètement par une forte influence de l’urbanisation périurbaine sur le choix d’implantation des groupes de grande distribution. La diversité de l’offre commerciale évolue avec le mode de consommation des habitants bien que la première évolue plus rapidement que la seconde16. La métropole lilloise recense dix-sept zones commerciales (superficies moyennes : entre 40 000 et 160 000m²)17. Leur situation dans la périphérie de l’agglomération n’est pas anodine : la majorité des centres commerciaux (hypermarchés et supermarchés) se situent à proximité des voies de communication (autoroutes et périphérique de Lille), là où les flux automobiles et les mouvements de population sont importants. La visibilité des enseignes est donnée depuis les voies de circulation majeures18. La

16

MAOTI, Philippe, in Revue urbanisme, Op. Cit., p.44

17

NEUVILLE, Léna, RAUDIN, Emma, Op. Cit., p.17 MANGIN, David, Op. Cit., p.83

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consommation est donc directement induite par l’emplacement des centres commerciaux et les déplacements de population sur les axes routiers. Les voiries de communication facilitent l’accès des zones commerciales pour les consommateurs et pour les transports de marchandises. L’évolution du transport routier19 est croissante au fil des décennies. Ce phénomène accélère le développement des zones commerciales. On a pu remarquer que la majorité de celles-ci se situe en périphérie de la ville de Lille. Elles se sont majoritairement construites dans les années 1960, au moment de l’explosion démographique d’après-guerre induisant une forte urbanisation (réponse à la crise du logement). Le territoire métropolitain en devient maillé.

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MANGIN, David, Op. Cit., p.76

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1.2 AUCHAN : Un groupe commercial, au service d’une stratégie de développement patrimonial

Englos : Présentation d’une zone commerciale type d’AUCHAN avant formation d’Immochan Ce village a été analysé en S8 de la formation paysagiste DPLG dans le cadre du laboratoire rural encadré par Frederic LESCUREUX. Cela va nous permettre de comprendre la typologie d’une zone commerciale AUCHAN20 réalisée aux débuts de l’enseigne commerciale.

Figure d- Carte réalisée par MORIZOT, Quitterie dans le cadre du laboratoire rural

Englos est une commune périurbaine de la métropole lilloise, de 510 habitants21. Elle se situe à l’ouest de Lille, à la fin du périphérique routier et au début de l’autoroute A25 menant à Dunkerque. Elle est marquée par une bipolarité très forte (voir Figure d). En effet, la partie nord de la commune est essentiellement constituée de la zone commerciale d’Englos les Géants alors que la partie sud est constituée du village très ancien, implanté dans un territoire agricole.

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AUCHAN est créé en juillet 1961 par Gérard MULLIEZ, fils de Louis MULLIEZ (filatures de Saint Liévin) http://fr.wikipedia.org/wiki/AUCHAN, AUCHAN, auteurs multiples, licence de documentation libre, consultable sur le site http://fr.wikipedia.org/ , date de mise en ligne le 05/06/2004, dernières modifications apportées le 12/03/2015, consulté le 08/04/2015 21 INSEE

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Cette bipolarité est expliquée par l’ancien maire Philippe DESCAMPS (de 1964 à 1991) : « Quand on était sur le pont de l’autoroute, en regardant vers Dunkerque, on voyait nettement ce qui risquait de se passer : à gauche, on avait le village ; à droite une grande étendue. Moi, je ne voulais pas que se construisent là des immeubles d’habitation. Je voulais préserver le caractère rural d’Englos. Alors je me suis dit qu’une zone commerciale, ce serait bien. »22 Dans cet article de la Voix du nord, sont présentés les rapports sociaux entre le maire d’Englos et l’ancien PDG d’AUCHAN. Amis d’enfance, tous deux sont originaires de la commune. L’intérêt pour Gérard MULLIEZ était de réaliser une énorme réserve foncière pour construire le premier centre commercial doté d’une galerie marchande de son enseigne dans le territoire de son enfance. Jean Claude RALITE, chargé de l’équipement dans la métropole lilloise à partir de 1965, délivre le permis de construire au PDG de l’enseigne pour sa première implantation à Englos23. Nous verrons par la suite, que cet évènement est directement lié à l’implantation du groupe AUCHAN à Villeneuve d’Ascq. Le maire, quant à lui, voulait réaliser autre chose que des logements sociaux. Il craignait que la métropole ne s’étale de plus en plus et ne se rapproche de son village. Pour le protéger de cette urbanisation croissante, il a agi en faveur de l’implantation de l’hypermarché AUCHAN. Le bâti commercial fait barrière à l’urbanisation HLM, il agit comme un repoussoir. Le maire d’Englos a fait de cette implantation commerciale une protection pour le village. En termes d’espace, chaque parcelle cadastrale de la zone commerciale d’Englos les géants est constituée d’un espace de stationnement réservé à la clientèle, un espace de stationnement réservé aux livraisons et le bâtiment de surface de vente en tant que tel. Chaque enseigne est installée dans une « boîte à chaussure ». La zone commerciale d’Englos les Géants est donc organisée autour d’un hypermarché AUCHAN. Les différentes enseignes du groupe MULLIEZ se sont développées au fur et à mesure autour de celuici. Chaque zone commerciale du groupe est structurée de la sorte. Le centre commercial a été ouvert en 1969 et c’est entre cette année-ci et 198324 que les enseignes des différents membres de la famille se sont implantées.

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TIGALET, Bruno, « Les souvenirs de Philippe DESCAMPS, le maire qui a vu naître Englos les Géants », la Voix du Nord, 16/02/2014 23 RALITE, Jean Claude, entretien mené le 18/05/2015 24 Travail de synthèse du laboratoire rural de 2014 basé sur les photographies aériennes historiques de la commune

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Figure e- Plan de la zone commerciale d’Englos les géants et photographie google street view représentant son aménagement

Le rapport plein vide de la zone commerciale est de ce fait très contrasté. La surface totale de la zone commerciale représente 53ha et la surface bâtie 15ha. Moins d’un tiers de la surface totale est utilisée pour les espaces de chalandises. Les espaces de circulations et de stationnement représentent donc plus de deux tiers de la surface de la zone commerciale. Les plantations sont sommaires et soulignent les voiries. Les bandes arbustives permettent de séparer les flux piétons des flux automobiles. Les passages piétons situés en cœur de stationnement sont signalés par des doubles alignements.

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Néanmoins, les cheminements piétonniers sont discontinus d’une parcelle à une autre. Les parkings n’ont pas eu d’aménagement particulier pour le déplacement des piétons. Les conducteurs, une fois sortis de leur véhicule, se retrouvent dans une situation de danger. Pour se déplacer d’un magasin à un autre, il est donc préférable de le faire en voiture.

Les MULLIEZ, une structure de financement et de conquête territoriale L’association familiale est un groupement d’intérêt économique créé en 1955. Aujourd’hui, elle regroupe 550 membres de la famille MULLIEZ25. Elle gère le patrimoine financier des différentes enseignes commerciales et est assimilable à une banque. Elle réalise des prêts pour les différents membres de l’association souhaitant développer leur enseigne commerciale. Le groupe, constitué des différentes enseignes appartenant à certains membres de la famille, a la particularité de véhiculer une véritable image de groupe : chaque membre de la famille est destiné à développer une enseigne commerciale répondant à un besoin quotidien. Ainsi, il a su développer différentes enseignes (bricolage/ jardinage/ automobile/ habillement/ grande distribution/ restauration/ équipement de la maison/ équipement à la personne) qui recouvrent l’ensemble des besoins des consommateurs.

L’AFM & la réservation foncière Face à l’étalement urbain, se pose de manière accrue l’enjeu des réserves foncières. D’une part, les politiques publiques cherchent à gérer leur croissance et rationnaliser leur développement, avec par exemple la construction de nouvelles zones à aménager (comme dans le cas d’étude de la ville nouvelle). Et d’autre part, les promoteurs commerciaux cherchent à acquérir du terrain à faible coût pour leur expansion et leur profit avec par exemple, les groupes de grande distribution telle qu’AUCHAN pour favoriser l’implantation des enseignes appartenant à l’AFM. Cela relève d’une concurrence entre acteurs privés et publics. A l’image d’une zone à bâtir, les promoteurs privés cherchent à s’accaparer le territoire pour la visibilité de leur nom, de leur fabrique (une architecture qui se duplique : un seul et même bâtiment pour tous les points de vente de l’enseigne). La stratégie d’acquisition foncière du groupe AUCHAN est unique par rapport aux autres enseignes de grande distribution. Gérard MULLIEZ, au lancement de son entreprise, avait la particularité d’acheter de vastes étendues agricoles pour pouvoir construire ses centres commerciaux :

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http://fr.wikipedia.org/wiki/Association_familiale_MULLIEZ, Association familiale MULLIEZ, auteurs multiples, licence de documentation libre, consultable sur le site http://fr.wikipedia.org/ , date de mise en ligne le 13/10/2005, dernières modifications apportées le 23/03/2015, consulté le 08/04/2015

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« Gérard MULLIEZ exploitait des terres (12 à 15 ha) et en 1968 a acheté 60 ha environ à d’autres agriculteurs qu’il connaissait. Ces 60 ha sont devenus une opportunité foncière qui elle-même est devenue stratégie de développement. Gérard MULLIEZ savait qu’il pouvait contrôler le développement autour du centre commercial avec l’acquisition de ces terrains-là. Il a acheté plus que ce qu’il n’avait réellement besoin. »26 Il les achetait à très bas prix, ce qui lui permettait de valoriser les terres achetées et de former un véritable patrimoine foncier. Avec le temps, le foncier de la métropole est devenu très prisé et devient très cher du fait de l’extension des villes. Le coefficient multiplicateur peut-être de 4 voire de 100 en fonction de l’urbanisation27. Le groupe AUCHAN a donc un patrimoine foncier d’une très grande valeur. La totalité des personnes rencontrées pendant ce travail de recherches affirme que les MULLIEZ sont plus des gérants patrimoniaux que des commerçants. En s’intéressant à Villeneuve d’Ascq, il parait évident que la zone commerciale du secteur de Valmy leur appartient, à l’exemple de celle d’Englos. Or, comme dit dans l’introduction, l’Etat a réalisé une grande réserve foncière pour la construction de la ville nouvelle. Les différentes enseignes commerciales ont donc pu s’implanter dans cette zone urbaine : Est-ce l’EPALE ou la MEL qui a géré l’implantation de ces enseignes ? Sous quelles conditions ? Et dans quel laps de temps ? Nous répondrons à ces questions dans la partie suivante du mémoire.

Immochan, gestionnaire du patrimoine foncier du groupe La filiale immobilière du groupe AUCHAN réfléchit depuis les années 1980 à construire de manière raisonnée les zones commerciales développées autour des hypermarchés de l’enseigne. L’enjeu est de planifier l’ensemble des implantations commerciales au lieu de laisser les différentes enseignes s’implanter sur des parcelles de leur choix. Lors de l’entretien réalisé avec Philippe PETITPREZ, directeur de Citania et directeur de l’aménagement, de l’urbanisme et de l’environnement de la filiale immobilière Immochan, il a expliqué que dès son arrivée dans la filiale immobilière, il y avait un besoin de mieux gérer la planification des zones commerciales : « Etant ancien fonctionnaire de l’Etat et ayant grandi dans cette consommation de l’espace, je me suis dit qu’il fallait changer les choses.

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PETITPREZ, Philippe, Entretien mené le 27/11/2014 LEFEVBRE, Martine, Entretien mené le 21/01/2015

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Après mon arrivée dans le service en 1987, j’ai donc proposé de préparer des schémas globaux d’aménagement de parcs d’activités pour ne plus avoir ce développement anarchique. Nous définissions le cahier des charges architecturales et urbanistiques. Nous avons réadapté le développement des zones commerciales. » Immochan développe une stratégie commerciale de communication : Aujourd’hui, la filiale réfléchit à l’étalement urbain et à la disparition des terres agricoles causées par l’urbanisation. Pour planifier les zones commerciales futures, elle fait équipe avec différents experts (paysagistes, écologues, sociologues, …) pour mieux les intégrer dans le paysage environnant. Ayant donné l’exemple de la zone commerciale de Noyelles-Godault lors de notre second entretien téléphonique, le directeur montre sa volonté de mieux penser l’aménagement des zones commerciales du groupe. Elle représente pour lui un symbole du renouveau des zones commerciales du groupe MULLIEZ. Nous supposons que ce discours s’assimile à celui du « greenwashing » ou « écoblanchiment » : Le constructeur prône un projet écologique plutôt que de véritablement agir en faveur de l’environnement, pour son propre développement commercial. Nous nous proposons d’analyser rapidement l’aménagement de cette zone commerciale en la comparant avec une autre pour argumenter notre supposition.

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Figure f- Plan de la zone commerciale de Noyelles-Godault et photographie google street view représentant son aménagement

En comparant ce projet de zone commerciale de qualité d’après Immochan (à Noyelles-Godault) et un autre projet de qualité d’après une étudiante en paysage (Carré Sénart à Lieussaint), on peut remarquer que celle de Noyelles-Godault est sensiblement structurée de la même manière que la zone commerciale type AUCHAN comme présentée avec l’exemple d’Englos les Géants. Le travail du paysagiste, d’après Philippe PETITPREZ, a consisté à travailler « l’arrière » des magasins de la zone donnant à voir sur l’autoroute, les chemins piétonniers et la plantation des parkings des différentes enseignes. A partir des photographies, on peut remarquer que le traitement des espaces piétons n’est pas terminé en termes de qualités : il n’y a pas d’éléments de limite entre la pelouse et le stabilisé, les espaces engazonnés sont dégradés par un passage fréquent de véhicules… Le paysage est porté par la filiale comme une plus-value commerciale.

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Figure g- Plan de la zone commerciale de Lieussaint et photographie google street view représentant son aménagement

A Lieussaint, le carré Sénart est un projet de Unibail RODAMCO, actuel propriétaire de V2. Le paysagiste mandataire, Michel Desvignes qui est une figure importante des paysagistes français, a réfléchi à l’implantation de la zone commerciale à partir d’une analyse fine du territoire. L’envergure des espaces piétonniers est guidée par les vastes étendues agricoles des alentours. Le maillage des cheminements montre l’importance que le paysagiste a donné aux modes de transports doux (pied, vélo) et transports en commun (ligne de bus au centre du projet). Par cet aménagement, le consommateur est poussé à venir au centre commercial par ses différents modes de transport. Les stationnements sont maîtrisés, inclus dans le système carré du plan d’aménagement et partagés entre différentes enseignes commerciales. La voiture est de fait mise au second plan. La qualité des espaces se traduit également par les plantations, car le paysagiste a employé des végétaux déjà existants sur le site de projet. De plus, il a veillé à souligner le concept du carré par le biais de cette végétation. Les 30


axes routiers sont plantés d’alignements, des espaces de loisirs sont plantés de manière régulière à l’image des mails forestiers. Contrairement à la zone commerciale de Noyelles-Godault, l’ensemble de l’espace est pensé comme un véritable parc urbain s’ouvrant aux quartiers pavillonnaires situés à proximité. Les espaces plantés ne sont plus des espaces résiduels mais de véritables espaces de vie de quartier. Cependant, la diversification des zones commerciales est un objectif fixé par la filiale immobilière pour répondre à l’étalement urbain alarmant : Philippe PETITPREZ et son équipe propose une « mixité » nouvelle dans les zones commerciales existantes : bureaux, parcelles agricoles, logements, etc. L’intérêt est aussi de réintroduire l’agriculture de proximité, pour créer des circuits courts entre producteur et vendeur. Immochan travaille déjà avec des maraîchers, agriculteurs, éleveurs, pour compenser le projet de construction des nouveaux centres commerciaux sur leurs terres, à l’amiable.

1.3 David contre Goliath : grands projets et contestations Déclin des Zones commerciales Les zones commerciales sont en déclin depuis le début des années 1990 aux Etats-Unis et en France28, la problématique des friches commerciales arrivent plus vite qu’on ne le pense. La construction des centres commerciaux ne suit pas l’évolution de la consommation des ménages : « +3,5% de m² chaque année pour une consommation qui augmente de 1,5%. […] C’est le modèle économique qui est remis en cause.»29 Aujourd’hui, la France connaît une augmentation trop rapide des surfaces en m² des centres commerciaux : « A propos des friches [commerciales], je tire le signal d’alarme depuis un certain nombre d’années car je suis effaré par le rythme auquel on crée des surfaces commerciales : il est plus rapide que le développement de la consommation des ménages, il va donc y avoir un problème. »30 Cela pose une question : Est-il possible de réfléchir au réinvestissement des friches commerciales par de nouvelles activités ? Pourquoi vouloir continuer de construire des centres commerciaux supplémentaires ? La majorité des entreprises de grandes distributions réfléchissent depuis des années au réinvestissement des centres villes. Il est clairement exposé par Thierry PAQUOT que les

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BALDASSI, Margot, « Les centres commerciaux : atome en perdition du périurbain », janvier 2014, http://www.pop-up-urbain.com/les-centres-commerciaux-atome-en-perdition-du-periurbain/ 29 PAZOUMIAN, Michel, in Services publics, « Y’a-t-il trop de centres commerciaux ? », France inter, février 2015, http://www.franceinter.fr/emission-service-public-ya-t-il-trop-de-centres-commerciaux 30 MAOTI, Philippe, in Revue urbanisme, Op. Cit., p.44

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groupes ont besoin de différencier l’offre31. Malgré le discours de réaménagement des zones commerciales actuelles pour leur adaptation au nouveau mode de vie de la population, le processus n’est pas encore en marche. A partir de l’analyse proposée par Philippe MAOTI, les groupes de grandes distributions ne font pas un changement profond de leur stratégie d’implantation : « Confronté à ces évolutions, l’urbanisme commercial tente sa mue avec plus ou moins de succès : diversification des politiques d’implantation, modulation des échelles et des volumétries, recherche de créativité architecturale, pour se départir au moins formellement de l’image lourde des boîtes à chaussures des décennies précédentes. […] les motivations qui poussent les acteurs du secteur à adhérer plus ou moins d’enthousiasme à la doxa actuelle qui se cristallise autour de la notion de durabilité relèvent plus souvent de la cosmétique que d’une réelle redéfinition des fonctions et des objectifs que doit remplir le pôle commercial. » 32 Le projet de renouvellement urbain proposé par Immochan pour les anciennes zones commerciales peut donc être remis en cause. La filiale prône une volonté de changer la situation, de rendre plus durables les zones commerciales et de limiter le mitage des terres agricoles. Cela fait maintenant 35 ans que Philippe PETITPREZ est en charge de la construction et la réhabilitation des nouvelles zones commerciales AUCHAN. Y-a-t-il eu des changements radicaux dans la manière de concevoir ces espaces de vente ?

Discours d’Immochan VS projet d’EuropaCity Immochan parle d’une aberration de la disparition des terres agricoles, de la bétonisation des terres périurbaines33. L’intérêt porté par la filiale depuis les années 2000 est de penser à la mixité des espaces commerciaux pour réintroduire le domaine agricole au sein de ceux-ci. En parallèle de ce discours, AUCHAN a lancé un nouveau projet de centre commercial dans la banlieue parisienne « EuropaCity » à Gonesse qui ne porte pas le même discours. Ce projet d’aménagement commercial sera le deuxième plus grand de France après DisneyLand Paris. « AUCHAN ambitionne de tricoter à l’horizon 2021 un nouveau morceau de ville avec 760.000 m2 de surfaces nouvelles. »34 La filiale projette de réaliser, à l’image des super-mall américains, un centre commercial qui allie lieu d’emplois, loisirs, grands commerces de distribution et agriculture urbaine. 8 secondes sur 2min56s de film35 (publicité du projet) sur le thème de l’agriculture et de l’environnement sont 31

PAQUOT, Thierry, in Revue urbanisme, Op. Cit., p. MAOTI, Philippe, Ibid., p.49 33 PETITPREZ, Philippe, Entretien mené le 28/11/2014 34 GUERIN, Jean-Yves, « EuropaCity, un autre grand projet contesté », Le Figaro immobilier, 26 Novembre 2014 http://immobilier.lefigaro.fr/article/europacity-un-autre-grand-projet-conteste_d118180a-6445-11e4-bfd2c533ca31df82 / 35 http://www.europacity.com/ 32

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proposées. Nous pouvons observer que le projet intègrera des « commerces collaboratifs » face à des enseignes remarquables. Est-il question de circuit-court entre producteur et vendeur ? Une toute petite partie du projet est dédiée à l’ « agriculture urbaine » en bout de parcours du « parc urbain », lui-même séquencé par le centre du projet puis par le parc d’attraction d’hiver. Nous pouvons également remarquer qu’une « ferme urbaine » est illustrée dans le clip par des petites jardinières où citrouilles, choux et poireaux poussent. L’image véhiculée est biaisée. Pour montrer que le projet est écologiquement fiable et qu’il respecte l’environnement, 4 secondes du clip sont dédiées aux équipements « verts » à savoir, « un équipement éco responsable », « panneaux photovoltaïques » et « un quartier sans voitures ». Ces équipements sont-ils représentatifs d’une conscience écologique fondée ou sont-ils seulement utilisés comme symbole pour promouvoir le projet commercial ?

Figure h- arrêt sur image de la présentation du projet EuropaCity, Source : www.europacity.com

A partir de leurs premières cartes situant le projet dans l’agglomération parisienne, on peut remettre en question cette dernière particularité. En effet, ils démontrent que le projet EuropaCity est situé à l’intersection de plusieurs axes majeurs : le RER du Grand Paris et le métro, les aéroports de Roissy Charles de Gaulle (nord est) et du Bourget, la gare SNCF de Roissy et les autoroutes (qu’ils choisissent de ne pas nommer alors qu’elles existent déjà). La visibilité du projet depuis ces dernières va fortement influencer les flux automobiles (cf. partie 1.1). La proximité de la gare SNCF pourra favoriser le déplacement en métro des visiteurs. Cependant, il est 33


difficilement pensable que l’ensemble des visiteurs utilise majoritairement ces transports. A l’image de Disneyland paris, EuropaCity est un projet dans lequel le visiteur pourra s’y rendre en voiture via les autoroutes. Aujourd’hui, le groupe commercial prône une mixité d’usage et une valorisation de l’agriculture urbaine. Cela reste pourtant dérisoire par rapport à la surface agricole consommée dans le triangle de Gonesse. Le discours porté par Immochan est-il encore viable ? Le site internet du projet propose 5 onglets différents ayant chacun une couleur particulière36. Par curiosité, nous avons regardé plus spécifiquement l’onglet vert (couleur utilisée dans le domaine du marketing pour parler d’éco-responsabilité et d’environnement) : « Un projet responsable et solidaire, EuropaCity met l’intelligence numérique et les innovations techniques et environnementales au service de l’homme. » Il développe en 4 points ce projet responsable comme étant le premier acteur de l’emploi local, le premier équipement « environnementalement positif », le premier centre de la consommation responsable et le premier pôle culturel structurant du nord-est Parisien. EuropaCity est donc planifié pour être le premier équipement de tout et en tout.

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www.europacity.com

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Figure i- Schéma représentant l'emplacement d'EuropaCity à l'échelle de l'agglomération parisienne, Source : présentation du projet sur www.europacity.com

De plus, le site internet propose de situer EuropaCity par rapport aux grands parcs urbains et forêts de l’agglomération parisienne. Rappelons que le projet se situe à environ 20 kms de Paris, comme la forêt de Saint Germain en Laye. Cette dernière représente 3500 ha en surface contre 20 ha pour EuropaCity. La notion d’environnement est-elle encore valable pour un projet commercial d’une telle ampleur ? Fera-t-il l’objet de sortie familiale dominicale pour profiter d’un air de nature ? Sur le même onglet, en guise de conclusion : « la stratégie de développement durable est un processus de réflexion stratégique pour mettre en place un projet responsable et durable ». Cette partie fait état de l’image de l’écologie dans le monde commercial. Peut-on réellement parler de projet écoresponsable lorsque celui-ci favorise une disparition du foncier agricole ? Rappelons qu’en guise de sous-titre de cet onglet interactif, il est noté que l’équipement commercial va créer 11500 emplois directs et 5900 emplois indirects. Le lobby de l’emploi est plus fort que le lobby agricole. EuropaCity n’a donc aucune raison d’être arrêté vis-à-vis des terres agricoles effacées.

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« EuropaCity est parmi les projets privés porteurs de création d’activités et d’emplois, emblématique pour le grand Paris. Le projet renforcera l’attractivité du nord-est francilien et sera porteur d’innovation. Cette allocution du Premier Ministre confirme le rôle structurant d’EuropaCity pour la réussite du grand Paris »37. A aucun moment dans les newsletters et actualités du projet l’agriculture urbaine, la dimension écologique et environnementale ne font l’objet de sujets particuliers. La communication du vert et sa vulgarisation est établie au service de la croissance économique et la création d’emploi sous l’œil favorable de l’Etat pour la valorisation du Grand Paris à l’échelle mondiale (Paris : candidate à l’exposition universelle 2025).

Figure j- plan de situation des centres commerciaux existants (rouge) et d'EuropaCity (marron), Source : www.google.fr

Sa construction va se faire dans l’espace le plus fertile de la région parisienne. En toute objectivité, l’implantation de ce centre commercial est difficilement imaginable étant donné la proximité qu’il a avec les autres centres commerciaux alentours38 (voir figure j ci-dessus : en rouge, les centres commerciaux existants). Les agriculteurs locaux ne comprennent pas les politiques. Ils se sentent vulnérables depuis plusieurs années avec la construction des autoroutes, des lignes à grande vitesse. La mobilisation contre ce projet de grande distribution grandit de jour en jour. Michel LUSSAULT, géographe, explique : « Pourquoi créer un pôle touristique de plus à Paris ? En fait, on a un peu l'impression d'une démarche qui part de l'impulsion d'un investisseur privé

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VALLS, Manuel, Discours : Grand Paris, le temps des réalisations, Créteil, 13/10/2014, http://www.gouvernement.fr/partage/2098-discours-grand-paris-le-temps-des-realisations-a-creteil 38 GUERIN, Jean-Yves, Ibid.

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[AUCHAN, en l'occurrence] qui cherche une maîtrise foncière, et fait une opération stratégique positive pour son propre développement, avec la bénédiction des autorités locales. »39 Le pouvoir financier du groupe MULLIEZ est contesté sur le territoire français par des associations de riverains défenseurs de l’écologie et rejetant la société consumériste et les profits réalisés par les grandes enseignes commerciales, d’agriculteurs comme par exemple le collectif pour le triangle de Gonesse40. A partir des propos de Michel LUSSAULT, nous pouvons questionner l’importance d’avoir un investisseur privé dans le cas d’étude de Villeneuve d’Ascq. En effet, la partie nord de la commune appartient à des membres de la famille MULLIEZ41. Elle en devient « privatisée » par ce groupe. Chacun y a trouvé son intérêt : la commune, à ses débuts, avait peu de moyens pour lancer son économie. Les MULLIEZ avaient déjà un portefeuille foncier et un pouvoir financier conséquents. Avec cette force financière, la commune de Villeneuve d’Ascq a su profité de cet élan économique. Aujourd’hui, la famille MULLIEZ est donc un des principaux contributeurs économiques de la ville.

Transition Le projet de la ville nouvelle a profité au groupe du fait de la planification du centre commercial principal (CCP) de la ville comme étant véritablement son centre. L’objectif de l’EPALE qui était de construire un CCP comme centre-ville à l’image des villes américaines et les super mall a profité au projet d’implantation du groupe MULLIEZ. En effet, cela représente un emplacement de vente supplémentaire. Le groupe commercial portait un intérêt particulier à cet espace stratégique avant même le projet de ville nouvelle. Avec la réserve foncière établie par l’Etat pour la mission de l’Etablissement Public d’Aménagement de Lille Est, AUCHAN a dû modifier sa stratégie d’implantation habituelle. Il ne pouvait en rien maîtriser le foncier. Avec le projet de CCP, AUCHAN a su se démarquer des autres enseignes commerciales (Paris France et Jelmoli France) du fait de ses origines. Avec son image de groupe commercial du nord, l’EPALE a voté en leur faveur pour leur implantation au sein du CCP et a implicitement facilité leur développement au sein de la zone commerciale de Valmy.

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BOLIS, Angela, « Pourquoi ne pas faire des terres agricoles une chance pour la métropole de Paris ? », Le Monde, 26/03/2013, http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/03/26/pourquoi-ne-pas-faire-des-terresagricoles-une-chance-pour-la-metropole-de-paris_1853874_3244.html 40 http://voe95.fr/cptg2/ 41 STIEVENARD, Jean Michel, Entretien mené le 19/12/2014

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II.

Le centre-ville de Villeneuve d’Ascq : un espace bipolaire

Sont présentés et développés dans cette partie les critères de sélection de la zone commerciale de Villeneuve d’Ascq comme étant un site où la stratégie traditionnelle du groupe AUCHAN est perturbée. Ils vont permettre d’analyser en parallèle les enjeux posés par l’Etablissement Public d’Aménagement et ceux posés par le groupe AUCHAN et de conclure sur l’idée que la Zone d’Aménagement Concerté (ZAC) de Valmy est un potentiel de développement ciblé par les deux entités.

2.1 Dynamiser la métropole lilloise par le biais de la construction d’une ville nouvelle

Contexte historique de la ville nouvelle, premières orientations d’aménagement Nous pouvons expliquer la morphologie particulière du centre-ville en établissant le contexte historique de cette ville nouvelle et en expliquant la stratégie développée par l’Etat pour la construction de celle-ci. En 1969, dans sa politique de reconstruction et de décentralisation des pouvoirs, il crée l’Etablissement Public d’Aménagement de Lille Est (EPALE) qui a pour mission de construire la ville nouvelle de Lille-Est, Villeneuve d’Ascq. L’équipe de technocrates ainsi constituée, propose de développer la ville en différentes phases avant leur dissolution le 1er Janvier 198442. Ils expliquent au sein de la Charte d’aménagement concerté du quartier de l’Hôtel de Ville qu’il est une centralité permettant de dynamiser la partie sud de la ville (d’une plus grande importance que le quartier de la Cousinerie établit comme étant la seconde centralité de la ville) : « il constitue le lieu de la principale centralité, mais n’en a pas le monopole »43 . Sa localisation est due à sa nécessaire proximité avec les universités. Il leur paraît pertinent de développer un centre commercial dit « principal » qui aura pour objectif de rayonner à l’échelle urbaine pour ne pas faire concurrence aux autres centres-villes de la métropole fortement touchés par la crise économique (cf. introduction). La projection de l’autoroute A22 (aujourd’hui l’actuel boulevard du Breucq, N227) et la situation de Villeneuve d’Ascq renforce ce projet de centre commercial. Il sera facile de le desservir et il profitera aux communes situées à l’est de la métropole Lilloise44 ainsi qu’aux universités. Cette proximité avec le réseau ferré, routier, de transports en commun va permettre de développer de manière conséquente le centre-ville. Le

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Archives de l’EPALE, Côte 3EP406 Archives de l’EPALE, Côte 12EP341 44 Archives de l’EPALE, Côte NC3131 43

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principe proposé par l’équipe est de construire le centre-ville sur dalle instaurant ainsi une nouvelle manière de circuler en ville, de séparer les flux : une promenade haute piétonne et une chaussée carrossable basse. Le centre commercial doit impérativement être relié à la promenade haute pour un meilleur fonctionnement du centre-ville45. Pour gérer l’ensemble du projet de la ville nouvelle sans contraintes, l’Etat avant création de l’EPALE acquiert des terrains sous formes de Déclaration d’Utilité Publique46 en expropriant les propriétaires des parcelles agricoles et/ou bâties47. Après création de l’EPALE, l’intérêt est de développer un ensemble de Zones d’Aménagement Différé48 pour éviter toute spéculation foncière et constructions irraisonnées de promoteurs immobiliers. Une convention est signée en 1975 entre l’établissement public et l’Etat pour que les technocrates puissent intervenir en qualité de mandataire du ministère de l’Equipement pour l’acquisition, la gestion et la cession des terrains pour le compte de l’Etat49. La projection faite par l’établissement public à cette époque sur le centre-ville est assez floue, sommaire. Il prévoyait de réaliser des bâtiments d’habitations denses autour du centre commercial mais aussi une plaine de « sport de quartier » au sud. Après dissolution de l’EPALE le 1er Janvier 1984, la ville ou la communauté urbaine de Lille pouvaient récupérer l’ensemble de l’actif et du passif de l’établissement public. Par manque de moyen financier, la ville n’a pu se les procurer et c’est la communauté urbaine qui a eu l’ensemble des biens pour une somme relativement modeste : « Gérard CAUDRON avait peur, la ville était toute jeune. Arthur NOTEBART avait de l’avance, de l’expérience, et la communauté urbaine avait beaucoup plus d’impact et de projets économiques à son actif. »50 MEL a donc, à partir de 1983 le plein pouvoir sur la gestion des terrains encore non bâtis à l’époque. Les enseignes commerciales de l’AFM se sont développées, ont su profiter du marché attractif de ce territoire. La majeure partie des enseignes présentes aujourd’hui dans la zone commerciale de Villeneuve d’Ascq appartiennent à la famille MULLIEZ51.

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Archives de l’EPALE, Côte 3EP565

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DUP : mécanisme destiné à permettre l’acquisition des terrains nécessaires à la ville

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Archives de l’EPALE, Côte 1EP41 (SDAU 1970) ZAD : mécanisme destiné à lutter contre la spéculation foncière (créée en 1962) 49 Archives de l’EPALE, Côte 10EP83 50 STIEVENARD, Jean Michel, Entretien mené le 19/12/2014 51 NEUVILLE, Léna & RAUDIN, Emma, Op. Cit., p.28 48

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Pendant la période Après-Guerre, déconcentration et laboratoire urbain La France est touchée par un cruel manque de logements, conséquence directe de la Seconde Guerre Mondiale. En plus de cela, l’Etat réfléchit à la décongestion de la région parisienne et au rayonnement de la capitale. L’objectif fixé par l’Etat est de désenclaver les provinces pour faciliter leur renouveau économique. Pour cela, les infrastructures routières sont imaginées de telle sorte que l’ensemble des métropoles désignées par l’Etat puisse avoir un accès direct sur le reste du territoire. Pour accompagner ce développement massif du réseau autoroutier de France, le ministre de l’équipement et du logement est chargé de répondre à la crise du logement. Une remise en cause des grands ensembles apparaît également du fait des logiques urbanistiques.52 L’idée de ville nouvelle naît de cet état de crise. Il est imaginé que dans plusieurs grandes villes de France, des villes nouvelles s’implantent permettant ainsi de développer une nouvelle économie et d’accroître la démographie, de développer des métropoles d’équilibres. Lille est alors désignée comme telle au début des années 196053. Les villes nouvelles, quant à elles, sont vues comme des espaces de laboratoire architectural. Cependant, elles se construisent rapidement à l’exemple de Villeneuve d’Ascq, où les immeubles deviennent très vite obsolètes. La ville vieillit mal et devient une zone géographique prioritaire en matière de rénovation urbaine54. La loi d’Orientation Foncière et Urbaine de 1967 établit les documents d’urbanisme servant à l’aménagement local : les Plans d’Occupation des Sols (POS : qui fixent les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols)55 et les Schémas Directeurs d’Aménagement et d’Urbanisme (SDAU : qui fixent les orientations stratégiques du territoire concerné et déterminaient, sur le long terme, la destination générale des sols et permettaient de coordonner les programmes locaux d'urbanisation avec la politique d'aménagement du territoire). Cela permet de donner un cadre juridique pour le développement des villes nouvelles et pour l’ensemble des territoires urbanisés et à urbaniser.

En parallèle, dans la métropole de Lille : du campus universitaire à la ville-nouvelle Le Recteur DEBEYRE souhaite implanter les universités hors de la ville. Visionnaire sur le long terme, il pense aux années 2000 en termes de recherches scientifiques dès 1958 : Il demande l’expropriation pour acquérir 250 ha puis 116ha pour la création de la cité scientifique.56

52

Archives de l’EPALE, Côte 2EP12, Dossier de Création de la ZAC de Valmy, Rapport sommaire et étude d’impact, p.1 53 BAUDELLE, Guy, Op. Cit., p.24 54 JACOB, Marie Madeleine, Entretien mené le 04/12/2013 (laboratoire « Lecture critique de projet ») 55

Extrait de l’article L123-1 du Code de l’urbanisme dans rédaction initiale

56

BAUDELLE, Guy, Ibid.

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Les universités prennent place en 1966 dans la commune d’Ascq. Seules parmi les champs avec une liaison ferroviaire, des accès limités, une absence d’éclairage urbain et de commerces à proximité… La situation est donc très précaire pour les nouveaux étudiants de Lille. Le projet des universités était planifié comme étant une vitrine de la métropole pour inciter les grands professeurs de Paris à venir enseigner au sein de la métropole lilloise57. Le projet de la ville nouvelle vient conforter cette implantation universitaire en marge de l’agglomération lilloise. Il doit répondre aux besoins des universités déjà en place mais également à la population future. Le centre-ville projeté par l’EPALE intègre ces facultés et s’étend jusqu’au deuxième pôle universitaire créé dans le quartier du Pont de Bois. Il sera desservi par la ligne VAL et la promenade haute piétonne pour établir une véritable dynamique centrale58.

Aujourd’hui : un centre-ville monofonctionnel Comme dit précédemment, l’actuel et historique étalement urbain accroît la spéculation foncière en centre et périphérie de ville. Le foncier devient alors plus cher en périphérie des villes et s’adresse à la classe moyenne voire aisée des ménages français. Le contexte actuel du centre-ville de Villeneuve d’Ascq est particulier. On pourrait s’attendre à voir un centre-ville avec une majorité de logements mais par la présence de l’autoroute, des multiples enseignes commerciales et des immenses espaces de stationnement qui en découlent le centre de la ville est à l’image des zones commerciales ordinaires : pratique pour la voiture et peu pour le piéton lorsque celui-ci doit, par exemple, aller des cinémas vers le centre commercial V2.

Des outils multiples pour la création du centre-ville Ce quartier a fait l’objet d’une évolution particulière au fil des années. Nous proposons de présenter les procédures et les outils d’aménagement ayant marqué cette évolution et le changement des acteurs du projet. Pour chaque procédure, l’échelle et le type de représentation graphique est spécifique. L’ensemble des documents consultés aux archives municipales a fait l’objet d’un temps long de compréhension et de réflexion pour mieux comprendre l’évolution du projet du centre-ville de Villeneuve d’Ascq.

PERCQ, Pascal & STIEVENARD, Jean-Michel, Villeneuve d’Ascq, une ville est née, Ed. Cana, Paris, 1980 58

RALITE, Jean Claude, entretien mené le 18/05/2015

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Figure k- SDAU de 1970, Source : Archives de l’EPALE Côte 1EP41, SDAU 1970

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Dans un premier temps, la ville nouvelle a été pensée dans son ensemble avec des grands principes d’urbanisation établis dans le Schéma d’Aménagement et d’Urbanisme de 1970. « [Il] a permis de définir les principales orientations du programme et le parti d’urbanisme de la Ville nouvelle. Selon ce document, la Ville nouvelle a pour objet essentiel de permettre une meilleure maîtrise du développement de l’agglomération de LILLE-ROUBAIX-TOURCOING, en offrant de façon équilibrée et simultanée les services d’habitat, d’emploi et d’équipement dans une zone géographique correspondant approximativement au quart sud-est de la métropole. »59 L’établissement public émet les grands enjeux de cette construction massive par le biais d’un plan composé de différentes zones, mettant en évidence les grands principes d’urbanisation pour définir le devenir du territoire est de Lille. Ce document planificateur fait l’objet d’une projection à +30 voire +50 ans. Nous pouvons distinguer les zones à urbaniser et les espaces libres. L’ensemble de la ville nouvelle est pensé en différents plans de construction (VI plan, VII plan et VIII plan) correspondant à des bornages temporels différents allant de 1970 à 1983 (voir Figure k, légende du SDAU). Le quartier de l’Hôtel de Ville s’inscrit dans une logique de densification, de nœud de communication. Il est dessiné en quatre parties distinctes : logements existants, logements actuels, sports et centre commercial principal (CCP). Il est prévu de concevoir les voiries de cette partie de la ville avant fin 1975 pour l’ensemble de la partie construite en rouge et avant fin 1980 pour la partie de plaine sportive. Le CCP joue le plein rôle de centralité comme connexion entre les différents lieux universitaires. L’ensemble des habitants de ces espaces auront une facilité de s’y déplacer du fait de la ligne de transports en commun VAL (Villeneuve d’Ascq-Lille).

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Archives de l’EPALE, Côte 2EP12, Dossier de Création de la ZAC de Valmy

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Figure l- Plan d’Occupation des Sols de Villeneuve d’Ascq Source : Archives de l’EPALE Côte 10EP8081, Annexe 2 CA du 06/11/1973 Plan d’Occupation des Sols

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Le Plan d’Occupation des Sols (POS) permet de définir plus précisément la construction de la ville nouvelle, avec une programmation diverse des différents quartiers de la ville. L’établissement public travaille toujours dans un système représentatif de zoning. Cependant, nous pouvons distinguer des nuances par rapport aux grands principes établis dans le SDAU de 1970. Les espaces à urbaniser sont pensés en termes de densité et de fonctions, les espaces verts sont distingués par les usages auxquels ils sont dédiés (voir Figure l, légende du POS). Le quartier de l’Hôtel de Ville est présenté comme étant mixte, avec en partie nord des espaces à caractère tertiaire, des logements denses, une station de métro et un centre commercial principal et en partie sud des logements denses, une plaine sportive de sport de quartier s’étendant jusqu’au sudest du boulevard de Tournai. L’ouverture du centre commercial en 1977 a créé une bipolarité dans le quartier de l’Hôtel de Ville : au nord, cette partie du quartier est construite avec des logements denses, des bureaux, et la station du VAL. Au sud, rien n’est construit : AUCHAN était concrètement dans les champs. La planification de 1973 n’est pas encore réalisée. La zone d’aménagement concerté (ZAC) de Valmy n’est pas encore planifiée. Cela s’explique par les intérêts de l’EPALE qui se portent sur les autres quartiers de la ville nouvelle : il est important de construire les logements et les équipements nécessaires à la vie au plus vite pour ne pas laisser les universités seules. La construction du quartier de l’Hôtel de Ville étant déjà bien entamée (avec les équipements vitaux), l’EPALE a concentré ses efforts pour le reste de la ville nouvelle. Le centre commercial est une véritable interface entre la partie nord et la partie sud du quartier. Cette situation historique est encore perceptible aujourd’hui. Il est une interface entre la partie résidentielle et tertiaire du quartier de l’Hôtel de Ville et la partie commerciale de la ZAC de Valmy. Elle ne fait pas réellement partie du centre-ville qui lui, se limite à la promenade haute : Aboutissant dans le centre commercial depuis le quartier du Pont de Bois, elle matérialise la limite physique que le piéton rencontre en fin de parcours. Une fois terminée, le piéton trouve difficilement sa place dans l’espace carrossable bas.

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Figure m- Source : Archives de l’EPALE Côte 12EP341, Charte d’aménagement concerté pour le quartier de l’Hôtel de Ville

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A partir de la lecture de la charte d’aménagement concerté du quartier de l’Hôtel de Ville publiée le 10 février 1978, l’EPALE explique clairement un phasage dans la construction du quartier en deux générations. Il est précisé que la partie sud du quartier, actuellement la zone commerciale, fait l’objet de la construction de seconde génération - la première génération étant la partie nord du quartier. Cet espace est voué à évoluer dans le temps : « Nécessité d’aborder la réalisation du quartier de l’Hôtel de Ville sur plusieurs générations, de ne pas interdire en tous cas son développement, ni sa transformation. […] Un quartier de ce type doit en effet pouvoir se développer et se diversifier. Ce sera là l’objet de ce qu’on pourrait appeler ne deuxième génération qui verra d’une part l’extension du quartier, à l’ouest et au sud avec notamment la construction d’un hôpital de 500 lits, l’utilisation d’un certain nombre de réserves de terrains –parkings au sol et d’autre part les transformations et changements d’affectation de certains immeubles ou pieds d’immeubles. »60 Le Dossier de création de la ZAC61 de Valmy est réalisé entre les années 1979 et 198162. L’EPALE réfléchit plus particulièrement à la planification du sud du quartier de l’Hôtel de Ville. Il est rédigé de manière habituelle, comme les projets d’aujourd’hui. Il est constitué d’un diagnostic, d’un plan d’analyse, d’un plan d’objectifs, d’un plan de parti d’aménagement et d’un plan d’Aménagement de la Zone (PAZ). L’ensemble reste très schématique, mais se précise par rapport au POS de 1973. L’EPALE souhaite établir une mixité au sein du quartier par le biais d’une mixité des logements (intermédiaires, denses, individuels), d’un parvis de grand équipement, de logements denses avec des activités situées en rez-de-chaussée et des équipements programmés que nous supposons être les équipements commerciaux (voir Annexes graphiques 3 et 4).

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Archives de l’EPALE, Côte 12EP341, Charte d’Aménagement concerté pour le quartier de l’Hôtel de Ville ZAC : Zone d’Aménagement Concerté 62 Archives de l’EPALE, Côte 2EP12 et 2EP13 61

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Les objectifs fixés par l’EPALE pour la construction de la ZAC sont de renforcer, compléter et achever la structure bâte du quartier, de construire pour partie autour du parking du CCP et préparer l’idée de son utilisation pour la construction en garantissant les places de parking, d’enrichir l’accessibilité au quartier et d’ élargir dans le quartier les possibilités de choix en matière de logements, par des logements de formes alternatives moins denses, complétant ainsi en l’adoucissant la silhouette du quartier. « Il s’agira de marquer clairement, mais sans brutalité les limites et entrées du quartier et réussir la création, dans le paysage actuellement trop ouvert, de paysages de voisinage plus réduits, et d’espaces publics et privés confortables. »63 L’EPALE, par le biais de ce dossier de création de ZAC, projette un quartier mixte doté d’alignements de façade le long du boulevard de Valmy et montre une volonté de faire du quartier de l’Hôtel de Ville une centralité (englobant la ZAC de Valmy). Cependant, l’ensemble du document reste sommaire dans la représentation graphique des objectifs. Aucun autre plan n’a été trouvé dans les recherches faites aux archives municipales. Le procédé d’acquisition des terrains par les enseignes commerciales que nous étudieront dans la troisième partie n’a jamais été en lien avec un plan cadastral joint aux différents dossiers consultés.

2.2 AUCHAN : Un programme d’implantations commerciales massives à partir des années 1960 Acteur de la région AUCHAN réfléchit à son implantation commerciale dans la métropole lilloise depuis le début des années 1960. Il véhicule une image régionale qui accompagne son pouvoir local. Sa stratégie d’implantation est particulière (cf. introduction). Les hypermarchés AUCHAN, inclus dans des zones commerciales MULLIEZ, se situent majoritairement en périphérie de la métropole : Englos, Armentières, Roncq, Leers, Villeneuve d’Ascq et Faches-Thumesnil. En termes de surface par enseigne, AUCHAN est l’enseigne commerciale la plus importante (71 250 m²).64 Elle a réalisé des réserves foncières nécessaires dans la majeure partie des cas.

Villeneuve d’Ascq, un carrefour autoroutier d’intérêt majeur Le projet de la ville nouvelle est stimulé par le projet de nouveaux axes routiers pour faciliter la mobilité nationale. L’autoroute A22 qui aujourd’hui est la N227 (le boulevard du Breucq) développée selon l’axe nord-sud traverse la ville nouvelle en son milieu. Le centre commercial projeté par l’EPALE

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Archives de l’EPALE, Côte 2EP12, Dossier de création de la ZAC de Valmy NEUVILLE, Léna & RAUDIN, Emma, Op. Cit., p.28 & p.30

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se situe à un nœud routier majeur : afflux de la Belgique (A22), du sud-est du département et de la région (A23) du sud du Pays (A1). Ce nœud d’infrastructures lourdes est à l’image des autres endroits stratégiques où s’est implantée l’enseigne commerciale. C’est pourquoi elle développe un intérêt pour une implantation dans cet espace stratégique de la métropole.

Stratégie du groupe commercial modifiée L’EPALE est déjà en place au moment où le groupe AUCHAN s’intéresse véritablement à cet emplacement stratégique. Gérard MULLIEZ utilise comme argument le fonctionnement d’un des entrepôts de la famille comme étant un point de « vente » de produits maraîchers pour convaincre l’EPALE de le laisser s’installer dans le quartier de l’Hôtel de Ville pour une première implantation commerciale : « Ça a l’air de marcher. On ne pourrait pas faire ça dans votre ville-nouvelle ? » […] « Là c’est quand même tout prêt, vous avez Lambersart, Armentières. » Je l’ai envoyé là-bas. « Faites-le dont là ! » ça a été le premier AUCHAN. « Allez dont là et là je vous aiderais ! » Et là il a eu son permis de construire puisque c’est moi qui lui ai donné. Et ça a été le premier AUCHAN de l’histoire. Ça a marché du feu de dieu. Et, puis après ils étaient toujours en train de faire notre siège : « - Alors quand est-ce que vous le faites votre centre-ville ? - Alors le centre-ville on ne peut pas le faire comme vous avez fait votre AUCHAN à Englos. - Ah oui mais moi Monsieur RALITE j’veux être là ! »65 Comme dit précédemment, AUCHAN ne peut donc pas réaliser de réserve foncière de manière classique. La stratégie s’adapte au fil du temps. L’enseigne commerciale participe de façon libre au concours pour la construction de l’hypermarché situé dans le CCP de Villeneuve d’Ascq, appel d’offre ouvert qu’aux promoteurs commerciaux. L’enseigne anticipe sur le projet du centre-ville de Villeneuve d’Ascq. Cela a influencé l’équipe de l’EPALE66 pour le choix du groupe de grande distribution (voir Figure n) devant travailler avec le promoteur commercial lui-même choisi par l’EPALE en 1975. De plus, à partir de l’entretien mené avec Monsieur RALITE, KAUFHAUF était mieux placé pour être lauréat que AUCHAN avant le départ du directeur de l’EPALE. L’image régionale a pesé en leur faveur.

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RALITE, Jean Claude, entretien mené le 18/05/2015 Archives de l’EPALE, Côte 1EP41, Demande de l’historique des projets de la société

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Figure n- Historique du projet du centre commercial V2

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Le projet du CCP de l’EPALE doit permettre aux commerçants locaux de lancer leur entreprise et de dynamiser l’économie commerciale locale. Le choix d’AUCHAN est pesé durant l’année 1975, moment pendant lequel le promoteur commercial est choisi (voir Figure n ci-contre). Il est un commerçant représentant de la région67. Cela a des conséquences considérables sur la stratégie d’implantation du groupe. Gérard MULLIEZ arrive à s’implanter dans un premier temps avec la construction de l’hypermarché intégré au centre commercial. Le Plan d’Aménagement de Zone (PAZ) établi par l’EPALE peine à faire surface. C’est en 1979 qu’il est publié dans le dossier de création de la ZAC de Valmy (cf. partie 2.1) et validé en 1981. En parallèle, NORAUTO, DECATHLON & SAINT MACLOU souhaitent s’implanter dans la zone commerciale. A partir de la consultation des différents dossiers de compromis de vente entre ces enseignes et l’EPALE, nous avons pu comprendre que la réflexion d’implantation commerciale s’est faite dès les années 1976 de la part des enseignes avant même que le centre commercial ne soit fini, trois ans avant la création du dossier de création de la ZAC de Valmy. Les enseignes MULLIEZ demandent la possibilité de construire sur la ZAC de Valmy avec insistance alors que le dossier de création de ZAC n’est pas commencé. Le groupe montre qu’il a un temps d’avance sur l’équipe de l’établissement public qui réfléchit à la finition des quartiers nord avant achèvement du centre-ville. Cela pose différentes questions : Estce que les enseignes MULLIEZ ont influencé le plan d’aménagement de l’EPALE à cette époque-là ? Estce pour cela qu’on retrouve autant d’enseignes du groupe sur la ZAC de Valmy ? L’EPALE a-t-il fait trop rapidement le dossier de création de ZAC parce que poussé par les enseignes ?

Transition L’EPALE a la réserve foncière nécessaire au développement de la ville, et donc de la zone commerciale. Il établit le programme de la ville à partir d’un SDAU, puis d’un POS puis d’un règlement de ZAC. Cette évolution de projet comporte des similitudes vis-à-vis de la stratégie d’implantation de la filiale Immobilière Immochan. Cette stratégie de développement urbain est propice au développement des enseignes du groupe MULLIEZ.

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Archives de l’EPALE, Côte 1EP41

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III.

La dissolution de l’EPALE : marqueur d’une rupture du paysage

Nous proposons d’analyser la réalisation de la ZAC et les impacts que cette dernière a entraînés sur le paysage. D’un point de vue spatial, elle ressemble à celle d’Englos (cf. partie 1.2). L’EPALE a établi des principes urbains généraux sur la création d’une ville nouvelle très dense, ayant deux centralités et proposant une mixité d’usage à l’intérieur des différents quartiers. La concrétisation du projet de l’Hôtel de Ville en un laps de temps court n’a pas permis d’imposer ces principes, énoncés dans le dossier de création de la ZAC de Valmy. Il en résulte une dissonance entre la morphologie actuelle de la ZAC et le projet planifié en deux générations (voir Figure m). Nous proposons une analyse spatiale en troisième sous partie pour le démontrer. Nous définissons la dissolution de l’EPALE comme étant un marqueur du paysage. Plus spécifiquement, le paysage comprend l’ensemble du territoire habité et non pas uniquement la représentation du beau, du naturel, de l’évasion, des grandes étendues. Façonné par l’addition des décisions et des actions d’acteurs impliqués, il évolue au fil du temps et reflète l’organisation spatiale du territoire selon différentes strates (patrimoniale, écologique, sociale, géographique, hydrographique, …) : « Le paysage est une partie du territoire telle que perçue par les populations dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations. »68 Ainsi, le paysage est mouvant et géré à différentes échelles par différents acteurs. C’est en cela que le cas d’étude du centre-ville de Villeneuve d’Ascq peut nous permettre d’appuyer une réflexion transversale à l’échelle d’un quartier, d’une ville et d’une métropole. En nous appuyant sur cette définition mouvante et habitée du paysage, il apparaît que la zone commerciale fait amplement partie de ce dernier comme étant le lieu de concentration des flux de personnes et de marchandises. L’urbanité et la centralité deviennent des notions primordiales dans cette logique de fabrique de paysage, l’appropriation de l’espace public étant seulement une preuve de réussite.

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Convention européenne du paysage, signée en 2000 à Florence, entrée en vigueur le 01/03/2014

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L’urbanité est considérée comme étant « l’ensemble des processus qui fait la ville, par deux facteurs : la densité et la diversité des objets de société. L’urbanité permet de qualifier des sous-espaces selon des gradients d’urbanité »69. L’un des enjeux, proposé par François ASCHER, de la centralité est de : « Polariser autant que possible les activités urbaines et les déplacements. La polarisation permet de concentrer ou de rabattre les déplacements sur des axes et donc de développer des infrastructures lourdes et des transports collectifs. La vitesse et l’autonomie des déplacements concurrencent pour certains contacts la proximité physique et la mixité fonctionnelle. » 70 C’est pour cela que nous allons mettre en avant les notions de centralité et d’urbanité dans le projet de la ZAC de Valmy. Elles permettront de problématiser les enjeux de cette initiation à la recherche établie sur la question du foncier de la métropole lilloise et ceux de la production de l’espace.

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LEVY, Jacques. & LUSSAULT Michel, Dictionnaire de la Géographie et de l'espace des sociétés, Ed.Belin, 2003, p.1053-1055 70 ASCHER, François, Les nouveaux principes de l’urbanisme suivi de Lexique de la ville plurielle, Ed. L’aube, 2013, p. 236-238

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3.1 L’année 1983 : un tournant décisif pour l’urbanisation de seconde génération La définition du Plan d’Aménagement de la Zone (PAZ) La ZAC de Valmy est limitée au nord, à l’est et au sud-ouest par la ZAC Borne de l’Espoir et Villeneuve d’Ascq, au nord-ouest par la Déclaration d’Utilité Publique (DUP) et au sud par le boulevard de Tournai et la commune de Lezennes. La zone ainsi définie totalise 31,5 ha.71 L’étude d’impact présente l’état initial du site comme étant banal. L’occupation agricole existante est identifiée comme « précaire et révocable » et résiduelle : « Il apparaît au terme de cette analyse que ces terrains ne présentent aucune richesse naturelle »72. Cet espace est donc proposé comme constructible par l’EPALE. Un besoin « d’activités » et de « mixité » au sein du quartier de l’Hôtel de Ville a été préalablement identifié dans le dossier de création de la ZAC. Cette notion de mixité est intimement liée à celle de centralité. On peut observer ce phénomène dans la majeure partie des centres villes français. A l’exemple de l’esplanade de la gare Lille-Europe, les commerces et lieux de restauration cohabitent avec des bureaux, des logements étudiants, des espaces publics généreux et permettent une continuité de la nature de centre malgré l’existence de plusieurs rythmes d’usages. Dans la présentation des choix du parti d’aménagement, il est noté que ce dernier « s’inspire de zones définies par la dominante d’une fonction dans un espace qui reste plus ou moins polyvalent. La dominante confirme le caractère préférentiel de réalisation, mais autorise dans une certaine limite fixée par les documents réglementaires la possibilité de réaliser d’autres constructions. »73 Le parti d’aménagement (sous forme réglementaire : le Plan d’Aménagement de Zone) se concrétise par trois secteurs distincts sans que des superficies soient prédéfinies : -

Un secteur à dominante d’habitat (DH)

-

Un secteur d’activité (DA)

-

Un secteur à dominante de Nature (DN)74.

Ces différents secteurs répondent au besoin de déphasage des rythmes d’usage qui leurs sont propres permettant d’assurer une constante de centralité dans la ZAC.

71

Archives de l’EPALE, Côte 2EP12 Archives de l’EPALE, Côte 2EP12 73 Archives de l’EPALE, Côte 2EP12 74 Archives de l’EPALE, Côte 3EP358 72

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Dans le cadre du laboratoire « Anthropologie Urbaine », encadré par Céline BARRERE au cours du S9, La Place Sébastopol de Lille est à cette image toujours en mouvement. Il est caractérisé par différents rythmes correspondant à des usages particuliers. Elle est un lieu de passage et d’attente alors que la majorité des équipements est fermée.

Figure o- La place Sébastopol, intermittente mais toujours passante (exemple du jeudi soir), représentation des flux voitures (en noir), piétons et cyclistes (en rouge et orange) et de l’ouverture des équipements (source OpenStreetMap)75

Un Cahier des Charges Types (CCT) à l’échelle de la parcelle Les entreprises souhaitant s’implanter doivent respecter le cahier des charges mis en place par l’EPALE et approuvé par décret préfectoral en 1981. Ce dernier est constitué de 25 articles classés en trois parties concernant les prescriptions imposées aux utilisateurs, les droits et obligations de l’acquéreur ou preneur pendant la durée des travaux et les droits et obligations des propriétaires ou détenteurs de droits réels. C’est l’application de ce cahier des charges qui a fortement guidé la logique de construction à la parcelle. En effet, ce dernier n’offre des droits aux entreprises qu’après acquisition d’une parcelle rendant irréaliste toute forme de concertation portant sur une échelle plus importante. On peut questionner la notion de centralité largement développée dans les documents planificateurs du début des années 1970 jusqu’au dossier de création de la ZAC de Valmy. En effet, le 75

BADEL, Léa & OLS, Juliette, Carte réalisée dans le cadre de l’Anthropologie Urbaine du S9, 01/2015

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changement d’échelle dans la constitution du CCT fait disparaître la notion de centralité développée précédemment à l’échelle du quartier de l’Hôtel de Ville. Aucune partie de ce dernier ne fait référence aux plans d’objectif, d’aménagement de zone et du parti d’aménagement qui développent cette notion. L’urbanité souhaitée par l’établissement public est vulnérable suite à la rédaction de ce document technique. Chaque entreprise se voit attribuer le droit à une parcelle. Cette dernière implique un ensemble d’obligations portant sur la nature du bâtiment à construire et sur les mesures compensatoires. Le bâtiment doit être réalisé avec le souci de l’homogénéisation du profil de la zone en tenant compte des autres bâtiments, des limites à dégager vis-à-vis du bâtiment pour son entretien et son accès technique. Le projet doit intégrer des plantations pour compenser la bétonisation des sols. Cette compensation est un sujet qui reste globalement impalpable, comme certains grands projets d’aménagements actuels le démontrent : la destruction de Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique Floristique et Faunistique au profit d’un projet nécessite une mise en place d’une mesure compensatoire. Il est nécessaire de recréer le même milieu écologique dans un autre endroit même si l’incertitude plane au-dessus de la reprise de cet écosystème. Cette gestion sous-tendue par le CCT comporte des similitudes avec la gestion foncière des zones commerciales AUCHAN (cf. partie I). Cette gestion portée uniquement sur le secteur d’activité (voir 3.1.1) au détriment des deux autres secteurs engendre une dégradation de la notion de centralité. Une précision faite à la petite échelle engendre une fragmentation et une dilution de la logique d’ensemble initialement dessinée dans le dossier de création de ZAC (voir Annexes graphiques 3,4 et 5). Même s’il est précisé que chaque bâtiment doit être construit en respectant l’homogénéisation du profil de la zone, le peu de prescriptions précises ayant trait au bâti (colorimétrie architecturale, programmation, traitement des limites, etc) illustre le manque d’obligation à l’échelle du quartier de l’Hôtel de Ville. Il apparaît que de trop grandes libertés ont été accordées aux promoteurs commerciaux. Cette liberté constructive a permis au projet de s’écarter des volontés initiales posées par l’établissement public (voir figures k et l). Cependant, Pierre ELDIN, architecte coordinateur du quartier de la Cousinerie, explique qu’un CCT ne peut être contraignant face à des enseignes commerciales76. En effet, lors de la rédaction du CCT du quartier de la Cousinerie, il a valorisé une gestion des couleurs et des matériaux à employer pour les habitations. Cela permettait de créer un épannelage architectural cohérent et homogène. Il regrette l’implantation du centre commercial Match qui a complètement modifié le profil du quartier.

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Séminaire du LACTH, un projet, trois acteurs : l’ingénieur, l’architecte et le paysagiste, organisé le 19/05/2015 à l’ENSAP LILLE

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Il explique que les équipes de conception n’ont pas d’autres choix que d’accepter l’implantation d’une enseigne commerciale pour la dynamique économique qu’elle apporte à la commune. Chaque enseigne commerciale a un modèle de bâtiment unique à répéter pour une meilleure lisibilité dans le territoire.

Application d’un CCT peu contraignant A partir des observations faites sur les différents dossiers de compromis de vente, il apparaît que trois enseignes commerciales sont intéressées pour leur implantation en 1976, avant même la formulation du dossier de création de la ZAC de Valmy. Il existe donc une période de dix ans entre les premières expressions d’intérêt et l’acquisition des terrains, entre les prescriptions pour la centralité de la ville nouvelle et sa mise en œuvre effective. En effet, l’EPALE a été aux commandes des ventes de parcelles jusqu’à la fin décembre 1983. C’est à partir de cette période que les terrains furent acquis puis aménagés par différentes enseignes, l’EPALE possédant deux ans de service pour la liquidation des travaux après sa dissolution officielle. NORAUTO : un exemple dans l’esprit du CCT La réflexion portée par l’enseigne commerciale commence dès Novembre 1976. Mr DAIGNEAU (NORAUTO) et Mr DUBAR (EPALE) se rencontrent pour délivrer des plans de deux terrains disponibles qui pourraient « accueillir la construction ». Le laps de temps est très court pour la vente des parcelles étant donné l’avancement de la planification de la ZAC : le compromis de vente est signé le 21 Décembre 1983 et la fin de la construction de la parcelle se fait en 198477.

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Archives de l’EPALE 3EP213

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Figure p- Emplacement de l'enseigne NORAUTO dans la ZAC de Valmy, Source : www.geoportail.gouv.fr

La parcelle acquise se situe en face du parking du centre commercial V2 et est dotée d’un bâtiment type de l’enseigne. Elle a été réalisée dans le dossier groupé DEVIANNE, DECATHLON, NORAUTO. Une aire de stationnement est développée à la sortie du giratoire de manière à faciliter les entrées et sorties des consommateurs. Cela génère un espace large, vide, autour de l’objet technique de circulation. La façade homogène et cohérente souhaitée par l’établissement public dans le plan d’objectif (voir Annexe graphique 4) n’est pas effective. L’aire de déchargement se situe en fond de parcelle et est partagée par les trois entreprises. Cela permet de démontrer que le CCT, peu précis, ne retranscrit pas de manière intelligible les objectifs fixés par l’EPALE dans le dossier de création de la ZAC en matière de centralité et d’urbanité. L’aménagement ainsi créé ne retranscrit en aucun cas ces deux notions et fait transgresser le profil mixte de la ZAC de Valmy vers un profil beaucoup plus commercial à l’image des zones commerciales émergentes à l’échelle nationale. DECATHLON : l’absence du secteur naturel (défini préalablement dans le parti d’aménagement) Le 19 Juillet 1977, Mr LECLERC (PDG de l’enseigne) fait une demande à l’EPALE pour l’installation d’un magasin et d’un entrepôt DECATHLON en ville nouvelle. Il développe un argumentaire : DECATHLON est un magasin de vente d’«articles de sport», c’est pour cela qu’il souhaiterait s’installer dans un environnement sportif (voir figures k et l).

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Le compromis de vente type est établi en Août 1979. Quatre ans plus tard, en septembre 1983, Mr DEPLANCK (chargé de développement de l’enseigne) est pressé par le temps pour l’implantation de l’entreprise à Villeneuve d’Ascq. A partir de l’analyse de ce dossier de consultation, il y a eu un temps long de six ans entre la première demande et la signature du compromis de vente. Il est pensable que ce soit intimement lié à l’élaboration du dossier de création de ZAC de l’EPALE qui ne voit le jour qu’en 1981 : « il me prie de vous confirmer notre vif souhait de nous installer au cœur de votre cité sur le centre commercial V2 […]Un magasin sera également construit sur l’emprise des terrains que vous voudrez bien nous accordez […] pour notre développement, créateur d’emplois, nous nous permettons d’insister sur l’urgence d’une prise de position et décision favorable étant donnée les dates d’installations que nous prévoyons au printemps 1984 […] en espérant que vous comprendrez notre insistance et que vous pourrez répondre favorablement à notre requête »78

Figure q- Emplacement de l'enseigne DECATHLON dans la ZAC de Valmy, Source : www.geoportail.gouv.fr

Nous supposons que l’enseigne commerciale de par sa requête, à influencer le schéma d’aménagement de la ZAC de Valmy. Elle propose de s’implanter dans un environnement sportif, projeté par l’établissement public au début des années 1970 (voir Figures k et l). Or, à l’heure actuelle, DECATHLON ne se situe pas dans un environnement sportif mais dans un environnement commercial. En effet, le magasin de sport est situé en plein cœur de la ZAC de Valmy entouré de Mc Do, du parking 78

Archives de l’EPALE, Côte 3EP184, Lettre de Mr DEPLANCK à Mr STIEVENARD du 12/09/1983

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aérien de V2 et d’autres enseignes commerciales appartenant à l’AFM (voir Figure q ci-dessus et Annexe graphique 7). L’argumentaire développé autour de l’environnement sportif est un leurre et montre bien les défaillances du CCT. Le compromis de vente est signé le 21 Décembre 1983. Le directeur général de l’EPALE autorise la société à déposer un permis de construire sur l’ilot 73 dans le quartier de l’Hôtel de Ville, le terrain est donc vendu par l’établissement public. C’est à partir de cette période, en Juillet 1984, que l’EPALE procède à la réception des terrains pour trois enseignes (DEVIANNE, NORAUTO, DECATHLON) et que DECATHLON construit la parcelle. Le bâtiment est situé en son milieu générant différents vides destinés à accueillir les aires de stationnements visiteurs. L’accès livraison se situe comme pour NORAUTO, en fond de parcelle. A l’image de cette dernière, DECATHLON ne constitue pas le linéaire de façade souhaité par l’établissement public (voir Annexe graphique 4). A cette échelle, la centralité se réduit à des aires de stationnements véhicules.

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SAINT MACLOU79 : une mixité à l’échelle de la parcelle Le 1er Juillet 1977, les architectes de la société et l’EPALE se rencontrent concernant les locaux que l’EPALE a proposés à SAINT MACLOU. Le 07 Février 1979, Mr Gonzague MULLIEZ (SAINT MACLOU) écrit une lettre à Mr THIEFFRY (EPALE) : « Ce terrain en effet, permettrait l’aménagement de trois ou quatre surfaces spécialisés (pizza, tapis, habillement, électroménager) cet aménagement permettrait d’avoir une façade de la rue Van Gogh, une surface construite en trois niveaux, ce qui correspond à votre désir » Le 28 Octobre 1982, Mr LEPOUTRE (SAINT MACLOU) écrit une lettre à Mr COLLETTE (EPALE) montrant une certaine impatience : « Nous nous permettons de revenir à nouveau sur nos projets d’implantation à Villeneuve d’Ascq en face du centre commercial V2. […] Comment évoluent les terrains et quelle solution pourriez-vous envisager pour nous ? Il avait été également question d’une possibilité de réaliser des surfaces commerciales sur les parkings du centre commercial, en bordure nord de ce boulevard de Valmy, les parkings étant destinés à être déplacés en sous-sol. Quelle suite donnez-vous à cette solution ? » Le 24 Janvier 1983, Mr COLLETTE répond à Mr LEPOUTRE : « Suite à nos différents entretiens, je vous confirme qu’en son article DA1 le règlement de la zone d’aménagement concerté de Villeneuve d’Ascq, zone dans laquelle se trouve l’ilot que vous souhaitez acquérir, stipule : - toute activité à usage exclusif de commerce de détail de grande ou moyenne surface est interdite En conséquence, le projet présenté devra faire l’objet d’une mixité commerces-bureaux ou autre activité non commerciale. »

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Archives de l’EPALE, Côte 3EP358

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Figure r- Emplacement de l'enseigne SAINT-MACLOU dans la ZAC de Valmy, Source : www.geoportail.gouv.fr

A partir des remarques faites par l’établissement public sur la notion de mixité, l’entreprise a modifié le programme de son projet d’implantation pour pouvoir s’implanter dans la zone commerciale de la ZAC. Elle propose de réaliser en plus de la zone de chalandises, un espace de restauration et des bureaux. Grâce à cette réadaptation du programme commercial, le compromis de vente est signé le 17 Mai 1983. La mixité voulue à l’échelle du quartier de l’Hôtel de Ville (voir Annexes graphiques 3, 4 et 5) se voit rapporter à l’échelle de la parcelle. Cela met en évidence que les principes urbanistiques posés par l’EPALE en 1981 sont modifiés à partir de demandes d’implantation commerciale. Celles-ci impactent directement les notions d’urbanité et de centralité préalablement définies dans le dossier de création. L’échelle prédéfinie de ces dernières se réduit à l’échelle de la parcelle et métamorphose complètement le projet d’aménagement de la ZAC. Ce processus d’acquisition et de formalisation des enseignes commerciales fait transgresser la notion d’urbanité à la simple notion de zone commerciale. Ce processus de sectorisation des activités engage une banalisation du paysage du quartier. Le processus de construction de la ZAC lancé par ces trois entreprises amorce un profil prédéfini. Leur détermination d’aménagement impulse une dynamique de constructions commerciales après la dissolution de l’EPALE, non remise en cause par le futur acquéreur de l’ensemble du passif et de l’actif de l’établissement public : la MEL.

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A partir des compromis de vente consultés, il se dégage que l’EPALE a mis à disposition des parcelles à bâtir avec un cahier des charges type peu contraignant à respecter. Le premier demandeur était celui qui acquérait la parcelle. Le plus rapide et fortuné avait le privilège d’acheter dans la ZAC de Valmy et de construire. Comme dit précédemment, les enseignes du groupe MULLIEZ avaient déjà pour projet de s’implanter dans la zone commerciale avant même que l’établissement public n’est commencé à rédiger le dossier de création de ZAC. A l’origine, l’établissement public ne souhaitait pas de zone commerciale MULLIEZ : « C’est exactement ce que je voulais leur interdire de faire au départ. »80. L’EPALE a joué le rôle d’un promoteur immobilier. Avec ce CCT, il a laissé les promoteurs commerciaux façonner la ZAC de Valmy à leur image. La centralité, la mixité et donc l’urbanité du quartier de l’Hôtel de Ville concernant la partie « seconde génération » se sont effritées au fur et à mesure que les enseignes commerciales se sont implantées. Elles ont engagé un processus d’addition et d’agrégation d’unités concurrentes sans logique d’ensemble. Elles ont dénaturé les principes urbanistiques posés par l’EPALE (voir Figures k, l et m). Cette fabrique de paysage est à l’origine d’un phénomène qui atteint l’ensemble de la France entre les années 1970-80 : la périurbanisation. Cette juxtaposition d’enseignes commerciales lisse et ignore la géographie sur laquelle elles prennent place. On fait coïncider ce phénomène avec la naissance des entrées de ville, terme largement employé depuis les années 1985 comme l’indique la presse spécialisée. Cette logique de sectorisation est à l’origine d’une banalisation de paysage. C’est en cela que des articles de l’époque relatent les effets de la banalisation en entrée de ville et l’évolution des outils réglementaires mis en place par le gouvernement pour tenter de les inhiber.

Figure s- Evolution des outils réglementaires pour les entrées de ville

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RALITE, Jean Claude, entretien mené le 18/05/2015

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Consultation de la mairie de Villeneuve d’Ascq pour la cession de lot A partir de l’entretien mené avec Jean Michel STIEVENARD, l’équipe municipale de la ville était consultée dans l’attribution des parcelles aux différentes enseignes. Pour le premier adjoint au maire de l’époque, l’intérêt était de choisir des enseignes locales, HeronParc est une erreur de ce point de vue-là. Il reconnaît que la force des MULLIEZ est d’être un groupe fédéré, de s’entre aider et de véhiculer une véritable image régionale. Il permet de donner du poids, sur le plan du développement économique, à la commune de Villeneuve d’Ascq dès ses débuts. De ce fait, il y a un fort intérêt d’avoir un acteur privé pour dynamiser l’économie de la ville. D’un point de vue planification urbaine, il faut noter que la présence d’un acteur privé, ayant privatisé un vaste foncier, n’est pas forcément la meilleure solution. En effet, toujours à partir de l’entrevue avec Mr STIEVENARD, à Euralille, des problèmes de construction non souhaitée par MEL au nord du périphérique sont apparus. Le terrain sur lequel les banques actuelles se sont implantées a fait l’objet de spéculation foncière. Il n’y a eu aucune maîtrise de la part de la mairie et de la MEL sur ce territoire : « Ce fut une expérience qui fut très mal vécue ». C’est pourquoi Pierre MAUROY avait tout intérêt à laisser les parcelles des DUP et ZAD de Villeneuve d’Ascq en l’état pour éviter la spéculation foncière et la non-maîtrise des terrains par la municipalité et la communauté urbaine. Cependant, au détriment de la notion de centralité, cette réserve foncière établie par l’Etat puis conservée par la métropole, valorise l’économie locale. En effet, MEL rachète les terrains de l’EPALE81 et continue d’aménager sur les principes de l’établissement public : « Ce qui est construit aujourd’hui n’est que le reflet des volontés de l’EPALE »82. Cependant, n’est-il pas du ressort de la collectivité territoriale en charge de l’aménagement urbain de faire évoluer les principes urbanistiques posés une dizaine d’année plus tôt par l’établissement public dissout ? La responsable actuelle du foncier à la MEL explique pourtant que la centralité de Villeneuve d’Ascq, à ce jour, n’existe pas dans la ZAC de Valmy. La MEL, à l’époque, avait donc la possibilité de faire évoluer le cahier des charges prescrit par l’EPALE pour valoriser la centralité de la ville nouvelle fixée dans le dossier de création de la ZAC de Valmy (voir Annexes graphiques 3,4 et 5). Cette dernière dépend étroitement des gestionnaires du foncier et des principes urbanistiques qu’ils appliquent.

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STIEVENARD, Jean Michel, Entretien mené le 19/12/2014 LEFEVBRE, Martine, Entretien mené le 21/01/2015

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3.2 Une ZAC à l’image de la zone commerciale type d’AUCHAN Une implantation sur une courte échelle de temps Entre les années 1983 et 1985, les enseignes du groupe MULLIEZ fleurissent dans la ZAC de Valmy.

Figure t- Evolution du territoire de Villeneuve d’Ascq, Source : géo.lillemetropole.fr

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Cet intervalle coïncide avec la dissolution de l’EPALE et le phénomène ainsi engagé ne fait que croître dans la décennie suivante avant de ralentir significativement en 1994. Dans les années 1950, le territoire est majoritairement constitué d’étendues agricoles constituées de petites parcelles, et ponctuées par des villages de petite ampleur à l’image de Lezennes (Au sud), Ascq (au nord-ouest) et Annapes (au nord-est). Ces derniers s’agrandissent jusque dans les années 1970. Nous pouvons observer que l’autoroute A22 est construite pour desservir la métropole, ainsi que la cité scientifique et son campus entre les années 1960 et 1971, comme on peut le voir sur les deux vues aériennes (partie est). L’activité agricole, décrite comme précaire et révocable par l’EPALE83, disparaît peu à peu avec la construction de la ville nouvelle. Ce n’est qu’à partir des années 1983 que la zone commerciale et les espaces de loisirs (verts, décrit dans le SDAU de 1970) se développent sur la façade sud du boulevard de Tournai.

Figure u- Emplacement de HeronParc dans la ZAC de Valmy, Source : www.geoportail.gouv.fr

Comme on peut l’observer dans la figure u ci-dessus, le parcellaire est organisé selon la logique « une entreprise, une parcelle » hormis pour le complexe du HeronParc (divisé en deux parties : les cinémas et les enseignes commerciales donnant sur le boulevard de Tournai). Ce cadastre ne permet cependant pas d’observer la chronologie d’implantation des différentes entités. Cela illustre bien l’absence de réflexion globale menée à l’échelle de la zone de Valmy, chaque projet ayant été pensé comme autosuffisant. Comme on peut l’observer sur la figure v ci-après, les façades des enseignes

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Archives de l’EPALE, Côte 2EP12

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implantées en face du parking de V2 ne s’alignent pas et s’organisent autour de giratoires, d’aires de stationnement.

Figure v- Croquis d’ambiance, depuis le cheminement piéton du parking de Leroy Merlin (gauche) et d’Orchestra (droite)

Chacune d’entre elle a un parking particulier (voir figure v ci-dessus), une façade en retrait par rapport à la limite de parcelle et ouverte sur le boulevard, un accès livraison en fond de parcelle. Ainsi, l’ensemble des implantations génèrent en plan une organisation peu structurée et une multitude d’espaces triangulaires, difficiles à aménager. La ZAC de Valmy présente également des problèmes de liaisons physiques entre les entités commerciales, à l’exemple de la zone commerciale d’Englos les Géants (voir figure e). Les croquis qui ont permis d’élaborer l’analyse paysagère, ont été réalisés un vendredi matin. L’affluence était très forte, et nous nous sommes sentis vulnérables vis-à-vis des automobilistes.

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Profil actuel de la zone commerciale La surface totale des emprises bâties représente 12,5ha sur une surface totale de 31,5ha. Par rapport à ce que prévoyait l’EPALE, la zone commerciale ne reflète pas les derniers schémas d’aménagement (voir Annexes graphiques 3,4 et 5) :

Figure w- Photographies réalisées les 05 et 16 février 2016 dans la ZAC de Valmy

Le patrimoine végétal est très pauvre, peu d’arbres et peu d’arbustes soulignent le front bâti sur les différents boulevards. Dans la partie « seconde génération » de la ZAC, la zone commerciale du Heron Parc a remplacé les logements intermédiaires et individuels initialement envisagés. Deux entreprises de l’AFM (Top office & Kiabi) ainsi qu’un giratoire ont respectivement remplacé le grand équipement et son parvis projetés par l’EPALE. S’ajoute à ces caractéristiques urbaines, le peu d’accessibilité pour le piéton qui était pourtant prônée par l’établissement public avec cette logique de séparation des flux piétons et automobiles. L’urbanisme des années 1970 a privilégié le tout voiture, prenant peu en compte le piéton dans un contexte sectorisé. La discontinuité des cheminements est à l’origine des chemins du désir à divers endroits dans la zone commerciale (voir figure x). La logique d’urbanisation sectorisée n’est plus adéquate aux chalands actuels et peine à trouver des solutions à l’échelle nationale comme le montre

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les nombreux ajustements faits au cadre juridique de l’aménagement commercial et des entrées de ville (voir figure s).

Figure x – Photographies réalisées le 16 février 2016, représentant les multiples chemins du désir de la ZAC de Valmy

Cette urbanisation faite au coup par coup, année après année, montre ses limites et le manque de réflexion portée sur les modes de circulation actifs (marche à pied, cycles). Le piéton cherche à avoir une facilité d’accès pour aller d’un point A vers un point B. C’est en cela que les chemins du désir apparaissent. Ils sont la preuve que l’urbanisme doit prendre en compte l’ensemble des usagers d’un espace. Les concepteurs de la ville doivent analyser le terrain sur place et non pas uniquement sur papier, en plan. L’ensemble des documents consultés aux archives de Villeneuve d’Ascq étaient majoritairement des plans d’aménagement, pauvres en termes de coupes, croquis d’ambiance, etc. Le diagnostic établi pour l’aménagement de la zone ne présentait aucun document d’ambiances du site, mais beaucoup de texte pour argumenter les plans de réflexion. Le principe d’attribution des lots parcellaires est similaire à ce que pouvait faire AUCHAN dans les années 1960 à 1970. L’urbanité est dédiée à la consommation et non pas à un espace de vie multifonctionnel comme projeté des années 1970 à 1981 (cf. partie 2.1.5) par l’EPALE. Cette logique d’urbanisation apparaît avec l’importation d’un nouveau modèle de société de consommation dans les années 1960 et se généralise à l’échelle du pays. Ce nouveau modèle est représenté par le « shopping mall » à l’américaine et l’émergence d’un nouveau mode d’habité. Ces deux concepts sont facilités par la démocratisation de la voiture84. Aujourd’hui, un projet de réaménagement du centre-ville de Villeneuve d’Ascq est en cours d’élaboration. La question du foncier pendant la construction de la ville nouvelle reste encore problématique aujourd’hui. Le processus très rapide de fabrication de Villeneuve d’Ascq pose la

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BURGEL, Guy, Pour la ville, ed. Creaphis, 2012

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question du rôle de l’établissement public dans la planification foncière des vides restants, des temporalités des dispositifs et outils d’aménagement, comme des calendriers des acteurs. La centralité de la ville ayant été majoritairement réfléchie dans la partie nord, une sensation de « non-finie » dans la partie sud est ressentie. Elle est expliquée par la projection du quartier de l’Hôtel de Ville faite en deux générations (voir figure m) et donc par le changement de temporalité de création du quartier : La partie nord a eu le temps de se construire entre 1970 et 1977 sous la direction de l’EPALE alors que la partie sud a été réalisée, à ses débuts par l’EPALE et les enseignes commerciales, puis par la MEL et ces dernières. Le changement de maîtrise d’ouvrage en devient remarquable. Actuellement, la ville et la communauté urbaine travaillent ensemble pour réfléchir au devenir de la zone commerciale. A partir de l’entretien réalisé avec Mme Assia BECAR (voir entretien 4) il en ressort le besoin de redéployer une centralité qui ne se réduise pas à l’infrastructure commerciale : « On va dire qu’aujourd’hui n’importe quel concitoyen de la métropole ou de Villeneuve d’Ascq dit « Je vais à V2 » et non pas « au centre-ville de Villeneuve d’Ascq » donc la volonté c’était vraiment de créer un centre-ville, une vraie identité. »85 En lançant un appel d’offre sur le réaménagement du centre-ville, les deux entités portent un regard extérieur sur la situation actuelle de la zone commerciale. L’équipe ayant remporté l’étude est constituée d’un urbaniste mandataire et d’un paysagiste. La place des experts et la cohésion des acteurs dans la planification urbaine sont nécessaires pour mener à bien un projet de territoire.

Transition L’EPALE comme intermédiaire, a travaillé comme un promoteur en vendant par lot. Chacune des enseignes voulant s’implanter dans la zone commerciale avait son propre promoteur (pour la construction du bâtiment) et son propre architecte (pour la conception du bâtiment). De ce fait, la ZAC de Valmy est prisée et gérée (d’une certaine manière) par les enseignes MULLIEZ. Le profil qu’on connaît aujourd’hui est à l’image des zones commerciales AUCHAN. L’EPALE a joué le rôle d’une locomotive de développement urbain, le groupe MULLIEZ a su profité de cet élan pour parfaire son portefeuille foncier. L’EPALE a été un acteur pivot dans la logique des temporalités attribuées à la ZAC de Valmy et dans les relations établies avec les acteurs privés.

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BECAR, Assia, Entretien mené le 07/01/2015

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Conclusion Ce travail de recherches a permis non seulement de comprendre les interactions entre différents acteurs du projet urbain mais aussi d’analyser l’influence que peuvent avoir les groupes commerciaux sur des acteurs publics. En s’intéressant à la ville nouvelle de Villeneuve d’Ascq, nous avons pu comprendre les objectifs et les stratégies d’aménagement fixés par l’établissement public et le groupe commercial familial AUCHAN pour la ZAC de Valmy. En s’attachant aux deux stratégies développées par ces entités, le mémoire propose de répondre à la problématique suivante : Comment l’EPALE a impacté la stratégie d’implantation commerciale habituelle d’AUCHAN ? L’EPALE a joué le rôle de la filiale immobilière Immochan en proposant le procédé similaire d’implantation : une parcelle pour chaque enseigne commerciale. Le mécanisme de création de réserves foncières habituellement mené dysfonctionne de par la présence de l’établissement public. Malgré la présence de l’EPALE, et à partir des compromis de vente consultés aux archives municipales, nous avons pu vérifier qu’il y a eu des prises d’intérêt au cours du projet de la zone commerciale. Les enseignes, avec leur volonté bien affirmée, ont influencé l’établissement public dans la manière de concevoir le Plan d’Aménagement de Zone (PAZ) faisant tendre le profil actuel vers l’image des autre zones commerciales AUCHAN construites dans les années 1960. L’EPALE aurait dû jouer un rôle plus important et décisif dans l’élaboration du CCT pour contraindre les enseignes à valoriser la mixité initialement prévue à l’échelle du quartier et non à l’échelle de la parcelle. Aujourd’hui, la centralité du quartier de l’Hôtel de Ville ne se ressent qu’à l’échelle de la promenade haute - qui elle aussi a perdu de son identité avec le retournement des entrées principales des différents équipements culturels et vitaux du quartier vers la place du forum des sciences. La bipolarité effective l’année de construction du centre commercial est renforcée par l’aménagement majoritairement commercial de la ZAC de Valmy. Le plan de phasage (voir Figure m) fait état de l’aménagement actuel de la zone.

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La stratégie de développement urbain adoptée par l’EPALE a été propice au développement des enseignes du groupe MULLIEZ. L’EPALE a joué le rôle d’une locomotive de développement commercial et le groupe a su profité de cet élan pour élargir son portefeuille foncier. En faisant l’archéologie du projet du centre-ville, nous avons pu constater que les principes d’aménagement urbain de l’EPALE ont été actualisés régulièrement au fil de la construction de la ville nouvelle. Tout projet urbain est amené à évoluer au cours du temps. Cette notion est une contrainte à gérer dans tout projet d’aménagement. La gestion du foncier à l’échelle du quartier de l’Hôtel de Ville a été difficile à cause des « pressions » exercées par les enseignes commerciales. L’Etat ayant fixé la fin de la construction de la ville nouvelle pour 1983, l’EPALE n’a pas su gérer la destination du foncier de la partie sud du quartier en un laps de temps très court (4 ans). L’intérêt aurait été de développer un CCT en accord avec les objectifs fixés préalablement dans le plan de parti d’aménagement (voir Annexe graphique 4). Par ailleurs, ce dernier aurait gagné à être plus précis en termes de représentation graphique pour définir au mieux le parcellaire et ses destinations - de ne plus faire d’un quadrillage une « zone à aménager » en « logements peu dense », d’enrichir les plans d’aménagement par de multiples croquis, coupes, profils et ainsi d’établir un CCT en lien direct avec le découpage précis du foncier. Les recherches se sont limitées en ce point. Aucun document relatif à la création du découpage parcellaire n’a été consulté. Les informations inscrites dans ce document, s’il existe, auraient été d’autant plus opératoires pour l’élucidation de ce problème relatif au foncier. Cependant l’établissement public ne pouvait contraindre les enseignes commerciales en termes d’esthétique architecturale. En effet, comme précisé dans la partie 3.1, l’équipe pluridisciplinaire des concepteurs ne pouvaient en rien changer le profil de chaque bâtiment commercial. Chaque enseigne a sa propre écriture pour une meilleure lisibilité dans le territoire. Peutêtre aurait-il fallut définir la ZAC de Valmy comme étant un espace d’habitation et de loisirs, indiqué dans le SDAU et POS des années 1970 pour y remédier. La centralité d’une ville se régénère par période. Les jeux d’échelle du projet de paysage sont une contrainte non négligeable dans l’établissement même de la centralité. Etant intimement liée à la notion du temps, elle est sujet à évoluer. L’appropriation du lieu implique une notion de temps indépendante des principes urbanistiques posés par le concepteur.

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Ouverture Un projet d’aménagement est un projet visionnaire, sur le long terme. Il est difficile de prévoir les besoins qu’on aura dans 30 ou 50 ans. Le laps de temps existant entre le début de la réflexion et la construction reste une contrainte non négligeable dans la planification territoriale. La gestion d’un projet de planification urbaine est difficile à cerner sur le long terme. C’est en cela qu’il doit être en partie modulable pour s’inscrire dans une logique d’évolution, de transformation. L’EPALE a su être réaliste et a été capable de considérer cette évolution perpétuelle de la ville. Dans la charte d’aménagement de la ville nouvelle, il précise que le centre-ville est un quartier qui ne peut se construire en peu de temps : « Plus exactement, si, pour l’essentiel, la construction d’un tel quartier, à vocation de centralité, peut être rassemblée sur une dizaine d’années, il reste que c’est dans un quartier de ce type qu’une ville, à travers son histoire, a tendance à se transformer le plus. D’où la nécessité d’aborder la réalisation du quartier de l’Hôtel de Ville sur plusieurs générations, de ne pas interdire en tout cas son développement, ni sa transformation. » 86 L’EPALE s’est sans doute trop appuyé sur cette évolution perpétuelle et n’a pas su proposer un projet initial cohérent pour la partie sud de l’Hôtel de Ville. Avec l’argument « c’est le centre-ville qui change le plus au cours des siècles », il se montre distant et prudent vis-à-vis de l’urbanisation de cette partie de la ville. Les « deux générations » n’auraient pas dû être programmées de la sorte, mais comme une seule et même démarche définie par un phasage de construction. Le changement d’équipe dans la finition de la ville nouvelle montre l’importance d’avoir une politique dynamique, tenue et supportée par différents élus dans un projet de développement urbain. Il est nécessaire d’avoir des personnes qui suivent le projet d’A à Z, ou alors de faciliter la transmission d’un projet d’une équipe à une autre pour engager la continuité du projet. Cependant, il est aujourd’hui difficile en France de faire accepter un projet sur le long terme. Si la municipalité connait un changement de bord politique, le projet d’aménagement préalablement dessiné sur le long terme peine à aboutir. Avec l’argument de création d’emplois pour séduire les élus locaux, les promoteurs commerciaux s’engagent à construire du neuf sans considérer les zones commerciales existantes, vieillissantes. C’est une sorte de politique de l’autruche peu durable et à double tranchant : l’existence d’une friche commerciale nuit à l’image globale d’une zone d’activités et ne motive pas l’installation d’une nouvelle activité du même secteur économique. Les friches ne

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Archives de l’EPALE, Côte 12EP341

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doivent pas rester lettre morte dans les planifications de demain et doivent être considérées pour des opérations de long terme par les responsables politiques et techniciens conseillers. Le paysagiste doit être une personne ressource dans la création d’un projet de territoire. Il a la compétence de mettre en adéquation des enjeux globaux à l’échelle locale, d’articuler des échelles de planification avec un projet d’aménagement concret en s’appuyant sur ce qui existe sur le terrain (géologie, topographie, hydrographie, populations, végétation, etc). En partenariat avec des professionnels de la planification, le paysagiste est en capacité d’apporter une dimension sensible au territoire. Il repense la ville en relation avec son environnement géologique et place les usagers de la ville dans le processus de fabrication du paysage. Aujourd’hui, la logique d’urbanisation de zoning doit transgresser vers une urbanisation de mixité de programmes mais surtout vers une stratégie paysagère de développement territorial. En tant qu’apprenti chercheuse travaillant sur un sujet qui se rapproche plus de l’architecture que du paysage pour la plupart des personnes extérieures au monde de la conception, j’ai souhaité transmettre ma conviction que les zones commerciales font amplement partie du paysage et sont créatrices d’un paysage particulier à prendre en compte dans l’élaboration d’un projet d’aménagement. Au cours de ma dernière année d’étude, j’ai choisi de poursuivre mes recherches sur le thème du paysage de l’urbanisme commercial en entrée nord d’Amiens. L’objectif de ce travail personnel est de rendre compte qu’il est possible de constituer de nouvelles franges de ville par le biais d’aménagements commerciaux anciens et à venir, et du paysage caractéristique du plateau amiénois. Il permet d’établir de nouvelles relations entre les villages de la couronne périurbaine et la ville par le biais de la mobilité active et de la reconversion agricole. Dans le cadre de mes recherches de références, j’ai eu l’occasion de rencontrer le directeur de la communauté d’agglomération du Soissonnais qui m’a présenté un projet de création de zone d’activité (ZA) sur le plateau sud de la ville (voir ci-contre). Je l’avais rencontré pendant mon stage en maîtrise d’ouvrage, à une matinée des « jeudis du développement durable » initiés par la DREAL Picardie, où il avait pu exposer la place du paysage dans différents projets économiques de sa communauté d’agglomération. Il considère que la maîtrise d’ouvrage doit porter une stratégie paysagère, de l’échelle territoriale à l’échelle du projet urbain en tant que tel, et défend le paysage comme un bien commun, partagé car façonné par tous.

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Figure y- Plan de situation de la zone d’activité du plateau de Soissons par rapport aux autres ZA & présentation de la continuité entre les prescriptions paysagères du schéma directeur de 1995 rédigé par Michel CORAJOUD et la réalisation de la ZA du plateau par l’agence HYL Sources : bing.maps, participation aux travaux d’élaboration du schéma directeur, photographies de HYL

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Bien que le schéma directeur rédigé en 1995 par Michel CORAJOUD projette une sectorisation des activités, il a permis de considérer les grandes structures paysagères dans le projet de la ZA du plateau. Il prévient les politiques publiques sur l’enjeu de covisibilité si les nouvelles surfaces urbanisées ne sont pas intégrées dans le paysage ouvert de plateau. Il est donc nécessaire d’intégrer dans ce paysage les futures zones d’activités pour conserver les structures paysagères identitaires de l’agglomération de Soissons (voir figure y). La zone d’activité du plateau a fait l’objet d’un concours, remporté en 2001 par l’agence de paysage HYL. L’équipe a pu créer un paysage à part entière, en plantant densément les limites parcellaires publiques de 100m de large (voir figure y). La démarche de projet est réussie par rapport à l’intégration du paysage de la planification territoriale jusqu’à la création de nouvelles extensions urbaines. Cela s’explique par le simple fait que les élus locaux ont été sensibilisés au paysage dès le début avec Michel CORAJOUD. De plus, Gonzague Sandevoir, directeur de la communauté d’agglomération, a suivi la démarche de la rédaction du schéma directeur jusqu’à son application à l’échelle locale. C’est aussi pour cela que l’équipe HYL a été lauréate car elle était en parfaite adéquation avec les prescriptions du schéma directeur. L’agence a d’ailleurs précisé lors de notre entretien que : « Sans Gonzague Sandevoir, nous n’aurions pas pu faire ce gigantesque projet ».

Le paysagiste, en plus d’être dessinateur, doit être formateur et sensibilisateur sur l’essence même de sa profession. Le paysage est une notion partageable par tous. A nous d’éveiller les consciences sur l’impact des actions humaines sur le paysage habité, pour développer la ville de demain. Pour faire du paysage un projet commun.

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Annexes DOCUMENTS GRAPHIQUES Plan des DUP & ZAD de 1966 Plans du dossier de création de la ZAC de Valmy et lettre du préfet Emprise des différentes enseignes dans la zone commerciale de V2 ENTRETIENS Entretien 1 : Philippe PETITPREZ, directeur de Citania et directeur de l’aménagement de l’urbanisme et de l’environnement d’Immochan Entretien 2 : Blandine MENAGER, membre du service Grands Projets à la direction Aménagement, officiant dans la réalisation de la nouvelle centralité de Villeneuve d’Ascq Entretien 3 : Jean Michel STIEVENARD, premier adjoint au Maire de Villeneuve d’Ascq de 1977 à 2001 puis maire de 2001 à 2007 Entretien 4 : Assia BECAR, chef de projets dans le service « Renouvellement urbain, Espace Naturel & Urbain, Aménagement & Habitat » à la MEL Entretien 5 : Martine LEFEVBRE, directrice du service « Foncier / Aménagement et Habitat » de la MEL Entretien 6 : Jean Claude RALITE, ancien directeur de l’EPALE de 1969 à 1973

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Plan répertoriant DUP & ZAD réalisées pour la mission de l’EPALE

Annexe graphique 1- Source : Archives de l’EPALE Côte 10EP82, Annexe du Conseil d’Administration du 08 Mai 1974

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Dossier de création de la ZAC de Valmy

Annexe graphique 2- Source : Archives de l’EPALE Côte 2EP12, Plan d’analyse

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Annexe graphique 3- Source : Archives de l’EPALE, Côte 2EP12, Plan d’objectifs

1/ Renforcer, compléter, achever la structure logement du quartier. 2/ Entourer le parking du centre commercial, préparer l’idée de son utilisation pour sa construction. 3/ Augmenter l’accessibilité au quartier. 4/ Compléter en l’adoucissant la silhouette du quartier par des logements peu denses. 5/ Accueillir des équipements collectifs non programmés.

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Annexe graphique 4- Source : Archives de l’EPALE, Côte 2EP12, Plan du parti d’aménagement

1/ Point de fixation urbain, croisement des différents modes de pratique, parvis d’un futur grand équipement. 2/ Construction d’un front du boulevard, logements de hauteur régulière (R+3 à R+5) avec rez-de-chaussée de bureaux, commerces ou activités. Large trottoir planté, accroche piétonne au cœur de quartier. 3/ Logement dont la hauteur décroît vers la bonne exposition sud-ouest jusqu’à des plots de logements intermédiaires ou individuels accolés (R+1 à R+2) organisés autour du chemin du vieux clocher menant au bourg de Lezennes. 4a/ Aménagement d’un linéaire de boulevard avec trottoir planté et stationnement. Le terrain de rive sud à vocation d’accueillir les équipements non programmés ou d’être associés à la restructuration des abords non bâtis du Centre Commercial Principal. 4b/ Réserve bien desservie pour équipements non programmés. 5/ Une frange d’activités peu s’implanter en continuité des PME existantes à proximité. Cette zone bénéficie des dessertes par bus, chemin de fer et métro.

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Annexe graphique 5- Source : Archives de l’EPALE, Côte 2EP12, Plan d’aménagement de zone

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Annexe graphique 6- Source : Archives de l’EPALE, Côte 2EP13, Lettre du préfet du nord à l’EPALE concernant la cession de lot

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Emprise des diffĂŠrentes enseignes dans la zone commerciale de V2

Annexe graphique 7- Source : Bing.com/maps/

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Entretien 1 : avec Philippe PETITPREZ, directeur de Citania et directeur de l’aménagement, de l’urbanisme et de l’environnement de la filiale immobilière Immochan, réalisé par appel téléphonique les 27 & 28 novembre 2014 Présentation mutuelle, description de mon travail de recherches. Il relit à voix haute les principales questions envoyées par mail la semaine passée. 18h15 Juliette : Peut-être pourriez-vous m’expliquer l’évolution du foncier à Englos ou Roncq comme vous me le proposiez dans votre mail ? Philippe PETITPREZ : Je peux vous expliquer en deux trois mots comment ça s’est passé à Englos oui même si c’est complètement différent de Roncq. Chaque centre commercial a sa propre situation. Englos a été ouvert en 1966. Il y a eu une procédure d’expropriation pour le M.I.N d’Englos : c’est un choix majoritairement fait, avant la loi ROYER de 1973 [Loi d’orientation du commerce et de l’artisanat]. Gérard MULLIEZ exploitait des terres (12 à 15 ha) et en 1968 a acheté 60 ha environ à d’autres agriculteurs qu’il connaissait. Ces 60 ha sont devenus une opportunité foncière qui elle-même est devenue stratégie de développement. Gérard MULLIEZ savait qu’il pouvait contrôler le développement autour du centre commercial avec l’acquisition de ces terrains-là. Il a acheté plus que ce qu’il n’avait réellement besoin. Pendant sept ans il n’y a rien eu à part le centre commercial. Les cousins MULLIEZ, entrepreneurs et dirigeant de grandes enseignes (Saint Maclou, Décathlon, Norauto, Leroy Merlin…), ont demandé de pouvoir ouvrir leurs premiers magasins autour du centre commercial. La procédure était la suivante : Gérard louait les terrains à ses cousins, et proposait un bail commercial pour chacun. Il a permis d’accompagner le développement de toutes les enseignes, qui s’est considérablement accéléré après leur première installation au fil des années. C’est aussi pour cela qu’on peut percevoir cette zone commerciale, comme beaucoup d’autres à l’époque, comme anarchique. Ça ressemble à la procédure de lotissement vous comprenez ? Puisque, l’objectif pour chacun, c’était de finir au plus vite leur propre construction de commerce pour mener à bien leur affaire.

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18h30 Point fait en atelier territoire, reprise de la conversation le lendemain fixée à 8h30. 28 novembre 2014 8h30 : pas d’appel, entretien de dernière minute avec un client 16h30 : récapitulatif de ce qui s’était dit la veille, récapitulatif des points à aborder ensemble : -évolution du foncier -relation entre les différents acteurs -quelle stratégie de développement ? Est-ce qu’elle est identique à celle des années 1970 ? Est-elle appliquée à tous les projets d’Immochan ? J : Reprenons là où nous en étions hier par rapport à la stratégie de développement… PP : Le développement des enseignes de l’AFM s’est fait grâce à l’accessibilité des offres commerciales. MULLIEZ voulait maîtriser le foncier. Il était question aussi d’améliorer l’accès routier aux sites commerciaux. Aujourd’hui, nous sommes en train de repenser l’image des centres commerciaux : on souhaite leur donner une image plus urbaine en les repensant, en ajoutant de la densité avec par exemple des commerces en plus, des logements, des bureaux. La maîtrise du foncier d’AUCHAN est une des grandes caractéristiques du groupe. Aucun autre groupe de grande distribution n’a cette gestion du foncier. Ils ont des périmètres de projet beaucoup plus restreints. Allez savoir pourquoi, mais je pense qu’AUCHAN a su développer cette stratégie foncière car MULLIEZ connaissait le terrain, étant natif de la région. La stratégie développée par MULLIEZ c’était de pouvoir rester propriétaire des bâtiments construits. On propose un bail à construction avec location des terrains à l’intéressé. Au bout de 30 ans, ce complexe devient propriété d’Immochan. A V2, je crois que le bail est emphytéotique. J : Mais pour V2 alors vous n’étiez pas propriétaire du centre commercial ? Comment cela s’est passé avec le promoteur du centre ? PP : Pour V2, nous étions client d’un promoteur. Nous avons acheté la coque de l’hypermarché du projet général. Le promoteur actuel est unibail rodamco, mais il y en a eu bien d’autres avant à mon avis. Il n’y a pas eu de réservation foncière voulue par l’E.P.A.L.E.

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L’EPALE a vendu au fur et à mesure des parcelles pour la zone commerciale. J : Mais je ne comprends pas… C’est bien AUCHAN qui est dans le centre commercial. PP : Pour vous refaire un schéma de comment s’organise l’ensemble du groupe : Dans un premier temps il y a le groupe MULLIEZ, ou encore l’A.F.M : l’Association Familiale MULLIEZ Dans un second temps, AUCHAN appartient au groupe MULLIEZ, Dans un troisième temps, Immochan fait partie d’AUCHAN J : Et aujourd’hui, votre stratégie d’implantation reste inchangée par rapport aux années 1960 ? PP : Pour revenir à Englos : en 1987, nous avons acheté 40 ha supplémentaires autour du fort de Mons et de la plaine de Secquedin. Aujourd’hui nous sommes donc propriétaire de 100 ha. En 1990, nous avons acheté des terres classées en zones naturelles il me semble qui appartenaient à la SAFER. Ou plutôt des zones agricoles, urbanisables. Elles étaient plus chères que les zones agricoles. LMCU voulait urbaniser. Tant qu’il n’y a pas de P.O.S nous ne pouvions rien faire. Il y a eu un tas de projets lancés par Immochan mais nous sommes tributaires des décisions de LMCU. Il faut bien comprendre que le P.L.U gèle des décisions. J : Quelles sont les relations que vous entretenez avec LMCU pour mener à bien vos projets ? PP : LMCU et Immochan : nous avons passé une convention d’études sur le projet d’une nouvelle génération de zone commerciales en les intégrant au mieux dans un territoire. Nous faisons appel à un groupement de cabinets d’urbanistes, de paysagistes, d’économistes et d’écologues. Cette convention sert à l’élaboration du nouveau P.O.S. On co-construit le devenir du secteur des divers centres commerciaux. On veut retravailler l’image de ceux-ci. Dans les 20 ans à venir nous avons pour objectif de mieux intégrer les zones commerciales, d’avoir comme stratégie urbaine une meilleure gestion du développement urbain. J : Pour vos projets actuels, qu’en est-il des associations des opposants ? Prenez-vous en compte leur revendication pour faire évoluer vos projets ? PP : 400 personnes qui grognent contre nos projets ne nous donnent pas envie d’engager un dialogue constructif. Nous ne les prenons pas en considération, ça ne sert pas à grand-chose pour faire évoluer nos projets.

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J : Mais, est-ce que votre politique d’implantation essaye de résoudre la disparition des terres agricoles ? PP : Nous discutons bien évidemment avec la chambre d’agriculture. Pour mieux comprendre aussi l’enjeu du processus d’urbanisation et l’enjeu de conserver les terres agricoles en ville. J : Réfléchissez-vous à l’agriculture urbaine aujourd’hui ? PP : C’est un projet que nous mûrissons avec la SAFER depuis le début de cette année 2014. Nous réfléchissons à créer une réserve foncière et à une convention intelligente pour l’installation de maraîchers pour avoir une vente assurée de produits frais, locaux dans nos hypermarchés. Cela va aussi dans leur sens. Ils auront un point de vente direct pour faire marcher leur entreprise. A l’exemple de la petite forêt, nous avons acheté des terrains à un maraîcher pour l’agrandissement de notre hypermarché en passant une convention à l’amiable. A St Omer encore, les maraîchers auxquels nous avons acheté des terrains peuvent revendre directement leurs produits dans l’hypermarché du secteur. C’est un rapport direct que nous avons instauré ensemble. Cela nous a permis de développer une activité dans le périmètre même de l’exploitation agricole. J : Qu’en est-il du foncier dont vous êtes propriétaires aujourd’hui ? PP : Aujourd’hui nous avons un stock foncier conséquent : plus de 29 stocks… Nous sommes en train de déstocker pour affecter des activités autres que commerciales. Nous faisons alors appel à des promoteurs. Pour la création de nouveaux logements nous passons un accord avec un bailleur social pour que nos employés vivent à proximité de leur lieu de travail. Nous optimisons le foncier. J : Votre stratégie de développement est-elle inchangée ? PP : Les premières opérations étaient anarchiques dues à l’opportunité de développement, et à l’époque il n’y avait pas du tout de sensibilisation sur ce sujet. La disparition des terres agricoles, nous n’en prenions pas du tout compte. L’Etat n’a pas joué son rôle à mon avis dans le développement de ces zones d’activités. C’était aussi la période post 30 glorieuses où l’objectif premier était de construire des logements, de faire de la croissance un modèle économique. Etant ancien fonctionnaire de l’Etat et ayant grandi dans cette consommation de l’espace, je me suis dit qu’il fallait changer les choses. Après mon arrivée dans le service en 1987, j’ai donc proposé de préparer des schémas globaux d’aménagement de parcs d’activités pour ne plus avoir ce développement anarchique. Nous définissions le cahier des charges architecturales et urbanistiques. Nous avons réadapté le 88


développement des zones commerciales. Nous lançons des appels d’offre architecturaux et urbanistiques. J : Avez-vous des paysagistes au sein de votre service qui réfléchissent à l’évolution des zones commerciales ? PP : Mon service n’est constitué que d’urbanistes. Après, nous faisons appel à des prestataires externes spécialisés comme les paysagistes, les architectes en fonction des projets. Mais, nous réfléchissons au devenir des espaces à l’air libre grâce aussi aux prestataires externes. Nous nous efforçons de travailler ces espaces de manière intelligente. Prenez l’exemple de Noyelles Godault, vous connaissez ? A côté d’Henin Beaumont. Antoine DELLEVAL, paysagiste, a bien réfléchit au projet. Il a traité l’arrière des activités. Remerciements 17h

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Entretien 2 : avec Blandine MENAGER, membre du service Grands Projets à la direction Aménagement, officiant dans la réalisation de la nouvelle centralité de Villeneuve d’Ascq, réalisé dans les locaux du service urbanisme de Villeneuve d’Ascq le 16 décembre 2014 Présentation de mon sujet de mémoire, de l’intérêt que je porte pour l’évolution du foncier dans la zone commerciale de V2.  Présentation des études faites autour du Centre Commercial (C.C) 1- 2001 faite par RVA (agence d’architectes et d’urbanistes) Première étude à présenter le quartier de l’Hôtel de Ville comme étant le centre non pas de la ville de Villeneuve d’Ascq mais comme un centre répondant à l’agglomération de Villeneuve d’Ascq, Hellemmes et Lezennes. Moment déclencheur : arrivée du grand stade Crée des ennuis fonctionnels au niveau de la ville. Choix logique au niveau de la métropole mais également choix historique. Argument de MEL : les spectateurs vont moins venir en voiture. 1 % de la part des spectateurs (50000 places) qui vont venir en voiture. La ville a eu besoin de réfléchir aux circulations autour du grand stade : Elle a négocié le projet avec la cité scientifique et le Centre Commercial (discussion avec le président de Lille 1 et le prédécesseur d’Immochan)  Pourquoi Villeneuve d’Ascq n’a pas eu les terrains de l’EPALE ? En 1983, la situation était difficile pour les villes, c’était le moment de la décentralisation. Les villes ne maîtrisaient pas la situation en matière d’urbanisme, c’était l’Etat.  Sinon pour revenir aux différentes études qui ont été faites sur le centre-ville : MEL a beaucoup aidé à faire le centre de Roubaix, le centre de Tourcoing. Villeneuve d’Ascq a eu l’impression que MEL a lancé une étude sur le centre-ville en 2011-2012 pour faire attendre la commune, retarder son intervention sur la commune. Diagnostic : équipe faite (urbaniste-paysagiste-programmateurs-professionnels de la circulation) pour gérer la problématique des stationnements  J’ai su par le biais d’Immochan qu’ils travaillaient avec MEL sur l’image des Centres Commerciaux à renouveler.

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Cette motivation est principalement due, a été motivée par l’étude faite à Villeneuve d’Ascq. Etude avec Leroy Merlin : l’entreprise réfléchit à son déménagement. Vous devriez contacter Amélie CAILLERETZ du service urbanisme de MEL. Elle suit les différentes études sur le centre-ville notamment sur le cœur proprement dit et une lancée plus récemment sur tout le secteur autour du grand stade.  Quel contact avez-vous eu avec Leroy Merlin ? Quand l’étude a été lancée pour le grand stade, nous avons eu besoin de rencontrer les différentes parties touchées par le projet.  Enseignes de l’AFM, quel contact ? Très indépendant dans leur stratégie. Elles vont voir la banque familiale pour pouvoir avoir des investissements.  PLU regroupe de plus en plus de choses dont le SDUC / Le plan local de l’habitat et j’en passe. Il y a une grosse réflexion sur le centre-ville. D’où l’intérêt porté sur votre travail de recherches.

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Entretien 3 : avec Jean Michel STIEVENARD, premier adjoint au Maire de Villeneuve d’Ascq de 1977 à 2001 puis maire de 2001 à 2007, réalisé dans son bureau professionnel le 19 décembre 2014 Présentation de mon travail de recherches Récapitulation des questions posées par mail Bureau professionnel Durée de l’entretien 10h15 – 11h50 10h15 Jean Michel STIEVENARD : Je vais vous faire une présentation de ce que je sais en différentes parties… Il y a des périodes que je connais bien et il y en a d’autres que je connais un peu plus sommairement. Ma mémoire est assez bien fixée mais … Par exemple la première partie que je connais relativement sommairement c’est que : Le CCI [Centre Commercial Initial] qui a été réalisé par la Société des Centres Commerciaux (SCC) et AUCHAN … alors je ne sais plus s’ils ont fait un groupement ou s’il y a eu deux appels d’offres différents… n’ont pas pu acheter le terrain. Le président de l’EPALE à l’époque, qui était aussi président de la communauté urbaine, Arthur NOTEBART, étant un partisan de la propriété publique du sol, ce qu’on appelait au parti socialiste la municipalisation des sols et ayant vendu simplement l’usage des terrains. Donc je crois, si mes souvenirs sont bons et c’est là où je suis un peu approximatif, que c’était un bail à construction par lequel AUCHAN d’une part et SCC d’autre part, ou les deux ensembles je ne sais plus, ont construit le premier ensemble du CC et qu’ils versaient aux propriétaires du terrain une redevance annuelle. C’est toujours le statut. Après, il y a eu, on reste sur le centre commercial à proprement dit, il y a eu une extension, je ne sais plus en quelle année mais je sais que c’est moi qui l’ait inaugurée… Non… Je pense qu’il y a eu deux extensions. Non. En fait il y a eu une vraie extension qui a vu je crois l’arrivée d’un troisième partenaire, qui a construit le furet, ZARA, Flunch et qui était un partenaire différent. La SCC ayant déjà vendu son patrimoine. Ce n’était pas encore RODAMCO. Unibail RODAMCO qui est le propriétaire actuel de l’ensemble. Donc ils ont acheté un nouveau terrain pour construire un immeuble. Je ne connais pas le statut juridique de la construction. Je pense que ce n’était plus un bail à construction. Moi j’ai bien connu unibail RODAMCO qui a racheté les avoirs de la SCC ou de son successeur. Vous savez, pour mémoire historique, la SCC s’était faite remarquer en construisant Velizy 2 qui est l’objet du domaine des dieux. Non Parly 2 pardon. Après ils ont fait Velizy 2 et ils ont voulu faire Villeneuve 2. Non Lille 2. Ce qui a déclenché une petite colère locale et qui du

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coup s’est transformé en V2 [Lille2]. Ça c’est des années 1977. Je m’éloigne un peu de la propriété du sol. Donc je pense qu’il y a deux statuts : d’une part la partie initiale et le parking et d’autre part l’extension. Donc le propriétaire, qui est la communauté urbaine, donc il faudrait aller voir une personne du service foncier de la communauté urbaine, je ne sais plus qui … Juliette OLS: C’est Mme BECAR Assia qui s’en charge. Ou alors Mme Ménager m’a donné le contact de Mme CAILLERETZ Blandine ou encore Mme LEFEVRE. JMS : Ah oui je ne connais pas ! Enfin si Mme LEFEVRE oui. C’est effectivement la patronne du foncier. C’est elle qui a les informations notamment historiques. Les autres sont de jeunes collègues qui peuvent regarder dans les archives mais qui n’ont pas de mémoire. Ensuite, si je me souviens bien, il y a eu une première installation où se sont installés Décathlon (de l’AFM d’une certaine manière même si…) Norauto et euh … J : Leroy Merlin ? JMS : Non attendez Leroy Merlin c’est une autre histoire. C’est une autre histoire que je vous raconte après. Kiabi et top office est une autre histoire aussi. Ah oui Desvianes ! Desvianes qui n’a rien à voir avec la famille MULLIEZ. Alors ça je pense que c’est une opération encore initiée par l’EPALE. Sur un schéma plus classique où l’EPALE a vendu des terrains à un promoteur qui a sans doute réalisé aux conditions de l’EPALE (même si l’EPALE n’existait plus au moment de l’inauguration). Je pense que c’est une opération foncière qui a été réalisée par l’EPALE pour cette première partie. Vous voyez où elle est ? J : Oui. JMS : Après, alors je ne sais plus dans quel ordre…Leroy Merlin ou Kiabi/ Top office ? Je vous raconte Leroy Merlin. Leroy Merlin racheté à titre personnel au départ par euh … Ah et puis il y a Boulanger aussi ! Bon Leroy Merlin qui appartenait à titre personnel à Gérard MULLIEZ. Je me souviens d’une conversation à la mairie où je lui disais de s’installer dans la zone de Babylone, au nord de la ville, et lui me disant : « Non je veux aller là ! ». « Là » c’était l’endroit où il est installé où il y a les catiches etc. La communauté urbaine (CU) était donc propriétaire. Ah ! Et puis j’ai oublié un épisode … Quand l’EPALE a été dissout le 31 décembre 1983, l’ensemble du passif et des actifs de l’EPALE a été repris par la CU pour un prix absolument incroyable. Je crois que ça a été 50 millions de F. Pour 50 MF la CU est devenu propriétaire de l’ensemble des actifs de l’EPALE par le simple achat du passif. Donc l’ensemble des terrains. C’est la plus belle opération immobilière qui ait été faite ! A quel point 93


que celui qui était le liquidateur de l’EPALE a été traduit devant la cour de discipline budgétaire et a été condamné pour la sous-évaluation des actifs publics de l’Etat vendus à la CU. Je l’ai dans mes papiers mais cela fait 20 ans que je le recherche le rapport budgétaire de discipline qui est privé. J : LMCU a récupéré tous ses terrains parce que le président de l’EPALE était aussi le président de la CU ? JMS : Non non non, là on ne peut pas dire ! Parce que la décision ne s’est pas faite localement. Elle s’est faite au niveau national et j’étais présent. Cela s’est traduit dans le cabinet du premier ministre et je faisais partie du cabinet du premier ministre. Ce n’était pas un dossier que je gérais. J’étais présent quand l’arbitrage de la réunion interministérielle s’est faite entre le ministère de l’équipement, le ministère des finances… J’imagine. Il y a eu une réunion interministérielle présidée par le directeur du cabinet du premier ministre, Mr DELEBARE et les arbitrages ont été actés et il en est sorti cela. Donc la CU est devenue propriétaire de tous les terrains de l’EPALE. De sacrées pépites … Bon Leroy merlin … Quand Leroy Merlin décide de s’installer, Castorama fait une contreproposition. La CU décide de faire une vente aux enchères pour un terrain de catiches, situé sur des catiches, convoité à la fois par Leroy Merlin (LM) et Castorama. Il est organisé une vente aux enchères à la bougie à la CU dans ce qu’on appelait à l’époque la salle n°5. Elle était présidée par Alain CACHEUX qui devait être le président de la commission d’appel d’offre et je le vois entrain d’allumer les bougies et tant que les bougies flambaient on pouvait faire des enchères. Quand elle était éteinte l’enchère était close. Se présentent autour de la table 4 personnes dont un qui n’avait pas déposé un chèque faramineux… 250 000 euros ou en F, je ne sais plus enfin c’était un très gros chèque ! Pendant la vente aux enchères on attend que la banque du 4ème valide le chèque de caution. Donc les enchères commencent et on se rend compte que les deux nouveaux étaient en fait des leurres de chacun des deux. Un leurre de LM et un de Castorama. Je me souviens que celui qui était aux côtés de LM c’était Christophe DUBRULE qui était je pense le patron de LM qui ensuite est devenu le patron de toutes les activités d’AUCHAN. Voilà. Et c’est DUBRULE qui remporte l’enchère. Il remporte le terrain pour un prix qui semble faramineux. Le prix paraît tellement faramineux que LM n’a de cesse de le faire baisser en faisant valoir que les catiches sont un vice caché etc. Et de fait entre la date d’acquisition et la construction, la réalisation, il se passe beaucoup de temps. Castorama entre temps acquiert des terrains appartenant à la SNCF et s’installe à Hellemmes pour vous faire simple. LM s’installe plus tard. Voilà. Donc acquisition à la chandelle à la CU en toute propriété. Après il y a deux autres opérations mais je ne sais plus dans quel ordre elles se font. Une opération qui consiste à réaliser KIABI, une enseigne qui s’appelle Travelstore, enseigne de la galaxie

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MULLIEZ qui je crois est présidée par Patrick MULLIEZ le patron de Kiabi… Et un immeuble sur le dessus. Le terrain appartient à la CU. Je n’ai pas été mêlé par le dossier. Moi j’ai été mêlé c’est pour l’acquisition de l’autorisation de l’urbanisme commercial ça je m’en souviens un peu. Mais… Voyez, mes informations sont un peu approximatives. Je ne sais plus à quelle date, je ne sais plus avec qui. Celui qui était à la CU à ce moment-là est décédé. Celui qui gérait les opérations de développement économique c’était Dominique SOIGNIER. Il est maintenant directeur général de SOGINORD Port. Je ne sais pas s’il a encore le temps et la mémoire de tout ça… Gérard CAUDRON était le maire mais je ne pense pas qu’il ait été mêlé à cette affaire. Enfin si mais pas directement, ce n’est pas lui qui l’a fait. Peut-être que mon collègue VANOVERMAER pourrait euh ... […] Donc il y a cette opération qui est faite avec un promoteur qui est euh … Parce qu’il y a un gros immeuble au-dessus. Il y a le magasin de Décathlon derrière … Je ne pense pas que ce soit Immochan qui est fait l’opération. Je vous donnerais les coordonnées de Philippe PETITPREZ tout à l’heure qui a été très mêlé à ses affaires là au départ. C’était mon interlocuteur euh … Donc je revois bien cette opération Travelstore qui ne marche pas. C’est une des enseignes qui se plante assez rapidement. Et donc Patrick MULLIEZ qui était le parrain de cette opération, (mais qui était le propriétaire des murs ? ça je n’en sais rien.) propose par la suite d’installer le concept de Top office. Et donc Top office s’installe sur la friche mais la friche qui ne reste pas longtemps Travelstore. Travelstore était une enseigne du groupe pour les voyages. Ça n’a pas pris, ils n’ont pas su trouver leurs gammes … Alors voilà il y a ça. Qui achète le foncier ? Moi j’étais intéressé mais la ville n’était pas propriétaire du foncier. Elle devait faire juste présence de bon office auprès de la CU ce qui n’était pas simple, hein. Ce n’était pas simple jusqu’en 1989. A partir de 89 quand Pierre MAUROY devient président de la CU c’est moins compliqué. C’est cher mais c’est moins compliqué parce que la CU ne fait aucun cadeau. Voilà, ça c’est dans les archives de la CU. A qui est vendu le terrain ? Je ne sais pas… Immochan ? Immochan je me le demande car ils n’avaient pas de bureaux. Je me souviens simplement d’une opération qui a été faite dans la partie antérieure. Les bureaux audessus de Decathlon deviennent Norauto. Il y a deux opérations qui se télescopent. Il y a orange qui veut y installer sa division développement et il y avait le groupe MULLIEZ qui voulait y installer sa banque. Et comme les locaux étaient câblés, la ville a favorisé Orange. Je crois au grand dam de Gérard MULLIEZ, et peut-être est-ce une erreur historique c’est l’invention de la banque accord. Vous savez les MULLIEZ on les a vu arrivés avec des idées farfelues … Moi j’ai vu le patron de Decathlon, Michel LECLERC, venir dans mon bureau et me dire « Voilà, j’ai 5 magasins et je vais devenir le premier vendeur d’articles de sports. » Je l’ai revue dix ou cinq après en venant me dire « Je vais devenir le premier producteur d’articles de sports d’Europe, du Monde. » Euh … Là, je lui dis « vous avez voulu dire distributeur et non producteur » il me répond « Non non… Producteur ! ». 95


J’ai vu Patrick MULLIEZ et je m’en souviens très bien de voir sa direction générale juste devant chez moi, à mon domicile. Il me dit « l’autre jour je suis passé devant chez vous et j’ai vu dans votre garage, j’ai vu voler un sac plastique Kiabi. Votre femme va dans mes magasins. » J’ai dit ça à ma femme elle n’était pas contente. Et donc voilà, je vois Patrick MULLIEZ qui me dit « j’ai 5 magasins, dans 5 ans j’en aurais 50 ! ». Je les ai vus venir avec des trucs comme ça hein ! Et il y avait de ça 10 ans je me rappelle de cette idée de Banque qu’on voit aujourd’hui sur le grand boulevard, je me demande d’ailleurs s’ils n’ont pas racheté la clinique de Croix… C’est quand même des gens impressionnants hein. Et donc voilà j’ai fini cette partie-là. Je ne pense pas que c’était le groupe MULLIEZ le promoteur de l’opération car ils n’étaient pas propriétaires des bureaux. Après il y a eu une autre opération. Donc, les MULLIEZ arrive par petits bouts. Ils ont Décathlon, Norauto. Ils ont Kiabi et Top office en opération détachée simple et perso, en direct le Travelstore. Ilso nt la Halle aux chaussures. Ils rachètent quelqu’un, une installation d’un vendeur de cuisines. Et puis il y a une autre opération qui s’appelle V2000 ou V10000 je ne sais plus. Et là c’était Madame IOS. Vous pourriez peut-être essayer de la joindre, elle habite VDA. Elle habite à côté de la nouvelle clinique. Je pense qu’elle habite rue de la martine. [Recherches sur internet de son numéro de téléphone]. Et donc elle a la mémoire d’une opération très importante et qui s’est réduite comme une peau de chagrin là où s’est implanté boulanger. Toute façon le groupe sur VDA, j’avais dit « Il s’en est fallu de peu pour que VDA s’appelle AUCHAN sur Marcque ou MULLIEZ City ». Je me souviens que c’est un promoteur qui essaye d’acheter un terrain à la CU pour y installer un mini centre commercial, des bureaux… PERREZ je crois qu’il s’appelle. Et là-dedans sans qu’on sache bien ce qu’il se passe, Boulanger fait accord avec cette personne pour 3000 m². Et nous, nous intervenons finalement, la ville intervient, ça c’est Anne IOS sur la transaction entre le promoteur et la CU, elle doit essayer de faciliter les choses. Et, ensuite, l’urbanisme commercial n’est pas une opération très difficile. Je pense que c’est VANOVERMAER qui siégeait à la commission de l’urbanisme commercial pour la ville. Mais je m’en souviens plus si elle était difficile… Peut-être ! Puis après, il y a l’opération cinéma. Alors ça c’est une opération très particulière. Qui me voit m’opposer à Anne IOS. Un jour j’ai même réquisitionné des plans qui étaient dans son bureau qu’elle me refusait de me donner. Je devais être premier adjoint à l’époque. Donc c’est une opération qu’elle faisait en catimini avec le maire. Donc moi j’étais porteur de l’installation des cinémas. Et elle, elle était à l’urbanisme pour une opération qui s’est révélée très pénalisante sur un objectif qui est commun qui est d’installer des cinémas, elle fait en sorte que la CU vende à la demande de la ville le terrain à HeronCity qui est un groupe anglais de la city, un groupe international, installé à Londres mais qui construit à Manhattan, Shangaï … Voilà. J’vous raconte pas les cinémas, ça a été très long. Moi je considère que c’est un camouflé terrible ! Parce que tous les ans, HeronCity rajoute un coût aux 96


terrains. Le terrain coûte de plus en plus cher. C’est de plus en plus difficile pour les cinémas jusqu’à ce que d’arbitrage en arbitrage, 14 salles de cinémas sont accordées après une bataille au niveau des prix à la CU à condition d’avoir 14 000 m² de surface commerciale supplémentaires alors que tout le monde a admis dans un plan d’urbanisme commercial validé par la CU qu’il ne peut plus y avoir un m² supplémentaire sur AUCHAN, sur la zone de AUCHAN V2. Voilà, donc. On obtient les 14000m² au prix de bataille assez homérique, faudra le raconter un jour… Et là moi je suis aux affaires, à ce moment-là pour obtenir l’accord de tout le monde j’impose que sur ces 14000 m² il n’y en ait aucun qui soit dévolu à l’alimentaire, au vestimentaire, à l’optique, et aux fleurs. Voilà, ça c’est ma règle. Et c’est à partir de cet engagement que j’arrive à avoir l’accord de tout le monde… Au bout de plusieurs années ! Je me souviens de ma table de travail à la marie, qui était d’ailleurs celle-ci [il frappe sur la table] parce que je l’ai racheté quand je suis parti à 40 euros. J’avais la photo aérienne que j’ai peut-être emmenée d’ailleurs, de HeronParc que je sortais tous les jours. Et donc la vente se fait, on décide de faire un complexe, les autorisations sont données pour la construction d’un complexe commercial dédié aux loisirs. Et dans ce complexe dédié à la culture et aux loisirs, s’installe Cultura, dont on ignore à l’époque que c’est un lointain cousin de Gérard MULLIEZ mais qui n’est pas vraiment giron dans le groupe. C’est son cousin mais c’est quand même ça 29ème implantation le Cultura de VDA. S’installe Cultura, s’installe Milonga, dont on ignore que c’est une enseigne du groupe… S’installe Zodio, dont on ne sait pas que c’est un produit de Leroy Merlin, voilà je crois… et, dans les restaurants s’installe Au Bureau qui est une société du groupe Aggappes et s’installe surtout, je ne sais plus comment il s’appelle… Le concept nouveau-là qui est juste en face des cinémas … Où on mange des crudités euh … J : Subway ? JMS : Non, non non ! Non Subway, ça vient de je ne sais pas où … ça vient des Etats Unis, c’est un groupe américain. Non celui où on fait du libre-service … Où on mange des salades, il est très grand… J : Le Flunch ? Ah mais non il est à l’intérieur de V2… JMS : Si c’est … J : Salad&CO ? JMS : Oui salad&co ! Qui est le premier de France. Bon maintenant ils en installent un peu partout ! Mais salad&co qui est une innovation du groupe appartenant aussi à la famille… Ah oui pardon j’oubliais … qui appartenait à la famille mais qui est mort depuis : Surcouf’. Il faut que vous lisiez [citation] qui donne l’organigramme du groupe MULLIEZ. On a le vertige, c’est incroyable. Et moi je me souviens très bien, le commercialisateur de HeronCity qui travaille vraiment sous la dictée de la mairie on a obtenu l’autorisation d’urbanisme commercial avec tellement d’engagements vis-à-vis de la CCI, la CU etc que moi je me sens porteur de cet engagement. Et donc un magasin d’électronique, 97


d’informatique culture et loisirs on est bon. Donc moi je dis d’accord. Et il me dit qu’il y a deux enseignes : Youg’s qui est une société locale de Hugues MULLIEZ ou Surcouf’ qui est un parisien. Surcouf’ ça ne me plait pas trop donc j’dis Youg’s. HeronCity choisit Surcouf’… Il a planté, il a été remplacé par un magasin pré natal, je sais plus là. Voilà donc voyez, ça veut dire que pour répondre à la question initiale, ils n’ont pas la propriété du sol. Et ils n’ont pas les royalties, enfin les plus-values qui viennent de cette stratégie foncière. Génial ! On croit que les MULLIEZ sont des commerçants… En fait leur fortune elle vient de l’investissement foncier et de leur jeu financier. Les deux auteurs que je vous ai cités tout à l’heure le raconte très bien d’ailleurs. Ils sont géniaux là-dessus. Bon ils sont aussi un peu commerçants mais ce n’est pas avec le commerce qu’ils gagnent leur vie. La preuve le commerce n’est pas très stable en ce moment. Leur banque ACCORD gagne de l’argent. Donc ils ne peuvent pas mettre le schéma qu’ils font d’habitude mais ils mettent opération par opération, ils viennent, ils viennent. ‘Y a un cuisiniste qui est en difficulté, ça personne ne le sait. La ville ne le sait pas etc, ils se mettent dessus et font la halle aux chaussures… Travelstore, un truc initié par eux, se casse la figure, top office qui prend le relais. Et je ne pense pas que ce soit Immochan qui pilote les opérations c’est les sociétés mais Gérard MULLIEZ je l’ai vu plusieurs fois euh…dans les opérations hein ! Donc dans l’extension de V2 par exemple. Ils initient et installent Amarine et pendant des années, leurs cadres mangent chez Amarine, ils installent un petit … Mais je me souviens bien quand ils ont inventé le flunch, euh non… PizzaPaï. Je me souviens être allé manger avec G MULLIEZ. [Fin de l’enregistrement]

Exemple du grand stade / IKEA : Terrain où est le grand stade MULLIEZ a voulu développer le campus DECATHLON avec un centre de formation, le centre décisionnel avec en plus le Saint Maclou > la ville n’arrive pas à les accompagner. Faire une installation : Gerard MULLIEZ la porte, accompagne l’arrivée d’IKEA à V2. IKEA s’en va à Lomme en face de Carrefour > rivalité avec Arthur NOTEBART et Gerard MULLIEZ. V2000 est réalisé à l’économie : 15 000 m² de surface commerciale > au final il n’y en aura que 3000 m². Boulanger : veut créer son siège, à partir du magasin déjà implanté. Jean Michel STIEVENARD et le directeur de Boulanger (Monsieur CORDELETTE) propose de s‘étaler dans V2000. Ils vont finalement s’installer sur le boulevard de Lezennes. MEL accepte de les vendre.

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Grand Stade : Tous les terrains sont ZADés. Ils exigent un accord de MEL pour être construits. // Opération Boulanger est bloquée, elle n’est pas pressée pendant l’arrivée du stade. Pierre MAUROY garde un mauvais souvenir d’Euralille parce qu’à la porte du terrain, la banque Scalbert s’installe sans lui demander. Il ZAD pour éviter la spéculation foncière et ainsi gérer l’évolution des terrains. AFM : n’est pas une structure opérationnelle. C’est le gendre de Guy MULLIEZ qui en est le président à l’époque. Philippe PETITPREZ : interlocuteur de JMS privilégié Groupe AUCHAN aujourd’hui est bloqué car il n’admet pas la mutation des commerces. Evolution de projet de la Borne de l’Espoir : 1 Grand Stade 2 IKEA 3 Saint Maclou 4 Usine incinération 5 Quartier SEDAF 6 Grand Stade Achète des droits à construire pour AUCHAN Les MULLIEZ souhaitaient développer les enseignes dans cette zone commerciale quitte à faire venir des concurrents à l’image d’IKEA. Une activité génère des clients pour les autres. Mais, Arthur NOTEBART était contre les MULLIEZ, c’est pourquoi il a souhaité implanter IKEA en faveur du groupe commercial CARREFOUR basé à Lomme.

Immochan est chargé de gérer le patrimoine au fur et à mesure. Chaque opération a sa logique. Immochan n’est pas totalement absent dans l’aménagement de la zone commerciale de VDA, mais ce qu’a voulu vous dire Philippe PETITPREZ c’est que la filiale n’a pas réellement participé à l’implantation des différentes enseignes. Ce n’était pas dans la logique d’Immochan car chaque enseigne a son propre promoteur immobilier et son propre architecte. Philippe PETITPREZ tait un interlocuteur privilégié de JMS car il lui explique les mécanismes de la société AUCHAN et de la filiale immobilière. Ce sont de bons amis. Il connaît bien la Famille PETITPREZ car ils étaient les gérants du domaine du comte d’alembert. Ils avaient beaucoup de fermes.

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Et il n’est pas sûr du tout de l’avoir vu sur les opérations de la zone commerciale. Philippe PETITPREZ : interlocuteur de JMS privilégié pour expliquer les mécanismes du groupe. Ce n’était pas un négociateur pour la Zone commerciale de VDA. Saint Maclou : voulait implanter son siège sur les terrains du grand stade. Aggapes : branches RESTAURATION du groupe MULLIEZ

Les Compagnons des saisons devaient également s’installer sur les terrains du grand stade qui en fait était un terrain joker de la communauté urbaine. Ils représentent 24 ha en surface > la partie ouest est désignée avec Mairie de Lezennes et Hellemmes pour faire installer les compagnons des saisons. Le dossier est prêt et finalement, le projet du grand Stade voit le jour.

Pourquoi LMCU rachète les terrains de l’EPALE plutôt que Villeneuve d’Ascq ? Gérard CAUDRON avait peur, la ville était toute jeune. Arthur NOTEBART avait de l’avance, de l’expérience, et la communauté urbaine avait beaucoup plus d’impact et de projets économiques à son actif. Borne de l’Espoir : JMS propose une promenade verte pour compenser le bétonnage et l’expansion de la Haute Borne. La ville est toute petite en 1983 : il n’y avait pas de services, pas de moyens… Etat avec LMCU : opération blanche, Etat s’en va sans les passifs et VDA construit sur ses propres moyens. EPALE propriétaire en clair des terrains. VDA : erreur de ne pas candidater > gros différent entre le secrétaire général et le maire. Si la ville avait accepté, La CU aurait renchérit de plus belle car elle avait la compétence en urbanisme et la réserve foncière. Depuis longtemps La CU est devenue un instrument politique pour faire de l’urbanisme… Arthur NOTEBART propose à VDA de racheter les terrains au prix initial de la vente durant 6 mois après l’achat. En parallèle : A ce moment-là, à VDA il n’y avait que V2. Tout arrive après. Pour avoir un ordre d’idées : en 1976, il y a eu l’installation de la Rose des Vents et l’Hôtel de ville. En 1978, il y a eu le CC V2 d’ouvert… Il y avait des caddies partout !

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1984 : Entreprise Bull (nationale) projette une grosse implantation entre Angers et le nord de la France. Elle trouve le terrain à Lille après arguments de Pierre MAUROY. LMCU doit décider de vendre les terrains. Elle refuse dans un premier temps et propose à Bulle de s’installer dans la Zone Industrielle de Flers, puis finalement accepte de les vendre. Bulle s’installe et fait un gros flop. Décathlon propose de le remplacer et arrive directement avec son autorisation commerciale. L’entreprise représente quand même 2000 personnes en tout. Michel Leclerc et ses fils inventent des concepts. JMS a eu des rapports privilégiés avec eux. Il est aussi le propriétaire des 3 suisses : deuxième contribuable de la ville. Auchan arrive en troisième position et Décathlon en 4ème. Gérard MULLIEZ possède le nord de la ville : entre la Planche Epinoy et la vieille Forge. Ce qu’il faudrait savoir c’est combien le CC d’Auchan verse tous les ans à la ville ? UNIBAIL RODAMCO voulait racheter les terrains du parking mais la ville voulait rester maîtresse du stationnement. A l’époque, le premier contribuable de la ville c’était la centrale d’achat d’AUCHAN, le deuxième c’était les 3 suisses (appartient à 51% au groupe MULLIEZ) et le troisième le Centre commercial AUCHAN. Les MULLIEZ (LECLERC) rachète les terrains autour de la centrale d’achat. C’est une garantie pour le siège d’une durée minimale de 50 ans au moins. Il faut bien comprendre que perdre un siège directionnel c’est perdre de l’influence, etc. Que pensez-vous de l’étude faite pour le renouveau du centre-ville ? Je n’y crois pas. On peut se poser la question de ce qu’est un centre-ville aujourd’hui ? Rappel d’une expression vu en cours pendant ses études supérieures : le centre-ville c’est le dialogue entre l’homme et la pierre qui est le plus chargé de significations. Expression « le maire de Villeneuve 2 » est juste. A lire : texte : histoire de Villeneuve d’Ascq de Gérard LOTIN, dernier chapitre « le grand chambardement » (explication de V2 et V2000) Pour en revenir à l’opération de renouvellement du CC : elle a planté, la ville a eu peur, elle est très velléitaire. Les cinémas devaient être avec le forum des sciences normalement. VANOVERMAER pourrait l’expliquer très précisément… Remerciements / 11h50 101


Entretien 4 : avec Assia BECAR, chef de projets dans le service « Renouvellement urbain, Espace Naturel & Urbain, Aménagement & Habitat » à la MEL, réalisé dans les locaux de MEL le 07 janvier 2015 Début de l’enregistrement : 14h Juliette OLS : Je ne sais pas si vous avez eu le temps de relire les questions… Assia BECAR : J’ai repris le mail hier soir. Mais alors ! Elles sont hyper pointues les questions … J : Oui parce que j’ai eu plusieurs entretiens avec Jean Michel STIEVENARD, l’ancien maire de Villeneuve d’Ascq adjoint au maire de 1977 à 2001 et il a été confronté justement à cette évolution de la zone commerciale. Enfin en tous les cas, il a participé à son évolution et il était régulièrement en contact avec Philippe PETITPREZ d’Immochan avec lequel j’ai eu un entretien au téléphone. Et donc c’est pour ça que j’ai eu des questions très pointues pour pouvoir avoir des réponses par rapport à ce qu’ils m’ont dit en amont. J’ai eu Blandine MENAGER aussi mais elle a été très vague donc elle m’a réorientée vers vous pour que je puisse euh… A B : Alors c’est ça le problème… euh… Effectivement je pense qu’à l’époque il y avait plus d’élus que de techniciens. L’EPALE s’est construit avec les politiques de Villeneuve d’Ascq donc chez nous ça a été moins suivi. Nous, on a récupéré, une fois que l’EPALE s’est terminé a été dissout, le foncier. En tant que Communauté Urbaine, on a récupéré une grosse partie que l’EPALE gérait. Et après on a retransmis des choses à la ville. Notamment les écoles : c’était géré par l’EPALE c’est passé par chez nous avant qu’on les redonne à la ville en terme de gestion. Donc c’est pour ça, je vous dis qu’en termes d’historique on a… Ce que ma collègue du foncier m’a dit c’est qu’on aimerait aussi avoir les réponses à vos questions en fait. Mais voilà… Nous on a un foncier un peu particulier effectivement. Parce qu’il y a des baux à construction. Donc c’est une forme de construction bien particulière. Alors après vous dire pourquoi ça s’est transformé en zone commerciale je ne pourrais pas vous le dire… Et pourquoi AUCHAN … J : Et peut-être… Qui a décidé de la planification de cette zone commerciale ? Vous sauriez peut-être qui ? AB : Pendant l’EPALE après … Je pense que c’était vraiment un échange entre les élus de la ville de Villeneuve d’Ascq et l‘EPALE. J : D’après ce que m’a dit Jean Michel STIEVENARD c’est vraiment la communauté urbaine…

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AB : Oui mais quand on écoute Gérard CAUDRON, le maire actuel, il dit qu’il a bâti le quartier de l’Hôtel de Ville et notamment ce centre commercial. Donc on va dire que pour lui c’est un petit bras de fer qui a eu lieu avec AUCHAN. Mais voilà. C’est pour ça que je ne sais pas du tout qui a décidé de comment ça devait se mettre en place à cet endroit-là. J : Et sinon plus pour commencer est-ce que vous pouvez m’expliquer comment fonctionne la politique du foncier à MEL pour cette zone-là ? Parce que je ne connais pas du tout les techniques… Enfin la gestion du foncier … AB : Alors la politique du foncier. En gros ce foncier là il est géré par des baux à construction. La collectivité, donc à l’époque l’EPALE, est propriétaire du foncier et donne la gestion du foncier à un opérateur pour construire quelque chose de définitif. Donc par exemple, ça peut être un bail à construction pour tant de logements et une voirie de desserte. Ce bail à construction il est euh… Le preneur au bail rémunère la communauté. Donc soit elle le rémunère dès le départ soit elle le rémunère par an, par un loyer. Un bail à construction c’est 70 ans. Donc ça c’est la politique. Donc quasiment, alors après pas tout hein mais, l’hyper centre-ville comme on appelle ça autour du métro ce ne sont quasiment que des baux à construction. J : D’accord. AB : Après vous avez du foncier normal, qui a été vendu. Donc les baux à construction il y en a toute la partie du centre commercial en lui-même c’est un bail à construction, les logements à côté c’est un bail à construction… Euh, la station essence c’est un bail à construction… J : J’ai un plan du secteur d’étude qui m’intéresse. Donc là, le périmètre qui m’intéresse c’est vraiment du centre commercial et qui englobe toute la zone commerciale. Et les baux à construction ils sont autour de la station. AB : Les baux à construction c’est tout ça [présentation sur le plan]. Et après c’est des parcelles privées, c’est de la cession foncière habituelle. J : Et donc là c’est MEL qui était… AB : C’était l’EPALE à l’époque. Après HeronParc ne date pas de l’EPALE donc il a été cédé. Leroy Merlin c’est la même chose hein ça a été cédé directement à Leroy Merlin. Saint Maclou c’est la même chose ça leur appartient. Donc voilà il y avait une partie en bail à construction et d’autres parties en cession. J : OK. AB : Donc les baux à construction appartiennent toujours à la collectivité.

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J : A l’EPALE ? AB : Non à la communauté. J : OK. Donc tout ça c’est propriété de MEL ? AB : tout ce qui est cette parcelle-là, cette parcelle ici, de ces logements là c’est communautaire. Et après tout ce qui est public est communautaire. J : OK. Et est-ce que vous avez des infos sur l’achat des terrains de Leroy Merlin, St Maclou etc… ? AB : Non pas du tout. J : Et euh… je pourrais trouver ça dans les archives de MEL ? AB : Nous on a aucunes archives. Donc si vous devez trouver ça sera plutôt aux archives de la ville. Euh… Après il faut retrouver l’acte de vente. J : Parce qu’en fait ce qui m’intéresse c’est de savoir pourquoi il y a autant d’enseigne de l’Association Familiale MULLIEZ qui s’est développé autour du centre commercial. Parce que ça s’apparente à leur stratégie d’implantation : AUCHAN fait une énorme réserve foncière et après comme ça l’AFM peut développer des enseignes. Sauf que là ce n’est pas du tout la même chose car ils n’ont pas fait de réserve foncière. J’aimerais bien savoir pourquoi c’est Leroy Merlin et tout ça qui ont … A B : Je ne sais pas… J : C’est un rapport de force ? Ou c’est juste parce qu’ils ont beaucoup de moyens peut être ? AB : Je ne sais pas… Après c’est vrai qu’AUCHAN… Mais alors je n’ai vraiment aucune idée de pourquoi c’est eux. Ce n’est pas une stratégie habituelle par rapport à d’autres centres commerciaux périphériques qu’on peut voir. Mais euh … On ne peut pas expliquer. En tous cas nous on n’a pas les réponses pour expliquer ce phénomène… J : Parce que Mme LEFEBVRE elle était au service depuis longtemps ? AB : A la direction du foncier ? Je ne sais pas… J : Parce que Jean Michel STIEVENARD il me disait que … Enfin il n’avait pas eu de rapports directs avec elle mais euh… Il disait que c’est elle qui pourrait potentiellement répondre à ces questions-là… AB : Bah après vous pouvez lui envoyer un mail. A cette adresse-là. J : OK. Bon pour l’acquisition ça va être un peu compliqué pour répondre à mes questions …

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AB : Bah c’est-à-dire que c’est vraiment … Si elle l’a géré ça va. Mais après je ne sais pas bien. C’est vrai que les archives sont plus à la ville que chez nous. J : Je pense que je vais recontacter Blandine MENAGER puisque parce qu’elle fait partie du service urbanisme de Villeneuve D’Ascq, elle a peut-être aussi d’autres contacts. AB : Alors est-ce que c’est Blandine MENAGER ou quelqu’un d’autre ? Euh … Parce qu’elle est au service urbanisme mais elle n’est pas là non plus depuis des années… Il y a Marie Madeleine JACOB qui est là depuis plus longtemps que Blandine MENAGER… Mais après qui pourrait ? C’est du foncier donc il faudrait euh… l’ancien directeur du foncier : Alain CAPPE je ne sais pas si vous avez vu… Mais je ne pense pas que ce soit Blandine MENAGER qui puisse vous délivrer la mémoire de ce grand projet. J : En tous cas de ce qui est d’aujourd’hui euh… Est-ce que MEL a une vision particulière du réaménagement de la zone commerciale ? AB : On a fait une étude plus globale sur tout le centre-ville de Villeneuve d’Ascq pour effectivement en faire un centre-ville attractif et un vrai centre-ville. On va dire qu’aujourd’hui n’importe quel concitoyen de la métropole ou de Villeneuve d’Ascq dit « Je vais à V2 » et non pas « au centre-ville de Villeneuve d’Ascq » donc la volonté c’était vraiment de créer un centre-ville, une vraie identité. C’est un peu particulier parce que c’est un centre-ville décentralisé. On a étudié les choses. On sait rendu compte effectivement que ça c’est la partie commerciale et ça la partie résidentielle et culturelle. Donc le but c’est de lier les deux. L’aménagement commercial en lui-même pour nous nous semble hyper intéressant d’avoir des commerces très dynamiques comme c’est le cas sur le secteur. Donc ce n’est pas du tout le but de les enlever c’est juste de les rendre plus lisibles et plus piétons. Car à l’heure d’aujourd’hui c’est un quartier très automobile desservi par la voiture. On maintiendrait ça mais on y amènerait une trame piétonne et cycliste qui manque à l’heure d’aujourd’hui sur le quartier. Donc après euh… Ce qu’on espère aussi c’est qu’effectivement on travaille beaucoup avec RODAMCO qui est le gestionnaire du centre commercial euh… Pour adapter ce nouveau centre. C’est un centre commercial de centre qui a été réfléchit comme un centre commercial de périphérie. Type Faches, Englos, Roncq alors qu’en fait c’est un centre commercial du centre-ville. Qui est énorme ! Qui a une zone de chalandise de 50 000 m² dans un rayon de 50 km. Qui dessert tout le territoire est de la métropole. Mais il est quand même dans un centre très urbain contrairement aux autres centres commerciaux et donc il est nécessaire de l’ouvrir sur la ville. Donc on travaille beaucoup avec RODAMCO et AUCHAN car ce sont les deux partenaires de ça pour rénover cette partie-là. On se dit qu’une fois qu’on aura travaillé sur le centre commercial en lui-même, les enseignes autour se … transformeront d’elle-même. Il faut qu’on injecte des choses, que l’on fasse des choses pour engager la machine mais on ne va pas tout faire. Les choses doivent se faire aussi par elle-même. Voilà. 105


Je pense que Leroy Merlin est déjà en cours de réflexion sur son devenir parce qu’ils sont en face du grand stade, ils savent pertinemment qu’il faut bouger. Ils sont rentrés dans une dynamique qui est là notre. On s’est dit qu’avec les autres enseignes ce serait la même chose. Aujourd’hui chaque enseigne réfléchit à sa parcelle. Fait son magasin, sa boite à chaussure et son parking à côté. Mais à terme, ce serait intéressant de réfléchir à un magasin plus cohérent et puis de mutualiser les parkings. Parce que les parkings sont utilisés aujourd’hui oui mais… Le premier jour des soldes ils sont blindés. Mais il y a une grande partie du temps où il n’y a personne. Donc si on peut les mutualiser ça serait vraiment bien. Mais nous, on ne peut pas tout imposer. La collectivité ne doit pas tout imposer. L’intérêt c’est aussi tout le monde gagne quelque chose. Que ce soit gagnant pour chacun. J : C’est une étude qui a été lancé il y a longtemps ? AB : Ouai. L’étude date de 2001.Donc là on a fini l’étude urbaine. Le schéma d’aménagement est défini. Il a été concerté en février 2013 donc tous les partenaires du secteur, les citoyens et même plus. Et euh voilà. Il faut le mettre en œuvre. Il faut se donner les moyens de le mettre en œuvre. J : Et avec la ville de Villeneuve d’Ascq, ça se passe comment ? C’est le service urbanisme qui est en relation avec vous ? AB : C’est … Alors en fait je suis le chef de projet du centre-ville de Villeneuve d’Ascq entre autre. Et à la ville c’est Elise DESMETZ en charge du projet. En lien avec les autres services, avec la DGS etc. Oui donc tout se décide voilà. Tout se décide avec la ville. J : DGS ? AB : Directrice Générale des Services. Le schéma d’aménagement a été validé donc maintenant il faut avancer car il est assez ambitieux hein. Avec une démolition de la chaussée haute… J : De toute la promenade ? AB : En fait c’est démolition de la partie, pas de toute la promenade car le but c’est de conserver l’identité de la ville hein et pas d’essayer de faire le centre de VDA comme on a fait le centre-ville de Roubaix. C’est de garder les spécificités du secteur mais en améliorant la lisibilité et l’accessibilité. Parce que là quand même c’est … Je vous montre ça… J : Et le schéma d’aménagement il a été fait avec des équipes de paysagistes, d’urbanistes et d’architectes ? AB : Oui ! C’est MGAU qui architecte urbaniste parisien qui est le mandataire. Donc il y avait un paysagiste, un bureau d’étude, un programmiste, tout…

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Donc à l’heure actuelle vous avez le forum des sciences avec la mairie qui est là. La chaussée haute qui est là. Et arrivée à terme ça ressemblera à ça. L’Hôtel de Ville a disparu. Enfin remis, reconstruit à côté. On démolit effectivement la chaussée haute à cet endroit-là pour avoir une liaison de là jusqu’au centre commercial. J : Parce que du coup toutes les entrées hautes … ? AB : Toutes les entrées hautes n’existeraient plus. Elles seront toutes remises en bas. J : D’accord. AB : Et après le projet est construit autour de trois places. La place citoyenne, la place commerciale où en fait effectivement de ce côté-là où il y a une station essence actuellement on vient créer une place commerciale. Donc tout ça, tout est lié. Parce qu’aujourd’hui quand vous vous allez depuis la mairie de Villeneuve D’Ascq au Heron Parc, quand V est fermé, ce n’est pas simple. Donc le but c’est que ce soit possible par les espaces publics ouverts tout le temps. C’est de retrouver le sol naturel et que tout le monde… Donc le projet est construit autour de trois places, c’est deux places là et ce que dit l’architecte urbaniste c’est que contrairement à TCG et RBX où on a fait une grande place et puis on essaye d’animer la chose. VDA ce n’est pas ça. Ils proposent 3 places : une place commerciale, une place citoyenne autour du forum des sciences, de la rose des vents, de l’Hôtel de Ville qui est tout de même un aspect de la culture et la place verte avec le forum vert. Ramener les trois identités du centre-ville autour de trois places qui sont liées les unes aux autres. J : D’accord ! Ok. Et si le schéma d’aménagement a été validé, les travaux vont se faire bien plus tard ? AB : Alors en fait là, les travaux vont être faits dans le mandat là. J : Oui c’est ça, d’accord. AB : Donc … Notre volonté c’est de quand même intervenir sur le quartier donc il y aura des travaux de requalification, par exemple des voiries. Dès cette année. Après les grosses choses, les démolitions et tout il faut les étudier finement et précisément. Donc voilà. D’ici 2/3 ans. Parce qu’il y a aussi. Cette étude a suscité un engouement assez fort des partenaires du centre-ville. Que ce soit les bailleurs sociaux les acteurs économiques. Tant mieux ! Ils sont prêts. Il va falloir les suivre et qu’on avance ensemble. On ne peut pas faire notre projet de notre côté et le leur de leur côté. Ce n’est pas possible. J : D’accord OK ! Bon bah … [rires]

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AB : Et oui désolée… Essayez de voir avec Martine Lefebvre mais c’est vrai que je n’ai pas eu d’informations c’est pour ça que … On n’a pas trouvé … J : Je pense que ça va être difficile mais je vais rappeler les contacts avec qui je me suis déjà entretenue… AB : Oui c’est un peu compliqué… Mais après… C’est AUCHAN hein ! On est dans le nord ! Et désolée. J : Mais il n’y a pas de problème. C’était déjà bien de voir le projet de réaménagement. AB : Voyez avec Alain CAPPE. Il a sans doutes une idée là-dessus puisqu’il était directeur hein. Fin de l’enregistrement / 14h20

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Entretien 5 : avec Martine LEFEBVRE, directrice du service « Foncier / Aménagement et Habitat » de la MEL, réalisé par appel téléphonique le 21 janvier 2015

Martine Lefebvre : Je vais essayer de répondre à vos questions mais je n’étais pas là du temps de l’EPALE. Je suis à la communauté depuis une dizaine d’année. Je ne pourrais pas vous donner les explications de ce qu’il s’est passé à cette époque-là parce que je n’ai pas les informations et ne travaillent qu’à mes côtés aujourd’hui des personnes qui n’étaient pas là du temps de l’EPALE. Pour moi, c’est aussi une période mystérieuse. Je vous écoute. Juliette Ols : Je ne sais pas si vous avez lu les questions que je vous avais envoyées par mail. ML : J’ai trouvé plus facile qu’on en reparle parce que c’est vrai qu’elles sont pointilleuses… J : Alors du coup pour faire un petit rappel il y en a 4 : La première c’est tout ce qui est lié au projet d’aménagement des terrains qui ont été racheté par Lille Métropole après la dissolution de l’EPALE. Je voulais savoir quelles avaient été les décisions prises par rapport à l’urbanisation de ces terrains qui à la base étaient voués à être aménagés comme zone sportive d’après le premier schéma d’aménagement et d’urbanisme de l’EPALE, que j’ai pu consulter aux archives. Et donc voilà la première question à laquelle Mme BECAR n’a eu aucunes réponses puisqu’elle ne connait pas du tout cette période. ML : Moi non plus. Et j’ai été étonnée entre ce que vous m’avez écrit dans le mail et ce que vous me dite. Aujourd’hui, la situation que l’on vit, c’est-à-dire la séparation entre la zone sportive (golf, et puis centre moto) et la zone du milieu sur laquelle a été construit le grand stade qui était une zone à vocation indéterminée, on aurait pu aussi la réserver à de l’activité sportive. Ensuite il y a la partie commerciale lorsqu’on se rapproche de plus en plus du centre-ville. Et notamment la partie où est implantée le centre V2 et tous les magasins autour de V2… Tout ça a été négocié par l’EPALE. C’est la résultante du travail de l’EPALE. Et donc je me dis que le document des archives que vous avez trouvé n’est peut-être pas le bon. Etes-vous sur la bonne limite de séparation ? J : Oui. Dans leur premier schéma, la zone où il y a actuellement toute la zone du Heron Parc, Leroy Merlin & Boulanger, normalement toute cette zone-là devait être réservée à une zone sportive. Donc après ils ont dû réviser ce schéma parce que je n’ai pas trouvé de deuxième version pour le moment. ML : En tous cas, la zone de V2, du Heron Parc –qui était déjà une zone prévue par l’EPALE notamment pour la commercialisation d’Heron Parc (ça ne s’appelait pas Heron Parc à l’époque) c’était sur le document que j’ai ressorti il y a 7 ou 8 ans lorsque le complexe des cinémas est sorti de terre. C’était 109


bien un document de l’EPALE avec des prestations commerciales. Le document que vous avez doit être encore antérieur. J : Oui je pense… ML : ça remonte à la construction de la ville nouvelle (Avec l’EPALE, et même avant l’EPALE). C’était le moment où a été créée la conception même de l’extension du petit cœur d’Ascq et la ville nouvelle. Et donc il y a forcément eu des principes très larges d’urbanisation qu’on ne peut pas adapter à la parcelle ou au mini secteur comme on est entrain actuellement d’en parler. C’était à l’époque des grandes zones qui ne se limitaient pas forcément à un trait en se disant « là on a çà et là on a çà. ». Il y avait une marge de variation qui était très large. Au fur et à mesure que le temps se dégradait pour les collectivités il y a un choix qui a été fait entre un besoin sportif et les besoins d’agrandir la zone commerciale. Je pense que les principes directeurs qui avaient pu correspondre à la création et à l’imagination de la ville nouvelle ont trouvé leur coactif. S’il y a une évolution au fil des années, l’idée des collectivités pour déterminer les équipements publics va se déterminer au fur et à mesure. Par ailleurs, les prospectives économiques notamment toute la zone de chalandises, commerciale, se développe. Il y avait un intérêt concret, manifeste, opérationnel qui arrivait à se décliner via des propositions foncières d’implantation de nouvelles enseignes économiques. Donc voilà sans doute ce qui a fait qu’on a changé les principes originaux de cette zone-là de la ville nouvelle. C’est de l’interprétation, mais on était tellement sur un plan master guide qu’on le voit encore aujourd’hui : On fait encore la même chose bien que l’on soit sur des zones beaucoup moins étendues par rapport à la ville nouvelle. Au fur et à mesure que les projets deviennent opérationnels il faut ajuster le master plan. On n’est jamais dans l’idéal bien que … On reste sur une conception qui n’est pas très lointaine. Aujourd’hui, le fait que vous ayez une zone marchande qui est une zone à destination d’équipements sportifs, on a respecté la philosophie de l’EPALE même si le marquage géographique partiel n’a pas pu correspondre à celui qui était dessiné initialement. J : Donc les décisions qui ont été prises, c’était bien par rapport aux principes qui ont été imposés par l’EPALE ? Ce n’est pas MEL qui a géré cela ? ML : Moi je suis en train de gérer aujourd’hui l’acte, les actes contractuels qui gèrent aujourd’hui la zone commerciale de V2. On est quelque part propriétaire des lieux, on est sur un bail à long terme. Par contre, HeronParc a été cédé. Et toutes ces décisions ont été prises au départ, à l’époque par l’EPALE. Aujourd’hui, l’acte initial et notamment les baux qui gèrent V2 ont bien été contractualisés par l’EPALE et aujourd’hui je n’en fait que l’application.

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J : D’accord. ML : L’EPALE avait pour principe directeur, au niveau juridique, d’essayer de faire un maximum de baux emphytéotiques et des baux à constructions à très long terme. On est sur du très long terme : 90 ans partout. A la fin des 99 ans, la propriété du sol et la propriété de construction qui a été édifiée reviennent à la collectivité. Donc le but était de rentabiliser l’aménagement pour la collectivité. Les baux ne sont pas éteints. Les 99 ans ne sont pas terminés donc on est encore sous contrats, en train d’être rentabilisés au patrimoine et à l’investissement de la collectivité. J : D’accord. Mais alors du coup, comment ça se fait que … Parce que vue que je travaille sur le groupe AUCHAN et l’Association Familiale MULLIEZ en général, je me suis posée la question de la forte présence des enseignes de l’AFM ? Parce qu’il y a Leroy Merlin, Norauto, Décathlon, Boulanger… ML : Je vous ferais la même remarque si vous parlez Faches Thumesnil, Englos… Englos ! Vous êtes sur une stratégie immobilière de groupe. On pourrait parler de Carrefour qui a exactement la même stratégie immobilière sauf qu’ils ont moins de moyens financiers. Le groupe immobilier AUCHAN structuré par la filiale Immochan développe une stratégie patrimoniale qui est inscrite dans la durée et qui ne fait que se développer dans la région nord Pas de Calais. AUCHAN et la famille MULLIEZ sont originaires de la région et ont trouvé leur terrain d’exercice. Ils ont pour leur stratégie d’entreprise et la rentabilité d’entreprise une stratégie patrimoniale qui n’a plus rien à voir avec le commerce. Ils font de la rentabilité sur le patrimoine foncier. C’est un investisseur immobilier. Et donc vous voyez que pour bien des zones, notamment à Englos, ils sont propriétaires du centre commercial et des annexes mais énormément de terrains autour. Aujourd’hui ce sont des terres agricoles où il ne se passe rien. Donc ils jouent sur la prospective, éventuellement sur des extensions des centres commerciaux, bien qu’ils soient déjà bien étendus… Mais il pourrait y avoir encore une possibilité d’extension pour leur propre besoin. Un besoin immobilier c’est un acte immobilier réalisé par un promoteur immobilier. C’est un promoteur immobilier au même titre qu’un promoteur privé. C’est-à-dire qu’ils font de la rentabilité financière. Il a la capacité financière de stocker au patrimoine de leur réserve foncière, de la garder au portefeuille pendant du très long terme, et pendant du très long terme parce que l’on sait que le foncier ne fait que croître. La valeur du foncier ne fait que croître au fil du temps. Ça a toujours été pour lui un investissement. La terre agricole qu’il a pu acheter à 20 ou 30 centimes d’euros il y a 10 ou 15 ans, aujourd’hui il la revendra en terre agricole à 4, 5, 6 fois le prix initial ! Et ne parlons même pas d’un changement d’urbanisation, si vous êtes en zone urbaine ou en zone à urbaniser. Là, le coefficient multiplicateur peut être de 100. Et donc vous êtes quasiment, (je ne voudrais pas dénigrer Immochan ou le groupe AUCHAN) parce que c’est une stratégie qu’on retrouve chez tout investisseur immobilier, 111


sur de la spéculation. Ils ont les moyens. C’est pour eux un moyen de placer leur trésorerie dont ils disposent, ils savent manifestement que c’est une trésorerie qui va jouer en leur faveur dans une stratégie de long terme. C’est un placement. C’est un placement de long terme qui ne peut être qu’intéressant pour eux. On n’est jamais mieux servi que par soi-même. Vous êtes propriétaire du terrain et vous ne mettez aucune concurrence sur votre terrain. Forcément : on s’implante d’abord, et je crois savoir, que la tradition du groupe MULLIEZ, de la famille MULLIEZ, c’est que tout le monde s’entraide. Ce n’est pas une famille qui joue la division les uns par rapport aux autres, mais c’est une famille qui s’entraide au niveau de l’implantation, de la diffusion commerciale et immobilière. Donc forcément on s’entraide dans la vision globale du clan, je vais appeler ça comme ça. Et puis s’il reste de la place pour un autre opérateur (ou là encore, on joue la sécurité) on garde la maîtrise du terrain et surtout on ne les vend à personne d’autre. Comme ça on n’a pas de concurrence directe à proximité immédiate. On construit ensemble et on évite la concurrence : Ce n’est que du gagnant ! J : Mais je me suis posée la question justement. J’ai travaillé sur Englos l’année dernière et après mon entretien avec Philippe PETITPREZ d’Immochan, il m’a dit que le principe à Englos c’était d’avoir une grande réserve foncière sauf qu’à Villeneuve d’Ascq le groupe AUCHAN n’a pas pu y faire de réserve foncière puisque c’était des terrains de l’EPALE. ML : Effectivement, il y avait une maîtrise foncière publique qui appartenait à la collectivité, et la collectivité ne s’en est pas dessaisie de façon gigantesque au profit d’un opérateur privé. La collectivité a exactement le même raisonnement qu’un opérateur privé de ce point de vue-là. Elle sait garder la maîtrise des terrains, l’aménagement des terrains. Et elle doit jouer la concurrence. Donc elle ne va pas se mettre en concurrence avec les opérateurs privés, parce que si nous créons nous même de la concurrence on sait qu’on n’aura pas les moyens pour suivre. Et soyons claires, même la communauté aujourd’hui n’a pas les moyens de concurrencer le groupe Immochan sur sa stratégie immobilière ! On n’a pas les mêmes moyens financiers, on ne parle pas du tout de la même chose. J : Mais donc les terrains qu’ils ont acquis, c’est bien une transaction qui a été faite entre MEL et les différentes enseignes de… ML : Alors, est-ce que vous parlez de Villeneuve d’Ascq ? J : Oui oui ! ML : La transaction est intervenue du temps de l’EPALE ! C’est ce que j’essayais de vous dire dans le point précédent. Aujourd’hui je ne suis le gestionnaire que de contrats qui ont été passés du temps de l’EPALE. Nous n’avons jamais voulu les rompre. Parce que soyons très claires, ils sont rentables. Et donc

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nous voulons les poursuivre et ils sont très loin de s’éteindre. Ils ne s’éteindront qu’en 2050 à peu près. La communauté ne fait que suivre les applications de l’EPALE. Ce n’est pas elle qui a conçu les contrats. J : D’accord… Parce que du coup il faudrait que j’arrive à contacter quelqu’un de l’EPALE qui s’est chargé de … ML : Il n’y en a plus beaucoup des gens de l’EPALE hein… J : Oui c’est ça… Parce qu’en fait j’aimerais bien savoir pourquoi ils ont choisi en premier lieux les enseignes de la famille MULLIEZ. Parce que bon je sais qu’ils ont un portefeuille énorme, et que ça a dû jouer en leur faveur mais… ML : Bon alors je pense que l’EPALE à l’époque a fait une consultation, ce qu’on appelle aujourd’hui un appel à projet, d’enseignes commerciales et que la réponse la plus opportune est venue des MULLIEZ. Moi je pense que c’est tout simplement ça, il n’y a pas besoin d’aller chercher ailleurs. Vous savez l’EPALE était un bon négociateur. Ils ont vu l’intérêt d’un projet d’aménagement qui avait une certaine qualité et qui avait une proposition financière intéressante. Les deux cumulés, L’EPALE a donc mis en concurrence plusieurs groupes, et la meilleure réponse leur est venue du groupe AUCHAN, et de la famille MULLIEZ. Il n’y a pas à chercher beaucoup plus compliqué que cela. J : Ok. ML : C’est vrai que du temps de l’EPALE ça se réglait beaucoup plus à l’amiable que ça ne l’est aujourd’hui. Aujourd’hui, les collectivités publiques prennent beaucoup plus de précaution pour lancer des appels à concurrence. C’est le fil du temps qui nous a obligés. Du temps de l’EPALE ce n’était pas une obligation. On travaillait beaucoup plus à l’amiable, en direct, en négociations directes, on y était beaucoup plus autorisés. Et je pense aussi que l’EPALE n’a pas uniquement négocié avec Immochan en fermant la porte aux autres. Ce n’était pas du tout dans leur façon de faire. Parce que ça n’aurait pas été avantageux pour eux. Ils portaient bien un intérêt public et donc un intérêt financier. Et donc forcément pour arriver à cela, il faut concurrence. Ils ont été démarchés par trois ou quatre groupes commerciaux et grandes enseignes de l’époque en leur disant « Qu’est-ce que vous nous proposez comme projet d’aménagement ? », « Quel est votre projet ? Quelle est l’offre financière correspondante ? ». Ils ont pris la meilleure, celle qui correspondait le plus quoi. J : D’accord. Ah bah du coup vous avez répondu à mes questions. Avec l’entretien de Jean Michel STIEVENARD, il n’a pas mentionné de dates et il m’a expliqué la venue des différentes enseignes. Je sais comment ça s’est passé mais je ne sais pas pourquoi ce sont des enseignes de la famille MULLIEZ. 113


ML : Vous savez aujourd’hui, puisqu’on est en train de parler de l’aménagement du boulevard de Tournai, est en train de se mettre en place la cession ou la réflexion via la cession de ces terrains. C’està-dire qu’on a plein d’enseignes qui viennent frapper à la porte de la communauté. L’histoire que je vous raconte aujourd’hui avec ces terrains, se déroule exactement de la même façon que ce qu’il s’est passé du temps de l’EPALE. Donc aujourd’hui on voit plusieurs enseignes et c’est à celui qui a le portefeuille financier et le volume de capacité d’aménagement sur un projet de qualité d’aménagement ambitieux qui aura la cession à son profit. J : D’accord. ML : Je pense que là-dessus le contexte n’a pas changé. Je n’ai jamais regardé la marge financière du groupe Immochan comparé à d’autres groupes, mais peut-être qu’ils ont une marge financière beaucoup plus importante. Je peux aussi vous dire qu’ils ont une structuration d’équipe d’aménagement importante. Pour eux, et c’est normal, le centre commercial V2, et ses alentours, doit perdurer. Ce n’est pas un centre dont ils auront l’occasion de s’en séparer. Donc forcément ils ont un intérêt direct à la valorisation et à la requalification de ce centre qui a déjà vécu. Ils engagent des études d’aménagement avec des professionnels très poussés. Je n’ai jamais vu des commerciaux avoir des moyens d’aménagement aussi conséquents. C’est évident que quand vous allez recourir à des supers professionnels qui vont vous sortir des études d’aménagement très poussées, et qu’on sait que l’opérateur va exécuter ce projet d’aménagement, ce n’est pas seulement un joli dessin sur un morceau de papier, c’est aussi un engagement du groupe à réaliser ce qu’il est en train de proposer et qu’il va porter l’engagement de la collectivité. Donc forcément ça va jouer en leur faveur. C’est évident. Bon après toujours sur le V2… Est-ce qu’aujourd’hui un autre groupe commercial voudrait venir se frotter à Immochan ? La présence est tellement forte, l’implantation d’AUCHAN sur toute la zone de V2… Est-ce qu’un autre pourrait prendre le risque de venir se mettre en concurrence directe ? On peut citer des noms : Carrefour, Leclerc… Est-ce qu’ils veulent s’implanter en face ? Il y a un sacré risque pour eux. Effectivement, ils peuvent casser un peu le groupe AUCHAN mais ils se mettent en péril aussi. Donc en fait, ils sont dans une situation acquise où ils ne sont pas en concurrence tant que ça. Ils sont dans un monopole. Et ça ne se présente pas tout à fait comme ça. Mais quand on déplie les éléments les uns après les autres, on arrive vite à dire qu’ils sont les seuls à pouvoir s’y développer. On arrive très vite à pouvoir dire ça quoi. La concurrence dangereuse en fait, pour moi, elle viendrait d’ailleurs. Si on voulait vraiment faire un projet avec une autre dimension. Par exemple tout ce qu’il se passe autour du boulevard de Tournai et notamment le grand terrain. Il focalise l’attention de beaucoup. Si la collectivité décidait de ne pas du tout ouvrir aux commerces et d’en faire radicalement autre chose… C’est ça qui les dérangerait. Et là ils se sentiraient mis en péril dans l’extension parce que le projet

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d’aménagement aurait pour objectif principal non pas l’implantation de commerces mais un tout autre objet. Je ne sais pas moi, par exemple de l’équipement sportif, ça veut dire que les implantations commerciales n’auront plus d’intérêt. Mais sinon la concurrence inter-commerciale je ne la sens pas si intense que ça. Je dirais la même chose sur Englos. Il faut voir loin pour qu’un opérateur autre qu’Immochan ait commencé à y mettre les pieds. En fait là aussi ils ont été seuls, ils ont eu une stratégie d’ampleur qui est organisée depuis des années, et donc personne d’autre ne vient les déranger. J : Mais du coup vous parliez d’un document que vous avez ressortis il y a de ça 7 ans de l’EPALE. ML : Oui c’était l’acte consenti de l’EPALE pour l’utilisation des terrains du HeronParc. Et ils ont vendus les terrains, la société anglaise qui a acheté les terrains du HeronParc pour la construction des cinémas ne voulait qu’un montage de cession, elle ne voulait pas de montage de bail à long terme. Et donc il a fallu chercher le document contractuel qui avait été ratifié par l’EPALE à l’époque pour le transformer. Et donc le cahier des charges de la zone avait été énoncé par l’EPALE lui-même. Vous savez dans le centre commercial V2 c’est l’EPALE lui-même qui à l’époque a dit « Il faut qu’il y ait une traversée technique qui ira de l’Hôtel de Ville au secteur Borne de l’Espoir » et qu’une traversée publique soit prévue. Aujourd’hui la communauté n’invente rien ! On ne fait que reprendre, une disposition, un usage, une conception d’usage qui a été totalement déterminée par l’EPALE, qui avait une vision précurseur de ce que pourrait être le déroulé opérationnel et effectif de 30 ou 50 ans plus tard. Il faut être un peu visionnaire pour arriver à se décliner sur une telle activité ! Voilà. J : Merci beaucoup. ML : Eh bien de rien. J : Ce n’est que de l’écrit le document ? ML : Ah oui, et je ne peux pas vous le donner. Essayer d’avoir le règlement de ZAC de l’époque. Car il détaillé l’ensemble des usages des zones dessinées par l’EPALE. Il doit exister dans les archives de l’EPALE. Vous pouvez le trouver ce règlement ! Remerciements et salutations

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En Mai 2015, les étudiants de l’Ecole d’Architecture de Lille, située à Villeneuve d’Ascq, travaillent sur la Ville nouvelle, à l’initiative d’un professeur, Catherine Blain. L’une des étudiants, Juliette Ols, a interrogé Jean Claude RALITE avant une intervention de ce dernier devant les élèves. Ceci est la transcription pratiquement brute de l’enregistrement de l’interview, dans laquelle certains mots incompréhensibles ont été rectifiés.

Entretien 6 : avec Jean Claude RALITE, directeur de l’EPALE de 1969 à 1973, réalisé à l’ENSAP LILLE le 18 mai 2015 Jean Claude RALITE : [Il dessine sur un morceau de calque pour repérer les différentes structures du territoire dans lequel allait s’implanter la ville nouvelle] Alors, le grand boulevard, l’autoroute A1, l’autoroute de Valenciennes, la nationale de Tournai avec la voie ferrée à côté. La banlieue existante avec Fives et Hellemmes. Je ne vais pas vous raconter pourquoi les facultés sont là etc. Le SSAU, si vous l’avez lu, c’est suffisant. Vous l’avez eu comment ?

Juliette OLS : C’est Catherine BLAIN qui me l’a transféré.

JCR : Je n’ai jamais fait ce type de dessin alors je me lance, ça m’amuse. A l’époque, je ne me donnais pas le ridicule de dessiner parce que ça aurait fait rigoler tout le monde ! Mais là j’ai envie d’essayer de vous expliquer.

Le centre-ville, les facultés et le Triolo. Ici, les professeurs de la faculté des sciences avaient exigé de mettre cette voie au niveau -1 par peur des parasites. Pour les faire taire, j’avais accepté parce qu’ils hurlaient très fort. Et puis après, il fallait passer au-dessus de la voie ferrée. Et après, ça devenait le boulevard du Breucq que nous aimions bien mais qui malheureusement a connu des horreurs. Puisque vous savez par le SSAU que la continuité autoroutière, à ce moment-là, était là, le long de la voie ferrée dans Fives. Je ne vais pas vous raconter aujourd’hui pourquoi. Les étudiantes qui sont venues l’autre jour y ont eu droit. Mais je n’ai pas le temps nécessaire aujourd’hui.

Bref, c’était prévu comme ça et ici on avait un vrai boulevard. Là seulement, il était au niveau -1. Et ici vous avez la ZUP de Mons et ici le centre-ville de Lille, la gare Lille Flandres étant là. Et puis la mairie de Lille, par là. Et moi j’avais développé ici, dans Lille, un nouveau quartier qui s’appelait le centre directionnel, au sud de la gare, qui était un peu la phase 0 de ce qui est devenu aujourd’hui Euralille, à 116


la faveur de ce que Pierre MAUROY a appelé la turbine tertiaire, amenée par le TGV. Bien sûr, il n’y est pas de TGV à l’époque où j’y étais.

Ici nous avions prévu le stade tel qu’il est aujourd’hui sur une zone pas facile car vous savez qu’endessous ce sont les « catiches ». Ici il y avait les facultés, nous voulions absolument ne pas reproduire la bêtise de les disperser dans les champs de betterave (cf. cité scientifique) et nous voulions que le quartier de pont de bois (je n’ai jamais su où était ce pont, d’ailleurs) soit intégré tout en étant mixte : étudiants et résidences étudiantes, quartier de la ville relativement dense et les facultés.

Ici nous avions imaginé le centre commercial, la mairie, le théâtre de la rose des vents qui avaient abouti à un projet remarquable porté par Jacques ROSSNER, qui était un grand créateur d’opéra (j’ai été voir sa Flûte enchantée en Avignon c’était merveilleux) et qui avait conçu à notre demande un théâtre adaptable à tout …. C’est devenu une bibliothèque municipale, qui a perdu complétement son aura.

[Il montre le passage du métro entre le Triolo et le Centre :] Notre ligne VAL, Villeneuve d’Ascq-Lille, passait sur un adorable petit pont qui existe toujours mais qui est aujourd’hui un peu miteux, et il y avait un pont- piéton juste à côté avec des magasins de presses, de boutiques de bouche etc. J’ai oublié de dire que, dans le centre-ville, au débouché de ce petit pont, il y avait ici le Centre Nautique Métropolitain, qu’on m’avait demandé de prévoir, et qui avait beaucoup de bassins, d’activités de toutes sortes. C’est un lieu que nous avions conçu central, avec l’architecte TAILLIBERT (grand prix de Rome qui a fait le Parc des Princes).

Ici, il y avait l’ensemble culturel, la mairie, les commerces. C’était tout ça le centre-ville [il indique une zone allant de la cité scientifique aux facultés de droit et lettres, en passant par le quartier de l’hôtel de ville]. Et la promenade haute, c’était son arrête piétonne. Alors on avait une station de métro qui était là. La seule portion qu’on avait accepté comme souterraine de ce VAL, c’était celle-là. Tout le reste avait été conçu pour être en aérien. Aérien beaucoup plus léger que l’horreur qui a été faite là [à la cité scientifique], car il peut être fait en beaucoup plus léger. Quand je suis parti, les vieux bonshommes du conseil général des ponts ont exigé ceinture et bretelles… C’est terrible. J’ai été très malheureux.

Ici on était en souterrain et le VAL en nord-sud couturait : la ZUP de Mons, le Centre-ville, le nord du centre-ville, ce petit morceau de chaussée entre la rose des vents et la mairie avec l’entrée du centre commercial. 117


On ne se doutait pas, et là on a fait une erreur d’appréciation - j’en parlerais demain car les bêtises, il faut en parler – de penser qu’on pouvait mettre des commerces en pied d’immeuble… Eh bien, ça ne marche pas parce qu’il n’y a pas de centre-ville. Il y aurait eu un centre-ville, comme ça, ça aurait peutêtre marché. Alors maintenant il y a là : la CAF et divers machins, mais bon… Ce n’est pas très sexy. Pour nous c’était important de ne pas rater ce centre.

Or j’étais chargé de l’urbanisme de toute l’agglomération et de l’équipement de l’agglomération et donc je recevais la visite des gars qui voulaient construire … … par exemple un hôtel… Vous savez dans le nord, dans ce moment-là, (les familles industrielles du nord sont extraordinaires), les premiers des familles devaient reprendre l’entreprise du textile. Le deuxième et troisième enfant des familles avaient … le feu aux fesses je vais dire. Quand on voit sur toute la planète des choses complètement folles faites par des français, ce sont souvent des deuxièmes ou troisièmes de famille du nord : des baguettes aux Etats Unis, je ne sais quoi d’autre… C’est fou ! Ces gars-là étaient du genre « Je ne suis pas l’aîné mais tu vas voir ! ». Bon, il y en avait un qui s’appelait DUBRULE.

JO : Oui, il m’en a parlé.

JCR : Vous avez été le voir ?

JO : je n’ai pas été le voir mais Mr STIEVENARD m’en a parlé.

JCR : Il est vieux DUBRULE maintenant ! Il m’a dit « Je veux faire un hôtel ! Et il y aura plein de parking autour ce sera formidable ! » Je lui ai dit « Non. Commencez par en faire un ailleurs et on verra ! » « Mais où je peux le faire ? » « Eh bien là. Il y a un échangeur à Lesquin, faites-le là. C’est formidable il y a l’aéroport à côté, c’est aux portes de Lille. Il y a juste un petit problème, c’est qu’il y a des catiches en dessous. Mais je vous colle un architecte qui s’appelle SECQ » Jean Pierre SECQ a été le premier à inventer les NOVOTEL …, vous savez, cette espèce de baignoire avec le point d’eau à côté et on tournait comme ça… C’était vraiment le minimum. Depuis c’est devenu un groupe immense ! Mais là c’était beau parce que JP SECQ était un vrai architecte et un malin qui a donné des solutions magnifiques. Et qui nous a dit « Ne vous inquiétez pas, moi je vais lui coller des longrines, il ne se cassera pas la gueule dans les trous ». Et le premier NOVOTEL a été mis là et le groupe

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est devenu ce que l’on sait. D’ailleurs je pensais, et j’espérais bien, qu’il en ferait dans la ville-nouvelle, mais selon ce qu’on lui demanderait de faire.

Et puis il y en avait un autre, … qui s’appelait Gérard MULLIEZ. C’était le petit fiston. Il me dit « Venez voir papa » qui s’appelait Gérard aussi, il est mort depuis longtemps. Non il m’a dit « avant de venir voir papa, venez voir là, à Hem. On a un truc marrant : Nous, le textile vous savez … On avait un entrepôt où on met des poireaux » un endroit minable, qui s’appelait les « hauts champs ». Mais avant, ce n’était pas des poireaux, c’était du textile. J’ai mis des poireaux. Et les cageots comme ça. Les gens viennent se servir. Ils sont contents, vous comprenez, ce n’est pas cher. Il n’y a aucun frais et ils viennent les chercher dans des cageots. J’ai envie de développer ça. En un peu mieux, mais en gardant ce principe de trucs pas chers, où il y a beaucoup de choses. Ça a l’air de marcher. On ne pourrait pas faire ça dans votre ville-nouvelle ?

(Tous les gens qui avaient « du poil aux pattes » venaient me poser ce type de questions).

Je lui dit « Ecoutez, tout de suite, non. Pas dans la ville-nouvelle, mais un jour je n’en sais rien… Mais si vous avez envie de faire un truc comme ça, faites-le ! Si vous le faites ici (Lille est comme ça et l’autoroute qui va vers Dunkerque est là) il y a Englos. Là c’est quand même tout près, vous avez Lambersart, Armentières. » Je l’ai envoyé là-bas. « Faites-le donc là ! » ; ça a été le premier AUCHAN. « Allez donc là et là je vous aiderai ! » Et là il a eu son permis de construire puisque c’est moi qui les donnais. Et ça a été le premier AUCHAN de l’histoire. Ça a marché du feu de Dieu.

Et, puis après ils étaient toujours en train de faire notre siège : - « Alors quand est-ce que vous le faites votre centre-ville ? » - « Le centre-ville, on ne peut pas le faire comme vous avez fait votre AUCHAN à Englos. « Ah oui mais moi Monsieur RALITE, j’veux être là ! »

Il n’était pas le seul à me le dire parce que parallèlement tous les autres qui commençaient à faire des centres commerciaux venaient. - « Il me faut des bagnoles vous comprenez Monsieur RALITE ? » - « Oui mais enfin des bagnoles, je serais d’accord à condition que vous ayez votre centre d’un côté et les bagnoles de ce côté. Parce qu’ici je vais avoir le métro, la mairie, une chaussée haute ce sera le centre-ville. Je veux vous donner une entrée dans le centre-ville mais pas des bagnoles tout autour, sûrement pas ! Parce que vous nous foutriez en l’air notre centre-ville. 119


- « Ecoutez M. RALITE, il y a une chose que vous ne pouvez pas comprendre, vous, c’est que dans un centre commercial, on va avoir des caddies. » Je ne sais plus si c’est lui ou un autre qui m’a dit ça. Ce n’est peut-être pas lui - Vous me direz ce qu’ils vous ont raconté après, ça m’intéresse, mais moi je vous dis ce dont je me souviens.

J’avais vu Kaufhauf : un grand allemand qui commençait le même concept et j’avais emmené mon principal collaborateur pour ces choses-là, dans le commerce (il est devenu depuis un grand promoteur en Floride - c’est comme les familles du nord, cette équipe de la ville nouvelle, elle a « pété le feu » un peu partout). Je me souviens de m’être fait engueuler sur les conséquences de ça [le parking sur une seule moitié].

J’avais MIGROS aussi qui faisait dans les grands magasins. Alors là, j’étais courtisé par le chargé de commerce, un gars qui discutait avec les collectivités, les villes. Un suisse qui n’avait qu’un impératif : obtenir une décision pour MIGROS.

Et puis, il devait commencer à y avoir en France des petits gars qui se lançaient ; ça n’existait pas encore tellement. Mais il y avait des gens qui commençaient sérieusement à y penser en France, à part les MULLIEZ.

Alors je ne me souviens plus lequel m’a dit, en haut de la cité administrative : - « Monsieur RALITE vous ne connaissez pas le commerce. » - « Bah non ce n’est pas mon truc.» - « Il va y avoir des caddies là-dedans ! » .

Ah si ! Je me souviens ! Il y avait un truc avec les urbanistes de… Saint Germain en Laye ? Non pas Parly 2…

JO : Velizy 2 ?

JCR : Ah non ça n’existait pas ! D’ailleurs Parly 2 non plus, mais bon. Il y avait un truc, une espèce de supermarché qui avait accepté de s’intégrer en ville. Je ne me souviens plus où c’est maintenant. Mais où il y avait des parkings à niveaux séparés.

- « Je ne vous demande pas d’en faire autant, car ce sera beaucoup plus grand, pour vous. Je vous demande que sur un côté, ce soit comme ça. » 120


- « Mais Monsieur RALITE, votre truc, il a deux niveaux ! Vous savez ce que ça veut dire deux niveaux ? Comment on fait pour faire grimper les caddies sur les niveaux ? on ne peut pas ! » - « Ah » Là j’étais bien embêté mais … j’aurais pu devenir riche, j’ai loupé quelque chose… Je leur ai dit : - « écoutez, bon je ne sais pas, je n’y comprends rien, mais vous ne mettez pas que des escaliers roulants quand vous avez deux niveaux, vous mettez des tapis roulants. » Et j’ai dessiné ça sur le coin de ma table « vous ne pourriez pas mettre des tapis roulants avec des machins comme ça [ancrage de la roue sur le tapis roulant le temps de la montée] ? Et puis les roues, je ne sais pas, débrouillez-vous pour que les roues viennent là. » Je n’avais pas du tout dessiné le système actuel qui est une amélioration, je n’avais dessiné que ça : - « Le chariot resterait sur le pavé de caoutchouc. » - « Bah ouais ! Enfin, non pas d’accord, et pourquoi ne pas aller sur la lune ? » - « Je ne vous demande pas d’aller sur la lune, je vous demande ça, ou rien. Parce que nous voulons un niveau parking ici et un autre au niveau de la place. Et si vous voulez avoir un étage au parking, je suis d’accord, pour l’arrière, donc vous aurez deux niveaux. Et si vous voulez deux niveaux et que vos caddies, ce que je comprends, montent les deux niveaux, vous devez trouver un machin comme ça. » Ils sont partis furax et ils sont revenus avec un machin comme ça. Et puis maintenant tout le monde a un machin comme ça, sauf que maintenant c’est plus malin, maintenant c’est - parce que depuis je regarde quand je vais faire les courses - un machin fixe qui est là et quand ça tombe dans la rainure du tapis roulant, ça appuie sur le machin qui est fixe, mais c’est pareil. Si j’avais breveté ça…

Bref, ils sont revenus.

Et comme pour le métro automatique, on a fait un cahier des charges fonctionnel extrêmement rigoureux et un concours entre tous les gens qui s’étaient déclarés intéressés.

Et ça c’était en 1973. J’avais d’autres casseroles sur le feu : le pont de bois qui brûlait… le métro automatique qui, lui, se portait bien, mais trop bien. Parce qu’Arthur NOTEBART avait dit : - « Votre zinzin, vous m’avez fait monter dedans, ça marche je suis d’accord » Arthur, c’était un ancien marchand de vin qui avait fait 1936, qui avait fait le coup de poing contre les communistes, un gars simple mais un grand bonhomme parce qu’il a pris une grande décision, formidable : - « Votre zinzin, j’en veux bien. Je suis d’accord. Mais à une condition : c’est que ce ne soit pas seulement Villeneuve d’Ascq - Lille mais que ça devienne le métro de la communauté urbaine. Débrouillez-vous, si on en fait le métro de la communauté urbaine, je suis d’accord. » 121


J’étais assez bluffé par la qualité politique de la décision, quoi. Mais ça a évidemment retardé le calendrier parce qu’il a fallu l’adapter. Mais n’empêche que c’est une grande décision. Et c’était en train de se faire ça. J’étais tout seul, chef de projet, en même temps, non seulement je dirigeais l’EPALE mais j’assumais seul ce projet parce que je n’avais pas encore trouvé le gars à qui j’ai confié ça, qui s’est appelé FICHEUR. Nous avons développé le métro, nous avons aussi assumé son infrastructure dans la ville nouvelle et c’est un autre garçon, qui s’est fait embaucher par la communauté urbaine, et qui s’appelait GUILLEMINOT, qui a fait l’infrastructure dans le reste de la communauté urbaine et … qui malheureusement s’est trouvé dans l’obligation d’accepter cet épouvantable viaduc lourd et l’espèce d’unanimité idiote de tout mettre en souterrain… d’autant plus que Lille, RiJSEL en flamand, ça veut dire une île. Une île sur les marais de la Deûle ! C’est-à-dire qu’il y a de la flotte là-dessous. … NOTEBART, il était un peu moscovite, bien qu’il les ait tapés en 1936. Il s’est amusé à couler du béton… Et nous, on s’est amusé à faire notre système de transport. Et il a fallu qu’il assume son désir souterrain y compris dans la ZUP de Mons etc.

Et d’ailleurs, pourquoi ce n’est plus passé par là, dans la ZUP ? Je vous raconte ce que je devrai raconter demain mais il faut que vous puissiez comprendre pourquoi le centre est mort, enfin à moitié mort. D’abord, MONS c’était Monsieur PELTIER, centre-droit. (On n’a pas idée ! Centre-droit !) Il y avait le président de la communauté urbaine, le directeur de l’établissement public et il y avait le maire de Lille qui de toute éternité voulait « bouffer » vers l’est. Il a « bouffé » Fives, il voulait « bouffer » Hellemmes et il voulait … manger la ville nouvelle. Et le président de la CU ne voulait pas.

C’était non seulement une opposition d’homme mais une opposition structurelle, d’institution à institution. Parce que la CU, c’est la CU ! La CU avait accepté le SSAU qui disait qu’on faisait un 4ème pôle en plus de ces 3 pôles existants, ce que Lille avait du mal à accepter.

Les conséquences sur le centre-ville : D’abord une conséquence qui n’est pas sur le centre : Quand il s’est agi de faire la continuité autoroutière ici, le long de la voie ferrée dans Fives, Arthur NOTEBART, de la CU – précisons qu’il fallait casser 10 maisons … qu’on a finalement cassé quand on a fait l’autoroute urbaine - pour rien au monde ne voulait que MAUROY lui reproche d’avoir cassé des maisons dans Lille, car ce dernier aurait dit « C’est lui !! ». Terrible. Donc : « Je n’en veux pas ! Allez-vous faire voir avec votre autoroute, je n’en veux pas.». Le ministre de l’équipement était fort embêté et moi, je me suis battu à mort pour ceci et contre cela. 122


Et un jour j’ai été trahi. Il commençait à y avoir des régions, donc il y avait un directeur régional de l’équipement, qui était un brave vieux bonhomme que j’adorais comme homme, mais qui n’avait fait que des routes toute sa vie. Il a été vendre au ministre l’idée que puisqu’on avait un passage là [Boulevard du Breucq] on pouvait faire ça. « Imposez ça à RALITE ». Pour eux, j’étais le petit mec qu’on avait nommé là et ils faisaient donc ce qu’ils voulaient.

J’ai failli foutre le camp. « Salut les gars, vous faites une énormité ». Mais je voulais finir ça, je voulais que le reste soit irréversible et, mon Dieu, beaucoup de chose en 1973 étaient relativement irréversibles. Il n’y avait que ce quartier, tout là-haut, qui n’était pas encore fait mais le reste c’était parti. Donc du coup j’ai étudié une solution bébête pour faire le moins mal ça qui reste un coup de sabre épouvantable : avec ces espèces de voies latérales qui reconstituent le boulevard du Breucq tel que nous l’avions voulu, mais avec cette espèce d’horreur au-dessus là [voie rapide surélevée]. Donc voilà la première conséquence de la guerre CU-Lille.

Deuxième conséquence (mais moi, je n’étais plus là) : « Non mais tu vas pas aller desservir un mec de droite là. » MAUROY a dit ça à NOTEBART. Et MAUROY a dit qu’il préférait qu’on desserve chez lui, puisque c’était chez lui, là. « Eh bien, tu vas traverser comme ça » et voilà que le VAL passe par Fives alors que moi j’avais fait approuver le tracé par la ZUP de MONS, et cela majestueusement, en Conseil de CU, avec toutes les bénédictions.

Un jour si ça vous amuse, je vous raconterai ces bénédictions : Ma femme a toujours eu du mal à faire nos enfants. Elle a été jusqu’au sixième mois pour la petite dernière. J’étais devant le conseil de communauté avec la petite flèche en main, pour montrer le tracé, qui passait en aérien dans la ZUP. Et puis la porte de derrière l’estrade s’ouvre, un de mes collaborateurs entre et me dit « Maryse vient d’être transportée à la maternité SALENGRO. Jean Jacques DE ALZUA (qui a été prof ici) l’a accompagnée mais … » Je dis à Arthur NOTEBART « Bon, écoutez, je finis de montrer le tracé et puis je m’en vais parce que ma femme est au sixième mois et ça se passe mal, il faut que j’y aille.» NOTEBART, là on reconnaît la bête politique, appuie sur le bouton pour allumer la lumière et dit « j’ai une grande nouvelle à vous annoncer. Notre ami RALITE vient d’être père, nous passons au vote ! » Et ça c’est le génie. L’émotion du « vient d’être père », émotion de pacotille, pour entamer le vote du tracé ! Et j’ai eu l’unanimité pour le tracé, moins les deux voix communistes de SECLIN, qui étaient toujours contre tout.

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Sauf qu’après, MAUROY et NOTEBART ont changé les choses. MAUROY lui a dit « Non mais tu te fous du monde. » et donc hop, le tracé a été modifié. Je n’étais plus là quand ils ont changé le tracé nordsud, là-dedans, et ma couture du centre-ville : foutue.

Le stade nautique : « RALITE, ce LOSC, je ne le supporte pas ! Moi je veux un stade, vous me dites que le grand stade que vous avez prévu de localiser là, on ne le fera jamais, du moins pour l’instant parce que c’est trop cher. Mais moi je veux un stade. Et on va prendre le financement de ce truc nautique ». C’était un joli projet croustillant. « Je n’en veux pas ! : Votre quartier du Château, vous allez m’en prendre un bout, et vous allez me mettre un petit stade là, un petit, de 30.000 places, ça suffit ! et les parkings qu’il faut. Et on va mettre le LOSC là-dedans, ça ne sera pas le truc de MAUROY, ce sera le truc de la CU, ça deviendra notre stade à nous. »….. En ces termes ! Bon le LOSC n’est pas venu ici, on a des athlètes, des machins, qui viennent là. Donc un élément fondamental du centre-ville est aussi parti !

Il y avait toujours ce quartier du Pont de Bois, quand même, en haut, mais il n’y avait plus la couture du centre.

Voulez-vous que je vous raconte un petit peu le Pont de bois ? Parce qu’il faudrait qu’on en parle demain mais euh …

JO : Si vous voulez, on peut plus développer la partie sud du centre-ville.

JCR : Le centre est mort parce que le Pont de bois est mort. Ce n’est pas seulement la faute d’Arthur NOTEBART et des élus…

Autant j’ai collaboré d’une façon passionnante avec le recteur Grohens et l’inspecteur d’académie Rancurel, autant les services centraux du ministère… : - « Monsieur, on a nos habitudes, on a nos architectes, ce sera fait comme on l’entend. Tout ce qu’on vous demande c’est de définir le périmètre. » - « Bon, vous serez là. » « Bon ! » - « Vous serez là, mais vous accepterez au moins que nous vous collions, dans l’équipe de votre Architecte, un architecte à nous. Il s’appellera Philippe LEGROS » Il a été professeur ici. Et, il a été souffrir là. Il a juste obtenu que le plan masse, au lieu d’être comme ça [éparpillé]… :

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- « allez voir les campus universitaires américains à Boston. Il y a une façade urbaine, les étudiants sont des citadins et puis il y a une autre façade où il y a des sports etc.» - « Non non non, ce n’est pas comme ça qu’on fait nous ! On a notre très belle faculté des sciences et on veut une très belle faculté de droit et lettres.»

Alors bon, ça, c’était déjà un mauvais coup pour le quartier, et puis maintenant le deuxième mauvais coup : Pour des raisons un peu démagogiques, l’Etat a décidé, à ce moment, qu’au niveau national, les sociétés d’HLM pourraient faire de l’aménagement – des routes, etc, et vendre les terrain équipés, bref, faire le travail que nous faisions, nous. Alors MAUROY a dit : - « Attendez, attendez ! Moi ce quartier-là, à côté des facs, je le fais avec Ma société d’HLM de Lille » - NOTEBART : « Pas question ! Moi j’ai une société HLM de la CU. Je vais le faire ! : RALITE poussezvous, on va changer les frontières de la ville-nouvelle et moi je fais ce quartier là avec Ma Société d’HLM ! »

Alors, dans un cas comme dans l’autre, c’était terrible : Il voulait que sa société aille faire ce quartier selon ses méthodes... je ne développe pas…

Or, l’établissement public était bipartite : l’Etat et la Communauté urbaine. Alors j’ai dit aux gens de l’Etat « on est mal, les gars ! ».

Or il se trouve que, pour Villeneuve d’Ascq, j’avais toujours résisté à faire ce que les fonctionnaires de l’administration centrale parisienne « s’amusaient » à faire dans la région parisienne. A savoir des concours d’architectes, qui ont été socialement assez affligeants.

Au passage, ils ne l’ont pas tellement été à cause des formes urbaines, mais surtout à cause du fait que c’est malheureusement arrivé à un moment où l’on s’est aperçu qu’on avait fait les centres des villesnouvelles pour les petits bourgeois français, lesquels, grâce aux 30 glorieuses, s’étaient enrichis assez pour vouloir des maisons. Ils ne voulaient pas y venir, mais heureusement, avec des guillemets si je puis dire, il y avait les immigrés et les boot-people qui eux avaient envie de s’intégrer –les asiatiques, les africains, les maghrébins - qui n’avaient aucune culture pour vivre ni ensemble ni en ville. Mais ils avaient bien l’intention d’être là et d’être accueillis. Et on était bien content de les accueillir dans ce qui restait vacant dans ces centres-villes des villes nouvelles de la région parisienne. Alors après, on a eu quelques problèmes. On avait des gens qui devaient apprendre à vivre en ville et à survivre. Je ne vous rappelle pas ce qui se passait sous les dalles qu’on avait fait pour les voitures. Il se passait plus de 125


la vente d’herbes que des stationnements. Mais enfin ça a vécu comme ça a pu. Et ce n’est pas seulement la faute des architectes !

Moi je n’en voulais pas ici, on avait notre programme.

Mais que faire devant le risque société d’HLM locale d’alors, dont on connaissait les performances. J’ai donc montré aux parisiens : « Dites donc, voilà ce qu’on va nous coller, c’est bien pire que vos concours. Donc, je veux bien qu’on en fasse un tout petit, concours, à la mode des villes nouvelles parisiennes. » - « Ah ! tu veux un petit concours de centre-ville ! Eh bien c’est gentil de changer d’avis. » Et du coup au conseil d’administration de l’établissement public, ils ont défendu ça mordicus. Le président NOTEBART s’est fait renvoyé dans ses 22 et il était terriblement furax.

On a donc fait un concours. Il y fallait, devant la densité qu’avait prévue l’éducation nationale, créer une grande densité. Et mon successeur, Michel COLLOT, le pauvre, n’arrivant pas à boucler l’opération, a accepté qu’on monte encore un petit peu plus. L’archi a fait du « sous-Corbu », moi j’aime bien le « sous-Corbu » qu’il a fait. Il y a eu des intellectuels aimant le sous-corbu, qui sont venus là et puis il y a eu le contingent nordique des immigrés. Et ça a vécu comme ça a pu, et maintenant ça a trouvé sa vie, mais sans étudiants et sans vraie vie urbaine...

Ce n’est plus du tout le centre-ville, c’est un, quartier.

Il y a eu ce concours au nord, l’école d’architecture, le forum vert - que j’aimais bien, et puis une densité un peu urbaine au sud. Je ne suis pas architecte et je n’étais pas capable d’aborder des choses en termes de qualités architecturale dans ce centre, Il y avait l’équipe de l’Epale pour ça. On a fait des choix que je ne commenterai pas. Je suis curieux de savoir comment ça a évolué. On a réussi à faire aboutir la promenade haute au sud sur un lieu de culte, un peu modeste, on n’a pas pu faire mieux, mais bon… il est quand même sympathique. Et on avait encore une vie très intense à l’époque de l’autre côté, stade nautique. Et là il y avait notre partie commerciale, on était contents.

J’avais toute une armoire, précieuse, d’archives que j’ai confiées à mon successeur. « Tu as tout ça là, tu comprendras tous les choix qu’on a fait. » Il y avait le concours du centre commercial dedans. Tout ça a été ensuite dispersé, ça s’est un peu terminé dans l’aigreur de la fin de l’EPALE.

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Mais il fallait que cette ville ne soit plus nouvelle. Donc, il est normal que l’EPALE ait fermé.

Un peu plus tôt que nous avions prévu, par contre… Pourquoi ? Parce qu’Arthur NOTEBART, très malin, a dit à mes successeurs « au nord du lac il y a des écolos. Vous avez entendu parlez des écolos ? Il faut leur laisser ça [partie au sud de l’A22]. Il faut que ça reste de l’espace vert.» En fait, il voulait dire qu’il fallait que ça reste une réserve foncière pour la communauté urbaine. Parce que : un quartier comme celui qu’on avait prévu là, donnant vers le sud sur le lac du héron, c’était formidable. C’est encore une réservation foncière aujourd’hui. C’est pourquoi la dernière phase de la ville nouvelle ne s’est pas faite parce que c’était ça, la dernière phase, donc, ça a fermé un peu plus tôt que prévu, mais c’était intelligent. Parce que là, ça garde un poumon d’expansion à la ville nouvelle.

Il fallait par ailleurs que les autres unités de la communauté urbaine, Roubaix et Tourcoing, qui, en 70, n’étaient pas capable de se rénover –Lille commençait mais à Roubaix… ce n’était pas possible, il n’y avait pas les procédures, il n’y avait pas tout ça- Il fallait qu’ils prennent le relais.

Et puis ce qui s’est passé ici a mis haut la barre du niveau de qualité. Moi j’avais voulu ça pour attirer une part de demande, pour que la croissance en tâche d’huile ne se perpétue pas. Et le niveau de qualité, il a fait qu’ailleurs, on demandait la même chose. Et ailleurs, je pense qu’il s’est fait des choses parfaitement intéressantes, d’un bon niveau, etc.

Bref, le concours du centre commercial s’est lancé au moment de la « guerre » Pont de Bois que j’ai évoquée tout à l’heure. Je savais auprès de qui il a été lancé, mais je n’étais pas au jugement lorsque le lauréat a été choisi. J’étais en Lorraine déjà.

Je sais que, quand je suis parti, KAUFHAUF était le mieux placé. Ce n’était pas MULLIEZ.

Il semblait le mieux placé parce que, dans le cours de l’instruction du concours, les gens nous appelaient pour nous demander des précisions etc. Dans tous ces grands concours, comme pour le VAL, c’est comme ça que ça se passe. KAUFHAUF me paraissait le plus près du but. Il semblait avoir compris et ça me satisfaisait assez.

Mais après, j’ai eu à faire face au problème de reconversion de l’industrie lorraine… Je n’ai pas suivi l’affaire. J’ai appris avec un peu d’étonnement que c’était MULLIEZ. Un peu seulement parce que je me suis dis qu’ils avaient dû remonter la pendule. Au début c’était un peu technocratique : il y avait les techniciens que nous étions, et on avait une structure de décision politique autour. La CU, ses élus 127


et la nouvelle commune, ont tout naturellement monté en puissance. C’est très bien ainsi. Il fallait passer la main. Comment ont eu lieu les tractations ? C’est vrai que tout le monde était sans doute bien content de voir un ch’ti, un gars du nord plutôt qu’un allemand. Je ne sais pas comment ni pourquoi MULLIEZ finalement a gagné. Ce que je dirais c’est ce qu’il a fait ce qu’on voulait. C’est ça qui m’importe. Il a fait exactement ce qu’il fallait : deux niveaux, un parking derrière. L’équipe a tenu bon sur le fait de conserver un accès depuis la promenade haute. Il ne m’en fallait pas plus.

Après il y avait ça [sud du quartier de l’Hôtel de Ville] qui était pourri de catiches. Si ça vous amuse je vous raconterai un jour comment on a fait pour savoir où elles étaient. On a fait trois sortes d’études [il m’explique l’exploitation par les espagnols des carrières de craie].

Ce coin, c’était tellement juteux pour les entrepreneurs. J’avais un ami, arrivé depuis dans le nord, qui a fait de la promotion là. Il me dit « mais tu ne te rends pas compte ? Avec tous les gens qui sont là, ça vaut le coup ! » Et puis alors la rue qui descend là avec les cinémas ça valait le coup de refaire de la ville. De la ville, j’allais dire, moderne. Un peu « concon » comme on sait la faire aujourd’hui autour d’un parking. Mais pas ridicule. Ça a été bien fait, je trouve. Parce que ça, c’était mort. Notre concept était ambitieux et s‘est fait plumer par tous les évènements que je vous ai racontés. Bon il n’est pas tout à fait mort parce qu’il y a la place de la mairie, enfin disons que c’est très appauvri. Je rêve un jour, si on arrivait à le revivifier, ce serait un beau sujet pour les étudiants de cette école, en retrouvant quelque chose de l’autre côté de la mairie.

Alors là, bien sûr, on a fait des trucs qui ne sont pas mal ! Avec le cinéma.

Et puis le stade.

Voilà. Je ne saurais pas vous en dire plus sur le centre, si ce n’est ma tristesse.

JO : Votre point de vue m’intéresse puisque vous avez été directeur de l’EPALE. Dites-moi en deux mots de l’historique de tout ça.

JCR : Je suis arrivée en 1965. Et j’ai proposé qu’on fasse une ville nouvelle. Voilà un petit gars qui vient de chez DELOUVRIER, il sait ce que c’est, alors on va lui donner une mission d’étude, une décision prise

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au ministère en 1966, et puis on a élaboré ce schéma de secteur qu’on a présenté aux élus, qui l’ont globalement approuvé. C’était avant la CU, qui, elle, l’a approuvé dans les formes. Et puis après on a transformé la mission d’étude en établissement public. Alors qu’est-ce qu’on vous a raconté là-dessus ?

JO : Jean Michel STIEVENARD m’a expliquée l’arrivée des différentes entreprises qui se sont implantées dans la ZAC de Valmy. Et il m’a expliqué les procédures d’acquisition du foncier. Je m’intéresse à cette question dans cette zone-là. Il m’a expliqué comment les MULLIEZ se sont implantés au fur et à mesure autour du centre commercial. Leur stratégie foncière à la base, c’est d’établir une grande réserve foncière pour le développement d’un centre commercial dans un premier temps et de toutes les enseignes commerciales dans un second temps.

JCR : C’est exactement ce que je voulais leur interdire de faire au départ. Ils ont eu une grande chance. Le projet Bull a foiré. Mais là, oui bien sûr, ça a été le petit jeu traditionnel. Mais les MULLIEZ ont appris à bien faire. On a fait des réservations foncières pour éviter au groupe d’en faire mais là, on n’en a pas fait parce que c’était inconstructible. Mais ils ont estimé rentable de combler eux-mêmes les catiches. Très bien.

JO : Et donc je me suis intéressée à faire l’archéologie du projet de la ZAC de Valmy pour comprendre comment est-ce qu’ils ont eu un intérêt à se développer ici. C’est un endroit stratégique au niveau des flux routiers et même au niveau de l’ensemble de l’agglomération Lilloise, c’est vraiment un emplacement stratégique pour le développement du groupe. Il y a eu la dissolution de l’EPALE le 01 janvier 1984 et c’est à partir de ce moment-là que les enseignes se sont développées de manière importante. Ils avaient déjà des idées d’implantation avant même que le dossier de création de la ZAC de Valmy ne soit réalisé parce qu’il a été fait entre 1979 et 1981 approuvé par décret préfectoral. Avant même que le centre commercial, en 1976, ne soit construit et fini, NORAUTO DECATHLON et SAINT MACLOU avaient des vues sur cet espace-là. Vu que Gérard MULLIEZ avait envie d’implanter AUCHAN dans le centre-ville, ils se sont dit qu’il fallait être plusieurs à montrer un intérêt pour cette zone commerciale.

JCR : Alors ça, c’est STIEVENARD, mais que vous ont dit les MULLIEZ ?

JO : Alors je n’ai pas eu les MULLIEZ, j’ai regardé des documentaires sur leur fonctionnement patrimonial etc. mais j’ai parlé avec Philippe PETITPREZ directeur de Citania et il m’a expliqué 129


comment fonctionnait l’implantation, l’agrandissement des zones commerciales et leur gestion pour les renouveler.

JCR : C’est bien ! Je trouve que vous êtes dans un mode d’approche enrichissante, variée et sympa. C’est bien.

JO : Et donc ils réfléchissent avec la CU aujourd’hui à revaloriser, rendre plus mixte ces zones commerciales, celle-ci aussi, même s’ils n’ont pas toutes les parcelles. Ils réfléchissent à l’étalement urbain, à la préservation des terres agricoles, et donc ils ont envie de mixer l’aspect commercial avec des bureaux, des logements, des zones agricoles.

JCR : Allez voir de ma part, ce garçon dont je vous ai parlé, arrivé dans le nord après mon départ, et qui a fait maintenant de la promotion là. Il s’appelle Philippe WILHELM.

JO : Et donc c’était un promoteur commercial ?

JCR : Pas commercial, un promoteur de bureau. Il est toujours installé là. Il a ses bureaux là. Il vous montrera ses belles œuvres d’art. Je vous donne son portable. Excusez-vous de vous demander de bien de l’utiliser, mais c’est un garçon adorable. Je n’ai que son portable. Dites-lui que je vous ai recommandé d’aller le voir. Vesta promotion. Mais maintenant, il faut peut-être que j’aille voir notre amie là-haut (le professeur).

JO : Merci beaucoup.

JCR : ça m’intéresserait de lire ce que vous en sortez. Ce qui me semble tout à fait intéressant c’est que vous rapprochez la vision d’entreprise d’un groupe dynamique et exemplaire du nord, les réflexions actuelles d’une CU qui a des problèmes à résoudre, avec les réflexions initiales, que nous devions faire, dans un contexte technocratique, c’est-à-dire où il n’y avait rien en amont de nous. Pas même la communauté urbaine, il fallait que nous prenions les décisions tous seuls.

On avait le culot de vouloir des choses comme ça. Maintenant on ne pourrait certes plus, et on ne devrait plus, faire cela ainsi.

Donc si je peux être destinataire de ce que vous allez en sortir, cela m’intéresse !

130


JO : Ah mais tout à fait ! Je compte l’envoyer à toutes les personnes que j’ai rencontrées.

JCR : J’aurais dû demander ça à vos collègues.

JO : Je peux leur demander de vous envoyer leur travail.

JCR : Oui dites leur !

Fin de l’enregistrement 20h

131


Bibliographie et corpus

Contexte historique Ouvrages BAUDELLE, Guy, Villeneuve-d’Ascq, ville nouvelle. Un exemple d’urbanisme concerté, C-EP Éditions – Éditions du Moniteur, avec le concours de l’EPALE, Paris, 1984 ESTIENNE, Isabelle, L’intervention du paysagiste dans la ville, de 1960 aujourd’hui : pertinence et enjeux pour les architectes et les urbanistes : le cas de la métropole lilloise, Ph.D. thesis, Thèse de l’Université de Lille 1, 2010 PERCQ, Pascal & STIEVENARD, Jean-Michel, Villeneuve d’Ascq, une ville est née, Ed. Cana, Paris, 1980 RAUTENBERG, Michel, L'espace public en villes nouvelles : évolution de la notion d'espace public et réalisation d'espaces publics à Villeneuve d'Ascq et Vitrolles, Rives de l'Etang-de-Berre, Lille : Laboratoire CLERSE/IFRESI, 2006

Revues Les villes nouvelles, no. bimestriel 277, La documentation française illustrée, 1973.

Contexte actuel Ouvrages BURGEL, Guy, Essai pour la ville, ed. Creaphis, 2012 GOBIN, Bertrand, La face cachée de l’Empire MULLIEZ, le clan à l’origine de la première fortune de France, Ed. La Borne Seize, 2015 HOCHART, Daisy, Architecture et urbanisme commercial, Ecole d’Architecture de Lille, Lille, 2000 KOOLHAAS, Rem, Junkspace, 2004 MANGIN, David, La ville franchisée, formes et structures de la ville contemporaine, Ed. La villette, Paris, 2004

Articles - Révolte des citoyens envers la galaxie MULLIEZ : BOLIS, Angela, «Pourquoi ne pas faire des terres agricoles une chance pour la métropole de Paris ?», Le Monde, Mars 2013 BOLIS, Angela, Europa City, ou l’art de construire des pistes de ski en banlieue parisienne, Le Monde, Mars 2013 132


BOUCHER, Yannick, Comment le secret des MULLIEZ a façonné le premier empire familial français, La Voix du nord, Novembre 2006 BOUCHER, Yannick et SAUVAGE, Valérie, Les Anti-MULLIEZ ont marché sur Néchin, nord Eclair, Mai 2014 La Voix du nord, Le magot foncier de la Communauté Urbaine, Décembre 2008 PAGURA Mathieu, Grandes surfaces, l’overdose, Metronews, Novembre 2014 POULIQUEN, Fabrice, Europa City, projet contesté, 20 minutes, Novembre 2014 - Politique immobilière d’AUCHAN : ROUMI, Sandra, Immochan, Business Immo, 09 novembre 2010 - Centres commerciaux et la ville : PAQUOT, Thierry, Centres commerciaux contre la ville ?, Urbanisme, Mars-Avril 2001 SOULEZ, Juliette, L’implantation du centre commercial dans la ville, Archistorm, n°38, Sept-Oct 2009

Rapport NEUVILLE, Léna, RAUDIN, Emma, Atlas du grand commerce de Lille Métropole, ADU de Lille Métropole, juin 2009

Emissions France Inter, Y’a-t-il trop de centres commerciaux ?, émission « Services Publics », 23 février 2015

Vidéos France Régions 3 Lille, Université Lille 3 dans la boue, fresques.ina.fr, 17 décembre 1975 PRADEL, Louis, Le centre commercial de La Part Dieu, fresques.ina.fr, 08 septembre 1975 Special Investigation, Canal +, Les MULLIEZ : une famille en or, 30 mars 2015 REQUEME, Dominique, Villeneuve d’Ascq, la conquête de Lille-est

133


Corpus Entretiens BECAR, Assia, chef de projets dans le service « Renouvellement urbain, Espace Naturel & Urbain, Aménagement & Habitat » à la MEL, réalisé dans les locaux de MEL le 07 janvier 2015 LEFEBVRE, Martine, directrice du service « Foncier / Aménagement et Habitat » de la MEL, pour avoir des réponses quant aux stratégies développées par la MEL, réalisé par appel téléphonique le 21 janvier 2015 MENAGER, Blandine, membre du service Grands Projets à la direction Aménagement, officiant dans la réalisation de la nouvelle centralité de Villeneuve d’Ascq, réalisé dans les locaux du service urbanisme de Villeneuve d’Ascq le 16 décembre 2014 PETITPREZ, Philippe, directeur de Citania et directeur de l’aménagement, de l’urbanisme et de l’environnement de la filiale immobilière Immochan, réalisés par appel téléphonique les 27 & 28 novembre 2014 et le 29 janvier 2015 RALITE, Jean Claude, directeur de l’EPALE de 1969 à 1973, réalisé à l’ENSAP LILLE le 18 mai 2015 STIEVENARD, Jean Michel, premier adjoint au Maire de Villeneuve d’Ascq de 1977 à 2001 puis maire de 2001 à 2007, réalisé dans son bureau professionnel le 19 décembre 2014

Archives 1EP41 (NC 3131) : -

SDAU de 1970

-

Protocoles d’accords de Base entre l’EPALE et les promoteurs commerciaux

-

Dossier de consultations des promoteurs commerciaux

-

Historique des projets de la société AUCHAN demandé par l’EPALE

2EP12 : -

Dossier de création et de réalisation de la ZAC de Valmy rédigé par l’EPALE

2EP13 : -

Arrêté préfectoral du 19 novembre 1981 portant approbation du Plan d’Aménagement de Zone pour la ZAC de Valmy

-

Arrêté préfectoral du 19 novembre 1981 portant sur la création de la ZAC d’habitat et d’équipements

134


-

Cahier des Charges Type établi par l’EPALE de 1983

-

Lettre du préfet pour le directeur de l’EPALE portant sur les cessions de lots de 1983

2EP14 : -

Compromis de vente pour les îlots 81 & 82

2EP70 : -

Demande d'autorisation pour la création d'un centre commercial à la Commission d’Urbanisme et du Développement Commercial de 1973

-

Projet de construction du centre commercial V2

-

Convention d'études entre la Communauté urbaine de Dunkerque et la Société d'aménagement et d'équipement du nord

2EP900 : -

Compréhension des acteurs principaux du projet du Centre Commercial Principal (CCP)

3EP184 -

Compromis de vente entre Décathlon & l’EPALE

3EP213 : -

Compromis de vente entre Norauto & l’EPALE

3EP 358 -

Compromis de vente entre Saint-Maclou & l’EPALE

3EP406 : -

Documents relatifs à la dissolution de l’EPALE

3EP565 : -

Origine de propriété

-

Compromis de vente entre SCI et l’EPALE & Acte authentique de vente du CCP signé entre l’EPALE et la SAMU le 08.02.1980

10EP80-81 : -

Bail emphytéotique du Centre Commercial

-

Plan d’Occupation des Sols comme Annexe 2 du CA du 06 Novembre 1973

135


10EP82 : -

Indications sur la transformation des ZAD provisoires en ZAD définitives

-

Plan des ZAD & DUP de 1966 comme Annexe du CA du 08 Mai 1974

10EP83 : -

Rapport de présentation au CA de l’EPALE des DUP

-

Convention d’acquisition des terrains par l’EPALE entre celui-ci et l’Etat au nom de la Direction Départementale de l’Equipement

10EP85 : -

Mandat du CA de l’EPALE au Directeur Général de l’EPALE de traiter avec AUCHAN

-

Demande du CA auprès d’AUCHAN pour une amélioration de son image traditionnelle

12EP341 : -

Charte d’aménagement concerté du quartier de l’Hôtel de Ville

136


Acronymes AFM : Association Familiale MULLIEZ DUP : Déclaration d’Utilité Publique EPALE : Etablissement Public d’Aménagement de Lille Est LOFU : Loi d’Orientation Foncière et Urbaine PLU : Plan Local d’Urbanisme POS : Plan d’Occupation des Sols SCOT : Schéma de Cohérence Territoriale SDAU : Schéma d’Aménagement et d’Urbanisme ZAC : Zone d’Aménagement Concerté ZAD : Zone d’Aménagement Différé

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Table des matières Remerciements ....................................................................................................................................... 2 Avant-propos ........................................................................................................................................... 8 Les motivations ................................................................................................................................... 8 Position par rapport à l’objet d’étude ................................................................................................. 8 Une image, un texte .......................................................................................................................... 10 Introduction........................................................................................................................................... 12 I.

Les métropoles : territoire stratégique d’implantation des groupes de grande distribution ....... 20 1.1 Maillage commercial et consommation d’espaces ..................................................................... 20 Etalement urbain / Etat des lieux .................................................................................................. 20 Situation des centres commerciaux dans les métropoles, cas de la métropole Lilloise ............... 21 1.2 AUCHAN : Un groupe commercial, au service d’une stratégie de développement patrimonial ........................................................................................................................................ 23 Englos : Présentation d’une zone commerciale type d’AUCHAN avant formation d’Immochan . 23 Les MULLIEZ, une structure de financement et de conquête territoriale .................................... 26 L’AFM & la réservation foncière .................................................................................................... 26 Immochan, gestionnaire du patrimoine foncier du groupe .......................................................... 27 1.3 David contre Goliath : grands projets et contestations .............................................................. 31 Déclin des Zones commerciales .................................................................................................... 31 Discours d’Immochan VS projet d’EuropaCity .............................................................................. 32

II.

Le centre-ville de Villeneuve d’Ascq : un espace bipolaire ........................................................... 38 2.1 Dynamiser la métropole lilloise par le biais de la construction d’une ville nouvelle .................. 38 Contexte historique de la ville nouvelle, premières orientations d’aménagement ..................... 38 Pendant la période Après-Guerre, déconcentration et laboratoire urbain .................................. 40 En parallèle, dans la métropole de Lille : du campus universitaire à la ville-nouvelle.................. 40 Aujourd’hui : un centre-ville monofonctionnel............................................................................. 41 Des outils multiples pour la création du centre-ville .................................................................... 41 2.2 AUCHAN : Un programme d’implantations commerciales massives à partir des années 1960 . 48 Acteur de la région ........................................................................................................................ 48 Villeneuve d’Ascq, un carrefour autoroutier d’intérêt majeur ..................................................... 48 Stratégie du groupe commercial modifiée .................................................................................... 49

III.

La dissolution de l’EPALE : marqueur d’une rupture du paysage ............................................. 52

3.1 L’année 1983 : un tournant décisif pour l’urbanisation de seconde génération ........................ 54 La définition du Plan d’Aménagement de la Zone (PAZ)............................................................... 54 Un Cahier des Charges Types (CCT) à l’échelle de la parcelle ....................................................... 55

138


Application d’un CCT peu contraignant......................................................................................... 57 Consultation de la mairie de Villeneuve d’Ascq pour la cession de lot......................................... 64 3.2 Une ZAC à l’image de la zone commerciale type d’AUCHAN ...................................................... 65 Une implantation sur une courte échelle de temps...................................................................... 65 Profil actuel de la zone commerciale ............................................................................................ 68 Conclusion ............................................................................................................................................. 71 Annexes ................................................................................................................................................. 76 Bibliographie et corpus ....................................................................................................................... 132 Contexte historique ......................................................................................................................... 132 Contexte actuel ............................................................................................................................... 132 Corpus ............................................................................................................................................. 134 Acronymes ........................................................................................................................................... 137 Table des matières .............................................................................................................................. 138

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