Juliette Ols, rapport de présentation du travail personnel de fin d'étude, 2016

Page 1

Des zones au quartier La vallée sèche Saint Ladre, de nouveaux paysages en entrée nord d’Amiens Juliette Ols - 05 juillet 2016 - ENSAP Lille suivie par Annie Tardivon & Philippe Thomas, paysagistes DPLG

1

Visite de terrain le 27 avril 2016



Merci à Annie Tardivon et Philippe Thomas pour votre aide tout au long de ces 6 mois, à Frédéric Blin pour ta disponibilité, à l’équipe de l’ADUGA pour votre hospitalité. Merci à Olivier Bick, Francine Couëgnat, Adrien Coutanceau, Christophe Delaforge, Sophie Galland, Emmanuel Kateb, Anne Legrand, Nicolas Philippe, Gonzague Sandevoir, Benoît Walbrou, Aurélien Wéry & Aurélien Zoia pour votre disponibilité et la richesse de nos échanges. Merci à Thomas pour ton inconditionnelle patience et tes réconforts dans les moments difficiles, à ma famille et à mes amis d’ici et de plus loin pour votre soutien, à mes compagnons de route pour votre attention et votre énergie. MERCI !

N.B : Les cartographies sont systématiquement orientées au nord


Tour de télécommunication de Dury Tour Perret


AVANT-PROPOS

7

PRÉAMBULE

9

INTRODUCTION

12

I – CONSIDÉRER LA RELATION VILLE-CAMPAGNE POUR RÉDUIRE LA CONSOMMATION DU FONCIER AGRICOLE

14

1.1 Complémentarité ville-campagne : histoire et représentation 1.2 L’agriculture comme page blanche de l’urbanisme 1.3 La campagne urbaine : un concept pertinent pour travailler la relation ville-campagne

II – IDENTITÉ DE LA VALLÉE SAINT LADRE

30

2.1 Permanences du paysage de plateau 2.2 Des phénomènes anthropiques estompent ses caractéristiques paysagères

III – DYNAMIQUES A L’ÉCHELLE DU PLATEAU NORD DE L’AMIÉNOIS

51

3.1 Un territoire périurbain qui profite au développement des activités et des habitations : quelles conséquences sur le paysage ? 3.2 Un potentiel de vase communicant entre vallée de Somme et plateau peu revendiqué 3.3 Un espace caractérisé par une agriculture industrielle : quelle place pour les pratiques alternatives ?

5

IV – DESSINER UNE NOUVELLE LISIÈRE DE VILLE DANS LA VALLÉE

70

4.1 Comment définir l’entrée de ville comme vitrine économique et quartier vécu ? 4.2 Affirmer l’identité du futur quartier directement rattachée à la vallée sèche

OUVERTURE

85

ENTRETIENS & BIBLIOGRAPHIE

86

Cathédrale

Les grands ensembles du Pigeonnier

Croquis réalisé le 17 décembre 2015


6

Non je ne suis pas un arriéré, un arrièriste, un refuseur de modernité. J’aime la modernité et ses inventions si elle améliore et simplifie l’ancienneté. Si elle n’est pas bouffeuse de kilowatt et si sa vraie raison est de soulager la vie des gens et non de créer des besoins inutiles. […] Ces bonnes vieilles peurs du changement et cette hésitation stérile tuent le désir, la fraîcheur et engendre la résignation et la morosité. […] La peur n’est pas le bon moteur. Quand une décision est prise alors on se retrousse les manches. On solidarise, on transpire ensemble. On se sent intelligent ensemble. On bouge, on essaye, on tente. Et la tristesse se dilue.

Jacques GAMBLIN, l’assemblée des écrivains, le 28 avril 2016

Visite de terrain le 25 mars 2016


Avant-Propos

Le militantisme autour de la préservation de l’environnement, transmis par mes parents dès mon plus jeune âge, n’a cessé de perdurer et de se renforcer lors de mes études supérieures, en école d’architecture et de paysage. Je souhaite rappeler les valeurs qui m’animent dans cet avantpropos. Construire ma vie professionnelle autour d’un engagement pour l’environnement trouve une première expression dans ce travail de fin d’étude. Je le conçois comme un tremplin vers le monde professionnel encore peu connu. Je suis persuadée que la décroissance peut être instaurée et ce, à partir de l’échelle locale. Les gouvernements qui se succèdent, facilitent cette prise de conscience citoyenne. Je vous recommande le film documentaire «Demain». Certains considèrent que c’est une œuvre utopiste, irréaliste mais il a été pour moi un déclic. Les différentes initiatives présentées dans le domaine éducatif, agricole, énergétique et de la mobilité, qui ne sont qu’un infime échantillon de ce qui est réalisé actuellement dans le monde, renforcent ma conviction qu’il est possible de changer notre manière de consommer et de produire en France, dans l’objectif de limiter le dérèglement climatique ainsi que pour respecter la Terre qui nous est prêtée. Les journalistes de Cash Investigation ont mis en lumière la surconsommation française de produits phytosanitaires et ont invité le Ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt à prendre des mesures drastiques pour l’interdiction du glyphosate et de l’ensemble des produits cancérogènes utilisés dans le domaine agricole. Aujourd’hui l’Union Européenne a prolongé de 10 ans l’utilisation du glyphosate. Dans un monde où le lobbying des grandes multinationales martèle et assujettit nos gouvernements, n’est-il pas urgent de valoriser les initiatives locales et cesser de les considérer comme utopistes, détachées du monde réel ? Les propos rapportés ci-dessous d’un homme politique français montrent l’état d’avancement de la pensée politique sur l’agroécologie. Rappelons que le discours a été prononcé le 03 février 2016, à la conférence «Agriculture et Ruralité» organisée par Les Républicains, en présence de plusieurs lobbyistes : « Quand a l’expression bizarre d’agroécologie, c’est le faux nez d’une véritable obsession pour la destruction de notre puissance agricole qui serait remplacée par la possibilité donnée aux bobos d’aller faire leurs courses à la ferme dans le cadre des circuits courts. Et pendant qu’on y est, on pourrait toucher le béret et on aurait même le droit, pour chaque produit acheté, à une photo. Pour moi les agriculteurs ne sont pas une espèce en voie de disparition et ne sont pas des cantonniers -et je n’ai rien contre les cantonniers. Les agriculteurs sont des entrepreneurs ! »1

1 SARKOZY, Nicolas, Agriculture et ruralité organisé par les Républicains, le 03 février 2016

7


Ce à quoi le mentor de ma jeune vie professionnelle répond : « Comme toujours, la manipulation politicienne a quelque chose de désespérant. Alors non, l’agroécologie n’a rien de bizarre. Elle ne prône pas la destruction du monde paysan, elle est exactement l’inverse. […] L’objectif est aujourd’hui d’aider les agriculteurs à réinvestir les campagnes, de leur permettre de vivre de leur métier et d’assurer une production aussi importante en qualité qu’en quantité. La logique actuelle réduit chaque jour le nombre de paysans et ne cesse de les étrangler, tout en détruisant l’environnement. Or, cette situation bénéficie essentiellement aux grandes surfaces et aux multinationales de l’agroalimentaire. Prôner les « circuits courts » (la relation directe entre producteur et consommateur) est le meilleur moyen de court-circuiter cette logique et de redonner le pouvoir aux agriculteurs et aux citoyens. Sans compter que la relocalisation d’une grande partie de notre alimentation permettrait de créer plusieurs centaines de milliers d’emplois. »2

8

C’est donc vers cette voie que mon travail personnel s’oriente puisque je suis persuadée qu’il est possible de mettre en place un marché local beaucoup plus respectueux de l’Homme et de la Terre. Publié le 10 février dernier, un article synthétisant 40 années de recherche3 affirme que l’agriculture biologique est capable de nourrir le monde. Le paysagiste peut être un acteur clé dans le montage coopératif d’une nouvelle manière de produire moins et mieux. En facilitant l’insertion de petits exploitants agricoles dans l’espace périurbain, à la fois défini par les traits urbains et les caractéristiques de la campagne, le paysagiste accompagne leur développement et dessine avec eux, un nouveau paysage productif et qualitatif. La question du foncier agricole en milieu périurbain constitue une opportunité me permettant de me placer, en tant que professionnelle du paysage, dans la mutation de la ville actuelle. L’objectif de ce travail n’est pas de proposer un scénario où l’agriculture industrielle est absente de la région Picarde, objectif utopiste compte-tenu de la richesse économique qu’elle engendre, mais de proposer une nouvelle manière de faire cohabiter agriculture vertueuse, habitants d’une métropole en expansion, et autres activités économiques, dans l’espace périurbain de demain. 2 CAPLAT, Jean & RABHI, Pierre, http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/03/15/ pierre-rabhi-repond-a-sarkozy-l-agroecologie-est-adaptee-aux-populations-les-plus-demunies_4883370_3232.htmlurlK60l4jJ1vxzw6g.99, publié le 15 mars 2016 3 REGANOLD, J. P., & WACHTER, J. M., «Organic agriculture in the twenty-first century», Nature plants, 2, 15221, 2016


Préambule A l’occasion de l’enseignement d’initiation à la recherche proposé en troisième année de formation paysagiste DPLG, j’ai pu analyser le rôle des différents acteurs dans la construction des centres commerciaux et plus largement des zones commerciales. Mon intérêt pour le foncier s’est construit à partir de nombreux cours dispensés dans le cadre de ma formation. Ce travail de mémoire a donc facilité ma compréhension du foncier, de sa gestion à différentes échelles et des outils permettant de faciliter certains projets. Je présente une démarche comparative permettant de comprendre les dysfonctionnements historiques de la zone commerciale de V2 de Villeneuve d’Ascq analysée dans le cadre des recherches de l’année dernière, avec ceux, actuels, de la zone commerciale Saint Ladre sur laquelle je travaille aujourd’hui. Le processus historique que j’ai analysé à travers l’action de l’Etablissement Public d’Aménagement de Lille Est (EPALE) dans l’élaboration de Villeneuve d’Ascq et en particulier du quartier de l’Hôtel de Ville, est toujours d’actualité. L’aspect actuel de la Zone d’Aménagement Concerté (ZAC) de Valmy –qui compose la partie sud du quartier de l’Hôtel de Ville– est similaire à toute autre zone commerciale (ZC) française située en entrée de ville et présente les mêmes dysfonctionnements liés aux mobilités actives –peu mises en valeur et sans fluidité de passage– et aux enseignes « boîtes à chaussure » qui ne participent pas à leur intégration dans le paysage. Le sujet semble être plus adapté à des recherches menées par des architectes. Pourtant, il est légitime de s’y intéresser en tant qu’étudiante paysagiste car les centres commerciaux sont générateurs d’un paysage particulier, une des principales composantes des entités urbaines françaises actuelles. Comprendre leur rôle et plus largement celui des zones commerciales dans la structuration des territoires, permet de constituer des clés de lecture et ainsi de s’affranchir d’une logique sectorielle dans la planification du projet urbain. Lors de mon stage en maîtrise d’ouvrage à l’Aduga (Agence de Développement et d’Urbanisme du Grand Amiénois), j’ai été amenée à travailler sur un nouveau projet de centre commercial à l’entrée nord de l’agglomération. Ce projet controversé lancé par l’ancienne équipe municipale et ayant survécu au changement de majorité politique lors des élections de mars 2014, comporte de nombreuses problématiques. Une zone commerciale préexistante, située à proximité, est en effet en perte d’attractivité depuis 10 ans. Une question essentielle s’est donc imposée lors de mon stage : Dans quelle mesure une paysagiste peut améliorer la qualité spatiale d’une zone commerciale en difficulté et en perte d’attractivité afin d’équilibrer l’espace prêt à accueillir un nouveau projet commercial d’ampleur ?

9


Lors de ma soutenance d’initiation à la recherche organisée le 22 juin 2015, je soutenais que le travail d’initiation à la recherche m’avait ouvert les yeux sur le fait qu’il n’y ait ni méchant ni gentil dans un projet de planification de zone commerciale. En effet, les acteurs publics cherchent des investisseurs privés moteurs de la stabilité économique de leur commune, et participent à l’ancrage et la notoriété de ces derniers sur le territoire français. Il est intéressant d’établir le parallèle entre le site de projet de fin d’étude et l’évolution du quartier de l’hôtel de Ville de Villeneuve d’Ascq. Cela permet d’expliciter les prises d’intérêt des investisseurs privés commerciaux qui structurent encore aujourd’hui le territoire français. Dans un premier temps, le Schéma de Cohérence Territorial (SCoT) du Grand Amiénois approuvé en 2012, stipule qu’une Zone d’Aménagement Commercial (ZACOM) est définie en entrée nord d’Amiens. Cet outil permet de limiter le développement commercial à l’échelle du pays et a pour but de redynamiser la zone commerciale actuelle tout en proposant un cadre au projet porté par le promoteur commercial Frey, qui a démarché de manière indépendante les élus d’Amiens lors de l’élaboration du SCoT1. Ce Schéma est l’équivalent du Schéma d’Aménagement et d’Urbanisme (SDAU) de 1970, encadrant l’aménagement de la ville nouvelle et soulignant les grandes orientations d’urbanisation.

10

Le projet de construction du Centre Commercial Frey dans la ZACOM a été déposé en Commission Départementale d’Aménagement Commercial (CDAC) en 2014 où il a fait l’objet de plusieurs modifications avant d’être approuvé en décembre 2015. La CDAC de la Somme est composé d’élus naturellement sensibles aux perspectives de création d’emploi porté par le projet Frey, même si la majorité des enseignes déjà présentes dans la zone commerciale actuelle songent à déménager de l’autre côté de l’Avenue de l’Europe. Cette phase correspond à la phase de planification du projet du centre commercial V2 comme composante structurant le centre-ville de Villeneuve d’Ascq. La construction du Centre Commercial Frey, démarrée en mars 2016, laisse penser que des friches commerciales se multiplieront dans la zone commerciale actuelle et entacheront l’ensemble de son image ainsi que celle de la ZACOM. Cette phase du projet correspond au plan d’aménagement de zone de la ZAC de Valmy qui a très peu contraint les enseignes Mulliez dans leur projet d’installation. Les présupposés énoncés lors de mes recherches sont appuyés par cette observation flagrante : les acteurs privés, à l’exemple de Frey, n’agissent que dans un intérêt financier, de rentabilité, sans prendre en considération les dynamiques territoriales existantes et futures2. Ces éléments m’ont permis de développer un argumentaire pour contrebalancer celui, biaisé, de certains acteurs économiques qui est particulièrement persuasif lors des phases de négociations avec des élus locaux. Le promoteur commercial Frey propose son concept de Green Center, rodé en matière de greenwashing. 1 « A Soissons, le PLU ne permettait pas la fabrication du projet. Il a nécessité une révision du PLU car le terrain n’était pas constructible. L’agglomération, à travers cette modification, a pu nous contrôler par le biais d’un secteur à plan masse» BICK, Olivier, commercial chez Frey, entretien mené le 02 février 2016 2 «Pouquoi Soissons pour notre site pilote de Green Center ? On connait bien les élus. Sandevoir serait fou mais pour moi dans 5 ans, Soissons est une ville morte. Les commerces du centre-ville se vident. […] Amiens sera un véritable lieu de destination. On a soigné tout ce qui est service, jeux, paysagement, matériaux de construction. ça n’a plus rien à voir avec Soissons.»


Le Green Center est accompagné d’un discours orienté vers le loisir avec la création de «promenade commerciale en famille», le label haute qualité environnementale (HQE) avec l’expression de «véritable machine écologique». Olivier Bick, rencontré en février 2016 explique même que «le paysagement, fait partie de la certification HQE, un des principes mêmes du concept. On a fait de Soissons un projet pilote. Le parc nous a couté plus cher que ce que nous faisons habituellement.». Le discours est élaboré et le vocabulaire travaillé. La zone commerciale fait place au parc commercial avec l’objectif de convaincre les élus locaux dans un contexte orienté vers l’économie verte. Aujourd’hui, ma réflexion se situe à un moment du projet où tout est envisageable comme dans la période où V2 était en cours de planification. Il y a eu un laps de temps très long entre l’approbation en Commission Départementale d’Urbanisme Commercial (ancêtre de la CDAC) et la construction finale du centre commercial (7 années). C’est donc maintenant qu’il faut faire valoir la place du paysage dans le projet d’aménagement de la ZACOM d’Amiens afin de sortir d’une logique d’urbanisme des années 1970, faite au coup par coup, que le projet Frey alimente par son implantation autocentrée. L’EPALE a très vite défini le plan d’aménagement de la ville nouvelle, en fonctionnant par zoning. Cette démarche se ressent encore aujourd’hui par l’aspect très morcelé de Villeneuve d’Ascq. À Amiens, il est possible d’engager un autre processus de planification en replaçant sur le socle géographique les différentes forces du territoire de l’entrée nord. Les friches commerciales que va générer l’implantation Frey peuvent être porteuses d’un renouveau urbain. J’ai réalisé des recherches sur ce phénomène dans le cadre d’un séminaire d’approfondissement. Un aménagement paysager peut utiliser ce symptôme économique négatif comme un atout pour valoriser l’existant. Par exemple, la ville de Tourcoing mène une politique de reconversion des friches industrielles à partir d’une observation de la DATAR en 1967 qui indiquait que «Autour du canal de Roubaix et de Tourcoing, des emprises industrielles offriront du foncier mutable dans quelques années». Outre-Atlantique, la ville de Detroit renaît également de ses cendres après la violente crise économique de 2008 par l’appropriation d’anciens locaux industriels pour le développement de startup, mais également par la reconversion des espaces extérieurs en parcelles d’agriculture urbaine répondant ainsi à la forte demande des habitants de la ville et permettant la réinsertion professionnelle de personnes licenciées du secteur automobile. Le foncier agricole représente 80% de la surface totale du Grand Amiénois. Les friches potentielles de la zone commerciale étudiée sont une opportunité pour le développement d’une agriculture qui puisse cohabiter avec l’habitat et le commerce et ainsi valoriser le cadre des usagers du quartier. Considérer les friches et la force géographique dans l’élaboration d’un projet d’aménagement est une alternative au modèle économique promu par les promoteurs commerciaux et permet de proposer un nouveau modèle de vie à l’échelle d’une métropole en pleine expansion.

11


Introduction

12

« Au terme de porte se substitue alors celui de l’entrée, espace nouveau dont la forme et l’embellissement ne connaissent pas de véritables modèles, à l’exception, à peu de choses près, de la place du Peuple à Rome.»

Dominique MASSOUNIE & Sandra PASCALIS POLIA, revue de l’art des jardins, n°1, p.46

Visite de terrain le 25 mars 2016


Émergence des entrées de ville Les résultantes de l’économie du XXè siècle sont porteuses d’enjeux pour le projet territorial. Les symptômes d’un déclin économique peuvent permettre à la ville de se régénérer et d’intégrer le phénomène d’étalement urbain dans les démarches de planification. Guy BURGEL explique le phénomène de périurbanisation par le simple fait de réfléchir la ville comme un centre et des périphéries, en privilégiant le premier1. Cette logique, apparue dans les années 1970, est encore d’actualité comme le prouve les différentes projets urbains actuels. Cette périurbanisation est principalement due à l’importation d’un nouveau modèle de société de consommation à partir des années 1960, lequel est traduit par l’importation du « shopping mall » à l’américaine et le pavillon individuel, tous deux facilités par la démocratisation de la voiture : «Les objets de l’aménagement urbain comme le centre commercial (made in USA) ont, tout au long de la seconde moitié du xxe siècle, été pensés en fonction de l’usage de la voiture. Ils ont contribué à l’extension spatiale de l’urbain tout comme ils ont participé à la diffusion d’une société de consommation globale centrée, en ce début de xxie siècle, sur la voiture.»2

Le paysage de périurbanisation peut alors être défini comme « banal » : la juxtaposition des pavillons, des nouvelles zones commerciales et des zones industrielles lisse et ignore la géographie sur laquelle ces architectures prennent place. Ce phénomène coïncide avec la naissance des entrées de ville3 terme largement employé depuis 1985 comme précisé dans la presse spécialisée. Il est aujourd’hui nécessaire de repenser la ville en relation avec son environnement et de reconnecter les usagers avec le paysage qu’ils traversent et façonnent. C’est dans cette évolution urbaine que mon travail personnel de fin d’étude s’inscrit. Les entrées de ville sont organisées de manière à faciliter les déplacements automobiles. Elles souffrent d’un aménagement sommaire où le piéton trouve difficilement sa place et où les espaces publics se résument à l’espace de la route. La zone commerciale située en entrée nord d’Amiens accueillera d’ici 2017 un nouveau centre commercial qui ne fait que répéter le même motif. Je m’appuie sur ce projet afin de réhabiliter le pôle commercial et ainsi le rendre beau et agréable pour tous les usagers actuels. Mon objectif est de définir une entrée de ville qui soit à la fois une façade économique et identifiée comme un seul et même quartier. 1 BURGEL, Guy, Pour la ville, ed. creaphis, 2012, p.88 2 GHORRA-GOBIN, Cynthia, « Lieu du transport et polycentrisme : une expérience américaine », Autrepart 4/2004 (n° 32), p. 37-50 3 MASSOUNIE, Dominique & PASCALIS, Sandra, POLIA, revue de l’art des jardins, n°1, printemps 2004, p.46

13


Aujourd’hui il est difficilement imaginable d’habiter une zone commerciale. Or, l’entrée nord d’Amiens est constituée de toutes les composantes nécessaires à la définition d’un quartier de vie. La juxtaposition de différentes « poches monofonctionnelles » les rend hermétiques les unes aux autres. Et pourtant, chacune présente des qualités que les autres ne possèdent pas : équipements commerciaux occasionnels, alimentaires, vestimentaires, équipements sportifs et éducatifs, lieux cultuels et culturels, habitations individuelles, intermédiaires et collectives. Le pôle de la vallée Saint Ladre fait partie d’une constellation de zones d’activité beaucoup plus vastes. Elles ont toutes été aménagées sans considération du contexte géographique qui aurait pu participer à leur valorisation. Comme précisé en amont, ce qui distingue la vallée Saint Ladre des autres pôles commerciaux, c’est le futur centre commercial Frey qui prendra place dans la ZACOM établie par le SCoT. Je propose une démarche de planification qui permet d’intégrer ce projet, dans un quartier qui révèle la géographie dans laquelle il se trouve. Tout est possible et imaginable pour mettre en évidence la symbiose que propose le grand paysage amiénois dans l’aménagement de l’extension nord de la ville.

14

Plus largement, Amiens est une métropole en expansion, qui se situe dans un entre deux de grandes agglomérations : Paris et Lille. Les 80% de parcelles agricoles qui composent le Pays du Grand Amiénois permettent de distinguer les différentes entités urbaines, de les détacher dans ce paysage ouvert. Ces entités deviennent des repères et sont soulignées par une géographie de plateau entaillé de vallées sèches profondes. Amiens, capitale de l’ancienne région Picardie, profite de ce cadre rural qui ouvre de grandes vues sur les horizons cultivés. Il permet de mettre en valeur la richesse végétale des fonds de vallées humides. La communauté d’agglomération d’Amiens Métropole créée en 2000, compte aujourd’hui 180 000 habitants et est composée de 33 communes. Elle est la 31ème agglomération la plus peuplée de France4. Unique métropole du département de la Somme, elle ressent aujourd’hui l’effet de la proximité immédiate avec Lille et Paris par le biais du système autoroutier très dense et de la ligne à très grande vitesse établie à proximité de l’autoroute A1 et A29. Il est aujourd’hui nécessaire de conserver cette distanciation géographique entre Paris, Amiens et Lille, en préservant le foncier agricole ainsi que la richesse écologique de plateaux et de vallées pour faire valoir la qualité du cadre de vie amiénois. Gérer son attractivité territoriale liée à son cadre de vie de « ville-nature », c’est préserver son identité spécifique liée aux plateaux de l’Amiénois ainsi qu’à la vallée de la Somme. Mondialement5 connue pour son patrimoine architectural et anthropique de fond de vallée, la métropole amiénoise est un terrain de réflexion privilégié où il est possible de composer un projet de paysage à partir de différentes richesses et de mettre en avant la force territoriale grâce à la vallée et aux plateaux. 4 Ville d’Amiens, http://www.amiens.fr/institutions/amiens-metropole/amiens-metropole.html 5 Office du tourisme d’Amiens, http://www.amiens-tourisme.com/accueil/la_culturelle/ un_patrimoine_mondial#.V1xttruLSUk


15

Une proximité entre deux grans pôles qui confère à Amiens une desserte dense en autroutes Source : SCoT du Grand Amiénois


16

Ce travail personnel traite de la complémentarité entre vallée et plateau, entre ville et campagne, entre cœur d’agglomération et couronne périurbaine, entre lieu de travail et lieu de vie. Après vous avoir dressé le portrait de ces complémentarités souvent perçues comme contradictoires, la fiche d’identité de la vallée sèche Saint Ladre vous permettra de cerner les caractéristiques paysagères du terrain d’expérimentation à l’origine du projet que je propose. Puis je présenterai les atouts et les faiblesses de l’espace «périphérique» d’Amiens qui en font un lieu stratégique pour la mise en place d’une politique cohérente en matière d’habitat, d’activités économiques, de loisirs, également génératrice d’un paysage particulier en entrée nord d’Amiens. Cette symbiose recherchée entre ces trois domaines permettra de dessiner le paysage périurbain amiénois du XXIè siècle et de qualifier l’entrée d’agglomération visible depuis des horizons lointains. Les caractéristiques de ce nouveau paysage vous seront présentées en dernière partie de ce rapport.


I – Considérer la relation ville-campagne dans une logique de réduction de la consommation du foncier agricole

17

« Ce que l’œil reconnaît comme un espace cultivé ou dédié à l’élevage, les cartes ne le montrent pas. […] peut-être en va-t-il ainsi dans de nombreux plans d’urbanisme encore produits de nos jours : l’espace ouvert y apparaît comme un plein potentiel, une réserve disponible, rarement pour ce qu’il est, en tant que lieu de production. »

Kristof GUEZ, Les frères JANIN, Alexis PERNET Clermont au Loin : chronique périurbaine, p.55-56

Visite de terrain le 25 mars 2016


1.1 Complémentarité ville-campagne : histoire et représentations Définitions La campagne est «une étendue de pays plat et découvert (par opposition à bois, montagne, etc.) ou assez plat et à l'intérieur des terres (par opposition à montagne, bord de mer, ville)». La ville est «une agglomération relativement importante et dont les habitants ont des activités professionnelles diversifiées. Sur le plan statistique, une ville compte au moins 2 000 habitants agglomérés».1 Les remparts, à l’origine de la distinction entre ces deux mondes, marquent délibérément la limite de l’urbanisation et contraignent la ville à se construire sur elle-même2. La campagne est définie comme le lieu de production qui permet d’alimenter les villes.

Limites franches minces

18

Les portes marquent cette limite physique et assurent la protection nocturne de la ville3. Cette représentation des limites franches, est signifiée dans la fresque du bon et du mauvais gouvernement. On distingue l’espace à l’intérieur des murailles où les hommes marchandent, discutent, se divertissent dans un espace ouvert. Dans la campagne, nous pouvons remarquer le nombre important de personnes à travailler dans les champs, pour les cultures, l’élevage, la récolte des fruits dans le verger. 1 Encyclopédie Larousse 2 « Le double combat des villes fut pendant très longtemps d’accroître leur surface et le périmètre de leur enceinte pour pouvoir engranger davantage de recettes fiscales et d’éviter que l’on construise en dehors de ces limites pour échapper au fisc. Les véritables barrières des villes sont les péages d’entrée, naguère les octrois. La limite des villes se trouvait donc à la rencontre des logiques fiscales locales et des logiques défensives nationales. Dans un pays sans ennemis ou solidement défendus aux frontières, les fortifications des villes disparaissent. » COHEN, Jean Louis, La ville sans fin, Diagonal, n°95-96, p.43 3 MASSOUNIE, Dominique & PASCALIS, Sandra, POLIA, revue de l’art des jardins, n°1, printemps 2004, p.43

Les effets du bon gouvernement et du mauvais gouvernement, Ambroggio LORENZETTI Source : http://www.toscane-toscana.org/


Source : Vers la ville, Tom GAULD

Dans «Vers la ville» de Tom Gauld, la campagne est représentée comme un lieu où la solitude et le manque de services prédominent contrairement à la ville où l’anonymat et la multiplicité des activités en font sa richesse et stimulent le désir des habitants de la campagne (les deux personnages principaux qui Scanned by CamScanner se déplacent avec leur brouette) à s’y installer. « Jusqu’au début du XIXè siècle, l’agriculture à proximité des cités fut intimement liée à leur histoire. A l’intérieur et hors des remparts, s’était nouée une étroite association entre les paysans et le marché urbain ; entre les marais maraîchers, les vergers, les vignes et les troupeaux et ce que les sociétés urbaines apportaient en retour aux paysans : la propriété du sol, le contrôle des eaux, la fumure des cultures et bien entendu la consommation des produits. La cité s’alimentait grâce à sa périphérie agricole qui elle-même pouvait enrichir ses habitants. Au XIXè, grâce au développement des villes et à l’expansion des transports, s’ouvre l’âge d’or des banlieues maraîchères qui approvisionnaient non seulement la ville proche et le marché national. »4 4 VAUDOIS, Jean, cité par DONADIEU, Pierre, Campagnes urbaines, Paris, ed. Actes Sud, 1998, p.65

19


Limites franches épaisses Depuis 1990 en France, les citoyens montrent un regain d’intérêt pour l’espace de la campagne. À la recherche d’un cadre de vie agréable, la campagne est le lieu idéal pour satisfaire leurs besoins individuels. En cherchant une proximité avec les pôles urbains majeurs, ces habitants définissent l’espace urbain non plus comme la ville historique contenue dans ses remparts, mais comme une entité urbaine agglomérée qui proposent des services accessibles à une dizaine de kilomètres de son centre historique5. Ce phénomène de « périurbanisation » rend la limite entre ville et campagne beaucoup plus floue qu’auparavant. On parle aujourd’hui de «ville diffuse». Au cours du séminaire éthique proposé par Sabine Ehrmann, nous avons eu l’occasion de traiter de cette limite floue qui tend à définir un nouvel espace de transition entre ville et campagne. Le débat s’orientait sur la nature de cette limite entre ville et campagne mais surtout sur l’étendue de l’urbanité. Dès lors que l’Homme agit sur son environnement pour son propre développement n’est-ce pas de l’urbanité ? Peut-on considérer la campagne, telle que perçue par les populations, comme urbanité ?

20

L’espace périurbain est urbanité. Les actions de l’Homme sur la terre pour son propre développement sont urbanité. Il est nécessaire de considérer cet espace périurbain comme étant le champ des possibles afin de travailler la complémentarité entre habitat, activités (commerciales, agricoles, tertiaires, industrielles), loisirs et mobilités dans une logique d’urbanité. Le terrain d’exploration sur lequel je travaille dans le cadre de ce projet montre bien qu’il y a nécessité de considérer les villages du Grand Amiénois dans la dynamique métropolitaine qu’insuffle Amiens. Séparer le monde rural du monde urbain renforce l’identité du périurbain comme étant un espace d’entre-deux. Il est une composante essentielle permettant d’imaginer la ville et la campagne de demain. L’espace périurbain devient l’essence d’un projet d’aménagement à l’échelle d’un pays et permet de rééquilibrer certains dysfonctionnements en développant des offres inexistantes en centre-ville ou à la campagne, tout en affirmant le statut périurbain des villages situés entre le domaine rural et le domaine urbain. Cette logique d’aménagement ne considère plus la périurbanisation comme un point noir de l’urbanisme mais comme une dynamique positive à l’origine d’un paysage nouveau. De ce fait, le périurbain est pour moi une nouvelle urbanité avec laquelle le paysagiste peut travailler. L’enjeu est de constituer un lieu désiré par des nouveaux habitants, qui puisse également être une urbanisation dont l’identité est directement rattachée à la géographie du lieu. 5

Encyclopédie Larousse


1.2 L’agriculture comme page blanche de l’urbanisme C’est à partir du XVIIè siècle que les faubourgs se sont développés au-delà de la limite non aedificandi des villes. Suivant la logique radiale des axes de communication, la ville s’est étendue en « doigt de gant », grignotant petit à petit l’espace productif de la campagne.

21

Amiens et ses faubourgs qui s’étendent en «doigt de gant» Source : Carte de l’Etat Major, geoportail.gouv.fr

1800 à 2010 : zéro contraintes pour l’urbanisation La préservation du foncier agricole est un enjeu majeur souvent opposé à la périurbanisation. En France, l’équivalent de 82 000 ha1 de terres agricoles disparaît chaque année. La forte demande en logement individuel depuis les années 1990 tend à modifier irraisonnablement les silhouettes urbaines. Les pouvoirs publics souhaitant attirer toujours plus d’habitants, cherchent à mettre en construction des parcelles agricoles en périphérie des centres sans logique et cohérence d’ensemble.

1 Pour la période 2006-2010, http://www.planetoscope.com/sols/1370-disparition-deterres-agricoles-en-france.html, consulté le 28 mai 2016


Habitations et industries développées autour de l’eau

1900

Industries polluantes repoussées en dehors de la ville

1950

Développement des zones d’activités : aucun document réglementaire restrictif

1990

Les zones d’activités rattrapées par la ville peu contrainte

2010

22


Une difficile reconversion des terres agricoles en bord de ville pour le maraîchage Avec l’augmentation de la pression foncière urbaine, les terres agricoles sont de plus en plus chères et ne peuvent être acquises par un jeune exploitant souhaitant s’installer à proximité des villes (type maraîchage)2. Martine Lefebvre explique que le prix du foncier agricole au m² est multiplié par un coefficient de 100 s’il y a un changement d’urbanisation sur le territoire de la Métropole Européenne de Lille3 (MEL). En Picardie, la valeur vénale des terres agricoles de plus de 70 ares en 2015 est estimé à 7 940€4 soit 1,13€ le m². Plus spécifiquement, à l’échelle de la Somme et sur la plateau Picard, ce prix varie entre 3 600€ et 16 060€ soit au maximum 2,3€ le m². Ces terres agricoles, sont donc souvent soumises à une pression foncière forte à l’origine d’une spéculation immobilière supportée par les pouvoirs publics en vue de son apport financier. Le foncier agricole disparaît un peu plus chaque jour sans qu’il y ait de réelles actions à l’échelle nationale afin de limiter ce phénomène dévastateur. Un urbanisme unilatéral favorisant le développement de la ville «en dur» Les entrées de ville sont un exemple des effets de la non considération de l’espace agricole comme territoire dynamique, lieu privilégié pour l’installation d’enseignes commerciales et le développement des zones d’activités tertiaires et industrielles. En effet, le XXè siècle est marqué par la nécessité d’évacuer les industries polluantes en dehors des centres-villes afin d’améliorer le cadre de vie des citadins (qualité de l’air, de l’eau, du traitement des eaux usées). Les zones industrielles et d’activités ont été rattrapées par une urbanisation massive déclenchée par l’importation d’un nouveau modèle de société de consommation à l’américaine (cf.introduction). Les multiples modifications apportées aux outils réglementaires concernant l’urbanisme commercial pour limiter ce phénomène, et plus spécifiquement l’amendement Dupont, n’ont eu aucun effet sur les actions des promoteurs commerciaux, qui ont facilement contournés les contraintes juridiques qui leur étaient imposées5. « C’est dans cet espace périurbain que se concentrent aujourd’hui les enjeux de la croissance urbaine. Car c’est là qu’elle est la plus forte et non dans les centres villes ou les banlieues. C’est là aussi que se localisent huit ruraux sur dix, que se succèdent plaines agricoles, villages gonflés par des lotissements récents, zones d’activités, villes nouvelles, technopoles et parcs de loisirs. »6 2 Entretien avec Benoît Walbrou, 30 avril 2016 3 OLS, Juliette, Entre stratégie métropolitaine, urbaine et commerciale : la construction des centres commerciaux, mémoire de recherche soutenu en juin 2015, p.111 4 Prix des terres et prés de 1997 à 2015 par région et au niveau national, ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, http://agreste.agriculture.gouv.fr/enquetes/territoire-prix-des-terres/valeur-venale-des-terres-agricoles/, consulté le 28 mai 2016 5 COULAUD, Nathalie, «Réussir la rénovation des entrées de ville», Moniteur des travaux publics et du bâtiment, n°5633, novembre 2011 6 DONADIEU, Pierre, Campagnes urbaines, Paris, Actes Sud, 1998, p.47

23


Un manque d’outils de planification pour le domaine agricole Les outils réglementaires ayant eu pour principal objectif le développement urbain, abordent peu le devenir du foncier agricole : « Les grands schémas directeurs d’aménagement et les plans d’occupation des sols ont fabriqué des paysages qui leur sont propres : faits de grandes découpes géométriques, de vastes secteurs répondant à la logique des infrastructures routières et ferroviaires. L’espace agricole, dans bien des cas, a été vu comme un vide, un terrain à prendre, disponible. L’effet de césure l’apparition de contrastes très forts résultent d’un processus d’aménagement qui a évité le « mitage » sans pouvoir l’empêcher.»7

A l’exemple du PLU de la ville d’Amiens, l’agriculture y est considérée comme une vitrine de l’espace urbain qu’il faut préserver : « Les terres agricoles d’Amiens ont une grande valeur et participent fortement à la bonne image naturelle de la ville. Les patrimoines bâti (historique et contemporain), naturel (vallées) et végétal (hortillonages, végétation urbaine) fondent les valeurs de la ville et renforcent son attractivité touristique.»8

24

Un des enjeux du PLU sur le plan agricole est de préserver, moderniser et adapter l’économie agricole notamment en favorisant le développement d’une économie agricole périurbaine (diversification de la production et du paysage, activités touristiques et de loisirs). C’est un axe très peu développé contrairement à ce qui est proposé pour l’habitat et l’emploi. Il est pertinent de concevoir l’espace périurbain comme un lieu propice au développement d’une agriculture à taille humaine qui nécessite peu d’engins mécaniques, ou à l’installation d’un lieu d’élevage qui puisse cohabiter avec les activités et habitations déjà présentes. En France, peu de documents réglementaires existent pour considérer les espaces agricoles comme étant des espaces dynamiques, support d’évolution des pratiques. Les Zones Agricoles Protégées (ZAP) sont des servitudes d’utilité publique instaurées par arrêté préfectoral, à la demande des communes. Elles sont destinées à la protection de ces zones dont la préservation présente un intérêt général en raison de la qualité des productions ou de la situation géographique. Le périmètre de protection et de mise en valeurs des espaces agricoles et naturels périurbains (PAEN) est instauré par le département avec l’accord des communes concernées et sur avis de la chambre d’agriculture. Un programme d’actions est élaboré et précise les aménagements et les orientations de gestion permettant de favoriser l’exploitation agricole, la gestion forestière ainsi que la préservation et la valorisation des espaces naturels et des paysages9. 7 GUEZ, Kristof, JANIN, Rémi & Pierre, PERNET, Alexis, Clermont au loin : chronique périurbaine, ed. Fudo, 2011, p.22 8 PLU Amiens, p.35 9 http://www.experimentation-paen.fr/zones-protegees-perimetres-espaces-naturelsperiurbains.asp


Ces deux outils proposent une protection et une gestion de l’espace agricole. Cette tendance vers la conservation telle quelle d’un paysage donné est dangereuse compte-tenu des dynamiques locales liées aux besoins humains et environnementaux. Le paysage est un élément mouvant. Figer un espace pour le conserver dans son état d’origine connu tend à le muséifier et à le rendre vulnérable au moindre changement –qu’il soit climatique, humain ou urbain. Il est possible de considérer l’espace agricole comme étant un espace en perpétuelle évolution, comme il l’a toujours été. A titre d’exemple, la métropole de Rennes a mis en place un Programme Local de l’Agriculture (PLA) permettant un réel échange et une meilleure prise en compte de l’agriculture à l’échelle du Pays de Rennes10. Il précise que « les signataires s’engagent, dans une collaboration pérenne et renforcée, à construire ensemble un avenir commun. ». Cet accord permet de concilier l’urbanisme, la gestion du foncier et l’agriculture autour de l’anticipation foncière. Il conforte le paysage comme étant source de richesses multiples et renforce les relations entre citadins et agriculteurs permettant le développement des circuits courts et l’ancrage d’une identité locale des produits. Cette initiative est porteuse d’engagement et vise à rendre complémentaire l’espace urbain et l’espace rural par le biais d’une gestion durable de l’urbanisation en milieu périurbain. C’est dans cette logique que mon travail personnel de fin d’études propose de considérer l’espace périurbain comme le lieu stratégique pour le développement d’un mode de production raisonné, facilitant les relations entre les différents usagers et support de nouveaux paysages en entrée de ville.

10 http://www.paysderennes.fr/Le-Programme-Local-de-l.html

25


26

Une richesse anthropologique : le village bosquet, exemple de Saint Gratien (80) Source : mnt Geopicardie 2008, IGN bdortho 2013


1.3- La campagne urbaine : un concept pertinent pour travailler la relation ville-campagne L’exemple du village bosquet : symbiose historique présente sur le plateau picard Cette entité urbaine résulte des contraintes géographiques et géologiques que l’Homme a su tirer en atout pour son propre développement sur le plateau. Elle est un emblème du paysage de plateau picard. Les premières habitations se sont installées le long des voies de communication érigées à l’époque gallo-romaine. Pour se protéger des vents dominants, les basses cours et jardins se sont pourvus de haies vives. Etant sur un plateau de craie, l’eau est difficile à retenir. Les habitants ont donc creusé des mares pour subvenir à leur besoin et à leurs activités économiques. L’élevage et le maraîchage sont les forces de ces villages. Chaque parcelle est pourvue de haies vives pour protéger les troupeaux et les cultures du froid et de l’humidité. Pour faciliter les mouvements de pâtures en pâtures, un chemin du tour de ville encercle le village et ses couronnes végétales successives. Il participe à définir une limite nette entre l’intérieur du village et son extérieur.

27

Un étalement urbain qui dénature la lisière boisée historique du village bosquet Croquis de Saint Gratien (façade Ouest) réalisé le 27 avril 2016

mScanner

Considérer le périurbain comme un espace paysager singulier, permet d’expérimenter de nouvelles manières de produire et d’habiter afin de dessiner une lisière franche épaisse entre ville et campagne. La structure générale du village bosquet est un élément de référence pour le projet. La symbiose effective entre habitat, activité et végétal constitue l’essence recherchée pour dessiner un paysage agricole habité et dynamique en entrée de ville : la campagne urbaine.


28


Mon projet a pour principal objectif de définir un nouveau paysage périurbain pour l’horizon 2050. Amiens est une métropole en expansion qui accueille près de 180 000 habitants. Elle est à 1h30 en train de Paris Nord et de Lille Flandres. Le SCoT du Grand Amiénois préconise un rééquilibrage de l’offre commerciale entre le nord et le sud de l’agglomération afin de rendre les quartiers nord plus attractifs. La construction d’un nouveau centre commercial Frey situé dans la Zone d’Aménagement Commerciale prévu par le SCoT est une réelle opportunité pour planifier l’urbanisation potentielle de la frange nord d’Amiens directement identifiée comme le quartier de la vallée sèche Saint Ladre. Je dois donc articuler les enjeux globaux d’une urbanisation cohérente d’Amiens Métropole à l’échelle locale et reconsidérer d’une part, le pôle commercial –existant et futur– comme un quartier vécu et d’autre part, l’agriculture comme étant une force économique en mutation. Ces deux composantes du paysage permettront de proposer une nouvelle manière d’habiter la ville à la campagne et de dessiner un paysage périurbain à partir des caractéristiques élémentaires de la vallée sèche de Saint Ladre. De quoi se constitue cette vallée sèche ? Quelles sont ses caractéristiques paysagères fortes ? Quels sont les phénomènes urbains qui l’ont rendu illisible vis à vis des autres vallées sèches du plateau nord ? La partie qui suit dresse le portrait de la vallée sèche Saint Ladre, ses atouts et ses faiblesses. Elle présente le socle géographique qui forge l’identité paysagère d’entrée de ville de demain.

29


Les Vertes Tâches

Le Champ aux Cailloux e

lée Val

ortu T e h

sèc

in War e s Fos 30

Saint Ladre

Le champ l’Agathe èche

ée s Vall

Va ll

ée

hu

mi

de

Cimetière de la Madeleine

de

la

So

mm

e

île Sainte Aragone

Saint Maurice

adre

tL Sain


Le Champ à Cailloux

es

llé Va

eJ

Joie

nts

o um

a

M Les

ne

n ea

h èc

Le Mont

ton

Le Champ Michel Le Santerre

Le Fond de Rainneville

Les Franches Terres

II Identité de la vallée Saint Ladre

31

Le Petit Santerre

Le Bas de la Terrière

Le Pigeonnier


Ch

au

ss

ée

Bru

ne

ha

ut

Espace Industriel Nord

Vallée sèche Tortue Fosse Warin

Cultures céréalières

1

32

Coteau boisé Jardins familiaux

Ca

na

Pôle industriel Etouvie

ld

Cimetière de la Madeleine

el

aS

om

m

e

CHU Nord Citadelle Vauban

Zone d’activité Saint Ladre

Ligne de crête


Tour Perret Jardins familiaux

Flèche de la cathédrale

Zone d’activité Saint Ladre

Zone d’activité Saint Ladre

hiè vre s sT ien Am

Amiens -Arras

Quartier du pigeonnier

Cultures céréalières

Vallée sèche Saint Ladre

2

33

Zone d’activité de Rivery

Jardins familiaux

ert

Alb in d’

Quartier du pigeonnier

Chem

Structure paysagère de la vallée sèche Saint Ladre Source : bing.maps.fr 0 Friche

250 m

500 m


2.1 Permanences du paysage de plateau La géomorphologie actuelle La vallée sèche sur laquelle s’implante le quartier Saint Ladre est similaire à toute autre vallée sèche du plateau de l’Amiénois. C’est un espace de transition entre le plateau et la vallée de la Somme qui procure des vues ouvertes sur le grand paysage. Elles mettent en scène les structures et éléments de paysage à l’instar des villages bosquets, « perchés » sur les promontoires du plateau crayeux picard. Les vallées sont dites « sèches » par la disparition ou l’inexistence d’un cours d’eau1. Quartier du Pigeonnier

Cimetière de la Madeleine

1 Géographie de la vallée sèche Saint Ladre : exutoire vers le cimetière de la Madeleine vu depuis le Champ l’Agathe Source : Photographie personnelle, le 09 janvier 2016

34

La cryoclastie est le phénomène qui a façonné le plateau amiénois et donné naissance aux vallées sèches. A l’époque du quaternaire, l’ensemble de la surface de la Terre était gelé. L’actuel département de la Somme était alors constitué d’un sol et sous-sol crayeux. Les parties les plus exposées au soleil se sont peu à peu ramollies et ont formé des pentes très douces sous le phénomène de solifluxion : en géomorphologie, « la solifluxion est un écoulement lent, le long d’une pente, du sol superficiel gorgé d’eau, notamment en climat froid sur un sous-sol constamment gelé »2. Les versant nord et est des vallées, exposés au soleil, ont donc un profil plus doux que les versants sud et ouest, en permanence dans l’ombre. Sur ces versants, le sol est resté gelé et a conservé son profil abrupt. Après l’épisode de l’ère glaciaire, le sol s’étant dégelé, ces versants ont été colonisés par une végétation ligneuse. La pente, trop abrupte, les a rendus impossibles à cultiver contrairement aux versants doux qui ont profité au développement de l’agriculture.

Zone d’ombre

Solifluxion

Phénomène de cryoclastie : époque du quartenaire VS époque actuelle Source : Atlas des paysages de la Somme, DREAL Picardie

1 LE BOUDEC, Bertrand, IZEMBART, Hélène, Atlas des Paysages de la Somme, DREAL Picardie, décembre 2007 2 Centre National de Ressources Textuelles & Lexicales, consultée le 13 mai 2016, http:// cnrtl.fr/definition/solifluxion


À l’échelle de la vallée sèche Saint Ladre, le terrain crayeux a permis son exploitation jusqu’au XIXè siècle comme le prouvent les fours à chaux relevés sur la carte de Cassini. C’est un ouvrage généralement vertical fixe à l’image d’une cheminée d’industrie, qui permet de transformer la pierre calcaire en chaux par calcination3. La chaux, souvent additionnée d’agrégats, était utilisée dans l’élaboration de mortier et d’enduits pour les constructions de l’époque. 0

1 km

2 km

Mise en évidence des vallées sèches Source : Carte de Cassini, geoportail.gouv.fr

rtin

t Ma

ain llée S a v La

in

ar éW

35

La

va l

e

Sa

in

tL

ad

re

s

s Fo

se

d on F e

de

eu Cr

L

3 https://fr.wikipedia.org/wiki/Four_%C3%A0_chaux consulté le 13 mai 2016, modifié le 20 avril 2016, publié le 13 décembre 2006 par Arnaud Serander


on

mm

e

se

1

Va

de

G

e

e llé

e

on eF

eu Cr

llu

e

dd

râc

a L’H

l

L’A vr e

La N oye

36

2

So

elle

La

La S

ée

ll Va

c d’A


D’un point de vue hydrographique La vallée sèche –avec sa caractéristique géologique crayeuse– fonctionne comme un filtre et évacue directement les eaux pluviales vers la vallée de la Somme. L’exutoire de la vallée Saint Ladre se situe dans le cimetière de la Madeleine, classé au patrimoine des monuments historiques. La vallée présente une sensibilité forte aux remontées de nappe (voir sur le site www.inondationsnappes.fr). Ceci est dû à l’activité historique des fours à chaux et à la profondeur très faible de la nappe souterraine. Le projet devra donc considérer cette sensibilité comme une contrainte. Cette vallée doit être considérée comme le lieu stratégique du traitement des eaux de pluie polluées, avant leur évacuation dans la vallée de la Somme et dans les nappes phréatiques souterraines.

Le Fond de Rainneville Le Champ l’Agathe

Le Bas de la Terrière

Saint Maurice

65 m

37

60 m

Plateau

50

Coteau

25

Vallée

25 m

Canal

Rivière

Système hydrographique de la vallée sèche Saint Ladre : une évacuation directe dans le sous-sol et la vallée de la Somme

2 Géographie de la vallée sèche Saint Ladre : point haut depuis la ligne de partage des eaux, le Petit Santerre Source : photographie personnelle, le 25 mars 2016

Un réseau dense de vallées sèches directement lié à la vallée humide de la Somme Sources : mnt Geopicardie 2008, IGN bdortho 2013, ADUGA CD80 0

2 km

4 km


Une végétation peu présente à l’échelle locale La vallée sèche Saint Ladre, contrairement aux autres vallées du plateau nord, est peu marquée par une végétation linéaire sur son versant sud. Son profil est beaucoup plus doux que celui des vallées Saint Martin ou Tortue, et a donc permis le développement de différentes activités humaines. Aujourd’hui elle est marquée par une végétation résultant des opérations immobilières successives. Le quartier pavillonnaire –inscrit au milieu de son talweg4, aménagé autour d’un espace public fermé de talus et de haies– brouille en partie la dissymétrie caractéristique des vallées sèches du plateau. A l’échelle départementale, cette dissymétrie entre versant nord et sud est évidente. En partie sud du plateau de l’Amiénois, les boisements sont plus nombreux et définissent des cœurs de natures importants. Au contraire, les boisements situés en partie nord couvrent une surface plus faible et sont principalement des remises de chasse. Le plateau amiénois a vu sa surface boisée divisée par trois du fait de la forte déforestation réalisée depuis l’époque du moyen âge pour le développement urbain : construction de nombreuses habitations, exploitation du bois pour le chauffage individuel ainsi que pour le fonctionnement des différentes usines et industries.

La vallée sèche Saint Ladre propose une position géographique clé et bénéficie de vues remarquables sur le grand paysage de l’Amiénois. Considérer ces ouvertures potentielles permet d’ancrer le projet de paysage et d’affirmer la vallée comme une composante, et pas uniquement comme un socle-support.

38

4

«Ligne joignant les points les plus bas d’une vallée», Dictionnaire Larousse

Des vues ouvertes offertes par les grandes cultures de la vallée sèche Saint Ladre Sources : photographies personnelles réalisées (de gauche à droite) le 25 mars 2016, le 09 janvier 2016


Abbeville

Amiens Métropole

Péronne

39

0

10 km

20 km Le département peu boisé, marqué par une dissymétrie végétale forte entre le versant nord et sud de la Somme Sources : mnt GeoPicardie 2008, IGN bdortho 2013, IGN bdtopo 2014

Des talus issus des travaux de terrassement du lotissement : une fermeture végétale de l’espace individuel vis à vis de l’espace public Source : (de gauche à droite) photographies réalisées le 17 décembre 2015, le 27 avril 2016


40

< 1960

1980

1990

0

2013

100 m

200 m

Le quartier Saint Ladre : résultat d’une urbanisation faite au coup par coup Sources : IGN bdortho 2013, IGN bdtopo 2014

125 m

100

75

50

25

25

50

Boulevard de Saint Quentin Rue Alexandre Dumas

Boulevard de Belfort

Route de Bapaume

A

Une dissymétrie des versants à l’origine d’une dissymétrie urbaine Sources : projet métropolitain Amiens 2030, Amiens Métropole, mnt Geopicardie 2008

Somme

0

1 km

2 km


2.2 Des phénomènes anthropiques estompent ses caractéristiques paysagères Dissymétrie du développement urbain et conséquences à échelle de la vallée sèche Saint Ladre La ville d’Amiens a tiré profit du contexte géographique pour s’ériger en place forte sur les plateaux sud. Elle profite du cadre paysager de plateau ainsi que d’une vision périphérique optimale pour se défendre. Jusqu’aux années 1950, la ville s’est contenue dans ses limites physiques strictes de remparts et s’est développée de manière ordonnancée suivant les axes de communication préexistants et créés. A partir des années 1960, l’urbanisation s’est étendue au-delà de la rupture de pentes définie par les coteaux de la vallée de la Somme. La dissymétrie préexistante entre le nord et le sud du plateau de l’Amiénois a été renforcée par la construction hors-contexte des plateaux nord avec des opérations successives d’envergure : la zone urbaine prioritaire réalisée dans un moment de crise du logement d’après-guerre, puis les espaces d’activités économiques et commerciales et enfin les quartiers pavillonnaires. A l’échelle locale, ces opérations successives ont rendu illisible le parcours de la vallée sèche alors qu’elle marque le point d’équilibre entre le début du plateau de l’Amiénois et le cœur d’agglomération situé dans le fond de vallée. 41

Cette non-considération du contexte géographique est liée à l’évolution de la mobilité par l’émergence de l’automobile qui a permis aux usagers du territoire à se déplacer plus vite et nécessairement plus loin. Cette conquête effrénée de l’espace au profit du développement urbain a fait disparaître 2365 ha de terres agricoles (dont 1482 ha de grandes cultures et 725 ha de pâtures) entre 2001 et 2010 contre 929 ha entre 1992 et 20011. 100 m

0

800 m A’

ADUGA, Rapport de présentation du SCoT du Grand Amiénois, 2012, p.163

A

1

200 m

A’

75


Les jardins vivriers : ancrés dans la culture amiénoise malgré une forte régression depuis 1950 Le remembrement agricole, accompagné de cette urbanisation massive, a fait disparaître la couronne vivrière de la ville. Cette culture du maraîchage s’exprime à travers les hortillonnages dans le fond de vallée ainsi que par les nombreux jardins vivriers dans le tissu urbain dense actuel. Elle est une composante identitaire de l’agglomération et participe à son attractivité touristique et à la qualité du cadre de vie recherchée par les nouveaux habitants. A l’échelle du quartier Saint Ladre, les jardins vivriers occupent une place importante dans le tissu urbain. Cependant, aucun aménagement n’a été planifié pour les rendre faciles d’accès et les valoriser. Ils se retrouvent en bordure de voies et ne profitent pas de vues ouvertes sur le paysage environnant. Repoussée à la limite de la ville dans sa partie nord après construction de la ZUP, cette pratique du maraîchage vivrier est peu valorisée contrairement à ce que l’on peut trouver sur les coteaux de la Somme avec la Fosse Noyon, située sur le plateau sud de la ville ou encore celle du faubourg de la Madeleine : « Les jardins familiaux représentent environ 42 ha cultivés par 1313 jardiniers répartis en 14 zones sur toute la ville d’Amiens »2.

Amiens Nord

42

Saint Maurice

Saint Maurice

Hortillonages

La Licorne

Hortillonages

La Licorne Fosse Noyon

1950 Couronne vivrière dense

Fosse Noyon

2013 Une culture identitaire liée aux jardins familiaux

Disparition de la couronne vivrière amiénoise par le phénomène d’urbanisation et le changement de mode de consommation Sources : Geopicardie 2013, Geoportail.gouv.fr 0

2 http://www.amiens.fr/vie-pratique/environnement/espaces-verts/jardins-associatifs/jardins-associatifs.html, consulté le 13 mai 2016

400 m

800 m


La culture du jardin familial –autre appellation du jardin vivrier et du jardin ouvrier– a pour origine la création de la « Ligue française du coin de terre et du foyer » par l’abbé Lemire en 18963. A cette époque, les jardins vivriers permettaient de proposer une parcelle cultivable pour chaque ouvrier afin de subvenir aux besoins de sa famille. « En 1916, la Ligue est chargée par le Ministère de l’Agriculture de distribuer une subvention d’Etat destinée à la création de jardins pour répondre aux problèmes de ravitaillement liés au conflit mondial. Les pouvoirs publics vont à nouveau faire appel à la Ligue dans les années 39-45 pour développer de manière accrue les jardins potagers indispensables en période de pénurie. En 1920, la Ligue compte 47 000 jardins ouvriers répartis sur tout le territoire [français]. Les dirigeants bénévoles sont influents et font avancer la législation dans le sens des jardins familiaux.»4

Croquis des jardins familiaux de Saint Maurice réalisé en juillet 2015 depuis la véloroute du canal de la Somme

43

3 http://www.jardins-familiaux.asso.fr/histoire.html, consulté le 13 mai 2016 4 Ibidem


La friche de l’usine Lee Cooper vue depuis Poulainville : quel devenir ?

«Le danger pour une zone commerciale c’est la présence d’une vacance. Quand une première apparaît, elle en fait apparaître d’autres. C’est un phénomène courant parce que les zones qui ont été conçues il y a 30 ans avec d’immenses parking, des accès limités, ne répondent plus aux attentes des consommateurs. Aujourd’hui, ils veulent se garer devant les magazins. Les élus valorisent la folie des architectes avec le concept de «parking silo». Pour le commerce, il n’y a rien de pire que cela. A Amiens, ils ont souhaité le

44

faire. C’était tellement stupide que j’aurais préféré abandonner le projet. Cela ne fonctionne pas dans le commerce ! Ils ont même souhaité réaliser des bâtiments commerciaux les uns au dessus des autres.... C’est complètement absurde.» BICK, Olivier, entretien mené le 02 février 2016

Le projet Frey présenté en Commission Départementale d’Aménagement Commercial de 2014 : un projet autocentré qui s’étend sur 12 ha, dont 10 ha de surface imperméable Source : Frey.fr


Émergence d’un pôle commercial La zone commerciale de Saint Ladre a été construite à partir de 1970, date de l’implantation du premier centre commercial Carrefour de l’agglomération. La construction de la rocade amiénoise entre 1973 et 1979, profitant au centre commercial en augmentant son accessibilité, a renforcé l’attractivité de cet espace. Plusieurs enseignes commerciales se sont donc développées autour de ce dernier participant à la banalisation de l’entrée de ville dès 1980. L’ouverture d’un nouveau centre-commercial Frey prévue pour 2017, s’inscrit dans cette logique d’urbanisation en « tâche d’huile ». Laissant pressentir des mouvements d’enseignes, l’espace commercial de la vallée Saint Ladre se verra être composé majoritairement de friches. Ce phénomène, aujourd’hui présent par le départ de l’usine et du magasin d’usine Lee Cooper, entache l’image du pôle commercial et participe à sa perte d’attractivité. Les techniciens du pôle développement économique d’Amiens Métropole ainsi que Frey n’ont pas souhaité expliciter ce phénomène tant que les cellules du nouveau centre commercial ne sont pas vendues à des enseignes. Dans le processus de projet, il est souhaitable d’anticiper un certain nombre de mouvements générés par l’implantation de ce nouveau centre commercial. Cela permet de mettre en application des outils qui participent à la revalorisation du cadre de la vallée Saint Ladre, de la faire transparaître à travers l’existant –lui-même potentiellement mutable.

1970 installation de carrefour

1980 développement du lotissement Saint Ladre

1990 développement de la zone d’activité

2017 ouverture du centre commercial Frey mouvement d’enseignes et friches commerciales ?

45

?

Une organisation anarchique du quartier Saint Ladre : une banalisation de l’entrée nord de la ville qui participe à sa perte d’attractivité. Un projet de centre commercial qui renforce ce phénomène de vieillissement : comment requalifier les friches commerciales potentielles ?


3 4

1

2

46

0 Les chemins du désir : preuve des dysfonctionnements actuels du quartier en matière de mobilité Source : photographies personnelles réalisées (de gauche à droite) le 09 janvier 2016, le 27 avril 2016

1

2

100 m

200 m


Des mobilités actives mises à mal par la logique du tout-voiture Ce quartier des années 1970-80 a été principalement pensé et aménagé pour des déplacements mécanisés. Cette logique du tout-voiture n’est plus adéquate face à la diversité des mobilités présentes dans le quartier. Les chemins du désir5 résultent des dysfonctionnements rencontrés par les piétons et cyclistes ne pouvant accéder facilement et directement aux différents points d’intérêt du quartier : équipements commerciaux, équipements scolaires, habitations, espaces publics et arrêts de transport en commun. Ces chemins spontanés sont la preuve d’un besoin de connecter les arrêts de bus du réseau métropolitain aux enseignes commerciales. Les mobilités actives doivent être valorisées à l’échelle du quartier mais également à l’échelle de l’agglomération dans son ensemble. Le quartier Saint Ladre est un mélange de parcellaire et d’usages perçus comme matière de projet pour rendre lisible la vallée sèche. Le souhait que je veux exprimer est de faciliter les échanges entre ces différentes poches hermétiques qui sont toutes aussi riches les unes que les autres. Le phénomène de friches commerciales, perçu comme négatif dans le monde économique actuel, est une réelle opportunité de renouveau pour le quartier existant mais également dans la planification et l’intégration du nouveau centre commercial Frey. 47

Une urbanisation considérant peu les déplacements actifs : Chemins du désir Arrêt de bus Bus à Haut Niveau de Service Friches potentielles Centre commercial Frey Sources : IGN bdortho 2013, IGN bdtopo 2014, Amiens Métropole, Ametis 5 «un chemin qui n’est pas le fruit de l’urbaniste, mais plutôt tracé naturellement par les usagers comme le chemin le plus court entre 2 points», BACHELARD, Gaston, La poétique de l’espace, Paris, ed. Presse universitaire de France,1958

3

4


48

Visite de terrain le 17 dĂŠcembre 2015


L’identité paysagère de la vallée sèche a beaucoup évolué depuis le XVIè siècle, façonnée par les multiples phénomènes exposés précédemment : urbanisme commercial, habitations, mobilités et remembrement agricole. La prochaine partie de ce rapport de présentation présente les effets et impacts de ces phénomènes de l’échelle périurbaine à l’échelle du bassin versant de la Somme. Le projet dépend directement de ces enjeux périurbains. Il doit proposer des alternatives aux différents systèmes (agricoles, commerciaux, d’habitat) actuels.

49


50


III – Dynamiques à l’échelle du plateau nord amiénois

51

Une ville accrochée à deux éperons géologiques Maquette d’étude : échelle 50 000ème


Espace Idustriel Nord

Saint Ladre

Etouvie

Rivery

Camon

52

Aéroport de Glisy CHU Jules Verne Vallée des Vignes


3.1 Un territoire périurbain qui profite au développement des activités et des habitations :quelles conséquences sur le paysage ? Le plateau : situation d’implantation stratégique pour les enseignes commerciales Quatre pôles commerciaux, la zone d’activité de Camon et les trois pôles techniques de l’Espace Industriel Nord, le Centre Hospitalier Universitaire et l’Aéroport de Glisy, se distinguent dans le paysage périurbain de l’agglomération amiénoise. Ils se sont établis à proximité des axes rapides. Cette implantation géographique n’est pas anodine. Les zones d’activités commerciales, tertiaires et industrielles ont été repoussées hors du centre d’agglomération, prenant place au-delà de la rupture de pente des coteaux. Ces entreprises bénéficient d’une forte visibilité dans le territoire par cette situation géographique de plateau, renforcée par la construction des deux autoroutes A16 et A29 et de la rocade. Les cinq zones d’activités (Camon, la vallée Saint Ladre, Rivery, Longueau et la Vallée des Vignes) ont été construites à différentes périodes, en fonction de l’état d’avancement de la rocade et des autoroutes. Le pôle de la Vallée Saint Ladre a vu le jour par l’implantation de Carrefour en 1970. Dans la même année, la rocade était finalisée dans sa partie ouest, ce qui a facilité l’accès de la partie nord de l’agglomération et donc du centre commercial. Aujourd’hui, ce pôle est en perte d’attractivité alors qu’il a toujours joui d’un accès aisé. A Rivery, la portion de rocade a été terminée en 1986. Cela a permis à l’hypermarché Leclerc de s’implanter en 1988 et de gagner en visibilité. La zone d’activités de Camon s’est développée à partir des années 80, au moment où la partie ouest de la rocade était en cours de construction. En 1990, la portion en direction de Rouen de l’A29 était en train de voir le jour. Elle a permis au centre commercial Géant de gagner en visibilité. C’est à partir 1994 que le pôle Jules Verne s’est développé avec l’installation de Géant. Le pôle de la Vallée des Vignes, situé au sud de l’agglomération amiénoise, s’est développé à partir de l’implantation d’Auchan en 1970. L’autoroute A29, finalisée en 1997 sur cette portion, n’a fait que renforcé l’attractivité et la facilité d’accès de la zone commerciale, développée de manière ordonnancée autour du centre Auchan.

Zones d’activités tertiaires, commerciales et industrielles : paysage d’entrée de ville de l’agglomération Sources : IGN bdortho 2013, IGN bdtopo2014, mnt Geopicardie 2008 0

0,8 km

3,2 km

53


Le pôle de la Vallée des Vignes, plus attractif que tous les autres pôles commerciaux, a attendu 1997 pour avoir une facilité d’accès depuis les axes rapides. Dès son origine, il y a eu une logique d’implantation très dense où les enseignes commerciales se sont construites autour du parking Auchan (voir schémas ci-dessous). Le pôle de la vallée Saint Ladre s’est développé de manière beaucoup plus anarchique, dans une logique de remplissage des vides qui séparaient le centre commercial Carrefour de la rocade -sachant que le quartier pavillonnaire s’est globalement construit avant toute installation commerciale. Cela laisse penser que cette logique d’aménagement est à l’origine de l’image ternie et vieillissante de la zone commerciale. Dans le processus de projet, il sera intéressant d’organiser les enseignes dans une logique cohérente à l’échelle de l’espace commercial existant et futur.

54

Le nouveau centre commercial Frey ne fait que légitimer l’affirmation suivante : les enseignes commerciales bénéficient d’une forte visibilité dans le territoire de par leur implantation sur le plateau et depuis les axes rapides de communication. En effet, Frey s’implante en haut de crête, celle qui distingue la vallée Tortue de la vallée Saint Ladre. En échangeant avec Gonzague Sandevoir, président de la communauté d’agglomération du Soissonnais, j’ai découvert que Frey adoptait cette stratégie d’implantation : plusieurs commerciaux de la filiale se déplacent le long des axes rapides afin de cibler les espaces qui offrent le plus de visibilité dans le territoire. Cela leur permet ensuite de démarcher les élus locaux sur l’enrichissement que peut offrir un Green Center dans leur commune. Cette façade économique doit être confortée et valorisée en cœur d’agglomération, en veillant à proposer une mixité programmatique pour gommer l’image monofonctionnelle de ces zones et à intégrer l’implantation de Frey dans une logique d’aménagement d’ensemble et cohérente. Enseignes implantées autour des parking mutualisés Parking des employés d’Auchan et zone de dépôt des marchandises Bois d’ornement

Alignements d’arbre : limite entre la zone d’activité et les pavillons

Des pôles commerciaux dont le développement diffère en bien des points Vue actuelle du pôle de la Vallée des Vignes

0

50 m

100 m


Une intégration paysagère peu considérée par les enseignes La couronne périurbaine fait également l’objet de plusieurs projets de zone d’activités en entrée de ville. La RN25, route romaine puis route royale au XVIè siècle, facilite les transports de marchandise entre Amiens, Arras et Lille. Elle est une alternative à l’A29 puis l’A1 pour rejoindre la Métropole Européenne de Lille. Ces zones d’activités se construisent généralement au-delà de la limite du centre-bourg et profitent d’une forte visibilité dans le paysage d’openfield. Projets d’espaces tertiaires et d’extension de bâtiments agricoles massifs altèrent de façon prononcée la silhouette originelle des villages bosquets. Il est nécessaire de participer à leur intégration paysagère. Quartier du Pigeonnier

Forte visibilité

Poulainville

Rocade

Jardins familiaux Vallée Saint Ladre

Vallée Tortue

Le projet Frey profite d’une forte visibilité depuis la rocade et est peu intégré dans le paysage ouvert de plateau

55

Espaces résiduels engazonnés appartenant aux enseignes commerciales Talus boisé faisant limite entre la rocade et le bâti d’activité tertiaire Bois inexploité

Vue actuelle du pôle de la vallée Saint Ladre

Parking non mutualisés


Rééquilibrer l’offre habitat et l’offre économique entre le cœur d’agglomération et la couronne périurbaine Entre 1982 et 2010, le cœur d’agglomération voit sa surface économique évoluer de manière 3 fois plus importante que la surface d’habitation alors que la couronne périurbaine propose le schéma inverse : 153 ha dédiés aux activités économiques contre 249 ha dédiés à l’habitat1. «Depuis 2006, le coeur d’agglomération a un niveau de construction faible. […] son indice de construction est d’environ 4 logements construits pour 1000 habitants. […] Rapportées à leur population, les communes du territoire aggloméré (à l’exemple de Poulainville) , voisines du coeur d’agglomération, sont les plus dynamiques avec 10 logements construits par an pour 1000 habitants.»2

Il est souhaitable de rééquilibrer cette offre en surface économique ainsi que celle de l’habitat à l’échelle de la couronne périurbaine afin de proposer une politique globale à l’échelle d’Amiens Métropole.

56

De plus, ces opérations immobilières en bordure de village doivent faire l’objet d’un traitement particulier pour s’intégrer au mieux dans le paysage ouvert des grandes cultures en constituant une nouvelle couronne végétale.

Un confort de vie recherché à l’échelle périurbaine…

La couronne périurbaine est considérée comme un espace de vie plutôt qu’un espace de travail. Elle est touchée par le phénomène d’étalement urbain depuis les années 1980. Les nouveaux habitants ont une envie de profiter des atouts de la campagne comme lieu de vie tout en étant à proximité de la ville souvent lieu de travail et de consommation quotidienne. Les villages de la couronne périurbaine ont été affectés par une urbanisation linéaire importante depuis les années 1990. Ce phénomène n’emprunte toujours pas le chemin inverse puisque les documents d’urbanisme réglementaires sont peu restrictifs, lorsqu’ils existent. La loi ALUR oblige les Établissements Publics de Coopérations Intercommunales (EPCI) à récupérer les compténces PLUi d’ici 2017. Amiens Métropole est le seul EPCI à ne pas avoir prescrit sa démarche de planification intercommunale. 1 ADUGA, Rapport de présentation du SCoT du Grand Amiénois, 2012, p.150 2 Ibidem

L’imperméabilisation des sols par l’agriculture industrielle et l’étalement urbain à l’origine de la grande crue de la Somme de 2001 Source : http://www.ameva.org/


… A l’origine d’un impact important sur le paysage Ce phénomène d’urbanisation linéaire est à l’origine de l’altération de la silhouette des villages bosquets. Procurant un cadre de vie remarquable dans un paysage de plateau, les villages bosquets sont prisés par les nouveaux habitants et donc victimes de leur succès. En s’implantant en marge du tour de ville et sans affectation particulière des limites parcellaires, les nouvelles habitations individuelles participent à l’altération de la silhouette de ces villages bosquets. (cf. partie 1.3) Ce phénomène d’étalement urbain participe également à l’imperméabilisation partielle des sols sur le plateau. Il a de grandes conséquences sur le paysage en augmentant le risque d’inondation de la vallée de la Somme. Avec le cumul des précipitations importants à l’automne et l’hiver 2000 et 2001, la Somme est entrée en crue pendant plus de deux mois obligeant une évacuation de masse de l’ensemble des habitants des vallées humides. Il est important de limiter l’imperméabilisation sur les plateaux en considérant les vallées sèches comme les lieux prioritaires où mener une politique de réduction des sols artificiels. Il est nécessaire de concevoir la réhabilitation du quartier Saint Ladre et la planification de la ZACOM dans une logique de réduction des sols imperméabilisés et de création d’espace de tamponnement des eaux. 57


Fless

Frémont St-Vaast-en-Chaussée

Vaux-en

Cavillon Foudrinoy

Saveuse

58 Saisseval

Ferrières Bovelles

Seux Guignemicourt Fluy

Pissy Clairy-Sauchoix Revelles

Namps-Maisnil

Fresnoy-au-Val

Moyencourt-lès-Poix

Famechon

Bergicourt

Frémontiers

Hébécourt


selles

Pierregot

Villers-Bocage

Molliens-au-Bois

Bertangles

n-Amiénois

Rainneville Saint-Gratien

Coisy Cardonette

Lahoussoye

Poulainville Allonville

Le petit Camon

59

Cachy Dury

Gentelles Saint-Fuscien Un réseau de transport en commun peu développé pour limiter les flux pendulaires de l’agglomération

Conséquences de l’étalement urbain sur la structure historique des villages bosquets

Voies ferrées en service Armature dense de chemins d’exploitation

Silhouette arborée absente

Grand Projet Vallée de Somme Voie SNCF potentiellement mutable en véloroute

Silhouette arborée altérée

Transports du conseil départemental

Silhouette arborée conservée

Transports d’Amiens Métropole

0

3 km

6 km


3.2 Un potentiel de vase communicant entre vallée de Somme et plateau peu revendiqué Mobilité quotidienne, la traversée de la vallée Le déséquilibre entre l’offre d’emploi et d’habitat dans le cœur d’agglomération et la couronne périurbaine génère des flux pendulaires quotidiens importants en voitures individuelle, afin de relier le lieu de vie et de travail. Le réseau de transport en commun établi à l’échelle de la métropole propose exactement le même cheminement que celui emprunté par les automobilistes. Le réseau de transport en commun ne permet pas de désengorger cette forte fréquentation des axes radiaux puisque sa propre fréquence reste assez faible pour relier les centres-bourgs au centre-ville d’Amiens. Les voies de communications radiales permettent cependant une très bonne connexion du centre d’agglomération avec le reste du département de la Somme.

60

Afin de réguler les flux pendulaires tout en rééquilibrant l’offre d’emploi à l’échelle périurbaine, il est nécessaire de renforcer l’armature des transports en commun existante en augmentant la fréquence de passage et en mettant en place de nouvelles lignes dans une logique transversale. A l’échelle du quartier de la vallée Saint Ladre, la réhabilitation de la zone commerciale et la planification de son extension doivent intégrer une mixité programmatique qui puisse offrir des lieux de vies à proximité des pôles d’emploi. De plus, un projet de bus à haut niveau de service (BHNS) est porté par Amiens Métropole afin de faciliter les échanges entre les différents pôles commerciaux de l’agglomération. Il permet de proposer un pôle intermodal en partie nord d’Amiens afin de valoriser les mobilités actives à l’échelle de la couronne périurbaine et du centreville.

Des flux pendulaires à l’échelle du Grand Amiénois Source : SCoT du Grand Amiénois


Mettre en réseau les vallées {vallées sèches-vallée de Somme} Amiens Métropole mène une politique d’attractivité touristique essentiellement orientée autour de la vallée de la Somme et du plateau sud. Cette politique touristique est renforcée par le Grand Projet de Vallée Somme –véloroute et belvédères– mené par le Conseil Départemental de la Somme. Cette politique d’attractivité permet de faire rayonner l’image d’Amiens à l’échelle internationale, à travers son patrimoine bâti classé à l’UNESCO et les hortillonnages avec le festival d’art organisé par la Maison Culturelle d’Amiens. La force touristique liée à la richesse de la vallée ne joue pas en faveur du plateau nord, bien que tout soit présent pour permettre le développement d’une offre touristique maillée. En effet, le réseau dense de chemins d’exploitations liées aux grandes cultures peut être un support afin de développer l’offre de petites randonnées à l’échelle de la couronne périurbaine. Enfin, la voie SNCF reliant Amiens à Doullens est ciblée par les communautés de commune qu’elle traverse pour qu’elle devienne une véloroute à l’échelle du Grand Amiénois qui permette de découvrir les richesses paysagères du plateau. Cet ensemble de réseaux permettrait de découvrir la richesse du patrimoine, le paysage caractéristique de l’Amiénois et ainsi de rendre la campagne récréative pour l’ensemble des habitants de la couronne périurbaine et du centre d’agglomération.

La voie SNCF potentiellement mutable en véloroute : découverte du plateau nord reliant Amiens à Doullens Photomontage personnel de projet

61


3.3 Un espace caractérisé par une agriculture industrielle : quelle place pour les pratiques alternatives ? L’agriculture industrielle : une mise en valeur des éléments paysagers verticaux Les grandes cultures sont représentatives du foncier agricole picard et samarien. La mécanisation des exploitations a participé à leur agrandissement. En Picardie, les surfaces d’exploitations agricoles peuvent atteindre 500 à 1000 ha1 en fonction de leur situation géographique –notamment dans le Santerre. Ce type de production industrielle promu à échelle nationale dans un contexte de mondialisation, fait de la Somme l’un des départements les moins boisés de France avec le Nord et le Pas-de-Calais2. Aujourd’hui, l’industrialisation des terres participe à l’économie locale et approvisionne les grandes industries agro-alimentaires, dont Bonduelles qui est implanté à l’est d’Amiens. Ce type de production n’est pas sans conséquences sur le paysage de plateau. Outre le fait qu’elle offre de grandes perspectives sur les vallonnements et les différents éléments de paysage, l’agriculture industrielle participe au tassement des sols3 et donc à leur imperméabilisation.

62

L’espace périurbain : de grands panoramas dûs à l’exploitation de cultures industrielles Croquis réalisé sur le terrain, 25 mars 2016

1 WALBROU, Benoît, entretien mené le 27 avril 2016 2 IGN, Inventaire forestier, le mémento, la forêt en chiffre, http://inventaire-forestier.ign.fr/spip/ IMG/pdf/Int_memento_2013_BD.pdf, éd. IGN, septembre 2013, p.6 3 http://www.actu-environnement.com/ae/news/sol_urbanisation_agriculture_intensive_6690. php4


L’agriculture industrielle : un modèle économique à l’origine de risques Cette agriculture est également consommatrice de produits phytosanitaires. En effet, la Picardie et plus particulièrement la Somme, sont des territoires très gourmands en pesticides et font partie des premiers consommateurs à l’échelle nationale4. Pour accroître les productions, les agriculteurs répandent également des engrais sur leurs terres. Les sols, dénudés en hiver, ne peuvent retenir les excédents d’azote qui s’infiltrent plus profondément et atteignent les nappes phréatiques. L’azote non-assimilé par le sol dégage de l’ammoniac, composant chimique très toxique pouvant affecter le système respiratoire par irritation et inflammation5. Il altère la qualité de l’air et peut causer des effets néfastes sur la population et sur les agriculteurs qui sont en contact prolongé avec ce dernier. Cette surconsommation en engrais et en produits phytosanitaires rend la situation des nappes phréatiques samariennes préoccupante6. Par écoulement naturel, les composés chimiques sont évacués vers la Baie de Somme, paysage classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Il est nécessaire de réduire ces risques de pollution en favorisant des pratiques agricoles vertueuses à proximité des villes et villages. Une agriculture respectueuse de l’environnement permettra de conserver et d’améliorer la qualité du cadre de vie de la métropole amiénoise.

63

Situation nationale des nappes phréatiques & consommation nationale des produits phytosanitaires Sources : Ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, La Voix du Nord, «Pesticides : « Cash investigation » classe le Nord-Pas-de-Calais - Picardie dans le rouge», 03 février 2016 4 Cash Investigation, Produits chimiques : nos enfants en danger, 02 février 2016 5 Centre canadien d’hygiène et de santé au travail, consulté le 16 mai 2016, http://www.cchst.com/ oshanswers/chemicals/chem_profiles/ammonia.html 6 Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer, http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/lessentiel/ar/246/211/contamination-globale-cours-deau-pesticides.html, p.1


64

Concentration en nitrate dans les nappes phrĂŠatiques et limite des bassins versants

0,25 mg/L

BV aĂŠrien

0,25 - 0,4 mg/L

BV souterrain

> 0,4 mg/L

0

5 km

10 km


65


Une dynamique de reconversion agricole en espace périurbain Le parcellaire à proximité de la ville d’Amiens a subi un remembrement permanent depuis les années 1980, du fait de la mécanisation des exploitations, faisant pratiquement disparaitre la diversité des productions (cf.p.40). En parallèle, on note une diversification du mode de consommer à l’échelle nationale et locale. Les circuits courts (bienvenue à la ferme, ferme cueillette, paniers locaux, AMAP, marchés) sont de plus en plus sollicités par la population et facilitent l’insertion de nouveaux exploitants maraîchers à proximité de la ville. D’après Benoît WALBROU, les exploitations maraîchères sont plus faciles à installer dans les limites du périurbain : «On accompagne des petits projets qui coïncident parfaitement à l’échelle périurbaine. Car on ne va pas trouver de l’agriculture conventionnelle sur des parcelles de 300 ha en frange urbaine même si cela existe à Amiens.»7 Elles répondent à une qualité de vie recherchée par les nouveaux habitants. En effet, l’usage moins prégnant des produits phytosanitaires permet de conserver et d’améliorer la qualité du cadre de vie périurbain.

«Des maraîchers sont installés à Pont de Metz. Ils sont assez exemplaires. On a mis en œuvre tous nos rouages pour arriver à les installer. Ils sont dans un périmètre de protection de captage d’eau d’Amiens Métropole. Amiens Métropole a mis à disposition des terres auprès de ces porteurs de projet. On a mis en place des AMAP pour écouler leurs produits notamment au sein même d’Amiens Métropole. Ils sont en frange urbaine, ils sont à deux sur un projet d’agriculture biologique qui fonctionne très bien.»8

66

Les circuits courts doivent être soutenus et alimentés par une diversification de l’offre agricole afin de répondre à la demande croissante de qualité des produits alimentaires.

7 WALBROU,Benoît, entretien mené le 27 avril 2016 8 Ibidem


67



Une politique globale en faveur du paysage à l’échelle de la communauté d’agglomération d’Amiens Métropole Contenir l’urbanisation Densifier les entités urbaines : les centres-bourgs des villages bosquets et le coeur d’agglomération d’Amiens Intégrer l’urbanisation préexistante dans une logique de mise en valeur des repères urbains (tour Perret, cathédrale, Pigeonnnier, tour de télécommunication de Dury) Tamponner les eaux pluviales dans une logique d’urbanisation peu dense pour rendre lisibles les fonds de vallées sèches Atténuer les co-visibilités et urbaniser les lignes de crêtes pour révéler la géographie vallonnée de plateau Valoriser le patrimoine des centres-bourgs de la couronne amiénoise (patrimoine bâti, chemin de tour de ville, bosquet d’arbres et calvaires)

Rééquilibrer l’offre commerciale Conforter les pôles d’activités en réhabilitant les parties existantes : favoriser les modes actifs, développer des espaces publics qualitatifs, réduire les espaces de stationnement et optimiser la desserte en transport en commun

69

Diversifier l’activité agricole Restaurer la silhouette arborée des villages bosquets : constituer une nouvelle lisière boisée directement induite par l’implantation de pavillons en bord de village et le développement du maraîchage Perméabiliser les sols dans les vallées sèches : proposer une agriculture vertueuse en frange de ville, en favorisant le maraîchage, l’agroforesterie et les petites exploitations

Développer les mobilités actives et l’offre touristique sur les plateaux Développer des circuits de petites randonnées en utilisant l’armature des chemins d’exploitations existants Renforcer l’offre de transports en commun existante Construire une nouvelle véloroute pour découvrir le patrimoine de plateau entre Amiens et Doullens

Socle du projet Échangeurs Aménager les voies rapides comme étant des belvédères Les radiales : routes romaines à souligner par des alignements d’arbres Alt. 50m : une rupture de pente délimite plateau et vallées humides Communauté d’Agglomération Amiens Métropole Boisements de plateaux et rideaux Paysages humides de fond de vallée : peupleraies, marais tourbeux 0

0,6

2,4 km


Ces différents enjeux permettent de cibler les quatre thématiques que le projet considère : la mobilité, l’habitat, les économies (agricole et commerciale) et le loisir. Le projet de paysage doit participer à l’amélioration du cadre de vie des amiénois en proposant une meilleur lecture de la vallée sèche de Saint Ladre située en partie nord de la ville. Cet enjeu principal permet non seulement de proposer une nouvelle manière de vivre dans l’espace périurbain d’une métropole mais également de réinterroger le modèle économique actuel et de ses conséquences sur le paysage amiénois. 70

L’enjeu du projet est donc d’aménager au nord d’Amiens une extension du quartier Saint Ladre actuel qui ne soit pas uniquement un espace commercial –avec la nouvelle implantation de Frey– mais un quartier mixte, vécu, dont l’identité est directement rattachée à un élément paysager géographique réel : la vallée sèche de Saint Ladre, transition physique entre le plateau amiénois et la ville d’Amiens. La prochaine partie présente les outils mis en place pour constituer cette extension de quartier, dans le cadre d’une frange épaisse boisée faisant écho au passé du territoire et à la structure historique des villages bosquets.


IV – Dessiner une nouvelle lisière de ville dans la vallĂŠe

71

Visite de terrain le 25 mars 2016


4.1 Comment définir l’entrée de ville comme façade économique et quartier vécu ? Les grandes orientations, que je prescris, à l’échelle de la communauté d’Agglomération sont de contenir l’étalement urbain au cœur des entités urbaines. En préservant le foncier agricole, cette logique de densification permet également de distinguer les différentes structures paysagères emblématiques du plateau picard qui ponctuent le paysage d’openfield. A l’échelle d’Amiens, l’urbanisation est contrainte à l’intérieur de la rocade. Pour améliorer le cadre de vie des habitants de la périphérie et dans une logique de diversification des pratiques agricoles à proximité des habitations, le projet de paysage propose de constituer une nouvelle couronne vivrière à Amiens. Cette orientation ne se veut pas nostalgique mais souhaite renforcer les dynamiques déjà présentes sur le territoire. Comme évoqué en partie 1.3, l’espace périurbain est le lieu stratégique pour l’installation d’exploitations maraîchères à taille humaine. En favorisant ces installations, le projet défini une qualité de vie nouvelle, cause d’une mixité programmatique. L’urbanisation projetée doit pouvoir réhabiliter l’existant de manière à faciliter les échanges –sociaux, commerciaux, faunistiques– entre les différents quartiers périphériques mais également planifier les extensions en composant avec l’habitat, les activités tertiaires et commerciales, les équipements, les activités agricoles et les espaces publics.

72

1950

1990

2050

Evolution souhaitée de l’espace périurbain : une nouvelle couronne vivrière à Amiens

A l’échelle de la vallée sèche de Saint Ladre, le projet aménage le quartier dont l’identité est directement rattachée à l’élément géographique sur lequel il se construit. Mettant en valeur les caractéristiques paysagères de la vallée sèche, le projet propose une urbanisation raisonnée en fonction de la situation géographique. Les lignes de partage des eaux sont construites de manière à créer des repères dans le paysage. Dans un soucis d’accompagner l’implantation du centre commercial Frey, je propose l’installation d’équipements publics, de bâtiments destinés à l’activité tertiaire et agricole ainsi que des logements. Le fond de vallée, sensible aux remontées de nappe, est quant à lui aménagé en parc de manière à tamponner les eaux pluviales et offrir un espace public vaste aux quartiers environnants.


73



Une extension de ville qui rend compte de son implantation géographique

Une Orientation d’Aménagement et de Programmation à l’échelle de la vallée sèche : stade de réflexion personnelle en avril 2016

Une desserte de transport en commun efficace et performante Sécuriser les arrêts de bus existants Créer de nouveaux points d’arrêts Conserver les lignes existantes Développer de nouvelles lignes

Un réseau dense de mobilités actives Valoriser les circuits pédestres majeurs Faciliter les déplacements entre les points d’intérêts (équipements, espaces publics, arrêts de TC) Réaménager les espaces publics existants Créer de nouvelles centralités autour de l’eau dans les futurs quartiers

75

Valoriser les voies de communication historiques Rocade belvédère Alignements éparses en espace rural Alignements denses en espace urbain Points de vue remarquables

Perméabiliser les sols Développer les énergies renouvelables Connecter les différents types d’urbanisation Aménager des espaces publics au fil de l’eau Préserver les paysages de côteaux et d’openfield

Une urbanisation orientée Urbanisation de frange : connecter à la ville, développer l’arboriculture Urbanisation inexistante : tamponner les eaux pluviales, développer l’élevage ovin et les pâtures Urbanisaton intégrée : limiter les co-visibilités, développer une agriculture maraîchère et de cultures triennales 0

100

400 m


4.2 Affirmer l’identité du futur quartier directement rattachée à la vallée sèche La ZAC : une procédure réglementaire permettant de viabiliser le projet La Zone d’Aménagement Concerté est une procédure d’urbanisme utilisée par les communes et les communautés de communes. Elle permet d’avoir la main mise sur l’aménagement d’un espace et de contrôler le foncier sur une période très longue. Cet outil pourra être utile dans le cadre de la métropole. En effet, Amiens n’ayant aucun contrôle sur l’espace de la frange nord –le foncier appartenant à différents particuliers– accepte les opérations immobilières au compte-goutte en attribuant les permis de construire à l’aménageur intéressé après qu’il ait acheté les terrains auprès des particuliers concernés. Pour viabiliser le projet que je propose pour l’entrée nord d’Amiens, il est intéressant de proposer une acquisition foncière qui puisse s’établir sur le long terme afin d’avoir une maîtrise du foncier et maintenir la qualité spatiale de l’aménagement. Les ZAC ont un règlement précis définissant les types d’aménagement mis en place par les parties privées et publiques. Elles abordent en détail l’aménagement des parcelles urbanisables à destination des habitations, des activités. Elles définissent également sur papier la qualité des espaces publics, l’aménagement souhaité et le type de limites générant une cohérence d’ensemble. C’est un outil qui, pour mon travail personnel, peut concilier l’urbanisme, la gestion du foncier et l’agriculture autour de l’anticipation foncière. Il considère le paysage comme une multitude de richesses à conserver afin d’améliorer le cadre de vie préexistant. 76

En effectuant des recherches sur la qualité paysagère d’une ZAC, celle de la Morinais à proximité de Rennes a retenu mon attention. Cette procédure a été lancée en 1992 –bien que les réflexions aient été menées depuis les années 1970– et est encore en cours de construction. C’est un territoire de 180ha qui a entièrement été acquis par la commune depuis les années 1980 après la déprise militaire des années 1970. La commune a ensuite lancé un appel d’offre dans l’objectif de définir un réel centre-ville à St-Jacquesde-Lalande. L’équipe lauréate de l’urbaniste Prantas-Descours s’est associée à l’agence de paysage Bruel & Delmar. Leur projet rend lisible la géographie du site par l’aménagement des différentes opérations immobilières. « L’affirmation de l’appartenance au plateau, au coteau ou à la vallée se fait par les profils en travers, leur façon de recueillir les eaux pluviales et leurs plantations. Ces thèmes sont déclinés à toutes les échelles depuis les espaces publics, l’avenue, les cours, le parc, les rues, jusqu’aux espaces privés, les cours intérieures, les jardins, les seuils, les portes… »1

Prenant place dans la vallée humide du Blosne, le projet propose une récupération des eaux pluviales qui définit la structure viaire et la délimitation des lots à bâtir. L’ensemble des habitations s’oriente dans le sens de la pente. Le réseau dense de venelles piétonnes s’ouvre sur un parc public de 40ha. Il valorise les différents paysages préexistants : bocage rennais, landes, marécages. La trame établie par le système de fossés permet de définir des lots de 150x150m et facilite le découpage du projet par phase de travaux. L’axe structurant du centreville est réalisé dans un premier temps afin de mettre à disposition les équipements nécessaires à la population future. 1 BRUEL & DELMAR, http://www.brueldelmar.fr/fr/project/6/quartier-de-la-morinaisles-espaces-publics/


« Les voies nord-sud marquent les grandes limites géographiques, le cours Camille Claudel en ligne de crête, la route de Redon et le cours Jean Jaurès en rupture de pente, la « crête militaire » en limite du plateau et la « voie-digue » en limite de zone inondable à flanc de coteau. Ces limites sont traitées 77 principalement par le recueil des eaux pluviales de chaque partie amont. » La ZAC de la Morinais : une urbanisation qui répond aux exigences géographiques du site Source : www.brueldelmar.fr


Amiens n’a pas la possibilité de réaliser une acquisition foncière d’une telle ampleur. Pour faciliter la réalisation du projet de paysage, l’intérêt serait de mettre en place un établissement public foncier (EPF) afin d’acquérir les espaces stratégiques au développement de l’agglomération. Cet établissement propose des services à l’échelle du département pour l’ensemble des collectivités locales dans l’objectif de valoriser les espaces en désuétude, les friches et le foncier agricole à préserver. Inexistant dans la Somme, il serait intéressant de le proposer dès maintenant pour avoir une maîtrise foncière partagée. Le projet de ZAC peut néanmoins être porté par la Société d’Economie Mixte (SEM) Amiens Aménagement. En effet, cette structure est un aménageur local qui gère bon nombre de projets urbains actuels, dont la ZAC Gare la Vallée qui totalise 103ha. Ce projet propose un programme similaire à mon travail : 100 000m² SHON d’habitations, 250 000m² SHON destinés aux activités commerciales, tertiaires et équipements publics. « Créée en 2006, elle a pour ambition d’augmenter l’attractivité de la métropole en permettant l’accueil de nouvelles activités tertiaires, services, commerces et logements de qualité sur un site exceptionnel. […] cherche à développer une nouvelle nature urbaine. […] Les constructions démarreront, à mesure de la commercialisation, dès 2015. »2

78

Pour la création de la ville nouvelle de Villeneuve d’Ascq, l’Etat a créé l’établissement public d’aménagement de Lille Est (EPALE) en 1969 par arrêté préfectoral. Il mène la politique de l’État sur le terrain et acquiert le foncier nécessaire pour la création de la ville nouvelle en appliquant une procédure de Zone d’Aménagement Différé (ZAD) et de Déclaration d’Utilité Publique (DUP). Il maîtrise le développement de la ville au fil du temps et lance des procédures de ZAC pour la réalisation des différents quartiers de la ville. Travaillant à une échelle beaucoup plus vaste que le terrain de projet, l’EPALE définit un schéma directeur à l’échelle des ZAD et DUP afin de donner les grandes orientations d’aménagement de la ville nouvelle. Des équipes pluridisciplinaires sont constituées afin d’aménager les différents quartiers. L’EPALE a une maîtrise totale de l’aménagement des quartiers et met à disposition des promoteurs commerciaux, des bailleurs sociaux, des parcelles à aménager. Des baux emphytéotiques sont signés entre les deux parties. C’est au bout de 90 ans que le foncier et le bâtiment construit reviennent à la collectivité territoriale. Le travail de recherches de l’année passée a cependant révélé les dysfonctionnements qui existent lorsque des investisseurs privés s’intéressent à des parcelles dans des ZAC peu programmées. Le Plan d’Aménagement de Zone (PAZ) doit être extrêmement contraignant pour que les enseignes participent à définir un paysage qualitatif. L’EPALE a défini un PAZ peu contraignant concernant la ZAC de Valmy. Il a laissé une certaine liberté d’aménagement aux promoteurs commerciaux. Ces derniers n’ont pas porté un réel intérêt concernant la qualité architecturale du bâti et la cohérence de la ZAC.

2 SEM Amiens Aménagement, http://www.amiens-amenagement.fr/Projets/Gare-la-Vallee/ Le-projet-urbain, consulté le 30 mai 2016


79

La ZAC Gare-La vallée : une emprise foncière importante, projet porté par la SEM Amiens Aménagement Source : www.empreinte-paysage.fr


Les éléments paysagers permanents du projet : quels services rendent-ils ? Pour accueillir une urbanisation future de la ZACOM et la réhabilitation du quartier Saint Ladre existant, il est nécessaire de rendre lisible les éléments paysagers caractéristiques de la vallée sèche sur laquelle ces deux quartiers s’installent. Ces caractéristiques doivent être permanentes dans le processus d’urbanisation. Ceux sont ces éléments qui permettront de rendre lisible la vallée sèche tout au long du processus urbain. Il est important de définir l’identité du futur quartier par rapport aux caractéristiques paysagères de la vallée sèche Saint Ladre. C’est dans cet objectif, que le projet est dessiné à partir d’un squelette inébranlable. Il définit les éléments paysagers permanents durant toute la construction de la ZAC. Tout d’abord, les lignes de partage des eaux entre les différentes vallées sèches qui composent ce territoire seront marquées par des aménagements particuliers : la ligne de crête du Fond de Rainneville sera destinée à l’aménagement des activités tertiaires et commerciales pour conforter leur visibilité dans le territoire depuis la voie rapide tout en les intégrant dans le paysage de plateau. La route romaine qui sépare les deux vallées sèches de Saint Ladre et celle du Bas de la Terrière sera plantée d’un double alignement dense à l’exemple de la route Amiens-Arras et de celles qui traversent ces deux vallées.

80

Le fond de vallée est marqué par un risque de remontée de nappe dû à l’activité historique des fours à chaux mais aussi parce qu’il recueille naturellement l’ensemble des eaux pluviales du plateau. Le projet propose d’aménager le fond de vallée comme étant une zone humide suivant le rythme des saisons. L’urbanisation future nécessite d’aménager des espaces de tamponnement des eaux afin de limiter le risque d’inondation dans la vallée de la Somme. En aménageant le fond de vallée de la sorte, le projet renforce la caractéristique de filtre de la vallée sèche de Saint Ladre et propose un paysage humide boisé. Ce paysage a donc une triple utilité : il permet de tamponner les eaux pluviales, la végétation mise en place permet de filtrer et de dépolluer les eaux recueillies, et enfin il affirme le profil historique des vallées sèches picardes. Ce nouveau paysage est également aménagé dans le but de créer un espace public pour le futur quartier. Il sera accessible en amont de l’urbanisation par le projet de mise en réseau des chemins d’exploitation agricole. Son linéaire permet de développer un parc d’environ 20ha, surface équivalente au parc du grand Marais situé à Argoeuvres, à la sortie ouest d’Amiens. Pour recueillir et orienter l’écoulement des eaux pluviales, des radiales sont dessinées et sont espacées de 150m. Elles sont orientées dans le sens de la pente et permettent de définir des surfaces urbanisables de 150x100m environ : des lots à bâtir facilement attribuables pour différents promoteurs, bailleurs etc. Ce système hydrographique permet de mettre en place un réseau dense de haies. Elles permettent de préverdir partiellement le versant nord de la vallée sèche. L’acquéreur de la parcelle aura à sa charge la plantation de ces haies avant programmation et urbanisation. En étant définit sur le papier, ce préverdissement est une condition contraignante imposée par la SEM et la municipalité.


e Vallé é Foss

e Tortu

n Wari

aint

eS Vallé

e Ladr

ld na Ca e la

Talweg

So e m m

Crête Remontée de nappe Mettre en évidence les points hauts et bas de la vallée

81

Haies Routes Boisements tendres Définir un nouveau parcellaire à partir d’un réseau hydrographique et végétal dense

Arboriculture Constituer une urbanisation contrastée entre les versants nord et sud


Les haies plantées dépolluent les eaux récoltées dans les fossés préalablement creusés. De plus elles participent à l’intégration des opérations immobilières. Les plantations ne doivent pas excéder une hauteur maximale en fonction de la situation de la haie pour conserver les cônes de vue existants sur les repères urbains du centreville. A partir du profil historique des vallées sèches, à savoir versant nord doux adapté pour l’agriculture et versant sud abrupt colonisé par des ligneux, le projet propose une densification boisée du versant sud de Saint Ladre. Cet aménagement promeut l’arboriculture et proposera un cadre boisé pour une urbanisation dense de frange de ville à l’exemple des villages bosquets du plateau. Les habitations seront dissimulées dans la lisière boisée ainsi constituée. Les vergers aménagés s’arrêteront à la ligne de crête qui traverse le quartier du pigeonnier. Ils connecteront le quartier existant des grands ensembles avec les extensions du quartier Saint Ladre. Devenant des espaces publics dans les quartiers habités, les vergers sont mis à la disposition des habitants et peuvent faire l’objet de fêtes pour la récolte des fruits. Ils peuvent également être aménagés de manière à réorganiser les jardins vivriers existants. Pour affirmer le statut de vase communicant de la vallée sèche, une route doit être aménagée sur le versant nord. Elle souligne le relief relativement ondulé de la vallée. Elle permet également de faciliter le retour du BHNS au pôle technique de Rivery. 82

Afin de souligner les axes de communication qui traversent la vallée (E-O, N-S), des plantations permettent d’affirmer leur statut d’avenue, de boulevard et de route romaine. Ce réaménagement permet de reconsidérer la place du cycliste et du piéton sur les voies. Dans une logique d’optimisation des dessertes en transport en commun, la route créée selon l’axe E-O est aménagée de manière à fluidifier la fréquence des bus.

Centralités Prairies, pâtures Etablir des centralités : lieux de rassemblement aménagés autour d’équipements culturels, sportifs, éducatifs


Le programme envisagé de la ZAC Vallée Saint Ladre Après avoir ciblé l’ensemble des outils me permettant de viabiliser le projet, je vous explique en quelques mots ce vers quoi le projet tend. Le 05 juillet 2016, vous pourrez apprécier l’avancée de la réflexion en ce qui concerne la mixité de programmation, la définition des espaces publics et la densité prévue par îlot de construction. Le projet présentera un phasage de l’opération. A l’horizon 2020, le terrain de la ZACOM (70 ha) sera entièrement acquis par la SEM et la municipalité. Il n’y aura de ce fait, aucune spéculation foncière possible par des acteurs privés. A ce stade de construction de la ZAC, le parc situé dans le fond de vallée sera conjointement dessiné avec les habitants afin de concrétiser leurs envies. L’opération visera également à qualifier les espaces de récupération des eaux pluviales. Les fossés permettront de faciliter l’attribution des parcelles à différents agriculteurs. Ces parcelles seront soit à destination du pâturage lorsqu’elles se situent dans la zone sensible aux remontées de nappe, soit à destination du maraîchage sur la partie basse du versant nord ou encore à destination des grandes cultures sur la partie haute de ce versant, jusqu’à la ligne de crête. A l’horizon 2035, le versant sud de la vallée sèche aura été acquis et les opérations immobilières seront en cours de construction. Le réglement de ZAC aura préalablement déterminé les parcelles agricoles permanentes. Ces dernières faciliteront l’insertion de jeunes exploitants arboricoles pour perpétuer la tradition des vergers picards. En plus d’avoir une rentabilité économique (obligatoire pour l’exploitant), ces vergers participeront à la qualité du cadre de vie des habitants et définiront une frange boisée dense. Le SCoT prescrit 18700 logements à construire d’ici 2030 dans la communauté d’agglomération Amiens Métropole. Je prends cette contrainte comme un acquis afin de renforcer l’objectif de dessiner un nouvel espace périurbain à habiter. Je considère qu’il faut construire environ 3000 logements dans l’ensemble de la ZAC. Sur le versant sud de la vallée, environ 1200 logements seront construits selon une densité forte : entre 25 et 40 logements à l’hectare. Ils seront orientés de manière à recevoir un maximum de lumière naturelle, dans le sens de la pente, et aménagés autour d’espaces publics intimes. A l’horizon 2050, l’ensemble du foncier nécessaire pour la construction de la ZAC est acquis. Les opérations immobilières sur le versant sud seront terminées. La ligne de crête du versant nord sera en cours de construction. Cet espace est une extension du quartier Saint Ladre existant. Cette partie du projet propose des lieux de rassemblements, aménagés à proximité de la route E-O créée. Ils sont aménagés autour d’équipements nécessaires à la vie quotidienne des habitants : école primaire, collège, lycée. Le projet propose l’installation d’un pôle de recherche rattaché à l’université Jules Verne. Ce pôle universitaire prendra place à proximité de la plateforme multimodale située dans le quartier existant. Cette continuité pédagogique permettra de sensibiliser et former des jeunes à l’agriculture biologique, et ce depuis leur plus jeune âge. Une piscine, une médiathèque, une salle de concert sont envisagées pour dynamiser le quartier d’un point de vue culturel. Des partenariats seront établis entre les associations existantes, les écoles et ces nouveaux lieux pour programmer des évènements festifs partagés. Cet aménagement paysager est répété dans la vallée sèche Tortue et le fossé Warin en considérant la rocade comme limite physique. Les friches commerciales situées sur leur versant sud seront converties en parcelles arboricoles à proximité de la rocade. Les parcelles les plus proches de la ligne de crête seront réhabilitées pour la construction de bâtiment agricole : serres, pépinières, séchoirs à graines, industrie de transformation, lieu de stockage des productions, lieu de vente. L’espace industriel nord, fera l’objet d’une intégration paysagère émanant des parcelles de grandes cultures céréalières, délimitées par un système de haies vives.

83


84

Lombriculture Limite boisée épaisse des jardins familiaux Quartier du Pigeonnier Plateau sud Fond de vallée

Avenue de l’Europe


Ouverture Le sujet est bien d’anticiper la future urbanisation de la vallée sèche Saint Ladre en permettant un investissement de l’espace périurbain par l’ensemble des habitants. Il s’agit de faire correspondre la nouvelle extension urbaine et la géographie sur laquelle elle s’inscrit. De mettre en évidence les éléments de paysage indispensables et permanents pour aménager la structure paysagère de la vallée sèche. Pour cela il est nécessaire de permettre aux habitants de l’arpenter, l’habiter, la fréquenter pour les différents usages qu’elle propose. L’aménagement du fond de vallée en parc public facilite une prise de conscience quant à ce qu’il est nécessaire d’aménager pour tamponner les eaux de pluie récoltées depuis les surfaces imperméabilisées. De plus, le rythme induit par les remontées de nappe favorise la constitution de milieux écologiques riches, variables en fonction de l’hydrométrie du sol. Le projet conçoit des lieux de rassemblement, constitués autour des équipements préexistants et futurs pour que les habitants du plateau nord puissent profiter de commodités nécessaires à leur vie quotidienne. C’est en ce point que le projet prévoit un aménagement pérenne autour du projet Frey pour donner un second souffle au pôle commercial de Saint Ladre. Le schéma d’aménagement proposé à l’échelle de la vallée Saint Ladre se déploie à l’échelle de la vallée sèche Tortue. C’est dans ce cadre que le pôle commercial Saint Ladre et l’Espace Industriel Nord font l’objet d’un aménagement particulier permettant leur intégration paysagère. Prenant place sur les points hauts des vallées, ces pôles d’activités sont modifiés de manière à définir des masses boisées, à l’image des villages bosquets (cf. partie 1.3).

85

La rocade est considérée comme la limite physique du projet. Au delà de cette limite, la diversification des pratiques agricoles doit être effective en périphérie des centresbourgs : elle participe à définir une nouvelle lisière boisée aux villages bosquets afin d’intégrer les pavillons déjà construits. La complémentarité entre habitat, activités et loisirs doit être prescrite à l’échelle de communes périurbaines. Cette logique de planification considère l’agriculture comme matière de projet dynamique. En diversifiant les pratiques agricoles, le projet travaille la complémentarité entre agriculture raisonnée et élevage, maraîchage et arboriculture. Espace Industriel Nord Carrefour Emprise Frey

Croquis réalisé sur le terrain, 17 décembre 2015


Entretiens Entretien avec l’agence de paysage HYL, au sujet du parc d’activités des communes de Ploisy et Courmelles (02), 05 janvier 2016 Comment avez-vous eu connaissance de l’appel d’offre de la ZA du plateau ? Date de l’appel d’offre ? En 1999, le Moniteur des travaux Public avait une rubrique « appel d’offres concours infrastructures et paysage ». Il y a eu une annonce pour un concours à Ploisy pour la création et la réalisation d’un parc d’activité sur le plateau de Soissons. A l’époque, il était estimé à 60 millions de francs ce qui indiquait une recherche de qualité sur cette opération. Il était demandé un paysagiste et ou un urbaniste mandataire. Quel était le cahier des charges (est-il possible de le transmettre ?) ? Pas de réponse à ce sujet Comment y avez-vous répondu ? Comment vous êtes-vous saisis du cahier des charges ? Pascale Hannetel avait déjà réalisé avec Anouk Debarre une jolie zone industrielle, souvent publiée, à La Ferté–Bernard. L’Agence HYL existait depuis seulement quelques mois. Pour ma part j’étais le seul à posséder les qualifications de paysagiste et d’urbaniste (diplômé DESS de l’école d’urbanisme de Grenoble). De plus je connaissais bien la Picardie car j’avais travaillé 4 ans à Amiens comme Ingénieur des Travaux Publics de l’État. C’est donc naturellement que je me suis saisi de cette opération. Nous avons envoyé notre candidature et avons été retenu pour concourir. C’est Yannick Ferry et Emma Johnasson (paysagiste danoise) qui m’ont aidé jusqu’à la livraison des premières phases de chantier. Y-a-t-il eu beaucoup d’échange avec la maîtrise d’ouvrage avant de rendre le concours ? Il y a eu une visite organisée par le maître d’ouvrage sur le site. Ce dernier a indiqué qu’il voulait un parc d’activité « de qualité » qui soit digne du site et de sa position en entrée de ville de Soissons. Le site néanmoins semblait fuyant sans qualité paysagère structurante. Une vaste plaine à blé et à colza. Seule une vallée au nord rompait cet effet et partout un ciel immense. J’ai tout de suite pensé à l’impact ici de la construction de bâtiments de logistique. Une rupture brutale des

86

échelles et de la seule qualité du site : son immensité et le ciel Picard ! Avez-vous des pièces graphiques et écrites du rendu ? Pas de réponse à ce sujet Aviez-vous pris connaissance du schéma directeur de 1995, rédigé par l’agence de Michel CORAJOUD ? Dans le programme il n’y avait pas de référence à l’étude de Michel CORAJOUD. Je n’en ai eu connaissance que lors des études d’AVP et j’ai été content de constater que mon projet se glissait parfaitement dans ses préconisations. Une fois le concours remporté, comment les choses se sont-elles déroulées ? En 2001, le projet a été publié dans les journaux officiels, et a permis de relancer les consultations pendant un an. Le contrat a été signé en 2001. Le projet s’est établi en plusieurs phases pour découper le terrain de 300 ha en plusieurs tranches de travaux mais il n’est pas certain qu’à termes la troisième soit réalisée. Une mission d’urbanisme était menée en parallèle entre 2004 et 2008. Nous devions rédiger le cahier des charges, le dossier création et réalisation de la ZAC ainsi que le plan et le règlement des PLU de Ploisy et Courmelles. N’ayant les compétences d’urbanisme réglementaire au sein de l’agence, nous avons fait équipe avec un spécialiste de ce domaine ainsi que sur la loi sur l’eau. Le projet a été réalisé entre 2004 et 2012. A quel moment est venu la rédaction du cahier des charges, à destination des entreprises souhaitant s’installer sur le plateau ? Nous avons beaucoup travaillé pour ce projet à enjeux fort et nous avons gagné le concours. Un contrat de maitrise d’œuvre fut négocié ainsi qu’un contrat d’urbaniste afin de réaliser les cahiers des prescriptions architecturales et paysagères que devraient respecter les futurs acquéreurs de parcelles. L’AVP fut lancé sur la base du parti du concours : maîtriser les effets d’échelle, conserver la lisibilité de l’immensité du plateau en aménageant de vastes bandes boisées qui soient la marque de fabrique du site et également la réponse écologique du projet, faisant appel à des notions simples et centrales liées à l’environnement. La rédaction s’est faite simultanément en phase AVP, en 2004. Il a souvent été rectifié et mérite d’être refait. Il a été une première fois amendé en 2008. Les entreprises ont bien joué le jeu. Il y a des configurations qui n’existent plus, comme à Courmelles : une voie secondaire en anneau. Ce ne sont plus les mêmes configurations de parcelles qu’à l’origine du dessin. Globalement, le projet a beaucoup été redessiné pendant les travaux, en 2008 et 2009. Les deux phases ont été réalisées car Ploisy avait des petites parcelles et 17 ha ont été vendus d’un coup à un industriel. Courmelles 40 ha.


Êtes-vous retourné sur le terrain depuis ? Oui, et c’est un partis pris. Dans le volet travaux et paysage nous avions prévu un budget alloué à l’entretien de la ZAC sur 4ans. Cela nous a permis de suivre le projet sur le long terme pour évaluer le développement de toutes les immenses bandes bocagères. Nous avions également prévu d’analyser l’évolution des grands mouvements de terrain, les grands glacis qui permettent de masquer les parkings qui se situent sur l’espace public. Tout n’est pas figé, tout n’est pas fini. Nous faisons un suivi de chantier par an car le projet n’est toujours pas terminé. Dans le contrat de maitrise d’œuvre nous avions négocier une présence ponctuelle de suivi d’entretien des boisements de 2 ans car il est nécessaire d’opérer la sélection des végétaux régulièrement afin d’assurer la pérennité des plantations. Des réunions ont été organisées avec les entreprises qui se sont installées (mission d’urbanisme). Quel est votre avis sur son aspect actuel ? Est-il le résultat escompté ? C’est exactement l’idée de départ. Les parkings sont bien entretenus, c’est efficace comme dispositif. 1 million de m3 de terre bougée pour le terrassement. Les bassins sont bien intégrés, on ne se doute pas des réserves d’eau. Mais la zone d’activité a du mal à se remplir : Soissons est une région encore sinistrée… Et le projet n’est pas encore finalisé. C’est un projet vraiment très intéressant. Aujourd’hui, j’ai une incertitude quant à la faisabilité d’un tel projet (surtout au niveau de la maîtrise d’ouvrage) car la communauté d’agglomération du Soissonnais a payé pour des boisements de 100 m de large. Aujourd’hui, il est impensable de dépenser autant d’argent dans le paysage. Sans Gonzague Sandevoir nous n’aurions pas pu faire ce projet. Dès les premières constructions j’ai été très satisfait de l’insertion des grands bâtiments de logistique entre les larges bandes de boisement. Les principes défendus lors du concours ont été respectés. Tout a parfaitement bien fonctionné. Comment la palette végétale a-t-elle été définie ? Les plantations privées et publiques sont exactement les mêmes. Le choix d’un bocage simple est efficace aujourd’hui. A l’origine, le plateau est très venté, nous avons eu une difficulté dans le choix des essences. La préparation de sol a été une étape de travaux très importante. Le sol argilo-limoneux et lourd n’était pas propice à de telles plantations. Nous avons associé l’entreprise Espaservice spécialisée dans le secteur de la biologie végétale au service du paysage. Ensemble, nous sommes parvenus à définir une stratégie adaptée de plantation des boisements. Cette stratégie était basée sur une mise en œuvre particulière des plantations et des terrassements du parc d’activité. Le décapage et le stockage de la

terre végétale propres aux plantations arborées ont été faits sous la forme de grand andins échappant au compactage87 lors des travaux de terrassement généraux. La création de « bandes pédologiques » de 0.75m de profondeur sur 1m de large étaient destinées à être remplies par la terre végétale décapée. Dans ces bandes pédologiques, nous avons plantés des essences de jeunes arbres (petite taille (14-16)) pour composer la structure des boisements. Cette stratégie fut une réussite compte-tenu du développement visible aujourd’hui des bandes de boisement. Aujourd’hui, on a l’impression que ça a été là depuis toujours. Ce qui est remarquable, c’est que ces bois participent à régénérer une biodiversité riche : beaucoup de faunes différentes (gibiers, oiseaux, insectes, etc). La gestion des eaux pluviales fut un des éléments forts du projet. Nous avons créé de très vastes bassins de rétention et des fossés qui amènent l’eau dans des bassins distant de 5 km (dans la commune de Berzy). Le choix fut dicté par la géologie car à Berzy on retrouve des couches géologiques sableuses propices à l’infiltration des eaux pluviales. Nous avons également dessiné ces bassins. Etiez-vous au courant que les bois allaient faire l’objet d’une procédure de classement ? Je ne savais pas que les boisements allaient être classés. J’avais seulement insisté qu’ils deviendraient des refuges écologiques sur le plateau. On a rencontré la bonne personne au bon moment. Comment s’est passé les négociations avec les élus concernés pour faire accepter le projet ? Nous avons fait un grand travail pédagogique auprès des services, surtout auprès des agriculteurs. Car ils ne voyaient pas l’intérêt de planter des bandes aussi larges qui empiètent sur le territoire agricole. Cette démarche de sensibilisation fonctionne moins bien aujourd’hui. La crise étant encore présente, l’intérêt de développer de vastes espaces publics n’est pas au rendez-vous. Il faut de la rentabilité. Les pouvoirs locaux minimisent les espaces publics pour un maximum de rentabilité financière et foncière. La 2e phase du projet peine à voir le jour. Les extensions se font plus difficilement. Avez-vous utilisé cette même démarche de sensibilisation pour les autres projets ? Ce projet est une réussite et il m’a servi pour aborder des questions similaires comme l’aménagement du parc d’activité de Mivoie le Vallon à Rennes où cette fois tout s’organise autour de la recomposition de la trame bocagère. (C’est aussi une réussite pour l’insertion des constructions industrielles dans l’entrée sud de Rennes). Aujourd’hui tout est occupé, c’est une zone qui est juste à côté de l’aéroport.


Entretien avec Aurélien Wéry, direction de l’urbanisme de Tourcoing, 20 janvier 2016 Juliette : Comment peut-on considérer la problématique des entrées de ville à Tourcoing ? Pour les entrées de ville, on est sur plusieurs problématiques. Tourcoing est une ville transfrontalière. On a déjà une partie tourquennoise qui est accolée à la Belgique et va avoir des réglementations différentes. Mais on n’est pas tant concerné par la problématique des entrées de ville. On a une rue qui va permettre d’aller à Moucron, la rue des 3 pierres. Comme on est sur une continuité bâtie, on ne ressent pas cette distinction des entrées de ville. On a également une problématique liée à l’autoroute, l’A22 : avec deux entrées. On arrive sur une zone commerciale essentiellement située sur Bondues. Puis on passe sous deux ponts qui vont marquer physiquement l’entrée (un routier, un pour la voie-ferrée). Quelque chose de similaire, bien que ce soit tout à fait différent en termes de paysage, c’est l’entrée de la ville par les grands boulevards et notamment, l’Avenue de la Marne. Elle relie Tourcoing à Lille. Cette entrée de ville est à soigner car on est sur des communes traversées assez riches, au niveau de Wasquehal et Marcq-en-Baroeul, qui offre une qualité architecturale assez intéressante. On est sur une double voie plantée, avec le tramway, pistes cyclables et des bâtisses assez anciennes. C’est un élément fort en termes d’entrée dans la ville. Ne pas oublier celle qui est intimement liée à la desserte de l’autoroute, avec une atmosphère beaucoup plus routière. L’entrée de Pont Neuville. On est sur des problématiques paysagères de parc d’activités. J’en rajoute une autre également. Elle est liée à l’extension de la ville dans les années 60-70 et toute cette question du développement de ZC avec Auchan Roncq. On est sur des problématiques d’affichage de publicité. On voit bien la distinction entre la ZC et toutes ses enseignes connues et le reste de la ville. A Tourcoing, on a un boulevard qui ceinture une partie de la ville, le boulevard industriel. Il fait la différence entre le centre de la ville et ses périphéries. On retrouve un certain nombre de friches industrielles. C’est là qu’on retrouve les entreprises encore en place comme La redoute, et les anciennes usines. Ces grandes emprises sont des lieux généralement utilisés par des commerces, des dépôts (bricodépôt, meubles belges…). Ce sont des espaces de vente et de stockage, des activités qui sont « facile à mettre » dans ce genre de bâtiment industriel car elles nécessitent de grands espaces et des dessertes faciles. Le boulevard Gambetta, du centre-ville jusqu’à Roubaix, est une des principales liaisons de Tourcoing. La rue de Roubaix à Tourcoing, qui devient la rue de Tourcoing à Roubaix, a également une problématique d’entrée de ville même si

88 on a toujours une coupure qui se fait avec la présence de la voie ferrée et le quartier de l’épidème qui est un peu enclavé. Il le sera moins avec la finition de la ZAC de l’Union. Par qui est porté le projet de la ZAC de l’Union ? C’est un projet porté par les trois villes mais également par un aménageur : la SEM (Société d’Economie Mixte), dont le siège est à Tourcoing, essentiellement financée par le privé et le public (surtout la MEL). Il y a de nombreuses réunions pour parler du projet. Pour parler plus précisément de la ZAC de l’Union, c’est un éco-quartier au sens du ministère. Il a été labellisé en 2011 ou 2012 avec les critères de labellisation du ministère. C’est encore aujourd’hui quelque chose qui se met en place. Il y a beaucoup d’éco-quartiers aujourd’hui qui se disent éco alors qu’en fait ce n’est pas tout à fait le cas. Elle s’étend sur 80 ha, essentiellement constitués de friches industrielles, comme LATOCE. Il y a eu une première implantation en 2012 avec l’ouverture du CETI (Centre Européen du Textile Innovant) sur un terrain pollué. Il n’y a pas eu de réhabilitation de bâtiment, c’est un bâtiment qui a été construit pour l’opération. Depuis peu, Kipstadium à cheval sur Roubaix et Tourcoing, a également pris place, le long du canal avec de multiples terrains de sport. Et bientôt, il y aura l’inauguration de la ruche d’entreprises qui va s’installer dans un bâtiment neuf. Il y a les premiers logements qui ont été livrés l’année passée dans de nouveaux bâtiments. Et dans l’usine même, on a le siège de la Voix du Nord, on a eu une antenne de l’institut du monde arabe (musée) qui va venir dans l’ancienne piscine du centre-ville, un peu comme à Roubaix. Il y a un certains nombres d’entreprises qui se sont installées. C’est un énorme chantier. Les premières réflexions ont été menées par la DATAR, en 1967. On s'est dit « autour du canal de Roubaix et de Tourcoing, il y a des usines qui sans doute offriront du foncier mutable dans quelques années ». Le premier bâtiment qui est sorti de terre a été livré en 2012. C’est un travail de longue haleine. Pourquoi ? C’est une question de pilotage. Les activités textiles ont généré une pollution des sols, ce qui a nécessité de grands travaux. Ce sont des grandes emprises privées et cela a complexifié les acquisitions foncières. Dans le Nord-Pas-de-Calais, c’est l’EPF qui avait pour but d’acquérir, de dépolluer puis de revendre aux collectivités et à la SEM pour avoir une certaine maîtrise du foncier. Aujourd’hui, le foncier est bien maîtrisé, c’est plus une problématique de commercialisation qui se pose. S’ajoute à cela la question de ce que l’on conserve et ce qu’on démoli. Il faut savoir que sur Roubaix et Tourcoing, on est situé en ZPPAUP (Zone de Protection du Patrimoine Architectural Urbain et Paysager) et cela veut dire qu’au nom du patrimoine industriel l’ABF de la DRAC regarde tous les Permis de Construire (PC) et émet des avis. Il y a donc un interlocuteur en plus, et cela complexifie la gouvernance du projet. Pour continuer sur la ZAC de l’Union, je propose de parler de la plaine image. C’est un territoire qui se situe à cheval sur Roubaix et Tourcoing, éloigné du centre-ville mais proche du canal et de la desserte routière.


C’est l’ancienne usine de Van Outayve, famille de Roubaix Tourcoing. C’est un ensemble d’entreprises du jeu-vidéo, de la télé, de cinéma. Elle fait partie du renouveau urbain et c’était une politique forte de faire venir ces secteurs et d’attirer de nouvelles populations et notamment des étudiants. Il faut savoir qu’il y a beaucoup de jeux-vidéos qui sont produits ici. Ces activités occupent des bâtiments anciens rénovés. Et les nouveaux programmes vont être livrés dans de nouveaux bâtiments qui vont se greffer à l’existant. J’ai vu que vous aviez un certain nombre de questions. Oui. Vous avez bien introduit le propos sur la reconversion de certaines friches dont la ZAC de l’Union et la plaine image. Je voulais surtout connaître le processus qui s’est mis en place pour l’ensemble des friches et comment la ville de Tourcoing s’est saisie de ces espaces pour essayer de développer une nouvelle économie. Ce qu’il faut savoir c’est qu’il existe encore aujourd’hui des industries dans la ville. On a un tissu industriel qui occupe des locaux de l’époque. Pas comme le textile de l’époque mais pour d’autres activités économiques qui sont venues au moment du déclin de l’industrie. Il y a eu deux déclins dans le Nord-Pas-de-Calais : le charbon et le textile. Dans la MEL, ce qui est venu remplacer peu à peu les activités, ce sont les entreprises de vente par correspondance (La Redoute, les 3 Suisses, Phildar, Damart). Encore aujourd’hui, elles sont présentes même si aujourd’hui il y a des licenciements de plus en plus importants. Le tissu industriel n’est pas mort bien qu’il ait été en déclin à un certain moment. Mais cela s’est fait de manière progressive avec la Linière à Roubaix en 1980. A Tourcoing s’est venu dans les années 2000-2004, où on voit la fermeture de LATOCE. Comment les villes se sont saisies de cela ? Il y a eu le maire de Roubaix et celui de Tourcoing. Je ne connais pas très bien les personnalités mais je pense qu’il n’y a peut-être pas eu une vision d’ensemble. On ne s’est pas retrouvé avec plein de friches au même moment. C’est venu au fur et à mesure. La plupart des terrains en friche n’était pas des terrains publics et on ne peut pas agir du jour au lendemain en disant « Rasez moi votre usine on va construire autre chose ». Il y a eu le programme de loft, ces habitations dans les anciennes usines. Il n’y en a pas eu partout parce qu’on ne peut pas créer de l’habitat dans toutes les usines pour des questions de sécurité, de pollution. La question à l’époque c’était de savoir comment proposer une nouvelle offre de logement sur Roubaix et Tourcoing. Ce qui prédomine dans le parc du logement de ces deux villes c’est l’habitat ouvrier, la maison des années 1930. Beaucoup de personnes sont propriétaires de leur maison. L’idée des lofts c’était de pouvoir changer le type d’habitat et de faire venir un autre type de population dans le tissu urbain, tout en préservant le côté historique. C’est resté connoté « bobo » « atelier d’artistes » pendant pas mal d’années. Aujourd’hui on fait de tout en loft : logements sociaux, logements en accession, logements à la vente. Tourcoing est l’une des villes en France où 17% des nouveaux logements créés chaque année sont des lofts. Les politiques se sont saisies de cette question. L’ancien maire de Roubaix a également été élu au conseil régional, à la rénovation urbaine. Il a été moteur pour porter ce type de projet à Roubaix et aussi à Tourcoing. Il y a eu l’implantation de supermarchés dans d’anciennes usines car il y avait de grandes surfaces libres nécessaires à leur activité. Mais ce n’est pas forcément lié à une politique particulière. Ce sont des opportunités privées. Dans les acteurs incontournables qui ont permis la reconversion des sites industriels j’en retiendrais deux : - L’un est institutionnel, l’EPF. Celui du Nord-Pas-de-Calais était d’ailleurs le premier créé en France. C’est un établissement public qui va permettre de les nettoyer puis de les céder à la collectivité. Cela a permis de stabiliser et sécuriser le foncier d’un certain nombre de friches industrielles. C’est un outil qui est en train de se développer partout en France. - La politique culturelle de Lille 2004 : elle a permis aux habitants de s’approprier des lieux de friches qui vont être réhabilités en lieux culturels. Sur Lille, on pense tout de suite aux maisons folies. La culture va permettre de valoriser les friches de la sorte. l’EPF a t-il récupéré l’ensemble des friches industrielles de la ville ? L’EPF peut se saisir de tout. Par exemple, ils sont propriétaires des terrils dans le bassin minier et d’un certain nombre de friches industrielles dont les propriétaires privés ne pouvaient pas faire de travaux de réhabilitation. Il est l’outil de la communauté urbaine pour se saisir de ce type d’espace. C’est dans leur domaine. En Picardie, je ne sais pas s’il y a un EPF tel quel. A Amiens et Saint Quentin, il y a quelques friches mais c’est moins prépondérant dans le tissu urbain que sur Roubaix et Tourcoing. Une fois que l’EPF a nettoyé et dépollué les sols, je pensais que c’était la ville qui se chargeait de cela. Est-ce bien la ville qui se charge de prescrire un nouveau programme ? Pas forcément. Encore une fois, l’EPF peut devenir propriétaire d’un bien et ensuite cédé à la collectivité (MEL). La MEL va faire un appel à projet. Ça intéresse des investisseurs. Ou tout simplement, des opérateurs privés sont intéressés par les biens de propriété (avant que l’EPF n’est acquis les terrains) et vont se porter acquéreur. Généralement c’est quand il y a un bâtiment, sur une parcelle. L’EPF a facilité la stabilité du foncier quand il y avait plusieurs parcelles, quand c’était compliqué à diviser par rapport aux pollutions diverses. C’est simple : si la ville est intéressée par un bâtiment pour en

89


faire une activité culturelle, c’est la ville qui va porter le programme de la rénovation du bâti et du programme. Si on est sur du loft, c’est un promoteur immobilier privé qui va se charger du programme. La ville est là pour accompagner le porteur de projet privé. On est là pour à la fois l’accompagner en termes de préconisation architecturales et urbaines. Ces projets privés ont-ils permis de redéfinir des OAP ? le PLU ? Oui. Un projet prend tellement de temps qu’on va avoir à un certain moment un programme de logement. On a un changement de municipalité, où le promoteur n’a pas réussi à vendre, le projet reste incertain. On délivre 120 PC par an. Pour certains d’entre eux (souvent des gros projets) il peut se passer un ou deux ans sans que rien ne se passe. Un PC peut être modificatif. On peut changer la programmation pendant les travaux, cela existe. Et par exemple, la programmation initiale était de 20 logements et 2 commerces. Les 2 commerces n’ont pas réussi à être vendus donc le programme va proposer 22 logements. Qui sont les personnes qui peuvent modifier le PC ? Ville ou porteur de projet ? Ce sont les deux. On a bien compris que c’est l’argent qui tient les choses. Et encore une fois on est là pour accompagner le porteur de projet. C’est en cela que les pouvoirs publics accompagnent les porteurs privés. C’est un investissement lourd et parfois réalisé dans l’inconnu. Et vous parliez des cheminées ? Oui parce qu’il y a une de vos questions qui portait sur la spécificité des friches. Il y a des objectifs communs à toutes les friches : le respect du patrimoine. Et les cheminées sont une trace du passé historique et agissent comme des repères dans la ville. Aujourd’hui elles ont d’autres fonctions, notamment pour la téléphonie mobile. Quand s’est bien réalisé, ça ne dénature rien et ça permet de les conserver. On cherche à les mettre en valeur. Y a-t-il des programmes différents en fonction des friches ? Oui, en fonction de la taille de la friche. Il peut y avoir d’anciens entrepôts, d’anciens hangars. C’est en fonction de l’opportunité foncière, selon l’acquéreur, selon l’état du bâti que cela va influer le programme. C’est au cas par cas ; Il y a des choses qui se ressemblent comme les lieux de stockage, les lofts qui conservent les grandes ouvertures. Il n’y a pas une friche en particulier. Elles sont toutes différentes.

90

Par rapport à mon TPFE, je me demandais s’il y avait eu des programmes mixtes ? Sur la plaine image, y a-t-il des logements ? Non il n’y a pas de logements, mais il y a des écoles. Et dans Tourcoing est-ce qu’il y a des friches qui proposent une mixité de programmes (commerces, tertiaire, habitat) ? Oui. J’avais repéré la friche Christory. On est à la fois sur un programme d’habitat neuf, conservation d’une façade pour construction de logement et un collège qui est venu se greffer à l’ensemble. On est sur la problématique du mixte à la fois en termes de fonction (habitat, scolaire) et d’espaces (jardins, bâtiments). On est sur la création d’un quartier de ville. Maintenant en termes de mixité il faut savoir que les bailleurs sociaux proposent des produits mixtes (logement social, accession à la propriété, logement à la vente). Sur les petites opérations on trouve bureaux + logements + commerces en RDC. Ce qui est nécessaire à cela c’est une copropriété à mettre en place sur l’immeuble, de gérer le stationnement : dédié aux habitants, au public qui ira dans les bureaux et les chalands. Ce sont des questions qui vont se poser. Sur les grosses opérations ce sont les activités qui vont prédominer (soit des activités économiques, soit des activités de logement). Car plus c’est grand plus il va falloir commercialiser, plus on va faire un nombre de logements important et plus il y aura de commerces. Le but pour un porteur de projet c’est de commercialiser rapidement et de ne pas attendre que les cellules se remplissent. Par exemple, dans un projet il y a 50 logements. Avant de lancer les travaux, le porteur de projet attend d’avoir 50%, soit 25 logements, qui soient vendus sur le plan. Pour ne pas s’engager financièrement. S’il y a 20% des logements qui ont été vendus sur plan, ça veut dire qu’il en reste 80% à vendre et ça leur fait perdre de l’argent. Si on est sur des grandes surfaces et si on attend d’avoir tous les acheteurs de logement et que toutes les cellules commerciales soient remplies c’est délicat… Cela répond à des problématiques liées à la commercialisation. Il n’y a pas très longtemps j’ai vu un promoteur proposé un stratagème assez particulier pour vendre mieux. Il offrait un voyage d’une valeur de 3000euros pour l’achat d’un logement. Il voulait vendre plus vite ses logements pour pouvoir commencer les travaux rapidement. Mais cela n’a pas très bien pris. L’idée c’est que s‘il peut nous offrir 3000 euros de voyage c’est qu’il peut baisser le prix du logement. La commercialisation c’est le plus difficile. Les projets on en a. Leur réussite dépend du pouvoir d’achat et de l’envie des personnes. La municipalité ne rentre pas dans ce système, c’est le promoteur face aux acheteurs.


Cette nécessité de construction de logements répond-elle à un objectif plus vaste ? Y a-t-il beaucoup de demande de logement sur la ville de Tourcoing ? Je crois qu’il y a 7000 demandes de logements sociaux en attente. Beaucoup de personnes en font la demande mais sur Tourcoing ce qui est très dominant c’est l’habitat ouvrier. C’est ce qu’on va retrouver dans chacun des quartiers. On a le quartier des Phalempins, qui est le quartier le plus dense de la métropole lilloise. Il y a effectivement un manque de logement. C’est l’offre qu’il faut aujourd’hui diversifier. Sur Tourcoing, on n’a pas de cité HLM. Il y a 80% de logements sociaux dans le quartier de la Bourgonne, donc peu de mixité sociale. La crise est partout. Et puis il y a la question du logement insalubre. Un certain nombre doivent répondre à des normes. C’est une problématique qu’on retrouve beaucoup à Roubaix et Tourcoing. C’est aussi pour cela qu’on a beaucoup de demande de logements. Quelle est la force économique de Tourcoing ? Industrielle ou nouvelles économies ? C’est toujours pareil, si on s’en réfère à la ville c’est pas très parlant faut plutôt raisonner à l’échelle de la métropole. Et je pense que la principale force économique c’est l’industrie. Pas celle que l’on connaissait dans les années 1970 mais l’industrie de pointe. Avec l’arrivée du CETI, l’idée était d’offrir à des entreprises des espaces pour s’installer dans la métropole et ainsi travailler dans la recherche & développement. Ce sont des choses qui se mettent en place et qui sont une force. J’ai parlé des jeux vidéos. Le Nord-Pas-de-Calais est la deuxième région après Paris a avoir une très grande offre à ce niveau-là. Et à cela j’ajouterais le cinéma. A la plaine image, l’entreprise pictanovo est un grand promoteur du cinéma. C’est pour ça qu’on a de plus en plus de films et de séries qui viennent se tourner dans la région. Ce n’est pas seulement bienvenue chez les ch’tis. Il y a aussi le Fresnoy. C’est un cluster qui tend à apporter de l’emploi et qui participe à changer l’image de la ville. C’est important et c’est ce qui est recherché dans la zone de l’union. La logistique est aussi une force de la ville. La culture est un très bon développeur économique. En France c’est 6 ou 7 fois le marché automobile. On n’y pense jamais mais la culture est vraiment une force nationale. A ce sujet, il y a un grand projet dans la ville de Tourcoing qui va être de réhabiliter l’école de natation, un bâtiment de 1906 ou 1908 pour en faire l’antenne de l’institut du monde arabe. Il faut imaginer un superbe bâtiment ancien. Ce musée va être un attrait économique et durable. Quand on parle de culture à Roubaix, on pense tout de suite à la piscine. Peut-on rattacher ce bénéfice de la culture au profit de l’attractivité territoriale ? C’est ce qui va changer l’image en premier je pense. Il y a effectivement des villes qui sont liées à une industrie, comme à Sochaux avec Peugeot ou encore Clermont Ferrand avec Michelin. Sur Tourcoing et Roubaix, l’industrie textile n’existe plus en tant que telle. Mais on pense tout de suite à la vente par correspondance. Aujourd’hui il faut passer à autre chose. On parlait tout à l’heure de Lille 2004 avec cette politique à l’échelle de la ville, de la métropole et de la région, c’est un bon outil pour créer des emplois et créer des nouveaux programmes d’habitat. L’attrait de la ville ce n’est pas tant son passé industriel, c’est son avenir. Quand on pense à l’institut arabe ce n’est pas seulement pour attirer des personnes de Tourcoing, c’est vraiment pour penser à une échelle plus vaste. Un peu comme le Louvre-Lens. Lens a été marqué par l’activité minière et aujourd’hui on a en tête l’image du Louvre Lens. Qui porte le projet de dépollution des sols ? Y a-t-il des procédés de phyto-épuration ? Cela peut dépendre des projets et de l’activité qu’il y avait auparavant. Une ancienne teinturerie, activité qui servait à teindre les tissus et les textiles, produit des pollutions des sols. Les sites pollués sont répertoriés BASIA. Il y en a encore un certain nombre sur Tourcoing. Les sols vont être atteints et il va falloir creuser en profondeur pour décontaminer. C’est l’EPF qui est en charge de cela. Les secteurs tel que celui-ci, la phyto épuration (directement lié à l’eau) qu’on appelle plutôt phyto remédiation (lié à l’absorption par les plantes des produits toxiques) ne sera pas très efficace car les sols sont trop pollués. Sur WATTRELOS, la friche Kihlmann va devenir un espace boisé protégé. C’était assez impensable parce que les sols sont très pollués. La phyto-remédiation peut fonctionner sur des petites friches mais pas sur de vastes espaces à mon avis. Je me suis posée la question par rapport à l’application d’une couche de goudron sur les sols. Est-ce que cela pollue vraiment les sols ? J’avais un professeur qui m’avait posé la question de la sorte « Quand on a une pollution des sols, est-ce que ce n’est pas mieux de tout recouvrir ? ». Je ne suis pas sûr qu’à très long terme ce soit la meilleure idée. Camoufler ce qu’on ne veut pas voir finit toujours par ressurgir. Maintenant si on part du principe que pour un stationnement on imperméabilise le sol, il y aura un ensemble de résidus (hydrocarbures, déchets de pneus, de pots d’échappement, …) qui va partir dans les nappes. Ce sont des choses qui polluent. Et au-delà du risque inondation en milieu urbain, l’enjeu va être de faciliter l’infiltration de l’eau dans les sols. Parfois, il faut imperméabiliser mais là où on peut faire du stationnement enherbé on préconise de le faire. Faites-le si c’est possible. Je pense que ce n’est pas réalisable partout, cela dépend encore de

91


chaque projet. Et le goudron en lui-même ne va pas polluer les sols, n’est-ce pas ? Je ne suis pas assez technicien pour répondre à cela. Cela dépend de ce qu’il y a dessous à mon avis. Pour moi ce n’est pas une réponse à long terme. Il y a différentes possibilités pour échapper à l’imperméabilisation des sols (les parking en silos,…). Il est nécessaire de limiter l’imperméabilisation des sols liée aux surfaces de stationnement. Cela pose la question de la voiture en ville. C’est une autre problématique… Sur Tourcoing le nouveau maire a décidé de remettre le stationnement en centre-ville. Il n’y a pas eu d’imperméabilisation des sols fait uniquement pour ça puisque c’était déjà minéral auparavant. Mais il y a d’autres problématiques : la circulation, la sécurité des piétons, particules fines… Aujourd’hui Lille Métropole a atteint le seuil limite. Ce sont des épisodes de plus en plus récurrents… Ce projet va conforter le commerce de centre-ville qui connaissait des difficultés. C’est un argument qui a pesé pour et qui aujourd’hui va tenter de remédier à ce problème. Est-ce que des projets d’équipements et d’infrastructures peuvent être des leviers financiers pour des projets de réaménagement à plus grand échelle ? Sur Tourcoing Nord, il existe déjà un centre commercial. En termes de surfaces de vente disponible, c’est le 4ème de France. A côté de celui-ci, il y a le projet « Promenade de Flandres » à cheval sur Tourcoing et Roncq pour la création d’un nouveau centre-commercial, comme ça a pu être le cas à Hénin Beaumont. Il permettra à des enseignes de meubles de s’y installer. C’est un très gros chantier. Le but c’est d’attirer un maximum de chalands depuis l’autoroute et d’offrir une offre commerciale différente qu’on ne retrouve pas dans le secteur. Comme on peut retrouver au HeronParc, ou au Kinepolis avec Ikea. Il a un impact sur les infrastructures routières et sur le commerce, les commerces de quartier et du centre-ville. Un meuble de maison on ne va peut-être pas l’acheter en centre-ville avec sa bicyclette mais on va préférer aller au centre-commercial avec sa voiture. Mais on ne peut pas exclure l’idée que cela a des impacts sur la ville. Le premier impact c’est la disparition du foncier agricole. On ne voit plus ce type de projet aujourd’hui. Les grandes zones commerciales des années 70 nous ont permis de nous rendre compte de leur limite. C’est un concept très franco-français. Aux Etats-Unis on a des supermarchés de quartier, les grands shopping mall. Le fait de se déplacer en véhicule pour aller au supermarché Auchan a fait énormément de mal aux petits commerces. Aujourd’hui, la question de l’aménagement des grands zones commerciales est de plus en plus remis en compte. On se

92

rend compte que les grands opérateurs, comme Auchan, se sont recentrés sur les centres-villes. On a un Auchan city dans le centre de Tourcoing, des carrefours market… Cela pose la question de mobilité, l’accès en transports en commun, et les stationnements. Il y a un gros travail à faire sur les façades. Dans 50 ans, qu’est-ce que cela va devenir ? Quand on se déplacera plus en voiture, que vont devenir tous ces espaces commerciaux ? C’est une question que je me pose … ça ne sera pas Detroit, mais peut-être. Ce sont des surfaces énormes à réhabiliter. Aujourd’hui on pense inimaginable d’y faire des logements mais dans 50 ans ce sera sans doute le cas. Est-ce que le centre commercial ne peut pas devenir du logement ? Les friches industrielles et commerciales ont encore de beaux jours devant elles. S’intéresser à ce genre de projet est intéressant parce qu’aujourd’hui il y a très peu de projets français qui le proposent. C’est comme les abords des gares avec l’ensemble des halles, entrepôts laissés à l’abandon… C’est sûr que la question des entrées trouve peu de réponses aujourd’hui par rapport à d’autres pays européens. Et si depuis 1985 rien ne bouge c’est qu’il y a des problèmes quelque part. A Tourcoing c’est vrai qu’on est dans une logique de conurbation. Il n’y a pas de sentiment d’entrer ou sortir contrairement à des villages ruraux. On des sur des continuités architecturales et urbaines. Aujourd’hui il y a un projet de réaliser des totems pour signaler l’entrée de ville aux automobilistes au même titre que ce qui a pu être fait sur les autoroutes. Peut-être que les artistes se saisiront de la problématique. Par exemple sur la rocade minière, il y a un travail qui a été fait sur les châteaux d’eau. Certains sont décorés, ce n’est pas forcément visible pour tout le monde mais ils agissent comme des repères dans le paysage. Est-ce que vous avez d’autres questions ? Y a-t-il des exemples de reconversion de friche qui vous tiennent à cœur ? J’en ai parlé tout à l’heure oui, c’est la friche Christory avec la mixité de programme de logements et du collège avec la conservation d’une façade de l’ancienne usine, à proximité du jardin botanique. C’est un programme qui fonctionne vraiment bien. Est-ce qu’il existe des friches industrielles en entrée de ville ? Oui. Une immense friche industrielle qui se situe le long du boulevard industriel. On ne sait pas ce qu’il est possible de faire. Le foncier est très vaste. Je n’en ai pas forcément parlé : la friche ne devient pas friche du jour au lendemain. Ce sont des lieux qui ont été utilisés par les taggeurs, les artistes du street-art. On en retrouve beaucoup sur Lille Métropole. Ce sont des actions vraiment intéressantes pour proposer de la couleur, et redonner vie aux friches.


Entretien avec Benoît Walbrou, paysagiste à Amiens Métropole, 27 avril 2016 La première partie de l’entretien porte sur l’origine de COPASOL. Quel a été le phénomène déclencheur ? Qui a été le porteur de projet ? Un groupement, un individu en particulier ? Quels types d’acteurs (agriculteurs, consommateurs, …) ? Quels sont les objectifs de l’association et quels buts souhaite-t-elle atteindre ? Est-ce que je peux répondre à ces premières questions ? Oui ! Mais juste pour rappel, sur quoi tu travailles dans le cadre de ton projet ? Quel est ton sujet de mémoire ? Le projet est fait sur l’entrée nord d’Amiens. Je cherche à revaloriser la zone commerciale dans son ensemble et d’intégrer le nouveau projet Frey dans cette logique de réaménagement. Ce qui m’intéresserait, c’est d’ancrer les enseignes commerciales en agissant sur le plan agricole. Cela permet de revaloriser le cadre de vie des habitants de Saint Ladre et pour accompagner l’image attractive d’Amiens comme ville-nature en convertissant l’agriculture de grandes cultures en projet de maraîchage. As-tu vu le projet d’Osty, concernant le parc agricole qu’elle proposait en partie nord d’Amiens ? Non. J’ai vu uniquement l’étude menée par bazar urbain. Osty avait réalisé ce projet bien plus en amont de cette étude. Avec l’émergence de la ZAC Nord au moment où Grether était urbaniste en chef, Osty et lui-même avaient réalisé un plan guide dans lequel il y avait toute une frange au Nord du pigeonnier qui était un parc agricole. Cela vaudrait le coup que tu l’analyses. Il n’a pas vu le jour car je pense qu’une commune n’est pas capable de porter ce type de projet. Trop monolithique car il faut qu’elle s’appuie sur des ressorts plus souples. C’est un projet qui s’est fait dans les années 2000. Plus spécifiquement, COPASOL : d’où vient-elle ? C’est un Collectif Pour une Agriculture SOLidaire. C’est une association d’associations. Elle a été créée par la FAMAPP (Fédération des AMAP de Picardie), l’ABP (Agriculture Biologique en Picardie) et Terres de Liens. L’objectif initial c’était de promouvoir une agriculture paysanne, solidaire afin de réaliser du lobbying dans les instances. Il s’avère que nous avons réorienté l’objectif de COPASOL pour pouvoir répondre à un appel à projet de la région. Sa mission principale est d’aider les porteurs de projet à s’installer. Aider signifie les accompagner dans leur démarche, pas seulement sur le plan technico-économique agricole comme peut le faire la chambre. C’est une approche plus globale et orientée sur une agriculture paysanne. C’est généralement sur des projets atypiques, hors cadre agricole ou hors cadre familiaux. Quand tu n’es pas fils ou fille d’agriculteur c’est très compliqué de se lancer dans une exploitation. Hors cadre familial signifie que tu souhaites monter une exploitation agricole alors que ta famille n’est pas du tout dans ce domaine mais que tu as fait des études dans le milieu. On accompagne des petits projets qui coïncident parfaitement à l’échelle périurbaine. Car on ne va pas trouver de l’agriculture conventionnelle sur des parcelles de 300 ha en frange urbaine même si cela existe à Amiens. La deuxième mission de COPASOL c’est d’accompagner à la transmission. On s’aperçoit que dans la Somme et en Picardie, il y a très peu de surface en biologique. Le risque c’est qu’on dé convertisse des surfaces en bio, tout cela parce que la transmission ne se fait pas correctement. Où puis-je avoir les surfaces et proportions de l’agriculture biologique à l’échelle de la Picardie ? Tu peux aller voir sur le site de l’ABP. Sinon ce que je vais faire c’est que je vais te donner le contact de Mathilde DUSSART, une salariée de COPASOL. Elle pourra te donner des informations concernant l’ABP. On s’est aperçu initialement que Terres de Liens, l’ABP et la FAMAP se retrouvaient administrateurs dans beaucoup d’instances, de manière redondante. On s’est donc dit que l’on pouvait mutualiser nos moyens. Il faut savoir que les administrateurs sont tous bénévoles donc quand tu fais toutes les réunions techniques, politiques etc, et c’est très chronophage. COPASOL est une association qui permet de mutualiser nos efforts. Face à la chambre d’agriculture on ne pèse rien. Ici tu es sur des fermes de plusieurs centaines d’hectares qui sont là uniquement pour produire. Le rapport à la société, à l’urbain et le périurbain ce n’est pas une de leur priorité. C’est vraiment le cadet de leur souci. La chambre d’agriculture a cette logique-là ? Oui. C’est une chambre consulaire qui reçoit des financements de l’Etat qui est gérée par des agriculteurs (au conseil d’administration). Comme ici le syndicat majoritaire est la FNSEA, comme on est sur une région de très grandes cultures, logiquement la chambre d’agriculture est porteuse de ce genre de projet.

93


Ce qui est envisagé dans la chambre, c’est de valoriser les circuits courts. Commercialement, cela a du sens. Pour eux, ils sont considérés comme des niches commerciales. C’est avant tout pour diversifier l’activité afin d’augmenter la valeur des produits etc. Chez COPASOL, on a l’ambition d’aller au-delà de cela en promouvant l’agriculture paysanne et biologique. Et généralement les agriculteurs que vous accompagnez, ils prévoient quels types de surface de production ? Un maraîcher qui commence son activité et qui vend ses produits en AMAP, en direct, à partir d’une centaine de paniers, il arrive à avoir un revenu correct. Une centaine de panier cela représente une surface d’un ou deux hectares. Généralement, l’exploitation est tenue par une ou deux personnes. Des maraîchers sont installés à Pont de Metz. Ils sont assez exemplaires. On a mis en œuvre tous nos rouages pour arriver à les installer. Ils sont installés dans un périmètre de protection de captage d’eau d’Amiens Métropole. Amiens Métropole a mis à disposition des terres auprès de ces porteurs de projet. On a mis en place des AMAP pour écouler leurs produits notamment au sein même d’Amiens Métropole. Ils sont en frange urbaine, ils sont à deux sur un projet d’agriculture biologique qui fonctionne très bien. Je devrais les contacter pour connaître leur savoir-faire, les outils mis en place pour diversifier leur production. Oui cela est intéressant. Ils sont en AMAP mais ils ont d’autres débouchés. La vente directe par exemple ? C’est un débouché pour les agriculteurs afin de diversifier leur offre. Elle fonctionne que s’il y a des produits vendables directement. Pour du blé, de la betterave sucrière… Cela ne fonctionne pas ! Il faut également une infrastructure qui facilite cette vente. Y-a-t-il des conflits entre les agriculteurs industriels et les agriculteurs ? Ou entre la chambre d’agriculture et COPASOL ? Ce n’est pas conflictuel tant que tu ne te parles pas. On discute très peu. Cela le devient lorsqu’on travaille sur le même terrain, c’est-à-dire le foncier. Le foncier agricole coûte horriblement cher ici. 52€uros le m², cela représente 20 000 €uros à l’ha . Ici on est dans les mêmes prix que ceux de la MEL. C’est potentiellement du foncier à bâtir. On est en pleine cambrousse par endroit et on peut atteindre ce prix, c’est irraisonnable. 20 000 €uros pour un petit maraîcher, c’est compliqué non ? Ce n’est même pas envisageable... La politique de la chambre c’est de toujours prôner l’agrandissement parce qu’on est sur une politique compétitive à l’échelle mondiale qui doit être moderne, modernisée. On est sur des surfaces qui vont

94 forcément dans la logique d’agrandissement. D’ici peu, il sera assez courant d’avoir des exploitations qui font 500-1000 ha.

Mais c’est gigantesque ! Tu sais, après, quand la chambre d’agriculture reçoit un jeune exploitant qui souhaite s’installer elle lui dit : « si vous êtes en dessous de 100 ha de terres, ça ne sert à rien. Vous n’allez jamais y arriver. ». Après dans ce modèle agricole là, effectivement ce n’est pas viable d’avoir des parcelles de moins de 100ha. Une fois que tu as mis le pied dedans, tu ne peux pas en sortir ou alors c’est très difficile. Là où les petits maraîchers rentrent en concurrence c’est sur la question du foncier. La SAFER s’occupe du foncier pour les agriculteurs. Tu es obligé de passer par eux pour acheter ou louer des terrains. L’idée c’est de pouvoir réguler l’achat et la revente de ce foncier pour éviter qu’il y ait trop de spéculation. Ils ne font absolument rien. Ça spécule à fond. Ils ont, eux aussi, une politique d’agrandissement. Nous, pour récupérer un ha ou 2 ha sur une exploitation qui est vente, nous n’y arrivons pas ! Il y a la question du prix mais également de la politique. La SAFER préfère donner ces terres à un agriculteur qui va s’étendre plutôt que de réserver 1 ou 2ha pour une petite exploitation. Il faut absolument que l’on travaille avec les collectivités puisqu’elles ont du foncier en friche, à vendre, qui n’est pas valorisé. On pourrait contractualiser sur des contrats courts. Sur de la réserve foncière, une installation maraîchère peut durer 10 15 ans pour utiliser les terres. Typiquement à l’entrée nord, il y a l’emplacement ZACOM qui pourrait être acquis par la collectivité pour qu’elle devienne une réserve foncière. Cela a plein de vertus : aucun flambement des prix en plus d’avoir des activités qui s’installent temporairement. Est-ce qu’Amiens fonctionne comme cela ? J’avais vu que pour les jardins ouvriers, la ville met à disposition un foncier potentiellement urbanisable. Sur les jardins familiaux je doute que ça mute. Cependant il y a énormément de friches qu’on pourrait utiliser et valoriser pour de l’agriculture maraichère. D’où l’intérêt d’avoir un établissement public foncier qui maîtrise le foncier. A Amiens, il n’y en a pas.


Qui met en place ce type d’établissement ? Normalement, ce sont plusieurs communes qui se mettent ensemble pour en faire la demande. C’est plutôt à l’échelle départementale ou régionale. On pourrait imaginer un EPF de la Somme qui travaille pour plusieurs collectivités. Dès lors qu’on parle d’agriculture, cela implique d’avoir un minimum de maîtrise foncière. Sinon, tu ne peux pas développer une politique agricole cohérente. Tu n’es que dans une logique d’opportunité et cela n’est pas viable. Tu parlais des financements et des actions que vous meniez. Par qui êtes-vous financés ? COPASOL reçoit uniquement de l’argent public, principalement des aides de la région. FAMAPP reçoit de l’argent provenant des adhésions des AMAP ainsi que des producteurs qui alimentent ces dernières. Cela représente 3% de l’ensemble des financements. Après, il y a des aides de la région Picardie et des trois départements. COPASOL a également des prestations qui sont payantes. Sais-tu comment se déroule une installation agricole ? Non, mais je souhaitais te poser la question. Moi en tant que nouvelle maraîchère bio, par quoi je dois commencer ? Tu ne peux pas dire du jour au lendemain que tu vas devenir maraîchère car tu aurais du mal à vendre tes produits et tu n’aurais pas d’aide. Si tu souhaites t’installer en tant que productrice, pour avoir des aides de l’Etat (les installations sont subventionnées), il faut un minimum de formations et il faut que tu suives un parcours d’aide à l’installation. C’est à ce moment qu’intervient COPASOL. Je fais un retour en arrière. Avant il y avait des aides de l’Etat qui étaient pilotées par la DRAF et des aides de la région qui sous le mandat précédent, favorisait les projets atypiques, orientés agriculture paysanne et biologique pour promouvoir un autre type d’agriculture en Picardie que le modèle dominant. Ces deux types d’aides ont été fusionnées en une seule. C’est aujourd’hui la région qui pilote à la fois les aides Etat, et ses propres aides. COPASOL s’est associé à la chambre d’agriculture de Picardie pour répondre à un appel à projet lancé par la région pour pouvoir piloter ces aides. Il a été remporté. On se distribue répartit les différents projets : en gros, quand ce sont des projets conventionnels c’est la chambre d’agriculture qui récupère alors que quand ce sont des projets d’agriculture biologique, c’est COPASOL qui le fait. Si tu souhaites t’installer, il faut suivre une formation agricole : un BPREA par exemple. Ensuite il faut suivre un parcours de formation pour qu’on puisse valider ton projet et enfin que tu puisses toucher des aides. On a eu un porteur de projet du temps où les aides Etat et Région étaient séparées. C’était une reconversion d’un sportif de haut niveau en aviron. 95 Maintenant il est éleveur de chèvres. Quand il était venu à la chambre d’agriculture pour présenter son projet, tout le monde lui a ri au nez en lui expliquant que ça n’allait pas fonctionner. Mais aujourd’hui il s’en sort. Il a 15 chèvres et il souhaite monter à 50 chèvres pour atteindre son activité optimale. Il a quand même compris que personne ne le prenait au sérieux, donc il a précisé qu’il n’aurait pas besoin des aides de l’Etat pour monter son projet et que ce serait une bonne leçon à prendre. Il n’a donc que des aides de la région, et COPASOL l’accompagne dans sa reconversion. Aujourd’hui il est autonome.


Entretien avec Nicolas Philippe, bénévole à l’association Superquinquin Lille, 29 avril 2016 Un supermarché. C’est une appellation qui peut paraître désagréable à contrario des circuits courts, de la qualité etc, ce n’est pas ce que l’on défend. On a gardé cette appellation de supermarché car cela parle à tout le monde. C’est un endroit où l’on trouve de tout : produits de la maison, hygiène, soin du corps, produits alimentaires. C’est un supermarché particulier car il est collaboratif. Les clients du supermarché sont forcément membres de la coopérative. On ne peut pas acheter dans le supermarché si on ne l’est pas. C’est une coopérative de consommateurs. La plupart des commerces sont tenus par des filières soit de producteurs soit de commerçants à l’exemple de biocoop, super u. Existent aujourd’hui très peu de coopératives de consommateurs : des endroits où l’on achète des produits qui sont tenus à très grande majorité par les consommateurs. Elles se sont toutes fait balayer par la grande distribution dans les années 1970 : les grands groupes sont arrivés avec un process abouti, des prix très bas, etc. Le supermarché est participatif. On va demander aux membres, aux clients coopérateurs de travailler trois heures par mois afin de faire fonctionner le supermarché : tenir la caisse réceptionner les produits, faire la mise en rayon, … Trois heures obligatoires pour tout le monde. Cela nous permet d’avoir une main d’œuvre bénévole et motivée importante et de réduire les frais de supermarchés et donc les marges qui sont appliquées sur les produits. Le pari, c’est de dire qu’on fait un supermarché avec de la qualité à des prix accessibles et tout ça dans une atmosphère conviviale. Pour cela il faut être grand : on vise 1000 m² de surface. Et il nous faut à terme, 1500 membres pour rentrer dans une zone de viabilité. On n’en est pas encore là. On est dans une phase où nous avons le statut d’association. On va créer la coopérative d’ici 2 mois. On va commencer à mette en place un groupement d’achat. On fait une livraison une fois par mois. Cela nous permet de tester les produits, de gérer les relations avec les fournisseurs. Avant les 1000m² nous allons réaliser un magasin prototype de 150-200 m². Cela nous permettra de tester à petite échelle ce que nous souhaitons voir à grande échelle. C’est important de préciser que chez Superquinquin il n’y aura pas que du local, que du bio. Il y aura aussi du conventionnel de qualité. Il y aura tous les prix car nous souhaitons avoir du monde, on veut être un supermarché populaire. On s’implante à termes à Fives. L’enjeu c’est de retrouver une alimentation de qualité à des prix accessibles pour tous. Pour cela, on ne peut pas mettre du bio partout. Parce que les prix réduits de superquinquin resteront encore trop chers pour

96

beaucoup d’individus et de familles. On n’est pas dans une idée d’injonction où moralistes. On est dans l’idée que l’on crée une offre de produit qui va être décidée par les consommateurs. A partir du moment où des membres veulent du Nutella et achèteront du Nutella, on aura du Nutella. On essaiera de proposer des alternatives : on aura un Nutella bio, un Nutella de base et on fera également des ateliers pour montrer comment faire son Nutella soi-même. On ne veut pas être moralisateur en disant « C’est mal d’acheter du Nutella ». Chacun est adulte et libre de faire ses choix en fonction de sa vie et de son porte-monnaie. A partir du moment où on a, par rapport au produit agro industriel, une alternative qui se présente en termes de prix, on supprime l’agro-industrie. Faire du circuit court ça ne veut pas dire faire du moins cher. Parce qu’à partir du moment où ce sont des gens qui travaillent de manière artisanale, ils ont des produits qui sont souvent de meilleure qualité mais qui sont souvent plus chers. Par exemple on le voit sur le jus de fruit. On a du jus de pomme artisanal qui sort à 2,50 euros mais beaucoup de gens ne mettent pas ce prix-là dans un jus de pomme. Il y aura des produits sur lesquels on sera moins cher que n’importe quel magasin car on aura une marge moins importante. Notamment sur des produits plus nobles et plus qualitatifs : le fromage, le thé, les fruits et légumes cela dépendra des moments. On achète en vrac et ce sont les membres de la coopérative qui remettront en sachet ce qui est en vrac. Cela nous permet d’avoir des prix du gros mais en le facturant réellement au prix du gros. On ne paie pas la main d’œuvre qui remet en sachet car c’est cela qui coûte cher. On aura beaucoup de débat autour de l’alimentation. Ce sont des sujets permanents. On débat avec une expérience très concrète. Par exemple le maraîcher de ton marché fait surement des bons produits mais il va nous vendre ses produits au même prix qu’il les vend sur le marché. Donc s’il vend ses pommes à 1euro le kg, on vendra les pommes un tout petit plus cher puisqu’on applique une petite marge. Cela n’a aucun intérêt pour nous de travailler avec ce genre de personnes. Il nous faut des agriculteurs qui comprennent que nous sommes un revendeur professionnel. On achète des produits, on les commercialise, on a des frais de fonctionnement, un loyer, des charges à payer. La plupart des magasins ont des centrales d’achat. Les indépendants utilisent aussi des centrales. Pour l’instant, on va juste créer une mini-centrale d’achat. Cela nous demande beaucoup de temps et d’apprentissage. On travaille beaucoup soit avec des grossistes spécialisés qui font le travail de sélectionner les produits afin de nous distribuer une offre très large. Quand on fait une commande chez un grossiste en particulier on a souvent 100 voire 200 produits. Cela facilite la tâche. On veut diversifier l’offre des produits en valorisant des produits de qualité. Il y a beaucoup de circuit de distribution dans le bio. Comme ils se sont créés un peu contre les grandes surfaces traditionnelles, ils ont créé leur propre outil de distribution. Le conventionnel c’est réellement plus difficile. Il y a des tas de grossistes qui font dans le bio maintenant


ce qui est intéressant pour nous. L’alimentation est un sujet permanent mais pas d’injonction, personne n’a plus raison qu’un autre. A partir du moment où nous n’avons pas d’alternative, nous mettrons des produits pour toutes les bourses. Au-delà de l’alimentation, c’est vraiment la coopération qui est importante. On aura beau faire tout ce que l’on veut, les grandes surfaces font du bio, du vrac etc. Ils ont une force de frappe impressionnante là-dessus. Mais ce qui est vraiment important pour nous c’est de faire fonctionner un supermarché de manière indépendante avec des bénévoles. Ensemble, le supermarché sera à notre image. L’important quand on prend une décision c’est de savoir ce qui est le meilleur pour que la coopération fonctionne et perdure dans le temps. Si on raisonne comme cela, on arrive plus facilement à prendre des décisions. Qui en est à l’origine ? Est-ce un groupement, un individu ? Comment est venue l’idée ? Qui gère l’opération ? Quels types de financements autre que l’adhésion sont perçus par l’association ? C’est un groupe d’individu où chacun avait une réflexion personnelle sur les questions d’alimentation et de coopération. J’ai travaillé 10 ans dans une coopérative, d’autres personnes étaient déjà impliquées dans des AMAP, des paniers bios. Essentiellement des personnes sensibilisées à la question alimentaire et qui utilisaient les outils préexistants mais qui en même temps n’en étaient pas satisfaites. Manger du local et de la qualité oblige à faire nos courses dans 10 points différents… Le supermarché n’est pas une idée si mauvaise que ça pour rassembler l’ensemble des produits qui nous intéresse. On s’est regroupés par réseau professionnel. Ce qui a mis le feu aux poudres c’est l’expérience parisienne de la louve. Quand on a vu cela, on s’est dit que c’est ce qu’il fallait monter à Lille. Premier déclic. On a rencontré des personnes adorables qui nous soutiennent dans la démarche. Si on devait refaire le boulot qu’ils ont fait pour mettre en place la Louve, en étant seuls, on n’y arriverait pas. Ce serait impossible. Il y a plein de projets du même type en France actuellement : Toulouse, Montpellier, Bordeaux… On est sur un produit urbain. En rural, il y a beaucoup plus d’offre de qualité facilement accessible. Le supermarché est un projet très urbain. Même dans les petites villes, comme Amiens, on ne sait pas si cela peut fonctionner. La louve a copié un modèle initialement implanté à New York. C’est la seule coopérative créée dans les années 1970 qui a résisté aux grands groupes. C’est un truc énorme aujourd’hui : 80 salariés, 7000 membres. Ils ont conservé leur obligation de travail. C’est un projet très militant à l’origine. Ils ont accepté de grossir. Ce qui fait la grande différence

par rapport aux autres c’est qu’ils ont gardé l’obligation de travail pour les membres. Parce que les coopératives de 97 consommateurs telles que celle-ci, soit elles se sont faites balayer par la grande distribution, soit elles sont passées dans un modèle de salariat. Les membres en ont marre de travailler et donc sont remplacés par des salariés. On rentre dans une autre logique. On devient un magasin traditionnel même si finalement il y a des formes coopératives. On a les mêmes charges les mêmes pressions, et on n’est pas taillé pour combattre Auchan, carrefour etc. Eux peuvent avoir un magasin qui vend à perte pendant 10 ans. Des petites structures n’ont pas les reins assez solides. C’est d’ailleurs pour cela qu’ils se sont faits balayer aux Etats Unis : les grands magasins sont arrivés en vendant tout à bas prix. Ils savent qu’ils peuvent perdre de l’argent pendant 1 2 ou 3 ans pour faire disparaitre l’offre concurrentielle et après se remplumer. Ils perdent de l’argent quand ils ouvrent des magasins mais ce n’est pas grave puisqu’ils savent qu’ils tuent les plus petits. La louve a réussi à se mettre en place parce que les deux personnes à l’origine de l’initiative sont des New Yorkais qui connaissaient la coopérative dont je viens de parler. Ils se sont dit que ça allait sans doute marcher à Paris. Dans le groupement de 10 du début, nous ne sommes plus que 5. On a deux niveaux différents. Le premier c’est la coordination du projet qui est gérée par trois personnes : moi, Geneviève et Ghislain. Ensuite on a 8 commissions de travail thématiques pour le montage du projet : - Commission achat et commande - Commission communication et recrutement - Commission Accueil intégration - Commission comptabilité - Commission contrat et aménagement - Commission récit et chronique Ce sont les trois personnes qui coordonnent le projet qui les ont impulsées. Les commissions ne sont pas toutes lancées et opérationnelles. Il y a deux référents par commission. Tous ces référents se retrouvent une fois par mois en comité de pilotage où on fait la coordination générale. C’est comme cela qu’on fonctionne. A Superquinquin, tu prends des responsabilités donc tu t’impliques. C’est la manière la plus efficace d’impliquer les personnes. Beaucoup d’entre elles viennent ici pour ne pas se prendre la tête et pour s’impliquer. Ceux qui font parties des commissions sont beaucoup présents car cela demande beaucoup de temps à investir. On a des membres qui viennent de temps en temps faire la livraison, d’autres qui tractent sur les marchés, etc. Tout cela est sous forme de bénévolat.


Pour le moment nous n’avons aucun salarié mais nous aimerions en avoir trois parmi nous. Dans des fonctions où il est nécessaire d’avoir des continuités : pour la comptabilité et gestion administrative, pour l’approvisionnement et l’achat, pour le relationnel avec les membres (gestion des plannings, des conflits, des crises). Au niveau des financements est-ce qu’il y a eu des levés de fond ? Non. Pour le moment nous n’avons pas fait grands choses. On a les cotisations à l’association ainsi que les dons. On est en train de préparer la levée de fond pour la phase transitoire afin d’ouvrir le magasin de 200 m². On crée la coopérative, le premier appel de fond pour avoir des capitaux et des parts sociales : 100€/ personne. Nous ne sommes déjà plus sur le même investissement. Ce capital là nous permet d’aller chercher des financements autour de l’économie solidaire, des subventions publiques. On va notamment demander à la MEL, au conseil régional et à quelques fondations. Avez-vous mis en place des partenariats avec des agriculteurs ? Tu parlais des tests qui sont déjà en place avec la livraison de certains paniers etc. Comment cela se passe ? Pour le moment non. On a commencé par des produits d’épicerie sèche : farine, pate, riz, lentille, cornichon, moutarde, thé, café, chocolat… Tous les produits qui ont des dates de péremption assez longues et qui ne créent pas de problèmes de stockage. Nous avons fait deux livraisons sur ce type de produits. A partir de la livraison prochaine on veut avoir du fromage. On n’hésite encore car on a deux options : soit de passer par des fermes soit par un grossiste. Ce qu’on fera de toute façon. Le jour où nous souhaiterons avoir du comté on ne l’aura pas avec un producteur du Nord. Le groupement d’achat nous permet de faire des tests actuellement et c’est ça qui est bien. On fait 65 colis par mois. Pour le fromage on commence par une ferme et un grossiste. On va commencer un fruit et un légume de saison produit en local qu’on considère jusqu’en val de Loire. On n’a pas encore identifié les fermes exactes avec lesquelles on voudrait travailler. On a des pistes dont deux trois agriculteurs dans le Nord. On a le marché de gros. La logistique est beaucoup plus simple. On travaillera avec des producteurs locaux qui arriveront à travailler avec nous sur certains produits de saison notamment. A quelle date vous prévoyez d’ouvrir le petit magasin ? En 2017. Le grand ouvrira en 2019. Il va mettre du temps à se construire. Et le foncier, est-ce l’association qui l’acquiert ? On ne sait pas encore. On sait qu’on s’installe à Fives Caille même si rien n’est acquis. C’est une friche en pleine refonte

98 et rénovation. On se positionne comme étant un des acteurs moteurs du quartier. On ne sait pas encore si on va acheter une surface ou louer à un investisseur privé. Comment cela se passe au niveau de la traçabilité des produits ? Taxe, règlementation etc ? On a une traçabilité des produits avec une obligation d’étiquetage. C’est-à-dire que quand on reconditionne 25 kilos de sucre en un, on a une obligation d’étiquetage. On va faire beaucoup de vrac car c’est beaucoup moins contraignant puisque l’étiquetage se fait directement sur le contenant du vrac. On réfléchit à une signalétique dans le magasin. On ne veut pas faire un code couleur. Car nous avons des collègues qui l’ont fait avec le vert qui représente du bio et local, le jaune c’est local mais ce n’est pas bio et le rouge c’est le moins cher. On trouve que c’est un peu jugeant. Parce que pour les gens qui n’ont que des produits rouges dans le panier, psychologiquement c’est déprimant. On souhaite montrer les produits superquinquin : où le rapport qualité prix est optimal, où le produit est bon et vraiment pas cher. Qu’est-ce que l’association pense d’O’Tera du Sart ? Est-ce que vous avez été voir ce qu’il se passait là-bas pour comprendre leur logique de fonctionnement ? On sait que cela existe. Mais je pense qu’on ne vise pas la même clientèle car ce n’est pas le même projet. O’ Tera vise une catégorie socio professionnelle assez élevée. Je ne pense pas qu’on doit en penser quelque chose. Cela existe mais nous on s’occupe de développer notre projet. O’Tera c’est surtout des produits locaux. Nous on veut de tout pour qu’il y est le plus de personnes différentes au sein de la coopérative. On n’est pas dans une visée idéaliste, on est pragmatiques. Les personnes qui sont avec nous, sont très enthousiastes. On va enfin avoir quelque chose qui peut changer la donne. Quand on est nombreux, les grossistes nous regardent différemment. On gagne en légitimité. On commence à être interpellés. Sur tous les produits taillés grande distribution on est moins bien placé. Au mieux, on le vendra au même prix que le supermarché. Parfois on a de très belles surprises. Par exemple, il y a un producteur de lentilles bios à des prix intéressants bien qu’il faille en acheter 60 kilos d’un seul coup. Pour le moment on ne peut pas mais quand on aura une grande surface on pourra. Pareil pour la farine. On sait exactement où trouver la meilleure farine à des prix imbattables comparée à la francine, en bio et local. Mais l’inconvénient c’est qu’il faut acheter 250 kg de farine d’un coup. C’est pour cela que le format du supermarché devient vraiment intéressant. Il y a entre 30 et 50 personnes de la commission achat qui réalise des appels quotidiens pour rechercher ce type de rapport qualité-prix.


Pourquoi faire des réunions publiques en petit comité (30 personnes) ? On a eu un souci à la dernière réunion publique. On était dans une grande salle où 200 personnes sont venues nous rejoindre pour échanger. On s’est senti déborder par le monde, la moitié des gens n’avait pas de chaise… En plus, on préfère les petites salles car cela permet aux intéressés de plus facilement dialoguer et prendre la parole. On a eu ce genre de problème car il y a eu une émission de France 2 sur les supermarchés coopératifs de New York et où ils ont évoqué celui de Paris, Superquinquin et d’autres… La Louve avait prévenu : pas d’émission TV avant l’ouverture. Parce que les personnes qui sont venues après avoir vu cela, ils se sont dit que le lendemain le supermarché était là alors qu’on n’est qu’au tout début. On n’a pas besoin de grossir trop vite non plus. Nous ne pouvons pas accueillir trop de monde en même temps. Les membres de l’association sont-ils des personnes qui en ont entendu parler via l’internet, le bouche à oreille ? Nos principaux canaux c’est internet via facebook. On a eu beaucoup d’articles de presse. On a eu la Voix du Nord, des magazines spécialisés d’un seul coup, en un mois. C’est nous qui sommes à l’origine de cela. Nous avons quelqu’un qui est très doué dans ces relations aux médias. Chacun a des compétences très pointues qui apportent beaucoup à la coopération. On fait des réunions publiques pour que les personnes puissent venir nous rencontrer. Ce n’est pas parce qu’ils en ont entendu parlés qu’ils vont forcément adhérer. On a commencé à être sur les marchés, les k-way, les t-shirts, etc. Le contact physique est bénéfique pour dialoguer. On ne fait pas une biocoop, on ne fait pas un magasin de producteur, on fait un supermarché participatif et coopératif. Dans le supermarché, on aimerait bien avoir en plus de l’espace de vente et de conditionnement, un espace enfant avec une pièce réservée pour les surveiller et jouer avec eux ainsi qu’un espace cuisine où l’on peut travailler les produits pour faire des recettes simples qui ne prennent pas beaucoup de temps afin de faire changer les modes de consommation. C’est comme cela que ça fonctionne. Nous ne sommes pas un projet excluant. La mixité des produits fera la mixité sociale.

99


Bibliographie À PROPOS DU SITE Ouvrages Atelier Traverses pour la DREAL Picardie, Atlas des Paysages de la Somme, 2004 Bazard urbain, Amiens 2030, Amiens Métropole Laverne, Thierry, Métropole buissonnière, dans le cadre du projet métropolitain Amiens 2030

Documents réglementaires Agence de Développement et d’Urbanisme du Grand Amiénois, Schéma de Cohérence Territorial, 2012 Chambre du Commerce et de l’Industrie de la Somme & Amiens Métropole, Charte de développement commercial et hôtelier d’Amiens Métropole, 2008-2012 PLU Amiens, approuvé en 2006 et révisé en 2015

AGRICULTURE ET PAYSAGE Articles POULOT, Monique, «Des arrangements autour de l’agriculture en périurbain : du lotissement agricole au projet de territoire», VertigO, Volume 11 n°2, septembre 2011 Traits d’agences, supplément au n°80 de traits urbains, «Alimenter la ville», 2016

Ouvrages 100

AUDIAR, L’agriculture périurbaine dans le Pays de Rennes, programme local de l’agriculture, janvier 2015 Cahiers de l’école de Blois, n°9, ed. de la villette, mars 2011 Cahiers thématiques de l’ENSAPL, n°11, ed. de la maison des sciences de l’homme, décembre 2011 DONADIEU, Pierre, Campagnes urbaines, Paris, ed. Actes Sud, 1998 GUEZ, Kristof, JANIN, Rémi & Pierre, PERNET, Alexis, Clermont au loin : chronique périurbaine, ed. Fudo, 2011 THIBAUT, Suzanne, Les courtils du XXIème siècle, interprétation d’un patrimoine samarien, rapport de présentation de TPFE, 2015

Reportages CASH Investigation, Produits chimiques : nos enfants en danger, 02 février 2016 DION, Cyril & LAURENT, Mélanie, Demain, 2014

ENTRÉES DE VILLE Articles COULAUD, Nathalie, «Réussir la rénovation des entrées de ville», Moniteur des travaux publics et du bâtiment, n°5633, novembre 2011 DE JARCY, Xavier & REMY, Vincent, «Comment la France est devenue moche», Télérama, février 2010 MASSOUNIE, Dominique & PASCALIS, Sandra, POLIA, revue de l’art des jardins, n°1, printemps 2004 PRATS, Michèle, «La problématique des entrées de ville, où en est-on ?», discours pour la 14ème édition du concours national des entrées de ville

Rapport DDT du cher, Définition et méthode d’analyse des entrées de ville dans un contexte post-grenelle, ministère de l’Égalité des territoires et du Logement & ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie, novembre 2012


FRICHES REY, Emmanuel, «Régénérer les friches urbaines», Le Monde, novembre 2015

URBANISME AUTOGÉRÉ MORLEO, Bruno, «Espaces possibles : découverte d’un urbanisme autogéré en France et en Belgique», Urbanews, mars 2016

URBANISME COMMERCIAL ET PAYSAGE Articles

GHORRA-GOBIN, Cynthia, « Lieu du transport et polycentrisme : une expérience américaine », Autrepart, n° 32, avril 2004 PAQUOT, Thierry, «Centres commerciaux contre la ville ?», Urbanisme, mars-avril 2001 SOULEZ, Juliette, «L’implantation du centre commercial dans la ville», Archistorm, n°38, septembre-octobre 2009

Émissions Services Publics, Y’a-t-il trop de centres commerciaux ?, France Inter, émission du 23 février 2015

Ouvrages BACHELARD, Gaston, La poétique de l’espace, Paris, ed. Presse universitaire de France,1958 BURGEL, Guy, Pour la ville, ed. Creaphis, 2012 HOCHART, Daisy, Architecture et urbanisme commercial, Ecole d’Architecture de Lille, Lille, 2000 INGALLINA, P & PARK, J’Y, «City marketing et espaces de consommation. Les nouveaux enjeux de l’attractivité urbaine», in : Urbanisme, n° 344, septembre-octobre 2005 MANGIN, David, La ville franchisée, formes et structures de la ville contemporaine, ed. La villette, Paris, 2004 ROCHEFORT, Robert, Un commerce pour la ville, Rapport au Ministre du Logement et de la Ville, février 2008

RÉFÉRENCES BRUEL & DELMART, Zone d’Aménagement Concerté de la Morinais à Saint-Jacques-de-laLande CHAPUIS, Jean-Yves, Rennes : la ville archipel et son corollaire : la ville des proximités CORAJOUD, Michel, Etude sur l’agglomération de Soissons, Participation aux travaux d’élaboration du schéma directeur, avril 1995 DESVIGNES, Michel, Le carré Sénart à Lieussaint HYL, Zone d’Activité du plateau de Courmelles et Ploisy

101


Présentant une forte dissymétrie géologique et topographique des versants, Amiens a favorisé son développement urbain en direction des plateaux sud, délaissant jusqu’au XXè siècle les plateaux nord. En moins de 50 ans, ces quartiers ont été construits sans considération de la vallée sèche Saint Ladre, dernière dépression géographique du plateau avant de pénétrer dans le centre-ville. Cette urbanisation faite au “coup par coup” est inhérente au nouveau modèle de société de consommation des années 1960 : Zone Urbaine Prioritaire réalisée dans l’urgence de reconstruction d’après-guerre, zone commerciale initiée par l’implantation d’un centre commercial Carrefour et lotissement pavillonaire. L’ouverture d’un nouveau centre commercial Frey prévue pour 2017, ne fait que répéter le même schéma dans la nouvelle zone d’aménagement commercial (ZACOM) projetée en partie haute de la vallée sèche. Ce développement urbain met à mal les mobilités actives. Les chemins du désir facilitant les déplacements des enseignes commerciales aux arrêts de bus, sont la preuve d’une nécessaire optimisation des déplacements actifs entre la périphérie et le centre d’agglomération. La ville, autrefois délimitée par une couronne vivrière jusqu’en 1950, voit cette qualité paysagère et écologique et de rentabilité économique, estompée par ces différents phénomènes. Ce constat s’inscrit das un débat contemporain sur l’évolution des modes de production agricole et aux paysages associés. Les remembrements successifs couplés d’une intensification des modes d’exploitation ont contribué à l’appauvrissement des paysages. L’éveil des consciences concernant la qualité de l’alimentation renforce le développement des circuits courts à l’échelle du Grand Amiénois pour valoriser l’agriculture biologique et met en perspective une nouvelle manière de produire à proximité de la ville. Le projet développé en entrée nord d’Amiens s’inscrit dans ces dynamiques pour faire de ce paysage une façade économique territoriale, identifiée et vécue comme un seul et même quartier, celui de la vallée sèche Saint Ladre. Cet enjeu vise à requalifier les quartiers existants et aménager la ZACOM pour une potentielle urbanisation dont l’identité est directement rattachée à la structure paysagère de la vallée sèche. Le projet s’inscrit dans un temps long pour faciliter l’implication des acteurs concernés et engager une procédure de zone d’aménagement concerté. Dans un premier temps, l’aménagement d’éléments paysagers caractéristiques des vallées sèches visera à améliorer le cadre de vie des habitants, ancrer les enseignes commerciales, développer les mobilités actives à l’échelle de la couronne périurbaine et diversifier les pratiques agricoles. L’eau et la végétation sont les deux composantes essentielles du projet de paysage. Dessiner la frange nord d’Amiens permet de valoriser son attractivité territoriale en alliant économies, habitats et loisirs. Vitrine depuis la rocade, la vallée sèche Saint Ladre est une réelle opportunité pour définir un nouveau cadre de vie périurbain, en favorisant des relations évidentes entre les habitants et le territoire.

Visite de terrain le 25 mars 2016


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.