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edito
L’ a r t d e v i v r e d e t o u t e s l e s Prov e n c e (s)
Il y a deux bonnes raisons de s’intéresser à une bouteille de vin : ce qu’elle contient et ce qu’elle raconte, le labeur des hommes, leur savoir, leur passion, leurs terres. Avouons-le : c’est la seconde qui guide aujourd’hui notre travail. Avec Vins & Provence(s), nous souhaitons davantage comprendre que juger. Nous préférons le témoignage à la leçon. Ainsi, n’espérez pas de nous que nous dissertions trop longuement sur la rondeur d’un rouge, la fraîcheur d’un blanc, la robe lumineuse d’un rosé. Pourtant, croyez-nous, comme tout amateur de vin, nous y sommes sensibles. Au-delà de la beauté d’un vignoble et de la chaleur de son propriétaire, la dégustation reste à nos yeux — que dis-je : “à nos palais” ! — le plus grand des plaisirs. Mais à quoi bon s’appesantir sur ces sujets quand d’autres, experts, inspecteurs et sommeliers, le font déjà avec talent. Ces professeurs avertis parfont chaque jour davantage notre éducation œnologique à travers des guides, des clubs et des conférences, et nous épargnent bien des désillusions par leurs conseils avisés. Inutile d’ajouter notre voix à ce concert de spécialistes. Cette voix, elle peut être utile à autre chose. Car parler d’un arôme ou de la longueur d’un vin, fut-ce avec la plus belle pertinence, ce n’est pas tout en dire ! On cause fruité et tanin ; on en oublie l’humain. L’histoire. Celle que l’on se raconte entre amis quand, une fois retombée l’émotion des premières gorgées, l’un des convives ouvre les débats de quelques mots, souvent les mêmes : « Il est bon ce vin ». Alors, on bavarde. On raconte ce que l’on sait du domaine et du vigneron. On se dit des mots jolis et gourmands comme “vendanges manuelles” ou “agriculture raisonnée”. On se remémore un repas, une bonne table, une autre bouteille, une escapade. On échange des noms et des adresses. C’est là la force d’un bon vin : il délie les langues sans qu’il ait besoin d’en abuser ! Alors causons ! Ces histoires, racontons-les. Ces adresses et ces tuyaux, donnons-les. Notre magazine est fait pour ça. D’ailleurs, n’hésitez pas : écrivez-nous pour nous faire partager vos découvertes. En attendant de les lire, nous espérons que vous apprécierez les nôtres, glanées au fil de nos balades en Provence. Quelle est belle cette Provence ! Si belle, si riche que nous lui avons inventé un pluriel. Jérôme Dumur Rédacteur en chef
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération
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Bandol, bellet, Baux de Provence, Cassis, côtes de provence, coteaux d’aix en Provence, Coteaux varois en Provence, Palette… Toutes les richesses de la
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pLEIN CADRE L’actualité des vignobles provençaux en image. Une opération caritative, des vendangeurs pas comme les autres, des raisins comme nulle part ailleurs.
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Millesime Les vendanges sont finies. Alors, que donnera le millésime 2008 ? Tout n’est pas encore joué, mais les professionnels ont déjà leur petite idée sur la question.
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Fini le temps où le vin était l’apanage des hommes. Aujourd’hui, les femmes l’apprécient, le choisissent et le font. Une enquête, les portraits de sept des vigneronnes de Provence, les coups de cœur des sommelières.
Une balade du côté d’Aix-en-Provence, entre ville et campagne. Les bonnes adresses, les institutions et, surtout, la Sainte-Victoire.
le vin au féminin
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portraits Ludovic Parfait, l’un des meilleurs sommeliers français. Eric Boisseaux, le Bourguignon de Bandol.
une route, des vins
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Saveurs d’automne L’époque est aux champignons. C’est bon et ça fait du bien. Surtout quand on les cuisine à la façon de Jacques Chibois.
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Petits secrets Pour choisir la meilleure des huiles d’olive, faîtes confiance à un expert. Cinq chefs étoilés nous confient leur préférence.
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savoir faire Vins & Provence(s) met l’accent sur les entreprises qui font la Provence. Dans ce numéro : Anthéor.
Et aussi… Des bonnes tables, les conseils d’un grand sommelier, la visite d’une maison d’hôtes, du shopping, des news…
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Jésus a transformé l’eau en vin. Le Domaine Bertaud Belieu, situé à Gassin, sur la presqu’île de Saint-Tropez, a décidé l’an passé de faire l’inverse. Il change le vin en eau en consacrant une partie de son raisin à la Cuvée des Vendanges du Désert, un Côtes de Provence vendu au profit de l’association Les Puits du Désert. Cette association humanitaire construit des puits pour les populations nomades du Ténéré, au nord du Niger.
du vin, de l’eau Pour assurer à l’opération le plus grand retentissement possible, le domaine varois mise sur la collaboration amicale de quelques “peoples” et amis qui consacrent une journée à la vendange. En 2007, le premier millésime, parrainé par Régine, a permis de récolter… 20.000 euros, soit le budget pour deux puits. Cette année, cette manifestation s’est tenue le 28 août. Parmi les vendangeurs d’un jour, on notait la présence de Maurane, marraine de cette 2ème édition, Régine, Stéphanie Fugain, Fabienne Amiach, présentatrice de la météo sur France 3, ou encore son ex-confrère de France 2 Patrice Drevet. Mais un inconnu leur a assurément volé la vedette : le Touareg Mohamed Ixa, président de l’ONG Tidène qui, grâce à son partenariat avec Les Puits du Désert, a réalisé en quatre ans plus de 70 points d’eau.
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Saint-Benoît, fondateur de l’ordre bénédictin, l’a écrit, en 529, dans le 48e chapitre de la Règle qui porte son nom : «Ils seront vraiment moines lorsqu’ils vivront du travail de leurs mains». Quinze siècles plus tard, sur l’île de Saint-Honorat, au large de Cannes, les frères de l’Abbaye de Lérins appliquent toujours la parole du fondateur du machisme d’Occident en vendangeant et vinifiant les chardonnays, clairettes, syrahs, pinots noirs et autre mourvèdres de leurs huit hectares de vignes. Non sans talent, d’ailleurs ! Relancée il y a une quinzaine d’années, l’exploitation vinicole produit aujourd’hui 38.000 bouteilles d’excellentes cuvées, flattées par l’influence maritime et les savoir-faire conjugués de Frère Marie, maître de chai, et de l’œnologue suisse Jean-Michel Novelle. Saint-Cézaire en blanc, Saint Sauveur en rouge (entre 40 et 50 euros la bouteille) ont ainsi trouvé leurs places sur quelquesunes des meilleures tables de France, de l’Arpège, fief d’Alain Passard, à la Ferme de mon Père, chère à Marc Veyrat.
La dive bouteille Quant à Saint-Salonius, une cuvée rare 100% pinot noir, aux belles notes épicées, présentée pour la première fois en 2006, elle est quasiment introuvable si on ne prend pas la peine de la réserver en primeur. La vendange de cet automne s’avérant de qualité, le millésime 2008 ne devrait pas faire exception… à la règle.
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les tétons de vénus
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En ce début d’automne, la nature offre bien des délices. Comme
aujourd’hui complètement délaissés, voire en voie de disparition. C’est le
de goûter aux Tétons de Vénus, ronds et généreux, d’un rose délicat.
cas, par exemple, du Téoulier qui, dans les temps anciens, rivalisait avec
Les Tétons de Vénus ? C’est l’autre nom de l’olivette rose, l’un des 88
le mourvèdre. Ou encore du catalan qui, au XVIIIe siècle, donnait un vin
cépages du conservatoire du Syndicat de l’Appellation Coteaux Varois.
de grande finesse. Mais du passé pourrait naître l’avenir : le syndicat
Installé depuis 14 ans dans les jardins de l’abbaye de la Celle, près de
étudie actuellement le Castet, un cépage que l’on trouve encore un petit
Brignoles, ce véritable musée à ciel ouvert rassemble toutes les variétés
peu sur Palette. Un jour, peut-être, ses baies noires pourraient enrichir les
de raisin qui ont fait l’histoire du vignoble provençal. Certains sont
rouges varois.
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le vin au féminin
Osez… le vin au féminin. Ces dames sont de plus en plus présentes dans l’univers du vin. Leur goût pour l’œnologie est grandissant. Leur présence dans les chais ne passe pas inaperçu.
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le vin au f é mi n in
Au bonheur des
dames
Sophie Biancone fait partie de la jeune génération des vigneronnes qui, peu à peu, s’installent aux commandes des grands vignobles de Provence.
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Ah, les femmes ! Elles fument, conduisent, portent le pantalon, glânent des médailles en Olympie sur un vélo ou en kimono, gouvernent en attendant le jour prochain où l’une d’elles gravira l’ultime marche du Pouvoir. Elles draguent et elles plaquent. Elles s’assument et elles assurent. Mon Dieu, que reste-t-il aux hommes ? Le vin ? On l’a longtemps cru jusqu’à ce que ce bastion du mâle cède à son tour. C’est dit : le beau sexe sait aussi jouer du canon ! Bacchus doit s’y résoudre : son nectar, désormais, se conjugue aussi au féminin. Vigneronnes, cavistes, sommelières, consommatrices : les dames ont la passion ! Et pas que du rosé, ce vin dont la couleur est censé plaire à leur cœur. Elles réclament tout autant du rouge et, s’il le faut, du charnu. «Si on imagine que les femmes ne cherchent que des vins souples, sur la légèreté, c’est qu’on n’a pas tout compris !», s’amuse Isabelle Ponsol, propriétaire de la Cave de l’Origine, à Nice, rue Dalpozzo. «Que croyez-vous ?, confirme Giselle Marguin, présidente de l’Association des Sommeliers Alpes Marseille Provence. Quand il s’agit d’accompagner un foie gras, une femme ira volontiers sur un cru charpenté.» Quid des fameux vins de femme, avec leurs tanins soyeux, leurs arômes marqués sur le fruit ? Ils restent, semble-t-il, un passage obligé pour les nouvelles consommatrices. Mais, dès qu’elles prennent de la bouteille, ou du moins qu’elles en débouchent Vins & provence(s)
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le vin au féminin
Le temps est révolu où les femmes étaient interdites de chais de peur qu’elles fassent tourner le vin ! © EastWest Imaging - Fotolia.com
Moins, mais mieux Le vin a de l’avenir auprès des femmes, mais de là à conclure que la femme est l’avenir du vin, face à la baisse régulière des ventes en France, il y a un pas qu’on ne saurait franchir. Les enquêtes d’Onivins et de l’INRA en témoignent. Les
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régulièrement, celles-ci n’hésitent plus à s’aventurer sur des territoires réputés plus ardus. En ça, les femmes ne diffèrent guère de leurs maris : elles aiment les bons vins, voilà tout. «Avec, sans doute, un souci plus marqué pour la santé ou l’environnement, remarque Isabelle Ponsol. Elles réclament des vins digestes, sains, des vins sincères et authentiques. Elles aiment savoir qui les fait et comment, connaître l’histoire qu’il y a derrière la bouteille.» Dans le vin comme dans tout, ces dames ne pardonnent pas la chimie, l’artifice, fussentils au service du goût.
femmes se déclarent plus souvent consommatrices occasionnelles que régulieres : 40% pour les unes, seulement 15% pour les autres. Et elles boivent moins, trois fois moins que les hommes. Or, ce n’est pas prêt de changer à l’avenir. En effet, la gente féminine ne diffère en rien de la tendance générale : elle boit moins et moins souvent. Mais c’est vrai : elle boit mieux. Six femmes sur dix associent le vin à de grandes occasions. C’est déjà ça de pris !
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Elles ont du nez ! Il est toutefois un domaine où les femmes n’égalent pas encore leurs compagnons : le langage. Charnu, friand, rond, équilibré : tous ces jolis mots échappent toujours à la majorité d’entre elles. Question de palais ? Du tout ! C’est juste qu’elles n’ont pas intégré tout à fait les codes d’un monde qu’elles découvrent depuis peu. «D’ailleurs, le vin relève encore bien souvent, pour les femmes, d’une expérience, constate Isabelle Ponsol. Même si, aujourd’hui, elles peuvent ouvrir une bouteille pour la boire entre amies, elles ont encore en tête l’idée de s’encanailler.» Le vin est donc à leurs yeux un plaisir, un lien social, pas encore une science, un savoir d’initié. Elles y arrivent, cela dit. Tout doucement, mais sûrement, s’adonnant toujours plus nombreuses à l’art de la dégustation. Un temps, elles fuyaient la mixité, se réunissant dans des clubs exclusivement féminins, craignant peut-être la commisération ou l’intransigeance du public masculin. Mais, si de telles structures persistent, les frontières entre les sexes, ici comme en d’autres domaines, s’estom-
pent. « Je croise de plus en plus de couples dans les clubs de dégustation, raconte Gisèle Marguin. Et si, dans le temps, il n’était pas si courant qu’une femme s’exprime sur le vin, désormais, ça ose davantage. Et les dames vont sans doute plus loin dans le détail. Quand l’homme parle d’un nez floral, la femme est plus précise, identifiant la lavande, le jasmin, l’acacia. Lui vous parlera de notes de fruits rouges, elle évoquera la fraise ou le cassis.» Les femmes ont-elles des papilles plus fines que les hommes. Cela se dit ! Pour le nez du moins. On prête aux dames un odorat cent fois plus développé que les hommes. Pourquoi pas. Reste qu’au delà de l’inné, il y a aussi l’acquis. «Nous exerçons notre mémoire des parfums depuis le plus jeune âge, souligne Gisèle Marguin. On voit plus souvent les petites filles sentir un bouquet que les garçons, non ?»
Marquer la différence Il faut bien le dire : que ce soit ou non dans leurs gènes, les femmes ont, pour le vin, plus que du goût : du génie ! En témoigne la réussite aussi spectaculaire que récente des vigneronnes. Il fut un temps ou elles étaient bannis des chais car, prétendaient les anciens, «elles faisaient tourner le vin». Aujourd’hui, ce n’est plus le vin qu’elles font tourner, mais les affaires ! Sainte-Roseline, La Calisse, Mentone, Peyrassol : les femmes dirigent quelques-uns des plus beaux vignobles provençaux. « Elles font aussi bien que les hommes, reconnaît un confrère, sous le sceau du secret. En plus, elles ont des qualités que nous n’avons pas toujours : la rigueur et l’hygiène. Allez dans les chais d’une vigneronne et vous
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Valérie Riboud, propriétaire de Château Roubine et présidente des Eléonores de Provence.
verrez. Même au plus fort des vendages, c’est nickel !» Rien d’étonnant, par conséquent, à ce que la liste des vigneronnes provençales ne cesse de s’allonger. Qui dirige Ott, l’un des grands noms de la région ? Marion, l’arrière petite-fille de Marius, le fondateur. A Bandol, Freddy Estienne, mentor de La Laidière qui produit pour beaucoup le meilleur blanc de Provence, transmet le flambeau à sa fille, Anne. En début d’année, Château Rasque a basculé à son tour. Après deux ans à seconder Gérard, son père, Sophie Biancone a pris seule les rènes de ce beau domaine de Taradeau. Une transition qui s’opère en douceur, père et fille partageant encore la paternité des crus maisons. Mais, à même pas trente ans, la demoiselle fait déjà valoir sa différence. Elle poursuit ainsi l’œuvre entamé par sa mère, Monique, il y a déjà quelques années. «Elle a créé le Clos de Madame, un rouge qui, grâce à une vinification très particulière, inspirée des méthodes bourguignonnes, s’avère plus léger, plus fruité que Pièce Noble”, notre cuvée tradtionnelle. Et voilà qu’aujourd’hui, je lance le premier rosé Clos de Madame, un vin d’une grande finesse, un véritable rosé de gastronomie.» A quelques kilomètres de là, à Lorgues, le Château Roubine est également passé sous la coupe d’une femme : Valérie Riboud. Elle a longtemps secondé Philippe, son mari, champion d’escrime gagné aux joies du vignoble. Aujourd’hui, son époux lancé dans une autre carrière, elle assume seule la direction de ce vaste domaine. Et, elle-aussi a très vite marqué son territoire. Mieux : elle l’a révolutionné, le convertissant à l’agriculture raisonnée. Le résultat : Inspire, la nouvelle cuvée reine du Château. Plus qu’un nouveau vin : une vraie philosophie. «On a, par exemple, travaillé de nuit pour mieux maîtriser les traitements. On va ainsi évoluer de plus en plus vers la biodynamie. Mon mari l’aurait-il fait ? Peut-être. Mais moins vite que moi, sans doute. Moins loin. Parce qu’une femme, plus qu’un homme, a le souci de transmettre une terre propre à la génération future.»
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Des femmes en
campagne Par Olivier Gagnebien & Jérôme DumuR
Rencontrez… Valérie, Caroline, Adeline, Sophie, Marie-Laure… Ce sont toutes Des vigneronnes Passionnées, des femmes de tempérament. Par la qualité et L’originalité de leurs vins, Elles Défendent avec talent les différents terroirs de Provence.
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Côtes de Provence Valérie Courrèges C’est une jolie plante au milieu des vignes, une jeune pouce, taille mannequin, la coquetterie des demoiselles de son temps, qui veille sur une coopérative quasi centenaire. Cette fée mène à la baguette les Caves du Commandeur que lui ont confiées, voilà cinq ans, 115 viticulteurs de Montfort-sur-Argens et de sept communes voisines. Ils pèsent lourds, ces gars-là : 550 hectares, pas moins, d’une terre profitant de l’un des meilleurs microclimats de la région. Un don du ciel qu’ils n’ont pas toujours exploité à sa juste valeur. Jusqu’en 2002… Sous l’impulsion de la génération montante, un vent de modernité souffle alors sur les chais. On investit : cuvée inox, pressurage, groupe de froid. Puis l’on parie sur une jeune œnologue du Sud-Ouest, repérée précemment par Lafite Rothschild, dès sa sortie de l’Université Toulouse III. « A l’origine, j’y étudiais la pharmacie. Mais, à force de croiser de futurs œnologues sur le campus et dans les soirées étudiantes, j’ai fini par changer de voie. » Un quinquenat plus tard, le bilan est excellent. Valérie a versé aisément d’un Sud à l’autre. « J’ai de suite trouvé ma place. » Faut dire que derrière la belle, il y a une bête de somme. « Organisation des vendanges, vinifcation, gestion, commercialisation : le travail ne manque pas. Et dans le chai, à manier pompes et tuyaux, le job est physique ! » Mais ses efforts sont payants. Son rouge — la cuvée Dédicace, qu’elle a créée en 2003 — commence à faire parler de lui. « Du syrah, essentiellement pour un vin puissant, structuré, avec pas mal de compléxité.» Et le rosé ? « Je n’en avais jamais fait avant d’arriver ici. ». Coup d’essai, coup de maître : l’an passé, il a valu à la coopérative sa première médaille au Concours Général Agricole de Paris.
Valérie Courrège
Côtes de Provence Adeline de Barry Bulle de Rosé, sa dernière trouvaille, n’en finit pas de séduire. Les 3.000 bouteilles de ce rosé pétillant (méthode traditionnelle) ont trouvé preneurs en un rien de temps. « Nous avons été débordés par cette réussite, jusqu’à devoir rationner nos clients. L’an prochain, nous doublerons au moins notre production. » La dame n’en est pas à son premier coup d’éclat. L’audace, c’est même sa marque de fabrique. Elle lui doit d’avoir réveillé l’affaire familiale : le Château de Saint-Martin. Depuis que sa mère lui en a confié les rênes, en 1993, elle n’a cessé de développer l’offre maison. Sa plus belle création : les Cuvées Vieilles Vignes Comtesse de Saint-Martin. « J’ai voulu montrer qu’en Provence, on sait faire des vins de gastronomie. Le rouge avoue des épices douces et des tanins fins. Le rosé est sensuel. Le blanc minéral, floral, sophistiqué. » Histoire de bousculer encore davantage les préjugés, elle use de portraits féminins de l’époque romantique pour ses étiquettes. « Pour évoquer la finesse et
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l’élégance. Et pour revendiquer la tradition matriarcale de cette propriété qui, depuis deux siècles, a toujours eu une femme à sa tête. Une seule exception : le Comte de Rohan-Chabot, mon grand-père. »
Cassis Sophie Simonini-Cerciello Avec son franc-parler, la propriétaire du Château Barbanau brosse pêle-mêle que « la vendange est un pari », une prise de risque tant que « les sécateurs ne sont pas nettoyés et les sceaux lavés ». Un brin provocatrice, elle dit aussi être la seule vigneronne « à se
sophie Simonini-Cerciello
Coteaux Varois Patricia Ortelli La Calisse jusqu’à la lie ! Avant de produire des bêtes à concours qui trustent les médailles aux quatre coins de France, Patricia Ortelli a sacrément transpiré. « Ma première vinification, je l’ai faite sans personne pour m’aider. Les caisses pleines à charrier, les nuits blanches à surveiller les cuves, je m’en souviens encore.» Normal : à ses débuts, la patronne de Château Calisse n’avait d’autre choix que de mettre la main à la pâte, faute d’argent dans les caisses et de stocks dans les caves. C’est que, quand elle l’a acquise — « sur
adeline de barry
trimballer », au moment des vendanges « en bottes et en salopettes ». « Bio par conviction ». elle n’est pas écologiste et se reconnaît seulement une passion pour la nature. Elle a d’ailleurs l’Afrique Australe dans le sang. Si bien que le désert du Kalahari lui a inspiré le nom de sa cuvée d’exception. De tout cela, Sophie parle avec les mains. Une habitude qui lui vient peutêtre de ses origines piémontaises. Sa jeune histoire de vigneronne entre Roquefort la Bedoule et Cassis remonte à vingt ans. Le temps voulu pour replanter son vignoble et « arracher trois hectares à la colline ». Un petit bout de terre blotti dans les restanques de Cassis lui permet de jouer « une interprétation différente du terroir ». D’en montrer toute sa quintessence. On en revient alors à Kalahari… « C’est un vin passionnel, dix ans d’effort, un vin secret qui se raconte avec une poêlée de Saint Jacques au pistil de safran. Ce sont mes tripes, pas un vin de garage ». Un vin féminin. « Un vin hors norme, une voie à suivre, le culot d’une femme. » Avec ce « blanc de garde aromatique » fermenté et élevé en pièces « à la bourguignonne »,
un coup de tête, parce qu’en bonne fille d’agriculteur, j’avais faim de terre. » — son exploitation ne valait pas tripette, usée, délaissée qu’elle était par son ancien maître, un architecte qui avait cru trouver la pierre philosophale. S’il est vrai que le raisin se transforme parfois en or, il réclame du travail et du savoir. Pour l’avoir ignoré, le bonhomme y a laissé sa chemise. « Quand j’ai débarqué ici, il n’y avait rien à sauver. Même la maison était en ruine. J’ai donc arraché les 10 ha de vignes pour recommencer tout de zéro. » Un nouveau départ pour le domaine. Comme pour sa propriétaire. Qu’elle est loin l’Ecole du Louvre, spécialité Archéologie grecque. Qu’elle était douce, la vie de mère au foyer, deux enfants adorables, un mari notable. « A 30 ans, je suis retournée sur les bancs de l’école pour passer mon brevet professionnel agricole. Un an plus tard, je plantais mes premiers ceps. Une parcelle après l’autre, selon les finances du moment. » Depuis, elle n’a jamais levé le pied ! Impossible de prendre du recul. « C’est féminin comme attitude. Ne dit-on pas d’un vin qu’on l’élève, comme un enfant ? Et toutes
patricia ortelli
«Comme beaucoup de mes confrères, j’exporte mes vins dans le monde entier. Il n’y a finalement qu’en France que la Provence n’est pas encore reconnue comme le grand terroir qu’elle est aujourd’hui.» Patricia Ortelli
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Caroline Missoffe et anne poniatowski
ces chères Eléonores Ce club très privé n’a que quelques mois et, pourtant, il a déjà enregistré une trentaine d’adhésions. Des membres issus du monde du vin, pour la plupart, mais aussi quelques chefs d’entreprise, spécialistes de l’art de vivre. Leurs points communs ? La Provence d’abord. Et puis ? L’écocitoyenneté : respect de l’environnement, investissement sociétal. Et encore ? Ces trente-là sont… des femmes ! Elles forment les Eléonores de Provence, une association de femmes réunies autour de Valérie Riboud, leur présidente, pour défendre l’art de vivre en Provence. Défense des traditions et du patrimoine de la région, transmission de savoir-faire, promotion des différents terroirs locaux et opérations caritatives : le programme de ce club fondé le 8 mars 2008, pour la Journée Mondiale de la Femme, ne manque pas d’ambition. Parmi les premières priorités : un groupe d’échange autour de l’agriculture raisonnée.
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les mamans vous le diront : un enfant, on ne doit pas le lâcher un seul instant ! » D’autant plus que cette progéniture-là est du genre gâtée, nourrie au bio. « Le raisin est plus heureux sans pesticide. On en a moins, mais mieux. Et ça, ça fait tout l’arôme de nos vins. »
Les Baux de Provence Anne Poniatowski et Caroline Missoffe L’endroit s’appelle le mas de la Dame. Sauf que des dames, il y en a deux : Anne Poniatowski et Caroline Missoffe, les arrières-petites filles du créateur du domaine. Des “bio” dans un pays de bio. Deux anciennes journalistes, l’une “financière”, l’autre “mode”, reconverties à la vigne et longtemps guidées par Jean-Luc Colombo, le vigneron de Cornas. À l’écart des Baux-de-Provence, sur le versant sud des Alpilles, elles choient deux petits coins cachés, leurs “jardins secrets” : des vieilles vignes d’une poignée de terre au milieu des 57 hectares du vignoble. Et dessinent, à quatre mains, une cuvée de rouge, une autre de blanc. 24 000 bouteilles, guère plus. Une de grenache élevée en foudres « pour oublier le cabernet de Trévallon, et signer un Rayas dans les Baux ». Une autre de sémillon, un cépage atypique dans le coin qui laisse penser parfois « à un grave blanc ou un meursault ». « Pourquoi le grand père en a-il planté ? » s’interrogent encore les deux soeurs. Elles sont les seules à en posséder, pourtant « en barriques, ce n’est pas mal du tout ». Avec leurs deux cuvées, elles donnent « du rêve sans céder à la mode » et cherchent « à rester près du terroir, fidèles à nos assemblages ». Deux cuvées, deux vins féminins « pas trop marqués par le bois », Deux vins de garde pour accompagner un poulet aux morilles, ou se régaler d’un agneau braisé. Encore qu’avec un petit bout de saucisson pour mise en bouche, on a du mal à rester
sophie moquet
sage. On est loin de leur nouveau-né, “L’infernal”, un vin de garage, 800 bouteilles, « un pur cabernet, un coup de foudre pour une barrique neuve ». Un coup d’essai comme une parenthèse.
Palette Sophie Moquet Elle va chercher l’âme de son “Crémade” dans « une mosaïque de cépages » et deux vieilles parcelles de deux hectares encore plantées à l’ancienne où se mêlent raisins blancs et raisins rouges. Sophie Moquet est pragmatique, raisonnée et presque secrète. Cartésienne davantage que poète, elle aime les Côtes Rôties et la syrah, les parfums du chardonnay et le pinot rouge davantage que le merlot et le côté “poivron” du cabernet. Ses barriques, pourtant, sont bordelaises. Du Seguin Moreau soigneusement sélectionné pour ses élevages. Elle aime les vins boisés. Juste lorsque le bois est “fondu” et apporte « sa petite touche vanillée et caramélisée ». Pour elle, il est un outil « important » mais non « prépondérant ». Pour dessiner l’esprit de Palette, Sophie parle de rareté et de typicité, d’élégance et de finesse, d’un terroir singulier qui oblige la vigne à souffrir pour se nourrir, de “calcaire de Langesse” forcément, quant d’autres à Châteauneuf-du-Pape vantent les galets roulés. De son vin, elle ne parle pas comme d’un vin féminin, mais comme celui d’une jeune vigneronne, ingénieur agronome, née en Bourgogne, à la tête « depuis cinq vendanges » d’un domaine familial de neuf hectares À 28 ans, elle est la seule vigneronne de l’appellation. La seule aussi à privilégier le rouge « et ses arômes de sous bois et d’eucalyptus » au blanc. Peut-être parce que si le blanc exige plus « de précaution », le rouge demande davantage « d’attention et de manipulations ». Un contact plus charnel.
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marie-laure merlin
Côteaux d’Aix Marie-Laure Merlin Entre Saint-Chamas et La Farre les Oliviers, le Domaine de Suriane. 36 hectares à flanc de collines sur les bords de l’étang de Berre. Son vin, c’est le “M de Suriane”. Techniquement, c’est une vinification séparée, un assemblage de syrah et de cabernet sauvignon et un élevage en barriques de chêne des Vosges après un passage en cuves bétons. De façon plus poétique « c’est une jolie lettre, mon initiale, j’aime la littérature, c’est aussi aimer, c’est mon vin, un peu mon enfant, c’est surtout ma cuvée de coeur ». L’autre après-midi, Marie-Laure Merlin s’est prise à confesser à un voisin qu’elle était en route pour faire « le meilleur vin du monde ». Dans sa bouche, cela signifie un vin soyeux ou « plutôt sur le velours » avec des tanins ronds, de la personnalité et « un fin boisé qui ne masque pas le fruit ». Pour cela, elle dit devoir affiner « l’équilibre de ses assemblages ». 15% de mourvèdre viennent de s’inviter à la table de la syrah et du cabernet. « Il faut aussi parfaire l’expérience de la vigneronne et le choix des barriques » sourit-elle. Peut-on parler d’un vin féminin ? « Le vin et les femmes est un sujet à la mode » se moque t-elle. On insiste. De sa voix pétillante et naturelle, elle nous emmène aussitôt sur le volet du “rosé” : « voilà le vin de femme par excellence. Mon rosé fruité est le plus féminin des rosés… C’est un rosé de muscat séduisant et flatteur à l’œil, un vin de table avec une richesse de fragrances et d’arômes ». La complexité est à chercher ailleurs. Dans son rosé “M de Suriane”. Tout en images, elle ose la comparaison : « c’est une femme davantage voluptueuse », plus en rondeur, avec une couleur plus soutenue, « un vin plus charnu, plus gastro », avec du gras et de la puissance en bouche pour « se marier avec une cuisine exotique ».
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l e v in au f é m inin
les chouchous de ces
dames Par Josselin Toussaint-Pierre / Photo : Didier Bouko
Partagez… les coups de cœur de quatre expertes. elles veillent sur les caves de quelques-unes des meilleures tables de Provence. Une position idéale pour débusquer la perle rare.
Pour Claire Bourgier
Pour Karine Tinon
pour “coriandre”. Valeur montante de la cuisine du Sud, Jérôme Laurent l’a choisi pour son restaurant arlésien. C’est dire si l’homme a du goût pour les saveurs d’ailleurs. Pourtant, pour accompagner ses voyages, Claire, sa sommelière, ne vogue pas toujours au long cours. Pour preuve, elle avoue un faible pour un proche voisin de la Vallée des Baux : le Domaine Hauvette. « Fruit du travail d’une vigneronne, Dominique Hauvette, le Blanc de blanc 2005, vin de pays des Bouches du Rhône, est remarquable. De la finesse, de l’élégance, beaucoup d’arômes et de parfum. Un nez fruité avec une attaque “pêche blanche”, suivie d’une note miéllée discrète. Une bouche équilibrée, très marquée par le pamplemousse. Des notes florales, type jasmin, et une pointe d’épice en finale. Idéal sur un plat acidulé.»
A voir sa clientèle, très busy et business, on imagine volontiers que la sommelière des Trois Forts, le volet culinaire Sofitel Marseille Vieux Port, chasse ses bons crus dans le vignoble bordelais. Risque minimal, marge maximale. Que nenni ! La dame surprend son monde en faisant d’un vin de table de St-Cyr-sur-Mer son coup de cœur du moment. «Ouvert, assez rond, avouant des notes de fruits rouges très présentes et, dans une moindre mesure, de fruits confits, L’Indomptable n°7 m’a plu de suite. Même s’il s’accorde parfaitement avec une viande rouge, un pigeon ou des champignons, je le conseille aussi à l’apéritif pour apprécier pleinement son fruité très agréable et ce boisé souple, bien maîtrisé, qui naît de 4 mois d’élevage en fûts anciens. A boire dès maintenant (à carafer) ou à garder 7 à 8 ans pour aller chercher des arômes de sous-bois.»
Hauvette Blanc de blanc 2005 L’Indomptable n°7 Cilantro : ça sonne provençal, mais c’est le mot anglais Domaine de la Chrétienne
Pour Karine Poncet
Minna Vineyard Blanc 2006 Quand on veille sur la cave du Marseillais Lionel Levy, l’un des chefs les plus remuants, les plus inventifs de la jeune génération méditerranéenne, on se doit de sortir des sentiers battus. Ainsi, la sommelière d’Une Table au Sud avoue-t-elle une préférence pour le vin de table blanc de Minna et Jean-Paul Luc. Ces deux vignerons de Saint-Cannat, entre Alpilles et SainteVictoire, sont connus pour leur rouge fin et fougueux. Leur blanc, produit depuis 2005, le vaut. « Le 2006 est élégant, avec des arômes d’acacia et de fleurs blanches. Le vermentino, cépage dominant, apporte des notes d’agrumes et un peu de fraîcheur en fin de bouche. Il est élevé à la Bourguignonne : en fûts, sur lies. S’il est difficile à maîtriser, ce procédé donne d’excellents résultats. Ici, il apporte du gras et, en finale, un boisé subtil. A boire dans les cinq ans. » 22
Pour Noélie Grangette
Domaine Pieracci Rosé On attendait peut-être de cette sommelière qu’elle élise un Cassis blanc. Une bonne raison à ce préjugé : la demoiselle conseillait jusqu’à ces dernières semaines les convives de l’Epuisette, belle adresse marseillaise, nichée dans le vallon des Auffres, petit port de pêche sorti tout droit d’un roman de Pagnol. Oui, mais non ! Le cœur a parlé plus que la raison et c’est à Bandol que Noélie est allé chercher son bonheur. En la matière, le dernier-né de ce vignoble varois « Le Domaine Pieracci a été créé en 2006. Le rosé 2007 est donc son premier vin. Un joli départ avec un cru à la robe soutenue, avec des reflets orangés, un nez marqué par les agrumes, une bouche complexe. De la rondeur et, surtout, une longueur qui ne manque pas de surprendre.»
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C é pa g e
Un grain de
Folie Par Josselin toussaint-pierre
Cueillez… une grappe de mourvèdre, L’un des cépages les plus emblématiques du vignoble provençal. Il apporte aux vins rouges et rosés un potentiel de garde exceptionnel pour la région.
En Provence, le Mourvèdre, c’est un peu comme les touristes : on le croise partout, mais c’est au bord de mer qu’on le remarque le plus. Normal : il aime plus que tout autre la chaleur et le soleil ! D’ailleurs, ce cépage tardif qui mûrit à un rythme de sénateur, n’est jamais aussi beau que lorsque le mois de septembre se prend à se rêver aoûtien. En outre, il apprécie le mistral et les brises marines qui le préservent de bien des maux. C’est que ce petit costaud a la peau bien épaisse, capable de résister au pire cagnard et de se contenter de sols pauvres, reste paradoxalement d’une santé fragile, craignant particulièrement le mildiou, l’oïdium, les acariens, les cicadelles ou la pourriture acide. Bien que la France, avec 7500 hectares, reste son principal producteur, ce raisin noir puise ses origines plus au Sud. On le dit en effet natif de Murviedro, dans la province de Valence. D’autres le pensent catalan : il serait né près de Barcelone, à Mataro dont il porte encore le nom dans de nombreux pays, du Roussillon aux USA, en passant par l’Australie où son succès est grandissant. Il en est même qui prétendent
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qu’il est arrivé en Provence dès l’Antiquité, importé par les marchands phéniciens. Mais au diable les querelles sur son pedigree ! Une chose est sûre : le Mourvèdre est aujourd’hui un Provençal vrai de vrai, tellement enraciné dans la culture et l’agriculture locale que certains — les Bandolais pour ne point les citer — l’ont fait roi ! Il s’est développé dans le Sud de la France au MoyenAge quand l’Occident, assumant enfin les legs de la civilisation greco-romaine, a retrouvé le goût du bon vin. Pendant des siècles, on l’a ainsi cultivé de Nice à Perpignan, en passant par les premières pentes des Alpes. Mais seule la Provence lui est restée fidèle après l’invasion phylloxérique qui, au milieu du XIXe siècle, a décimé le vignoble européen. Quand vint l’heure des replantations, on lui préféra partout ailleurs des cépages plus “faciles” à travailler. Depuis, certains ont fait machine arrière. Ces dernières décennies, de nombreuses AOC du Languedoc, du Roussillon et de la Vallée du Rhône (la prestigieuse Châteauneuf-duPape en tête) l’ont réintroduit dans leurs vignobles. Un renouveau qui s’explique par le bel apport du
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c o m m u n i c at i o n Mourvèdre dans un assemblage. Certes, c’est un capricieux dont le rendement peut évoluer du simple au triple selon les années. Pire : c’est un égoïste qui n’aime pas partager cep et soleil avec de trop nombreux voisins. « Contrairement à ce que l’on pense, un pied de mourvèdre produit beaucoup, confie Olivier Pascal, propriétaire du Domaine Souviou, à Bandol. Le problème, c’est que si vous laissez la pleine charge, les baies n’arrivent jamais à mûrir. Lors de l’égrappage, il ne faut donc pas hésiter à tomber une grappe sur deux. » Mais pour qui sait passer outre ce côté “diva”, ce raisin est une merveille. Subtil mais fragile, le Mourvèdre est au mieux quand il regarde la mer. Comme sur le vignoble de Bandol, par exemple.
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une assurance vieillesse Alcoolisé et riche en tanins, tempéré le plus souvent par plusieurs mois de fûts, il donne des vins corsés sur leur jeunesse, des chiens fous qui n’aiment rien tant que de mordre dans un bon gibier : sanglier, biche, lièvre ou chevreuil. Mais une fois passée cette adolescence rebelle, ces mêmes vins ne cessent de se bonifier. Grâce à son pouvoir anti-oxydant, le Mourvèdre est en effet la meilleure des assurances-vieillesse ! Parce qu’il en contient au minimum 50% (jusqu’à 95% dans les cas les plus extrêmes !), un Bandol rouge est ainsi au mieux de sa forme entre dix et vingt ans. Sans rien perdre de son caractère, il développe alors des arômes élégants de fruits rouges, de sous-bois, de cuir, de truffe. Plus remarquable encore : le Mourvèdre autorise quelques années de garde à un vin qui, sans lui, ne souffre pas l’épreuve du temps : le rosé ! « En cinq ans, croyez-moi, il va développer une complexité aromatique qui en étonne plus d’un », commente un spécialiste du genre : Michel Bronzo, président de l’Association des Vins de Bandol.
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Millésime 2008 : et
alors ?
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Par Jérôme DumuR
vence. La vigne a pris son temps, voilà tout.» Vrai : à force d’avancer la date des vendanges jusqu’à boucler certaines récoltes à la fin août, comme cela s’est vu l’an passé dans certains domaines de la côte varoise ou du côté de l’Etang de Berre, on a fini par oublier qu’en Provence comme ailleurs, la vigne aime prendre son temps pour venir à maturité à l’orée de l’automne. «C’est mieux ainsi, assure Edgar Pascaud, propriétaire du Château de Pampelonne, à Ramatuelle. On a en effet des taux de sucre raisonnable et le degrè d’alcool ne devrait pas être très élevé.» Un retour à plus de légèreté qui ne devrait pas déplaire aux consommateurs, surtout s’ils ont un faible pour le rosé qui s’apprécie plus volontiers sur la fraîcheur.
De belles promesses patientez… encore quelques mois et les premières bouteilles du millésime 2008 seront sur le marché. Que peuton en attendre ? Un bon cru, sans doute…
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Ouf ! Les vendanges provençales s’achèvent. Seulement maintenant ? Eh oui ! Si les premières baies de sauvignon, un cépage blanc particulièrement précoce que l’on retrouve à Bandol, Cassis et sur les Coteaux d’Aix, ont été récoltées à la mi-août, la plupart des domaines de la région ont lancé les grandes manœuvres en septembre. Ainsi, à la fin de ce mois, on vendangeait encore à Bandol (le mourvèdre aime prendre son temps !), sur les Coteaux Varois et autour de la SainteVictoire. «Les derniers coups de sécateur seront donnés dans la première quinzaine d’octobre», estimaiton au Conseil Interprofessionnel des Vins de Provence (CIVP). Et dire que l’an passé, à la même époque, le tracteur avait retrouvé sa remise depuis quinze bons jours au moins ! Cette récolte automnale doit-elle inquiéter les aficionados des crus provençaux ? Du tout. Car, finalement, il n’y a là aucune anomalie. «Pour nous, c’est un retour aux dates traditionnelles, remarque Philippe Bréban, président de la Maison des Coteaux Varois en Pro-
Autre particularité des vendanges 2008 : elles n’ont pas simplement été tardives, elles ont aussi duré longtemps. «On a vendangé pendant plus d’un mois, raconte Eric Pastorino, président des Maîtres Vignerons de Gonfaron quand, d’habitude, tout est plié en trois semaines à peine. Bien sûr, cela nous a causé quelques soucis d’organisation. Et puis, il y avait le risque des intempéries de l’arrière-saison. Mais, au final, c’est une excellente chose. Avec ces récoltes échelonnées, les œnologues ont été moins bousculés que les années précédentes. Ils ont pu travailler leurs vins avec plus d’attention.» Voilà une bonne nouvelle, d’autant que cette année, la nature a, semble-t-il, plutôt gâté la majorité des vignerons provençaux. «Sur le rosé, s’enthousiasme Eric Pastorino, on a de très beaux arômes préfermentaires, avec notamment des notes marquées sur la pêche. Il faut espérer, bien sûr, qu’on les retrouve à l’heure de la mise en bouteille. Mais, croyez-moi, on fait tout ce qu’il faut pour parvenir à les garder jusque-là.» Et les Gonfaronnais ne sont pas les seuls à espérer un bon
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En Provence, les vignerons achèvent les vendanges. Dans leurs cuves, déjà de beaux arômes. Il leur faut donc les conserver. Quoi qu’il en soit, il est bien plus facile de les garder que de les créer !
millésime. Il semble que la fin de l’été 2008, avec ses belles journées ensoleillées et ses nuits fraîches, a largement profité à l’ensemble du vignoble. Cette amplitude de température a en effet une influence positive sur les arômes des raisins en favorisant la maturation phénolique. Mais attention, il y a un pas entre des baies pleines de promesses et un vin brillant par sa richesse et il est encore trop tôt aujourd’hui pour le franchir avec certitude. Reste que certains professionnels se hasardent déjà à quelques pronostiques enjoués. Ainsi, au CIVP, on évoque dès maintenant «des rosés aromatiques, élégants, fins et légers, des rouges ronds et friands, des blancs fruités, tendance agrume». Même son de cloche du côté du Bandol où l’on annonce, avec gourmandise, des rouges très concentrés.
Des prix stables Allez, n’en doutons pas : la qualité sera là ! Mais pas la quantité, hélas. La production 2008 ne devrait pas dépasser celle de 2007, la plus faible depuis 1991 et ses gelées assassines. La faute à la sécheresse qui, depuis des années maintenant, stresse les vignes, les amenant à produire de petites baies de peu de rendement. Et à la pluie aussi ! Elle fut trop fréquente sur la fin du printemps, en pleine floraison, ne laissant aucun répit aux viticulteurs qui n’ont pu procédé, entre deux averses, aux traitements de leurs ceps. Résultat : du millerandage, une maladie de la vigne responsable de nombreux cas de coulure, l’avortement pur et simple de la fleur. Pire : pour couronner le tout, le mildiou, ce champignon microscopique qui assèche les grappes, s’est également invité à la fête. Tout cela n’aura bien sûr aucune conséquence sur le 28
goût du vin. En revanche, cela va peser sur son prix. Autant vous le dire de suite : il est inutile d’espérer une baisse des cours. Surtout que si la production stagne, la consommation, elle, croit régulièrement grâce à une progression notable sur les marchés étrangers des ventes de rosé, la couleur majoritaire en Provence (85% des 130 milllions de bouteilles de Côtes de Provence). Bref, la difficulté pour nos vignerons, c’est moins de gérer les stocks que la pénurie. Notons toutefois que, cette année, tous les domaines ne sont pas logés à la même enseigne. Il apparaît que certains, situés notamment en bord de mer, ont moins souffert que d’autres du coulage et du mildiou. Merci Eole ! Doit-on dès lors s’attendre à une Provence à deux vitesses avec des vins du moyen-pays qui maintiennent leurs tarifs et ceux du littoral qui les descendent. Non ! La tendance à la stabilité est la même pour tous. Peutêtre même que quelques-uns, malgré une conjoncture défavorable, se laisseront tenter par une hausse discrète. C’est que l’année 2008, si elle a été dure pour les ceps, n’a pas été tendre non plus pour les portefeuilles. «On a subi une flambée des matières séches comme le verre, les bouchons, les étiquettes, explique Edgar Pascaud. Elle est liée à la hausse du coût de l’énergie. Mais pas seulement. On a aussi eu droit à une pénurie sur les bouteilles qui s’est traduite par une augmentation conséquente des tarifs. Tout ça parce que les industriels ont transféré une grande partie de leur capacité de production vers le verre plat, un matériau réclamé par le milieu du BTP.» Reste donc à espérer que la crise de l’immobilier incitera les verriers à un retour en arrière. Le millésime 2009 n’en sera que plus abordable. Du moins, ça ne coûte rien de le croire !
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PORTRAITS
Un homme de
Goûts par jérôme Dumur
Ludovic Parfait
la bio express 1971 naissance à Thiais, en région parisienne.
1977 ses parents emménagent Route de Tavel, à Pujaut, près d’Avignon.
1991 chef sommelier chez Christian Etienne, à Avignon. Cette année-là, il remporte le titre de meilleur jeune sommelier de France.
2006 Il arrive second du concours du Meilleur Sommelier de France.
En quelle année les Crémants d’Alsace sont-ils passés en AOC ? En 2006. Vous ne le saviez pas ? Rassurez-vous : vous n’êtes pas le seul. Ludovic Parfait, par exemple, a également failli sur cette question, à l’occasion du concours 2006 du Meilleur Sommelier de France. Et ça ne l’a pas empêché de monter sur la seconde marche du podium. Il faut dire que cette anicroche mise à part, notre homme a fait preuve, tout au long de la compétition, d’une connaissance étendue du monde du vin, enchaînant avec talent les différentes épreuves : histoire, dégustation, conversation en anglais, géographie, législation… Mais le sommelier du Mas de Pierre, à Saint-Paul de Vence, le sent : il peut mieux faire. Alors, les 9 et 10 novembre, dates de l’édition 2008, il va repartir à la bataille. Avec la ferme intention, cette fois, de décrocher le titre. Et pour mettre toutes les chances de son côté, il s’est assuré le concours de deux coachs : l’Azuréen Franck Thomas, Meilleur Sommelier d’Europe en 2000, et… Sullivan, l’aîné de ses deux enfants, qui, du haut de ses onze ans, n’aime rien tant que de tester son père sur des dégustations à l’aveugle.
Les pieds sur terre Pour autant, Ludovic Parfait n’est pas une bête à concours. C’est avant tout un amoureux du vin qui priviligie la pratique sur la théorie. "Ce qui me plaît dans un vin, c’est tout ce qu’il y a autour : l’histoire, le terroir, le propriétaire. J’aime aller sur les vignobles, entendre le vigneron me raconter ses crus, voir la vigne, sa taille, son orientation, sentir ses parfums, ressentir la lumière, le climat. De chaque visite, je ramène ainsi des mots et des images que je partage avec mes clients ou mes amis. Et c’est bien là, à mes yeux, la magie du vin : il encourage l’échange." L’expérience est d’autant plus agréable qu’elle est 30
sans cesse renouvelée. "On n’aurait pas assez d’une vie pour goûter tous les bons vins. Et on ne les connaît jamais. Dans ce métier, rien n’est jamais acquis, chaque nouveau millésime remettant vos jugements en question. Ça force à l’humilité !" Reste qu’il y a des valeurs sûres. Il cite les rouges de Bandol : LafranVeyrolles, la Bégude, la Suffrène, La Tour du Bon. Quelques Côtes de Provence aussi, comme la Bastide Saint-Jean : "un vin sur le fruit, gourmand, avec de la simplicité". Ou encore un Côteau d’Aix : "la Cuvée Terra d’Or 2000 du Domaine Des Béates, un rouge boisé, concentré, pour la garde". Malgré tout, il l’avoue : sa préférence va à la Vallée du Rhône. "C’est toute ma jeunesse ! Quand je travaillais chez Christian Etienne, à Avignon, entre deux services, je filais dans les vignes de Gigondas ou Châteauneuf."
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PORTRAITS
Entre la Cadière d’azur et Saint-Cyrsur-Mer, Château vannières compte plus d’une trentaine d’hectares de vignes. Les pieds de mourvèdre, grenache, cinsault, clairette et autre rolle avouent ici 35 ans de moyenne d’âge.
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UNE route, des vins
une BALADE à
aix Par Olivier Gagnebien
Jusque-là, il n’y avait que le Clos de la Violette, « la table d’Aix » ose un habitué, la cuisine classique de Jean-Marc Banzo. Deux étoiles au Michelin durant des années. Et puis, Pierre Reboul est arrivé avec ses épaules larges et son ode à la cuisine nouvelle tendance (lire page 36). Il est venu de Tain l’Hermitage, dans la Drôme, cet entre-deux mondes où le Rhône bascule au sud. Avec Aix, il découvre autre chose. Est-ce seulement la Provence ? Quand on lui demande de trouver une recette sortie de ses fourneaux pour parler de sa ville adoptive, il cogite un brin puis se lâche : « ce serait une boîte de grenouilles façon caviar et persil, essence d’estragon et son sorbet au pastis ». Allez savoir pourquoi. Sûrement pour le mélange de tradition et de modernisme qui fait l’humeur à part de la cité du Roi René, pour son côté très “Français, ma chère” matiné de “Méridional, peuchère”. « En tous les cas, je suis fan de cette ville… Elle a une vraie vie culturelle. » Et la culture, ici, c’est Cézanne. Picasso, aussi. Vasarely ou
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encore Preljocaj. Mais Cézanne, surtout. Cézanne et
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UNE route, des vins
Aix fait
Bande à part
Un seul vignoble : celui des Côtes de Provence. Mais plusieurs terroirs, avec leurs sols et leurs climats propres. Des particularismes locaux qui ont décidé de la création de dénominations régionales. Sainte-Victoire et Fréjus ont ouvert le bal. La pionnière aixoise regroupe 17 caves privées et 5 coopératives, soit 2.225 ha. Elles produisent plus d’un million de bouteilles par an, du rouge (20%), franc ou charpenté, et un rosé (80%) très fin, le blanc portant encore la seule estampille “AOC Côtes de Provence”. © CIVP
la mythique montagne Sainte-Victoire, l’inspiration du
terroir de calcaire donnent des vins à part ». Nous y
peintre, “l’identité d’Aix”. Comme un aimant… Nul
voilà… Et Frédéric ajoute : « Les vrais vins d’Aix sont à
n’y résiste.
chercher là, sur les contreforts de la sainte Victoire ». Il n’est donc pas de flânerie en Aix sans prendre le
La montagne sacrée
temps d’emprunter des chemins de traverse. Il n’est
Prenez Frédéric Canazzi. Ce jeune sommelier est le gar-
pas de découvertes de cette ville de robe, aristocrate
dien des grands crus de la cave Jacquemes. Au coeur
et universitaire, sans sillonner ces routes de campagne
de la ville, cette maison est une institution familiale.
qui, sous l’emprise du massif de Sainte Victoire et de
Une ancienne fromagerie devenue épicerie fine. À l’in-
« sa fantastique voilure de rochers blancs » mènent à
térieur, derrière une vieille porte en bois, dans l’ombre
Puyloubier ou au Tholonet. Un cirque de 3 500 hectares
d’une cave voûtée, ne dorment que des grands crus
d’un seul tenant.
et de vieux flacons. Là, on entre en émotion. « C’est
C’est le berceau de la dénomination de terroir AOC
la plus belle cave de France », souffle un connaisseur.
Côtes de Provence Sainte-Victoire. Une vingtaine de
Et que dit-il Frédéric sinon que la « Sainte-Victoire,
producteurs, réunis sous la même bannière depuis
c’est l’âme d’Aix. Elle est un patrimoine, elle a inspiré
2005. Parmi eux, Guy Négrel, vigneron à Trets. Il est
Cézanne, elle retient les nuages, ses contreforts et son
né là, au Mas de Cadenet, sa montagne à portée de
La bonne
note
Dans la campagne aixoise, le Mari Jas, la maison d’hôtes de la soprano Anne-Sophie Schmidt. Un havre de paix propice à la rêverie au milieu d’une grande pinède comme une invitation à oublier le quotidien. Chineuse et éclectique, femme de goût et de raffinement, elle aime la déco, soigne les détails et mélange les styles et la diversité des matériaux ramenés des quatre coins du monde pour donner à ses cinq chambres l’authenticité du bon goût. Les murs sont en stuc ou patinés, les têtes de lit en fer forgé ou en bois avec l’accent de Bali et les salles de bain en vieux marbre ou en béton ciré. Le luxe dans la simplicité. Quant au petit-déjeuner, il est naturellement « maison ». Avec le tour de main de Michel, un chef d’orchestre passionné de cuisine, et les recettes de Christine Ferber, la fée alsacienne des confitures. Le Mari Jas. 154, chemin du Mari Jas, 13 790 Peynier. Tél. 04.42.53.58.49. Chambres et petits-déjeuners : 60-110 euros (basse saison). www.lemarijas.com
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mains. « J’ai grandi avec elle. À regarder les ombres du soleil portées sur elle, je lis l’heure. Elle est vivante, elle n’a jamais la même couleur : elle est rose, blanche, bleue, elle est un tableau. Quand je ne la vois plus, j’en suis malade. ». Pour lui-aussi, c’est sûr : l’identité d’Aix est nulle part ailleurs. Et pourtant !
Cru bourgeois Pourtant, le vignoble le plus proche de la ville n’est pas sur les flancs de la Sainte-Victoire. Pas loin, mais pas là. À Palette, l’autre AOC locale. Et Palette, pour beaucoup, c’est Château Simone, à Meyreuil. “Le joyau de l’appellation.” L’œuvre d’André Rougier. Une mosaïque de cépages sur un terroir singulier de calcaires irrigué par les sources d’Aix-en-Provence. « Aix, c’est Château Simone, comme Bellet à Nice, un vin un brin aristocrate », ose Daniel Sufresne, sommelier aixois. « C’est un château avec ses deux tourelles », de la même veine ou presque qu’à Pichon-Longueville ou à Château Palmer. « Château Simone est incontournable, c’est la mémoire de Palette », reconnaît aussi Frédéric Canazzi. Ses rouges demandent de la patience. « dix ans au moins dans l’idéal ». Son blanc « extraordinaire » a bâti sa réputation. Las, chercher à pousser sa porte durant les vendanges relève de l’impossible. Pas avant six mois. On y renonce. Retour aux bruits de la ville. A la rencontre des Aixois. Qui sont-ils ? « Les Aixois, ce sont les Parisiens du Sud », se moque t-on volontiers à Marseille, « un brin m’as tu vu, il faut leur parler pointu. Les Aixois sont bourgeois ». Pas seulement. Installée dans la campagne environnante, la soprano AnneSophie Schmidt (lire l’encadré ci-contre) aime « la concentration de la ville, son architecture, son empreinte romaine et sa tradition provençale » et se plaît à dîner parfois au Passage, une
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les plaisirs de la table L’automne a également pris ses quartiers à La Table, à Tourtour. Une maison à l’entrée du village, une vingtaine de couverts au mieux, un peu plus si le soleil baigne le jardinet. Pour faire tourner la boutique, un couple : Laurent Guyon aux fourneaux, Meia au service. En cinq ans, ce duo s’est forgée une belle réputation. Méritée. Pourtant, on l’a mise à rude épreuve, l’attaquant sur deux fronts : le menu à 32 e et le “végétarien” (28 e). Résultat : le chef a gagné sur les deux tableaux ! D’entrée, un coup gagnant : le parfait de girolles. La douceur de cette terrine à l’ail et au persil contraste Laurent Guyon
joliment avec l’attaque franche et le croquant des girolles qu’elle contient. Fort de cette entâme réussie, le cuisinier a alors déroulé son jeu sans faillir avec, pour le menu végétarien, un risotto aux girolles à l’huile de basilic. Simple mais parfaitement exécuté : épais sans être sec et ce qu’il faut d’assaisonnement. Même maîtrise sur le magret de canard de l’assiette voisine : le cœur rosé comme on l’aime, les bords grillés pour donner à la pièce de viande un rien de croustillant. Une cuisson comme ça, ça vous en dit long sur la technique du chef. On lui devine des appuis solides, de ceux qui autorisent bien des fantaisies. Les desserts, par exemple : une improbable pana cotta à la vanille et pavot, coulis de poivrons doux, une insolite crème brûlée aux framboises et thé Matcha qui laisse flâner longtemps en bouche ses parfums délicats. Ultime détail : le vin. Un Pas du Cerf rouge 2005 (50cl-22 e). Qu’en dire sinon que ce fut un bonheur de plus !
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Maître jacques Si Jacques Chibois avoue bien volontiers des origines périgourdines et limousines, il reste l’un des meilleurs chantres de la gastronomie de Provence. Arrivé sur la Côte d’Azur il y a une vingtaine d’années pour prendre les commandes des cuisines du Gray d’Albion, à Cannes, cet amoureux du terroir s’est rapidement adapté aux produits du cru jusqu’à en devenir l’un des meilleurs spécialistes. Intarissable sur l’huile d’olive ou la truffe, il cultive aujourd’hui une cuisine qui n’appartient qu’à lui, un métissage heureux entre deux suds : son Sud-Ouest natal et sa région d’adoption. Ce beau mariage régale depuis douze ans maintenant les hôtes de la Bastide Saint-Antoine. Cette belle maison grassoise associe le charme d’un Relais & Châteaux au talent d’un deux étoiles Michelin.
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p r oduits de saiso n
ingrédients 2 râbles de lapin
Le Râble de Lapereau rôti aux Cèpes, jus de Tonka à l’encre
800 g de cèpes 3 gousses d’ail
Déroulement de la recette
Finition de la sauce encre
6 branches de romarin
Mettre rapidement à cuire sur feu vif les râbles, salés
très fine. Râper une pointe de couteau de fève de
6 branches de thym
et poivrés, avec les 4 branches de romarin, thym,
Tonka et ajouter l’encre.
6 branches de sarriette
sarriette et persil, les dorer, et ajouter les oignons
1 oignon blanc moyen
coupés en petits dés, écraser l’ail et ajouter le vin
10 cl de vin blanc
blanc. Cuire à couvert, retirer les râbles de lapin,
Dressage sur assiette ( 30cm)
désosser.
Disposer les lames de cèpes sur ¼ de l’assiette à
Faire sauter les cèpes coupés en grosses lamelles à
droite. Couper les râbles de lapin en tronçon et
l’huile et beurre, bien les dorer avec les 2 gousses
ranger devant les cèpes. Napper de sauce tomate et
d’ail écrasées.
de jus d’encre. Décorer de brindilles et de fleurs.
1 noix de tonka 1 petit pot d’encre de seiche
2 branches de persil plat 80 g de beurre 8 cl d’huile d’olive Sel, poivre Sauce tomate 50 g de jus de tomate (bouteille) 5 g de ketchup (5 g de concentré de tomate) 25 g de beurre
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Passer le jus de cuisson dans une passette à grille
Préparation de la sauce tomate Mettre tous les ingrédients dans une petite casserole, saler, poivrer, puis fouetter et monter en émulsion.
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Petite salade de Girolles aux Artichauts à l’huile d’olive à la Grenade Déroulement de la recette Faire sauter les girolles lavées dans une poêle anti-adhésive pendant 2 minutes sur feu vif. Saler et poivrer.
ingrédients
Refroidir rapidement dans une passoire.
600 g de petites girolles
Cuire les artichauts classique à l’eau légèrement salée et quelques gouttes de citron à couvert. Les refroidir puis
2 gros artichauts
enlever feuilles et le foin intérieur. Les couper en huit en forme de triangle.
50 g de feuilles de mesclun Quelques branches de cerfeuil
Confectionner la vinaigrette Mélanger tous les ingrédients dans un bol avec un petit fouet.
Dresser sur assiette Mettre les girolles assaisonnées au centre de l’assiette en forme de monticule, piquer les feuilles de salade et de
Vinaigrette 1 cuillère à café de citron 1 cuillère à soupe d’huile d’olive 1 cuillère à café d’huile de noisette
cerfeuil. Décorer avec des petits points d’huile d’olive, vinaigre, graines de grenade puis disposer les triangles
Pour le décor
d’artichauts assaisonnés.
1 Grenade balsamique 6 cl d’huile d’olive, sel et poivre 1 cuillère à café de vinaigre balsamique 4 cl de vinaigre balsamique
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t e rroir
l’huile des
huiles Par Maryloue Luciani
blon. « Elle est puissante en bouche. L’attaque est piquante, avec une légère amertume. Il vient un peu plus de douceur sur la suite. A essayer également sur un poisson si on le cuit au naturel. »
percez à jour… L’un des petits secrets des grands chefs : leur huile d’olive. Cinq des fines lames de la cuisine du sud, toutes “étoilées”, nous ont confié leur préférence.
Philippe Labbé Le chef du Château de la Chèvre d’Or, à Eze Village, est allé chercher son huile au nord de Nice, à la Trinité, chez Lessatini & Fils. Il aime son assemblage de picholine, de caillette et de manzanilla (une olive originaire d’Espagne). « J’en apprécie le fruité et cette petite âpreté agréable qui lui donne tout son caractère. Je l’utilise pour mes assaisonnements, sur les plats chauds et froids, voire même sur les desserts. Seule, en dégustation, elle est aussi très bien ! »
Léoube. « Ce domaine viticole a renoué avec l’oléïculture depuis peu. Ces deux dernières années,
Jean-Luc Rabanel C’est au Sambuc, au cœur du Parc Naturel de Camargue, que le mentor de l’Atelier (à Arles), a trouvé son bonheur avec l’huile de La Commanderie. « On va parfois chercher bien loin ce que l’on a tout à côté, remarque ce chantre du bio. Cette huile, c’est de l’or © H. Hote 2007
la qualité est vraiment au rendezvous avec une huile très équilibrée, à l’aise sur tous les terrains. La belle maturité des fruits apporte beaucoup de goût. Et la proximité de la mer lui assure de la fraîcheur sans verser dans l’agressivité. »
Alain Llorca Le maître du Moulin de Mougins a beau briller par la modernité de
Nicolas Sale Au Monte-Cristo, le restaurant étoilé de l’Hôtel du Castellet, un bon repas commence souvent par quelques légumes de saisons et une touche d’huile monovariétale Picholine du Château d’Estou-
vert. Elle n’est pas très typée, tout en délicatesse, avec une saveur herbacée qui m’intéresse, idéale sur ma cuisine du végétal, pour souligner des légumes à peine cuits, voire crus. »
Mathias Dandine C’est à Bormes-les-Mimosas, près du Lavandou et de l’Hôtel des Roches où il a fait son nid voilà trois ans, que Mathias Dandine va quérir son huile : celle du Château de 48
sa cuisine, pour son huile d’olive, il fait confiance à un centenaire : Baussy & Fils. Ce moulin situé à Spéracédes, près de Grasse, ne broie que des olives de la région pour en tirer une belle huile «fruitée et fraîche en goût, légère, sans acidité, idéale sur un poisson.»
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L’ E x pert
Devine qui vient
dîner Sur une idée de Maryloue Luciani
Imaginez… André Toscano, chef sommelier de la Palme d’Or, la table étoilée de l’Hôtel Martinez, vient dîner chez vous. A quelques heures de cette bonne soirée, votre téléphone sonne. Conversation (presque) imaginaire…
Les trois coups de cœur d’André Toscano, chef sommelier de l’Hôtel Martinez, à Cannes • Baron G Blanc 2005 Château de Bellet Tél. 04 93 37 81 57 • Mataro Rouge 2004 Domaine de la Cressonnière Tél. 04 94 48 81 22 • Rouge 1998 Château de Pibarnon Tél. 04 94 90 12 73
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- Allo ! C’est André. - Ah, salut André. Ça va ? - Bien, bien. Dis-moi, pour ce soir, je pensais : si je prenais le vin ? C’est plus raisonnable que le dessert, non ? Parce que moi, tu sais, les gâteaux… - Oh, mais c’est avec plaisir, tu penses. Mais dismoi, tu songes déjà à quelque chose de particulier ? Allez, raconte : tu as déjà choisi l’une de ces bonnes bouteilles dont tu as le secret, hein ? - Oh la ! Pas si vite. Je ne vais tout de même pas décider du vin sans savoir ce qu’il va accompagner. Tu as une petite idée de ce qui nous attend ? - Plus qu’une idée : le menu est fait ! - Alors, vas-y. Je suis tout ouï. - Bon. Pour commencer, nous nous régalerons d’un velouté de châtaigne au lard grillé. - C’est bien gourmand, ça. Je verrais bien un vin blanc assez structuré. Qu’est ce qui suit ? - Des filets de Saint-Pierre aux cèpes. - Alors, il n’y a pas à hésiter : un Baron G 2005 du Château de Bellet. Il est rond, gras et équilibré ; il ira très bien sur le poisson. Mais dans le même temps, il a la puissance, l’harmonie qu’il faut pour soutenir la saveur du lard grillé. On fait d’une pierre, deux coups. C’est parfait ! La suite… - J’ai prévu un râble de lièvre en cocotte. Je te fais ça avec un pain perdu de poireau. Délicieux. - Et pour que ça soit meilleur encore, qu’est-ce que tu dirais d’un rouge charnu pour accompagner le goût du sauvage. - Tu penses déjà à quelque chose ? - Oui. La Cuvée Mataro 2004 du Domaine de la Cressonnière. Un beau Côtes de Provence, assez puissant, équilibré. Il a du caractère. Ça sera superbe sur les saveurs relevées de ton gibier, crois-moi. - Je n’en doute pas, André, je n’en doute pas… - Et pour le fromage, tu as prévu quoi. - Et bien, un plateau…
- Certes, mais il y a quoi sur ton plateau. Du chèvre ? Des fromages au lait de vache ? - Il y aura des deux. - Alors, il nous faut deux vins. Un rouge, un blanc. - Tu n’as pas peur que ça fasse trop ? - Ah mais, il faut savoir ce que l’on veut ! C’est bien de donner le choix pour le fromage, mais il faut alors qu’on l’ait également avec le vin. Pour le chèvre, nous nous satisferons bien d’un blanc. tu sais quoi ? Nous finirons le Baron G. Pour les autres, par contre, il faut impérativement un rouge. Et comme on arrive en fin de repas, qu’on est déjà bien rassasié, il faut un rouge qui se déguste, qui nous invite à prendre tout notre temps. - Ne pourrait-on pas terminer le Mataro ? - Pourquoi pas. Ce ne serait pas une hérésie, loin de là. Ça dépend de ce qui conclut le dîner. - Alors là, tu vas te régaler ! Je fais une petite tarte aux figues et aux noix, je ne te dis que ça. - Dans ce cas je ne peux pas faire autrement que de l’honorer d’un grand vin. Un Pibarnon Rouge 1998, par exemple. Une merveille de Bandol. Beaucoup de finesse. On l’ouvrira au début du repas pour le carafer. Cela flattera ses arômes, même s’ils sont déjà bien évolués. On le goûtera sur le fromage. Par pure gourmandise, juste pour apprécier son parfait équilibre, sa légère pointe de tanins soyeux. Il ira très bien sur ta tarte, avec ses arômes de fruits mûrs, presque confiturés. D’autant que la noix, ça met toujours en valeur le vin. Avec ce fruit sec, même les mauvais te parraissent buvables. Alors, imagine quand tu le maries à un excellent rouge comme mon Pibarnon. Franchement, ça va être un grand moment de plaisir. Mais pourquoi tu ris ? - Pourquoi je ris ? Mais parce que tu me mets l’eau à la bouche. Et c’est quand même un comble, non, pour un sommelier !
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Château mentone cumule les plaisirs. Celui d’un joli cru. Celui d’une belle maison d’hôtes. Une escale charmante qui conjugue charme, détente et gourmandise.
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s av o i r - fa i r e
L’esprit Anthéor ? L’association de la fantaisie méditerranéenne et des traditions de l’art de vivre à la française Ici : les collections Grand Siècle (ci-contre) et Beauregard (ci-dessous).
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s av o i r - fa i r e
puis, quand la forme n’y suffit pas, les couleurs — bleu roi, framboise, jaune paille ou safran, marquent à leur tour la différence. Du coup, la marque sort rapidement du Var pour s’installer un peu partout en France et, notamment, dans les grands magasins de Paris. En parallèle, elle poursuit son aventure américaine. Mais c’est là un succès d’estime que l’entreprise peine à transformer en espèces sonnantes et trébuchantes. Avec seulement une quarantaine de points de vente, fussent-ils de qualité, Anthéor n’est jamais parvenu à dégager les volumes qui lui aurait permis d’assoir son développement. Alors, conscient de la fragilité de leur édifice, les Bedel se décident à le céder. C’est ainsi que, fin 2005, Elisabeth Monclaire reprend l’affaire, fermement décidée à dynamiser ses ventes.
Une nouvelle direction C’est qu’en matière de commercialisation, cette parisienne a du répondant. Pour preuve, elle a mené une belle carrière dans le Groupe Total, jusqu’à prendre la Direction des Ventes de la branche spécialisée dans les colles de bricolage. Son fleuron : Sader. Vous savez bien : « Sader, ça adhère ! ». Un produit leader en France qui lui vaut de négocier avec les centrales d’achats des grandes surfaces. Le genre d’exercice qui, on s’en doute, vous forge un caractère. « Cette expérience, j’ai souhaité la mettre à profit pour diriger ma propre entreprise. Quand on m’a présenté 56
le dossier Anthéor, j’ai eu véritablement le coup de foudre. J’aime le raffinement. J’aime recevoir. J’aime les dressages de table harmonieux qui font les belles ambiances. Je ne pouvais qu’aimer Anthéor ! » Sa première décision : elle déménage le siège social pour l’installer à Flassans-sur-Issole, près de Brignoles, dans des locaux lui permettant d’ouvrir un showroom. Sa deuxième décision : ne rien changer d’autres, poursuivre sur la voie tracée par ses prédécesseurs. « L’entreprise a un vrai savoir-faire avec des produits rares, façonnés à la main. Ponçage, limage, retrait de matière : certaines de nos assiettes nécessitent, pour la seule finition, jusqu’à quatre interventions humaines différentes. Mais encore fallait-il que cela se sache. C’était là mon premier défi ! » Deux ans plus tard, elle l’a en grande partie relevé. La nouvelle gérante a redynamisé son réseau commercial. Elle a ainsi amorcé des partenariats avec quelques enseignes spécialisées de la décoration de charme ou du mobilier haut de gamme. Elle a largement développé l’export qui pèse aujourd’hui 70% de ses recettes. Toujours présente aux USA, Anthéor est également distribuée au Canada, au Japon, en Russie, en Afrique du Sud, en Corée… Et puis, elle a engagé timidement quelques diversifications : verreries, couverts, nappages… «Dans l’esprit maison, forcément ! Nos nappes brodées, par exemple, sont réalisées artisanalement, en quantités très limitées.»
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objets Du culte
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par maryloue Luciani
L’essentiel est dans la bouteille mais l’accessoire contribue parfois à nous le rendre meilleur…
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1 Sur deux pieds
5 du glamour
Un verre qui s’emboîte dans une carafe : c’est l’idée originale de Guillaume Bardet pour la Cinna Spoutnid. www.cinna.fr
Chic Lady Devine Night (L’Atelier du Vin), un tire-bouchon ergonomique et tendance, en gomme et cristal Swarovski (104,90 €). www.atelierduvin.com
2 Alchimie La carafe selon WMF : Kult et son trépied en acier inoxydable. www.wmf.com
3 Belles courbes Amadeo, une carafe en cristal imaginée par Riedel, le grand spécialiste du verre à vin. www.riedel.com
4 la primeur La clé du vin modifie les arômes du cru dans lequel on la glisse. En une seconde, les arômes évoluent comme en un an. Utile pour connaître le potentiel de garde. www.peugeot-saveurs.com
6 Branché Etienne Meneau conçoit des carafes-sculptures en verre. En édition limitée (12 exemplaires) au prix de 2100 € l’unité. etiennemeneau@free.fr
7 Au degré près Enfin, un vin servi à la température idéale, grâce à ce thermomètre digital Menu AS à poser, comme une ceinture, sur la bouteille. www.menu.as/en 7
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quoi de neuf ? Nouveau millésime L’édition 2009 du Guide Hachette des Vins, belle référence en matière de guide œnologique, est en vente depuis quelques semaines à peine. En Provence, ce millésime distingue plus particulièrement une douzaine de domaines. En Côtes de Provence, ils sont cinq à décrocher les trois étoiles (vin remarquable) : le Château Coussin pour son rosé SainteVictoire César 2007, le Domaine des Diables pour son rosé SainteVictoire 2007, le Domaine Sorin pour le blanc Sergine 2007, le Domaine des Thermes pour son rosé Iter Privatum 2007 et enfin Les Treilles d’Antonin pour son rosé 2007. Le jury avoue aussi un coup de cœur pour le rosé Le Clos 2007 du Domaine de Siouvette. Côté Palette, le guide octroie trois étoiles au rosé 2007 du Château Crémade et un coup de cœur au Blanc Quintessence 2007 du Château Henri Bonnaud. Enfin, signalons les coups de cœur du jury pour les Bandol rosés 2007 des Luquettes et du Moulin des Costes, pour le Coteaux Varois Blanc 2007 du Château Margillière, pour le Coteaux Varois rosé Cuvée prestige 2007 du Château des Chaberts, et pour le VDP rouge Marselan 2007 du Domaine de l’Attilon, à Arles.
apprendre En s’amusant Une nouvelle version de Bacchanales vient de sortir. La présentation de ce jeu de société “œnologique” a été remise au goût du jour, mais son principe est toujours le même. Un joueur choisit une bouteille dont il cache la provenance tandis que les autres, forts de différents outils de dégustation (des capsules olfactives, des guides, un verre Testarome) tentent de découvrir sinon le domaine, du moins le terroir d’origine de ce vin mystère. Une façon ludique de s’initier au monde du vin, à ses arômes, à son vocabulaire. 76 e -Points de vente : 01 40 60 72 90
Petits pots gourmands Toutes les saveurs d’un potager dans des petits pots : c’est l’idée déclinée par Oliviers & Co avec ses collections légumières. Pour cet hiver, le spécialiste de l’huile d’olive s’est assuré le concours de quatre grands chefs : Giovanni Ciresa, Alain Passard, Gérald Passedat et Enzo Pettè. Un blanc de poireau au miel d’acacia vient nourir un délicieux sandwich. Une crème de carottes cuites dans l’orange réveille l’apéritif d’une pointe de chicorée. La tournure de pomme de terre et oignon se déguste chaude, comme une purée. Entre 5,90 et 6,50 e le pot.
Un rendez-vous alléchant Lundi et mardi 27 et 28 octobre, le Carré Léon Gaumont, à Sainte-Maxime, accueille les Rendez-Vous Méditerranéens de la Gastronomie. Cette première édition s’articule autour de trois thèmes forts. Primo, les professionnels débattront de la gastronomie de demain, de la cuisine bio, de l’éco-gastronomie ou encore des nouvelles tendances de consommation du vin rosé. Secundo, le grand public profitera d’un mini-salon du terroir varois, fort d’une trentaine
d’exposants. Tertio, experts et néophytes se retrouveront pour la finale du Trophée Gastronomie et Vins de Provence, une compétition d’une dotation globale de 23.000 euros, animée par le journaliste Vincent Ferniot, ouverte aux cuisiniers et sommeliers. Les premiers tenteront de séduire les palais d’un jury emmené par Jacques Maximin avec une déclinaison du veau de lait et deux garnitures. Les seconds travailleront sur les alliances mets/vins.
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quoi de neuf ? Un tube, un hit ? Wines In Tubes (WIT). Du vin en tube, en VF. C’est l’idée de Laurent de Crasto, ingénieur en viticulture et oenologie. Au départ, il voulait offrir aux vignerons
Vin & amour C’est bien connu : le rose est la couleur de l’amour, le rouge de la passion et le blanc… du mariage. Bref, le vin partage avec nos cœurs un même nuancier. On ne s’étonnera donc pas qu’il soit désormais prétexte à des rendez-vous galant. Cela s’appelle le “Wine dating” (35 e par personne) et se tient tous les premiers lundis du mois au sommet de la Tour Montparnasse, le plus grand immeuble de France. Le concept imaginé par Montparnasse 56 est joliment trouvé. Pour faciliter la rencontre, les célibataires jouent, par équipe de 4 tirée au sort, à un Wine Game associant un quiz collégial et une dégustation. Chacun des vainqueurs remporte deux coupes de champagne, l’une revenant au perdant de son choix. Ne reste plus alors qu’à déguster son verre en tête à tête avec tout Paris à ses pieds. Infos : 01 45 38 53 16 www.tourmontparnasse56.com -
Double ration Comme chaque année, le salon Palais Gourmand, dédié à la gastronomie et à l’œnologie, voit double. Cette manifestation se déroulera ainsi du 7 au 11 novembre, à l’Hippodrome de Cagnes-sur-Mer. Pour cette 17e édition, 270 exposants venus de toute la France se disputeront les faveurs des 30.000 visiteurs attendus par les organisateurs. A noter la participation de l’Azuréen Franck Thomas, Meilleur Sommelier d’Europe qui animera tout au long de la durée du salon des formatiosn gratuites à l’œnologie. Bis repetita : du 28 novembre au 1er décembre, le Palais des Congrès de Saint-Raphaël accueillera à son tour, comme depuis quinze ans, le salon Palais Gourmand. Le principe est toujours le même : 110 artisans et vignerons proposeront leurs produits du terroir à la dégustation et à la vente.
pour les fêtes Du 28 novembre au 1er décembre, la 13e édition du Monte-Carlo Gastronomie va pousser la Principauté au péché de gourmandise. A trois semaines à peine des fêtes de fin d’années, l’occasion est belle en effet de faire ses emplettes pour les réveillons. Une semaine après, les 6 et 7 décembre, on garnira le pied du sapin avec les livres coup de cœur du 1er salon Cuisine et Littérature de Monaco.
un nouveau conditionnement, pratique et économique, pour la dégustation et la promotion de leurs crus. Mais au printemps dernier, les tubes de verre et leurs capsules à vis sont partis à la conquête du grand-public grâce à la société Wine Side et sa Classic Collection. Des WIT de 6 et10 cl (soit l’équivalent d’un verre) pour une visite des plus grands vignobles de France. Quatre de ces flacons, dont le Bandol rosé, sont en vente depuis ce printemps chez Colette, le temple parisien de la branchitude. D’autres points de vente ont suivi dont la Maison des Coteaux Varois, à la Celle.
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Marseille prend l’accent du terroir La 14e édition du SAVIM Automne (Salon des VIgnerons de Marseille) se tiendra cette année du vendredi 21 au lundi 24 novembre, au Parc Chanot, au cœur de la Cité phocéenne. Plus de 300 producteurs ont d’ores et déjà retenu leur stand, impatients de conquérir les palais dès 40.000 visiteurs attendus pour cette nouvelle édition. Des chiffres qui font de ce salon un vrai succès popu-
laire. Il faut dire que l’occasion est belle de découvrir les plus beaux terroirs de France et d’échanger avec ceux qui les travaillent. Ils représentent les plus belles AOC du Bordelais, de la Bourgogne, de la Corse, des Côtes du Rhône ou de Provence. Mais le SAVIM donne aussi à rencontrer des vignobles moins connus comme les Coteaux de Pierrevert, belle appellation des Alpes de Haute Provence.
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