Délices gel de de
REPORTAGE BERTRAND BODIN / ONLY FRANCE
Délices out le volubile de l’eau s’est figé. L’audible dans sa prison écrit sa dentelle sonore, c’est un grand dîner de nappes blanches de faïences et de cristal. Sous les lustres, les voix, les tissus, les matières charment l’altérité. Le verres chantent, les bijoux rutilent. Des orgues translucides font vibrer des pilastres de glace. Une partition aux croches de lumière orchestre une musique d’avant, d’après les écritures qui monte et s’enfle et s’évanouit.
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Liquidités des profondeurs. L’air et l’eau courent sous la glace. A quand l’embâcle des oracles ? Lettres de prison, cris bâillonnés, messages en quêtes d’évasions s’écrasent et se déforment aux vitres du palais. Sous les graphies du givre passent des immobilités liquides que nous ne saurons pas. C’est le sang du repos de la terre, la mémoire aguerrie de l’hiver et le témoignage nomade de son hibernation que l’œil suit et écoute. Musique économe aux flux pris et repris par de vasques de verre.
de gel Une pierre est une île, une rive, un joyau. Le goutte à goutte de l’hiver et un souffleur de verre. L’empreinte légère d’une passée n’a imprimé que le poids d’une plume sur la poudre des glaces. Un coma de bleutés, voilà le froid sur le torrent exsangue. Œil pour œil, le photographe soulève la paupière du givre et rejoint les convives et leurs « conciliabules ». Les ors éphémères d’un pâle soleil d’hiver animent cette galerie des
glaces le temps d’une échancrure dans les murailles de pierre. Les nappes seront linceuls et le chant de la terre s’éteindra bientôt, étale sous des banquises encloses. L’ombre impose le silence. Les matières, les motifs et les formes à nouveau sont à l’étude. En grand couturier, le froid construit les fastes de demain. Couvriront-ils longtemps encore le son des rumeurs d’un peuple d’eaux libres porteuses des manifestes du printemps ? CLAUDE DAUTREY