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Oui, Paris est une fête

Jean-Luc Fournier Christo and Jeanne – Claude Foundation Oui, Paris est une fête !

Parmi toutes les arabesques de ce feu d’artifice artistique de fin d’année dont nous vous avons parlé avec gourmandise dans les pages précédentes, nous n’envisagions pas de conclure sans parler de ce très beau cadeau offert en septembre-octobre dernier à tous les amateurs d’art et au grand public, à Paris.

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Dans les mois qui ont précédé sa disparition le 31 mai 2020, Christo avait exprimé avec force et sans la moindre ambiguïté sa volonté de voir aboutir son œuvre Arc de Triomphe – Wrapped. Ce qui fut fait, après un chantier gigantesque qui a vu l’Arc emballé à l’aide de 25 000 m2 de tissu argenté et trois kilomètres de cordes rouges.

Oui, on parle bien d’une œuvre, n’en déplaise aux rageux de toutes sortes qui se sont déchaînés sur les réseaux sociaux. On a tout lu et tout entendu sur cet événement, le gaspillage de l’argent public, l’art-bobo, la population à qui on n’a pas demandé son avis, l’utilisation de matières plastiques pour fabriquer le tissu, on a entendu des débats sans fin sur le beau ou le moche, la laideur de l’art contemporain (sidérant, abject, une infamie… a-t-on même lu), à certains moments on est même passé pas loin du retour de « l’art dégénéré »…

Très vite, on a su que pas un centime d’argent public n’avait été dépensé, le budget ayant été totalement supporté par la Christo and Jeanne-Claude Foundation qui a toujours financé intégralement le coût des œuvres monumentales des deux artistes, notamment par la vente des esquisses originales aux collectionneurs du monde entier.

Très vite, on a su que le grand public répondait présent : entre le 18 septembre et le 3 octobre derniers, plus d’un million de visiteurs ont pu admirer l’œuvre de visu... Très vite, on a su que le tissu argenté qui magnifiait l’Arc était totalement recyclable, de même pour les cordages… Et qu’évidemment, toute trace de l’installation disparaitrait après son démontage qui s’est poursuivi jusqu’à la mi-novembre dernier. Ce qui fut amplement vérifié depuis…

Que nous raconte donc tout ça, aujourd’hui ?

Qu’en 1985, quand Christo avait tout aussi superbement emballé le Pont Neuf, on avait aussi parlé de transgression, sans pour autant être allé jusqu’à charrier de tels torrents de haine verbale. Il est vrai qu’alors les réseaux sociaux n’existaient pas. À sa façon, le bon Umberto Eco avait décrit le phénomène, peu de temps avant de disparaître : « Les réseaux sociaux ont donné le droit à la parole à des légions d’imbéciles qui avant ne parlaient qu’au bar et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite. Aujourd’hui ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel... »

Tout cela nous confirme aussi qu’il est au fond heureux qu’une œuvre d’art déchaîne les passions, transgresse les attentes du sens commun et, même, parvienne à s’imposer à la vue de chacun.

Que n’avait-on pas entendu à l’époque où Eiffel inaugurait sa tour ? Que n’avait-on pas entendu quand Pei érigeait sa pyramide au Louvre ou quand Buren fignolait ses colonnes pas loin de là ? Que n’avait-on pas entendu quand Anish Kapoor installait son Dirty Corner dans les jardins du château de Versailles en 2015 ?

L’art fait braire. Parfait ! Il bouleverse, il vit… c

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