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ne connaît que le logo SNCF, mais en fait, ses différentes entités ne communiquent pas toujours efficacement entre elles. »

exhaustif d’analyse de la situation et de l’ensemble des dysfonctionnements avec, à la clé, un plan d’action concret. Notre souhait a été aussi qu’on rapproche la communication des difficultés du terrain, on était déjà loin de la conférence de presse idyllique annonçant le lancement du REME. Je voulais donc que les usagers réalisent que leurs élus étaient au plus proches des immenses difficultés qu’ils rencontraient… C’est lors de cette réunion que les deux directrices de la SNCF, Stéphanie Dommange, directrice TER Grand Est et Laurence Berrut, directrice territoriale Réseau Grand Est nous ont présenté leur plan d’action en 46 points qui faisait nettement apparaître les carences de l’opérateur en matière d’organisation, carences que nos deux interlocutrices ont assumées. Nous nous sommes dit, avec Alain Jund, que nous n’avions enfin plus en face de nous des gens qui nous assuraient que tout allait bien se passer et que la SNCF allait parfaitement tenir ses engagements. Leur discours du 17 janvier a été une reconnaissance d’une mauvaise anticipation des problématiques à cause de la prise en compte d’une notion de simple « TER augmenté » alors que la SNCF aurait dû manifestement s’inspirer dès le départ du réseau RER parisien. Pour cela, il aurait donc fallu mettre à la disponibilité de notre projet des spécialistes du Transilien…

On touche là à un point qui interroge, concernant la SNCF. Cette société estelle encore en contact avec les véritables réalités du terrain ? En un mot, la technostructure qui la dirige était-elle à même de relever le défi de la mise en œuvre du REME et de répondre efficacement à son cahier des charges ?

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Le problème de la SNCF est dans sa segmentation très forte. Le grand public ne connaît que le logo SNCF, mais en fait, ses différentes entités ne communiquent pas toujours efficacement entre elles. Elles ne font pas le même métier et ça se sent, y compris dans la gestion opérationnelle au quotidien. C’est pour ça que nous avons fini, avec Alain Jund, par taper du poing sur la table. Et, ils ont enfin fait venir ces véritables spécialistes du Transilien que j’évoquais précédemment. Ces gens sont désormais en train de travailler sur la remontée en charge par rapport aux objectifs prévus, ils réanalysent les choses avec une vision qui n’est plus celle du simple TER traditionnel. On est arrivés à une situation extrême pour la gare de Strasbourg où, toutes les trente secondes, il y a une arrivée ou un départ de train. Ce que nous vivons depuis des semaines prouve que si la SNCF sait bien faire son métier quand on est sur un système très stable, éprouvé depuis longtemps parce qu’on n’a pas trop changé les méthodologies, elle n’est en revanche pas du tout prête pour affronter un choc de cette nature-là. En ce qui nous concerne, à la Région Grand Est, nous avons fait tous les achats de matériels roulants nécessaires. De son côté, la SNCF s’est focalisée sur le volet ressources humaines, elle a globalement fait une grande partie des embauches qui étaient nécessaires. Mais elle a pêché au niveau de l’organisation et on s’est bien rendu compte que c’était le Centre opérationnel qui dysfonctionnait. Le nombre de personnes nécessaires a été largement sous-estimé. Certains jours, on s’est retrouvé dans la situation d’un aéroport où on avait tous les avions, les pistes, les personnels de bord pour fonctionner, mais pas assez de contrôleurs aériens dans la tour pour assurer le trafic. Face à cette situation, la SNCF n’a cessé de supprimer des trains et tout particulièrement les omnibus qui, avec leurs arrêts fréquents, mobilisent évidemment beaucoup plus de gens au Centre opérationnel que les trains directs. C’est ainsi qu’on en est arrivé à ce paradoxe vertigineux d’un réseau à l’antithèse du RER parisien que nous avions comme référence dont la norme est bien la desserte de toutes les gares…

Toutes ces carences que vous évoquez vont-elles faire l’objet d’une demande d’indemnisation de la part de la Région et de l’Eurométropole ?

La première de ces indemnisations concrètes a bien sûr été de rembourser les abonnements et les 500 000 billets dits « petits prix ». C’était bien sûr le minimum et c’est bien la SNCF qui va payer ça de sa poche. Elle sait aussi depuis le départ que ce geste commercial se poursuivra tant qu’on ne sera pas parvenu à un service correct. Ensuite, on sera certainement amenés à une minoration de notre part d’investissements dans le futur et la SNCF devra compenser. On est d’ailleurs en train de négocier le prochain contrat TER régional.

Et bien, en ce qui me concerne, je souhaite qu’y figurent des pénalités automatiques en cas de mouvements sociaux ou de suppressions de trains. Plus de négociations donc, mais des sanctions financières automatiques, comme c’est déjà le cas pour cet autre volet dont j’ai la responsabilité, les transports par cars.

Dernière question : quand les usagers vont-ils effectivement pouvoir compter sur une parfaite organisation avec, notamment, ces fameux 800 trains supplémentaires qui étaient promis ?

La SNCF évoque le mois d’avril. Moi, je suis devenu très, très prudent. Pour la Région, j’ai dit que ce n’était plus un objectif d’avoir une date fatidique qui nous mettrait une pression d’enfer. Je préfère qu’on y aille étape par étape et ça vaut aussi pour cette autre marche prévue au mois d’août prochain, le passage à 1 000 trains supplémentaires. En fait, tous ces événements valident une intuition que j’ai depuis un certain temps : pour réussir un projet de cette envergure, pour qu’il soit absorbé parfaitement en termes d’organisation, il faut bien compter un an de travail. L’erreur a été de proclamer qu’on allait assister à une révolution des mobilités. En fait, ce qu’on a vu, c’est que ça a été pire qu’avant. La vie des gens a été rendue impossible et j’ai bien conscience que le traumatisme a été très violent. C’est bien pour ça que, personnellement, je me suis excusé durant la conférence de presse commune avec Alain Jund. Mais c’est certain que la confiance de la population en la SNCF s’est brisée, car le train est devenu depuis trois mois un enfer pour les gens alors qu’il est en fait le mode de transport idéal pour parvenir à la décarbonation des mobilités. Ce qui est en outre terrible pour nous, au niveau de la Région, c’est de réaliser qu’on a investi quasiment 700 millions d’euros pour la quatrième voie et ces innombrables aménagements, l’achat de matériels neufs, sans compter ce qui est prévu pour le nouvel atelier de maintenance en gare de Strasbourg ou les trains transfrontaliers, la ligne de Lauterbourg et j’en passe. C’est dur de faire ce constat. Si encore on pouvait se dire qu’on est face à un problème de manque de moyens financiers, mais non : on a mis tout ce qu’on pouvait, mais ce n’est pas nous qui conduisons les trains et qui gérons le système ! » c

Jean-Luc Fournier Nicolas Rosès – Dom Renckel

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