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by Or Norme
e COVID m’a apaisée. » En burnout depuis décembre 2019, Caroline Schwob, 46 ans, prend le temps de la pandémie pour se retrouver. « Le confinement n’a pas été le déclencheur de mon changement professionnel, mais plutôt une remise en question de mon rapport à la pression, à ce besoin de toujours mieux faire, de répondre positivement aux sollicitations. Depuis un moment, j’étais en mode pilote automatique, je n’étais plus au bon endroit, au bon moment. »« (Haut potentiel intellectuel), avec un haut potentiel émotionnel (HPE). Si cela m’a fait sourire d’être définie « adulte précoce » à 46 piges, cela m’a fait comprendre pourquoi je prenais les choses trop à cœur, pourquoi je ne savais pas prendre de recul… » Cette analyse couplée à un bilan de compétences révèle aussi son « syndrome de l’imposteur » : « Ma coach m’a fait réaliser que je ne postulais qu’à des postes en dessous de mes compétences. Elle m’a dit qu’elle me voyait bien à mon compte, mais pour moi, c’était « No way, j’en suis incapable ! » Il fallait que j’entame un vrai travail personnel de fond. »
Si cette parenthèse aurait pu être catastrophique pour elle qui ne tient pas en place, elle l’a mise à profit. « Pour la première fois de ma vie, j’ai consulté un psy. J’ai découvert à 46 ans que j’étais HPI
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Mais Caroline tourne en rond. En avril 2021 elle craque, et demande un mi-
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Mathilde Pessard
Devenir hypnothérapeute ne nécessite pas cinq années d’études. Sa directrice des ressources humaines l’encourage à se lancer. « Je me décide à prendre le plan de départ volontaire que je vendais toute la journée à mes collègues. J’ai réalisé qu’il était super intéressant, alors pourquoi pas moi ! ». Les conditions sont idéales. Dix mois de congés de reclassement, une formation et une compensation financière à la création d’entreprise… « Je ne remercierais jamais assez Air France, insiste la jeune femme. Quand tu es salariée pendant 22 ans d’une entreprise comme celle-ci, où l’on te fait tout, cela demande quelques ajustements pour avoir le mindset entrepreneur ! »
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Embarquée chez Air France à 19 ans en contrat de qualification, Mathilde Pessard s’épanouit dans ses différents jobs jusqu’au jour où elle ne trouve plus de sens à ses tâches. On est en pleine crise sanitaire : elle décide de prendre le plan de départ de la compagnie en 2021 pour une nouvelle aventure professionnelle.
Services passagers, enregistrements, accueils, Mathilde passe des années en horaires décalés. « On était 350 à l’aéroport de Strasbourg, il y avait par moment un vol toutes les 40 minutes pour Paris. À partir de 2007, avec l’arrivée du TGV, les choses ont changé. On pense qu’on va pouvoir rester dans la compagnie toute sa vie, et puis on commence à comprendre qu’elle aura besoin de moins de monde. Aujourd’hui ils ne sont plus que 25 chez Air France à l’aéroport. » uand tu intègres une entreprise comme Air France, tu te dis que c’est pour la vie. » Mathilde adore ses différents postes au sein de la compagnie aérienne qu’elle rejoint par hasard à 19 ans, en contrat de qualification.« Cela a duré huit ans, c’était vraiment passionnant, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de sens. C’est ce que le COVID m’a révélé. Je me suis retrouvée en télétravail, à gérer les conditions de travail de tout le monde, un peu la panique à bord ! Je commence alors à me poser des questions : à quoi sert ce que je fais ? Un an après le début du COVID, je reviens très peu au bureau, c’est glauque. Mais j’ai peur ! Je me dis, tu as un boulot, tu adores ta boîte, tu as un salaire tous les mois… Et puis d’un coup, je me mets à avoir davantage peur à l’idée de rester qu’à partir. »
Mathilde intègre en 2012 le service planning, puis celui des ressources humaines, à la direction régionale d’Illkirch. Elle valide ses acquis et décroche une licence en ressources humaines.
Mais pour quoi faire quand on évolue depuis 22 ans dans la même entreprise ?
« J’ai beau réfléchir, réfléchir, ça ne vient pas. Et puis un jour, en faisant du jardinage, je déconnecte mon mental et l’idée me vient : ce sera l’hypnose ! Mais instantanément, je me dis que je suis folle. » Et puis tout s’aligne.
En septembre 2021, Mathilde démarre sa formation à l’hypnose, à Paris. Une révélation. « Mes filles sont ados, je peux me permettre de partir quatre fois huit jours. C’est tellement génial d’apprendre, je me sens vivante. C’est épuisant aussi, car tu travailles beaucoup sur toi, tu vas voir ce qu’il y a sous le tapis. Et puis tu réalises aussi que la connaissance du fonctionnement humain, c’est le travail d’une vie. Je sors de l’école avec “le syndrome de l’imposteur”, envahissant, mais important, sinon tu es sans filtre. »
Accompagnée, « je monte ma boîte… Et quel bonheur de la créer à mon image ! Je choisis un cabinet comptable, un webdesigner, je découvre la stratégie marketing… Très vite viennent les premières inquiétudes. La première : réaliser que tu vas avoir des clients ! »
Le 1er juin, elle termine son congé de reclassement et s’installe dans un cabinet, à Hœnheim, puis grâce à un client, elle trouve deux autres créneaux à la Robertsau. « Je me suis payée un coaching de six mois avec une communauté de femmes en reconversion professionnelle pour nous aider à lever les freins, les peurs… »
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En parallèle, il collabore à Passion vins, aux éditions de la Nuée-Bleue, ou dans la presse viticole. Sans jamais quitter son agence où il gravit les échelons.
Lors du premier confinement, Olivier se retrouve en télétravail comme beaucoup.
Dans son esprit, il n’est pas encore question de reconversion professionnelle. « J’étais trop pris par mon boulot, avec ni l’énergie, ni le temps de réfléchir, même si monter ma boîte trottait dans ma tête depuis longtemps. »
Olivier quitte néanmoins Plurimedia où il a passé 21 ans de sa carrière pour
Olivier Métral
Chef de service chez Plurimedia, Olivier Métral claque la porte en juillet 2020, au bord du burn-out. Il enchaîne avec une année en tant que chargé de communication du Struthof, avant de réaliser une idée qui lui trottait à l’esprit depuis des années : lancer sa boîte de communication à destination des acteurs du vignoble alsacien.
a boucle est bouclée est-on tenté d’écrire, même si Olivier Métral parle d’un « parcours un peu tortueux, mais néanmoins salvateur, depuis l’arrivée du COVID. » Sa passion pour le vin date de 1999, quand ce Grenoblois d’origine est arrivé en Alsace pour suivre son épouse. « J’ai découvert la région, les cépages, au point que j’ai lancé au début des années 2000, alors que les ventes sur internet démarraient à peine, le site 20dalsace.com, mélange d’actus, d’infos et de ventes pour une vingtaine de vignerons. Ma relation avec les vignerons a changé, je n’étais plus un simple client lambda, j’ai pu découvrir les coulisses, m’imprégner de cet univers et créer un joli petit réseau. »devenir chargé de communication du Struthof, en septembre 2021. « Mais un mois après, on était reconfiné, ce qui signifiait zéro visiteur… Mon travail était intéressant, mais c’était un peu glauque sans presque personne. »
Il met à profit ses longs trajets quotidiens pour faire un point sur sa carrière. « Le COVID a contribué à ce que je me pose des questions, c’est l’élément déclencheur. » Durant cet entre-deux, le vigneron Marc Tempé fait appel à ses services pour communiquer sur les 25 ans de son domaine. « C’est lui qui m’a mis le pied à l’étrier, reconnaît-il. J’ai réalisé que beaucoup de vignerons n’avaient pas le temps de communiquer. »
Il décide de quitter le Struthof en septembre 2022 et ouvre sa boîte dans la foulée, Terroir d’expressions . En peu de temps, une dizaine de vignerons le rejoignent. À 50 ans, il s’autoforme au métier de vidéaste, à la prise d’images, au montage. Dans la continuité de sa passion pour le vin d’Alsace, il veut monter des circuits oenotouristiques… Mais pas à la one-again ! Olivier a en effet suivi une formation de 140 heures pour devenir transporteur routier de personnes. « Tu ne trimballes pas des personnes comme ça ! », rappelle-t-il. Son projet : faire découvrir les vignes des grands crus alsaciens in situ, dégustations à la clé.
Un an et demi après sa renaissance, Olivier ressent un « grand sentiment de liberté. C’est quand même un truc de devenir son propre patron, d’organiser ses journées, de faire des choses qui te plaisent. » Le tout non sans quelques petites angoisses : s’il se diversifie, c’est par peur de demain aussi. « À 53 piges, il faut tenir encore une douzaine d’années, j’ai quand même cette angoisse que tout s’arrête, confie-t-il. J’ai deux enfants étudiants à loger à Besançon et à Strasbourg, forcément on y pense quand on quitte le salariat. Mais j’espère tenir comme ça jusqu’à la fin de ma carrière… »
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