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BRUNO MANTOVANI « NOUS N’AVONS PAS LE DROIT DE NOUS AUTOCENSURER »

Figure emblématique de la génération actuelle de compositeurs, Bruno Mantovani est actuellement, et pour deux saisons, en résidence à l’Orchestre philharmonique de Strasbourg (OPS).

Il fait partie de ceux qui m’ont incité à me renouveler. C’est aussi à Strasbourg, en 2006, que j’ai créé avec l’OPS mon premier opéra, L’autre Côté, à l’Opéra du Rhin alors dirigé par Nicolas Snowman. Et j’ai retrouvé l’OPS en 2010, lors d’une tournée du festival Musica où je dirigeais la Nuit transfigurée d’Arnold Schoenberg.

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Quel est votre regard sur la ville ?

La tradition musicale y est très forte et sa culture franco-allemande se ressent jusque dans l’Orchestre. Si j’y reviens avec autant de plaisir, c’est aussi pour Marie Linden, qui le dirige actuellement. Marie est une amie très proche avec qui j’ai notamment eu le plaisir de travailler au Conservatoire de Paris dont j’ai été directeur entre 2010 et 2019. Elle fait partie de ma « famille de pensée », nous partageons un même regard sur la politique et la modernité.

écoute, où on parle, où on s’interrompt et où surtout on réagit à partir d’œuvres qui enracinent la musique contemporaine.

C’est ce que nous ferons à l’OPS, pour tous les publics.

Comment définir la musique contemporaine ?

J’ai un problème avec cette expression qui ne veut pas dire grand-chose. La première sonate de Boulez est antérieure de deux ans aux derniers lieder de Strauss… La date ne signifie rien, elle ne fait pas une œuvre contemporaine. Aujourd’hui, il y a trop de diversité pour parler de musique contemporaine, je préfère musique d’aujourd’hui, musique de notre temps sachant que plus on avance, plus les langages sont individuels.

Quelle est votre inspiration ?

En avril, il y créera Memoria, sous la baguette du directeur artistique et musical de l’Orchestre, Aziz Shokhakimov. C’est une œuvre artistique et politique, à l’image de l’engagement de ce musicien actuellement directeur du Conservatoire à rayonnement régional de Saint-Maur-des-Fossés, directeur artistique et musical de l’Ensemble Orchestral Contemporain et directeur artistique du festival du Printemps des arts de Monte-Carlo.

Comment se sont noués vos liens avec Strasbourg ?

J’ai connu Strasbourg par le biais du festival Musica  en 2001. Jean-Dominique Marco qui le dirigeait m’a fait confiance dès ma sortie du Conservatoire de Paris.

C’est-à-dire ?

Depuis les attentats de Charlie Hebdo qui ont marqué la fin d’un monde, nous traversons une époque relativement pauvre en pensée où les idéologues et les gestionnaires ont pris la main.

La création artistique apparaît désormais comme élitiste et semble relever du « monde d’avant » alors qu’elle tient de l’exploration de territoires nouveaux, de surprises et de découvertes.

À mon sens, l’accès aux plus grandes œuvres passent, non par la baisse de niveau et de l’exigence comme il est de bon ton de le penser aujourd’hui, mais par l’éducation.

Je crois à la médiation, au fait de parler pour proposer d’autres choses : des répétitions publiques, des salons où on

La musique elle-même, celle du passé, celle qui s’autogénère par ses propres lois. Ses relations avec d’autres formes d’art me passionnent, le roman et la charge des mots, la danse, jusqu’aux arts culinaires. Et bien sûr la peinture dont l’énergie est souvent impressionnante.

Comment qualifierez-vous Memoria , l’œuvre que vous allez créer à Strasbourg en avril ?

Il s’agit d’une œuvre politique dédiée à quatre étudiants de l’université française d’Arménie tués en 2020 lors de la guerre du Haut-Karabagh. Mes trois opéras (le prochain sera créé en 2024) sont aussi fondés sur des arguments politiques. La relation entre création et pouvoir totalitaire me passionne. La création est un acte militant, nous n’avons pas le droit de nous autocensurer. a

Isabelle Baladine Howald Pascal Bastien

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