Maquette et mise en page

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Pierre Duplan et Roger Jauneau

maquette et mise en page texte et images : de la conception graphique à la mise en page électronique




Définition de la mise en page : 1. Art de disposer sur une surface les éléments constitutifs d’un ouvrage ; véritable architecture du livre, il se traduit, suivant les cas, par une esquisse ou par une maquette précise.

2. Action de réunir les diverses compositions d’un ouvrage et d’en faire des paquets de longueur égale (les pages) en intercalant tout ce qui est prévu dans le texte conformément à la maquette (folios, titres, blancs…). Dans ce dernier cas, le mot pages prend la marque du pluriel. On met l’ouvrage « en page ».

Extrait du Lexique des Industries Graphiques de René Comte et André Pernin (C.F.E., Paris, 1974).


Préface : Aux lecteurs « fervents », salut. Il faut dire d’abord que l’on ne saurait trop se réjouir de ce que semblent vouloir se multiplier les études sur la lettre, l’écriture et la mise en page dans les divers média contemporains. Nous n’avons guère, en France, qu’une littérature déjà ancienne, certes fort précieuse mais souvent introuvable. Il y a encore beaucoup à apprendre de la lecture des Tory, Lolet, Fournier, Momorot, Fertel, Didot et plus près de nous, des Thibaudeau et des Audin. Trop souvent, nos sources sont exclusivement anglaises ou américaines. Je ne dis pas qu’il n’y ait rien à apprendre dans les écrits de Johnston, de Morison ou de Burns, au contraire! et les exemples de Lubalin ou Zapf (en Allemagne) sont toujours stimulants.

Mais il est grand temps, en effet, que les éditeurs français (car, en grande partie, cela dépend d’eux) mettent sur le marché les nouveaux livres nécessaires à une réflexion de base sur l’avenir du texte. L’avancée télématique, la composition, la mise en page programmée, et toutes sortes d’autres merveilles qui sortent des cerveaux des ordinateurs de troisième génération rendent ces publications indispensables. La photocomposition (Lumitype) qui faisait annoncer à Maximilien Vox, dans les années 60, la mort de Guttenberg est actuellement si bien entrée dans nos moeurs que nous n’en mesurons plus guère l’originalité.

On recommence à enseigner ce que l’on appelle encore la typographie et la mise en page, mais presque plus (hélas) la calligraphie, mis à part le bref et brillant épisode du « scriptorium de Toulouse ». Il est donc logique que ceux qui aujourd’hui, comme Pierre Duplan et Roger Jauneau, s’intéressent aux progrès des technologies, se posent la question: à quoi peut bien servir la tradition typographique, plusieurs fois centenaire, de la manipulation des textes ?

Les écrivains ont, eux aussi, leur mot à dire, dans la mesure où ils peuvent avoir accès à des moyens de production de textes plus évolués que leurs machines à écrire. Il ne faut pas croire la partie gagnée. Nous nous réimmergeons dans un monde de la communication orale, des bruits, voire de la musique, qui n’est pas sans influence sur l’image, on le sait, mais également sur l’image particulière du texte, cela on le sait moins.

extrait du préface de Gérard Blanchard Typographe, Prix Blumenthal Président des Rencontres Internationales de Lure.


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Les familles de caractères, aspect sémantique. La forme d’une lettre est le résultat d’une recherche, encouragée ou entretenue pour des raisons très diverses ; ainsi, elle peut être une réponse à de nouveaux besoins d’expression, nés de l’évolution du monde des formes. Les plasticiens, en effet, apportent sans cesse de nouvelles propositions à travers l’architecture, la peinture, la sculpture, et la lettre s’intègre à ces propositions, de façon homogène à la nouvelle expression plastique. De ce fait, elle se charge de véhiculer dans ses éléments mêmes et dans la typographie qu’elle suscite, les mêmes signifiés plastiques.

La forme d’une lettre est aussi le résultat de conquètes techniques, soit lors de son invention, nous le verrons à propos de Baskerville, soit lors de l’apparition de nouvelles conditions d’utilisation (lettres transfert ou digitalisées). Il est indéniable que le jeu offert au créateur de caractères est infiniment réduit : - d’une part, le schéma de base indispensable à la lisibilité du caractère, ne peut être modifié sans que la mission première de lecture n’en souffre ; - d’autre part, les études des relations de pleins et déliés, de structure d’empattements, de proportions (hauteur et largeur) ont pratiquement épuisé les possibilités de solutions plus intéressantes.

On peut d’ailleurs apprécier dans les différents catalogues de caractères, l’extraordinaire richesse de ce répertoire, si on le considère seulement comme un inventaire des formes typographiques. Mais si ce même catalogue est consulté par un typographe en quête de caractères lisibles pour assurer une lecture prolongée et facile, il apparaît alors que quelques dizaines d’alphabets seulement se prêteront au traitement du texte en garantissant une lisibilité maximale.

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1. morphologie et empattements 2. graisse

En 1963, Maximilien Vox présentait 100 alphabets de la fonderie Monotype et la nouvelle classification de l’Ecole de Lures. Un texte sur l’art du typographe aidait le lecteur amateur à juger de la forme des lettres, tout en mettant en garde les typographistes français : « Jamais la profession, il faut bien le dire, n’a disposé de pareille gamme de composition ; jamais cependant devant sa richesse, elle n’a manifesté une si visible incertitude. Nous croyons, nous, que l’usage de la lettre latine aborde un nouveau tournant, et que le caractère, en tant qu’instrument de connaissance et de joie, va connaître une période d’épanouissement sans précédent. Les règles, demain, auront cessé d’être des contraintes pour faire place à des libres disciplines; les servitudes mécaniques seront remplacées pour les exigences plus souples, mais plus dévorantes, de l’oeil et de la sensibilité. Combien futiles, alors, les écoles qui, sous prétexte de fonctionnalisme et de totalitarisme, prétendraient restreindre le champ typographique à l’emploi absolu d’un seul type, d’une seule famille de caractères ! Aux mille problèmes, aux mille humeurs de l’imprimé, n’offrir qu’une solution prisunique et préfabriquée… à de semblables outrances, l’esprit français se refuse. Parce que la lisibilité est un plaisir naturel, il ne la considère pas pour autant comme un péché. Et ne met aucune vertu à la rendre difficile, comme il arrive à l’art du manuscrit, au moment où il fut relayé par Gutenberg. Méfions-nous des “nouveautés” qui ramènent en deçà du Moyen Âge. à l’esthétique au détriment du spirituel : à l’hérésie gothique. Les lettres sont faites faites pour composer des mots, tel est le principe de la sagesse; et voici son corollaire : les mots sont faits pour être lus. »


L’esthétique au détriment du spirituel ? On en est tout naturellement à se demander comment la chose est possible, si, et seulement si, le typographe connaît l’origine historique du caractère qu’il utilise, et quelle est la grammaire du langage des signes qu’il manipule. C’est ici qu’intervient l’analyse esthétique, on devrait plutôt dire, analyse des composants plastique pour une significationspirituelle, des nombreux alphabets proposés à nos yeux de lecteur.

Milieu du XVe siècle

Elzévirs

XVI siècle

Humanes

Mape Garaldes

e

Mape

XVIIe siècle XVIII siècle époque encyclopédique : rationnalisme et réalisme

Réales

e

Mape

fin du XVIIIe siècle Empire et Restauration

Didots

milieu du XIXe siècle machinisme victorieux essor industriel

égyptiennes

fin du XIXe siècle et première moitié du XXe siècle

Antiques

Didones

Mape Mécanes

Mape Linéales

Mape Incises

Mape

seconde moitié du XXe siècle

*Ces familles regroupent des caractères dessinés sur une large période sans qu’il soit possible de déterminer précisément une date qui en marquerait l’origine.

écritures

Scriptes

Mape Manuaires

Mape

Fractures Non-Latines Fantaisies

Repères historiques

Classification Thibaudeau

Classification Vox-ATypI

Le mérite de la classification Vox n’en est que plus évidente puisque sans cesse elle dégage la spiritualité signifiée de la forme. Qui plus et, elle sait rassembler, en dépit des siècles qui les séparent, les alphabets de même origine, tant il est vrai que les grands courants de pensée ressuscitent et se manifestent bien longtemps après que l’on a pu les croire définitivement effacés.

Ainsi l’étude de la famille des caractères elzéviriens, à travers la classification Vox, découpe, en fait, en trois grandes périodes, l’hégémonie du caractère romain, sur la typographie des XVIe, XVIIe, XVIIIe siècles.

C’est d’ailleurs, en fait la plus importante différence avec la classification Thibaudeau. La structure formelle est la même ; mais elle est mieux évaluée dans ses aspects sémiologiques, si l’on veut bien entendre dans ce terme, toutes les applications annoncées auparavant.

à l’origine de l’invention de la forme, une période primitive qui est riche de potentialité. Suit une période classique d’investigations et d’adaptations fidèles aux principes originels, véritable académisme souverain qui établit au degré de perfection cette proposition plastique primitive.

à ne pas considérer que sous l’angle purement plastique, cette évolution reproduit le schéma traditionnel de toutes les évolutions plastiques.

Enfin, la surenchère des raffinements théorique conjugués à une expression maniériste et décorative, instaure une période décadente : la proposition initiale est amoindrie, réduite, d’autant plus que l’esthétisme de la forme ne respecte plus la structure de base. Il suffit d’évoquer ici l’évolution de la sculpture grecque qui au Ve siècle, passe du Kouros archaïque (effigie sculptée d’un jeune homme par des plans simplifiés respectant la loi de frontalité de la sculpture égyptienne) par l’académisme du discobole, pour parvenir au style hellénistique, maniéré et compliqué. De la même façon, dans le domaine de la typographie on voit, par exemple, l’invention du caractère romain par Jenson, porté par Garamond à la perfection plastique : proportions harmonieuses, richesse des courbes plus sensibles dans leur dessin “ inspiré ”, jeu subtilement contrôlé de la valeur des contresformes.

Cet ensemble de qualités exeptionnelles découle de la rigueur et non d’une recherche théorique abstraite, mentale, tempérée par la plastique, comme on le perçoit trop clairement au travers de l’alphabet du « Romain du Roi ». Noblesse et divinité du caractère dans sa forme propre, intouchable, ce qui peut expliquer pour une part, cette longue période d’emplois de la lettre elzévirienne pendant trois siècles. Certes, elle connaît avec l’évolution de la spiritualité du XVIe à 1789, de l’humanisme à la révolution française, quelques petites transformations ; et si les idées révolutionnaires sont déjà en puissance dès le milieu du XVIIe, prêtes à transformer la société, de la même manière le Didot est en germe dans les caractères de Fournier, prêts à véhiculer avec un nouvel art du livre, une pensée nouvelle. La famille des Elzévirs, caractéristique par ses empattements triangulaires, restilignes ou curvilignes chez Thibaudeau, éclate en trois familles pour caractériser trois grandes périodes de l’histoire, de la lettre : les humanes, les garaldes, les réales.


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Les Humanes. Le terme choisi propose à l’évidence, une allusion à l’humanisme. Mais, en fait, il s’agit davantage de caractères qui proviennent des écritures humanistiques avec le choix de l’imitation de ces manuscrits érudits, au détriment de l’écriture en cursive populaire ou gothique. Et les bas de casses de ces alphabets sont peut-être inspirés de la caroline. « La caroline est le plus beau produit d’unification de l’écriture décidé et imposé par Charlemagne à la chrétienté. Les monastères de France et de l’étranger véhiculent ce petit graphisme où les consonnes - plus particulièrement les g - sont presque définitivement formées. Elle date du Xe siècle et constitue le modèle-type de l’écriture que les humanistes adoptent pour transcrire leurs oeuvres. » (R.H. Munsch, L’Ecriture et son dessin). « La cursive est une écriture tracée avec le souci de la vitesse et prennant plus de liberté avec les types de lettres que la calligraphie, dont le dessin est beaucoup plus appliqué. » R. Druet, La civilisation de l’écriture.

Le premier romain rond de Nicolas Jenson, des imprimeurs vénitiens de la fin du Quattrocento, en est le modèle de base. Des lettres aux proportions plus carrées (rondes), dessinées dans leurs fermeté, sans affectation et en respectant la conduite que propose dans les pleins et les vides, le tracé du roseau. Leurs empattements sont épais et généralement elles présentent comme principales particularités dans les bas de casses, l’e barré obliquement, l’a sans larme, le z à la traverse en délié.

Elles véhiculent donc à la fois une référence historique et le choix de manifester une spiritualité de dimension latine, méditerranéenne, antigothique. Ce qui explique pourquoi elles furent choisies comme point de départ de nouvelles créations par William Morris à la fin du XIXe siècle, dans ses tentatives de rénovation de l’art du livre. Morris jugeait excessifs les bénéfices des éditeurs, bénéfices dont ni les ouvriers, ni les lecteurs ne profitaient, et il avait songé faire oeuvre sociale : diminuer le prix de revient des livres en même temps qu’il assurait une impression plus scrupuleuse.

En conséquence Morris commence par dessiner des lettres nouvelles. Les caractères en usage étaient alors d’aspect géométrique, rigide, étriqué. Il pensait que toute lettre doit avoir sa beauté propre, qu’elle doit être dessinée par un artiste et non par un ingénieur ; il crée donc un alphabet aux lettres larges, arrondies, qui s’inscrivent dans un carré, alors que les typographes utlisent à la même époque, un caractère allongé qui s’inscrit dans un rectangle.

Morris a rappelé alors le souvenir et l’exemple du plus grand imprimeur : Nicolas Jenson. Et puisque depuis le XVIe siècle, les imprimeurs semblent avoir perdu de vue les vraies traditions, l’esthétique du livre, il fallait retourner aux origines, en commençant par le caractère.

« Chaque lettre avait sa physionomie particulière; c’était à ses yeux une erreur et une faute de goût que de considérer l’u comme un n renversé ou réciproquement, de croire que dans les lettres d, p, b, q, seule diffère la position de la partie arrondie par rapport à la partie droite. » Extrait de William Morris par G. Vidalenc.

C’est ainsi que les préraphaélites retournaient aux primitifs pour recommencer une évolution que, selon eux, Raphaël avait orienté dans une voie fâcheuse. Ceci précise peut-être mieux d’ailleurs la signification des autres groupes de la famille des Elzévirs. Ceci explique aussi pourquoi, après Morris, d’autres tentatives comme celles de Grasset, Goudy, de Roos, Koch, Trump, Zapf, s’attachent à créer une nouvelle Humane, comme pour se retremper dans cette pureté originelle, des premiers imprimeurs, en réinventant en priorité un caractère du début du XVe siècle.

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1. Adobe Jenson, Robert Slimback, 1996 ; lettres aux formes distinctes qui le rendent particulièrement lisible. 2. chaque lettre est induviduellement travaillée.


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