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A. Une architecture entre ombre et lumière

III. Chapitre I : Djerba sous la lumière

1. Introduction : Tout d’abord, avant de nous concentrer sur les fondouks qui feront notre objet d’étude, il est très essentiel de montrer a quel point l’architecture Djerbienne donnait toute son importance à la lumière qui au contact des matériaux dégage des ambiances et éveille chez l’homme des sensations diverses.

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« Djerba se caractérise par une architecture spécifique, qui découle de l’utilisation des matériaux locaux, des croyances, du savoir-faire et de l’utilité. Cette architecture vernaculaire forme un modèle caractéristique d'intégration à l'environnement en tant qu'ensemble complexe. Elle peut également être considérée comme une trace matérielle suffisamment claire pour qu'en y décèle les structures fondamentales de l'ordre social. Mais ce qui la caractérise de prime abord c'est son apparente lisibilité, sa pureté, et sa grande simplicité. Elle provoque chez l'observateur une attitude contemplative qui le projette, au delà de l'utilité et de la matérialité des objets, dans la perception des formes qui stimulent les plaisirs sensoriels. A Djerba la plupart des bâtiments que ce soit les maisons, les mosquées les ateliers ou même de simples impluviums, apparaissent d'abord en tant que masses blanches incrustées dans un décor oasien qui inspirent, la beauté, le calme et la volupté. » 28

Cette architecture qui occupe la place qui lui convient et qui est conforme à son concept, se manifeste aussi comme une sculpture qui interpelle en premier lieu notre curiosité.

28. Ali Djerbi, L’architecture vernaculaire de Djerba, p11-12

2. La lumière dans l’architecture de Djerba : Le paysage architectural de l’île se distingue par sa simplicité et sa sobriété. Il se différencie avec l’aspect sculptural et massif qu’il présente ainsi que la couleur blanche unifiante qui le caractérise. La lumière y joue avec les volumes et s’accroche à la texture rugueuse de leurs enveloppes blanches qui semblent être modelées à la main.

29. Pierre Poly «Rien de semblable ici : chaque plan, chaque ligne a été modelée, on dirait caressé de main d’homme. » 29

Une autre notion spécifique réside dans le choix des couleurs. Le blanc du mur et le vert ou le bleu des ouvertures sont les seules couleurs perçues noyées dans une plage de verdure naturelle. C’est par ces couleurs que s’identifie l’architecture djerbienne avec une parfaite intégration au site par effet de contraste. Approprié à une luminosité intense, le blanc de la chaux fut le meilleur moyen pour réfléchir les rayons solaires et réduire l’absorption de la chaleur. De même qu’à l’intérieur, cette blancheur aide à mieux répartir la lumière. Les ouvertures dans les différents édifices sont plutôt étroites pour se protéger contre la luminosité intense de la région et sa chaleur. Elles sont orientées et utilisées selon les besoins fonctionnels.

Figure 27 : l’architecture comme composante du paysage, Google image C’est par l’adoption d’une forme massive, fermée et convergente vers un vide intérieur que se dévoile le caractère conservateur des djerbiens. Seule l’orientation par rapport au soleil hiérarchise les espaces et non leur forme. A l’échelle de chaque sous espace, la forme constitue une fonction, une technique constructive et une expression symbolique. Ainsi, dans ces espaces vernaculaires djerbiens, la forme est dictée par des forces socioculturelles et physiques qui donnent naissance à l’expression architecturale, à l’échelle et aux proportions.

Vision…

DJERBA…

Les photos tentent d’illustrer concrètement quelques situations visuelles et lumineuses. Toute prise de vue n’est pas neutre, isolant une portion de la réalité perçue.

L’identification des différents effets et leurs définitions sont extraites du travail de recherche intitulé Les mise en vue de l’espace public : les formes sensibles de Grégoire CHelkoff et Jean-Paul Thibaud publié en 2016.

 Lumière et perception

Figure 28 : Mosquée Tajdid, vieuxportimmo.com

- l’objet et son ombre projeté -

La perception des dimensions : « Elle joue sur la perception de l’intensité d’éclairage et sur celle des dimensions de l’espace. »

Figure 30 : Mosquée Ouled Hlel, Axel Derriks & Virginie Prevost

- Ombre, Lumière et Ondulations -

Le renforcement des délimitations : « L’éclairage affaiblit ou renforce certaines limites construites. »

Figure 32 : Houch Ben Ahmed, prise personnelle

- la Forme, au delà de ses Limites -

La création des délimitations : « L’éclairage crée de nouvelles limites par des zones d’ombres»

Figure 34 : Mosquée El Moghzel, prise personnelle

- Quand le blanc devient noir dans la pénombre-

Effet de Découpe : « un rapport figure/fond particulièrement contrasté produisant une distinction nette entre plans visuels juxtaposées »

Figure 36 : Mosquée Fadhloun, prise personnelle

- Projection nocturne -

Exposition et attraction : « consiste à mettre visuellement en valeur une chose. En éclairant un objet précis que les autres et en neutralisant la perception de ce que l’entoure. »

Figure 38 : Mosquée Ben Gayed, prise personnelle

- la texture donne sens aux nuances -

Perception des textures

Figure 40 : Mosquée Fadhloun, prise personnelle

- Architecture, Ombre, un Ecran végétal L’ombre participe dans l’intégration de l’architecture dans son environnement par l’effet de Dilatation : « augmenter l’étendue, le développent de quelque chose »

L’architecture djerbienne se caractérise par la simplicité et la pureté a tous les niveaux (volume, espaces, ornementation…). Très minimaliste, elle rencontre les faisceaux de lumière pour nous donner des ambiances qui marquent notre vue en premier lieu et puis nos esprits. On se trouve face à un style unique qui évoque nos états d’âmes, éveille nos sentiments et traces les lignes de notre mémoire.

Figure 42 : la mosquée de Sidi Yeti, effet de profondeur, (prise personnelle).

Figure 43 : les nuances dans la mosquée des turques, gettyimage.com

 Lumière et nuances

Cette photo montre les nuances de couleur que dégage un paysage architectural Djerbien étant sous la lumière. Une palette de nuances très riches et en même temps harmonieuse. Elle attire nos yeux et nous laisse admirer une sorte de minimalisme dynamique. 50

Figure 44 : Coupe sur huilerie souterraine, effet d’exposition.

Figure 45 : Propagation de la lumière, Cette coupe nous indique l’orientation et la direction de la lumière. Cet effet est conçu dans plusieurs espaces, la lumière entre sous forme d’un faisceau mince qui se projette sur la matière pour donner une tache ponctuelle qui change de place au cours de la journée.

Filtre Faisceau Ecran

Source Tache de lumière

Perception Interprétation Etat d’âme Matériau

Figure 46 : Photos présentant des ambiances intérieures, Google image La lumière très présente à Djerba et le climat chaud ont poussé les Djerbiens à façonner la lumière. Les photos ci-jointes présentent le tamisage de la quantité de lumière souhaitée dans l’espace intérieur à travers des petites ouvertures qui laissent passer des faisceaux lumineux.

Zone 1 Zone 2 Figure 47 : Patio de Houch Ben ahmed, effet de délimitation (prise personnelle).

Figure 48 : Coupe sur Houch Ben Ahmed, Mahboubin, montre les limites d’ombre (illustration personnelle).

Figure 49 : Plan Dar, Houch Ben Ahmed, Mahboubin (illustration personnelle).

Le Patio : un vide percé dans le volume carré. Il donne un espace à ciel ouvert qui laisse envahir le Houch djerbien par la lumière et trace une limite fictive qui passe au delà de sa formalité pour distinguer deux zones de différents usages selon le besoin.

A1 A2 A3

0 1 5 10m

A1 : espace de repos désormais sombre ou éclairé indirectement (lumière A2 : activité journalière bien éclairée A3 : espace de repos mais au contraire de A1 éclairé directement

Figure 50 : Plans et façades de la galerie de prière, mosquée sidi yeti (illustration personnelle).

Figure 51 : Espace de prière extérieur, mosquée Sidi Yeti (prise personnelle). Une galerie en arcades rencontre la lumière pour créer un effet de filtrage « correspond au renforcement relatif ou à l’affaiblissement de certaines longueurs d’ondes d’une source lumineuse » Le jeu de plein et du vide se montre dans l’alternance entre l’ombre et la lumière projetée sur le mur du Mihrab. Donne plus de sérénité à la prière.

T1 : Prière de sobh

0 1 5 10m T2 : Prière de Dhohr

T3 : Prière de Maghreb

T1, T2 et T3 présentent différents temps de prière. Gardons le même espace et les mêmes matériaux avec un changement dans la lumière on obtient différents ambiances et qualités. Ce qui crée de cette galerie un repère temporel qui peut même indiqué selon la direction de l’ombre le temps de chaque prière.

Minimiser le nombre et la surface des ouvertures, se protéger des rayons solaires qui produisent la chaleur dans l’atelier, en même temps assurer la quantité et l’orientation désirées de lumière afin d’assurer le confort visuel pour travailler.

Figure 52 : Atelier de tissage, Google image

Figure 53 : Plan atelier de tissage (illustration personnelle)

Figure 54 : Coupe sur atelier de tissage (illustration personnelle)

Synthèse

En analysant les différentes typologies de constructions qui marquent l’architecture djerbienne (mosquée, Houches) et à travers différents exemples tout en mettant l’accent sur le besoin de la lumière par rapport aux usagers de chaque espace et les activités djerbiennes, ou on a pu dégager les différentes manières de pénétration de la lumière à l’intérieur, les effets produits par le modelage de la lumière naturelle et sa relation avec le rituel djerbien.

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