La Maison Californienne, sa relation avec l'extérieur et l'inspiration Européenne.

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Mémoire de fin d’études - Cycle Master

La maison Californienne Sa relation avec l’extérieur, et l’inspiration Européenne

Paco JULIA

Directeur : Andrés martinez Co-directeur : Catherine Titeux Montpellier, Janvier 2019 1


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La maison Californienne Sa relation avec l’extérieur, et l’inspiration Européenne

Paco JULIA

Mémoire de fin d’études - Cycle Master Directeur : Andrés MARTINEZ Co-directeur : Catherine TITEUX

Membres du Jury 22 Janvier 2019: • Hélène GUÉRIN: Docteur en histoire de l’art contemporain. Maître de conférences associé en HCA à l’ENSA de Montpellier. • Dominik NEIDLINGER: Architecte et urbaniste. Maître de Conférences en TPCAU à l’ENSA de Strasbourg. • Andrés MARTÍNEZ: Architecte et urbaniste, docteur en architecture. Maître de conférences en TPCAU à l’ENSA de Montpellier. • Catherine TITEUX: Architecte DPLG, docteur en histoire de l’art. Maître de conférences en HCA à l’ENSA de Montpellier.

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Figure 1 : Casa Ugalde, Caldes d’Estrac en Espagne, Jose Antonio Coderch 4


SOMMAIRE

La maison Californienne. Sa relation avec l’extérieur, et l’inspiration Européenne

AVANT PROPOS .......................................................................................................................... 9 INTRODUCTION .......................................................................................................................... 11 I. L’architecture domestique moderne, les relations entre l’intérieur et l’extérieur ............ 14

A. Histoire de la maison et du patio ............................................................................ 15 B. La maison à patio et le mirador .............................................................................. 19 C. Marcel Breuer, la maison à deux noyaux ................................................................ 23

II. Le modèle Californien: les Cases Study Houses ................................................................... 24 A. Le programme des Case Study House: contexte historique et annonce officielle... 25 B. CSH n°8 Charles et Ray Eames House ..................................................................... 45 C. VDL House de Richard Neutra ................................................................................. 59 III. L’habitat Californien comme reflet de l’architecture Européenne .................................... 80 A. L’architecture moderne en Amérique ..................................................................... 81 B. L’œuvre de Richard Neutra en Californie ................................................................ 89 C. L’œuvre de José Antonio Coderch en Méditerranée ............................................... 99 CONCLUSION ........................................................................................................................... 108

BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................................................... 110 ANNEXES ..................................................................................................................................... 113

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REMERCIEMENTS

La réalisation de ce mémoire a été possible grâce à l’intervention de plusieurs personnes à qui je voudrais témoigner toute ma reconnaissance. Je remercie par dessus tout mon directeur de mémoire Andrés Martinez pour ses conseils, ses connaissances et son suivi, qui ont contribué à alimenter ma réflexion. Je remercie également Catherine Titeux pour les échanges lors de la soutenance blanche qui a été très utile pour approfondir le sujet. Pour finir, je remercie aussi mes amis et collègues de l’ENSAM avec qui j’ai pu discuter du sujet, ainsi que mes proches pour m’avoir soutenu dans mes choix.

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Figure 2 : Casa Malaparte, Capri en Italie, Adalberto Libera 8


AVANT-PROPOS

Le mémoire d’architecture a pour but de refléter le travail de recherche effectué lors des deux années de master. C’est donc le moment d’expliquer ce qui m’a amené à traiter la relation entre deux notions qui m’intéressent et qui m’ont donné l’envie de m’investir dans le monde de l’architecture: le paysage et l’habiter. Pour cela il conviendra de s’appuyer sur une partie théorique qui montre l’étude qui a été faite sur ce thème. D’autre part, il faudra s’appuyer sur des cas d’études précis, ainsi je porterai l’attention sur le fait que ceux-ci sont complémentaires. Puis une partie reprendra le contexte historique et géographique pour établir un lien évident entre deux notions essentielles de l’architecture.

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Figure 3 : l’Alhambra et ses jardins.

Figure 4 : Plan de l’Alhambra

Figure 5 : Mirador du Partal de l’Alhambra 10


INTRODUCTION

Ce document tente d’expliciter la relation entre l’habitat moderne Californien et l’habitat moderne Européen à travers les connections extérieur-intérieur que l’on retrouve dans ces deux architectures. Dans un premier temps je vais raconter comment m’est venue l’idée de travailler sur ce sujet. Mon intérêt autour de la question de la maison m’est venu de l’Alhambra, un souvenir qui m’est cher et qui pourrait être la révélation de ma passion pour l’architecture. En effet, malgré une échelle et un contexte éloignés de ‘‘la maison’’, l’Alhambra se rapproche des notions d’habiter, d’enceinte, de patio, et surtout des relations entre l’intérieur de la Cité et son environnement auquel il est très lié. Son contexte historique est très éloigné de celui de l’habitat moderne des années 1950, cependant des similitudes peuvent en ressortir. La notion d’habitat se ressent dans l’ensemble d’habitations qui pourrait ressembler à un quartier d’ouvriers, un noyau privatif avec un jardin. Les cours des résidences des rois Nasrides permettent de donner une fonction spécifique à ces espaces extérieurs essentiels à la vie dans cette cité. Depuis quelques années je m’intéresse au rapport entre l’architecture et la nature, et c’est pour cela que je voulais travailler autour du sujet de la maison à patio. Nous vivons dans une région où ce type d’architecture est abondante et je pense qu’il est parfois utilisé de manière insouciante ou négligée. Il s’agit d’une typologie d’habitat qui semble complexe et qu’il faut savoir maîtriser. De plus cette idée s’est confortée au semestre de S3 avec le studio ‘‘La maison à patio en Méditerranée’’ avec Andrés Martinez, mais aussi car presque inconsciemment j’ai toujours tenté d’intégrer la notion de patio ou d’intériorité (jeu d’intérieur/extérieur avec rapport nature/architecture) dans les projets réalisés durant les semestres qui ont suivi. Tant dans les projets d’équipement public que pour du logement collectif. Le patio regroupe des notions qui m’intéressent comme par exemple le lien entre l’extérieur et l’intérieur, la place laissée à la nature dans la conception architecturale, le rôle de la nature dans l’habitat, l’isolement et la privatisation des espaces avec la question de la porosité et du seuil, les ambiances données par l’architecture liées à la nature . Mais aussi ce qui me semble important est la question du contexte, un architecte ne peut pas implanter son bâtiment sans étudier son environnement.

Figure 6 : Coupes de la Cité de l’Alhambra et relations avec l’entourage 11


Figure 7 : Eames House et son jardin

Figure 8 : Reflet du Silver Lake dans la VDL house de R.Neutra 12


Voici quelques questionnements qui me sont venus avant d’aborder un réel sujet : Comment offrir la possibilité à l’habitant de se rapprocher de son environnement? S’agit‐il de travailler sur les ambiances de confort? D’intégrer la nature dans l’architecture? Ou au contraire de s’en détacher pour la mettre en valeur? Tenir compte de la vue? Du paysage? Quel rôle joue l’environnement dans le patio et l’habitat? Ou comment à travers le patio, le jardin ou la cour peut-on réussir à établir une connexion avec le paysage? J’ai donc commencé par étudier les notions qui définissent la maison à patio sous plusieurs formes. Comme j’ai dit précédemment le sujet de la maison à patio est vaste et complexe. Pour répondre aux questionnements qui m’ont orienté vers l’envie de réaliser un mémoire en rapport avec l’habiter et l’extérieur j’ai tout d’abord puisé dans l’histoire et les origines du patio. Les origines de la considération de l’espace extérieur dans l’habitat montrent qu’il existe des fonctions diverses suivant la taille et la disposition. Pour comprendre la notion de patio et de mirador j’ai étudié des écrits qui définissent réellement cette notion. Certains architectes modernes précurseurs qui ont révolutionné l’habitat du 22e siècle définissent cette notion, tels que Ludwig Mies Van der Rohe avec une maison noyau au milieu d’une parcelle avec une enceinte, Le Corbusier une villa avec un patio en mirador, ou Marcel Breuer une maison à patio avec 2 noyaux. D’autres cas d’études de Jorn Utzon, Alvar Aalto, et Jose Antonio Coderch en méditerranée viennent agrémenter les comparaisons avec ces maisons. Cependant, je me suis rendu compte que le patio est une typologie qui s’adapte à un bon nombre de situations géographiques avec des climats assez différents. Je le vois maintenant comme l’espace extérieur de la maison, la terrasse, le jardin, le mirador. C’est grâce à des exemples méditerranéens que je me suis rendu compte du rôle du patio, des différentes positions qu’il adopte en rapport avec la maison. Mais la principale relation qui m’intéresse est celle qui s’établit entre l’habitat et son environnement, le paysage qui l’entoure. Pour cela il a été nécessaire de s’émanciper de la méditerranée et du concept de patio pour explorer de nouvelles approches. Ainsi j’ai décidé de me concentrer sur deux cas d’études issus d’une visite imprévue à Los Angeles: une case study house de Charles Eames et une maison de Richard Neutra. Un voyage à Los Angeles complété par les visites de la case study house n°8 de Charles Eames et de la VDL house de Richard Neutra, m’ont permis d’analyser l’habitat moderne Californien. En effet ce sont des maisons qui ont été conçues toutes à la moitié du 20e siècle et qui apportent une vision moderne de la relation du domestique avec l’environnement. Notamment la maison de Charles Eames qui est concepteur de mobilier ce qui donne davantage de force à l’idée d’habiter un espace. J’ai choisi ces maisons pour leur relation avec l’extérieur qui semble innovant. Assez différent de l’habitat méditerranéen mais qui présente des similitudes quant aux relations avec le paysage et au climat. Ces deux habitats se présentent dans ce document comme les cas d’études principaux. Une analyse écrite précise de chaque maison sera importante pour se rendre compte de la manière moderne d’habiter. Mais aussi le fait de redessiner les plans originaux permettra de les analyser de façon progressive et efficace. La dernière partie du mémoire concernera l’analyse de l’œuvre de Richard Neutra et de Jose Antonio Coderch, ce qui permettra de mettre en comparaison les caractéristiques de l’architecture californienne et de l’architecture européenne. L’idée de croiser ces références est d’aboutir sur des liens entre ces deux types d’architecture.

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Figure 9 : Composition de la maison romaine

Figure 10 : Atrium avec son impluvium

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I. L’ARCHITECTURE DOMESTIQUE MODERNE, LES RELATIONS ENTRE INTÉRIEUR ET EXTÉRIEUR

A. HISTORIQUE ET ORIGINES Le mot patio vient du latin «patere» qui signifie être ouvert, et du persan «pass» «too» qui signifie derrière et intérieur. L’archétype est associé à un espace carré, intérieur, à ciel ouvert, au centre d’une habitation, ayant un rôle fonctionnel et principalement de représentation. Le patio est souvent bordé d’une galerie de circulation ouverte. Usage privé qui le distingue de la cour , c’est un lieu de passage semi-public servant de transition. Grèce et Rome antique Les origines sont nombreuses et son remaniées suivant les cultures, c’est ce qui fait la richesse de ce type d’élément architectural, et ce qui le rend quasi-indispensable. En Grèce et en Rome antique deux cours organisaient l’espace de la maison: - le péristyle est une colonnade autour d’une cour disposée de façon à ce que les murs de l’édifice soient extérieurs aux colonnes. Le péristyle d’une maison romaine qui formait la 2e vision d’un plan général, la partie intérieure de l’édifice, qui correspondait au gynaeconitis de la maison grecque: théâtre et sanctuaire de la vie domestique, là où se trouvaient les appartements privés du propriétaire et sa famille, auquel n’avaient accès que les privilégiés. Formé d’un espace entouré d’une colonnade comme l’atrium (mais avec un champ plus large) avec jardin, fontaine et impluvium au centre. Il était séparé de l’atrium par le tablinum et les fauces. - l’atrium, une grande pièce, première des 2 parties principales d’une maison romaine. On y arrivait directement du vestibule et elle servait à la famille de lieu de réunion ou pièce publique où les femmes travaillaient à leurs activités, des statues exposées, ainsi que le foyer de la cuisine. Il est de forme rectangulaire avec un toit et un compluvium, avec un impluvium au centre, une colonnade avec des galeries. L’atrium corinthien est celui qui ressemble le plus à un patio car il est couvert. L’architecture islamique En Afrique du Nord : la maison arabe traditionnelle, le Riyad s’organise aussi autour d’un patio. La civilisation islamique a surgi au début du VIIe siècle dans la péninsule arabique à partir des tribus arabes avec des modes de vie distincts: les unes étaient nomades et habitaient dans des tentes de campagne, et d’autres sédentaires installés dans des villages et des villes des zones côtières de la Mer Rouge et l’Océan l’Indien qu’ils habitaient dans des maisons de divers types. Le plus développé correspondait à la l’habitat avec un ou plusieurs patios, il correspondait à l’archétype de résidence utilisé préférablement durant des millénaires dans les agglomérations urbaines des civilisations principales de la rivière l’Indus (Mohenjo-Daro, 3000-2000 à. C), l’aire Mésopotamienne (Sumeria, 2175-2000 av. J.-C.) et Méditerranéenne (Micenas, 1550-1100 av. J.-C.) . Cet archétype était idéal pour des régions de climat chaud et sec, comme elles étaient pour la plupart conquises au premier siècle de l’expansion islamique qui alla depuis la péninsule Ibérique jusqu’au Pakistan. Cependant, à l’intérieur de certaines de ces zones dans des régions montagneuses de climats froids et pluvieux, il y avait aussi des maisons sans cour, d’un seul étage ou développées en hauteur, dans la péninsule Arabe (les maison-tours au Yémen) et dans les territoires conquis (la maison Berbère sans cour dans des zones montagneuses du Maghreb...) . Dans quelques lieux très proches du désert les cours ouvertes étaient remplacées par un espace central couvert d’une petite ouverture dans le plafond, comme en Libye ou en Algérie, où pour se protéger mieux des orages de sable et des grandes variations thermiques entre le jour et la nuit. La culture naissante islamique est entrée en contact, durant sa formation rapide et son expansion, avec 15


Figure 11 : Organisation de la maison traditionnelle Arabe

Figure 12 : CloĂŽtre de la cathĂŠdrale Saint Bertrand de Comminges 16


la byzantine en occident et la Perse en orient. La première est héritière de la gréco-romaine, périodes durant laquelle ont été construites, par tous les pays riverains de la Méditerranée, des maisons avec des cours carrées ou rectangulaires dotées de portiques de chaque côté. Cependant, le peu de restes archéologiques connus de la deuxième révèlent la présence de cours préférablement rectangulaires avec portiques seulement dans les côtés les plus petits. Il faut ajouter à tout cela une architecture rurale vernaculaire, adaptée au lieu et peu influencée par les changements culturels ou politiques au long des siècles et qui est restée adaptée à l’environnement du monde méditerranéen. La civilisation islamique dans sa progression vers l’occident a étendu la langue arabe comme élément transmetteur de sa religion et de son organisation sociale ce qui a aussi servi à donner une unité à son vaste empire. Cependant, dans beaucoup d’aspects culturels, notamment l’architecture, elle fût réceptrice des connaissances des grands empires conquis, qui une fois fusionnés et adaptés ont donné naissance à un art distinct, avec ses propres caractéristiques clairement différentes des antérieures. La maison à patio est celle qui s’adaptait mieux aux caractéristiques moyennes de la frange climatique sur laquelle l’Islam s’est étendu, et à ses normes religieuses et sociales qui exigeaient la permanence de la femme dans l’intimité de la demeure, où résidaient le type de famille étendue, composée par quelques générations, propre des sociétés orientales. La cour, nommée en Arabe wast al-dar (centre de la maison) était le centre de la vie familiale(familière), il servait à communiquer, à illuminer et à aérer toutes les chambres de la maison et rendait possible de limiter le bruits à l’extérieur. Il occupait la partie centrale de la parcelle dans la maison urbaine, en créant un microclimat qui rafraîchissait l’air grâce à l’évaporation qui se produisait dans les bassins ou les zones aménagées en espaces verts situées dans son centre, alors que durant l’hiver il protégeait du vent. C’était un lieu de séjour, où étaient réalisées plusieurs des tâches quotidiennes et permettait l’accès aux autres pièces habituelles: une cuisine, des latrines et un salon. Ces derniers avaient un usage polyvalent, ils étaient utilisés comme lieu de réunion, de salle à manger, de chambre à coucher, et même de travail ce qui impliquait un emploi de petit mobilier et facile à bouger. Dans la maison rurale la position de la cour était plutôt latérale et elle s’employait aussi comme basse-cour. Pour garantir l’intimité il était indispensable que le patio ne se voie pas depuis l’extérieur de la maison. Ce qui fût obtenu en substituant le vestibule islamique, avec deux travées alignées où la vision directe était impossible. Les servitudes de vue affectaient aussi la position de la porte de la maison, qui ne devait pas être en face de celle du voisin, ni aux étages supérieurs. En Espagne: le patio de style andalou a ses caractéristiques propres. Les espagnols ont exporté le patio dans les haciendas en Amérique latine lors des colonisations. L’architecture religieuse J’ai décidé de prendre l’exemple de la Cathédrale Sainte Marie à Saint Bertrand de Comminges, qui a été construite en haut d’une colline et surplombant le village. Au sud de la cathédrale s’accole un cloître construit pour les chanoines: c’est un lieu de prière, de réunion et de détente. Sa construction débute au XIIe siècle et il est modifié à plusieurs reprises. Le cloître est l’élément architectonique qui constitue le noyau du monastère médiéval. Symboliquement il est assimilé au paradis,au centre la fontaine de laquelle surgissent les 4 canaux qui représentent les 4 grandes rivières, et les galeries les 4 coins du monde. Trois de ses galeries sont romanes, recouvertes d’une charpente à clair-voie, avec des arcs centrés qui reposent sur deux rangées de colonnes surmontées de chapiteaux décorés. Un seul chapiteau diffère, il représente les 4 évangélistes sur chaque face. La galerie gothique au nord a été refaite aux XVe et XVIe siècles, c’est la galerie des tombeaux car elle contient les tombeaux de sept chanoines. La galerie du midi s’ouvre au Sud sur le paysage par des grandes ouvertures. A côté le jardin de la cathédrale se juxtapose pour offrir un seuil d’entrée de qualité au cloître.

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Figure 13 : plan du pavillon de Barcelone de L. Mies Van der Rohe

Figure 14 : cour du pavillon de Barcelone de L. Mies Van der Rohe 18


Les fonctions du patio Climat : il génère un microclimat frais et protège des vents grâce à un effet de cuvette, l’air se renouvelle et circule, l’air chaud remonte. Le confort des habitations est amélioré par ce système de convection. Eau : - récupération des eaux de pluie (impluvium dans les villas romaines). - fonction décorative (mosquées par exemple). - fonction climatique avec le rafraîchissement du lieu. Intimité : il s’agit d’un espace renfermé dans l’enceinte de la maison, il n’est pas visible de la rue. Il se prêtait aux activités de la maison. Distribution : il unifie les pièces de la maison qui sont séparées entre elles. Transition : espace de transition fort, par exemple dans les maisons arabes anciennes c’est un intermédiaire entre l’entrée et la zone des invités (rencontres avec les mâles dans le Takhtabash, pièce qui connecte avec le patio, alors que les hôtes de prestige sont reçus dans des pièces de réception en passant par la cour). Circulation et fonction sociale car il s’agit d’un espace de réception (dans les maisons arabes la place du sofa y est importante). Pour commencer ce travail je vais effectuer un état des lieux comparatif entre le patio et le mirador qui sont pour moi les deux notions théoriques essentielles à comprendre en ce qui concerne les relations entre extérieur et intérieur dans l’architecture de l’habitat moderne. B. LA MAISON À PATIO ET LA MAISON MIRADOR Le patio se trouve dans une enceinte, on peut la comparer scientifiquement à une membrane protectrice du noyau, qui dans le cas architectural se trouve être la maison. Celle-ci est le noyau et ce qui se trouve à l’extérieur du noyau mais dans l’enceinte est le jardin, la cour, le patio. La maison à patio est donc concave, elle est orientée vers son jardin. Le pavillon est formé par quatre murs et un toit, et tend à s’ouvrir vers l’extérieur. Alors que le patio se base sur la formation d’une enceinte et cherche à se développer vers l’intérieur, à l’introversion. Ce n’est pas pour autant qu’ils ne se complètent pas. Comment peuvent ils être compatibles ? - L’idée de noyau de Ludwig Mies Van Der Rohe répond aux caractéristiques architecturales du pavillon l’emplacement et l’orientation des parois qui délimitent et séquencent l’espace de l’intérieur vers l’extérieur. Mais celui-ci est délimité par une enceinte de quatre murs, ce qui le qualifie de maison à patio. Le pavillon de Barcelone est orienté vers l’extérieur mais qui correspond à l’intérieur de l’enceinte. - Le patio est concave, intériorisé, avec la construction d’une enceinte autour, l’ouverture et orientée vers le centre ou vers le haut de manière zénithale. Il s’agit d’un extérieur qui est en relation avec toutes les pièces de la maison et avec un axe vertical terre-ciel. Il représente aussi l’idée de protection et de foyer. - Le pavillon quant à lui est convexe, centrifuge, avec une vision sur l’horizon et un toit protecteur Dans les maisons troglodytes le patio se fait par l’action de creuser pour apporter de la lumière ou de créer un extérieur qui puisse être en relation avec les pièces de la maison. Alors qu’aujourd’hui on assemble des volumes autour d’un espace pour y créer le patio. Deux termes s’opposent ici pour avoir finalement les caractéristiques d’un patio: l’excavation et l’addition, le fait d’enlever de la matière contraire à l’action de rajouter de la matière.

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Mies Van Der Rohe, pavillon de Barcelone pavillon dans un patio un noyau dans une enceinte espace intérieur séquencé Le Corbusier, Villa Savoye Aalto Muraatsalo

patio dans un pavillon élévation sur le site relation zénithale relation horizontale

patio travaillé en extrémité de l’enceinte cadre sur le paysage

Le Corbusier, Villa Le Lac séquençage de la vue cadre sur le paysage

Jorn Utzon, Can Lys cadre sur le paysage horizon séquençage de la vue

Marcel Breuer, Hooper House II binucléaire ouverture cadre sur le paysage

J-A. Coderch, Casa Ugalde points de vue, angles de vue percées visuelles les formes suivent les vues cadre sur paysage

Jorn Utzon, Hellebaeck relation au site mono-orientation, direction ouverture totale sur l’horizon

Alhambra, cité cité-enceinte remplie par du bâti creux et pleins -> enfermement relation uniquement zénitale belvédère-mirador sur la tour défensive prise de hauteur pour dominer le territoire Alhambra, Partal Cadre sur le paysage lien direct entre l’intérieur et l’horizon

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Selon Carlos Marti Aris, qui cite dans son article «Pabellon y patio, elementos de la arquitectura moderna» quatre principales théories développées par des architectes précurseurs autour de ces notions de pavillon et patio. La voie analytique de Ludwig Mies Van Der Rohe On retrouve sur le pavillon de Barcelone le fait d’avoir un toit qui ferme sur le vertical pour privilégier l’ouverture sur les côtés, mais avec la contrainte de ne pas pouvoir se projeter vers l’extérieur et avoir la vue sur l’horizon. C’est un patio entouré de quatre murs avec un pavillon, qui font partie d’une enceinte. Cependant, dans la Maison Resor, l’idée est de se séparer du sol pour se libérer et établir une relation avec le site: contempler le paysage depuis l’intérieur. On a donc plus besoin de l’enceinte, les murs sont supprimés. Il en est de même pour la Farnsworth house qui est ouverte sur les quatre côtés, avec un toit, il s’agit purement d’un pavillon. La voie syncrétique de Le Corbusier Je prends exemple dans la Villa Savoye où la surélévation sur pilotis répond à des conditions d’isolement et donc aux caractéristiques du pavillon. L’action de supprimer une masse creuse d’une masse dense pour en faire des perforations spatiales qui produisent des continuités horizontales et verticales. Mais l’intériorisation de la terrasse donne une vision plus liée au ciel qu’à la terre, le toit terrasse devient un patio dans le sens où il est ouvert au ciel et permet peu de vues vers l’horizon. Le métissage entre pavillon et patio Plusieurs exemples de différents architectes démontrent que ces deux notions peuvent cohabiter. Tout d’abord, Josep Luis Sert, pour qui Mies Van Der Rohe n’établit pas de gradation spatiale, la relation intérieur-extérieur est de suite révélée car il y a un lien direct entre le patio et l’intérieur de la maison. Au contraire il tente de favoriser la privacité et l’intimité, on n’entre pas par le patio. Jorn Utzon dans la Hellebaeck house propose d’orienter la maison vers le paysage en imposant un mur qui délimite tout de même un espace, c’est à dire qu’il ferme à un espace pour s’ouvrir sur un autre. Comme un mirador sur le paysage. Arne Jacobsen dans la maison Moller définit un mur comme une frontière entre le pavillon et l’extérieur. Et Coderch appuie également cette notion de frontière entre le monde extérieur et intérieur en repoussant l’extérieur par l’épaisseur de la maison, vers un intérieur créé par la forme. Mais les ouvertures qu’il crée permettent des vues vers l’horizon au-delà des limites de l’enceinte épaisse.

Figure 15 : arbre de comparaisons d’architecture en lien avec son environnement 21


Figure 16 : plan, Hooper House, Baltimore (Maryland), Marcel Breuer

Figure 17 : Hooper House, Baltimore (Maryland), Marcel Breuer 22


C. LA MAISON À DEUX NOYAUX SELON MARCEL BREUER

D’après Marcel Breuer le patio est un espace fermé, délimité et statique, ouvert uniquement de manière zénithale. Ce qui ne forme pas partie des concepts basiques de l’architecture moderne. Selon lui, il est préférable d’avoir un espace expansif, centrifuge, ce qui apporterait fluidité, dynamisme et ouverture vers l’environnement et le paysage. La maison mirador lui inspire le refuge qui domine la nature, un toit va figer le regard vers les continuités horizontales, et une façade transparente pour se projeter sans limite, regarder à l’horizon et se confondre dans la nature. Il voit la terrasse ou la cour comme un espace extérieur signifiant l’ouverture, la partie la plus représentative de la maison moderne. Cependant Carlos Marti Aris précise que « l’expérience du patio comme un espace introverti qui recrée un petit fragment de la nature, comme lieu délimité et retenu qui représente un scénario de la vie quotidienne, résulte être un trait génétique de l’habitat humain tellement puissant qu’il réapparaît dans l’architecture de la maison contemporaine sous différentes interprétations». La maison à deux noyaux tente de récupérer des propriétés du patio en l’incorporant au concept de maison mirador ou pavillon. L’idée d’avoir l’espace vie et l’espace nuit séparés par un vestibule qui résout les questions d’accès à la maison. Avec un espace extérieur qui pénètre comme un brèche dans la maison tel un patio semi-ouvert. Son idéologie se base sur deux concepts: le contact avec le sol et la topographie auxquels il s’adapte, et l’articulation des volumes qui permet d’avoir des dispositions autres que compactes et afin d’intégrer l’extérieur à l’intérieur de la maison. L’exemple de la maison Robinson, la forme est en U, réceptive et formant un espace protégé mais avec une ouverture centrifuge comme une continuité du paysage. La Hooper house qui reprend toutes les caractéristiques d’un patio mais avec un cadre horizontal orienté vers la vue idéale, comme une prolongation naturelle des pièces de vie de la maison. Les deux noyaux se font plus homogènes formellement et se soumettent aux contraintes de l’enceinte pour donner l’apparence d’un volume unitaire. Pour décrire cette maison, un grand mur de maçonnerie interrompu par une grande porte au centre permet l’ouverture vers le paysage. Depuis la maison on aperçoit la cime des arbres au-dessus du mur ce qui donne moins l’impression d’être dans une enceinte. Le visiteur aperçoit d’abord le mur d’enceinte mais à travers lequel on devine la présence d’un jardin. Finalement, à travers le principe de la maison à deux noyaux Marcel Breuer tente de rendre le processus réversible en se rapprochant du concept de patio. Il s’agit donc d’une hybridation entre la maison à patio et la maison mirador bien que l’idée soit un espace libre englobé par la maison. Il casse l’idée de la convexité stricte de la maison mirador pour laisser place à la protection et le foyer central.

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Figure 18 : John Entenza avec Charles et Ray Eames 24


II. LE MODÈLE CALIFORNIEN: LES CASE STUDY HOUSES

A. CONTEXTE HISTORIQUE ET ANNONCE DU PROGRAMME CASE STUDY HOUSE Un contexte particulier Cette période d’après-guerre est une période de pénurie où tous les types de matériaux de construction sont manquants. Paradoxalement, elle correspond également à une période où l’industrie de la construction fonctionne de manière très intense. Cette intensité s’explique par la longue période d’inactivité qui l’a précédé. D’une part suite à la crise économique de 1929, l’activité constructive est fort ralentie pendant toutes les années trente. D’autre part, la guerre de 1939-1945 marque un point d’arrêt complet et total à toute production . Toute l’activité économique est à ce moment orientée vers “ l’effort de guerre ”. Il y a alors très peu d’opportunités de construction excepté pour construire des structures purement utilitaires. Pendant toutes ces années et notamment pendant la guerre, on assiste à un très grand développement technologique et à de nombreux progrès. Ces nouvelles technologies vont enfin pouvoir être expérimentées et appliquées au bâtiment, ainsi par exemple : – Les nouveaux plastiques rendent possible la construction de maisons utilisant des panneaux et des écrans translucides. – L’invention et l’utilisation de la soudure à l’arc permet d’obtenir des soudures d’une qualité telle qu’elles peuvent être enfin exposées à l’intérieur des maisons. – L’amélioration des résines synthétiques, qui les rendent plus résistantes que les résines naturelles, permet d’étancher et développer des joints adaptés aux nouveaux panneaux de construction légers. – L’apparition de nouvelles colles provenant de l’industrie aéronautique permet le développement d’une très grande variété de nouveaux matériaux composites. Enfin, cette période de construction ralentie n’a pas été synonyme d’un arrêt total de la production architecturale. Bien au contraire, la période d’entre-deux guerre a vu fleurir une multitude de projets théoriques. L’ensemble de ses potentialités vont enfin pouvoir connaitre une concrétisation. Elles vont se cristalliser dans les expérimentations du programme des Case Study House. John Entenza, un critique engagé John Entenza est l’homme qui a permis par son travail d’éditeur et de critique à toutes ces réflexions de voir le jour. Il a ouvert toute une aire d’expérimentation. Entenza débute la publication du magazine «Arts and Architectures» en 1938. Le contexte Californien a certes toujours été favorable à l’Architecture Moderne. Mais il est nécessaire à l’époque de communiquer à travers un support médiatique auprès du grand public. Il s’agit de favoriser ainsi une bonne compréhension des nouvelles démarches de construction de maisons individuelles apparues pendant cette période d’après-guerre. Le magazine est devenu l’indiscutable leader permettant de gagner le public à l’acceptation d’une bonne conception et d’un travail sur la qualité architecturale. Essentiellement pédagogue, il est convaincu que vivant tous avec l’architecture, un travail sur la qualité de l’environnement construit nous concerne tous. Il garde une foi démocratique en la possibilité du public de comprendre un travail qualitatif sur notre environnement bâti quand il est fait un effort pour le lui présenter.

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Figure 19 : Case Study House 21, Bailey House 26


En 1944, il a une bonne idée du cours que va prendre l’architecture moderne après la guerre. Le temps est favorable à l’expérimentation. Les clients potentiels n’ont jamais été aussi nombreux… En effet, la faible production de logements pendant les années de dépression a entraîné une pénurie d’habitations qui se fait durement ressentir au sortir de la guerre. De plus, il y a un véritable travail à effectuer car une partie des clients potentiels pensent déjà à l’époque en terme de maisons clef-en-main. Qui plus est, le terme d’«Architecture» semble un bien grand mot pour des familles qui veulent, dans l’urgence, se loger confortablement et économiquement. Même si la côte Ouest a toujours été un grand lieu d’expérimentation et d’innovation en matière d’architecture contemporaine; Entenza entrevoit le risque que la qualité architecturale des maisons construites régresse du fait de la forte production d’après-guerre. Il est, en effet à craindre que la qualité laisse ainsi place à la quantité. Il y a certes des clients qui peuvent attendre patiemment que l’architecte achève les plans, et qui sont dans une démarche exigente de la qualité architecturale. Il existe également à cette époque des organismes de mécénat qui peuvent financer des travaux expérimentaux. Mais, Entenza se rend compte que malgré tout beaucoup d’idées innovantes existant sur les tables à dessin ou dans l’esprit des concepteurs risquent de ne pouvoir se concrétiser et d’être définitivement perdues. Historique du programme En 1945, Entenza abandonne donc son rôle passif d’éditeur pour jouer un rôle dynamique dans l’architecture de l’après-guerre. Il engage huit agences dont le magazine «Arts and Architecture» devient le client. Chacune de ces agences est chargée de la conception d’une maison. C’est ainsi que commence le programme qui se prolongera après le départ de Entenza du magazine en 1962. Le Case Study House Program s’achève en 1967 à l’arrêt de la publication de «Art and Architecture». Le succès et la longévité du programme sont dues à sa simplicité. Le seul but annoncé est le développement d’un environnement de bien-être sans aucun préjugé idéologique. Les architectes sont encouragés à expérimenter de nouvelles formes et de nouveaux matériaux. Mais les matériaux ne doivent être sélectionnés ou utilisés seulement en fonction de leurs qualités objectives. Il n’est pas question d’utiliser un matériau seulement parce qu’il est nouveau. La démarche inclut une conception paysagère de l’environnement proche de la maison ainsi que la création de mobiliers par des concepteurs reconnus. Durant les trois premières années du programme, 6 maisons sont totalement achevées, meublées et paysagées puis ouvertes au public. Environ 500 000 personnes visitent la première douzaine de maisons. Le succès critique des maisons favorise plus que tout l’acceptation du public d’une conception expérimentale. Les institutions de financement deviennent au fur et à mesure de plus en plus ouvertes et coopérantes. Les banques commencent peu à peu à financer les maisons contemporaines. Ils faut préciser que jusqu’à cette époque elles refusaient assez systématiquement de financer des maisons avec des murs en verre, plans ouverts, sans salle à manger, une cuisine faisant face à la rue, une toit plat et des dalles de béton au sol; convaincues qu’il s’agissait d’un investissement hasardeux sans valeur de revente… Or, toutes les maisons du “ Case Study House Program ” furent d’excellents investissements et elles le prouvent par leurs prix à la revente. Dans les années 50, après que 13 maisons soient complétées le programme continue au rythme d’une maison par an. Les architectes sélectionnés sont habituellement jeunes et peu connus hors du Sud de la Californie. Koenig et Ellwood auteurs de cinq projets à eux deux ont tout deux à peine trente ans quand ils sont sollicités pour concevoir une Case Study House. Beaucoup d’architectes de la fin du programme ont été inspirés par les premières publications du magazine. Ainsi Koenig décida d’étudier l’architecture suite à l’intérêt que lui inspire la lecture du journal. 27


Figure 20 : Case Study House 9 pour John Entenza, Ero Saarinen. 28


En jettant un regard sur les réalisations du programme au cours des onze dernières années Entenza tire un bilan du programme des Case Study Houses: «Nous aimons à penser que ces maisons ont été responsables de quelques réflexions remarquables dans le domaine de l’architecture domestique. Même s’il est vrai que toutes ne représentaient pas la maison rêvée de tout homme, elles ont en revanche eu une très large influence dans l’utilisation de nouveaux matériaux et dans la réutilisation de l’ancien et ont tenté avec un succès respectable de suggérer les voies d’un mode de vie contemporain.» Icones du modernisme de 1945 à 1966 Les Case Study Houses sont comme des prototypes expérimentaux de maisons économiques, les 36 «études de cas» représentaient les aspirations d’une génération d’architectes modernistes actifs au cours de la période après-guerre que connut le marché de la construction. Aujourd’hui les Case study houses sont des icônes de l’architecture résidentielle des Etats -Unis ce sont des modèles pour les architectes concepteurs de maisons expérimentales. John Entenza voyait dans ce programme une façon d’offrir au public et aux professionnels des modèles de maisons économiques traitées dans un langage actuel, en prévoyant qu’il y aurait un boom inévitable que connaîtrait le secteur du logement après la guerre. Son magazine était un outil pour faire connaitre ses idées: donner aux architectes les moyens de concevoir et de construire des maisons économiques et modernes pour des clients réels, utiliser les matériaux de l’industrie, publier et faire connaitre ces réalisations. Le magazine Avant le démarrage du programme, Entenza soutenait déjà des concours pour la conception d’une petite maison après-guerre. Avec l’accent mis sur le modernisme, en design, arts plastiques, musique, littérature et architecture, le magazine Arts & Architecture réunissait tous les atouts pour faire fonctionner ce programme. Les participants Les architectes de réputation internationale et locale: Richard Neutra, Charles et Ray Eames, Eero Saarinen, Craig Elwood, Raphael Soriano, Pierre Koenig, Whitney R. Smith, Julius Ralph Davidson, Straub & Hensman, Brady & Smith, Thornton Abell et Rodney Walker. Les constructions qui se rapprochent le plus de l’esprit du Style International dans leur application rigoureuse de méthodes de construction industrielles et de matériaux industrialisés à l’architecture résidentielle sont celles de Charles Eames, Craig Elwood, Pierre Koenig et Raphael Soriano. Les autres se différencient par l’utilisation de poutres et poteaux de bois, qui sont également des éléments modulaires, standardisés dans les maisons de Thornton Abell, Julius Ralph Davidson, Richard Neutra, Rodney Walker, et les agences de Buff, Staruss & Hensmann, et Killingsworth, Brady & Smith. Ils étaient imaginés comme des prototypes conçus en vue d’une production en série.

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Figure 21 : Case Study House 18, Rodney Walker 30


Lien avec l’architecture européenne Comme le souligne Elizabeth A. T. Smith, il est essentiel de ne pas prendre le programme des Case Study House comme une invention isolée, mais plutôt comme une étape historique de l’architecture bien plus vaste. En effet en Californie on peut trouver de nombreux antécédents à cette expérience dans le contexte général de l’architecture moderne du XXe siècle, notamment dans le concept spécifique de modernisme californien. Aux États-Unis, les maisons témoin construites par des architectes dès le milieu du XIXe siècle. En 1901, Frank Lloyd Wright imagine «La petite maison à nombreuses pièces» présentée au public dans le journal de Ladies Home Journal. Il est resté l’exemple de diffusion de prototypes de résidences bien conçues et économiques le plus célèbre. Le prototype de la Dymaxion House de R.Buckminster Fuller en 1920 fut exposée sous forme de «maison témoin» également. Ou encore lors des Foires mondiales en 1930 où ont été présentés des projets expérimentaux de maisons au grand public américain. Les foires mondiales à Chicago «A century of progress» et New York en 1939 qui présentaient des projets modernistes de 15 prototypes résidentiels dans le cadre de la «ville de demain». Cependant le vocabulaire architectural européen à cette époque était celui des logements sociaux pour des raisons d’efficacité économique et à la prédominance des architectes modernistes dans les grands programmes publics de construction sociale, ce qui n’était pas le cas aux États-Unis. D’autres exemples prenaient part en Europe, où parmi les exemples les plus significatifs figure l’exposition sur le logement menée par Mies Van Der Rohe à Stuttgart, le Weissenhofsiedlung en 1927. Dans cette exposition des architectes tels que Le Corbusier, Walter Gropius, Mart Stam ou Ludwig Mies Van Der Rohe ont contribué par des logements minimalistes technologiques qui sont maintenant habités. Le contexte géographique Los Angeles apparaissait en 1945 comme une ville expérimentale où déjà des architectes avaient expérimenté sur des oeuvres modernistes comme Irving Gill ou Frank Lloyd Wright à la fin des années 1910, en expérimentant avec des matériaux et des techniques de construction. R. M. Schindler et Richard Neutra, émigrés européens, avaient construit des maisons modernistes dès 1920, la Schinler Chace House et la Lovell Health House par exemple. Schindler s’était concentré sur un modèle prototype de maison économique: les «Schindler shelters» en 1930, où le noyau central préfabriqué était réservé aux services et pouvait permettre à chacun de personnaliser son logement car il était facilement adaptable selon différentes configurations de plans, ce qui le rendait très peu coûteux. Dans la même période, Julius Ralph Davidson, Harwell Hamilton Harris et Gregory Ain réalisèrent ensemble plusieurs projets considérés comme précurseurs des Case Study Houses. De ce fait John Entenza avait prévu que de nombreux architectes qu’il allait engager se préoccuperaient déjà des problèmes de logement et attendraient l’opportunité de mettre en application leurs idées.

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Figure 22 : Case Study House 22, Stahl House, Pierre Koening 32


Les projets de Case Study House Les premiers projets partageaient les mêmes caractéristiques, toutes font appel à des éléments de construction modulaires,avec de grandes parois vitrées pour favoriser les échanges entre l’intérieur et l’extérieur. La faible disponibilité de matériaux et la difficulté à trouver des clients dans la période d’après guerre n’ont pas empêché les architectes Julius Ralph Davidson, Sumner Spaulding, John Rex, William Ruster, Theodore Bernardi, Kemper Nomland, Thornton Abell, Rodney Walker et Richard Neutra de concevoir des projets de qualité. C’est à partir de 1949 que le vocabulaire moderniste californien a laissé sa place à une architecture davantage industrialisée. Ceci était dû en grande partie à l’amélioration des circonstances économiques et à la disponibilité des matériaux industriels. Les maisons de Charles Eames et Eero Saarinen, et de Charles et Ray Eames, puis Raphael Soriano, Craig Elwood et Pierre Koenig sont devenues des symboles du programme car ils avaient recours à la technologie tant dans la conception que dans la construction. Ces maisons figurent parmi les exemples les plus reconnus du modernisme américain et international. Mais elles s’écartent un peu du programme car elles ne répondent pas à la qualité de prototype mais plutôt d’objectifs de principes fixés par les architectes. Bon nombre de projets n’ont pas été réalisés, majoritairement car il n’y avait pas de client ou de terrain. D’autres furent supprimés ou modifiés après le programme comme la maison de Charles et Ray Eames et celle de Richard Neutra. L’analyse de ces documents nous permet de dégager trois périodes distinctes dans le programme des Case Study Houses: 1945-50, Le programme fait ses preuves. Dans ces premières années, la priorité est donnée à la dimension économique des projets. Durant celles-ci 13 maisons furent construites et 7 projets présentés. La période débute en 1945 avec l’annonce du programme et se termine avec l’achèvement de la maison de Eames et Saarinen pour Entenza. Tous les architectes de cette période sont déjà des professionnels confirmés et reconnus. Ils ont chacun un style personnel déjà largement éprouvé. La plupart des maisons construites au cours de cette période sont des maisons expérimentales à ossature métallique, les autres étant des expérimentations sur des éléments en contre-plaqué préfabriqués en usine. Depuis un siècle et demi l’industrie a été utilisée pour les matériaux de construction mais la construction de maison a résisté à la l’industrialisation. Les architectes pensent à l’époque que l’on doit changer cela. L’acier promet d’amener l’architecture domestique à l’industrialisation après la fin de la seconde guerre mondiale. Mais la différence fondamentale entre maisons à ossature de bois et les maisons à ossature acier est que dans le cas d’une ossature en acier tous les détails doivent être réglés au moment de la conception contrairement à l’ossature bois où l’on peut laisser un certain nombre de détails à la discrétion du constructeur… La priorité de cette période est le développement de projets qui peuvent servir de prototypes pour des maisons industrialisées. 1960-65, Changement d’échelle. Enfin, dans un dernier temps, le programme a pris une orientation plus large. Les Case Studies développées pendant cette période ne s’intéressent plus seulement à des expérimentations sur une seule maison. Les réflexions s’étendent sur une plus large échelle. On travaille alors sur des groupements de maisons et sur leur intégrations à l’environnement et à la ville. La plupart des maisons construites au cours de cette période sont des maisons expérimentales à ossature métallique, les autres étant des expérimentations sur des éléments en contre-plaqué préfabriqués en usine. 33


Figure 23 : Case Study House 4, Craig Elwood 34


Un programme d’expérimentations Résultat d’une convergence des facteurs économiques, historiques, technologiques, sociaux et culturels de Los Angeles au milieu du siècle, le programme des Case Study House s’inscrit dans son temps et dans son lieu. La maison était un laboratoire d’expérimentations pour les matériaux et les techniques de construction. S’appuyant fortement sur les innovations d’une génération d’architectes d’avant garde qui réfléchissaient au climat et au paysage californien et allaient donner naissance à un style de vie informel, proche de la nature, avec l’absence de traditions et de restrictions. En même temps il s’inspirait fortement du Style International en Europe. Pour conclure on pourrait citer la taille relativement modeste de ces maisons, l’utilisation de matériaux industriels simples, et d’éléments modulaires, leur caractère organique et d’intégration au site, qui en font des sources d’inspiration dans la sensibilité de l’architecture même aujourd’hui. Elizabeth A.T. Smith souligne que l’architecte qui se rapproche le plus de l’architecture du programme des Case Study House est R.M. Schindler qui pourtant n’a jamais participé au programme. Ce qui montre l’influence que le programme a pu avoir dans le monde de l’architecture domestique et résidentielle.

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Le programme des Case Study House: annonce du programme Le programme des Case Study House était un produit des nombreuses préoccupations concernant le logement et l’architecture exprimées dans le magazine, une discussion qui a débuté bien avant l’annonce du programme en 1945. Arts & Architecture a notamment parrainé en 1943 un concours d’architecture de maisons individuelles appelé «Designs for Postwar Living». Ce concours a été conçu pour documenter la direction générale de l’architecture domestique, ainsi que pour générer de nouvelles idées sur l’avenir du logement après la guerre. Le concours a eu lieu à une période où la construction de logements privés était principalement due à la participation de la nation à la Seconde Guerre mondiale. Cependant, il était déjà évident que la demande de logements après la guerre serait profonde. Entenza a décidé de mettre en place un programme plus concentré de commandes de maisons par un groupe restreint d’architectes. En janvier 1945, Arts & Architecture a publié un article de deux pages sur le programme Case Study House. Les paramètres du programme ont été définis et la sélection des architectes a été annoncée. «Nous sommes, dans la limite des exploits incontrôlables, en train de proposer de commencer immédiatement l’étude, la planification et les spécifications actuelles d’un problème de vie particulier dans la région du sud de la Californie. Huit architectes connus à l’échelle nationale, non seulement sélectionnés pour leurs talents évidents, mais pour leur capacité à évaluer de façon réaliste en matière de logement doivent seront commandés. Prendre une parcelle de terre vierge et créer des conditions de vie « bonnes » pour huit familles américaines. Brièvement, alors, nous allons commencer le problème avec l’architecte, avec l’analyse de la terre en relation avec le travail, les écoles, les conditions de voisinage et les besoins individuels de la famille. Chaque maison sera conçue avec un budget déterminé, sous réserve des exigences de la fluctuation des prix.» 1 À partir de l’édition de février du magazine et pendant huit mois ou plus par la suite, chaque maison fera son apparition avec les commentaires de l’architecte - les raisons de sa solution et le choix des matériaux spécifiques à utiliser. Tout cela se fonde sur une maison dont il sait qu’elle peut être construite lorsque les restrictions sont levées ou dès que possible par la suite. Les huit maisons seront ouvertes au public pour une période de six à huit semaines, après quoi on s’efforcera d’obtenir des études de location et de faire un rapport sur celles-ci pour voir si le travail a été fait avec succès. Chaque maison sera entièrement meublée aux spécifications des architectes ou sous sa supervision. «Nous espérons qu’il sera compris et accepté comme une tentative sincère non seulement de prévisualiser, mais aussi d’aider à donner une direction à la réflexion créative sur le logement faite par de bons architectes et dont l’objectif commun est d’avoir un bon logement.» Le principal objectif du programme Case Study House était de donner aux architectes innovateurs l’occasion d’imaginer, de concevoir et de construire la maison idéale pour une famille américaine d’après-guerre. Dans ce cadre, le programme a défini plusieurs objectifs spécifiques: l’expérimentation de nouveaux matériaux, qu’ils soient nouvellement disponibles ou peu utilisés dans la construction résidentielle; application de techniques de production de masse au processus de construction d’habitations; création d’un design unique avec des pièces préfabriquées, standardisées et prêtes à l’emploi; et la promotion des idéaux du modernisme, y compris la simplicité de la forme, l’intégration des espaces de vie intérieurs et extérieurs, et éviter la référence aux styles historiques.

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D’un point de vue idéologique plutôt qu’esthétique, l’annonce du programme n’a fait aucun commentaire spécifique sur le style et n’a pas précisé les caractéristiques particulières des «vieux matériaux» considérés comme répréhensibles, et aucun aspect particulier du logement d’avant-guerre était devenu obsolète. Plutôt que de faire campagne directement contre la famille, les maisons traditionnelles, le programme a cherché à fournir une alternative positive dans l’espoir qu’avec l’exposition aux maisons modernes, les gens seraient séduits non seulement par leur beauté mais aussi par leur praticité, leur accessibilité et leur habitabilité. Les architectes seront dirigés par personne d’autre que le magazine, qui exercera comme «client». Il faut comprendre que toute considération sera accordée aux nouveaux matériaux et aux nouvelles techniques de construction de maisons. Et nous devons répéter que ces matériaux seront sélectionnés sur une base purement fondée par les architectes eux-mêmes. Aucune tentative ne sera faite pour utiliser le matériel seulement parce qu’il est nouveau ou difficile. D’un autre côté, il n’y aura pas non plus d’hésitation à se débarrasser des vieux matériaux et techniques si leur seule valeur est qu’ils ont été considérés comme «sûrs». «L’historien Reyner Banham en 1971 a reconnu le caractère des Case study houses comme un mouvement stylistique en déclarant que Le programme, le magazine Entenza et une poignée d’architectes ont vraiment fait croire que Los Angeles était sur le point de contribuer au monde non seulement des œuvres étranges du génie architectural, mais aussi un style cohérent.» 1 Les modernistes qui pratiquent aux États-Unis ont vu qu’il y avait beaucoup à faire pour faire passer leur message au grand public. Le succès ou l’échec de la philosophie du design moderniste dépendait dans une large mesure du fait que le public américain estimait qu’une maison moderne pouvait répondre à ses besoins actuels ou perçus. L’historien de l’architecture Thomas Hines suggère qu’il était nécessaire «d’évangéliser» pour faire accepter le modernisme: Un des objectifs d’Entenza consistait à fournir un ensemble de modèles pour un marché du logement d’après-guerre qui, s’il n’était pas guidé, était certain d’exploser avec des effets architecturaux potentiellement dommageables. Le logement simple, sensible, minimaliste, prototypique et préfabriqué était clairement l’instrument idéal pour répondre aux besoins de milliers et de milliers de familles dans le nouveau boom de l’après-guerre. 2 L’ouverture des résidences au public était une partie importante du concept de la Case Study House. L’occasion de voir les maisons dans leur état primitif a été offerte à tous les lecteurs du magazine et publiée dans le Los Angeles Times. À l’époque où la population de Los Angeles s’approchait à peine de deux millions, près de 370 000 personnes visiteraient les maisons au cours des trois premières années du programme. John Entenza et son comité de rédaction d’Arts & Architecture ont sélectionné un certain nombre d’architectes pour participer au programme Case Study House. Parallèlement à l’annonce du programme dans son magazine, Entenza a révélé le nom des sept premiers architectes à accepter des commissions en coopération avec le programme: JR Davidson, Sumner Spaulding, Richard J. Neutra, William Wilson Wurster, Ralph Rapson, Eero Saarinen et Charles Eames. Le programme de la Case Study House s’est étendu sur une période de temps considérable et a généré un important travail qui a été effectivement construit pour l’habitation des familles. Au cours de dixhuit ans, le programme a conçu 34 maisons, dont 23 ont été achevées pendant le mandat d’Entenza avec le magazine. Le programme a continué sous la direction de David Travers jusqu’en 1967. Depuis lors, les maisons d’études de cas ont un intérêt international constant depuis près d’un demi-siècle. Reyner Banham, Los Angeles: The Architecture of Four Ecologies (Allen Lane, The Penguin Press, 1971; New York: Pelican Books, 1973), 225. 1

Thomas Hines, Case Study Trouvé: Sources and Precedents: Southern California 1920-1942, Blueprints for Modern Living, History and Legacy of the Case Study Houses, ed. Elizabeth A. T. Smith (Los Angeles: Museum of Contemporary Art; and Cambridge, MA and London: MIT, 1989), 84. 2

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Les Case Study House ont bénéficié d’une renaissance de l’attention des chercheurs et du public à partir de 1989, lorsque le Museum of Contemporary Art de Los Angeles a organisé une grande exposition analysant et présentant le programme Case Study House. Les historiens de l’architecture Dolores Hayden, Reyner Banham et Thomas Hines étaient parmi ceux qui ont contribué aux essais du catalogue de l’exposition. Ce catalogue a été la première publication depuis le livre Modern California Houses d’Esther McCoy en 1962 à publier en un seul volume toutes les maisons et informations sur le programme, ainsi que le premier livre à fournir une analyse critique et critique substantielle du programme. Maisons expérimentales et de démonstration Alors que le programme Case Study House comptait parmi les expériences américaines les plus significatives l’architecture résidentielle, elle faisait partie d’une tradition de maisons expérimentales et de démonstration en Amérique et en Europe remontant au milieu du XIXe siècle. L’essai de Helen Searing dans le catalogue de l’exposition «Blueprints for Modern Living» de 1989 est utile pour placer le programme Case Study House dans ce contexte plus large. Selon Searing, la tradition des maisons de démonstration était le produit de deux influences. Premièrement, les grandes expositions de la fin du XIXe et du début du XXe siècle incluaient souvent l’exposition de logements de démonstration. Deuxièmement, les périodiques populaires et professionnels consacrés au logement et à la conception présentent souvent des maisons de démonstration et des livres de patrons publiés; les deux étaient un moyen d’introduire les dessins à un large public. La première apparition d’une maison idéale à une exposition fut une série de chalets construits pour la Grande Exposition de 1851 à Londres. La première fois que les maisons modernistes ont été inclus dans une foire du monde américain était l’exposition 1933 Century of Progress à Chicago. À la «Ville de demain» de l’Exposition universelle de New York en 1939, des maisons de démonstration ont été construites sur place. C’était la méthode la plus commune de proposer des idées architecturales à une exposition, puisque la pratique rendait les maisons facilement accessibles dans un environnement contrôlé. La même année, lors de l’Exposition internationale de Golden Gate à San Francisco, des maisons ont été construites dans les environs: «Leur permanence et leur déplacement du parc des expositions aux sites résidentiels dispersés préfiguraient deux aspects clés du programme Arts & Architecture. Searing soutient que le précédent le plus pertinent du programme Case Study House était les nombreux programmes européens de logement expérimental. Des exemples construits de ces projets abondaient en Europe: les plus influents de ces mouvements prônaient une esthétique abstraite de la machine et rejetaient les solutions architecturales traditionnelles, tout comme Arts et Architecture après la Seconde Guerre mondiale. La plupart de ces projets européens étaient sponsorisés par des écoles, des «werkbunds», des gouvernements municipaux ou des initiatives privées. Parmi ceux-ci, citons la Haus am Horn (1923) du Bauhaus de Weimar, la Wiessenhofsiedlung de Stuttgart (1927) et le Pavillon de l’Esprit Nouveau de Le Corbusier à Paris (1925). Aux États-Unis, la discussion de l’activité de construction basée sur des solutions théoriques aux crises du logement était principalement concentrée dans la presse populaire, telle que les magazines à diffusion générale.

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Hines caractérise l’approche adoptée dans les maisons de démonstration américaines typiques, en prenant comme exemple la «Maison d’après-guerre» de 1946, construite à Los Angeles par la division de recherche Fritz B. Burns: Pour la plupart des Américains, la vie moderne était susceptible d’être définie d’une manière additive - dans l’achat de nouveaux appareils, dans le remodelage d’une vieille maison, dans les ajouts graduels c’était tout ce qui était disponible à la plupart des gens immédiatement après la guerre. Alors que les architectes des Case Study House étaient préoccupés par la création d’une nouvelle technologie de la maison, la plupart des gens voulaient simplement ajouter de la technologie à la maison. La maison comme une seule déclaration esthétique convaincante est quelque chose que peu d’Américains ont jamais pu se permettre, la maison comme un ensemble de fonctionnalités qui offrent un éventail de conforts. 1 Selon les auteurs du catalogue de l’exposition Blueprints for Modern Living, le programme Case Study House a été unique dans sa capacité à amener le design moderne, la fabrication et l’habitation à un public américain. Aucun autre concours, programme ou exposition d’architecture américain n’a été comparable à ceux qui ont eu lieu en Europe entre les deux guerres mondiales. Je vais donc commencer par analyser techniquement et graphiquement la maison CSH n°8 de Charles & Ray Eames faisant partie du programme des Case Study House, puis dans un second temps la VDL research house de Richard & Dion Neutra fera l’objet d’une analyse similaire.

Blueprints for Modern Living: History and Legacy of the Case Study Houses, ed. Elizabeth A. T. Smith (Los Angeles: Museum of Contemporary Art; and Cambridge, MA and London: The MIT Press, 1989), 173. 1

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Figure 28 : Eames House photos sur site de la maison 44


B. CASE STUDY HOUSE N°8 - LOS ANGELES, 1949 CHARLES AND RAY EAMES HOUSE CHARLES EAMES ET EERO SAARINEN Biographie Charles Eames, né le 17 juin 1907 à Saint-Louis, Missouri, et mort le 21 août 1978 à Saint-Louis, était un designer, architecte et cinéaste américain. Il a principalement travaillé avec sa femme, Ray Eames. Il est considéré comme un designer majeur du xxe siècle car il a su faire évoluer le design vers la production de masse et de volume. En 1929, il visite l’Europe et découvre Ludwig Mies van der Rohe et Le Corbusier. L’histoire avec Ray Eames débute en 1940, à la Cranbrook Academy of Art du Michigan, où tous deux s’initient à la conception de meubles. Ray est peintre de formation. Charles, architecte, est féru de sciences et de modernité. Il est jugé trop avant-gardiste par ses professeurs, il sera renvoyé de l’université avant la fin de son cursus. Ce qui ne l’empêche pas de gagner la même année, associé à Eero Saarinen, le concours Organic Design organisé par le MoMA, qui plébiscite son premier prototype de Lounge Chair. Soit une structure en coque de bois contreplaqué recouverte de mousse et garnie de tissu. Un an plus tard, Charles épouse Ray et partent s’installer sous le soleil de Los Angeles. Leur destin est ensuite intimement lié à celui de la guerre puis des années de la reconstruction. Tandis qu’en France l’industrie du meuble est stoppée, d’autres nations investissent dans la recherche. C’est à la faveur d’une commande du gouvernement que Charles et Ray démarrent, en 1942, leur premier projet commun: fabriquer des attelles pour le transport des blessés de l’US Navy. Forts de cette demande, ils mettent au point la technique de la coque en bois utilisée pour leurs sièges. Composée de plusieurs épaisseurs de contreplaqué et de résine artificielle, celle-ci est obtenue par compression dans les trois dimensions. Le succès de la production de masse des attelles ouvre la voie à la fabrication de meubles. Dans la foulée naissent leurs premières chaises Plywood. Epouser les courbes du corps humain pour obtenir un confort optimal, tel restera toujours le but des Eames, que ce soit avec le bois, la fibre de verre - pour la première fois, ce matériau employé dans l’aéronautique se voit décliner dans l’ameublement - le fil d’acier chromé ou l’aluminium. Pour répondre à la crise du logement qui touche les Etats-Unis, dans les années 1940, le programme des Case Study Houses les poussent à créer leur maison atelier, au 901 Washington Boulevard, à Santa Monica. L’endroit se situe à Pacific Palisades exactement, sur une falaise face à l’océan et en plein coeur d’une forêt d’eucalyptus. Aujourd’hui propriété de la Fondation Eames, cette maison, faite à l’économie, est considérée comme l’un des chefs-d’oeuvre de l’architecture moderne. C’est une sorte de hangar en préfabriqué, une boîte à outils, parée de panneaux de couleur qui scandent les baies vitrées. L’intérieur est truffé de textiles, de souvenirs de voyages, d’objets d’arts et de traditions populaires et comprend bureau, studio photo, chambre noire, salle d’archives, etc. Aussi confortable qu’ingénieuse, avec tout l’optimisme et toute l’énergie créatrice qui s’en dégagent, elle incarne l’art de vivre prôné par les Eames.

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Figure 29 : Plan de situation 46


Description de l’environnement La maison Eames est située dans la région de Pacific Palisades à Los Angeles, en Californie. La propriété est composée d’une résidence et d’un studio situé sur une falaise surplombant l’océan Pacifique. La résidence et le studio occupent un terrain plat à la base d’une pente raide le long du bord ouest de la propriété. La communauté de Pacific Palisades se trouve sur les hautes falaises le long de la côte du Pacifique entre les villes de Santa Monica et Malibu. Au sommet des falaises, des plateaux plats sont définis par des canyons qui se déplacent vers l’intérieur des falaises du littoral. Le large canyon de Santa Monica sépare les Pacific Palisades de la ville de Santa Monica. La propriété en question occupe un plateau inférieur mais distinct sur la bordure nord du canyon de Santa Monica, surplombant l’océan immédiatement au sud. La maison Eames est située dans un groupe de quatre résidences unifamiliales, toutes conçues dans le cadre du programme Case Study House. Le chemin pavé d’asphalte mène d’abord à La maison d’Entenza, Case Study House #9 conçue par Charles Eames et Ero Saarinen et se termine à la propriété des Eames. Au nord, la promenade est bordée d’un mur de briques. Il fait partie de l’aménagement paysager de Richard Neutra pour The Bailey House, Case Study House #20. Le côté sud de la route est bordé d’une clôture en bois et est ombragé par des arbres matures qui surplombent. La parcelle de la maison Eames occupe un site de 5665m² de forme irrégulière. Le site est principalement plat avec une forte pente vers le haut à son extrémité ouest. La maison est située parallèlement à la pente et est orientée vers une zone herbeuse à l’est appelée «la prairie». La propriété est densément paysagée, créant un sentiment d’enceinte privée et la séparant de ses voisins. Un monticule de terre est situé à l’extrémité de la propriété. Les arbres d’eucalyptus plantés le long des élévations orientales de la maison fournissent l’intimité et l’ombre supplémentaires. Un chemin de planches de bois mène depuis la promenade et longe toute l’étendue de la façade orientale de la maison. Je n’ai pas pu rentrer dans la maison le prix étant vraiment démesuré, mais je pouvais observer l’aménagement du salon et le fameux mobilier de Ray et Charles Eames à travers les façades vitrées. Les plans et de la documentation très complète étaient à disposition du public. Conception de la maison «Pour Charles et Ray, le rôle d’un designer s’apparentait à celui d’un hôte qui anticiperait le mieux possible les besoins de son invité» d’après Demetrios Eames (petit-fils et directeur de la fondation Eames). La maison Eames est composée de deux volumes distincts, un élément vivant (ou résidence) et un élément de travail (ou studio). Les deux volumes sont disposés dans une configuration linéaire et séparés par une cour ouverte. Les deux volumes sont de plan rectangulaire avec une volumétrie horizontale et sont situés le long du bord ouest de la propriété. La résidence est de 139m², avec le studio mesurant 93m² supplémentaires.

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Figure 30 : plan topographique

Figure 31 : Coupes, filtre de lumière et filtre végétal 48


La Eames house est modulaire dans sa conception, composée de 6.10m x 2.10m, et 4 baies qui montent à une hauteur de 5.20m. Chaque baie est définie par un cadre en acier composé de deux rangées de colonnes espacées de 6.10m, avec une poutre tenant la partie supérieure. Sur l’élévation arrière (ouest), l’élément vertical de chaque ossature est partiellement encastré dans un mur de soutènement en béton coulé de 2.40m de haut à la base de la pente qui forme la partie inférieure de l’élévation ouest des deux composants. La largeur de 6.10m des cadres définit la largeur de la résidence et du studio. La résidence se compose de huit baies et le studio est de cinq baies. La cour ouverte qui sépare les deux structures équivaut à quatre travées de largeur. Les cadres en acier exposés sont peints en noir, ce qui délimite visuellement chaque baie et le rythme structurel commun des deux composants. Le contreventement diagonal, composé de câbles métalliques visibles à l’extérieur, assure la stabilité structurelle des cadres. Les étudiants qui assuraient l’accueil m’ont informé que chaque baie est remplie de plusieurs matériaux, notamment des panneaux de plâtre, de contreplaqué, d’amiante, de verre et de «pylône» (un verre trempé semblable à de la fibre de verre). Certaines baies contiennent un type de matériau de remplissage, tel qu’un panneau de plâtre. D’autres baies sont divisées en plusieurs petits panneaux de dimension uniforme, avec jusqu’à douze dans l’étage inférieur, et jusqu’à quatorze dans l’étage supérieur. Tout comme les cadres, les châssis et sous-cloisons en acier sont également peints en noir, ce qui crée un motif de grille horizontale. Les panneaux de plâtre sont peints en noir, blanc, jaune, rouge ou bleu. L’entrée principale de la résidence est située sur la façade principale. La partie intérieure des deux volumes rectangulaires (c’est-à-dire la partie nord de la résidence et la partie sud de l’atelier du côté du patio) est divisée en étages supérieurs et inférieurs par une mezzanine. Les parties extérieures (c’està-dire la partie sud de la résidence et la partie nord du studio) sont ouvertes pour former des espaces intérieurs à double hauteur. Le mur et la toiture se prolongent vers la vue, au-delà de la façade sud de la résidence, créant un autre espace extérieur. Les fenêtres sont composées à la fois de fenêtres fixes et de fenêtres mobiles. Les fenêtres et les Figure : Plan rez de chaussée, ouverture et continuités portes sont vitrées avec un verre translucide. Les élévations nord, est et sud de la résidence et du studio contiennent de vastes zones de panneaux vitrés formant de larges façades vitrées. Les élévations nord et sud de la résidence et du studio comportent des portes coulissantes en verre. Les fenêtres à auvent se trouvent à l’arrière (à l’ouest), où il y a des espaces intérieurs supérieurs (chambres et salles de bains dans la résidence et un bureau dans le studio). Les espaces de double hauteur (le salon dans la résidence et l’espace de travail principal dans le studio) ont des murs solides à l’arrière (ouest), ce sont des murs de soutènement car ils sont contre le terrain. Il y a deux patios extérieurs. L’un fonctionne comme une cour ouverte ou une salle extérieure entre la résidence et le studio. L’autre est situé sous le porte-à-faux à l’extrémité sud de la résidence. La continuité de la plate-forme de toit en métal et du mur arrière lambrissé de l’intérieur vers l’extérieur crée une continuité spatiale et matérielle entre l’extérieur et l’intérieur. Les deux espaces extérieurs comportent des pavés de brique, de bois et de marbre configurés en quadrillage, et sont aménagés avec de la végétation plantée et en pot.

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Figure 32 : Plan rez de chaussée, continuités ouvertures 50

Figure 33 : Plan étage, continuités ouvertures


Aménagement intérieur Les pièces à vivre L’intérieur de la résidence dispose d’un plan ouvert, avec un espace découlant facilement dans le suivant. Comme indiqué auparavant, la partie nord de la résidence est divisée en deux étages. L’étage inférieur contient les espaces utilitaires (cuisine et salle à manger), avec des espaces privés (chambres et bains) au-dessus dans l’étage supérieur. La mezzanine donne sur l’espace de vie double hauteur dans la partie sud de la résidence. En entrant dans la résidence par la porte principale sur la façade est, un escalier en colimaçon menant au loft se trouve directement devant. L’escalier Est qui est vissé ensemble par un poteau central en métal. La lucarne située directement au-dessus de l’escalier filtre la lumière naturelle dans l’ouverture rectangulaire au niveau inférieur. À droite de l’entrée, une salle à manger le long de la façade mène à la cuisine, qui peut être fermée par une cloison pliante. La cuisine dispose d’armoires en métal avec des comptoirs en acier et en marbre. Les espaces de restauration et de cuisine s’ouvrent sur la cour au nord. Derrière la cuisine, une étroite buanderie séparée par un panneau de fibre de verre ondulé longe l’élévation arrière. À gauche de l’entrée principale, un couloir avec armoires de rangement intégrées s’ouvre sur le double volume du salon, qui occupe toute la partie sud de la résidence. Le sol est fini avec des carreaux blancs, et le plafond est exposé vers la terrasse. Le mur de soutènement est fini avec des boiseries verticales. Une rangée supérieure et inférieure de rideaux beiges couvre les fenêtres expansives à double hauteur. L’ouverture générale du salon est contrée par un coin salon plus intime situé dans une alcôve à une seule hauteur située sous le bord extérieur du grenier. Le coin salon dispose d’un canapé intégré en forme de L, d’une étagère en bois et d’armoires de rangement supérieures. L’étage dans cette zone est recouvert de moquette. L’étage supérieur se compose de deux chambres, deux salles de bains et un dressing. Les deux chambres occupent le loft donnant sur le salon et peuvent être fermées avec trois cloisons coulissantes en toile. Une cloison coulissante similaire sépare les deux chambres. Une salle de bain s’ouvre sur la chambre arrière et dispose d’un lavabo, de toilettes et d’une cabine de douche d’origine. L’alcôve de dressage, située à l’arrière du grenier, mène à une seconde salle de bain plus grande. Celle-ci contient une baignoire et des carreaux noirs et blancs disposés en damier. Un couloir étroit avec des armoires intégrées occupe le centre du loft au sommet de l’escalier. La lumière supplémentaire vient d’un puits de lumière au-dessus de l’escalier. Le plancher de l’étage supérieur est en carreaux, avec des panneaux couvrant les murs intérieurs. Les fenêtres à l’étage s’habillent des stores coulissants horizontaux composés de panneaux. Le studio Le bâtiment du studio dispose également d’un plan ouvert. J’ai pu l’observer plus facilement car les baies vitrées étaient grandes ouvertes. Comme dans la résidence, une partie du studio est divisée en deux étages, avec un loft supérieur donnant sur un espace double hauteur. Ici, la partie sud du studio a deux niveaux. Le niveau du sol contient une cuisine le long de l’élévation est, avec une salle d’eau et un couloir. Une pièce fermée située à l’arrière est utilisée pour le stockage. La cuisine donne sur la cour ouverte au sud. Le loft contient un espace de travail et donne sur une zone de studio double hauteur au nord. L’étage supérieur est accessible par un escalier en acier ouvert avec des marches en bois. Les sols sont en parquet de bois sur le premier étage avec des carreaux à l’étage.

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Figure 34 : Plan rez de chaussĂŠe, entre deux

Figure 35 : Plan ĂŠtage, entre deux 52


Continuités spatiales et ouvertures Le plan de la maison de Charles & Ray Eames étant tout en long cela permet de trouver une horizontalité tant entre les espaces à l’intérieur de la maison que dans la relation directe avec l’extérieur. J’ai pu observer en effet que les espaces sont plutôt ouverts, notamment en façade puisque les circulations s’y organisent. On retrouve également ces continuités à l’étage, et j’ai constaté que les continuités visuelles se font également entre le studio et l’entité de la maison. Les continuités se font aussi à travers la bande de circulation, entre les pièces renfoncées et l’extérieur pour garder un apport de lumière naturelle assez important. Quant aux ouvertures elles sont pour la plupart orientées vers le sud c’est-à-dire vers le jardin, sauf au niveau de la terrasse vers l’ouest, où, tant au rez-de-chaussée qu’à l’étage la façade est vitrée et totalement ouverte sur le paysage. Entre-deux J’ai classé 3 types d’entre-deux: 1- l’extérieur en contact avec l’intérieur 2- l’intérieur en contact avec l’extérieur 3- les vides de mezzanines (avec hauteur sous-plafond doublée). Le cas de figure 1 se retrouve à l’emplacement du garage avant d’entrer dans le studio par la partie arrière, mais aussi sur le patio qui permet d’étaler davantage la maison, et sur la terrasse en contact avec le salon. Les entre-deux du cas 2 sont situés en rez-de-chaussée au niveau du salon qui est en contact avec la terrasse et le jardin, puis à l’étage, au studio entre l’accès et la chambre, et dans la maison au niveaux des circulations en façade.

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Figure 36 : Plan rez de chaussée, public privé 54

Figure 37 : Plan étage, public privé


Degré d’intimité public-privé Deux types d’espaces sont utilisés, on distingue facilement les pièces publiques plutôt situées en contact avec la façade et les ouvertures, puis les pièces privées qui sont soit reculées contre le mur de refend, soit à l’étage. En effet les chambres sont en haut sur les mezzanines pour conserver l’intimité même si les ouvertures sont présentes en façade.

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Figure 38 : Plan rez de chaussĂŠe, seuils

Figure 39 : Plan ĂŠtage, seuils 56


Seuils Je pense qu’il y a 3 degrés de seuils d’entrée clairement identifiables dans ce plan. le premier est le chemin, c’est à dire l’accès à la parcelle et à la maison. Dans un second lieu il y a le seuil extérieur qui correspond aux terrasses stratégiquement emplacées à l’est, à l’ouest et au centre de la maison. Enfin, les seuils d’entrée qui sont matérialisés par des halls qui sont des espaces confinés mais qui permettent de marquer l’entrée.

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Figure 40 : Richard Neutra, 1892-1970

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C. VDL RESEARCH HOUSE I - SILVERLAKE, LOS ANGELES, 1932 VDL RESEARCH HOUSE II - 1964 RICHARD & DION NEUTRA Biographie Richard Joseph Neutra est un architecte autrichien, accrédité pour présenter le Style International dans l’architecture américaine et pour développer le style de la Californie Moderne dans l’architecture résidentielle. Richard Neutra est né le 8 avril 1892, à Vienne l’Autriche. Il est allé à l’Université Technique, où il a étudié l’architecture sous les ordres d’Adolf Loos. Loos a inculqué sa vision de l’architecture à Neutra et il a été particulièrement influencé par le travail de Frank Lloyd Wright. En 1919, après avoir servi l’armée dans le WWI, Neutra s’est installé en Allemagne avec sa femme et a commencé à travailler pour l’architecte renommé Erich Mendelsohn. En 1923, Neutra a migré aux Etats-Unis, il s’est installé à Chicago et a brièvement travaillé avec Frank Lloyd Wright. En 1925, il s’est déplacé vers Los Angeles et en 1926, il a établi sa propre pratique. En 1929, on lui a donné pouvoir de concevoir la Lovell house à Los Angeles, ce projet marque son premier succès et le hausse à la gloire. La maison a été louée pour son travail sur le verre, des balcons suspendus, les grands espaces et une série de fenêtres. La maison est devenue un symbole iconique du style distinct de Neutra. En 1946, Neutra a été loué de sa conception de la Kaufmann house et sa participation au programme des Case Study House. En 1952, il a travaillé sur la Moore house dans Ojai, en Californie et a fourni un équilibre stylistique à la conception entre le domicile et son environnement par ses idées novatrices et créatives. La maison a été située au milieu d’un désert et donc a fait face à un manque d’eau. Cependant, Neutra a ajouté un miroir d’eau à la conception pour le stockage d’eau et l’irrigation. Il a construit la maison de telle façon qu’il a semblé flotter sur l’étang et a ressemblé à une oasis. Dans les années 1950, cette conception a été récompensée par l’AIA. En 1961, il a entrepris un autre projet novateur, Gettysburg le Centre de Cyclorama, qui a aussi engrangé des acclamations mondiales. Toutes ses conceptions ont la caractéristique unique et distinguée de faire en sorte que l’extérieur fasse partie de l’intérieur de la maison en ajoutant une gamme de porches, des patios ou des jardins. Neutra dit que «l’architecture devrait être un moyen de créer l’harmonie entre l’homme et la nature». Pendant les années 50 et les années 60, Neutra a pu construire des églises, des collèges, des universités, des cités HLM, des centres culturels et des immeubles de bureaux. En 1966, il a formé un partenariat avec son fils et a nommé la société Richard et Dion Neutra Architects & Associates. Il meurt en 1970 lors d’un voyage d’affaires dans sa ville natale.

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Figure 37 : Richard Neutra, 1892-1970

Figure 41 : vue depuis Silver Lake

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Présentation Située à proximité du populaire Silver Lake, la maison bénéficie d’un emplacement tranquille et naturel à l’intérieur de la ville. La maison VDL doit son nom au Dr. Van der Leeuw. En même temps, le bâtiment est une incarnation de la perception architecturale de son architecte. Le concept architectural combine la vie avec l’espace de travail dans un bâtiment servant de résidence et de bureau d’architecte. La maison de recherche VDL fut la première architecture conçue par Neutra après son retour d’Europe en 1931. Les influences européennes sont évidentes: Neutra, qui avait travaillé pour le Werkbund autrichien à Vienne la même année, s’est fortement inspiré de l’architecture industrielle néerlandaise de Brinkman & Van der Flugt. Les deux architectes du Rotterdam Van Nelle Fabriek avaient été employés par la famille Van der Leeuw. Leur concept d’espace avant-gardiste permet à la lumière du jour de pénétrer dans le bâtiment de l’usine. Une fenêtre continue ressemblant à un bandeau. Il semble pénétrer dans la façade et permet à la lumière du soleil d’éclairer l’espace intérieur du bâtiment. Le VDL Studio et les Résidences (I et II) comprennent en fait trois phases de construction: La première phase de construction originale de 1932, une deuxième phase de 1939 à 1944 dans laquelle une plus petite construction dans le jardin comme une maison d’hôtes, et un «solarium» sur le toit ont été ajoutés. La troisième phase de construction est devenue nécessaire à cause d’un incendie dévastateur en 1963 qui a éclaté en l’absence de Richard Neutra. La maison a brûlé jusqu’à sa fondation. Heureusement, la construction et le sol du rez-de-chaussée étaient faits de poutres en béton avec des structures suspendues qui empêchaient le feu de pénétrer dans la cave où se trouvaient les archives essentielles de l’œuvre de Neutra. Sur un terrain de 18m x 21m, la Maison de Recherche VDL occupe un espace de 214m² réparti sur trois étages. Le bâtiment en forme de H se compose de deux bâtiments principaux parallèles, d’un bâtiment privé et d’une maison d’hôtes. En tant que pièce ajoutée, un bâtiment de liaison étroite est placé entre eux qui comprend une pièce et deux chambres d’enfants. L’espace libre entre les deux bâtiments principaux a été utilisé comme jardin de patio fermé. Le rez-de-chaussée du secteur privé servait surtout de bureau, y compris des locaux pour le secrétaire et les employeurs. Le premier étage était là où les chambres privées étaient situées. The bright, anciennement connu sous le nom de «solarium» complète le bâtiment avec un troisième étage. Au fil du temps, il a été reconverti en une pièce claire ordinaire. Description Une caractéristique particulière du bâtiment est l’utilisation de nouveaux matériaux, par exemple l’aluminium, la laine de roche, les panneaux isolants solides, les planchers de liège, par exemple. Ils ont été sponsorisés et produits selon les demandes de Neutra. Il a également imité les matériaux: Neutra a essayé, par exemple, d’évoquer les effets de la construction en acier qui était trop chère. Il a utilisé des cadres en bois peints au lieu de cadres de fenêtres en acier. Les cadres en bois ont été joints en continu comme une bande de film et ont été équipés de fenêtres en acier pour réaliser l’effet visuel désiré des constructions en acier européennes modernes. D’autres caractéristiques remarquables de la maison étaient des portes coulissantes en acier qui permettaient d’économiser de l’espace intérieur. L’esthétique fonctionnelle européenne moderne était assez rare à cette époque aux États-Unis. Pour Neutra, elle incluait aussi des aspects théoriques. Il a étudié l’effet esthétique ou sensuel de la combinaison et de l’apparition de matériaux dans la construction. Il a également médité ou les avantages de l’architecture pour l’être humain en impliquant la nature dans la planification et la réalisation de paysages architecturaux. 61


Figure 42 : vues de la VDL Research House, 1964, Richard Neutra

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L’architecte a utilisé des éléments illusionnistes comme des miroirs ou des panneaux de verre pour agrandir l’espace et jouer avec la paire de contraste théorique de l’intérieur et de l’extérieur. Il s’est concentré sur créer un genre innovateur et expérimental d’une résidence combinée avec un bureau. L’intérieur du bâtiment avec ses meubles intégrés a été conçu pour offrir un maximum de fonctionnalité et être facile à entretenir. Une résidence qui offre à ses habitants une telle flexibilité et le confort axée sur la fonction semble familier de cette époque. Agissant dans une période de doléances économiques et sociales, les politiciens et les architectes ont commencé à construire des résidences petites mais fonctionnelles et abordables dans les colonies pour la classe moyenne et inférieure pour arrêter leur exclusion du système social et économique. Les articles de Neutra ont été également souvent décrits dans les journaux «Die Form» et «Das Neue Frankfurt». Ils ont fourni des informations sur ces mouvements modernistes, y compris des sujets d’architecture et de design. Neutra a certainement appliqué l’esthétique moderniste non seulement en raison de son faible budget, mais aussi en tant que partisan de l’idée de fonctionnalité et de flexibilité dans un espace architecturalement clos. Dans les mots de Neutra, il s’agissait d’une «maison pour une petite famille, avec une cuisine minimale et une étude dans le dos; un appartement de célibataire; Pièces destinées au logement, avec salle à manger, cuisine et un porche donnant sur le lac, plus une aile avec des chambres séparées, un atelier au sous-sol, une aire de jeux pour les enfants, deux terrasses et deux patios aménagés.» Deux grandes portes coulissantes en verre et en acier ouvrent presque toute l’extrémité ouest du salon de la maison d’hôtes au jardin. Un «pont» de 19 m² peu utilisé et des chambres au rez-de-chaussée pour les fils de Neutra relient les deux grands bâtiments, ainsi le complexe acquiert une forme de H. Dans les deux VDL I et VDL II, un petit pont constitue la transition entre les routes publiques et la vie privée. Derrière il y a deux portes. Le premier, transparent, est orienté à l’est et offre un accès visuel instantané à la cour paysagée. L’autre est orienté vers l’étude, vers le nord. Le rez-de-chaussée, avec son enseigne au néon, abritait l’étude, avec un espace pour les secrétaires et les dessinateurs, parmi lesquels Gregory Ain, H. Harris et Raphael Soriano. L’étage supérieur était occupé par la maison privée de la famille Neutra. Neutra a donné une importance croissante au confort psychologique et au changement de perception à travers les illusions spatiales; c’est pourquoi il «étire» l’espace autant que possible. Par exemple, il prolongeait la bande de stuc supérieure par le volume de la pièce pour encadrer l’entrée inférieure. Un grand miroir visuellement doublé l’espace étroit de l’entrée. Il a également introduit un timbre caractéristique qui ne fonctionnait que la nuit: les lumières dans le cantilever, avec du verre translucide; sa lumière étendait l’espace destiné au logement. En outre, le verre a également agi comme un réflecteur et a fourni un effet intime. L’abondance de verre a fourni la lumière et les vues dans toutes les directions. Le solarium de toit en bois, auquel on accédait par une échelle de bateau fixée au mur Est du porche, offrait un espace extérieur privé. Les parties qui suivent seront consacrées à l’analyse graphique de l’oeuvre, en comparant en parallèle la première et la deuxième version de la VDL research house de Richard et Dion Neutra.

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Figure 43 : Plan rez de jardin, ouvertures et continuitĂŠs spatiales

Figure 44 : Plan rez de jardin 2, ouvertures et continuitĂŠs spatiales 64


Figure 45 : Plan rez de chaussée, ouvertures et continuités

Figure 46 : Plan rez de chaussée 2, ouvertures et continuités 65


Figure 47 : Plan étage, ouvertures et continuités

Figure 48 : Plan étage, ouvertures et continuités 66


Continuités spatiales et ouvertures Dans un quartier pavillonaire et avec des vues sur le lac Silverlake la maison des Neutra est idéalement située. J’ai pu remarquer à travers ce travail graphique la capacité d’ouvrir les espaces vers l’extérieur, le fait d’avoir une structure légère avec des poteaux permet de libérer la façade. Et Richard Neutra le fait très bien. Toutes les pièces ont un lien direct avec l’extérieur notamment orientées vers l’ouest où se trouve le Silverlake, ou bien vers l’est où le jardin et la cour donnent une sensation de nature à l’intérieur de l’enceinte de la parcelle. La maison comporte 4 étages: rez-de-jardin, rez-de-chaussée, étage et terrasse. On se rend compte que ces étages sont développés du côté ouest particulièrement pour capter la vue. Les continuités spatiales et visuelles permettent de créer en permanence un lien entre l’intérieur et son environnement, la nature. On observe alors des continuités visuelles obliques depuis la cuisine ou le hall d’entrée vers la cour et jardin qui marquent une prolongation de l’intérieur vers l’extérieur. Je me suis rendu compte que depuis certains points de vue les continuités traversent complètement la maison, ainsi même depuis la cour intérieure on peut voir Silverlake. Il y a quelques améliorations entre la première version de la VDL house et la seconde.

Figure 49 : Plan penthouse, ouverture et continuités

Figure 50 : Plan penthouse 2, ouverture et continuités 67


Figure 51 : Plan rez de jardin, entre deux

Figure 52 : Plan rez de jardin 2, entre-deux 68


Entre-deux Les espaces entre-deux sont: - le paysage proche: c’est-à-dire ceux qui sont situés entre l’intérieur et le paysage lointain, ce sont donc les jardins et les cours. Je montre par le dessin que ceux-ci sont omniprésents, autour de la maison et en son centre. - les pièces directement physiquement connectées avec l’extérieur: soit celles par lesquelles on peut sortir ou rentrer dans la maison. Je constate qu’il est possible de sortir de la maison depuis quasiment toutes les pièces, salons, cuisines, ou chambres... Il s’agit alors d’un maison complètement ouverte.

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Figure 53 : Plan rez de chaussĂŠe, entre deux

Figure 54 : Plan rez de chaussĂŠe 2, entre deux 70


Figure 55 : Plan ĂŠtage, entre deux

Figure 56 : Plan ĂŠtage 2, entre deux 71


Figure 57 : Plan rez de jardin,seuils

Figure 58 : Plan rez de jardin 2, seuils 72


Seuils Trois types de seuils m’ont permis d’analyser la question de la séquence d’entrée depuis la rue: - les seuils extérieurs entre la rue et l’intérieur. - les porches d’entrée, les terrasses ou balcons qui prolongent l’intérieur vers l’extérieur tant sur le plan visuel que sur le plan physique. - les seuils intérieurs en contact avec l’extérieur: les halls d’entrée, garage...

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Figure 59 : Plan rez de chaussĂŠe, seuils

Figure 60 : Plan rez de chaussĂŠe 2, seuils 74


Figure 61 : Plan étage, seuils

Figure 62 : Plan étage 2, seuils 75


Figure 63 : Plan rez de jardin, public-privĂŠ

Figure 64 : Plan rez de jardin 2, public-privĂŠ 76


Figure 65 : Plan rez de chaussée, public privé

Figure 66 : Plan rez de chaussée 2, public privé 77


Figure 67 : Plan étage, public privé

Figure 68 : Plan étage 2, public privé 78


Degrés d’intimité du public au privé J’ai remarqué que les espaces privés ou intimes sont moins nombreux que ceux où on peut accueillir du public. De plus ils sont situés dans les étages inférieurs ce qui signifie que les espaces d’accueil sont situés en hauteur pour capter la meilleure vue possible sur le paysage lointain alors que les pièces intimes sont confinées dans le paysage proche des jardins.

Figure 69 : Plan penthouse, accès public

Figure 70 : Plan penthouse 2, accès public 79


Figure 71 : Bâtiment du Bauhaus, Walter Gropius, 1919 80


III. L’HABITAT CALIFORNIEN COMME REFLET DE L’ARCHITECTURE EUROPÉENNE A. L’ARCHITECTURE MODERNE EN AMÉRIQUE La naissance de l’architecture moderne doit beaucoup à la révolution industrielle. La révolution industrielle du XIXe siècle fait basculer de manière plus ou moins rapide selon les pays et les régions une société à dominante agraire et artisanale vers une société commerciale et industrielle. Elle modifie les techniques de construction, les matériaux traditionnels sont travaillés de manière plus rationnelle et sont mieux distribués. La fonte, le verre et plus tard le ciment apparaissent, les progrès de la sciences permettent une meilleure mise en œuvre et des calculs de résistance, les équipements de chantiers s’améliorent, les développements de la géométrie permettent une représentation rigoureuse par le dessin et des écoles spécialisées forment des professionnels bien préparés. Les nouvelles méthodes de reproduction graphique et la presse offrent une meilleure diffusion des innovations. La croissance de la démographie des villes et les besoins de l’économie industrielle multiplient les chantiers de routes, de logements, d’usines, de bâtiments et d’équipements publics. L’économie capitaliste considère ses constructions comme un investissement avec les autres moyens de production, amortissable dans le temps. Cette nouvelle conception du temps est un des traits psychologiques saillants de la révolution industrielle. Comme l’indique l’auteur il est vrai que les origines du mouvement moderne en Amérique sont très discutées entre l’Europe et l’Amérique. Cependant en se basant sur l’histoire des formes architecturales il parvient à deux conclusions opposées. La première est que l’architecture américaine dépend en grande partie de l’architecture européenne du fait que les éléments stylistiques utilisés sont pour la plupart importés d’Europe à cette époque là. La seconde est que l’architecture américaine est totalement autonome, par le caractère des formes et les intentions avec lesquelles ils les ont employées. Premièrement on peut affirmer que le mouvement moderne naît en Europe, plus particulièrement en Allemagne puisque les principes fondamentaux y sont formulés par des architectes de renommée. Mais la contribution des maîtres européens permet à la culture de se débarrasser de son style historique et de s’ouvrir plutôt à un mouvement international, qui puisse toucher l’Amérique. En effet, le mouvement moderne vise une méthodologie générale développée par des architectes tels que William Morris, Robert Owen, John Ruskin et le point crucial du processus qui met la théorie et la pratique face à la réalité atteint par Walter Gropius lorsqu’il fonde le Bauhaus en 1919, à Weimar. Le mouvement moderne est né de plusieurs expériences menées dans différents domaines de l’architecture par des grands maîtres. William Morris avec le mouvement Arts & Crafts, l’Art Nouveau avec Victor Horta et Otto Wagner, l’Ecole d’Amsterdam, l’emploi du béton armé par Auguste Perret, l’architecture expressioniste de Erich Mendelsohn. Ceux-ci sont étroitement liés aux mouvements artistiques du Cubisme, le De Stijl ou le Néoplasticisme. Cependant il faut dire que le mouvement moderne ne s’inspire pas que d’expériences européennes, l’Ecole de Chicago, Louis Sullivan et Franck Lloyd Wright sont d’importants représentants de ce mouvement architectural. Parmi ces mouvements l’un des plus importants sur le plan de l’influence européenne est sans doute celui du Neues Bauen. C’est un courant de l’Architecture et de l’urbanisme qui s’est épanoui en Allemagne entre la Belle Époque et la République de Weimar, soit entre 1910 et 1930. Il est contemporain des mouvements architecturaux de la Nouvelle Objectivité et De Stijl aux Pays-Bas. Les manifestations de ce courant sont le Bauhaus et le programme du Nouveau Francfort, premier grand projet à la fois urbanistique et social. Les orientations du Neues Bauen l’opposaient au courant néo-germanique traditionaliste, d’inspiration conservatrice.

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Figure 72 : Ansicht Michaelerplatz, Adolf Loos, 1910 82


Le Neues Bauen se proposait d’imposer un nouvel art de bâtir par l’emploi de nouveaux matériaux de construction et de décoration, de manière rationnelle, en mettant en valeur leurs particularités, ainsi que par une ordonnance intérieure dépouillée: de ce fait la responsabilité sociale de l’architecte (plus de soleil, d’air et de lumière à l’opposé des immeubles dortoirs avec arrière-cours et pièces trop étroites) prenait une place centrale. C’est selon ces canons que furent aménagés de nombreux lotissements, souvent entrepris dans les municipalités à majorité sociales-démocrates. L’exode rural et la restructuration du monde du travail créaient une demande croissante du logement, à laquelle il fallait bien faire face. Les villes étaient en proie à un développement anarchique des banlieues et à la fièvre spéculative, des cours aux façades rouge sombre cernaient des jardins minuscules et dépourvus de lumière. Immédiatement, de nouveaux matériaux de construction : le fer, le verre puis le béton étaient de plus en plus appréciés et plus facilement disponibles. Joseph Paxton avait démontré dès 1851 la possibilité d’utiliser des éléments préfabriqués d’acier et de verre avec son chefd’œuvre, le Crystal Palace de Londres. Gustave Eiffel avait montré toutes les propriétés de la charpente métallique avec la Tour Eiffel de Paris. De nouvelles techniques de construction apparaissaient: acier moulé, charpente métallique, vastes galeries éclairantes et parois préfabriquées, qui amenaient avec elles une nouvelle esthétique architecturale. D’abord imposées par le constructivisme, ces nouvelles techniques gagnèrent le secteur du logement et furent employées dans la construction des immeubles de rapport. Le précurseur fut l’École de Chicago qui faisait l’usage systématique de ces techniques dans la construction de logements et d’immeubles de bureau. Et c’est Louis Sullivan qui, avec son manifeste «Form follows function» (1890), définit le Neues Bauen. Auguste Perret fut l’un des premiers architectes à exploiter les avantages du béton armé pour construire des logements collectifs. Une technique polyvalente qui servit d’appui pour créer la Neues Bauen qui signifie «Construction Moderne». Les architectes allemands se regroupèrent au sein de la Deutscher Werkbund pour considérer les propriétés des nouveaux matériaux. «Les temps nouveaux appellent un sens nouveau. Une forme raisonnée, affranchie de tout hasard, des contrastes clairs, des lignes directrices, l’alignement d’éléments identiques et l’unité entre forme et couleur deviendront, en accord avec l’économie et l’énergie de notre mode de vie, l’armature esthétique de l’artiste-constructeur moderne». Walter Gropius, Industriebauten, en 1913. Le courant imposa un usage conséquent de ces nouveaux matériaux qu’étaient alors le verre à vitre, l’acier, le béton et la brique industrielle. Ils permettaient surtout de construire des édifices de géométrie simple, ou composés d’éléments simples en maîtrisant le coûts des travaux. Et le nouveau langage architectural s’articulait autour d’un souci d’économie : - L’économie sociale - L’économie constructive: La réduction des éléments porteurs et les concentrations d’efforts ouvrent des possibilités nouvelles, des formes plus libres et des facilités de construction. - L’économie stylistique Le Neues Bauen s’est développé avec les artistes du Deutscher Werkbund en respectant l’identité fixée par le Bauhaus. Ce mouvement a dominé pendant plus de cinquante ans l’architecture d’habitation en Europe. Parmi les représentants du Neues Bauen on retrouve principalement: Alvar Aalto, Le Corbusier, Walter Gropius, Adolf Loos, Erich Mendelsohn, Pier Luigi Nervi, Ludwig Mies van der Rohe, Gerrit Rietveld, ou encore Jörn Utzon.

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Figure 73 : Louis Sullivan, Chicago.1889 84


La transformation a lieu vers 1930, ce qui coïncide précisément avec la crise économique , moment où l’on constate que les règles formelles du libéralisme ne suffisent plus à résoudre les problèmes de la société contemporaine. C’est à ce moment que s’introduit le mouvement moderne. La crise économique américaine coïncide avec la crise politique qui pousse de nombreux artistes et architectes à passer d’Europe aux États-Unis. Elle modifie profondément les habitudes politiques et culturelles. Des constructions sont subventionnées avec un organe central de contrôle ce qui modifie radicalement les conditions d’exercices de l’architecture et permet aux thèses du mouvement moderne de pénétrer profondément dans la réalité américaine. Après 1930 commencent les premières expériences de préfabrication à grande échelle de la construction. À partir de 1933, les maîtres européens sont invités à enseigner dans les universités américaines. Josef Albers s’installe en 1933, Moholy-Nagy fonde à Chicago le NewBauhaus en 1937, Walter Gropius et Marcel Breuer vont à Harvard où une génération de jeunes américains dont Paul Rudolph, Philip Johnson, Edwards Larrabee Barnes, Leoh Ming Pei, Philip Johnson et Benjamin Thompson sont parmi les premiers disciples. Ludwig Mies van der Rohe et Ludwig Hilberseimer s’installent à Chicago, Herbert Bayer et plus tard Piet Mondrian à New York. Après la guerre, Alvar Aalto les rejoint occasionnellement et Erich Mendelsohn se fixe en Californie. En 1938, le Museum of Modern Art de New-York (MoMA) organise une exposition sur le Bauhaus et publie un ouvrage de référence. Le style International (1920-1960) En 1932 eut lieu une importante exposition au MoMA : l’exposition d’architecture moderne, dirigée par Philip Johnson. Johnson avec son collaborateur Henry-Russell Hitchcock créèrent des continuités, réunirent des tendances différentes, les identifiant comme ayant un style identique et des visées communes, et les enfermèrent dans ce qu’ils appelèrent le Style international. Ce fut un tournant important. Avec la Deuxième Guerre mondiale, les figures importantes du Bauhaus fuirent aux États-Unis, à Chicago, à Harvard et au Black Mountain College. Tandis que le Mouvement moderne ne fut jamais prédominant dans la construction de villas et de logements, il le devint en ce qui concerna les bâtiments institutionnels et l’architecture commerciale. Son influence fut majeure jusque dans l’enseignement de l’architecture, depuis les années trente jusqu’aux années quatre-vingt. C’est Alfred Barr qui expose le premier quatre fondamentaux du Style International: le volume, la régularité, la flexibilité et l’absence d’ornement. Le terme «international» évoque l’idée générale du programme du Bauhaus, les aspirations universalisantes des avants-gardes européennes, à leur volonté d’inscrire l’architecture dans une dimension socialisante et politique au sens large du terme. Mais il s’agit avant tout d’une question de style, on peut donc lire cette appellation comme une façon de neutraliser l’idéologie progressiste inhérente au mouvement moderne en Europe. Le style international est un courant architectural qui s’est épanoui entre les années 1920 et la fin des années 1980 dans le monde entier. Ce style, qui marque l’arrivée des idées du Mouvement moderne aux États-Unis, notamment par l’intermédiaire de Philip Johnson au MoMA à New York et de Ludwig Mies Van der Rohe à Chicago, résulte du mariage des idées de l’école du Bauhaus et des techniques de construction en acier et en verre des États-Unis. Il caractérise une grande partie de l’architecture des Trente Glorieuses. Sa caractéristique principale est de construire des bâtiments en rupture totale avec les traditions du passé. Ses architectes décident de mettre en valeur les volumes par des surfaces extérieures lisses et sans ornementation. Ils souhaitent appliquer le principe de régularité et utiliser pour cela toutes les possibilités offertes par le béton, l’acier et le verre. Le style international se présente donc comme une tendance moderniste et recherche à éradiquer la décoration.

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Figure 74 : Wainwright, Louis Sullivan, 1891 86


Certains groupes d’architectes et critiques modernes tentent de démontrer que tous les principes esthétiques d’un style sont dépourvus de signification et de réalité. Au contraire l’idée de fonctionnalisme est une nouvelle conception qui vise à démontrer que la construction est une science et non un art. D’après Philip Johnson elle trouve sa raison d’être dans l’architecture gothique et grecque, car aussi bien dans la cathédrale que dans le temple, l’expression esthétique est fondée sur la structure et la fonction. Selon eux il est absurde de parler de style moderne en termes uniquement esthétiques. Toute recherche dans la conception, tout emploi inutile de parties spécialement fabriquées, toute décoration surajoutée ne ferait qu’accroître le coût de l’édifice. Ils refusent d’admettre que le bâtiment délibérément fonctionnaliste soit totalement dépourvu d’une dimension esthétique potentielle. 1 L’architecture comme volume. L’effet de masse, de solidité statique qui était jusqu’à présent la qualité première de l’architecture a presque disparu; il est remplacé par un effet de volume ou plus précisément de surfaces planes délimitant un volume. Le symbole architectural n’est plus la brique lourde mais la boîte ouverte. Le deuxième principe du style contemporain en architecture concerne la régularité. Les points porteurs de la construction en ossature sont placés à des distances égales de manière à répartir également les efforts. Ainsi la plupart des édifices ont un rythme régulier clairement perceptible avant d’appliquer les surfaces extérieures. De plus les considérations économiques favorisent l’emploi des parties standardisées dans l’ensemble de l’édifice. Il dit que la bonne architecture moderne exprime dans sa composition cette ordonnance caractéristique de la structure grâce à une mise en forme esthétique qui souligne cette régularité. Dans les divers styles du passé l’architecture obéissait à la symétrie axiale mais d’après les architectes modernes préfèrent la régularité à la symétrie bilatérale ou symétrie axiale, tant sur le plan technique qu’esthétique. «Car la dissymétrie rehausse certainement l’intérêt d’ensemble d’une composition.» 2

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Henry-Russell Hitchcock et Philip Johnson dans Le Style International, collection eupalinos, page 39-40 idem. page 55 87


Figure 75 : League of nations building, Geneve, 1926, R.Schindler et R.Neutra 88


B. L’ŒUVRE DE RICHARD NEUTRA L’influence que Richard Neutra exerce sur l’architecture d’après-guerre demeure incontestée. Né à Vienne où il grandit, il arrive aux États-Unis au début de sa carrière et s’installe en Californie. Le climat ensoleillé et les paysages magnifiques correspondent tout particulièrement à son style moderne à la fois élégant et calme. Neutra sait parfaitement saisir les interactions entre l’homme et la nature; grâce à sa marque de fabrique, des murs de verre et des plafonds aux larges surplombs, il parvient à créer une continuité entre intérieur et extérieur. La capacité de Neutra à associer dans ses créations technologie, esthétique, science et nature lui a valu d’être considéré comme l’un des représentants les plus doués de l’architecture moderniste. Chronologie 1892: naissance à Vienne 1911: intègre l’école supérieure technique d’architecture de Vienne 1912: intègre le studio d’Adolf Loos avec Rudolf Schindler 1914: découvre le travail de Franck Lloyd Wright, Schindler part à Chicago dans l’espoir de travailler avec Wright, Richard Neutra est envoyé à l’armée en Serbie. 1918: revient de sa maladie, complète son cursus avec la mention «excellent» 1920: trouve un travail chez Pinner & Neumann 1921: s’engage dans l’agence d’Erich Mendelsohn 1922: réalise un groupe de maison individuelles dans le quartier de Zehlendorf à Berlin. Se marie avec Dione. 1923: arrête de travailler pour Mendelsohn et déménage à New York 1924: visite toutes les œuvres de Sullivan et Wright. Rencontre avec Sullivan, puis commence à travailler chez Wright. 1925: déménage à Los Angeles et travaille avec R.Schindler son ami de l’école d’architecture. 1926: dessine sa cité idéale, Rush city reformed. Termine son premier livre Wie Baut America?. Construit la maison pour Philip et Leah Lovell à Newport Beach avec Schindler. Forme avec lui le groupe AGIC Architecture Group for Industry and Commerce et remporte le prix League of Nations Design. Il construit Jardinette Apartments à Los Angeles.

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1929: enseigne à Los Angeles Academy of Modern Arts 1930: Publie: Amerika: Neues Bauen in der welt, rencontre Alvar Aalto, Walter Gropius et Ludwig Mies Van der Rohe 1932: nommé précurseur du Style International, associé avec Mies, Gropius, Le Corbusier, Wright entre autres. Il construit sa propre maison/studio à côté du Silver Lake au Nord de Los Angeles, avec l’influence de Van Der Leeuw un industrialiste allemand. 1933: Mosk House à Los Angeles pour un jeune couple dévoué au modernisme. 1934: construit une maison pour le collectionneur d’art Galka Scheyer. 1935: Von Sterberg House à Northbridge en Californie. 1936: Plywood model house au Wilshire Boulevard. Kun House à Hollywood. 1937: The Miller House, Palm Springs. Davis house, Bakersfield. Darling House, San Francisco. Hofmann House, Hillsborough. Ford House, San Francisco. Kraigher House, Brownsville. Landfair apartments, Westwood. Strathmore apartments, Westwood. 1938: maison pour le directeur de MGM Albert Lewin. Maison pour John Nicolas Brown, Fisher island. 1939: Mcintosh house, Los Angeles. Davey house, Carmel. Sciobereti house, Berkeley. Eurich house, Los altos hills. 1940: Beckstrand house, Palos Verdes. Kahn House, San Francisco. Avion village, Dallas. 1941: Maxwell house, Brentwood. 1942: Kelton apartments, et Nesbitt house, Westwood. 1943: devient le chef consultant du gouvernement de Puerto Rico. 1944: devient président du CIAM pour la planification et reconstruction américaine. 1946: Kaufmann house, Palm Springs. 1947: Bailey case study house, Santa Monica. 1948: Tremaine house, Santa Barbara.

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1949-1953: Elysian park heights, à Los Angeles avec Robert Alexander. 1950: Publication de Richard Neutra: Buildings and Projects, 1925-1950, vol.1 par S.Giedon. 1951: Neutra and Alexander développent un plan de redéveloppement du centre de Sacramento. 1954: publication de Survival through design le traité philosophique de Neutra le plus important. 1953-1958: Neutra and Alexander conçoivent de nombreux projets. 1958: Exposition sur Neutra à UCLA art gallery, Los Angeles. 1955-1960: Neutra & Associates à Silverlake continue de produire: Perkins house, Chuey house, Nash house, Singleton house. 1960: publication de Masters of architecture d’Esther McCoy, avec Neutra en couverture. 1962: publication de la biographie de Richard Neutra Life and shape 1960-1966: projets en Europe: Bewobau housing à Hambourg, Bucerius house en Suisse. 1963-1966: le feu détruit la maison de Neutra, la Van der Leeuw house il la reconstruit avec son fils. 1969: reçoit un doctorat d’honneur à UCLA. 1970: meurt d’une crise cardiaque lors d’un voyage en Allemagne. 1977: récompensé de la médaille d’or de l’AIA (American Institute of Architects).

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Figure 76 : Villa Muller, Adolf Loos, 1931 92


Les architectes influents dans le parcours de Neutra Adolf Loos né le 10 décembre 1870 à Brünn et mort le 23 août 1933 à Vienne, est un architecte autrichien, défenseur du dépouillement intégral dans l’architecture moderne. Adolf Loos est influencé par l’École de Chicago dès le début du siècle. En juillet 1902, il effectue son voyage de noces dans les Cyclades : l’architecture dépouillée des villages exerce sur lui une profonde impression. De retour en Autriche, il s’oppose au courant de la Sécession viennoise proche de l’Art nouveau et à d’autres mouvements, dont Neues Bauen et le Deutscher Werkbund. Il ne fera jamais partie d’un mouvement bien défini, étant plutôt le précurseur d’un nouveau mouvement de pensée lancé par Otto Wagner, qui prône l’utilisation juste des éléments de l’architecture sans faux-semblant. Il va à l’encontre de la Sécession, jugée décadente car « décorative ». Loos considère l’ornement comme un artifice complet, qui engendre la laideur. L’ornementation architecturale doit être issue du matériau et non être « plaquée » dessus. Sa vision sociale et humaniste de l’architecture va marquer toute l’architecture du XXe siècle, notamment grâce à son écrit le plus fameux : Ornement et crime (1908), qui sera publié par Le Corbusier dans sa revue L’Esprit Nouveau. Il est à ce titre considéré comme un des grands précurseurs de l’architecture moderne. Il fût le professeur de Richard Neutra à l’école d’architecture de Vienne. Rudolf Schindler est né le 10 septembre 1887 à Vienne en Autriche. Il suivit sa formation à l’Université polytechnique de Vienne, se diplômant en 1911 avec une licence en architecture. Schindler fut très réceptif à l’enseignement de Carl Könnig malgré la présence de beaucoup d’autres architectes célèbres comme Otto Wagner ou Adolf Loos. Mais c’est en 1911 qu’il fut initié à l’œuvre de Frank Lloyd Wright. Neutra croisa son chemin lorsque Schindler achevait son projet de thèse en 1913. Leurs carrières seront parallèles : chacun ira à Los Angeles en passant par Chicago, ils seront tous deux reconnus comme les premiers créateurs du style Moderne adapté à la Californie, et parfois tous les deux travailleront pour les mêmes clients. Les premières constructions de Rudolf Schindler se caractérisent souvent par l’emploi du béton. La Kings Road House, la Pueblo Ribera Court, la Lovell Beach House, la Wolfe House et la How House sont ses projets les plus célèbres. Il s’inspire des cinq principes de l’architecture moderne édictés par Le Corbusier, mais n’en retient que trois : la façade libre, les fenêtres horizontales et le toit-terrasse. Il garde à l’esprit les théories d’Adolf Loos, le principe des murs porteurs mais en s’écartant des ossatures en acier au contraire de Richard Neutra. La Kings Road House fut conçue à la fois pour y travailler et pour y habiter avec sa femme et ses amis. En panneaux préfabriqués de béton moulés sur place, contrastant avec des murs faits en séquoia et en verre. Cette maison devint l’emblème de l’architecture de Schindler. Entre 1922 et 1926, Schindler conçoit la maison de plage des Lovell, la Lovell Beach House. Plantée sur pilotis, la structure du bâtiment est caractérisée par deux niveaux horizontaux, cinq portiques parallèles en béton et un toit-terrasse. L’édifice donne l’occasion à l’architecte de concrétiser son concept de « formes-espaces ». Cherchant à créer une architecture encore plus économique, Schindler abandonna le béton et opta pour une esthétique de surface enduite. Ce type de construction caractérise son travail des années 1930 et 1940, mais son intérêt pour les formes et le soin porté aux qualités d’espace ne varièrent pas. Il développa son propre système de balloon frame, le Schindler Frame en 1945. Ses œuvres plus tardives utiliseront beaucoup ce système comme base d’expérimentations. Erich Mendelsohn, né le 21 mars 1887 et mort le 15 septembre 1953, est un architecte allemand, connu pour ses bâtiments expressionnistes, autant que pour avoir développé un fonctionnalisme dynamique dans ses projets de magasins et de cinémas. Il avait une manière tout à fait originale de penser l’architecture et son œuvre témoigne de cette extraordinaire ouverture d’esprit dans l’approche des matériaux et de la conception. Le génie de Mendelsohn tient au fait qu’il ne semble pas influencé par ses prédécesseurs, comme si son imagination 93


Figure 77 : Red Banner Textile Factory in Leningrad, Erich Mndelsohn, 1926

Figure 78 : Fallingwater, Frank Lloyd Wright, 1941 94


jaillissait d’une source purement personnelle et refusait d’emprunter à toute forme ou tout style artistique préexistant. Il est devenu célèbre grâce à la Tour Einstein de Potsdam, l’usine de chapeaux de Luckenwalde, et le grand magasin Schocken de Stuttgart. Cependant, l’importance et la complexité de son œuvre ont été notablement amoindries par certains historiens de l’architecture moderne dont Henry-Russel Hitchcock et Sigfried Giedion, qui y voyaient un « manque de pureté » et des « anomalies ». En revanche Bruno Zevi le considérera comme une des figures de référence, avec Frank Lloyd Wright, dans sa lecture d’une architecture « organique ». L’expressionnisme architectural épousait ainsi la pensée organique américaine, où il retrouvait sa propre genèse. Erich Mendelsohn écrit en 1924: « Il a vingt ans de plus que moi. Mais nous sommes devenus amis dans l’instant même, ensorcelés que nous étions par l’espace, tendant nos mains dans l’espace l’un vers l’autre : même chemin, même but, même vie, je crois. Nous nous sommes entendus immédiatement comme des frères [...]. Wright dit que l’architecture du futur sera, pour la première fois dans l’histoire, complètement architecture, espace en lui-même, sans modèles préétablis, sans enjolivements – mouvement pur à trois ou quatre dimensions... » Frank Lloyd Wright, né le 8 juin 1867 dans le Wisconsin aux États-Unis, meurt en avril 1959, dans l’Arizona, à l’âge de 91 ans. Il débute sa carrière en tant que dessinateur technique à Chicago. En effet, dans la ville dévastée par l’incendie de 1871, les projets ne manquent pas et de nombreux cabinets d’architecture recrutent de petites mains. Il apprend donc sur le terrain, aux côtés de plusieurs architectes, mais sa collaboration avec Louis Henry Sullivan le marque tout particulièrement. Il apporte un soin très particulier à intégrer les projets dans leur environnement. Lors d’un voyage au Japon, il est tout particulièrement touché par la culture architecturale nippone. Celle-ci place les habitations au cœur de la Nature. Cette inspiration se traduit dans les travaux de l’architecte, par des horizontales marquées, de grandes ouvertures pour apporter la lumière, malgré une toiture souvent imposante. Né alors le «Style Prairie». Les matériaux qu’il utilise sont variés : briques et pierre, béton et acier. Après des années aux Etats unis, Frank Lloyd Wright s’échappe en Europe, à la recherche d’un nouveau souffle, aussi bien sur le plan personnel que sur le plan professionnel. A son retour outre Atlantique, il peine à trouver du travail. Face à la crise économique, et aux changements sociétaux, Frank Lloyd Wright développe le style «usonian», qui permet aux Américains d’être propriétaires de belles maisons à prix raisonnables, tout en profitant des qualités spatiales que l’architecte met en œuvre. Les formes, les matériaux, les couleurs et les modes de construction, ne sont en aucun cas influencés par les désirs de l’architecte, mais pas le contexte du projet et le désir des clients. 3 règles du luxe selon Neutra - L’espace est décloisonné, la lumière omniprésente - La terrasse-piscine est traitée comme une vraie pièce - La maison offre une vue spectaculaire sur la nature

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Figure 78 : Lovell House, 1927

Figure 79 : Kaufmann House, Palm Springs, 1940 96


Du style international au modèle moderne Californien C’est après Schindler, parti le premier, que Neutra rejoint la Californie en 1925. En Europe, il rêvait «d’une île tropicale idyllique où trouver le temps de penser et, plus important encore, d’être un esprit libre». La Californie va combler ses attentes. Mais toute sa vie, il travaille d’arrache-pied pour devenir un des représentants les plus acclamés de l’architecture moderniste. Cet érudit épris de philosophie croit au besoin de l’homme d’être en contact avec la nature et d’y avoir des repères visuels. Il fonde la théorie du bio-réalisme, savant mélange d’anthropologie, de psychologie et de physiologie. Elle ne pouvait trouver terrain plus fertile que la Californie du Sud, dont le climat offre les conditions idéales à «l’avènement d’une nouvelle architecture, plus proche des exigences biologiques». Car Neutra promeut un nouveau mode de vie. Et c’est bien ce qui séduit Philip et Leah Lovell, un couple aisé qui lui confie en 1927 la conception de leur maison. En acier – une première sur le sol américain –, verre et béton blanc très photogénique, elle est baptisée Health House en référence à une vision saine et active de l’existence. Nichée sur une colline en surplomb de Los Angeles, cette demeure fascine par l’impression de légèreté qu’elle procure. L’ossature métallique, l’espace décloisonné, les balcons suspendus au cadre du toit : les principes de l’architecture de Neutra sont là. Ils évolueront au fil des ans, ses plans s’étirant de plus en plus dans l’espace, pour mieux le dessiner et atteindre une forme de perfection absolue dans la composition. Le succès médiatique de la Health House propulse Neutra au panthéon des architectes d’avant-garde, célébrés en 1932 par une exposition du Museum of Modern Art. Le réalisateur Josef von Sternberg lui écrit alors sur papier à en-tête de la Paramount pour lui demander de lui «construire quelque chose». Douve extérieure et murs courbes, la somptueuse villa Von Sternberg, hélas démolie en 1971, est très atypique dans l’œuvre de Neutra. Deux ans auparavant, en 1930, celui-ci a pris la mesure de son succès en donnant des conférences en Europe et au Japon. Il échange avec les grands architectes du moment, visite la villa impériale Katsura de Kyoto, dont l’asymétrie et le minimalisme l’impressionnent, et rencontre l’industriel hollandais Van Der Leeuw. Ce richissime héritier s’enthousiasme pour son travail et son architecture et finance les travaux de la VDL Research House, à Silverlake à Los Angeles. Véritable laboratoire de recherche pour Neutra, cette maison lui permet de concevoir la terrasse à chauffage radiant, traitée comme une véritable pièce soulignant la continuité entre la maison et le jardin, et dont le plafond se prolonge en auvent. Le lien constant entre l’intérieur et l’extérieur, les vues spectaculaires aménagées sur la nature, telle se révèle la conception du luxe selon Neutra. Une vision qui correspond aux attentes de l’époque. Tandis que les clients se succèdent, Neutra engage pour sa publicité le jeune photographe Julius Shulman. Coup de génie : il lance ainsi l’un des plus grands photographes d’architecture, dont les images inspirées vont magnifier ses réalisations. Parmi celles-ci, citons la Kaufmann House à Palm Springs, qui a atteint le statut d’icône. Riche et passionné d’architecture, Edgar Kaufmann – qui a acquis la Fallingwater House – est le client rêvé. Les travaux commencent à la fin des années 1940 dans cette région très aride. Les 350 mètres carrés de la Kaufmann House affirment en plein désert la réussite de leur propriétaire. Le bâtiment principal en pierre claire, dont le vaste salon ouvre sur la piscine, est relié à l’aile des invités par un patio que rafraîchit un bassin de nymphéas. Son désir est de construire avec une précision technique parfaite, d’attirer l’attention du public, pas sur la forme, mais sur le fonctionnement des bâtiments, dont l’aspect extérieur reste pourtant modeste. Neutra tient son succès de sa clientèle fortunée du monde du cinéma de Hollywood. En effet, une architecture si rigoureuse et contrôlée est adoptée par ces clients car elle vient d’Europe, ce qui est une mode à l’époque. C’est aussi dû à l’habileté de Neutra à répondre réellement aux besoins de ce milieu, que le fonctionnalisme y trouve sa place. Ses maisons, dessinées avec une grande rigueur 97


Figure 80 : Singleton house, Los Angeles, 1959 98


technique, fonctionnent mieux et sont plus durables que les maisons de style. Il écrit: «L’architecture résistait à la standardisation au nom de l’individualisme. En réalité, les interprétations individuelles de la beauté architecturale nous ont valu dans les rues de Hollywood et ailleurs un méli-mélo de châteaux à la française, de maisons de style Tudor, espagnol, mauresque, méditerranéen à côté d’immeubles à appartements et de bungalows; ces édifices ignoraient l’arrière plan des modèles et les normes artisanales de leur époque. Il s’agit de simples copies (...) L’industrie moderne n’y apporte que des bois de charpente de deuxième qualité, hâtivement menuisés, du papier goudronné et du fil de fer pour recouvrir la carcasse grossièrement assemblée destinée à servir de base à une légère couche de stuc. La décadence qui se précipitait, et aussi ce qu’on pourrait appeler obsolentia praecox, assurait à ce genre d’entreprises de construction une demande constante».1 Neutra part de cette contradiction pour mettre en valeur le processus technique. Il s’attarde à montrer les avantages gagnés à utiliser les éléments industriels selon leurs qualités. De ce fait il démontre que l’architecture moderne fonctionne mieux, dans les capacités à produire des habitations moins coûteuses, d’entretien plus facile, moins dégradable, la prise en compte des exigences émotionnelles et environnementales les plus variées. L’architecte viennois a su conserver son architecture moderne pour lui permettre de sauvegarder une cohérence dans sa méthode. Il n’est alors parvenu qu’à des résultats modestes, mais parfaitement clairs et transmissibles, et a exercé une influence discrète mais très étendue sur l’architecture domestique américaine. Pour comparer l’architecture de Neutra à un modèle Européen, j’ai voulu consacrer l’étude à l’œuvre de José Antonio Coderch de Sentmenat. Je connais certains de ses projets mais j’ai voulu en apprendre davantage sur son processus de conception pour arriver à concilier l’intérieur de la maison avec son environnement.

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Richard Neutra, Construire pour survivre, Traduction Simone de Traz, Paris, éditions Castermann, 1971, p.42-43 99


Figure 81 : Schémas des maisons de Coderch et leurs relations à l’extérieur 100


C. L’ŒUVRE DE CODERCH EN MÉDITERRANÉE

Biographie José Antonio Coderch et de Sentmenat (est né à Barcelone, le 25 novembre 1913 et mort le 6 novembre 1984. C’est un architecte espagnol diplômé de l’École supérieure d’Architecture de Barcelone en 1940. Il a développé son œuvre dans la période comprise entre les premières années de l’après-guerre, en réagissant fortement contre l’architecture de style, et la décennie de 1970. Il s’est spécialisé dans les maisons individuelles et a enquêté sur l’élaboration d’un modèle de projet à partir de l’ajout de pièces distinctes, comme les petites cellules, qui dériveraient aux étages, avec les éléments qui se décalent à la recherche de la meilleure vue, de l’ensoleillement ou de l’intimité. En développant une architecture respectueuse du lieu, il reste fidèle à la tradition méditerranéenne. Il a été membre fondateur du Groupe R en 1951, membre représentant de l’Espagne au CIAM entre 1959 et 1960 et par la suite professeur à l’École supérieure d’Architecture de Barcelone dès 1965. Il démarre ses travaux comme architecte municipal de Sitges (1942-45) et comme architecte du Syndicat de Barcelone. A partir de 1 943, il s’associe avec l’architecte Manuel Valls avec qui il crée son bureau d’architecture à Barcelone. Son travail dans le syndicat lui permet de travailler à Madrid avec Pedro Muguruza et plus tard avec Secundino Zuazo. Il abandonnera ce type de pratique pour se concentrer, spécialement pendant les années cinquante, sur la réalisation d’une œuvre de caractère personnel. Le rejet de l’esthétique officielle de ces années et du panorama architectonique le fait chercher ses propres convictions, en créant un langage personnel. Il fait une critique du manque de qualités pour l’Homme dans quelques constructions modernes et prend comme influence l’architecture populaire, dans sa tentative de faire compatible le progrès des systèmes modernes de construction, avec l’humanité et fonctionnalité des constructions populaires avec une position éthique, il obtient des espaces esthétiquement agréables. L’autre influence il l’a prise des architectes finlandais, spécialement d’Alvar Aalto, comme on peut voir dans le texte de Coderch «Histoire de quelques castagnettes». De ceux-ci la compatibilité se fera remarquer entre le progrès et la tradition qui apparaît dans son œuvre. Son œuvre est composée principalement de logements et de maisons individuelles. Dans l’urbanisation de Forques (Sitges 1945) il commence à appliquer des critères de logique distributive et d’orientation, avec un style similaire à Ibiza, en maintenant le côté pittoresque. On considère la maison Garriga Nogués (Sitges 1947) comme l’entrée de l’architecture espagnole dans le mouvement moderne. Il a fait un pas dans l’architecture rationnelle, bien qu’il maintienne des principes classiques comme celui de la symétrie. En 1951 il fera deux de ses œuvres les plus importantes : la maison Ugalde et le bâtiment de logements de la Barceloneta. La Casa Ugalde est placée dans un environnement naturel à Caldetes : les murs sont orientés comme s’ils éclataient depuis un point central. La demeure paraît totalement invertébrée, ses murs courbes et reflètent les formes des bâtiments de Miro. Malgré cela il obtient un équilibre spatial et morphologique. Dans la Casa Catasús (1956) apparaît pour la première fois le schéma fonctionnel, consistant en une composition à trois bras, dont chacun a une fonction distincte : une zone de vie, une zone de nuit et une zone de service. J’ai étudié ce schéma qu’il répétera dans les maisons suivantes. 101


Figure 82 : premiers croquis de Coderch pour la Casa Ugalde

Figure 83 : Schémas d’évolution des relations entre le vestibule, l’espace de vie, et le jardin

Figure 84 : Schémas d’évolution des relations entre le vestibule, l’espace de vie, et le jardin 102


Le modèle de Coderch Pour simplifier la compréhension je modifierai le langage architectural de telle façon: j’utiliserai le mot «fermé» pour qualifier un espace qui est délimité par une enveloppe continue de n’importe quel type, et l’adjectif «ouvert» pour un espace à l’air libre de type «jardin». «Extérieur» est ce qui n’est pas compris dans le privé de la maison, au contraire «d’intérieur». Le «salon» comprend également le patio et la terrasse de la maison, pour Coderch il s’agit d’un espace de vie comme ceux qui sont à l’intérieur de la maison. Le modèle de maisons sur lequel travaille Jose Antonio Coderch a pour objectif d’atteindre la meilleure privacité. Elles se développent pour la plupart en forme de «L» ou de «T», avec un espace extérieur à l’entrée qui sert de filtre entre la rue et l’intérieur. La pièce la plus accessible est le salon, accompagné du jardin. Il est le centre de circulation dans la maison, les espaces se ferment les uns aux autres. Le jardin est une cour qui peut faire office de «salon extérieur» grâce à de larges porches. Les chambres sont le lieu le moins accessible et les plus intimes naturellement, les circulations sont secondaires pour y accéder. Pour résumer ses maisons se composent : - vestibule, différent du hall d’entrée: c’est une pièce extérieure qui exerce de filtre entre l’intérieur et la rue. C’est là où est reçu l’invité. Il est orienté vers le salon qui est la zone de relation où la vie commune se développe. - espaces de jour: se compose de quatre pièces principales: Le jardin, pièce la plus importante qui préserve l’intimité et qui établit la connexion principale avec l’espace ouvert et le paysage. Le hall, sert à distribuer les circulations à l’intérieur de la maison, c’est aussi le point où l’on voit le panorama intérieur de la maison. Le salon, s’organise autour du feu de cheminée mais conserve une forte relation visuelle avec tous les autres espaces. La salle à manger, est toujours en relation avec les espaces ouverts mais se découvre davantage comme un espace confiné et intime. - espaces de nuit: c’est la zone intime, individuelle. On y accède par le hall, sans aucune continuité spatiale. Les chambres peuvent donner sur le jardin sans pour autant y avoir accès. L’intériorité est accentuée par la lumière. - services: ils doivent être invisibles Les caractéristiques principales de l’architecture de Jose Antonio Coderch s’assimilent à l’architecture massive, avec une épaisseur des murs extérieur assez importante, il donne de la qualité aux espaces pour en faire une architecture agréable. La vie se concentre vers l’intérieur mais ne tarde pas à s’ouvrir vers une ou plusieurs directions définies par des ouvertures orientées en fonction de l’environnement, d’un patio, d’un paysage. C’est ainsi qu’il établit la relation avec son environnement proche et lointain, il s’en sépare pour mieux s’en rapprocher. Le patio est un élément important de l’architecture de Jose Antonio Coderch, il dérive de la Casa Ugalde justement, dans laquelle il établit le principe qu’un patio n’est pas forcément de le fermer sur ses 4 côtés, mais de libérer au moins de ceux-ci. De plus ils dépendent toujours d’un espace intérieur fermé et ce sont des éléments de transition, et non des entités centrales. L’autre élément dont il se sert beaucoup est la terrasse qui semble être le dérivé du patio, situé entre le paysage et l’intérieur il est utilisé comme une pièce à part entière: un salon extérieur. D’après Rafael Diez Barreñada dans Coderch, Variaciones sobre una casa, l’architecte avait une seule intention, celle de maintenir les principes d’adaptation de sa volumétrie aux conditionnants externes, comme notamment la topographie ou l’ensoleillement. Les autres aspects, qui sont peut-être les plus apparents dans son architecture sont secondaires pour l’architecte, ce sont des variantes qu’il adapte 103


Figure 85 : Plans du rez-de chaussée, étage 1 et étage 2 de la Casa Ugalde 104


à ses plans ou ses volumétries. Dans les maisons Casa Rozés, Casa Uriach ou Casa Luque on connait une nouvelle relation à la topographie, avec une adaptation aux limites du terrain, aux orientations et à la pente traduite par un échelonnement. Cette architecture en escalier se compose avec le système d’ailes en fonction de l’usage et dépend de la capacité de Coderch à ordonner les espaces ouverts de la maison plutôt que d’apporter une solution fonctionnelle à ces espaces. Je pense que ce qui est important est le fait de donner du caractère aux espaces de la maison, en y intégrant des patios par exemple, avec une séquence spatiale ou dans la continuité volumétrique de la maison. L’idée étant de maintenir une distance avec l’extérieur et les autres pièces de la maison. Enfin, le salon, ou l’espace de vie, est représentatif de la maison et le centre commun. Il peut à la fois établir des relations avec l’extérieur sans pour autant perde son intimité, accolé à celui-ci, le vestibule exerce la relation avec les autres espaces de la maison. Ce sont les vecteurs de continuités visuelles qui vont créer la vie et le mouvement dans les maisons de Coderch pour fluidifier les espaces et les unir. Un autre point qu’il traite dans les projets Casa Dionisi et Casa Catasus est la solution économique, où le garage joue aussi le rôle de vestibule d’entrée. Souvent il va caractériser l’entrée par une giration avec un angle à 90° qui va permettre de casser l’espace pour découvrir la pièce de vie principale. C’est dans la maison Rozés où il va instaurer la proposition d’un double salon. Pour m’aider à comprendre j’ai décidé d’analyser la Casa Ugalde qui représente son oeuvre majeure, ou du moins la plus connue. Elle transmet les notions qu’il entreprend et est un modèle pour les maisons qu’il va concevoir par la suite. La Casa Ugalde - 1952 Il s’agit de son œuvre majeure, elle se trouve à Caldes d’Estrac sur une colline qui surplombe le village. Un chemin mène de la route à la maison ce qui la rend davantage privatisée car difficile à atteindre. La distance permet d’accentuer ce lien avec la nature. Il prend en compte la courbe topographique pour limiter les excavations. Arrivé sur le lieu un panorama s’offre à nous pour s’ouvrir et accentue le contraste avec le chemin très linéaire. La vue est dégagée au Sud-ouest et bloquée par la colline au Nord-est. La maison se développe sur la parcelle en forme de «L», la forme simplifiée du plan en «T» de «Les Forques» d’après Rafael Diez Barreñada. Le chemin arrive du côté de l’aile des services, l’entrée se fait par un hall qui fait office de vestibule. Le système de distribution est le même que celui qu’il développe dans les autres projets: les trois zones fonctionnelles s’organisent autour du vestibule pour leur permettre une certaine indépendance entre elles. Le mode de conception de la maison est différent, il imagine avec son client les vues qu’il veut traiter et va concevoir le plan en fonction de 3 arbres principalement. Rafael diez Barreñada dit que les principes fondamentaux de la Casa Ugalde sont repris de la Casa Ferrer Vidal, les intentions et les moyens mis en place sont similaires, le plan orthogonal s’adapte au terrain et les murs se composent en fonction des vues. Les services occupent l’aile de l’entrée, les chambres sont totalement isolées Coderch a choisi de les mettre à l’étage pour garder l’intimité, et le salon peut s’ouvrir sur une grande terrasse et sur un patio rendu privé par la forme des murs et de la topographie. Ce qui diffère complètement des autres maisons est le fait d’avoir cassé l’orthogonalité et la symétrie de la structure. Cela fait que la terrasse est formée par des murs sinusoïdaux et placés en fonction des vues. C’est un type d’espace expérimental qu’il met en place pour la première fois. L’aile de services se confond avec la colline, un escalier permet d’accéder par l’extérieur aux chambres, qui n’interviennent pas dans l’organisation centrale de la maison.

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Figure 86 : Vues de la Casa Ugalde 106


Le vestibule est l’endroit par lequel on rentre, malgré le fait qu’il y ait des escaliers pour accéder aux chambres dans cette même pièce. La relation entre le vestibule et le hall ne se fait pas par une continuité visuelle mais plutôt spatiale, par la continuité de la toiture qui passe au-dessus du mur qui les sépare. La continuité vers le paysage n’est pas assurée depuis ce point de vue car on se heurte au mur qui soutient le porche de la terrasse, c’est donc qu’à partir du centre de la pièce que l’on peut avoir 4 vues. C’est alors depuis le hall/salon que l’on retrouve ce centre de continuités visuelles. Tout le rez-de-chaussée tourne autour du hall et du porche pour que la salle à manger s’ouvre vers la vue au sud-est. Le fait d’avoir disposé le salon en forme de «U» fait que la vue principale soit orientée au sudouest, une magnifique vue sur la côte. Toutes ces relations tendent à montrer que le salon se divise en 3 parties pensées indépendamment les unes des autres: le patio avec la chambre d’hôtes, le salon avec le patio d’entrée, et le jardin avec la piscine. Ces trois entités s’unissent grâce aux axes visuels que l’on peut tracer et où le centre est dans le hall. Tout cela permet au salon depuis son espace fermé d’avoir la possibilité de s’étendre sans limite vers le paysage, en conservant quand même son intimité. Le fait d’avoir défragmenté les murs pour séparer les espaces et améliorer leur fluidité est dû à la volonté de Coderch de privilégier la continuité spatiale, en libérant l’espace au sol pour l’ouvrir et créer plusieurs sous-espaces avec des ambiances différentes. La division horizontale disparaît et donne la sensation d’unir les espaces simplement par la position centrale que le salon occupe. Le porche s’ouvre sur 3 côtés, ce qui fait que: le hall et le patio, puis la terrasse et le jardin se relient. La piscine se place dans le prolongement du mur courbe qui structure le projet. Il y a aussi une jeu de matérialité qui donne la sensation d’absence de limites entre extérieur et intérieur. Le mur en pierre du patio rentre et se prolonge pour créer les escaliers et le mur qui sépare le hall du vestibule. La fusion entre les espaces ouverts et les espaces fermés se fait par les continuités horizontales dans les 4 orientations. Coderch définit une continuité visuelle grâce à une discontinuité spatiale. Il y a un thème récurrent dans les projets de Coderch que je retrouve aussi dans le livre Coderch de Sentmenat Conversaciones de Enric Soria Badia: c’est son envie de préserver l’intimité du lieu de vie. Dans son projet de logements Les Forques il y intègre le patio: une entrée de lumière entourée de 4 murs. On peut dire qu’il concilie ouverture avec intimité avec le patio. Cependant dans la Casa Ugalde (et par la suite avec les autres maisons), il va effacer un côté du patio pour s’ouvrir sur la vue. L’intimité est conservée grâce à la succession de patios avant l’espace de vie. L’idéal serait d’avoir une maison mirador, mais Coderch arrive avec son architecture à concilier intimité et ouverture avec des patio qui font office de mirador. J’ai compris que Coderch conçoit une seule idée de maison concrète, qu’il dérive dans ses autres projets en fonction de l’environnement, la topographie, l’orientation et les attentes du client.

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CONCLUSION

Les deux cas d’études que j’ai choisi d’étudier sont des maisons expérimentales, mais aussi des maisons pour lesquelles les clients sont les architectes eux mêmes. C’est ce qui a permis à l’architecte d’avoir une certaine liberté dans la façon de concevoir le projet. L’un des maîtres de l’architecture moderne en Europe et en Amérique du Nord Marcel Breuer, a démontré par sa théorie de la maison à deux noyaux que l’architecture peut se concilier avec la nature. Le jardin peut faire partie de la maison, et la maison peut encercler le jardin. Celui-ci fabrique une intériorité propre et conserve la possibilité de s’étendre vers le paysage. Pour démontrer que le modèle de Richard Neutra est bien tiré d’une influence européenne, je pense qu’il est nécessaire de rappeler le contexte d’après guerre qui a relié les deux continents. De plus, il s’est inspiré d’architectes tels que Mendelsohn, Wright, Loos, Schindler qui ont fait des allers-retours entre Amérique et Europe, tout comme lui. L’exemple qui me semblait le plus logique de relier à ce travail de recherche m’a mené vers l’œuvre d’un architecte que j’admire. Coderch travaille avec plusieurs types de relations avec l’environnement, à travers les continuités et discontinuités spatiales: - les vecteurs de continuités visuelles (centrifuges ou traversants) - le patio - les séquences d’espaces Il va également intégrer l’économie de moyens qui correspond à la période d’après-guerre civile en Espagne et qui fait écho à la période des années 1930 aux États-Unis, ou de l’après-guerre en Europe. Pour réussir à connecter les relations entre intérieur et extérieur, je reviens finalement à cette comparaison entre patio et pavillon que Carlos Martí Arís: «Pabellón y patio, elementos de la arquitectura moderna» décrit parfaitement en s’appuyant sur le pavillon de Barcelone de Mies Van der Rohe. On pourrait parfaitement associer le pavillon à une maison qui domine son environnement en établissant une relation privilégiée d’ouverture, alors que le patio l’exclut par l’intermédiaire d’un espace extérieur cloisonné dans lequel il recrée un environnement. Coderch répond à ce sujet de l’architecture moderne par la mise en forme où la maison devient le patio, dans lequel l’espace de vie est le pavillon puisqu’il s’ouvre et s’étend vers l’extérieur. Le patio s’étend vers le paysage, sans limites. Il a réussi à créer une maison ouverte et intime à la fois, grâce aux discontinuités spatiales, fluidement articulées par les continuités visuelles. On retrouve chez Coderch les 3 règles du luxe selon Neutra: - L’espace est décloisonné, la lumière omniprésente - La terrasse-piscine est traitée comme une vraie pièce - La maison offre une vue spectaculaire sur la nature En réponse au questionnement principal de ce document, grâce aux cas étudiés, je pense non seulement que l’architecture moderne Californienne s’inspire de l’architecture moderne Européenne, mais je considère aussi qu’il y a eu un retour et que l’architecture européenne s’est inspirée du modèle américain développé en Californie. Neutra représente l’aller et Coderch le retour, tous deux ont suivi l’exemple d’architectes précurseurs en Europe et ont su l’adapter avec leur style à un certain type de paysage et une culture. Ce paysage qui présente des similitudes climatiques mais qui sont séparés par un océan. Cependant j’ai vu que d’autres projets d’architectes de renommée comme Alvar Aalto, ou encore Jorn Utzon, Marcel Breuer ont aussi adapté ce type de maison dans un climat différent de celui 108


de la Californie ou de l’Europe du Sud. Je m’interroge alors sur la capacité d’adapter ce type d’architecture à n’importe quel climat, et je sais qu’il existe d’autres manières d’aborder les relations entre intérieur et extérieur notamment dans l’architecture Japonaise. Les continuités spatiales et visuelles, l’ouverture de la maison vers son environnement sont elles les mêmes dans ces régions là? Pouvons-nous réutiliser les principes majeurs?

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BIBLIOGRAPHIE Visites: • L’Alhambra de Grenade (Espagne), juillet 2006 • Case Study House #8: Eames House, Pacific Palisades (Los Angeles, USA), Avril 2018 • VDL House de Richard Neutra, Silver Lake (Los Angeles, USA) , Avril 2018 Ouvrages: • Dominic Bradbury : Méditerranée Moderne, Thames & Hudson • Junichiro Tanizaki : El elogio de la sombra, Biblioteca de ensayo Siruela. • Werner Blaser : Patios, 5000 años de evolucion desde la antiguedad hasta nuestros dias, U.S.A.: Editorial Gustavo Gili (2000) • Campo Baeza, Alberto : La idea construida. Pensar la arquitectura, Biblioteca Nueva, S. L. Madrid, junio 2006 • Maria Elena Diez Jorge : La Alhambra y el Generalife, Guia historico-artistica, Universidad de Granada y consejeria de innovacion, ciencia y empresa, 2006 • Oleg Grabar : La Alhambra: iconografia, formas y valores, Alianza forma editorial, 1978 • J.A Gonzalez Alcantud y A.Malpica Cuello : Pensar la Alhambra, Anthropos, Diputacion provincial de Granada, 2001 • Jose Miguel Puerta Vilchez : Los codigos de utopia de la Alhambra de Granada, Diputacion provincial de Granada, 1990 • Antonio Gala, Carlos Moises Garcia : La Alhambra entre el cielo y la tierra, Consejeria de cultura Junta de Andalucia, Darana, 2002. • Orihuela Uzal, Antonio : Casas y Palacios nazaries siglos XIII-XV, Sierra Nevada 95, Lunwerg editores S.A, El legado andalusi, Junta de Andalucia. • Leonardo Benevolo : Histoire de l’architecture moderne, Tome 3 «Les conflits et l’après guerre», Espace & architecture, Dunod, Bordas, Paris, 1980. ch 18 2. l’oeuvre de richard neutra p109 à p116 p57 • Henry Russel-Hitchcock, Philip Johnson, Le style international, Collection Eupalinos, Editions Parenthèses, Marseille, 2001. • Arthur Drexler and Thomas S.Hines : The architecture of Richard Neutra, from international style to california modern, The Museum of modern art, New York, 1982. • Rafael Diez Barreñada : Coderch, Variaciones sobre una casa. Coleccion Arquithesis, num.12, Fundacion caja de arquitectos, Barcelona, 2003. • Enric Soria Badia : Coderch de Sentmenat, Conversaciones, Editorial Blume, Barcelona, 1979. • Andrés Martínez : El exterior como prolongación de la casa. Los espacios intersticiales en clave tipológica, a través de dos obras de Coderch y De la Sota, Tésis de Doctorado, Barcelona, Junio de 2011.

Articles: • Martí Arís, Carlos : «La cimbra y el arco». Fundación Caja de Arquitectos. Barcelona, 2005. • Martí Arís, Carlos : «Pabellón y patio, elementos de la arquitectura moderna». Prise de notes d’une conférence non-publiée. Barcelona, 2007.

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Documentaires vidéo: • Conférence Antonio Orihuela Uzal : Espacio Alhambra . https://www.youtube.com/watch?v=v0Ux2tt8nwU • Architectures volume 5 : l’Alhambra de Grenade Sites web: Architecture moderne https://fr.wikipedia.org/wiki/Architecture_moderne#Les_réformes_politiques_et_les_premières_ lois_d’urbanisme Eames http://eamesfoundation.org/house/eames-house/ https://www.archdaily.com/66302/ad-classics-eames-house-charles-and-ray-eames Neutra http://www.neutra-vdl.org/site/default.asp# http://modernistarchitecture.blogspot.com/2015/04/neutras-vdl-research-house-ii.html https://en.wikiarquitectura.com/building/vdl-research-house-ii/ http://agora.qc.ca/dossiers/Frank_Lloyd_Wright http://www.bibliomonde.com/auteur/adolf-loos-815.html https://fr.wikipedia.org/wiki/Erich_Mendelsohn http://neutra.org/ Coderch https://minutosdearquitectura.wordpress.com/2014/11/28/casa-ugalde-una-casa-con-vistas-de-j-acoderch-y-manuel-valls/ https://www.plataformaarquitectura.cl/cl/02-304939/clasicos-de-arquitectura-casa-ugalde-jose-antonio-coderch http://www.casaugalde.com/es/

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SOURCE DES IMAGES Figure 1 : plataformaarquitectura Figure 2 : archdaily Figure 3 : getyourguide Figure 4 : guiasgranada Figure 5 : turgranada Figure 6 : Orihuela Uzal, Antonio : Casas y Palacios nazaries siglos XIII-XV Figure 7 : eamesfoundation Figure 8 : neutra-vdl Figure 9 : wiktionary Figure 10 : wiktionary Figure 11 : arch-id Figure 12 : archdaily Figure 13 : cajondearquitecto Figure 14 : cajondearquitecto Figure 15 : composition personnelle Figure 16 : archdaily Figure 17 : archdaily Figure 18 : taschen Figure 19 : archdaily Figure 20 : casestudyhouse21 Figure 21 :archdayly Figure 22 : architecturaldigest Figure 23 : archdaily Figure 24 : artsandarchitecture Figure 25 : artsandarchitecture Figure 26 : artsandarchitecture Figure 27 : artsandarchitecture Figure 28 : photos personnelles Figure 29 : dessin personnel Figure 30 : eamesfoundation Figure 31 : dessin personnel Figure 32 : dessin personnel Figure 33 : dessin personnel Figure 34 : dessin personnel Figure 35 : dessin personnel Figure 36 : dessin personnel Figure 37 : dessin personnel Figure 38 : dessin personnel Figure 39 : dessin personnel Figure 40 : tobeycmossgallery Figure 41 : archdaily Figure 42 : neutra-vdl Figure 43 : dessin personnel Figure 44 : dessin personnel Figure 45 : dessin personnel Figure 46 :dessin personnel Figure 47 :dessin personnel Figure 48 :dessin personnel Figure 49 : dessin personnel Figure 50 : dessin personnel Figure 51 : dessin personnel Figure 52 : dessin personnel Figure 53 : dessin personnel Figure 54 : dessin personnel Figure 55 : dessin personnel Figure 56 : dessin personnel Figure 57 : dessin personnel Figure 58 : dessin personnel Figure 59 :dessin personnel

Figure 60 : dessin personnel Figure 61 : dessin personnel Figure 62 : dessin personnel Figure 63 : dessin personnel Figure 64 : dessin personnel Figure 65 : dessin personnel Figure 66 : dessin personnel Figure 67 : dessin personnel Figure 68 : dessin personnel Figure 69 : dessin personnel Figure 70 : dessin personnel Figure 71 : archdaily Figure 72 : archdaily Figure 73 : archdaily Figure 74 : archdaily Figure 75 : Arthur Drexler and Thomas S.Hines : The architecture of Richard Neutra, from international style to california modern Figure 76 : archdaily Figure 77 : thecharnelhouse Figure 78 : Arthur Drexler and Thomas S.Hines : The architecture of Richard Neutra, from international style to california modern Figure 79 : Arthur Drexler and Thomas S.Hines : The architecture of Richard Neutra, from international style to california modern Figure 80 : Arthur Drexler and Thomas S.Hines : The architecture of Richard Neutra, from international style to california modern Figure 81 :Rafael Diez BarreĂąada : Coderch, Variaciones sobre una casa. Figure 82 : plataformaarquitectura Figure 83 : Rafael Diez BarreĂąada : Coderch, Variaciones sobre una casa. Figure 84 : Rafael Diez BarreĂąada : Coderch, Variaciones sobre una casa. Figure 85 : minutosdearquitectura Figure 86 : minutosdearquitectura

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ANNEXES

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