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Des gens que j’aime…Pascal Elbé
from PalaceScope 87
by PalaceScope
Des gens que j’aime… PascalElbé
«J’entends bien ou j’entends rien ?» A 42ans, Pascal Elbé a commencé à perdre de l’audition. De ce léger handicap, il joue, dans Onest fait pour s’entendre, son troisième film en tant que réalisateur, après le très fort Tête de turc etJecompte sur vous, son cinquantième en tant qu’acteur, lui que le bouche à oreille avait révélé dans Père et fils. Où il jouait aux côtés de, son premier choix : 1/PHILIPPE NOIRET. «Il a accompagné mes débuts. Sur un film que j’avais coécrit, en plus. Il a été comme une espèce de tuteur, comme mon père au cinéma. Sans jamais me donner de conseil direct, plutôt en m’aiguillant, en me guidant. Ce que j’aime aussi dans ces comédiens d’après-guerre, comme Rochefort ou Marielle, c’est ce recul qu’ils avaient sur les choses de la vie. Au métier, ils ajoutaient une réflexion sur ce que c’est qu’être un homme. Aujourd’hui, tout doit être digéré pour ou contre dans l’instant. A l’époque, on avait, je pense, plus d’envergure et de fenêtres pour dialoguer. Ensuite, comme je le dis souvent, dans notre métier, on est tous dans la même cour de récréation, de 7 à 77ans. Avec Philippe, Charles Berling et Bruno Putzulu, on est partis faire ce film au Canada, on était une espèce de petite famille, un peu isolée. Lui, il avait connu un entourage familial féminin : sa femme, sa fille, sa petite-fille. Il voulait savoir ce que c’était qu’être père de garçons. Loin des tiens, tu parles, tu échanges. Il nous a choisis. Il a gardé ce même rapport filial avec nous trois, il nous appelait à tour de rôle, et il nous engueulait quand on ne l’appelait pas. L’image que j’avais de lui, enfant, c’était celle d’un gentleman-farmer qui faisait un peu partie de notre famille. A l’époque, il y avait trois chaînes. Quand on les voyait, avec Rochefort et Marielle, dans les films de Tavernier ou Sautet, c’était comme des bouts de vie qu’on partageait, comme des tontons. Plus tard, j’ai retrouvé le gentleman, mais très libre, limite anar par moments. Il avait quelque chose qui t’élève. Tout doucement, plus tard, on s’est mis à parler, aussi, de la maladie, et il m’a appris, dans ma vie personnelle, à accompagner quelqu’un jusqu’au bout… Il m’a fait grandir, m’a appris à vivre, avec beaucoup de courage et d’humour, jusqu’à la fin. Tu as rejoué avec lui ?Dans son dernier film, Trois amis, où il était très malade, j’ai joué avec lui sa dernière scène. C’était d’ailleurs la dernière fois qu’il était debout. Après, il est resté alité, les deux derniers mois. J’ai accompagné cet immense acteur pour son dernier voyage dans le cinéma. Bouleversant, une espèce de privilège douloureux. Tu es resté lié à sa famille ?Oui. Avant le Covid, chaque année après sa mort, on se réunissait pour son anniversaire chez une cousine à lui avec sa femme, sa petite-fille, Tavernier, Rappeneau... On était toute une bande, plusieurs générations autour de la table. C’était super. On va recommencer.»
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2/WOODY ALLEN. «Quand j’écris, je revois ses films, qui sont une grande source d’inspiration. C’est lui qui a inventé ce principe d’écriture selon lequel il nous arrive ce qui nous arrive parce que nous sommes ce que nous sommes. Ce ne sont pas les situations extérieures, c’est toujours le personnage qui se met tout seul dans les emmerdes. Il nous a appris à nous faire confiance, à réaliser qu’avec nos petits soucis, nos névroses, nos pathologies, on peut écrire une histoire universelle et se promener aussi bien dans le drame, la tragédie, ou la comédie.. J’ai adoré ses Mémoires. Quand je disais ça, il fallait que je me justifie. Il a été blanchi des accusations, mais elles avaient pris tellement de place… Ce que j’ai adoré, c’est qu’il n’ait pas envie d’en faire cas. Tous les jours, il se met 8heures à son bureau, il écrit. Si on ne veut plus de ses films, il écrira des livres. S’il n’a plus d’éditeur, il écrira pour lui. C’est la définition même de l’artisan : quelqu’un qui trouve sa place grâce à son travail. Il n’aime pas la campagne, il aime travailler à un bureau et s’inventer des vies. C’est génial ! Même inégaux, ses films accompagnent nos questions. On se dit : “Finalement, je ne suis pas tout seul.” Il fait partie de ces cinéastes qui font du bien. Tu l’as rencontré ? Non… En fait, si, on s’est rencontrés: lui comme cinéaste, moi comme spectateur.» 3/DON WINSLOW. «C’est un des auteurs majeurs de la politique-fiction, même si je n’aime pas ce terme. Il a une narration abrupte, très réaliste. Offert par un ami, son bouquin LaGriffe du chiena dû traîner chez moi cinq ans, et puis je l’ai ouvert et je ne l’ai pas lâché. Il nous prend par les tripes. J’adore cette trilogie sur la drogue avec Cartelet LaFrontière. Une saga complètement folle, d’une violence inouïe, en même temps poétique. C’est très documenté, il a mis quinze ans pour l’écrire. Tout ce qu’il raconte existe. Ses livres sont des réquisitoires sans appel contre la corruption actuelle. Il dresse des tableaux étourdissants. Corruptionaussi est magistral, sur les flics de NY. Mais ce sont d’abord des romans, avec des personnages qu’on retrouve en Chine, au Mexique…» 4/EDGAR HILSENRATH. «Il a ce que j’appellerais une écriture punk. C’est un déporté et un mec qui a été longtemps interdit en Allemagne.LeNazi et le Barbier, c’est l’histoire d’un fils de pute, le bâtard d’une pute, qui s’appelle Schultz. Il s’enrôle dans les SS: son rôle, c’est de piquer des Juifs. Plus tard, il endosse l’identité d’un ami juif mort et devient super convaincu par le sionisme. Il se retrouve à la fin du bouquin sur l’Exodus. Pénurie d’eau, le typhus, la malaria sévissent, on cherche des aides pour piquer les gens contre le tétanos. Il se propose, et nous on sait que, deux ans avant, il a fait les mêmes piqûres avec du cyanure pour les tuer… Une ironie folle. Quant à Fuck America, c’est un type qui va en Amérique
après sa sortie des camps: ce qu’il veut, c’est juste vivre, se taper des putes. C’est assez surprenant parce qu’on n’est pas dans le sentimentalisme. Il n’en a rien à foutre d’être honoré. C’est d’une liberté absolue, très crue. Quand on finit Fuck America, on est ébloui. A l’intérieur de têtes de déportés, c’est peutêtre ça qu’on trouvait : cette envie de vivre, et que maintenant on leur foute la paix ! C’est la première fois que je lis quelque chose d’aussi frontal sur le sujet. Un immense auteur.»
Tu donnes envie. Quelle liste ! Elle se termine par…
5/PRINCE. «Prince, c’est une œuvre foisonnante, folle, riche, libre, elle aussi. Infinie. Je l’ai vu plusieurs fois en concerts. Parfois, il n’avait pas envie de jouer. D’autres fois, c’était brillant. J’ai même eu la chance d’assister à un concert privé. Pour moi, c’est un peu le Mozart de notre siècle. Il avait vraiment du génie. Il savait tout faire. Je devais avoir 1617ans, j’étais en vacances en Espagne, j’ai entendu Purple Rain. Une claque absolue. On l’écoutait en boucle, on pleurait, on voulait vivre intensément, on ne comprenait pas les paroles mais on était fascinés. Prince fait partie de ces mecs qui nous comprenaient, qui nous accompagnaient, à travers leurs chansons, mieux que n’importe quel pote. Un titre qui me renverse, c’est Sometimes It Snows In April. J’ai évidemment été bouleversé quand il est parti trop tôt. Prince a accompagné mon adolescence et je crois que lui aussi, il m’accompagnera jusqu’au bout.»SABINE EUVERTE «On est fait pour s’entendre», avec Pascal Elbé, Sandrine Kiberlain, François Berléand… sortie le 17novembre. Actor, screenwriter, and director Pascal Elbé reveals some of the people he loves, staring with his co-star back in 2003… 1. PHILIPPE NOIRET.“He was there at the beginning of my career, on a film I’d co-written, too. He was like my cinematic father. For that film, he, Charles Berling, Bruno Putzulu, and I went to Canada, and we were like a little family. His real-life family was all female – wife, daughter, and granddaughter – and I think he wanted to know how it would be to have boys. He taught me how to live, with great courage and humor, right up until he died.” 2. WOODY ALLEN.“I rewatch his films when I’m writing; they’re a great source of inspiration. He invented the writing principle that what happens happens to us because we are what we are. When I say that I have to justify myself; he may have been cleared of the accusations, but they’ve stuck. But really what I love with him is that he writes every day. If no one wants his films, he’ll write books; if he has no publisher, he’ll write for himself. He defines what it means to be an artisan. Good or bad, with his films, we can finally say, ‘I’m not alone.’” 3. DON WINSLOW.“One of the best writers of political fiction, even if I don’t like the term. He has a really abrupt style, very realist. I loved his trilogy about the drug wars: completely mad, unbelievably violent, and yet still somehow poetic.” 4. EDGAR HILSENRATH.“He has a writing style I call punk. He was a Holocaust survivor, and his writing was banned in Germany for a long time. The Nazi and the Barberis the story of a SS soldier who steals a dead Jewish friend’s identity and becomes a pro-Zionist, while Fuck America is about a survivor who goes to the US simply to screw prostitutes. There’s no sentimentality or worthiness in his work. He doesn’t give a shit about being fêted; it’s a dazzling sense of total freedom.” 5. PRINCE.“His body of work was prolific, crazy, rich, free, and infinite. When I saw him in concert, sometimes he didn’t want to play; others it was amazing. I see him as our generation’s Mozart; he really had genius. I must have been 16 or 17 when I first heard Purple Rain– totally astonishing. Prince was one of those guys who understood us, accompanied us with his songs better than any friend. He was there when I was a teenager – and he’ll be there right until the end.”