des torchons contre Toinette

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 n o ch r o t  Le e tt e n i o e T r cont es Plus les anné les passent, plus ntre pamphlets co ent la reine gagn en virulence ité. et en obscén e Au hit-parad rature de cette litté de caniveau Charlot Les Amours de mphlet et Toinette, pa usé ordurier diff en 1779.

nant oir est lieute ean-Pierre Len re zélé t fonctionnai au h n u , ce li o de p monarchie. service de la au t en ét p m et co usin s premier argo an ix d ra re Il demeu mmé où il sera no 84 17 n ’e u sq de France, ju liothèque éral de la Bib n gé r eu at tr adminis

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olice, e chef de la p royale. Comm dérables, moyens consi il dispose de ôler eiller et contr tant pour surv étouffer ale que pour it p ca la e d les rues vains oyer des écri d u so , x u ie it les écrits séd aniser des l’inverse, org à gages ou, à

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vée mmencé. Arri urtant bien co po ouser t ép ai y av ur ut To s en 1770 po lle ai er rs Ve à s ançois I de à quinze an ème fille de Fr ri at qu ait la n, he le dauphi d’Autric av Marie-Thérèse de le et ab m rg ai ou e Habsb , gaie ; un ine ait jeune, belle tr ét vi le la El . ns it da du sé ve, exposée vi et e qu . ro ur Co dauphine ba ée de la vie de e et compass ne supporte n ’o qu it cérémonieus ra ntoinette igno -A ie hine. ar M up s da ai M it chez la e ce qui plaisa occupe in re le el la , 74 de s 17 pa vient roi, en de VI X s ui fait une cible. Dès que Lo e place qui en un on ti tu e, il est ti ns dans l’i chie français n de la monar io it la place ad e tr ut la to s Dan e, laissant ac ff s’e e in re oir. Maried’usage que la at de son pouv cl l’é à et ce l ya au mâle ro la scène dans le devant de pe s’amuse, cu le oc el te e, et Antoin s. Elle brill lle ai rs Ve st ’e qu s de jeu, elle grand théâtre rties des salle pa s le gens et l ba , composée de elle mène le dans la Cour ur des co r e ui un jo d’ s’entoure le avide de , et comme el le ent, ti el e ar m pp m s’a co jeunes ur rang. Elle le e ur oc s, pr pa t ur s’appartien plaisirs que le de France ne e ’on in re qu et ne ’u ic ne publ oubliant qu ent du domai em èr ti le en rô ve le lè t en qu’elle re isse exactem qu’elle rempl ésentation pr re e attend d’elle bl ua m volu dans l’im dé t ique. es lit i po lu i t qu ine es corps de la re du pouvoir. Le

Fantasme

les deux ne font qu’un,

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eau-forte colorisée. © BNF

-Antoinette contre Marie ts le ph m pa ivatisation de Les premiers t sur cette pr en em it ic , comme pl portent ex de s’adonner lui reproche n O . la mode, ne ai de s er la souv excentricité x au e, is qu mar goût une vulgaire on tance son de l’instant ; n io mente de ss la pa se e tt on ce es frivoles ; ns pe dé nt sur s de rés qui pleuve du luxe et s cadeaux do de t pas et en é m it al em ig id sa prod manque év ne n O . ses is ca am s ipé et les is le cercle de se tre cet or diss en le à llè he ra oc pa repr de tracer un des. Bref, on miquement vi esse de roi. tr aî m e de l’État, endé un e uire comm nd co se maîtresse, de de e la rein s XVI n’a pas ui Lo t en em roi ait Or, non seul temps, que le e fort, et long urent, co s le el lib mais on dout r une. Des oi av le en d’ s té se adresse xuel les capaci ces, sur la mal la de sa ne ou ei pl ds ar op tr goguen e épouse, roi et sur sa jeun du s n, ai rp er co uv Le . so du ent désertée m né intent pu po im e re ri la moque feu pour êt litique : sous d po t an je gr ob Le . un i est auss des envies rdu, s angoisses et pe de it , ra es m au i as nt qu des fa monarchie e un d’ i le lu ce ns st et da fantasme, c’e la galanterie plaisirs et de ssentiel l’e , ur Co ns l’excès des de da nt des jeux t. lie en ol em ém me. t rn gi en ré ve m gou confine repose le de soutien au sur lesquelles s s n le o et de ri ti t vi ta en us es rt em if des ve man du pourriss nnel de ment, io la décadence, le ss xa de fe e do ro ra èm p th pa ce Ce 1788, ng royal est, sa du t en s. m Pourtant, en he débauc l’affaiblisse u impossible s XV et de ses u’il est deven q poque de Loui te 1770, autour l’é o à n es né n né io an s in l’op eau dans ce uv ir no d tisé à u la be p Il flam et indolent ; at foules pour ap ce roi timide de ovence, Pr re gu de fi te la de réunir des m de en ordres du co e x au êm s is m te , lis te el pr s XVIII, om par les lib -Antoinet i, le futur Loui ro dance. la reine Marie du en t sc de de ca le frère aient is demeure sans fa VI le X s es ui ll ’e Lo u si ors q – Marieà la couronne couple royal les payant, al paravant. nces dans le au sa s is ée ier, en 1781 – na n av es an -X D quelques Louis-Joseph t is en pu , ém 78 n 17 ta n en spo vaudeville Thérèse, oquer, un terme à ce m e tr en et s’ m e d dû e nt affect auraie ccessorales. Même si elle manœuvres su x au t et une es ue e iq ll u’e polit e le départ d’ pas ignorer q t t au contrair en eu p qu e inouïe ar n m ce e s en le in ol El la re me. lets d’une vi u ph ya m ro pa u d de e e campagn plus détesté

la personne la

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contre la reine. La thématique est simpliste, usant de cette logique sommaire qui convient à ce genre de littérature : le roi étant notoirement impuissant, les enfants de Marie-Antoinette ne peuvent être que des bâtards dont on énumère les pères putatifs. L’épouse du roi cocu n’est plus une reine, c’est une nymphomane, une mangeuse d’hommes dont l’hypersexualité répond à l’infrasexualité de Louis XVI. Le corps de la reine, destitué de sa sacralité, devient un corps pornographique. Le libelle Les Amours de Charlot et Toinette (voir pages 90-95) a été imprimé et diffusé en 1779, parmi un amas hétéroclite de chansons, de courts pamphlets, de nouvelles à la main et même de livres qui, fabriqués dans des officines, à Londres, à Amsterdam et, pour les plus risqués, à Paris, se répandent à la vitesse du vent. La vigilance d’une police de l’écrit, vermoulue et débordée, est impuissante à tarir le flot. Lenoir, notre lieutenant de police, peut agiter tous ses mouchards des basfonds littéraires, envoyer des sbires en Angleterre ou dans les Provinces-Unies pour racheter des manuscrits séditieux ou tenter d’intimider leurs auteurs, ces textes grossiers, vite écrits, imprimés sur l’heure, visant à l’immédiat, inaugurent un nouveau régime de l’imprimé. L’auteur, anonyme, du Portefeuille d’un talon rouge contenant des anecdotes galantes et secrètes de la cour de France, expert en littérature clandestine, a décrit ce circuit des railleries : « Un lâche courtisan les met en vers et en couplets et, par le ministère de la Valetaille, les fait passer jusqu’aux halles et aux marchés aux herbes. Des halles, elles sont à portée de l’artisan qui, à son tour, les rapporte chez les seigneurs qui les ont forgées, et lesquels, sans perdre de temps, s’en vont à l’Œil-de-Bœuf pour se demander à l’oreille les uns des autres, et du ton de l’hypocrisie la plus consommée : “Les avez-vous lues ? Les voilà. Elles courent dans le peuple de Paris.” Telle est l’origine et tel est le voyage de ces mauvais petits vers qui, dans le même jour, sèment dans Paris et à la Cour des anecdotes abominables sur les personnes d’une vertu connue. »

, re femelle t s n o m e l 1 anonyme, 1791. © Musée Carn

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Frustration Le pamphlet Les Amours de Charlot et Toinette est-il né à Versailles avant d’y revenir ? C’est probable, tant une partie de la Cour trouve insupportable la manière dont la reine, contre tous les usages, cherche à échapper au regard public. Si elle se cache, qu’a-t-elle donc à cacher, quels secrets inavouables dissimule-t-elle ? La réponse par la sexualité est la plus immédiate. Faute de Louis, Toinette tente d’assouvir ses instincts frustrés avec Charlot, son beau-frère Charles d’Artois – le futur Charles X – qui a une réputation de libertin et qui fréquente volontiers le cercle privé de la reine. Mais les orgies, incestueuses, avec le comte d’Artois, ne suffisent bientôt plus à animer une verve pamphlétaire dont l’efficacité repose sur la surenchère bien davantage que sur la vraisemblance. Voilà donc l’épouse du roi transformée par la littérature du ruisseau en modèle anticipé de la Juliette de Sade, une goule, un vampire, un tyran cruel dont l’exploitation

l, a y o r t u o g 1 l’é e, 1 m y n o n a , s e n ren a V à e t i u f a l u o © Musée Carn

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x rares u a m i n a s e 5 l nagerie royale é m la e d n o ti ou la transla onyme. n a , 2 9 17 t û o a 0 au Temple le 2let © Musée Carn

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e,

vec a t n e g r ’a l r ’o l « Je digère tution i t s n o C a l s i a facilité, m er. » l a v ’a l s i u p e n je 3 la p o u le

, d’autriche anonyme. © Musée Carna Roger-Viollet

valet/

yme, 1791.

sexuelle de ses victimes n’est qu’un aspect du despotisme et de la haine du peuple. Si ces outrances, à défaut d’être prises pour argent comptant, n’en sont pas moins entendues et répandues, c’est bien qu’elles touchent, dans les tréfonds d’une opinion publique encore naissante – et toujours écartée de la chose politique – aux racines d’un véritable malaise. Il y a d’abord le sentiment d’un renversement des rôles « naturels » à la tête du couple royal. De Catherine de Médicis à Anne d’Autriche, il n’y a jamais eu de reine exerçant le pouvoir en France sans que cela entraîne des troubles, des affrontements et des frondes. Les libelles ne cessent de tracer des parallèles entre Marie-Antoinette et Catherine de Médicis, l’« empoisonneuse », l’autre reine haïe. L’image d’un roi falot, incertain et hésitant, disparaissant derrière la personnalité décidée, autoritaire et audacieuse de son épouse est une monstruosité du corps monarchique français, lequel repose sur l’exclusion des femmes du pouvoir. Cette misogynie politique est un lieu commun que partagent les forces les plus rétrogrades de l’aristocratie et les penseurs les plus influents du radicalisme philosophique. Rousseau, dans L’Émile, écarte explicitement les femmes, faibles, rusées, trompeuses et naturellement dépendantes, de toute fonction dans la cité. La séduction qu’elles exercent sur les hommes ne leur donne déjà que trop de pouvoir. Peu importe qu’en réalité, à ce moment de l’histoire, Marie-Antoinette intervienne encore peu dans les affaires de l’État – sauf pour y favoriser la fortune des amis de son cercle. L’insupportable est qu’elle pourrait le faire. L’exclusion des femmes se renforce de l’exclusion des étrangers. C’est aussi un paramètre national dont Concini et Mazarin firent les frais. Très vite, dans la caricature que produisent d’elle les libelles, MarieAntoinette devient l’Autrichienne. (Cela rime avec chienne.) Elle est accusée d’être l’œil de Vienne et de chercher à infléchir la politique étrangère de la France dans le sens des intérêts autrichiens. Ce qui passe mal à une époque où l’alliance autrichienne n’a guère bonne presse, après la pitoyable guerre de Sept Ans (1756-1763). Comme souvent, les mauvaises rumeurs s’appuient sur un fond de vraisemblance, voire de vérité. La jeune Marie-Antoinette, jetée tout ignorante dans les intrigues politiques du royaume, privée des conseils et des fermes convictions d’un mari incertain, a tout naturellement tendance à demander à sa famille et à l’ambassadeur autrichien à Paris, le comte de Mercy-Argenteau, de l’éclairer et de la guider. Cette connivence va contribuer à isoler plus encore la reine de son peuple d’adoption. Plus les pamphlets dénonceront la mainmise de « l’Autrichienne » sur la vie politique, plus Marie-Antoinette se sentira rejetée par les Français et plus elle cherchera le soutien des siens. Les libelles ont poussé MarieAntoinette sur ce chemin qui va de l’incompréhension à l’hostilité et de l’hostilité à la trahison.

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Surenchère Il n’y a pas de répit dans cette guerre des mots et des images engagée contre la reine. Les pamphlets se nourrissent d’eux-mêmes et de leur surenchère. Imprimé ou reproduit à la main, en vers approximatifs ou en prose grossière, farci de références cultivées ou empruntant son style aux chansons de cabaret, feignant le moralisme et les saines vertus civiques et familiales ou jouant au contraire sur la séduction pornographique, le libelle contre Marie-Antoinette s’installe, comme une sorte de genre littéraire dont le succès ne se dément pas. Il y a des étapes, néanmoins, dans ce succès qui ne s’épuise qu’avec la mise à mort de son sujet ; ou plus exactement des cercles concentriques, de plus en plus larges, de sorte qu’à la fin, la reine fait l’unanimité contre elle, toutes classes et tous milieux confondus. La première étape est, nous l’avons vu, versaillaise. La « guerre » prend naissance dans ce marigot de haines, d’intérêts et d’ambitions, au sommet même de la famille royale. Elle bénéficie des protections et des complicités qui entourent les Grands. La police, par exemple, n’a pas le droit de pénétrer au Palais-Royal, propriété du duc d’Orléans où se réfugient nombre de libellistes et de diffuseurs des « mauvais livres ». Une deuxième étape est franchie avec l’affaire du Collier de la reine, à partir d’août 1784. Les thèmes déjà élaborés sur la frivolité de Marie-Antoinette, sur ses goûts de luxe et son libertinage trouvent désormais leurs « preuves » dans la matière trouble de ce fait-divers. Les bosquets de Versailles deviennent le lieu symbolique d’une monarchie qui a perdu ses attributs solaires pour les troquer contre ceux de la nuit, de la dissimulation, de la séduction tarifée. Le scandale crédibilise les rumeurs, les rumeurs sont le fumier sur lequel poussent les fictions dont la reine est la triste héroïne.

l l e m e f e i p r a h 5 e. anonym © Musée Car

Mise en pièces 1789, la fête de la Fédération et la fin de la monarchie absolue marquent une autre étape qui s’achève avec la fuite de la famille royale et l’arrestation de Varennes. La police du livre ne fonctionne plus, ni à Paris ni aux frontières ; la parole libérée se manifeste par une avalanche de papier imprimé qui épouse le rythme effréné et turbulent d’un temps qui explose. Dépossédé du pouvoir réel, Louis XVI est relativement épargné par des libellistes soucieux de ménager les chances d’une monarchie constitutionnelle. Mais c’est pour mieux accabler Marie-Antoinette devenue l’Ennemie. Tous les thèmes précédemment essayés sont désormais orchestrés et amplifiés sous le régime général de l’obscénité. C’est l’époque du Bordel royal, des Soirées amoureuses du général Mothier et de la belle Antoinette par le petit épagneul de l’Autrichienne, de L’Autrichienne en goguette ou l’Orgie royale, opéra proverbe, ou encore du Cadran des plaisirs de la Cour où se trouvent luxueusement décrits le sexe de la reine et celui de la duchesse de Polignac, l’une

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Varennes, ou le retour de . anonyme, 1791 © Musée Carn Roger-Viollet

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t ou la n a s u m a t loi. a 3 le bide l t n i a r t con nécessité © BNF

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elle,

espire 1 « je n e r ur toi… », plus que po t Marieestampe visan la duchesse Antoinette et onyme, 1791. de Polignac, an © Musée Carn

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de ses compagnes favorites en turpitudes. La mise en pièces du corps de la reine libertine est le pendant misogyne de la mise en cause politique et symbolique de sa fonction : sa désacralisation. Rien d’étonnant donc si la mise en scène pornographique de Marie-Antoinette s’accompagne d’une revendication, d’un objectif d’action : le roi des Français, la tête de la monarchie nouvelle, nationale et régénérée, doit se séparer de l’Étrangère qui complote contre la France, de la Femme qui usurpe ses prérogatives d’homme, de la Coquette qui exploite les richesses de l’État pour satisfaire ses caprices et ses plaisirs, de la « reine des vices », enfin, dont la lubricité cruelle cherche à réduire en esclavage les vertus citoyennes. Il faut la renvoyer à sa famille et à sa cour d’autocrates décadents ; il faut ôter le ver du fruit avant qu’il ne pourrisse. « Quand un fléau désolait autrefois une contrée, lit-on dans les Essais historiques sur la vie de MarieAntoinette qui paraissent en 1789, les dieux demandaient par la bouche des oracles une illustre victime. La voix du peuple est bien plus sûre que celle des oracles. Le fléau est bien plus terrible, plus universel, plus long que celui qui désola Thèbes ; nous ne voulons pas le sang, mais la cessation des maux et une retraite devenue nécessaire. » Qu’elle soit retirée du monde, donc, exclue du corps social qu’elle pollue. La fuite du roi et de Marie-Antoinette, le 20 juin 1791, ne met pas fin à cette fiction politique opposant un monarque, somme toute acceptable, à son épouvantable épouse, laquelle se vautre désormais, disent les pamphlets, avec le marquis de La Fayette pour le convaincre de massacrer les Parisiens. Elle lui donne au contraire l’aspect d’une vérité officielle. Pendant plusieurs semaines en effet, le gouvernement et les modérés de tout bord vont tenter, pour sauver la monarchie, d’accréditer la fable de l’enlèvement de Louis XVI. Qui peut avoir fomenté ce rapt royal sinon Marie-Antoinette et ses affidés ? Le subterfuge ne réussit pas. Le roi et la reine sont réunis dans un même destin. Mais la littérature pamphlétaire poursuit son œuvre obscure et sauvage de défoulement en privilégiant Marie-Antoinette, personnage principal, inamendable et incorrigible, d’un régime haï. Véhiculée par une vague de papier imprimé, sa caricature est désormais si connue qu’il n’est même plus besoin d’y ajouter encore des traits. Elle n’a même plus besoin de nom : « M.A.C.L. » (Marie-Antoinette cocufie Louis), ce petit sigle, hâtivement gravé à la pointe sur les murs de Paris, suffit à soulever une foule d’histoires, de rumeurs, d’émotions. Personne ne sait plus très bien où passe la frontière entre la littérature et la réalité, entre le mot et l’acte, entre les fantasmes et l’histoire. Au procès de Marie-Antoinette, Jacques Hébert, procureur de la Commune, puisera dans le cloaque des pamphlets et dans la légende de la femelle insatiable pour accuser la reine déchue d’avoir entretenu des relations incestueuses avec son fils lors de leur incarcération au Temple. Ce qui se chante aussi : « Antoinette lubrique ainsi que Messaline Pour prix de ses forfaits gagne la guillotine » p ie r r e l e pa p e

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