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Réalisations
from Histoires, ou Contes du temps passé, Charles Perrault - Mémoire de master de Marie-Sophie Bercegeay
Hommes illustres qui ont paru en France pendant ce siècle181, biographie et portrait des hommes de lettres et de sciences du XVIIe siècle qui devance l’esprit des Lumières. Il rédige également entre 1692 et 1697 plusieurs poèmes dans le thème biblique de la Genèse : Adam, ou la création de l’homme, sa chute et la réparation182 en quatre chants. Il traduit en 1699 les Fables183 de Faerne, après la publication des Histoires ou Contes du temps passé184 en 1697, la parution de son poème humoristique sur la chasse185 et celle de son Dialogue d’Hector et Andromaque186, tiré du sixième livre de L’Iliade. À la fin de sa vie, dans sa période de réclusion, il retourne à son goût du comique avec Le Faux Bel esprit187 et un poème en vers sur la canne à sucre : Le roseau du nouveau monde188 .
Il faut ajouter à cela la Critique de l’opéra ou examen de la tragédie intitulée Alceste ou le triomphe d’Alcide189, composé de deux poèmes, dont l’un est de Quinault, ainsi que des œuvres polémiques telles que Le Siècle de Louis le grand190 , Le Parallèle des Anciens et des Modernes191 et L’Apologie des femmes192 dans lequel il protège le « sexe faible » contre Nicolas Boileau.
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Réalisations
Entrée et œuvres aux Académies
En tant que conseiller de Colbert pour la littérature, les arts et les bâtiments, il entre d’emblée à la Petite Académie, composée de quatre membres, qui deviendra l’Académie des Inscriptions et des Belles-Lettres. L’assemblée se réunit deux fois par semaine, les mardis et vendredis, chez Colbert. Il s’agit d’un conseil sur les beaux-arts et les lettres. Charles Perrault s’y distingue par son intelligence, sa capacité de travail, son discernement critique et sa probité. Il est donc choisi pour faire les comptes rendus des séances.
Très tôt, Colbert incite son secrétaire particulier à entrer à la Grande Académie créée par Richelieu en 1635, bien qu’il soit déjà membre de la Petite
Figure 10 : Portrait de Charles Perrault, Estampe de P. Duflos, XVIIe siècle.
181 PERRAULT, Charles, Les Hommes illustres qui ont paru en France pendant ce siècle, avec leurs portraits au naturel, Paris, éd. A. Dezallier, in-folio, 1697.
182 PERRAULT, Charles, Adam, ou la creation de l’homme, sa chute et la réparation, poeme chrestien de Mr. Perrault, Paris, éd. J.-B. Coignard, in-12, 1697. 183 FAERNO, Gabriele, PERRAULT, Charles (trad), Traduction des fables de Faerne, Paris, éd. J.-B. Coignard, in-12, 1699.
184 Op. cit. 185 PERRAULT, Charles, La chasse. A M. de Rosières, Paris, éd. Vve. J.-B. Coignard, in-12, 1692. 186 PERRAULT, Charles, Dialogue d’Hector et Andromaque, Paris, 1693. 187 PERRAULT, Charles, Le Faux bel air : satyre ; avec le Roseau du Nouveau monde ou la Canne à sucre, Fable par M. Perrault, Paris, éd. J.-B. Coignard,in-4, 1702. 188 Idem.
189 PERRAULT, Charles, Critique de l’opera, ou Examen de la tragedie intitulée Alcest, ou le triomphe d’Alcide, Paris, éd. L. Billaine, in-8, 1674.
190 Op. cit. 191 Op. cit. 192 PERRAULT, Charles, L’apologie des femmes, Par M. P**, Paris, éd. Vve. J.-B. Coignard, in-4,1694.
Académie, de l’Académie de Peinture, à laquelle il trouve des modèles, et de l’Académie d’Architecture dont son frère Claude sera membre. Il assiste à toutes les séances afin de connaître les travaux qui y sont discutés. Encourageant le savoir en France, il a la velléité de le stimuler également à l’étranger, en subventionnant les savants et en guidant les débuts de l’Académie de France à Rome. Il abandonne néanmoins cet ambitieux projet. Il cherche alors à se faire élire à l’Académie, ainsi que le lui demande son supérieur : « C’est une compagnie, ajouta-t-il, que le roi affectionne beaucoup ; et comme mes affaires m’empêchent d’y aller aussi souvent que je le voudrois bien, je serai bien aise de prendre connoissance par votre moyen de tout ce qui s’y passe. Demandez la première place qui vaquera » 193 .
La première opportunité d’entrer à la Grande Académie se présente en 1669, au décès de Gilles Boileau. Sa nomination est empêchée par le chancelier Pierre Séguier, protecteur de l’Académie française, à la suite du cardinal de Richelieu, qui a promis la place à Jean de Montigny, abbé de Montigny et protégé de la marquise de Guiche, apparentée au chancelier. Mort à la fin de l’année 1669, le conseiller et médecin ordinaire du roi, Marin Cureau de la Chambre, laisse son siège vacant. Il est proposé à Charles par les académiciens. Cependant, Colbert le lui refuse, car il a garanti cette place au fils du défunt : Pierre Cureau de la Chambre, curé de Saint Barthélémy. Le procédé de l’Académie déplaisant à la famille Perrault, Charles, sur le conseil de ses frères, cesse de s’y intéresser. Il laisse passer plusieurs opportunités au profit de François-Séraphin RégnierDesmarais et de Philippe Quinault, tous deux élus en 1670. L’année suivante, l’abbé de Montigny, devenu depuis l’évêque de Léon, cède sa place. Charles est donc nommé en 1671, sans sollicitations de sa part.
Dès son discours d’arrivée, il propose de nombreuses améliorations à l’Académie, dont l’ouverture au public de la séance d’investiture et du discours des nouveaux arrivants. Il indique dans ses Mémoires : « ce que je dis étoit si raisonnable et d’ailleurs, la plûpart s’imaginant que cette pensée m’avait été inspirée par M. Colbert, tout le monde s’y rangea et l’approuva d’une commune voix » 194 . Cette nouveauté permet à l’Académie une très grande visibilité publique et promeut ainsi la culture.
« On peut dire que l’Académie changea de face à ce moment ; de peu connue qu’elle étoit, elle devint si célèbre qu’on ne parloit presque d’autre chose.
Cela alla toujours depuis en augmentant ; en suite des harangues du récipiendaire et du directeur qui étoient beaucoup plus étudiées et châtiées que lorsqu’elles se faisoient à huis-clos, plusieurs de la compagnie lisoient de leurs ouvrages toutes sortes de sujets agréables. » 195 La même année que son élection, il est fait secrétaire de l’Académie, ainsi que porte-parole officiel. Dans le registre qu’il tient sur ordre du ministre, il écrit, outre le compte rendu des séances, les actions et paroles du roi, afin de constituer un ouvrage sur l’histoire de ce dernier. Le livre est toutefois freiné par le compositeur Marc-Antoine Charpentier au profit de Jean Racine et de Nicolas Boileau-Despréaux, chargés d’écrire l’histoire du Roi-Soleil par Françoise
193 PERRAULT, Charles, Mémoires de ma vie, op. cit., p. 90. 194 Idem, p. 93. 195 Idem.
Athénaïs de Rochechouard de Mortemart, ou Madame de Montespan, maîtresse favorite du roi.
Charles Perrault fait aussi acheter les livres des académiciens décédés, afin de constituer une véritable bibliothèque à l’Académie. Il propose également d’élire les nouveaux membres par le biais de scrutins et de billets, afin de donner à chacun la liberté de nommer un prétendant, plutôt qu’il ne soit imposé par un membre influent du gouvernement. Pour ce faire, Charles achète « une petite machine, pour faire ces élections » 196 . L’assemblée se tient habituellement dans l’hôtel de son protecteur. Lorsque le Roi prend la place du chancelier, au décès de celui-ci, elle se tient au Louvre, dans un appartement meublé par le garde des sceaux, comportant une bibliothèque que le roi dote des doublons de la bibliothèque royale et dont Charles s’occupera. L’Académie travaille à la fois sur les œuvres littéraires récentes et sur la pureté de la langue dont résulte le Dictionnaire197 . « M. Colbert ayant observé que les Assemblées de l’Académie ne se faisoient pas avec la régularité nécessaire pour bien avancer le travail du dictionnaire, où il y avoit plus de quarante ans qu’elle travaillait, y établir l’ordre que je vais dire. Il n’y avoit point d’heure réglée à laquelle elle dût finir : les uns venoient de bonne heure, les autres fort tard ; les uns y entroient lorsque les autres commençoient à en sortir, et quelquefois tout l’assemblée se passoit à dire des nouvelles. Il fut résolu qu’elle commençeroit à trois heures sonnantes, et qu’elle finiroit lorsque cinq heures sonneroient. » 198 L’institution dispose dès lors d’une horloge, d’un registre tenu par Charles Perrault, d’écritoires et de jetons. Ces derniers sont une idée de l’écrivain. Les quarante jetons par jour (un pour chaque académicien) permettent de calculer l’assiduité des membres de l’assemblée. Pour donner l’exemple, Charles refuse ses jetons en cas de retard de sa part. De plus, il s’implique beaucoup sur le projet du Dictionnaire de l’Académie françoise199, dont une première version est achevée et imprimée en 1694 chez Coignard. Il tente ainsi de fixer l’orthographe des mots de la langue française.
Si Charles Perrault a pu faire accepter tant de réformes aux académiciens, c’est parce qu’il est soutenu par Colbert. Il représente en effet le ministre et l’informe des artistes et écrivains en vogue. Colbert quant à lui guide les travaux et les recherches du conseil par l’intermédiaire de Charles. Ses confrères sont persuadés qu’il agit uniquement sur les ordres du surintendant. Bien que cela ne soit pas entièrement faux, les améliorations résultent principalement d’idées originales de Charles. Alors qu’il est obligeant, serviable et d’une fidélité sans faille envers ses amis et protecteurs (Paul Scarron, Madeleine de Scudéry, dont il fréquente assidûment le salon, et Jean-Baptiste Colbert), il est rapidement jalousé et rendu responsable des décisions royales. Cette fidélité s’applique également envers les membres de sa famille, avec laquelle il est très proche. Lorsque Colbert demande à la Petite Académie de faire le choix des membres de la nouvelle Académie des Sciences, Charles convainc son frère, Claude, médecin et architecte, d’en faire partie.
196 Idem, p. 96. 197 Académie française, Le Dictionnaire de l’Académie françoise, dédié au Roy, Paris, J.-B. Coignard, 1694. 198 PERRAULT, Charles, Mémoires de ma vie, op. cit., p. 96. 199 Ibidem.
Les frères Perrault : architectes
Le surintendant débute son travail par les travaux du Louvre. Mécontent des dessins de Louis le Vau, il retient celui de Claude, proposé par son commis, qui a eu l’idée du péristyle. Exposé à la critique, le tracé est très apprécié. En pleine querelle artistique avec l’Italie, au moment où l’art classique et l’art baroque tentent tous deux de dominer, le roi demande l’avis des italiens, qui entrent en concurrence avec les français. Les plans des italiens sont peu appréciés par le public. Le cavalier Gian Lorenzo Bernini se rend en France où il est reçu avec beaucoup d’honneurs afin de dessiner le Louvre. Charles dresse un portrait peu flatteur du personnage, grossier et imbu de lui-même. L’artiste réalise tour à tour un buste raté, ainsi que la fameuse statue équestre, reléguée au fond du jardin de Versailles. Charles, qui a accès au dessin, s’oppose à ces plans, et réalise une note sur les problèmes de construction soulevés par l’ébauche du cavalier. Colbert, soutenant Perrault, montre les erreurs à Le Bernin. Ce dernier prévoit notamment de grandes salles de festins, contrairement à la préciosité et la mise en avant de commodités pour le service et le logement du roi préconisées par le ministre. Le nouveau plan rencontre à nouveau l’opposition de Charles. L’italien se fâche, mais Figure 11 : Statue équestre de le début de la construction du Louvre se fait sur ses plans. Louis XIV, G. L. Bernini, Après une remarque de Charles sur les nouveaux dessins, 1671-1677, transformée en le cavalier prend la fuite et rentre en Italie après que Statue équestre de Louis XIV Charles lui ait apporté son payement. Son élève confirme sous les traits de Marcus Curtis par Girardon. les observations de Charles, ce qui fait dire à Colbert que « le cavalier s’est cru un grand personnage et nous a pris pour de grands sots ; mais il s’est trompé également en l’un et en l’autre »200 . Le ministre, pour pallier cet échec, présente deux dessins au roi : le premier réalisé par Le Vau, et le second par Claude Perrault. Sur la demande de Charles,
Colbert use de son habileté courtisane pour influencer le choix du roi en faveur du second. Le statut de médecin du frère de Charles lui vaut de nombreuses critiques.
L’élève de l’architecte Le Vau insinue même que le dessin de son maître est copié par Claude. Pour calmer le jeu, Charles propose à Colbert la création d’un conseil des bâtiments, présidé par Le Vau et Le Brun, dans lequel Charles est secrétaire.
L’idée plaît, et le dessin de Claude, ainsi que le péristyle sont gardés. À plusieurs reprises, les dessins du médecin et architecte, mis en avant par Charles, seront appréciés et préférés par le roi. C’est le cas pour l’arc de triomphe (bien que le roi se range finalement à l’avis du public, qui y trouve des défauts) et pour la grotte et les jardins de Versailles : allée d’eau, fontaines, bas relief. De plus, l’intérêt de
Charles pour l’art et l’architecture le fait se dresser contre la fermeture du jardin des Tuileries, sous prétexte que le public détériore le parc. La fidélité de Charles envers les membres de sa famille est telle qu’il n’hésite pas à prendre la défense de Pierre, dépossédé de sa charge à cause de dettes.
200 Idem, p. 84.