MONDOMIX N°4

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Sommaire

03 ÉDITO 06 Le monde nous parle 08

Phylactu, actualité et BD

10 Le grand MIX 16 Les 13 disques de 2013

AU CENTRE / Laurent Garnier

38

THÉMA

LE CAHIER MONDOMIX MUSIQUES 88 THÉMA

/ BD et science-fiction Dessine-moi un futur

88

28 AU CENTRE LAURENT GARNIER UN MONDE ÉLECTRO

Un monde électro

28

18 À VOIR : expos et cinéma

102

BD ET SCIENCE-FICTION

104 destinations ISLANDE VIETNAM WASHINGTON

118 À table / Don Pasta Poivrons à la Bagna Cauda de Gianmaria Testa

04 Mondomix 04 jan/fev 2014

DESTINATIONS

120 Jeux

/ Islande / vietnam / washington

122 Le ricaneur masqué

104

1117


Strip Arnaud Le Gouëfflec et Olivier Balez, auteur et dessinateur du Chanteur sans nom (Glénat 2011) ou de J’aurai ta peau Dominique A (Glénat 2012) créent dans nos pages leur premier strip, Désiré, un ethnomusicologue désarmé auquel nous souhaitons une belle carrière.

La Great Black Music s’expose

u www.citedelamusique.fr

Le 11 mars s'ouvre à la Cité de la Musique Great Black Music, une exposition exceptionnelle à plus d’un titre. D’abord parce qu’elle retrace toute l'odyssée des musiques noires, de l'Afrique aux Amériques et au-delà, portée par des légendes telles qu’Aretha Franklin, Salif Keïta ou Bob Marley. Ensuite, parce qu’elle est entièrement interactive : elle plonge le visiteur dans des installations audiovisuelles spectaculaires, qu’il pilote à l’aide d’une tablette tactile remise à l’entrée. Mais aussi – et enfin – parce qu’elle est produite par Mondomix, qui y travaille depuis plus de cinq ans ! Le moment de vous immerger dans l’univers des musiques noires approche…

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Révolte virale

par François Mauger

© D.R.

Pour un morceau sur le pouvoir des outils de communication électroniques, le duo portoricain Calle 13 est allé rencontrer le fondateur de Wikileaks, Julian Assange, dans son refuge

De nombreux services de renseignement en rêvent. Calle 13 l’a fait. René Perez, alias Residente, le chanteur de ce duo hip hop portoricain, champion toutes catégories des Latin Grammy Awards avec dix neuf récompenses, a poussé la porte de l’Ambassade d’Equateur à Londres, pénétré dans ses salons privés et eu à deux reprises une longue conversation avec Julian Assange. Le fondateur du site Wikileaks, à l’origine de révélations gênantes sur la guerre en Irak et en Afghanistan ou la diplomatie états-unienne, était l’interlocuteur parfait pour l’un de leurs projets : écrire une chanson sur le thème de l'appropriation des outils électroniques par les mouvements sociaux.

« A l’origine, Internet a été créé pour nous contrôler mais, au final, les gens l’utilisent en leur faveur, pour diffuser leurs propres messages, nous a expliqué le rappeur au téléphone. C’est ainsi que des mouvements naissent sur toute la planète. C’est contagieux et viral. Les Indignés espagnols inspirent Occupy Wall Street, qui inspire Yo Soy 132 [un mouvement étudiant qui réclame une démocratisation des médias] au Mexique… Ce sont des outils très puissants, y compris pour nous, pour créer de la musique. » René en a fait la démonstration en direct du refuge de Julian Assange, puisqu’il a convié ses huit millions de followers sur Tweeter à lui fournir des idées. Le résultat ? Multi_viral, une chanson-manifeste aussi incendiaire qu’un cocktail Molotov, catapultée par les riffs de Tom Morello, le guitariste de

Rage Against The Machine, et le chant indompté de la Palestinienne Kamilya Jubran. Ce générique cosmopolite a une résonnance particulière en Amérique Latine : « Le niveau de conscience sociale est élevé ici. Beaucoup de jeunes sont éveillés et informés de ce qui se passe dans le monde. Ils peuvent aider ceux qui combattent pour la liberté. Si l'on regarde le cas de Julian, aucun pays au monde ne voulait l’aider, pas plus qu'Edward Snowden. Puis six ou sept pays se sont manifestés pour les aider : l’Equateur, l’Uruguay, le Venezuela, même le Brésil… L’Amérique Latine acquiert du pouvoir. C’est une bonne chose : grâce aux outils électroniques, ce pouvoir peut être partagé avec la planète entière ! ».

u www.lacalle13.com/multiviral

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Phylactu 4, actualité et BD

Les utopies d'Otto T.

par Christian Marmonnier

« Un jour, on arrêtera tous d’utiliser la bagnole et là, ils rigoleront moins ! ». Otto T. nous fait un très beau cadeau en nous offrant une page d’utopie régénératrice. Otto rêve et dessine cette utopie, digne fille des seventies, belle et douce à la fois… Mais qui est monsieur T. ? D’abord, il y a des T dans le patronyme de Jacques Tati, ou celui de Pierre Étaix, des artistes qui paraissent tout indiqués pour être les pères tutélaires de l’univers d’Otto T. Mais plus simplement, le T en question renvoie au véritable état civil de son auteur. T comme Thomas. Thomas Dupuis. Né au début des seventies que nous évoquions, étudiant aux Beauxarts de Poitiers, devenu depuis Poitevin surractif et touche-àtout, dessinateur, cofondateur du fanzine FLBLB, aujourd’hui rayonnante maison d’édition, co-créateur et gérant de la librairie-galerie Le Feu Rouge. Oui, Otto T. a fait tous ces Trucs, et d’autres encore. De quoi passer, en fait, pas mal de nuits blanches. Otto T. est donc le « nom de plume » de Thomas. Sous cette signature, il est l’auteur de collages, de flip-books, parfois de romans-photos ou d’illustrations et, bien entendu, de bandes dessinées. Pour ces dernières, qu’il façonne depuis 20 ans, son style a acquis une autorité naturelle dans le genre minimalisme burlesque, d’une rare efficacité et d’une vivacité telle que la prônait Osvaldo Cavandoli, auteur de la série animée La Linea. Ses personnages ont en effet aujourd’hui évolué vers des bonshommes au trait parfois cerné, proche d’une ligne claire d’illustrateur, et le plus souvent sous la forme la plus simplifiée du monde, celle de personnages bâtons, comme on les appelle, dotés d’un pouvoir expressif jubilatoire. Des personnages pouvant ainsi vivre des aventures de centaines de pages et provoquer autant d’émotions que le cinéma de Charlie Chaplin. Et comme le cinéma de Chaplin, les histoires racontées exhalent de la même manière une puissante saveur politique comme sociale.

Village toxique, le fantôme d’Yves Mourousi surgit du diable vauvert pour commenter les avancées spectaculaires de ce projet de « site d’enfouissement tout neuf ». Dans Petite histoire des colonies françaises, c’est le spectre du Général de Gaulle himself qui est convoqué pour nous guider dans cet épouvantable imbroglio historique. Il ressemble graphiquement au capitaine des Katzenjammer kids (Pim, Pam et Poum) et, en bon narrateur, nous raconte à sa façon, désinvolte, subjective, pince-sans-rire, de quoi il en retourne. « En réalité, nous avons décolonisé par pure bonté d’âme. À la fin des années 50, il était devenu insupportable à une majorité de Français qu’on branche des électrodes sur les testicules d’hommes pour leur redonner goût aux bienfaits de la colonisation. Alors nous leur avons rendu la liberté, et nous avons arrêté de nous comporter de manière paternaliste avec eux », lance-t-il en introduction du troisième volet de la pentalogie coloniale. Gulp… Il fallait oser. Et la suite est tout aussi ironique que grinçante.

Les Essentiels Otto T. Bandes dessinées avec Grégory Jarry : - O’Poil en tournage, (Flblb, 2012) - Petite Histoire des colonies,

cinq tomes, (Flblb)

J comme Jarry

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Grégory Jarry est l’autre nom à retenir. L’autre tête pensante des éditions FLBLB, complice avéré de Thomas Dupuis, et scénariste de presque toutes ses bandes dessinées. Ensemble, ils ont installé cet univers si particulier, conjuguant le dessin pictogrammique d’Otto T. à un récit abondamment documenté, synthèse d’un événement, voire d’une cause militante. Ensemble, ils ont donc imaginé la collection Petite Histoire, qui revisite aussi bien celle de la France colonialiste (Petite histoire des colonies françaises, en cinq tomes), que celle de l’affrontement entre Romains et Chrétiens (Lucius Crassius), ou bien celle d’un charmant village qui va bientôt accueillir dans ses entrailles de non moins charmants déchets nucléaires (Village toxique). L’ensemble de ces histoires a la particularité de posséder un humour corrosif. Dans

- Village toxique, (Flblb/Le Nombril du Monde, 2010) - La Conquête de Mars, deux

tomes, (Flblb, 2008)

- Lucius Crassius, précédé de Le Savant qui fabriquait des voitures transparentes, (Flblb, 2008) Nouvelle édition en un volume des deux titres cités.

- La Petite Histoire du Grand Texas, (Flblb, 2005) Bandes dessinées, en solo : - Le Bonhomme au chapeau, (Flblb, 2005)


Le grand mix

Cette jeune street artist américaine a fait « se pâmer » (to swoon) les critiques et conservateurs d’art contemporain les plus en vue de la planète (Moma de New York, Tate Modern de Londres, Russian Museum de Saint Petersbourg). Voyageuse et engagée, Swoon exprime ses impressions du monde à même les murs des villes qu’elle visite. Entre expressionisme et art ethnique, elle dessine la fierté des populations les plus démunies et accompagne le plus souvent ses projets par des actions sociales en milieu rural. A découvrir à la Galerie L.J. (Paris) jusqu'au 30 janvier u www.galerielj.com

© D.R.

EXPO

Pamoison

BD - Musique

Super Costaud

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Captain Rugged (« capitaine costaud »), le personnage de super-héros composé par Keziah Jones, a quitté le toit qui sert de décor à la pochette de son dernier album pour se faufiler dans les cases d’une bande dessinée. Ecrite par le musicien nigérian et dessinée par son compatriote Native Maqari, l’histoire se déroule dans un Lagos à peine fantasmé où corruption des autorités et misère du peuple vont malheureusement de pair. Déserteur de l’armée, le Capitaine Costaud ne supporte plus cette situation et use de son super pouvoir de geler le temps pour réparer les injustices. Le dessin aux sombres ancrages et l’histoire en clair-obscur se closent sur une note d’espoir. La BD contient un code pour télécharger la musique. Keziah Jones et Native Maqari Captain Rugged (Because)


Grand mix

Grand mix

En 2007, Martin Scorsese a lancé le World Cinema Project pour restaurer à l’aide de techniques digitales les chefs d’œuvres méconnus du cinéma mondial. Un premier coffret vient de paraître, qui réunit Touki Bouki du Sénégalais Djibril Diop Mambéty (1973) ; Redes du Mexicain Emilio Gómez Muriel et de l’Américain Fred Zinnemann (1936) ; Une rivière nommée Titas du Bengali Ritwik Ghatak (1973) ; Un été sans eau du Turc Metin Erksan (1964) ; Transes du Marocain Ahmed El Maânouni (1981) et La Servante du Sud-Coréen Kim Ki-young.

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CINÉMA

Restauration globale

Tant qu’il y a de l’écrit, il y a de l’espoir. Dans les rues d’Amérique Latine, les mots escaladent les murs, couvrent les vêtements, s’insinuent sous les peaux. Impossible pour un photographe d’échapper à ces signes qui saturent l’espace. Avec America Latina, une exposition qui réunit 400 œuvres, la fondation Cartier s’amuse à inventorier leurs traces dans la foisonnante photographie contemporaine, de la Patagonie au Rio Grande. L’occasion de retrouver le travail du Mexicain Miguel Calderón, grand explorateur des cultures populaires, qui a connu son heure de gloire lorsque l’une de ses toiles est apparue dans La famille Tenenbaum de Wes Anderson. Les mots, lui les déniche sur des bagues artisanales. Puisqu’on vous dit qu’ils sont partout.

© D.R.

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Graphologie photographique

u www.fondation.cartier.com

Le temps passe, l'actualité change, Denis Dailleux demeure au Caire. Ce photographe quinquagénaire né à Angers s'y est installé pour aller au-delà des apparences. Avec le vidéaste Mahmoud Farag, malheureusement disparu, et le romancier Abdellah Taia, il publie Egypte, les martyrs de la révolution, touchante série de portraits au format carré de vingt familles endeuillées, dont les tirages sont également exposés à la galerie parisienne Fait & Cause. Le sujet peut sembler angoissant (la postface, signée Amnesty International, rappelle l’ampleur de la répression ces dernières années), mais le tact et le talent de Denis Dailleux effacent la barrière des sourires tristes, offrent en partage un peu de l’histoire de ces anonymes pour leur rendre leur dignité. La dignité ! Décidément, le mot d’ordre des printemps arabes n’est pas passé de mode. du 9 janvier au 1er mars

u www.sophot.com

© Denis Dailleux

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Le Caire au carré

15

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À voir

15 m

2

de rêves


LeePhotoquai Jee Young

L’artiste sud-coréenne Jee Young Lee a réalisé les photos de sa série Stage of Mind (joli jeu de mot entre state of mind, « état d’esprit », et stage, « la scène ») dans son studio à Séoul, qui mesure 3,60 mètres de largeur, 4,10 de longueur et 2,40 de hauteur. Visions oniriques de sa quête identitaire : elle fabrique chaque élément avant de s’y mettre en scène et de s’y photographier. Saisissant, le résultat va être exposé à Cannes dans la galerie Opiom du 7 février au 7 mars.

u www.opiomgallery.com

Ci-dessus : Monsoon season Inkjet print / 2011

Ci-contre : Maiden Voyage Inkjet print / 2009

À gauche : Nightscape - Inkjet print / 2012

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Au centre

Laurent Garnier

Un monde électro À 47 ans, Laurent Garnier est l'un des observateurs les plus avisés de la façon dont l'électro a fécondé l'ensemble des musiques du monde. Rencontre avec un éternel curieux Propos recueillis par : Emmanuelle Piganiol

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Laurent Garnier

© Patrick Curtet

Electrochoc est devenu une référence en matière de culture électronique [La première version est sortie en 2003, celle qui vient de sortir comble les dix années écoulées]. Comment expliquez-vous ce succès ? Laurent Garnier : A l’époque de la première version, on manquait de recul. L’histoire de l'électro n'était pas écrite, on était encore en plein dedans. Il faut toujours attendre avant de commencer à avoir une vision globale des choses. Dans la première, on ne jugeait rien, on rapportait ce qu'il s'était passé en simples spectateurs. Dans la seconde, on est davantage dans l'analyse et surtout, dans le ressenti. Je n'ai eu aucune gêne à y évoquer mes questions existentielles. Le processus de travail a-t-il été très différent pour la partie 2003-2013 ? LG : Il a été plus facile parce qu'on se connaissait déjà avec David Brun-Lambert [co-auteur du livre], on était devenus potes. La première partie représente deux ans pendant lesquels il était venu chez moi chaque mercredi. Il m'interviewait pendant cinq heures et à la fin, il me disait : « La semaine prochaine, on parlera de ça, il faut que tu prépares, que tu cherches dans tes flyers, tes vieux carnets… ». J’avais conservé mes carnets de route avec toutes les dates et, bizarrement, à ce moment-là, j'ai arrêté d’en tenir ! Ça a été une vraie thérapie, je n'avais jamais gratté de mots sur un papier. David écrivait, puis je reformulais certains passages avec mes propres mots, mais j'ai été beaucoup moins impliqué dans l'écriture que sur cette nouvelle partie. Comme j’avais eu le temps de digérer la première version, je me suis vraiment tourné vers l’écriture. Vous y évoquez la dimension thérapeutique du livre, vos questionnements sur votre légitimité d’artiste… La question est-elle résolue ? LG : Cette question est naturelle après autant d'années de carrière, surtout à l'approche de la cinquantaine. De toute façon, je me prends éternellement la tête ! Je trouve légitime de partager ces questions, c'est une forme d'honnêteté et je n'ai pas honte de me demander si je suis toujours pertinent. Est-ce normal, à 47 balais, de faire danser des mômes de 20 ans ? Quand tu lis les bouquins des mecs des Stones, ils se sont tous interrogés à ce sujet. Je réponds en disant que lorsque je vois un mec comme François K, tout va bien. Il est beau à voir, il doit avoir 62 ans et quand il joue, il vit complètement la musique ! Tant que je reste cohérent musicalement… En ce moment, j'ai l'impression de retourner les mômes en club, donc ça va ! La BD Rêves syncopés est sortie en même temps que l’intégrale d’Electrochoc, comme un écho plus visuel. Comment ce projet est-il né ? LG : Cette BD, c'est totalement autre chose. Mathilde Ramadier doit avoir 25 ans, elle est française et habite Berlin. Tout est allé très vite et j’ai peu travaillé dessus. Ma-

thilde m'a contacté en me disant : « J'aimerais faire une BD sur le monde de l'électronique, j'ai adoré ton bouquin et j'aimerais que tu en sois l’angle, sans que l'idée soit de raconter ton histoire. Je voudrais la sortir en français, tu es l’un des personnages que je trouve les plus importants… ». Je n’étais pas très chaud, parce qu'à part Le Chant de la Machine, j'ai vu des BD assez catastrophiques sur le monde de la musique électronique. Je l'ai questionnée sur son parcours ainsi que sur le dessinateur, Laurent Bonneau. J’ai regardé ses dessins dans le Metropolitan et j’ai adoré ! Je les ai rencontrés tous les deux, Laurent étant étranger à l'électro, je lui ai dit qu'il allait devoir sortir un peu ! Ils sont venus me voir jouer au Panorama Bar, à Berlin, et au Rex, puis Laurent m’a envoyé des planches. Quand je les ai vues, je leur ai dit : « On fonce, c'est mortel ». Cette BD est l'opposé du bouquin. Le livre est très factuel, avec des noms et des dates, même si on essaye de répondre à des questions ; avec la BD, on est dans un climat. Quand j'ai vu les dessins, c'était exactement

« Je n'ai pas honte de me demander si je suis toujours pertinent » ce que je connaissais de la nuit, ces fins de soirée où, à un moment, tu peux te dire : « Tiens, que s'est-il vraiment passé ? ». J'adore ce côté « rêve ». Ils ont bien retranscrit l'univers de la nuit, la fumée, les mains, les bras, les corps… C'est super beau. Vous revenez souvent sur l’idée de la transmission. À qui sont destinés ces ouvrages, selon vous ? LG : Ressortir Electrochoc il y a cinq ou six ans aurait été une erreur car la nouvelle génération, celle qui a 18 ans aujourd'hui, va à l'encontre de celle que je décris comme « apathique » dans le livre. D'ailleurs, on a fini le livre fin 2012 et depuis, beaucoup de choses ont changé. A Paris, Lyon, un peu partout en France, les clubs sont blindés, c’est la folie, on quitte cette génération de kids qui prenaient des photos… Ils le font encore, mais ça fait tellement partie de leur vie qu’ils s'abandonnent à nouveau sur la piste de danse. Nous, on allait en club pour tout oublier, alors qu’il y a quelques années est arrivée cette génération tournée vers l'image, le package [l’emballage de la musique], qui se foutait du contenu. Tout le contraire de ce nous avons essayé de défendre, de l’esprit techno, de celui d’un Mad Mike… Dès que tu prenais les platines, les mecs se mettaient à te filmer, c’était insupportable. Ils vont avoir une trentaine d'années et je pense que le bouquin s'adresse à eux. Ils n'ont pas connu le vinyle et y reviennent. Plein de gamins ont des petits labels qui vendent 1000 copies vinyles d’un morceau, ce qui était totalement impensable il y a cinq ans ! Le culte de l'objet revient et c’est peut-être grâce à cette génération qui a tout dématérialisé mais qui, maintenant, a envie de savoir. Au bout de 25 ans, il faut raconter l'histoire si on veut qu'elle continue. C’est arrivé

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ÉDITO

Sommaire

Bonne année

04/07 Seun Kuti Afrobeat chapitre 2

On peut malheureusement prévoir qu’en 2014, le nouveau modèle économique de la musique enregistrée ne sera pas encore très défini. On peut aussi et heureusement être sûr que ça n’empêchera pas les musiciens d’imaginer des œuvres étonnantes, singulières et réjouissantes. Vous pouvez découvrir dans notre magazine kiosque le classement des 13 albums les plus excitants de l’année écoulée et vous faire une idée, au long des pages qui suivent, des premiers jalons de l’horizon musical 2014. Un horizon qui démarre comme souvent en Afrique avec le retour du jeune fils du mythique Fela, Seun Kuti, le nouveau chapitre des aventures des rockers du désert Tinariwen ou le dernier album vitaminé de la Malienne Mamani Keita. L’Afrique, également au centre du séduisant projet franco-brésilien Rivière Noire, est le continent où démarre l’odyssée des grands courants artistiques qui enjolivent nos vies. C’est cette histoire que Mondomix et la Cité de la Musique racontent dans l’exposition multimédia Great Black Music, qui aura lieu du 11 mars au 24 août et dont nous vous parlerons plus en détails dans nos prochains numéros. Benjamin MiNiMuM

08/11 ACTU musiques

Ibrahim de Tinariwen @ Marie Planeille

10 / Hommages 11 / Soukmachines // Live

12/20 PORTRAITS, interviews 12 / Tinariwen 14 / Juana Molina 15 / Rivière Noire 16 / Carminho 17 / Argentina 18 / Kristin Asbjornsen 19 / Leyla McCalla 20 / Mamani Keita

22 La rubrique de David Commeillas Folk tropical / James Vincent McMorrow 24 Dis-moi ce que tu ecoutes Laurent Garnier 25/35 CHRONIQUES DISQUES 36 Playlist 37 Label / In Fine 38 Chroniques Livre/TV 40/44 DEHORS


Tendances EnPortraits, couverture interviews « Jésus est mort plusieurs siècles avant le triomphe de la foi chrétienne; l’histoire de l’afrobeat ne fait que commencer » n Seun kuti

A Long Way To The Beginning

(Because)

sortie le 24 février

n En concert

le 15 mars à Aubervilliers pour le Festival Banlieues Bleues ; Le 27 mars au Rocher de Palmer de Cenon (33) n www.facebook.com/seunkutiofficial


En couverture

Afrobeat,

chapitre 2

Seun Kuti

Propos recueillis par : François Mauger

Photographies : Johann Sauty

Le plus impétueux des fils de Fela publie un troisième disque pugnace, produit par le pianiste préféré du rap américain, Robert Glasper. Sept titres, entre afrobeat et highlife, rap et soul, à écouter d’une oreille neuve. Rencontre sérieuse et rieuse

A quoi se réfère l’énigmatique titre de votre nouvel album, A Long Way To The Beginning ? Seun Kuti : Le titre parle de lui-même. Je me sens, en ce moment, au commencement de quelque chose, musicalement et humainement. Même si je fais de la musique depuis très longtemps, j’ai le sentiment qu’avec ce nouvel album, tout commence. Mon premier album était une introduction, le deuxième un approfondissement. Mais celui-ci est réellement le commencement. Je joue de la musique depuis que j’ai huit ans, j’en ai trente aujourd’hui. Le « long chemin vers le commencement » du titre est celui que j’ai parcouru. C’est le début d’un nouveau chapitre, pour moi et pour le groupe. Bob Dylan chantait « That he not busy being born is busy dying »* (« Celui qui n’est pas occupé à naître est occupé à mourir »). Est-ce que notre vie n’est pas de toute façon un éternel commencement ? SK : Pas pour tout le monde. Certains vivent leur vie comme la société leur dit de le faire, sans s’offrir de nouveaux commencements. Les gens qui, comme moi, s’intéressent à la philosophie, à l’histoire, aux débats, meurent de nombreuses fois au cours de l’âge adulte, pour donner naissance à une nouvelle personne, parce qu’ils apprennent sans cesse des choses qui ont un impact sur leur vie. Mais certains ne le font pas. Ils acceptent ce que la société leur demande. Ils vont à la messe le

dimanche ou à la mosquée le vendredi. Ils vont à leur travail, embrassent le cul de leur patron, espèrent une promotion… Tout le monde ne vit pas un nouveau commencement chaque jour. Moi, j’ai la chance de voir la vie comme un continuel processus de croissance et de commencements. Je vais être papa bientôt, c’est un nouveau commencement pour moi aussi… Ce sera la première fois ? SK : Oui, la première fois. Selon vous, l’Afrique connaît-elle, elle aussi, une période de recommencement ? SK : Oui. Je crois que l’Afrique est, plus que jamais, intéressée par son propre développement. Les gens comprennent enfin que, nous, les Africains, devons changer l’Afrique par nousmêmes. Nous ne pouvons pas attendre que quelqu’un d’autre fasse ce boulot à notre place. C’est probablement la principale leçon de ces dernières années. Je ne suis pas sûr que les gens soient prêts à combattre pour ce changement - mais, au moins, ils savent qu’il en faut un et c’est une bonne chose. Est-ce la signification de l’une de vos nouvelles chansons, African Airways ? SK : African Airways n’est qu’une parodie du système économique africain. J’essaie de montrer l’Afrique, le système écono-

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La clé des songes

n juana molina

Wed21

(Crammed)

n www.juanamolina.com

Juana Molina

La chanteuse argentine dépeint depuis deux décennies un univers sonore singulier et volontiers onirique, peuplé d’étranges personnages. Mais quels sont ses secrets de fabrication ? Texte : Benjamin MiNiMuM

14-52

Photo : Marcelo Setton

Voilà dix-sept ans que Juana Molina a tourné le dos à sa très populaire carrière d’humoriste à la télé argentine pour retourner à sa vocation de musicienne. Elle n’a peut-être pas réussi à faire accepter sa décision à la majorité de ses compatriotes, mais elle s’est constitué un nouveau public de fidèles qui ne cesse de s’épaissir à travers le monde. La fille de l’illustre chanteur de tango Horacio Molina et de la comédienne Chunchuna Villafañe s’est forgé un son et un style reconnaissables entre tous. Ses comptines fantaisistes, enrobées de textures et de rythmes électroniques espiègles et choyées par un jeu de guitares sautillantes, profitent d’une alchimie très personnelle.

du temps, tout part de la guitare dont elle joue depuis l’enfance, même si son rôle final n’a pas toujours la même importance. « Avant de commencer Wed21, j’avais écrit six ou sept morceaux à la guitare. Quand j’ai commencé à les enregistrer, ils ne fonctionnaient plus. J’aimais beaucoup Eras et voulais lui trouver une façon d’exister. Le plus dur a été d’admettre que l’idée originelle était une fausse route : je n’ai gardé la guitare qu’au moment du refrain. C’est très différent mais ça fonctionne bien. » Pour son sixième album, Juana désirait rompre avec la routine. « J’avais trouvé une recette mais j’avais peur qu’en faisant cet album de la même façon, il devienne bourgeois, installé. »

Depuis 1998, Juana Molina travaille dans une petite maison jouxtant son habitation, entre la banlieue et la campagne voisine de Buenos Aires. C’est là qu’opère le miracle de la création : « Une fois que je décide qu’il est temps de travailler sur un nouvel album, je m’enferme et j’attends que la porte du tunnel s’ouvre. Pendant quelques jours, je joue des choses sans importance, j’observe l’ordinateur, les câbles, les instruments, ce qui se passe dehors, jusqu’à ce qu’un jour, je ne vois plus rien ! Je disparais, je suis alors dans la musique. » La plupart

Monde parallèle

Mondomix musiques jan/fev 2014

En parlant à des amis de son désir de changements, elle se fait prêter du matériel et adopte un instrument à rythme d’origine allemande, Maschine, qui lui permet de gérer avec aisance les nombreux sons qu’elle fabrique. Elle fait aussi l’acquisition d’une guitare électrique Gibson SG de 1966. Type d’instrument qu’elle n’avait pas utilisé depuis sa jeunesse. « Je comprends pourquoi tout le monde joue de la guitare électrique, c’est beaucoup plus simple

« J’attends que la porte du tunnel s’ouvre » pour la main gauche. Je suis habituée à jouer avec une guitare acoustique qui est très dure et maintenant c’est difficile d’y revenir. » La question musicale réglée, les textes restent à écrire. Commence alors un autre processus : « Quand je chante la mélodie, si un mot me vient, je sais de quoi je vais parler. Quand j’ai un sujet, j’ai l’impression que les paroles appartiennent au morceau. Je fais en sorte que les paroles se fondent avec la musique afin qu’elles ne deviennent pas plus importantes que celle-ci. Je cherche des mots musicaux, qui ne soient pas bêtes. J’essaye de raconter une histoire avec les mots dont je me sers dans la vie courante, car j’aime que cela soit complètement naturel. » Avec ces mots ordinaires, elle anime un univers singulier. D’étranges personnages y sévissent. Un ours devient un homme et un homme devient un ours. Un rat accumule les belles choses et n’arrive à rien jeter. Un insecte éclaire la nuit son chemin telle une voiture miniature. Des histoires venues d’un monde parallèle dont elle seule connaît la clé - mais pour notre plus grand bonheur, elle la laisse volontiers sur la porte.


A la source africaine Rivière noire Trois musiciens d’horizons différents (Orlando Morais, Pascal Danaé, Jean Lamoot) sont partis puiser au Mali une inspiration lumineuse Texte : Louis-Julien Nicolaou Photo : Roch Armando

Rivière noire : le nom convoque à lui seul toute une mythologie poétique. Conrad, le grand fleuve, l’Afrique profonde et ténébreuse… Mais ce n’est ni du Congo, ni de trafic d’ivoire ou de dépressions moites qu’il s’agit ici, mais du Niger, ce fleuve qui arrose la Guinée, le Mali, le Niger et le Nigeria et qui, comme une force magnétique, a attiré à lui trois musiciens brillants et singuliers venus d’horizons différents : Orlando Morais qui, en vingt-cinq ans de carrière, s’est imposé comme l’un des chanteurs les populaires du Brésil, Pascal Danaé, guitariste et songwriter de talent, et Jean Lamoot, bassiste et producteur, notamment d’Alain Bashung, Noir Désir ou Salif Keita.

Etat de grâce La première rencontre a lieu à Paris. Immédiatement, les trois musiciens ont l’impression de fusionner pour mieux se libérer. « J’avais préparé une séance, se rappelle Jean. Orlando a spontanément commencé à chanter, Pascal a trouvé une jolie grille harmonique, j’ai commencé à chercher un tempo. Comme Orlando possède la faculté d’écrire très rapidement, au bout de quatre heures, on avait déjà trois titres ! » L’idée de

former un groupe naît très vite. « Après deux soirées passées à composer, Orlando nous a dit qu’il n’avait jamais ressenti ça… Pascal et moi étions ravis ! On avait quelque chose de très précieux et c’était le bon moment. » Mais déjà, l’appel de l’Afrique se fait sentir : « Elle était là, se rappelle Pascal. Elle longeait les murs, elle était autour de nous et plus on composait, plus il devenait clair qu’on allait partir là-bas. » Le choix du Mali n’aura rien d’arbitraire. Jean a passé une partie de son enfance en pays mandingue. La première fois qu’il y est retourné, en compagnie de Salif Keita, il a reçu un choc. « Je me suis aperçu que mes racines s’y trouvaient. Tout est remonté, j’ai été bouleversé par la voix de Salif et le son des instruments. » Pour Orlando et Pascal, le voyage se révèlera tout aussi bouleversant. « Là-bas, la musique et la danse jaillissent sans cesse, se souvient Pascal. Ce qui m’a le plus marqué, c’est quand [la griote] Bako Dagnon est entrée et a commencé à chanter. J’ai repensé à ma mère... J’ai pleuré sans arrêt, à Bamako. » Avec la collaboration de Kassé Mady Diabaté, Madou Diabaté ou encore Petit Adama, l’album prend des allures de voyage. Un voyage plein de douceur et

« J’ai pleuré sans arrêt, à Bamako » Pascal Danaé de sérénité qui enrichit l’alchimie première, aboutissant à un état de grâce comme il en arrive rarement dans une vie de musicien. « Jean donne aux musiciens la possibilité de se retrouver comme dans un jardin d’enfants, explique Pascal. Cette liberté crée un sentiment de respect mutuel. Tu désapprends presque à jouer et tu laisses venir tout ce qui vient du cœur. » Une sincérité perceptible tout au long d’un disque enregistré « sans besoin de parler » et qui ouvre une voie nouvelle et féconde : « Métisser sans déflorer. Moderniser tout en gardant l’essence portée par la tradition. » Soucieux de prolonger l’aventure, les trois hommes parlent déjà d’aborder d’autres rivages, Madagascar, la Chine ou le Cambodge. Rivière noire ne sera pas sans retour.

n Rivière noire Rivière Noire (Atmospheriques)

n En concert le 30 janvier à l’Alhambra

pour le Festival Au Fil des Voix Paris

15-53 Mondomix musiques jan/fev 2014


Dehors / les meilleures raisons d’aller écouter l’air du temps

Festival Flamenco à Nîmes Du 7 au 19 janvier

Sons d’Hiver Du 23 janvier au 16 février

RussenKo Du 24 au 26 janvier

Comme à la maison Du 29 janvier au 1er février

Nîmes

Val de Marne (94)

Kremlin-Bicêtre (94)

Paris (13eme)

En janvier, la « Rome française » s’habille à l’espagnol. Aux couleurs du flamenco, dans ce qu’il a de plus créatif. Intégré à la programmation du Théâtre de Nîmes, ce carrefour des musiques andalouses prouve une fois de plus sa capacité à attirer les étoiles montantes et confirmées du genre. La présence du grand Israel Galván avec son spectacle Lo Real aux côtés d’une artiste comme Argentina, très plébiscitée en Espagne et nominée aux Latin Grammy Awards, invite à un passionnant voyage en danses et sonorités contrastées.

Sons d’Hiver, c’est l’heure de gloire musicale du 94. Pendant trois semaines, différentes localités du Val-de-Marne sont investies par des pointures américaines du jazz, par des musiciens français et des grands noms des musiques actuelles. Plus swing et éclectique que jamais, cette 23ème édition amènera en autres à Villejuif la soul de Cody ChesnuTT, l’hommage de Gery Allen à la Motown à Choisy-le-Roi, tandis qu’au Mac de Créteil aura lieu le premier concert français de Death, groupe pionnier de l’afro-punk made in Détroit. Comme quoi, le 94 n’a rien à envier aux scènes parisiennes !

Un photographe issu du Sots Art (détournement de la propagande soviétique), un orchestre de balaïkas et de gouslis ou encore des professionnels du jeu vidéo au sein du Living Lab Creative Valley... Au festival RussenKo, les artistes invités n’ont qu’un point commun : la Russie. Chacun avec sa pratique artistique, ils viennent pour la cinquième année faire partager leur culture dans toute sa diversité. Cette fois, c’est la ville de Novossibirsk en Sibérie qui sera l’invitée d’honneur du festival. L’occasion de découvrir le collectif photographique Blue Noses, la série sibérienne d’Alexander Gronsky ou encore l’Orchestre folk russe de la Société Philarmonique de Novossibirsk.

En musique comme en amour, la poésie des premières fois se dit dans l’intimité. Autrement dit, hors d’une scène traditionnelle, barrière entre les oreilles du public et les premiers pas musicaux des artistes. C’est pourquoi le Petit Bain a décidé d’organiser des rencontres Comme à la maison. Qu’ils soient confirmés comme Camille Bazbaz ou plus émergents, les artistes invités durant les quatre soirées du festival y présenteront leurs derniers projets. Soul, électro, chanson française... Une grande diversité de styles seront rassemblés sous la belle et fragile bannière de l’inédit.

+ Le petit truc en plus :

Le vendredi 31 janvier, en première partie de soirée, le cinéma s’invitera comme à la maison. Tahiti Boy convie Mike Ladd et son nouveau projet autour d’un film d’animation intitulé Satchmokovich Plays the Ballad of Mr. Four.

+ Le petit truc en plus : Une soirée de chants d’extremadura, une soirée documentaire, des stages de chant et des projections sur la façade de la maison carrée complètent les grands concerts et permettent à chacun de s’emparer de l’esprit flamenco.

Avec notamment : Rocio Molina/José Galán/Andrés Marin/Argentina/Israel Galván... www.theatredenimes.com

+ Le petit truc en plus : Des soirées thématiques permettront une immersion dans deux styles musicaux : le hip hop de Détroit, le 11 février au Hangar à Vitry, et le flamenco à la Mac de Créteil le 14 février.

Avec notamment : Jamaladeen Tacuma/Bernard Lubat/ Anthony Davis/Milton Graves Quartet/ Wadada Leo Smith... www.sonsdhiver.org

RussenKo ouvre cette année une section gastronomique. Des gastronomes-cuisiniers animeront des ateliers de cuisine et partageront leurs connaissances lors de master-classes.

Avec notamment : Trud/Russ’orchestra/Olga Svliblova (photographe)/Dmitri Bortnikov (écrivain)/Daria Belova (réalisatrice) www.russenko.fr

Au Fil Des Voix Du 30 janvier au 9 février

Alhambra et Studio de l’Ermitage Paris À l’Alhambra, et cette année aussi au Studio de l’Ermitage, des voix venues de nombreuses cultures tissent pour l’hiver un fil harmonique plus réconfortant qu’un bonnet en laine. Pour cette septième édition, une vingtaine d’artistes viendront faire entendre leurs timbres, bien connus comme ceux de Cristina Branco, Mayra Andrade ou Carmen Souza, ou plus émergents, comme la Grecque Katerina Fotinaki, l’Espagnole Maria Berasarte ou encore Carminho, bien connue au Portugal mais encore peu en France. Un fil assez épais, en bref, pour lutter contre la voix enrouée !

42-80 Mondomix musiques jan/fev 2014

+ Le petit truc en plus :

Avec notamment : Black Sifichi / Fixi / Cyril Atef + David Neerman + Boris Kulenovic / Tom Fire Live feat Flavia Coelho... www.russenko.fr

+ Le petit truc en plus : Cette année, Au Fil Des Voix propose des rencontres-débats autour de la diversité culturelle, avec un focus sur l’apport des musiques du monde dans l’apprentissage du mieux vivre ensemble.

Avec notamment : Mamani Keita/Mor Karbasi/Bibi Tanga/ Rivière Noire/Cigdem Aslan... www.aufildesvoix.com


www.mondomix.com


Théma

L'avenir fait des bulles Comment dessiner l'avenir les pieds dans un présent déprimé et presque dépassé par ses propres technologies ? La question a été posée à neuf créateurs : le futur, c'était mieux avant ? Texte : François Mauger

C'est évident : nul n'est prophète en son temps. Il faut parfois des années pour qu'une idée s'incarne. Mais lorsque cela arrive, c'est une consécration. Pierre Christin, scénariste de Valérian, agent spatio-temporel, l'une des premières séries de science-fiction française, a connu ce plaisir. Formidable conteur, il peint ainsi sa récente expédition dans le désert d'Atacama, au nord du Chili, pour y observer un radiotélescope géant tourné vers l'epace : « L'idée de départ de Valérian, c’est l’existence d’exoplanètes sur lesquelles la vie serait hypothétiquement possible, dans d’autres systèmes solaires. Scientifiquement, quand on a commencé la série, en 1967, les astrophysiciens ne faisaient qu'extrapoler ces exoplanètes. Je suis arrivé à Alma au moment où on venait de les voir pour la première fois : on était enfin sûr qu’elles étaient là. Je me suis retrouvé dans cet observatoire en compagnie d'astrophysiciens super sympas de tous les pays. Puis, tout d’un coup, l'un d'eux a demandé : “Mais, Valérian, c’est vous ?”. Il s’est mis à crier : “Hey, les gars, le créateur de Valérian est là”. Et tout le monde a dit : “Valérian, c’est formidable, parce que vous avez vu il y a quarante ans ce que nous sommes en train de découvrir”… C’était très touchant ».

© Lahcène Abib

Le chercheur fantôme de Robin Cousin

90 Mondomix 04 jan/fev 2014

Olivier Vatine, dessinateur et scénariste chevronné qui a initié la série Aquablue et collaboré à deux épisodes de Star Wars, l'héritier de l'empire, reconnaît la même capacité d'anticipation à l'un de ses maîtres, Stefan Wul. Selon lui, ce romancier de science-fiction français, dont l'œuvre est principalement parue au cours des années 50, avait « su anticiper l'importance de l'écologie. A cette époque-là, on commençait à en parler mais ce n’était pas un sujet d’actualité comme ça l’est devenu, avec un sentiment d’urgence ». Dans La peur géante, un texte que Denis Lapière et Mathieu Reynès adaptent aujourd'hui en bande


Dessine-moi un futur

Oms en série de M. Hawthorne et J.D. Morvan

dessinée dans la collection que dirige Olivier Vatine, Wul avait pourtant déjà prévu le réchauffement climatique. Il avait même choisi de situer l'action dans une époque postérieure à son endiguement. Sous la forme de bandes dessinées (Oms en série, signé Mike Hawthorne et Jean-David Morvan, Niourk, signé Olivier Vatine, Piège sur Zarkass, signé Yann et Didier Cassegrain…), ce sont donc des récits de 1957 ou de 1958 qui font l'actualité de la science-fiction française. Le phénomène interloque. Journaliste et commissaire de nombreuses expositions au festival d'Angoulême, Nicolas Finet ne dissimule pas une certaine nostalgie. Celui qui vient de consacrer un livre à Transperceneige, une bande dessinée dont le premier tome est paru en épisodes d'octobre 1982 à juin 1983 mais qui n'a été adaptée que dernièrement au cinéma par le Coréen Bong Joonho sous le titre Snowpiercer, se souvient de cette époque où « on a vu en même temps l’essor de ce qu’on a appelé à l’époque “la bande dessinée adulte”, une forme d’expression qui sortait enfin du ghetto des publications destinées aux enfants, et l'arrivée de la science-fiction. Les éditeurs français ont publié en l’espace de quelques années les chefs d’œuvre de la science-fiction américaine. On avait un bouquin de SF génial toutes les semaines, pratiquement ». Aujourd'hui, tout en avouant ne pas pouvoir tout lire, Nicolas Finet reconnaît ne pas voir « apparaître des choses très étonnantes. Universal War [de Denis Bajram, l'une des meilleures ventes du genre ces dernières années] est bien sûr qualitatif mais c’est peu novateur ». La bande dessinée de science-fiction aurait-elle perdu son pouvoir ? La force de ses fables lui conférait ce que le journaliste Alexandre Raveleau appelle « une résonnance ». Cet auteur d'un très amusant Nos années science-fiction, inventaire des séries télévisées qui nous confronte à l'inconnu de-

« Le moderne se démode »

Pierre Christin

Vanille ou Chocolat ? de Jason Shiga

puis La quatrième dimension (1959) et Au-delà du réel (1963), explique que d'ordinaire le genre permet « une étude de la société actuelle. C’est une manière, pour l’auteur, de parler du monde d’aujourd’hui sans subir de critiques, notamment d'aborder des questions sociales ou politiques, qui, forcément, sont sujettes à controverse. On parle du futur et d’une réalité parallèle. Les gens se projettent. C’est donc beaucoup plus simple d’avoir un discours un peu pénétrant ». « On regarde l’actualité et on essaie de transposer ça, complète Olivier Vatine. Ce qui est bien avec la science-fiction, c’est que c’est une espèce de prisme : ça permet de grossir certains aspects, de forcer le trait. Le futur n’est pas très joyeux mais ça correspond à ce qu’on lit dans les journaux. »

91


Destinations

Islande

Activement impliqué dans l'ouverture de ses fjords aux touristes, convaincu de « l'impact économique positif du tourisme sur l'économie locale » et ravi du retour des jeunes en été pour travailler dans ce secteur en pleine expansion, Arngrímur Viðar Ásgeirsson prône un « tourisme responsable, basé sur l'offre de notre énergie propre, de notre air pur et notre nourriture saine ». Ce qui ne l'empêche pas de voir d'un bon œil la transformation de la seule forêt d'Islande pour proposer des tours de quad à des touristes pas forcément très responsables...

L'autarcie mise en scène Difficile, donc, de dire quelle voie choisiront les acteurs du tourisme. En choisiront-ils d'ailleurs une ? Si ce secteur évolue comme l'univers culturel en général, et musical en particulier, rien n'est moins sûr. Assez peu nombreux et tous concentrés en été, les grands festivals de musique de l'est programment, comme Magni Ásgeirsson, « quelques artistes internationaux à chaque édition (Damien Rice, Glen Hansard...), des Islandais reconnus à l'étranger comme Of Monsters and Men ou Ásgeir Trausti et de grands noms de la musique islandaise dont la réputation n'a jamais vraiment dépassé nos frontières, comme les groupes Þursaflokkurinn ou Megas ». Braedsland, le festival Lunga de Seyðisfjörður destiné au jeune public, Road-rage l'événement rock de Egilsstaðir et Eistaflug, temps fort du heavy metal à Neskaupstaður, sont donc à mi-chemin entre promotion de la culture locale et ouverture à l'extérieur. Ces festivals, toutefois, n'ont pas encore intégré le circuit touristique : « Notre public vient d'un peu partout en Islande. Et c'est très bien comme ça, nous ne souhaitons pas spécialement devenir des attractions touristiques ! », affirme Magni Ásgeirsson. En Islande – là encore, Reykjavik mise à part – l'art et la culture sont affaire d'individus calfeutrés chez eux en hiver. « Comme on le dit souvent, tout le monde est un peu artiste par ici, sans doute parce que nous avons été élevés dans la croyance que nous descendons de vikings poètes autant que découvreurs de terres. Nous pensons que tout est possible, nous ne sommes pas une nation modeste ! », observe le fondateur de Braedsland. Certes, des expositions, des concerts et toutes sortes de propositions artistiques sont organisées dans les salles polyvalentes dont sont équipés la plupart des villages, mais leur rayonnement se limite bien souvent aux quelques communautés alentour.

108 Mondomix 04 jan/fev 2014


Islande

Un goût de l'autarcie qui, dans le domaine touristique, donne lieu à d'étonnantes formes de mise en scène. Avec son enregistrement d'un CD racontant en anglais les histoires d'elfes les plus connues, Ásgeirsson offre un bel exemple du phénomène. À Álfheimar Guesthouse comme dans la grande majorité des infrastructures touristiques de l'est, le fonctionnement familial de l'établissement est aussi exhibé par ses protagonistes. En partie pour faire « authentique », mais aussi parce que dans d'aussi petites communautés, les liens de parenté entre les uns et les autres structurent jusqu'aux habitudes les plus anodines.

109 Mondomix 04 jan/fev 2014


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