Le vrai visage de la prostitution Par Aline Savoie L’industrie du sexe (traite des femmes, prostitution, pornographie, pédophilie, etc.) s’inscrit dans un contexte de mondialisation. Ce commerce, géré surtout par des groupes du crime organisé, rapporte annuellement près de 27,8 milliards de dollars et ils s’en servent pour le blanchiment d’argent. Selon le Rapport mondial sur l’exploitation sexuelle (2012), de 40 à 42 millions de personnes sont prostituées dans le monde dont 80% d’entre elles sont des femmes et des filles : les trois quarts sont âgées de 13 à 25 ans et la majorité des personnes prostituées seraient aux mains de réseaux de traite des êtres humains. L’industrie du sexe promeut un modèle de sexualité qui porte atteinte à l’intégrité physique et psychologique des femmes. L’étude de Farley, menée auprès de 854 femmes prostituées dans neuf pays dont le Canada, confirme que la prostitution cause des traumatismes multiples : 71 % des répondantes avaient subi des agressions physiques au cours de leurs activités prostitutionnelles; 63 % avaient été violées; 68% souffraient de symptômes du stress posttraumatique (SSPT (Farley et collab., 2003). Parmi les 100 répondantes au Canada, 67 % ont été menacées avec une arme; 91% ont subi des assauts physiques; 70 % ont été violées au moins une fois au cours de leurs activités prostitutionnelles et 67 % l’ont été plus de cinq fois. C’est de l’esclavage pur et simple. « Dans la prostitution, l’homme paie pour que la femme ne puisse pas poser de limites. » (Philippe Brenot, psychiatre) Non, le Québec n’est pas à l’abri de ce phénomène. Des enquêtes policières ont révélé l’existence de réseaux organisés qui exploitent de jeunes femmes, adultes et mineures, transférées d’une ville à l’autre, dans les bars de danseuses, les salons de massage érotique, les agences d’escortes et la prostitution de rue. Qui sont ces jeunes femmes, adultes et mineures? Les études montrent que la grande majorité des personnes prostituées ont un passé d’agression sexuelle (inceste, viol, pédophilie) ou ont subi des violences physiques et psychologiques dans leur famille avant d’entrer dans la prostitution. La relation entre la violence physique, sexuelle ou psychologiques et la prostitution paraît évidente. Tous les faits démontrent que la grande majorité des femmes et des filles prostituées se retrouvent dans des situations d’exploitation et de violence qu’elles n’ont pas choisies et
dont elles ne peuvent se libérer sans aide extérieure. C’est donc le rôle de l’État et des lois de veiller à la protection des membres les plus vulnérables de la société. L’Australie a opté pour la légalisation de la prostitution. « Ironiquement, le nombre de bordels sans permis a triplé depuis ce temps et a dépassé le nombre de bordels possédant un permis. Les autorités estiment que, chaque semaine, 60 000 hommes dépensent près de 7 millions de dollars sur le marché de la prostitution et que, chaque année, 4 500 femmes et fillettes entrent sur ce marché. Ces chiffres sont considérables compte tenu du fait que Victoria ne compte qu’environ 4,5 millions d’habitants ». Depuis la légalisation, la violence et les abus à l’égard des prostituées ont augmenté au lieu de diminuer. « (Yolande Geadah, La prostitution, un métier comme un autre? Éditeur VLB, 2003, page 219) En 1999, pour contrer l’exploitation sexuelle, la Suède a adopté une nouvelle loi interdisant l’achat de services sexuels. Cette mesure criminalise le client et le proxénète, mais non la prostituée. Des mesures sociales et éducatives, adaptées à leurs besoins, ont été apportées aux prostituées et des programmes de prévention ont été mis en place visant à empêcher que de nouvelles personnes ne tombent dans le piège de la prostitution. Par cette loi, la Suède a su créer les conditions sociales favorables pour freiner et prévenir l’expansion massive de la prostitution et du trafic sexuel au pays. Dans un rapport dominant/dominée, l’égalité est loin d’être atteinte. Le mythe du « plus vieux métier du monde… » oblige à accepter ce rapport d’esclavage. Il nous interdit de revendiquer un monde sans prostitution. Rétablissons les faits : le plus vieux métier du monde est « sage-femme ». Ainsi, nous réfutons la conception de la prostitution comme étant un mal nécessaire. « Si c’était nécessaire, c’est un bien. Si c’est un mal, il n’est pas nécessaire. » (Krafft-Ebing, cité dans Coquart et Huet, 2000, p. 149) Nécessaire pour qui, au juste? Depuis 1999, l’Assemblée générale des Nations Unies invite, à chaque année, les gouvernements à prendre des mesures permettant de mettre un terme aux nombreuses manifestations de violence faite aux femmes. Depuis, le gouvernement du Québec témoigne annuellement de ses engagements pour contrer la violence faite aux femmes. En l’an 2 000, dans le cadre de la première Marche mondiale des femmes, le Centre Rayons de femmes a revendiqué, haut et fort, le respect et la dignité pour les femmes du
monde entier. Tant et aussi longtemps que nous n’obtiendrons pas justice, nous poursuivrons ensemble notre combat. (Source : Conseil du statut de la femme, Avis, La prostitution : il est temps d’agir, mai 2012) Aline Savoie, Membre de la Coalition locale de la Marche mondiale des femmes Présidente régionale Laval-Laurentides-Lanaudière, AREQ (CSQ)