16 décembre 2012 3ème dimanche de l’Avent Luc 3,10-18
« Ce n’est pas moi… il vient ! »
Pour bien connaitre quelqu’un, il faut avoir mangé un tonneau de sel avec lui… Je croyais que c’était un proverbe arabe, mais en y regardant de plus près, on dirait que, avec quelques variantes, on retrouve ce proverbe un peu partout… Et c’est vrai qu’il n’est pas facile de bien connaitre quelqu’un. En plus, nous changeons au fur et à mesure que les années passent… On n’a donc jamais fini de connaitre quelqu’un et les surprises ne manquent jamais. Alors un tonneau de sel, même si ça représente un bon nombre de repas, il n’est pas sûr que ce soit suffisant ! Il y a quelques mois, des politiques avaient voulu lancer une réflexion au niveau national. Il s’agissait de définir l’identité française… Vous vous souvenez des débats sans fin… Pour caricaturer, certains auraient voulu que tout bon français porte un béret basque et mange chaque jour sa baguette ! Que ce soit pour une personne ou pour un peuple, l’identité reste toujours un peu mystérieuse. Et il en était déjà comme cela dans la bible. A propos de Jean Baptiste. Les foules venaient ver lui. On pourrait penser qu’elles savaient pourquoi. Et pourtant, Saint Luc écrit : « Le peuple était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Messie ». Ils se demandaient en eux-mêmes. Ils n’étaient pas sûrs. Du coup, Jean Baptiste explique. Ce n’est pas moi… il vient !
C’est encore comme ça aujourd’hui. Je me souviens du jour où j’ai été ordonné prêtre. J’entends encore, en sortant de la cérémonie, cette cousine éloignée qui demande à mes parents : « Comment faut-il l‘appeler maintenant ? ». Plus récemment, j’accompagnais un étudiant dans sa famille pour un week end. La grande question des parents : « Un prêtre… qu’est-ce qu’il faut lui préparer à manger ? ». A Libreville, j’étais un jour chez des amis, en train de prendre une bière au salon. Arrive quelqu’un que je ne connaissais pas. Après m’avoir salué, Il demande à mon ami, dans leur langue, croyant que je n’allais pas comprendre : « c’est qui ce blanc ? ». Et mon ami de répondre : « A se ki ntang, ane minesse » (« C’est pas un blanc, c’est un prêtre ! »)
Ce n’est plus à Libreville, c’est à Saint Etienne, mais c’est toujours la Regab… (bière gabonaise, à déguster…) http://joie-en-communaute.over-blog.com/article-3753717.html Je pourrais continuer comme cela pendant un bon moment… Que ce soit Jean Baptiste, que ce soit nous autres, les prêtres, il faut sans cesse expliquer : « Il vient, celui qui est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de dénouer ses sandales ». Le plus surprenant c’est que Jean Baptiste lui-même, se pose des questions. Vous vous souvenez : alors qu’il est en prison, il envoie demander à Jésus : "Es-Tu Celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?" Quand je vous disais que ce n’est pas facile de bien connaitre quelqu’un…. Heureusement, Jésus répond clairement : « Allez dire à Jean Baptiste : les aveugles voient, les sourds entendent, les boiteux marchent, la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres. » Et Jésus va aller plus loin ! Comme Jean Baptiste, il va nous inviter à retrousser les manches. Mais il va aller plus loin. Jean Baptiste disait : celui qui a deux vêtements, qu’il partage avec celui qui n’a rien, celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même. Les collecteurs d’impôts sont invités à ne rien exiger au delà de ce qui est fixé. Aux soldats, Jean Baptiste répond : ne faites ni violence ni tort à personne ». Mais Jésus lui, va aller plus loin. Non seulement il nous dit que c’est bien lui, celui qui doit venir, mais quand jean Baptiste disait si tu as deux manteaux, partage avec celui qui n’en a pas… Jésus lui, dit : si tu donnes un manteau à celui n’en a pas, c’est à moi que tu le donnes, si tu donnes à manger à celui qui n’a rien, c’est à moi que tu le donnes… Si tu vas rendre visite à un prisonnier, c’est à moi que tu rends visite, si tu vas rendre visite à un malade, c’est à moi que tu vas rendre visite… Voila donc Jean Baptiste, au fond de sa prison, rassuré. Nous voila rassurés également, Jésus a vécu sur notre terre il y a 2000 ans, et il est encore là aujourd’hui. Nous savons qui il est, et nous savons que nous pouvons le rencontrer à tout instant.
Jean Baptiste n’est pas celui qui doit venir, les prêtres que nous sommes non plus. Jésus, celui qui devait venir est là. S’il y a des demi dieux, des gens qu’il faut mettre sur un piédestal, ce ne sont pas les diacres, les prêtres, les évêques, ni même le pape… S’il y a des demi-dieux … (entre guillemets), ce sont ceux qui ont faim, ceux qui ont soif, ceux qui sont nus, ceux sont en prison, les étrangers, ceux qui sont malades….
Saint Vincent de Paul avait bien compris cela : « Ne vous occupez pas des prisonniers si vous ne consentez pas à être leurs sujets et leurs élèves. Ceux que nous appelons des misérables, ce sont eux qui doivent nous évangéliser et convertir. Après Dieu, c'est à eux que je dois le plus ». Saint Vincent de Paul, c’était au 17 ème siècle. N’allons pas chercher si loin…
Saint Vincent de Paul secourant les prisonniers http://www.flickr.com/photos/43756323@N08/4628944682/
Je vous ai déjà parlé de Solange l’année dernière. Cette jeune femme que je connaissais depuis une quarantaine d’années, avait une maladie inconnue en Europe : la drépanocytose. Une maladie incurable qui fait beaucoup souffrir. Elle a quitté cette terre il y a trois mois. Une délivrance. Voici ce que je vous disais l’année dernière, c’était en octobre 2011 : Je voudrais partager avec vous ce que j’ai vécu dimanche dernier, à Chevilly. Solange, une jeune femme gabonaise était hospitalisée à Créteil, à l’hôpital Mondor.
Au départ, elle devait être opérée de la hanche, mais, drépanocytaire, elle a commencé par faire une crise de drépanocytose, elle a été hospitalisée pour ça, et l’opération de la hanche a donc été repoussée. Problème, car sa prise en charge ne prévoyait pas ce report, et en plus, il fallait qu’elle sorte de l’hôpital, le temps de reprendre des forces, avec cette difficulté : se retrouver sans argent, et sans connaissances dans la région parisienne... Elle en a fait une chute au niveau dépression cette fois, et finalement elle s’est retrouvée au dernier étage de l’hôpital, tout en haut, en psychiatrie. Dans une chambre aux murs nus, sans téléphone, et sans télévision. De quoi être encore plus malade ! Je vous ai donné tous ces détails, c’est important pour comprendre la suite. Finalement l’opération a eu lieu, elle marche déjà, avec des béquilles. Dimanche dernier, elle a obtenu une permission et je l’ai emmenée prendre l’air. On a fait un tour dans le parc de Chevilly. Il faisait beau, et même très beau. A un moment, elle s’exclame : « Il faut rendre grâces au Seigneur... On est toujours en train de se plaindre, là on a un beau ciel bleu, il ne fait pas froid, il y a du soleil, il faut savoir dire merci à Dieu même pour les petites choses, et en plus, un beau ciel bleu, ce n’est pas une petite chose... » « Il faut remercier le Seigneur ». Je crois que je vais retenir longtemps cette petite phrase. Après plus de trois mois à l’hôpital, seule, avec la drépanocytose qui la fait souffrir depuis sa naissance, avec en plus une opération douloureuse, et un séjour en psychiatrie, elle aurait pu avoir d’autres réactions. Eh bien non, tout cela ne l’empêche pas de remercier le Seigneur pour un rayon de soleil. Alors, une fois de plus, j’ai envie de dire : « les pauvres m’ont évangélisé ». Saint Vincent de Paul parlait des prisonniers. Eh bien les malades aussi peuvent nous évangéliser, nous faire comprendre l’évangile. Aujourd’hui, pour conclure, j’ajouterai cette louange entendue sur la bouche de Jésus : « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits ». Et j’ajouterai aussi ce que Saint Paul disait aux Philippiens (c’était dans la 2 ème lecture que nous avons entendu) : « Soyez toujours dans la joie, ne soyez inquiets de rien, le Seigneur est proche. » Le 16 décembre 2012 Gérard Warenghem ---------------------------
Paris, le 6 septembre 2012. Je viens d’apprendre le décès de Solange (Nsourou Eko). C’est en 1992 qu’avec ses parents, Michel Eko et Marie Jeanne Obele, nous avons créé la communauté de « Fin de goudron », appelée par la suite : « communauté Saint Jean Baptiste ». Solange était alors dans l’équipe des CV – AV attachée à la communauté.
Une photo de Solange en 1997 (photo rescapée de l’incendie de 1985) Drépanocytaire, Solange a vécu toute sa vie dans la souffrance. Combien de fois l’ai-je amenée à l’hôpital ou chez le docteur Alain Ondo… Ces dernières années, elle était venue plusieurs fois en France, espérant apaiser ses souffrances. Hélas…
En 2012 Je pourrais vous parler de Solange durant des heures. Je vais simplement vous renvoyer à ce que j’ai déjà écrit ces dernières années, à des photos, et même à une vidéo : en 2010, sa communauté m’avait invité, elle était malade, et on était allé lui rendre visite. Dans « La joie de vivre en communauté » : La communauté de Fin de goudron : http://joie-en-communaute.over-blog.com/article3754293.html - Dans Une communauté sans frontières Une communauté qui dure : http://joie2.over-blog.com/article-une-communaute-sansfrontieres-aux-multiples-ramifications-64346941.html La vidéo : http://www.dailymotion.com/video/xey9vk_avec-la-communaute-st-jeanbaptiste_people -------------------------------------------
S’il y a des demi dieux, des gens qu’il faut mettre sur un piédestal, ce ne sont pas les diacres, les prêtres, les évêques, ni même le pape… S’il y a des demi-dieux … (entre guillemets), ce sont ceux qui ont faim, ceux qui ont soif, ceux qui sont nus, ceux sont en prison, les étrangers, ceux qui sont malades…. A cette nouvelle, les apôtres Barnabas et Paul déchirèrent leur manteau et se précipitèrent vers la foule en criant : « Oh, que faites-vous là ? disaient-ils. Nous aussi nous sommes des hommes, au même titre que vous ! La Bonne Nouvelle que nous vous annonçons, c’est d’abandonner ces sottises pour vous tourner vers le Dieu vivant » (Actes 14, 10-15). http://joie-en-communaute.over-blog.com/article-3756400.html