LA VILLE ARCHIPEL
de Elisabeth Ankou & Pauline Lhuillier Editions Crados
Anvers, ville archipel
Première partie de mémoire de projet de fin d’études en architecture. Réalisé sous la direction de Nicolas Pham. Elisabeth Ankou & Pauline Lhuillier, Ensa-Versailles, Février 2018.
PREAMBULE L ’eau est présente à 80% sur la surface de la Terre. Le trafic maritime fait l’objet de 90% du traffic commercial, faisant ainsi des villes portuaires des points stratégiques. En effet depuis des millénaires, et à travers l’Histoire, les villes dotées d’un port ou installées au bord de l’eau ont toujours eu un avantage stratégique (en termes d’échanges, de commerce, de conditions de vie ou militairement parlant). Les villes portuaires ont toujours été enviées pour leur plus grande richesse, compléxité et position. Pourtant, aujourd’hui il semble que les ports (synonymes de commerce et de réseaux divers) ne soient plus définis que par leurs apports économiques. On constate, comme c’est le cas pour les aéroports, un véritable détachement entre le port et son centre-ville. Cette mise à l’écart s’explique en grande partie par une volonté de plus importantes efficacité et productivité du port, qui devient presque une administration indépendante de la ville. Le couple ville/port semble devoir se renforcer. Cela permettrait des zones d’interfaces particulièrement riches d’opportunités. Or de nombreux espaces portuaires actuellement non habilités sont souvent utilisés comme des zones prestigieuses (plages privées appartenant à des hôtels ou à de riches propriétaires, parcs à yachts par exemple). Ces espaces pourraient servir d’espaces pour des équipements publics, moteurs de ces intéractions ville/ port. La définition d’un port ne se limite pas au noeud de circulations et de réseaux maritimes et terrestres. En effet il pourrait être considéré comme une réelle extension de la ville sur ou aux abords de la mer. Il est avant tout une place où hommes et denrées se rencontrent.
S O M M A I RE Anvers, ville portuaire • •
Structure Historique
Anvers, ville archipel • • • • • •
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09 Centre-ville Port Rive gauche Eilandje Merksem Deurne
STRUCTURE DU TERRITOIRE ANVERSOIS Le lien fort existant entre l’eau et la ville est primordial pour une ville portuaire et a rôle majeur dans l’économie et le bon fonctionnement de celle-ci.
d’assurer pleinement son statut de port international. Il est actuellement le second port d’Europe, premier comme port chimique d’Europe, et le 17ème port mondial. Le port d’Anvers s’est étendu au Nord de la ville sur 13 000 hectares, atteignant aujourd’hui les limites avec la frontière des Pays-Bas.
L’intérêt pour cette interaction d’une grande richesse que permet le couple ville/port nous a dirigées vers le choix d’une ville portuaire dotée d’un port conséquent. La volonté était d’abord de trouver une ville propice à cette interaction. Notre choix s’est porté sur la ville d’Anvers, ville flamande de Belgique.
Il existe à Anvers une relation active entre la ville et le port, qu’on pourrait qualifiée d’immatérielle et est impalpable pour les habitants de la ville. L’industrialisation et la spécificité des activités du port engendrent une sécurisation de son territoire, le rendant alors imperméable à échelle humaine et le maintien éloigné des Anversois. La ville quant à elle a l’image d’une ville portuaire même si celui-ci n’est plus dans la ville. Elle s’est vue attribuer de nombreux villages devenant ainsi ses communes actuelles. La ville est en quelque sorte une «ville de villages» avec des identités différentes.
A l’image d’une ville portuaire efficiente, Anvers a su tirer profit de ses différentes et multiples compétences nécessaires pour développer son activité portuaire. La zone portuaire prend en charge efficacement la logistique multimodale, l’assemblage est géré par l’arrière-pays belge hautement industrialisé, la commercialisation et la distribution sont assurées par les services de la ville. Ainsi c’est une grande « machine », qui met en résonnance chargement/déchargement, production/consommation, répartie sur l’ensemble d’un territoire. Cela assure à Anvers une place forte dans l’économie portuaire mondiale. Anvers doit la performance de son activité portuaire à sa position géographique le long de l’Escaut à 88km de la mer du Nord et son réseau multimodal développé (fluvial, routier et ferroviaire), lui permettant
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* Représentation de la particularité de la configuration géographique d’Anvers, qui a une image de ville «sablier». En effet elle propose une juxtaposition de deux entités géographiquement très marquées. Il y a une nette distinction entre le port au Nord et la ville au Sud. 02
Actuellement l’interaction ville/ port se caractérise par des échanges d’ordre pratique, de flux, de mobilités. 65 000 anversois travaillent au port, mais le reste des habitants ne connaissent que très peu cet environnement.
Le fossé institutionel s’est creusé imprimant sa marque sur le paysage ville/port.
La plupart de ces interactions semblent alors non mesurables à l’échelle de la ville. C’est cette dualité entre ces deux échelles, celle du port et celle de la ville qui nous parait particulièrement intéressante. En accordant l’autonomie au port, pour une plus grande concurrence à l’international, ce statut l’a mis à l’écart de la ville et de l’espace urbain.
L’idée de notre intervention est de rétablir le dialogue, tout en promouvant l’identité maritime de la ville portuaire. Notre ambition tend vers la recherche d’une coexistence et d’une cohabitation entre la ville et son port, pour certes à permettre l’économie portuaire mais sans en imputer l’urbanité de la ville.
Il se pose alors la question de la pérennité de la ville portuaire quant au sujet de sa viabilité (économie) et sa vivabilité (urbanité).
* Maquette de l’artefact représentant la ville d’Anvers 03
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HISTOIRE D’ANVERS Dès le Moyen Age, Anvers s’est dotée d’un port, aménagé à l’intérieur même de la ville, le long de l’Escaut. Il a été la vitrine, la porte d’entrée de la ville. C’est autour de lui que celle-ci s’est développée. Jusqu’à la Renaissance il n’y a pas de distinction entre la ville et le port.
Suite à l’industrialisation forte du XXe siècle et à l’économie mondiale, la productivité est devenue telle que le port d’Anvers n’a cessé de s’émanciper de la ville d’Anvers au profit de son activité toujours plus croissante et répondant aux besoins de ses infrastructures spécifiques. Le couple ville/port qui était auparavant associés, sont désormais dissociés.
Sous l’occupation française, Napoléon Bonaparte établit au Nord de la ville un port militaire, depuis lequel il pouvait envahir ou attaquer l’Angleterre, toujours à l’intérieur des fortifications de la ville avec le premier dock Bonaparte. A cette époque, l’activité commerciale liée au port est moindre en raison des taxes néerlandaises qui freinent alors l’économie portuaire.
Aujourd’hui l’activité portuaire anversoise ne se limite pas seulement au périmètre largement investi au Nord jusqu’à la frontière hollandaise, mais s’est également installé au Sud de la ville, et à l’Est, le long du Canal Albert.
Il faut attendre la deuxième moitié du XIXème siècle et les débuts de la Colonisation, 1863 plus précisément, pour que la navigation soit définitivement libre après le rachat forfaitaire du droit de navigation par le ministre Charles Rogier. La croissance d’Anvers reprend (notamment avec la colonisation du Congo), l’activité commerciale portuaire se ré-ouvre et le port a peu à peu migré vers le Nord, hors des fortifications.
* Cartes historiques retraçant l’évolution du couple port/ville 07
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ANVERS, VILLE ARCHIPEL Nous avons choisi de définir Anvers comme une ville archipel.
Sa largeur également permet difficilement le franchissement de l’eau notamment entre le Centre-ville et la Rive gauche.
En effet la métropole anversoise semble être fracturée par des réseaux et des flux, renforçant l’idée d’une division de celle-ci en plusieurs entités. D’autant plus que la ville se compose de multiples lieux ayant chacun une atmosphère et un paysage spécifiques.
De plus, les infrastructures autoroutières et ferroviaires, tel que le Ring qui encercle la ville, tentent tant bien que mal de connecter ses différentes entités dissociées (comme la ville et ses banlieues ou la ville et le port par exemple).
Nous distinguons six entités principales, que nous avons choisi de considérer comme des « îles »: le Centre-Ville, le Port, la Rive Gauche, Eilandje, Merksem et Deurne. Nous les nommons respectivement : la Cité, la Machine, l’Autre Anvers, l’Entre-deux, le Village du XIXème et le Village du XXème.
Chacune des îles possède une identité, des logiques et des dispositifs qui leurs sont propres. Elles semblent même autonomes. Cette ville archipel paraît d’autant plus complexe et hétérogène, que ses îles confrontent des échelles, des morphologies urbaines, des archétypes et des usages différents.
Large de 500m, le fleuve de l’Escaut à proximité de la ville s’assimile plutôt à une limite. En effet l’eau traverse la ville et est commune aux six îles. Pourtant l’eau se révèle être plutôt séparatrice que fédératrice entre les différentes parties de la ville.
L’eau est certes un dénominateur commun à chacune des îles, et pourtant il s’impose luimême comme un élément séparateur ayant lui aussi ses propres logiques. L’espace de l’eau dans la ville est en lui-même un sujet à considérer.
Ce constat s’explique par le fait que les usages et les fonctions du fleuve se destinent largement au profit de l’activité portuaire et du fret.
* Carte de la ville d’Anvers et ses réseaux, avec points de prises de vues photographiques sur les six «îles» 09
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CENTRE VILLE ou la Cité
Le centre-ville, cœur historique d’Anvers, est organisé de manière concentrique et est contenu dans l’enceinte du Ring, le grand réseau routier de la métropole, construit sur les traces des anciennes fortifications. Le centre-ville est caractérisé par un tissu urbain homogène très dense, en contraste avec ses périphéries lointaines diffuses. Il est également ponctué d’objets métropolitains, à plus grande échelle, se définissant comme des figures exceptionnelles remarquables. Ces exceptions se démarquent de leur contexte aussi bien verticalement qu’horizontalement. Le centre-ville se caractérise aussi par ses porosités qualitatives (vides à requalifiés et aménagés) pour le tissus urbain et son renouvellement. Certaines d’entre elles sont aujourd’hui transformées et réhabilitées comme le parc spoor noor, qui fait partie de ces espaces métropolitains de la ville fortement dynamique.
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* Plan et coupe morphlogique de l’île 15
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PORT
ou la Machine Spécialisé dans la pétrochimie, l’acier, le gaz et dans la conteneurisation, le port s’étend sur 13000 hectares jusqu’à la frontière néerlandaise. Il se déploie sur les deux rives d’Anvers, avec 840km de voies ferrées, et cinq autoroutes. Sa situation est complexe et est à l’image de son ampleur. Il se positionne sur deux rives, trois communes et deux provinces. Le port industriel d’Anvers compte 900 entreprises, 214.166.958 tonnes de marchandises traitées, 14 473 navires, 117.909.607 tonnes de conteneurs. Le port assure 76% du trafic maritime flamand, 65 000 emplois directs et 183 000 indirects. Ces chiffres ne sont qu’un bref aperçu de l’immensité du port, de son gigantisme. Il est à la démesure de l’homme tant il parait s’étendre à perte de vue. L’accès y est possible en vélo, permettant ainsi à de nombreux travailleurs anversois de s’y rendre via les pistes cyclables. Malgré un aménagement propice à la promenade, l’air ambiant pollué est tel qu’il en devient pénible de s’y attarder. On confère à ce paysage brut et industriel un certain esthétisme. En le contemplant de loin, on pressent des activités incessantes notamment dûs aux flux de mobilité, de fret à travers toute la ville. 19
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* Plan et coupe morphlogique de l’île 23
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RIVE GAUCHE
ou l’Autre Anvers
La rive gauche, qui s’est urbanisée tardivement, est essentiellement résidentielle et propose des activités de loisirs et de plaisance liées à l’Escaut. Cette rive concentre une forte densité de logements sociaux, 47% en 2007 et est urbanisée selon des logiques bien différentes de celle du centre-ville d’Anvers. Contrairement au centre-ville le tissu est moins dense et se caractérise majoritairement par des grands ensembles et du pavillonnaire. Son port se résume à un port de plaisance et est coupé de toute activité portuaire industrielle. Cette rive de la ville d’Anvers n’est connectée avec le centre que par trois tunnels. La mobilité n’y est donc pas facilement praticable, certains anversois n’y sont encore jamais allés. Cette partie de la ville est postée en retrait et propose de contempler le spectacle que nous offre la ville portuaire.
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EILANDJE
ou l’Entre-deux Véritable spot stratégique, Eilandje se situe à l’exact point de rencontre entre le port industriel et le centre-ville. Anciens docks du XIXème siècle, une opération de réhabilitation en port de plaisance et en un quartier nouveau de la ville est toujours en cours. L’idée est de proposer un nouveau cadre de vie aux anversois, avec une offre importante de logements et de services. Cette île semble être plutôt rythmée par l’attraction touristique incarnée par le MAS. Eilandje concentre de nombreux programmes mixtes, avec ce nouveau quartier de la ville et les activités portuaires qui y sont encore en place au nord de ce site.
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MERKSEM
ou le Village du XIXème Merksem est une banlieue d’Anvers situé au Nord Est du centre-ville, au-delà du Ring et du canal Albert. Son centre s’apparente à un véritable cœur de village, avec son église et sa place publique. Le cœur de cette banlieue concentre son dynamisme urbain tout le long de son artère principale, qui est une grande rue très commerçante. Le reste du tissu est essentiellement caractérisé par la particularité de l’hybridation entre habitat et activité. En effet de nombreux secteurs d’activité se retrouvent en cœur d’îlot, entourés d’habitation. Ce dispositif est récurrent et peut prendre toute sorte de variantes. Dans ce quartier les entrées des activités industrielles se confondent avec le paysage résidentiel du notamment à cette répétition de façades très homogènes. Les entrées des services ou entreprises respectent les mêmes prospect et gabarit de composition de façade, pour une cohérence de l’îlot et de la rue dans son ensemble. Merksem, bien qu’elle soit une annexe de la ville d’Anvers est dotée d’un petit port industriel lié au canal Albert datant du début du XXe siècle toujours très actif aujourd’hui.
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* Plan et coupe morphlogique de l’île 47
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DEURNE
ou le Village du XXème Deurne est elle aussi à la périphérie du centre-ville d’Anvers, au Nord Est, en vis à vis de Merksem. Cette proche banlieue est impactée par la forte présence d’infrastructures, notamment autoroutières, avec la présence du Ring et du réseau ferroviaire, toujours en activité. Elle est en ce sens très bien desservie par les transports publics de la ville, métro et bus. Ici, l’espace se pratique plus aisément en voiture. En cause, l’existence d’importants équipements publics, tels que le palais des sports Sport Arena et le Lotto Arena salle de concert, ou encore la zone événementielle de Sinkenfoor où se tiennent festivals et fêtes foraines. Ces derniers font de cette banlieue un lieu très fréquenté. Ce quartier plutôt populaire est lui aussi caractérisé par un tissu résidentiel riche d’activités diversifiées en cœur d’îlot. Situé le long du canal Albert, les berges de cette rive sont investies tout comme Merksem par des industries portuaires liées au canal.
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* Plan et coupe morphlogique de l’île 55
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* Image de la maquette d’étude de la «ville archipel» 59
RE F E RE N C E S Etude sur Anvers de Paola Vigano et Bernardo Secchi ÂŤAnvers, faire aimer la villeÂť de Ariella Masboungi
La ville archipel Ce livret est un extrait de notre mémoire de fin d’études en école d’architecture. Il fait l’objet d’une analyse sur la ville d’Anvers. Il détaille la situation morphologique, typologique, géographique et historique de la ville. Il fait partie d’un ensemble de trois livrets, dont il est le premier volet.