Chapelle Notre-Dame-du-Haut Ronchamp (1950-1955) Le Corbusier
Mariane Elhuyar - Hélène Hérault - Pauline Merlet
UE4.3.3-STA et UE4.5.2-HCA/ 2011-2012 TD interdisciplinaire d’analyse architecturale et constructive : «conception et construction d’un bâtiment dans son époque»
Au premier abord, la chapelle de Ronchamp déconcerte. Nous sommes habitués à des églises tracées selon des plans réguliers où la symétrie règne. Malgré tout, la chapelle Notre-Dame du Haut de Ronchamp se soumet admirablement à la pratique de la liturgie. Selon l’abbé Marcel Ferry « le drame chrétien a pris possession de ce lieu ». Le Corbusier est parvenu à susciter des émotions religieuses par le jeu des formes, des espaces et de la lumière, mais sans recourir à une typologie ecclésiale évidente.
Comment la chapelle Notre-Dame du Haut de Ronchamp incarne-t-elle le Sacré ?
I Une commande particulière Une commande très libre Un lieu chargé d’histoire Le contexte de la Reconstruction L’architecte
II La chapelle Intentions premières Insertion dans le site Comparaison avec une église traditionnelle Description des espaces Aspect constructif Détails de construction : le mur sud et la toiture Les matériaux
III L’espace sacré Le mouvement Massif-creux Lumière-ombre Couleur-blanc et noir Comment se place-t-elle dans l’histoire de l’Art Sacré ?
Conclusion Bibliographie Annexes
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I Une commande particulière Une commande très libre En 1950, Le Corbusier se voit demander de reconstruire la chapelle Notre-Dame du Haut, rasée par les bombardements. Le programme est donc celui d’un edifice religieux. Il est très libre : il s’agit de rebâtir la chapelle, et la seule exigence est de pouvoir faire le service de la messe. Le Corbusier a le champ libre pour faire ce qu’il souhaite. Qu’est-ce qu’une église? C’est par définition un édifice où se réunissent les chrétiens pour célébrer leur culte mais il n’induit pas d’autres nécessités.
Un lieu chargé d’histoire Géographiquement, le site est une colline-la colline de Bourlémont- qui s’appuie sur un massif montagneux, au sud des Vosges près de Ronchamp (entre Lure et Belfort). La chapelle se trouve à 476m d’altitude. La colline de Ronchamp est un lieu de pèlerinage depuis de nombreuses années. L’occupation du site est très ancienne : dès le Moyen-âge, tous les 8 Septembre, des foires et des marchés importants se tenaient à Ronchamp, en contrebas de la colline. Sur la hauteur, se déroulaient des pèlerinages à la vierge Marie : Notre-Dame de Septembre.
En 1749, une église est construite dans la vallée; celle située en haut de la colline prend donc le nom de Notre-Dame du Haut. Elle est restaurée et agrandie au cours du XIXeme siècle, mais incendiée par la foudre en 1913. La malchance frappe à nouveau quand la nouvelle église, achevée en 1936, est écrasée par les combats de 1944.
Ancienne chapelle néogothique
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A proximité de la chapelle, sous les arbres, on trouve aujourd’hui un clocher. Réalisé par Jean Prouvé en 1975, il retrace l’histoire du site. Il réunit trois cloches : la plus grosse a été fondue en 1869 et se situait dans la chapelle incendiée en 1913. La deuxième, fondue en 1936, se trouvait dans l’église bombardée en 1944 et la petite a été fondue en 1975.
Le contexte : la Reconstruction La toile de fond de ce projet est l’après-guerre. En effet, près de 4000 églises sont sinistrées en France. Comme pour tous les bâtiments, il y a une procédure de financement des dommages de guerre et des problèmes d’approvisionnement en matériaux. D’autre part, en architecture, c’est la période de la querelle de l’Art Sacré : peut-on faire des églises modernes?
Pourquoi Le Corbusier? « Non seulement nous tenions Le Corbusier pour le plus grand architecte vivant, mais encore pour celui en qui le sens spontané du sacré est plus authentique et plus fort » Révérend Père Couturier «La nécessité d’utiliser un béton plus économique que la pierre de taille et surtout le souhait de le faire dans les formes sacrées et modernes firent songer à le Corbusier.» Abbé Marcel Ferry
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L’architecte
Le Corbusier est né le 6 octobre 1887, à La Chaux-de-Fonds, en Suisse. Avant de débuter l’apprentissage de l’architecture aux cotés d’Auguste Perret, il fait des études de gravure et d’arts décoratifs. Au cours de sa carrière, il travaille avec l’architecte allemand Peter Behrens, à Berlin où il rencontra Walter Gropius et Mies van der Rohe.
C’est l’un des principaux représentants du mouvement moderne avec, entre autre, Ludwig Mies van der Rohe, Walter Gropius, Alvar Aalto etTheo van Doesburg. Jusqu’à sa mort le 27 août 1965, Le Corbusier fit preuve d’une capacité de renouvellement et d’inventivité énorme. Le Corbusier est quelqu’un qui voyage beaucoup. Il accumule des carnets de croquis dans lesquels il retranscrit les éléments marquant de ses voyages. Il collectionne également toutes sortes d’objets qui lui ‘’parlent’’.
Bien qu’il soit athée, cela ne l’empêche pas de réaliser des édifices religieux comme le couvent de la Tourette ou la Chapelle Notre-Dame-du-Haut. Pour lui, la réalisation d’un édifice sacré est une expérience intellectuelle, sensible et spirituelle. L’architecte s’emploie à susciter des émotions à travers l’architecture. C’est en jouant subtilement avec la lumière, les volumes, les formes et les couleurs qu’il parvient à toucher le visiteur. Le Corbusier déclare qu’en « bâtissant la chapelle, (il a) voulu créer un lieu de silence, de prière, de paix, de joie intérieure. Le sentiment de sacré anima (leur) effort. Des choses sont sacrées, d’autres ne le sont pas, qu’elles soient religieuses ou non. »
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II La chapelle Intentions premières
Croquis pris dans le train Paris-Bâle le 20 mai 1950
« Sur la colline, j’avais soigneusement dessiné les quatre horizons… ce sont eux qui déclenchèrent architecturalement la riposte acoustique – acoustique au domaine des formes » Le Corbusier
« Le premier coup de crayon qu’il a dessiné : le mur sud… il faut ensuite regrouper les pèlerins devant le mur, où il place l’autel, dont la courbe répond à celle du mur sud : c’est le mur Est; ensuite, il n’y a plus qu’à rejoindre les deux courbes ! » Chanoine Ledeur
Le Corbusier visite pour la première fois le lieu en 1950 et l’apprécie beaucoup. Il s’imprègne du lieu puis imagine une forme dès son retour par le train pour «absorber les quatre horizons». En 1952, il conçoit le projet. En 1953, le chantier de la nouvelle chapelle commence, il s’achève en 1955. Croquis d’intention
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Insertion dans le site
La chapelle Notre-Dame du Haut se dresse au sommet de la colline de Bourlémont; son toit sombre, tout en angle aigu et ses courbes complexes, prend appui sur des murs légèrement inclinés, concaves et convexes, d’aspect massif. Certains voient dans ses formes un élan vers la lumière, la vie et l’Eternel. La possibilité d’organiser de grandes messes à l’extérieur participe à cette communion avec la nature. En effet un autel en plein air permet d’accueillir un grand nombre de fidèles.
Contrairement aux églises traditionnelles dont les plans sont fermés sur eux-mêmes, la chapelle de Ronchamp dialogue avec l’immense paysage qui l’entoure.
Plan masse et accès à la chapelle
Le site participe à la mise en valeur de la chapelle. En effet lorsqu’on gravit la colline, une forêt dense nous enveloppe; la chapelle apparait alors progressivement. Elle est le point d’orgue de l’ascension.
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Comparaison avec une église traditionnelle
La chapelle de Ronchamp s’organise de façon singulière ; on peut cependant dire qu’on y retrouve la même orientation et les mêmes fonctions que dans une église traditionnelle. La principale différence est dans la symétrie, ou plutôt dans l’absence de symétrie.
Plan d’une église traditionnelle
Plan de la chapelle Notre-Dame du Haut
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Contrairement aux églises traditionelles qui possèdent un plan symétrique, la chapelle Notre-Damedu-haut s’articule autour d’un plan dyssymétrique, réglé par la position des autels.
La chapelle est orientée à l’Est (l’autel est à l’est); elle possède des entrées latérales contrairement aux églises classiques dont l’entrée se situe à l’ouest. La chapelle offre trois espaces principaux: la nef, les trois petites chapelles, l’autel extérieur. Elle peut contenir 200 personnes. Plan de localisation des entrées
Plan de la chapelle Notre-Dame du Haut
Concave
La principale différence avec une église traditionnelle réside dans l’aspect général et dans la compostion du plan. La chapelle est composée de courbes, certains murs sont concaves, d’autres convexes. Le Corbusier a utilisé des parois convexes pour les lieux de recueillement intimes; elles semblent protéger et envelopper les individus. Il a utilisé des parois concaves pour les lieux de messes collectives.
Convexe
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Description des espaces On pénètre dans la chapelle par une grande porte qui tourne sur elle-même pour s’ouvrir. On arrive dans la nef, un espace ample et peu éclairé. Les murs sont blancs. Le plafond sombre est assez bas, il s’élève en se courbant et file vers la droite.
Croquis de l’interieur de la chapelle à la façon du maître
A gauche, en se retournant, on peut accéder à une chapelle arrondie éclairée par le haut. En face, deux petites chapelles de même forme se tournent le dos. Celle orientée à l’ouest est peinte en rouge. Chacune des chapelles comporte un autel. A droite, le mur s’écarte et les bancs l’accompagnent. Ce mur très épais est creusé de claustras aux vitraux colorés et ornés de phrases sacrées. On descend vers l’autel. Les parois courbes sont chaleureuses. Seuls le calepinage, travaillé en bande, et les autels sont orthogonaux. Entre le mur et le toit, un mince rai de lumière brille. La masse du toit parait flotter. Sur la gauche, la chaire se détache du mur. En face, la silhouette de la statue de la Vierge se détache de sa niche de lumière. De minuscules trous dans le mur laissent passer la lumière, et créent une constellation mystérieuse. Au fond, sur la gauche, se trouve un escalier qui mène à un balcon servant à accueillir les chœurs. A droite, le mur se retourne, laissant un passage pour sortir sur l’espace extérieur. Le calepinage intérieur se poursuit à l’extérieur. Pour pouvoir effectuer des cérémonies à l’extérieur, la chapelle se ‘‘retourne’’. L’autel est proche du mur. Axonométrie de la chapelle
A l’arrière de l’autel, la niche de la statue ressort de la paroi, laissant voir la statue de la même manière qu’à l’intérieur. Sur la droite se trouve un banc et le balcon des chœurs s’extrait du mur comme dans la chapelle. On voit aussi une chaire. L’assemblée se tient sur la pelouse, la chapelle peut ainsi accueillir des foules considérables. Il est à noter que dans les années 1950, avec le développemnt des stations balnéaires, les églises se dotent d’espaces extérieurs. Cela permet d’accueillir un grand nombre de personnes sans agrandir l’église et de Croquis de l’interieur de la chapelle à la façon du maître s’adapter ainsi à la fréquentation saisonnière. ENSAPBX / SEM 4 / ELHUYAR Mariane - HERAULT Hélène - MERLET Pauline
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Aspect constructif La chapelle Notre Dame du Haut est une véritable prouesse technique .
La toiture de la chapelle NotreDame du Haut à Ronchamp a une forme complexe, courbée.
Le Corbusier, des années plus tôt, avait découvert une carapace de crabe vide sur une plage de Long Island et s’inspire ici de cette forme. Sa structure est comparable à une aile d’avion.
La chapelle du matin et celle du soir sont dos à dos; elles sont en forme de périscope. L’architecte s’est inspiré de la forme du sarapeum de la villa d’Hadrien à Tivoli; la niche de l’abside est eclairée par une cheminée qui émerge pour capter la lumiere.Il s’inspire également de la forme des stèles funéraires en Sardaigne.
Croquis de voyage de Le Corbusier ENSAPBX / SEM 4 / ELHUYAR Mariane - HERAULT Hélène - MERLET Pauline
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Les murs de la chapelle n’obéissent à aucune symétrie.Ils sont courbes et irréguliers en tous point. Ils sont formés à partir des pierres de l’ancienne église. Des poteaux sont inclus régulièrement entre les pierres pour soutenir la toiture. Les murs étant courbes, ils assurent leur propre stabilité. Des ouvertures sont présentes dans les murs nord et sud; dans ce dernier ils sont en forme de pyramides tronquées.
Plan des points porteurs de la structure et trame constructive (en rouge)
La chapelle est formée à partir d’une trame très régulière : 4m30 entre chaque ligne qui la compose. La plupart des supports verticaux insérés dans les murs sont donc positionnés sur cette trame. C’est sur ces poteaux que repose le toit, et en particulier les sept poutres principales.
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Détail de construction: la toiture La toiture de la chapelle est en béton armé. Elle forme une coque monolithe séparée de l’ensemble des murs et des tours par des joints de dilatation.
Elle est faite de deux dalles minces en béton de 6 cm d’épaisseur parallèles et distantes de 2m26. Ces deux éléments sont liés sur cette hauteur par 7 poutres maîtresses (de 17cm d’épaisseur). Ces dernières sont également en béton ; elles sont distantes de 4m30 chacune et sont liées par 360 poutrelles (de 27cm par 5cm).
Croquis de l’architecte expliquant la structure du toit
Fines dalles de béton et structure du toit
Photo prise à l’interieur de la toiture, entre les deux dalles de béton
La coque est posée sur des poteaux en béton armé qui constituent l’ossature portante de l’édifice. Seule l’ossature de béton porte ce toit ; par endroit, il ne touche pas les murs. Ainsi, un vide de quelques centimètres permet à la lumière de passer entre le toit et le mur.
Photo maquette: La structure du toit
Poutre maîtresse Poutrelle
Coupe de la chapelle:en bleu les 7 poutres maitresses ENSAPBX / SEM 4 / ELHUYAR Mariane - HERAULT Hélène - MERLET Pauline
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Détail constructif : le mur sud
Poteaux triangulaires Poutres Photo maquette: la constituion du mur sud Le mur sud a une constitution un peu particulière. Il repose sur un système poteaux poutres ; les pierres de l’ancienne église ne servent que de remplissage. Les poteaux de ce mur sont triangulaires en ciment armé de 16 cm d’épaisseur, variant à la base de 3m70 à 1m40 pour un sommet de 50 cm. Les poutres viennent s’insérer de manière irrégulière entre les poteaux. Une pellicule de 4 cm de béton est projetée au « canon à ciment » sur un grillage de tôle déployé. Poteaux en béton armé Poutres de cotreventement Grillage Enduit à la chaux
Enduit à la chaux Grillage
Pierres provenant de l’ancienne église
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Les matériaux La chapelle est entièrement construite en béton: du béton brut de décoffrage ou du béton projeté au canon à ciment et blanchi à la chaux.
Le sol est constitué d’un tapis en dalles de pierre et d’un dallage de ciment recoupé de joint profonds.
La toiture est en béton armé, protégé par une étanchéité multicouche à revêtement d’ aluminium.
Le verre des vitrages est composé à partir de glaces claires de dalles translucides.
Les bancs et les confessionnaux sont en bois naturels massif .
Les autels sont en pierre de bourgogne La grande porte est en tôle d’acier peinte d’émaux. ENSAPBX / SEM 4 / ELHUYAR Mariane - HERAULT Hélène - MERLET Pauline
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III L’espace sacré Les ambigüités et oppositions entre masse et espace, entre support et éléments portés, les contrastes entre des espaces dilatés et d’autres plus resserrés jouent un rôle fondamental dans le sentiment de sacré.
Le mouvement La chapelle ne connait pas l’immobilité (contrairement aux églises classiques). Sa composition invite le visiteur à marcher sans relâche, à en faire le tour afin de comprendre le bâtiment. Le mouvement du spectateur participe à la dynamique de composition : il est au cœur du concept de l’œuvre mais aussi de l’idée du sacré. Un père du couvent à Le Corbusier : « pourquoi avez vous fait ce long couloir d’acheminement avant qu’on arrive a la chapelle au lieu de ménager vers le sanctuaire un accès direct ? » Réponse de Le Corbusier : « mon père vous pensiez donc que, lorsque vous venez au monde, vous pouvez être tout de suite accordé au mystère qui vous attend et qui vous accueillera dans votre chapelle ? Vous ne pensez pas qu’il faut vous préparer quelque peu pour une telle rencontre ? » Avec l’idée du mouvement, et du mystère, c’est le concept de la quête que le Corbusier fait exister. Le Corbusier utilise le parcours comme moyen pour mettre en relation l’humain et le divin.
Le massif - le creux Le rapport très particulier des proportions confère à la chapelle de Ronchamp un caractère sacré. De l’extérieur, la chapelle semble être un « plein ». Elle donne l’impression d’un édifice stable et massif. La chapelle Notre-Dame-du Haut reprend ici une des caractéristiques des églises traditionnelles. En effet ces édifices, souvent de taille importante, s’imposent par leur masse. Elles « dominent » les Hommes, leur imposent l’humilité et inspirent à la fois la confiance et la paix. L’édifice, bien que de taille relativement modeste, semble « ancrée dans le sol », forte, puissante.
Eglise traditionnelle : aspect massif
Chapelle de Ronchamp : aspect massif de l’extérieur
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On peut dire que la technique se met ici au service de l’art sacré ; en effet la massivité du bâtiment n’est qu’une illusion puisque la structure de l’édifice repose sur un système poteaupoutre recouvert d’un fin voile de béton. Par exemple, la toiture, qui de l’extérieur semble être un gros bloc de béton reposant lourdement sur les murs de l’édifice, semble léviter lorsqu’on l’observe depuis l’intérieur du bâtiment. Le rais de lumière (permis par le système poteau-poutre), souligne la courbe du toit et donne une impression de légèreté ; on a l’impression d’assister à un phénomène magique.
Photo de l’intérieur de la chapelle: impression de légèreté grace au rai de lumière
D’apparence vaste et ouverte, elle devient, une fois le seuil franchi, un tout petit espace propice au recueillement. Le volume intérieur, creusé comme une caverne, au toit très bas au départ, se dilate par toutes ses lignes vers l’autel et la statue. Ces deux éléments sont d’autant plus mis en valeur que le sol incliné et le grand mur attirent l’attention vers eux. Le grand mur préserve le calme de l’intérieur. A l’intérieur de la chapelle, les proportions humaines sont respectées ; il s’agit là d’un lieu intime, modeste calme et resserré, propice au recueillement.
Elévation de la chapelle ENSAPBX / SEM 4 / ELHUYAR Mariane - HERAULT Hélène - MERLET Pauline
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L’ombre-la lumière Chez le Corbusier, lumière et ombre sont des instruments pour sculpter l’espace. L’intrusion de la lumière dans la chapelle contredit l’épaisseur des murs et la massivité du couvrement. Le mur sud est très épais; des percements singuliers apportent avec une grande subtilité la lumière colorée par des vitraux. Le mur Est est aussi parsemé de jours carrés et d’une niche vitrée renfermant une statue de la Vierge.
La tour orientée à l’Est capte la lumière à l’aube pour s’éteindre vers midi alors que celle tournée vers l’ouest prend les rayons du soleil couchant. La troisième tour est ouverte au Nord; elle baigne l’intérieur d’une lumière diffuse de faible intensité.
Le Corbusier s’est inspiré de l’habitat dans la vallée du M’Zab en Algérie, les baies ressemblent à des meurtrières. Elles permettent de distribuer la lumière de manière poncuelle.
Habitat de la vallée du M’Zab en Algérie
Par ailleurs, un espace interstitiel entre les murs et la voûte de béton permet à la lumière de passer ce qui allège visuellement la masse du couvrement. Les vitraux du mur sud sont abrités dans un mur très épais ; ils ajoutent de la profondeur au sanctuaire. Les chapelles bénéficient d’une lumière zénithale indirecte. Ainsi éclairée, la chapelle devient un lieu d’apaisement, de communion et de méditation.
Croquis de l’interieur d’une chapelle à la façon du maître
Ce travail sur la lumière plonge l’intérieur de la chapelle dans une certaine pénombre ; seuls les éléments clé comme la statue de la vierge ou encore l’autel sont mis en valeur.
Plan de l’éclairage (naturel) ENSAPBX / SEM 4 / ELHUYAR Mariane - HERAULT Hélène - MERLET Pauline
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La couleur- le noir et blanc La couleur blanche et les courbes des murs contrastent avec la rudesse du béton brut de décoffrage du toit. La couleur blanche symbolise la pureté. L’architecte introduit la couleur de façon mesurée et précise. Il donne ainsi une certaine intensité à certains éléments et qualifie l’espace avec des couleurs « pures ». Par exemple, l’intérieur de l’une des trois chapelles est peint de rouge intense tandis qu’un peu plus loin le mur conduisant à la sacristie est peint de violet. La porte principale est couverte sur chaque face de huit feuilles de tôle d’acier émaillé de couleurs vives. La couleur se concentre essentiellement au niveau des vitrages et des portes
Plan de localisation de la couleur
Photo de la porte principale
Photo d’un vitrage du mur Sud ENSAPBX / SEM 4 / ELHUYAR Mariane - HERAULT Hélène - MERLET Pauline
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Comment se place-t-elle dans l’histoire de l’Art Sacré? La chapelle Notre Dame du Haut s’inscrit dans une période de remise en cause de l’architecture de l’église traditionelle. Dans les années cinquante, naît un débat à propos de l’art sacré, la querelle de l’art sacré : peut-on faire du moderne dans les édifices religieux? Le Père Couturier fait partie de ceux qui prônent la modernité.
Suite à ce débat, un mouvement va naître contre les formes traditionnelles de l’architecture sacrée, et pour l’introduction d’oeuvres d’art moderne au coeur des édifices religieux (comme celles de Léger, Chagall, Matisse, Braque, Bonnard...) : on appelle ce mouvement le renouveau de l’Art Sacré. Il a pour objectif de recentrer le débat sur l’essence même de l’architecture sacrée. Cela va se traduire par un renouvellement par la forme : en effet, des plans de formes variées vont apparaître pour les églises, comme par exemple l’église Saint Antoine de Boust conçue par Georges Henri Pingusson et construite entre 1955 et 1960. En effet elle possède un plan circulaire et l’autel se situe au centre.
Plan et photo de l’eglise Saint Antoine de Boust
Mais il s’agit également d’un renouvellement par la technique : comme l’Eglise Notre-Dame de Royan par l’architecte Guillaume Gillet et l’ingénieur Bernard Lafaille entre 1955 et 1958. Elle est conçue en voiles de béton forme en V pour la structure porteuse et d’une couverture à double courbure en «selle de cheval».
Photo église Notre-Dame de Royan
Dans le Renouveau de l’art Sacré, la réflexion sur l’indicible a également la plus haute importance, avec des jeux subtils de formes et de lumières qui induisent une atmosphère propice au recueillement. La chapelle Notre-Dame du Haut fait pleinement partie de ce mouvement du renouveau de l’art sacré, et est même l’édifice le plus célèbre à ce propos. En effet, tout dans cette chapelle de Le Corbusier répond à ces critères : il y a un renouveau par la forme, par la technique mais aussi une réflexion sur l’indicible très forte avec notamment cette raie de lumière qui fait entrer subtilement la lumière tout en soulignant les courbes. ENSAPBX / SEM 4 / ELHUYAR Mariane - HERAULT Hélène - MERLET Pauline 20
Conclusion
La chapelle-Notre-Dame du Haut de Ronchamp est le premier édifice religieux conçu par le Corbusier. Bien qu’étant athée, l’architecte a su capter l’esprit du lieu pour créer un bâtiment parfaitement en accord avec le site et avec les pratiques religieuses qui s’y déroulent. La chapelle de Ronchamp semble différer en tous points des églises traditionnelles ; l’absence de symétrie, la singularité des volumes, son aspect particulier font d’elle un édifice à part. Cependant, malgré cela, elle remplit tout a fait les fonctions pour lesquelles elle a été conçue et incarne parfaitement le sacré. Le Corbusier fait exister le sentiment du sacré en mettant en scène l’idée du mouvement et de la quête. Il crée le sentiment religieux par les jeux subtils de lumière et le dialogue entre les volumes. Les progrès de la technique (l’utilisation du béton comme principe structurel par exemple) se mettent au service de sa conception ; par exemple la structure poteaux-poutres du mur sud permet au rais de lumière d’exister et donne la sensation que la toiture lévite au dessus des murs. La chapelle s’inscrit dans le mouvement du renouveau de l’art sacré, tout comme le Couvent Sainte-Marie de la Tourette (conçu de 1953 à 1960) et l’Eglise Saint-Pierre de Firminy (conçue en 1970), tous deux réalisés par Le Corbusier. Formellement ces trois édifices n’ont que très peu de choses en commun (cela traduit d’ailleurs la capacité de l’architecte à s’adapter à un lieu et à un usage précis.) Bien que le maître n’utilise pas le même langage pour ces bâtiments, la démarche de conception est la même : l’architecte veut incarner le sacré en se détachant des formes traditionnelles. Il allie le religieux et la modernité en trouvant ses propres méthodes pour susciter le sentiment religieux. La chapelle Notre-Dame-du-Haut de Ronchamp est aujourd’hui classée au Patrimoine Mondial de l’UNESCO ; elle attire toujours plus de visiteurs et suscite toujours autant d’intérêt. La colline de Bourlémont vit au rythme de la chapelle. L’architecte Renzo Piano a d’ailleurs conçu en 2011 le monastère Sainte-Claire en contrebas de l’édifice ; la communauté des Clarisses, a pour mission d’accueillir le pèlerins et les visiteurs de la chapelle, toujours plus nombreux d’année en année.
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Bibliographie
Livres Ronchamp, les carnets de la recherche patiente Le Corbusier (1957) Le Livre de Ronchamp Le Corbusier J.Petit (1961) Notre Dame du Haut Ronchamp plaquette de R.Basquin (1969) Ronchamp, L’Exigence d’une rencontre, Le Corbusier et la chapelle Notre-Dame du Haut Colloque (2005) Le Corbusier J-L.Cohen (2006) L’architecture moderne depuis 1900 William J.R Curtis Encyclopédie Encarta
Cours Cours de G.Ragot (semestre 2) et diaporama correspondant
Fonds de la médiathèque Fondation le Corbusier
Document PDF Découverte d’une architecture (CAUE) du Doubs
Sites internet http://lsinzelle.free.fr/france/ronchamp/RONCHAM.HTM www.chapellederonchamp.fr/ catholique-besancon.cef.fr www.france-voyage.com s343802320.onlinehome.fr/_valide/chapelle/?page_id=20 http://www.paperblog.fr/5350823/architecture-la-chapelle-de-ronchamp-le-corbusier/
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Annexes
Plan Elévation Coupe Axonométrie Photos de la maquette
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