Maintien de la paix et résolution internationale des conflits TABLE DES MATIÈRES
Table des matières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . iii Lettre aux étudiants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . vi Prologue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . viii Format d’étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xi Méthode d’étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xii
Leçon 1 Émergence et développement du domaine de la résolution de conflit . . . . . . . . . . 1 Introduction Historique de la résolution de conflit Relation entre la résolution de conflit et le maintien de la paix
Leçon 2 La nature de conflit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 Introduction Définition du conflit Structure et dynamiques des conflits Dimensions objectives et subjectives du conflit Positions, intérêts, besoins et valeurs Pouvoir
Leçon 3 Concepts clés de résolution de conflit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35 Introduction Gestion, règlement, résolution et transformation de conflit Résultats gagnant-gagnant Intervention de tierces parties Techniques et approches en matière de résolution de conflit Formation en résolution de conflit
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Leçon 4 Dynamiques des conflits contemporains . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65 Introduction Définiir les principaux conflits contemporains Courants, distribution et coûts des conflits contemporains Types de conflit Théories des conflits Sources globales des conflits contemporains
Leçon 5 Cartographie de conflit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83 Introduction Qu’est-ce que la cartographie de conflit ? Rwanda : carte du conflit
Leçon 6 Alerte précoce et prévention de conflit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .105 Introduction Théorie de la prévention des conflits : prévention “légère” et “profonde” La prévention des conflits violents : cas et organisations Étude de cas sur la prévention des conflits : la FORDEPRENU
Leçon 7 Maintien de la paix et résolution de conflit en zones de guerre . . . . . . . . . . . . . . 125 Introduction Le modèle contingence-complémentarité Le modèle de contingence en matière de maintien de la paix Définition du maintien de la paix Développement du maintien de la paix dans les années 1990 Critiques du maintien de la paix dans les années 1990 Nouvelles idées sur le maintien de la paix Le maintien de la paix comme mode de résolution de conflit
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Leçon 8 Règlements de paix et consolidation de la paix post-conflit . . . . . . . . . . . . . . . . .149 Introduction Définition des règlements de paix et de la consolidation de la paix Étude de cas: consolidation de la paix au Kosovo Le cadre des Nations Unies en matière de consolidation de la paix Restaurer la coopération et la confiance : la consolidation de la paix à partir de la base Coordination des rôles militaires et civils et consolidation de la paix Contingence et complémentarité en pratique : étude de cas de la consolidation de la paix sur une base communautaire en Bosnie
Leçon 9 Culture, résolution de conflit et maintien de la paix . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .175 Introduction La culture dans la théorie et la pratique de la résolution de conflit Réponse culturelle No 1 Réponse culturelle No 2 Questions culturelles en matière de maintien de la paix Étude de cas : l’intervention en Somalie Développer des habiletés interculturelles
Leçon 10 Questions de genre en maintien de la paix . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 205 Introduction Genre et styles de gestion de conflit Balance de genre au sein des opérations de maintien de la paix Critiques de genre de la théorie et de la pratique de la résolution de conflit Une analyse de genre des conflits Le rôle des femmes locales en matière de construction et de consolidation de la paix
Instructions pour l’examen de fin de cours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 228
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Institut de formation aux opérations de paix Cher étudiant, chère étudiante : Je suis heureux que vous ayez décidé de vous inscrire au cours par correspondance sur le Maintien de la paix et résolution internationale de conflits. Les auteurs du cours, le Professeur Tom Woodhouse et la Dr Tamara Duffey ont écrit ce cours dans le but d’offrir à chaque étudiant une compréhension des concepts théoriques et pratiques du domaine de la résolution de conflit. Certains pourrons penser que ce cours appelle à réaliser l’impossible ou bien que l’impossible est rendu possible. Est-il possible pour un cours de formation par correspondance ou en ligne de prétendre former un étudiant en résolution internationale des conflits ? Ce cours, qui se dispense en 10 chapitres bien structurés, permettra à l’étudiant de rentrer en contact avec les dimensions les plus importantes de la résolution de conflit. Chaque leçon comprend des objectifs de leçon, des lectures, la présentation de différentes approches ou points à considérer, un test de fin de leçon, des suggestions de lectures, ainsi qu’un examen final pour mettre en valeur ce que les étudiants auront appris dans le cadre de ce cours. En sus, les étudiants sont encouragés à participer au Forum de discussion en ligne de l’Institut de formation aux opérations de paix, par le biais de notre page d’accueil à http://www.peaceopstraining.org. Sur cette page, les étudiants du monde entier seront en mesure de discuter entre eux comme de partager leurs vues relatives à ce cours comme sur d’autres thèmes du maintien de la paix, de la même façon qu’ils le feraient s’ils étaient tous réunis en classe. Les soldats de la paix, les officiers de police, les diplomates, les humanitaires ou personnels d’ONG sont-ils en mesure de résoudre les conflits internationaux ? Des actions de terrain – même les plus petites – peuvent-elles mener à des mesures de résolution de conflit de nature internationale ? Bien évidemment, la réponse est oui ! La fin du 20ème siècle comme le début du 21ème siècle ont permis d’assister à longue série de conflits violents, au Moyen Orient, au Rwanda, au Timor oriental, en ex-Yougoslavie, en Somalie, au Cambodge, au Mozambique, en Amérique centrale, en Haïti ou encore au Sierra Leone ou au Liberia. Aucun continent ne fut épargné. Mais chaque jour des soldats de la paix de tous les horizons, à leur façon, font tout ce qui en leur possible pour résoudre des différends de manière pacifique, et contenir la violence des uns ou des autres et chercher des solutions à des conflits dont les ramifications sont profondes.
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En étudiant ce cours, l’étudiant sera mieux à même de comprendre la nature des conflits, le rôle de la nature au sein de ces derniers, les concepts dirigeant la résolution de conflit, l’alerte précoce, les règlements de paix ainsi que les efforts de paix en matière de consolidation de la paix. Nous vous souhaitons de réussir dans l’étude de ce cours ainsi que dans les défis que vous serez amenés à relever dans le futur,
Meilleurs sentiments,
Harvey J. Langholtz, Ph.D., Directeur exécutif Institut de formation aux opérations de paix
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PROLOGUE: UN COURS SUR LE MAINTIEN DE LA PAIX ET LA RÉSOLUTION INTERNATIONALE DES CONFLITS
Le maintien de la paix est devenu la stratégie d’intervention la plus communément adoptée par la communauté internationale en matière de gestion et de résolution de conflits de l’après Guerre Froide. Aussi, à cause de la complexité croissante des menaces qui s’imposent à la sécurité internationale, les réponses déployées par les opérations de maintien de la paix sont devenues de plus en plus élaborées. Elles sont devenues de plus en plus fonctionnelles (ce qui comprend désormais la prévention de conflit, l’assistance humanitaire, la surveillance des droits de l’homme et des opérations électorales, la démobilisation et la réintégration, la consolidation de la paix et la reconstruction post-conflit), ce qui se reflète au sein de la composition des missions (lesquelles incluent aujourd’hui soldats de la paix militaires et civils, personnels humanitaires, et acteurs intergouvernementaux, gouvernementaux et non gouvernementaux). Les nouvelles demandes qui sont exigées des opérations de maintien de la paix ainsi que le caractère à multiples facettes des opérations contemporaines exigent de porter une plus grande attention à la formation ainsi qu’à la préparation de toute personne amenée à s’engager dans cette voie. Une composante essentielle de la formation comme de la préparation repose sur une meilleure compréhension des conflits et de leur résolution. Les expériences de maintien de la paix passées démontrent que pour être couronnées de succès, les acteurs internationaux requièrent une compréhension de la nature comme de la pertinence des théories et de la pratique de la Résolution de conflit, pour être à même de mieux opérer, tant au niveau des politiques qu’au niveau du terrain.
But Le but général de ce cours est d’offrir à l’étudiant une compréhension de base du domaine de la Résolution de conflit et de son application – au niveau théorique comme au niveau pratique – aux interventions de maintien de la paix dans le cadre des conflits internationaux contemporains.
Portée Ce cours analyse l’émergence et le développement académique de la discipline de la Résolution de conflit et sa relation avec l’évolution du maintien de la paix. L’on examinera dès le début les contributions de la théorie comme de la pratique de la Résolution de conflit dans le domaine du maintien de la paix. Nous définirons la nature du conflit et les dynamiques des conflits contemporains, ainsi que les concepts clés et les techniques de résolution de conflit. Le cours portera son attention sur les domaines et pratiques qui permettront d’améliorer les réponses aux urgences complexes contemporaines, ce qui comprendra l’analyse et la cartographie de conflit, l’alerte précoce et la prévention de conflit, les approches de contingence et de complémentarité, la coordination inter-agence, la réconciliation et la consolidation de la paix post-conflit, la gestion interculturelle comme la sensibilisation aux questions de genre.
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Méthode Le cours se concentrera sur l’intervention en matière de conflit et sur le niveau international du conflit, même si un grand nombre des principes et des techniques qui appuient ce niveau s’appliquent aussi à d’autres niveaux du conflit (i.e. interpersonnel, intergroupes, ou autres). Aussi, dans tout processus d’intervention international, des occasions pourront se présenter où des soldats de la paix pourront être invités à s’engager dans des activités de résolution de conflit aux niveaux interpersonnels ou intergroupes. A la suite de chaque leçon, nous proposerons quelques lectures recommandées extraites de l’ouvrage de Hugh Miall, Oliver Ramsbotham, et Tom Woodhouse (1999), Contemporary Conflict Resolution. Nous proposerons aussi des lectures supplémentaires pour permettre à l’étudiant d’approfondir les contenus de la leçon. Pour aider l’étudiant à comprendre les questions présentées, et pour démontrer comment les techniques et processus de résolution de conflits s’appliquent dans le cadre de situations de conflits, le cours inclura des exercices interactifs à la fin de chaque leçon, en sus du Quiz d’autoévaluation. Le but de l’exercice est de mettre en valeur les concepts, habiletés et approches présentées dans la leçon face à une expérience personnelle de conflit/résolution de conflit, ou bien dans le cadre d’un scénario de conflit ou bien encore d’un conflit en cours. Les étudiants sont invités à mettre en œuvre les exercices soit par eux-mêmes ou encore en compagnie de collègues, d’amis ou de membres de leurs familles. Les étudiants peuvent aussi s’engager à aller visiter le Forum de discussion sur le Maintien de la paix et la résolution internationale des conflits en passant par la page d’accueil de l’Institut de formation aux opérations de paix (http://www.peaceopstraining.org). Le Forum de discussion permet à des étudiants de discuter des différentes facettes du cours, des exercices, tout comme de partager leurs expériences en matière de maintien de la paix comme de résolution de conflit avec d’autres étudiants.
Public Le cours s’adresse à toute personne travaillant au sein d’une zone de conflit, que ce soit un représentant gouvernemental ou d’organisation internationale développant une politique d’intervention, un soldat de la paix/officier/observateur assurant la sécurité au sein d’un environnement de maintien de la paix, un officier de police civile responsable du maintien de l’ordre et de la loi, un travailleur humanitaire œuvrant au sein d’une urgence complexe, ou encore d’un représentant non-gouvernemental travaillant auprès de communautés locales. Comme tel, le cours peut être de grande utilité tant au profit de représentants militaires comme civils de la communauté du maintien de la paix.
Application Au vu de la complexité comme de la diversité des conflits contemporains, ainsi que de la gamme d’acteurs engagés dans la recherche et la création d’efforts de paix au sein de sociétés ravagées par la guerre, le cours des Nations Unies sur le Maintien de la paix et la résolution internationale des conflits n’a pas pour vocation d’offrir à l’étudiant une méthode permettant de résoudre de manière instantanée les conflits en cours dans le monde. Aucun conflit ne ressemble à un autre et une intervention efficace en matière de conflit nécessite compréhension, flexibilité
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et créativité. Elle requiert aussi le besoin d’être en mesure de dresser une lecture objective de la situation et de déterminer s’il est sûr et/ou constructif d’intervenir ou de ne pas intervenir. Le cours offre à l’étudiant une large compréhension des concepts fondamentaux, principes et techniques de résolution de conflit qui peuvent être en mesure de s’appliquer dans une variété de contextes et à différents niveaux. Il a pour objectif d’offrir à l’étudiant certains des outils conceptuels, analytiques et pratiques qui lui permettront de comprendre comme opérer de manière plus efficace dans un environnement de maintien de la paix.
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FORMAT D’ÉTUDE Ce cours est conçu pour une étude indépendante à un rythme déterminé par l`étudiant
Le format du cours et le matériel mis à disposition permettent: • • •
UNE ÉTUDE PAR MODULE LA FACILITÉ DE RÉVISION UN APPRENTISSAGE PROGRESSIF
RESPONSABILITÉ DE L’ÉTUDIANT L’étudiant est responsable de/d’: • • •
Apprendre la matière du cours Compléter l’examen de fin de cours Soumettre l’examen de fin de cours
Merci de consulter votre courriel de confirmation d'inscription, ou bien la fin de ce cours pour les instructions relatives à la façon de passer votre examen.
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MÉTHODE D’ÉTUDE Vous trouverez ci-dessous des suggestions pour aborder ce cours. Bien que l`étudiant puisse avoir des approches alternatives qui se révèlent efficaces, les conseils suivants ont fonctionné pour beaucoup. •
Avant de commencer à étudier, passez en revue le texte du cours en entier. Notez les objectifs des leçons, ce qui vous donnera une idée de ce qui sera examiné lorsque vous aurez terminé le cours.
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Le contenu doit être direct et logique. Au lieu de mémoriser des détails individuels, efforcez-vous de comprendre les concepts et les perspectives globales.
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Mettez en place des lignes de conduite sur la manière dont vous voulez gérer votre temps.
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Étudiez le contenu de la leçon. Au début de chaque leçon, orientez-vous vers les points principaux. Si vous le pouvez, lisez le texte deux fois afin de vous assurer une compréhension et un apprentissage maximum et laissez passer du temps entre les lectures.
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Quand vous finissez une leçon, prenez le temps de revoir les points principaux de chaque leçon. Pour toute erreur, retournez voir la section correspondante de la leçon et relisez-là. avant de continuer, soyez conscient des éléments qui vous ont conduit à l’erreur.
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Après avoir étudié toutes les leçons, prenez le temps de revoir les points principaux de chaque leçon. Puis, pendant que le cours est encore frais dans votre esprit, passez l’examen final. Il est généralement préférable de passer l’examen final en une seule fois.
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Votre examen sera noté et si vous obtenez une note de 75% ou plus, il vous sera remis un Certificat de réussite du Cours. Si vous obtenez une note inférieure à 75% vous aurez l`opportunité de passer une deuxième version de l`examen final.
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LEÇON 1 EMERGENCE ET DÉVELOPPEMENT DU DOMAINE DE LA RÉSOLUTION DE CONFLIT 1. 2. 3.
Introduction Historique de la résolution de conflit Relation entre la résolution de conflit et le maintien de la paix
L’objectif des opérations de paix n’est pas la victoire militaire. Le conflit c’est l’ennemi, plutôt que les forces particulières de l’ennemi. Richard Rinaldo (1994), Manuel de l’Armée de terre des États-Unis 100-23: opérations de paix
Leçon 1 / Émergence et développement du domaine de la résolution de conflit
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OBJECTIFS DE LA LEÇON
Dans le cadre de cette leçon, vous découvrirez les origines historiques et le développement du champ académique de la résolution de conflit, en commençant aux origines de la recherche sur les questions de paix et les premiers développements institutionnels des années 1950 et 1960. Nous présenterons les débats et les idées en cours, ainsi que la pertinence des idées relatives à la résolution de conflit envers le maintien de la paix. Après avoir étudié cette leçon, l’étudiant sera en mesure de : •
Retracer les origines historiques du domaine de la résolution de conflit;
•
Identifier les pionniers et les institutions qui ont contribué au développement de la théorie ainsi que de la pratique en matière de résolution de conflit ;
•
Discuter sur certaines méthodes et procédés de la gestion de conflit mis de l’avant par ceux qui ont développé ce nouveau champ théorique ;
•
Définir la relation entre le domaine académique de la résolution de conflit et la pratique du maintien de la paix ;
•
Résumer les contributions que la théorie et la pratique de la résolution de conflit offrent à la pratique du maintien de la paix ;
•
Commencer à réfléchir sur ses propres expériences en matière de conflit et de résolution de conflit au sein de situations de conflit et d’environnements de maintien de la paix.
Leçon 1 / Émergence et développement du domaine de la résolution de conflit
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1. Introduction 1.1
Résolution de conflit
Tout en représentant un ensemble de techniques propres à aider à la résolution de conflit de la part d’une tierce partie, la Résolution de conflit est un domaine académique appliqué qui n’a cessé d’être défini dans le cadre des 50 dernières années, et a continué de démontrer sa pertinence dans l’ère de l’après Guerre Froide. Il a été développé par une variété de disciplines académiques, lesquelles comprennent les relations internationales, l’économie, les études de développement, le droit, la psychologie et la psychothérapie, la gestion, les études de communication, l’anthropologie, la sociologie et les études de paix. Reposant sur l’hypothèse que le conflit peut être le catalyseur de changements sociaux et personnels positifs, la résolution de conflit met l’accent sur la prévention, la désescalade, l’arrêt ou la transformation d’un conflit violent en utilisant des méthodes pacifiques et non violentes. 1.2
Résolution de conflit et maintien de la paix
L’étude académique et la pratique de la résolution de conflit ont beaucoup en commun avec le rôle du maintien de la paix dans la gestion des conflits internationaux. En même temps que le domaine de la résolution de conflit émergeait au cœur de la Guerre Froide, Dag Hammarskjöld et Lester B. Pearson définissaient les principes de base du maintien de la paix. Ces principes devaient guider le travail de la première opération de maintien de la paix des Nations Unies, la Force d’Urgence des Nations Unies (FUNU I), créée en réponse à la crise du Canal de Suez, au Moyen-Orient, en 1956. Les deux domaines ont développé un intérêt commun dans la dynamique de la résolution de conflit et sont soutenus par un grand nombre de principes et de concepts communs. Malgré une histoire de « négligence mutuelle » entre le domaine de la Résolution de conflit et la pratique du maintien de la paix, de nouvelles tentatives ont été réalisées pour unifier la théorie et la pratique de la résolution de conflit et le maintien de la paix.
2. Historique de la Résolution de conflit Dans cette section, nous allons rappeler l’évolution historique du domaine de la Résolution de conflit ainsi que les personnalités qui sont contribué de façon décisive au développement des concepts. Nous ne prétendons pas à l’exhaustivité ; un grand nombre d’autres acteurs ont joué à cet égard des rôles importants. Dans les dernières étapes de son développement, un certain nombre de perspectives critiques ont par après étendu son champ de réflexion. 2.1
Les précurseurs : avant 1945
L’échec des différents mouvements internationalistes de paix, socialistes, ou libéraux à empêcher l’éclatement de la première Guerre Mondiale a motivé un certain nombre de personnes à développer une « science de la paix » qui offrirait une base plus solide pour prévenir de futures
Leçon 1 / Émergence et développement du domaine de la résolution de conflit
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guerres. Il faut relever à cet égard les premières études empiriques sur la guerre et les conflits conduites dans les années d’entre les deux guerres mondiales, de la part de Pitrim Sorokin, Lewis Fry Richardson et Quincy Wright. 2.1.1 Pitrim Sorokin Sorokin était professeur de sociologie en Russie, mais suite à une dispute avec Lénine en 1922, ce dernier décida de fuir vers les Etats-Unis. Il fonda alors le Département de sociologie de Harvard en 1930. Le troisième de ses quatre volumes sur Les dynamiques sociales et culturelles, publiés à la fin des années 30, comprenait une analyse de la guerre, comprenant un recensement statistique des conflits depuis le sixième siècle avant JC. A la fois Wright et Richardson se référèrent au travail de Sorokin. 2.1.2 Lewis Fry Richardson Richardson était issu d’une importante famille Quaker en Angleterre. Il travailla pour le Service météorologique, mais servit de 1913 jusqu’à la fin de la guerre avec le « Service d’ambulance des amis” en France. Son expérience de la guerre, associée avec ses connaissances en matière de sciences et de mathématiques ainsi que son intérêt grandissant pour la psychologie l’amenèrent à s’interroger sur les causes de la guerre. Le premier produit de ses recherches fut un essai, en 1919, intitulé « La psychologie mathématique de la guerre », au sein duquel apparut pour la première fois le « modèle de la course aux armements ». Il dressa un catalogue de chaque conflit au sujet duquel il pouvait disposer d’informations depuis 1820, et avait finalisé son recensement au milieu des années 40. Par contre, ses recherches ne furent publiées qu’après sa mort quand Wright (avec lequel Richardson correspondait à la fin de sa vie) et d’autres professeurs réussirent à faire publier ces derniers en deux volumes (Les armes et l’insécurité et Statistiques des conflits meurtriers) en 1960. Ses travaux furent à l’origine de la création de l’Institut de recherche Richardson sur la paix et les conflits. 2.1.3 Quincy Wright Wright était professeur de sciences politiques à l’Université de Chicago à partir de 1923, avant de devenir professeur de droit international en 1931. Avocat enthousiaste de la Société des Nations dans les années 20 et 30, et par après des Nations Unies, il produisit son ouvrage monumental, Une étude de la guerre, après 16 années de recherches approfondies. Son étude est l’une des premières tentatives de réaliser une synthèse empirique sur la variété des facteurs en relation avec l’incidence historique des guerres. En 1970, un Comité d’académiciens américains nomina ce dernier pour le Prix Nobel de la Paix. 2.1.4 D’autres précurseurs Ailleurs, d’autres travaux allaient permettre d’enrichir le champ de la Résolution de conflit. Il faut relever le travail remarquable de Mary Parker Follett dans le domaine du comportement organisationnel et des relations de travail. Développant une approche des « gains mutuels » dans le cadre d’une négociation (en association avec ce que l’on appellera plus tard « le marchandage intégrateur » - « integrative bargaining ») contre l’approche traditionnelle
Leçon 1 / Émergence et développement du domaine de la résolution de conflit
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concession/convergence (associée avec « le marchandage distributeur » - « distributive bargaining »), elle a anticipé les développements futurs relatifs à la résolution de problèmes (ce que nous discuterons plus en profondeur dans les Leçons 2 et 3). Des initiatives dans d’autres domaines contribuèrent aussi au futur de l’étude interdisciplinaire de la résolution de conflit : en psychologie, les théories « frustrationagression » relatives aux conflits humains et les travaux réalisés sur la psychologie sociale des groupes, en science politique, l’analyse des révolutions politiques ; en études internationales, l’approche fonctionnaliste pour dépasser la dynamique réaliste gagnant-perdant dans le cadre de relations interétatiques en compétition en développant des synergies transcendant les frontières (i.e. la création de l’Union européenne). Les analyses des approches pacifistes et non violentes ont aussi influencé et appuyé le développement du domaine de la Résolution de conflit. Par exemple, les traditions historiques du pacifisme, à l’instar de celles contenues dans les croyances des Quakers, des Mennonites, ainsi que la philosophie bouddhiste et les idées de Gandhi, ont renforcé l’analyse académique des conflits violents et des alternatives pacifiques qui peuvent y mettre un terme. 2.2
Les fondations : les années 1950 et 1960
L’évolution historique du domaine de la Résolution de conflit a gagné en intensité dans les années 1950 et 1960, au beau milieu de la Guerre Froide, avec le développement des armes nucléaires et alors que les grandes puissances semblaient être en mesure de menacer la survie même de l’humanité. Un groupe de pionniers provenant de différentes disciplines perçurent tout l’intérêt de l’étude des conflits comme un phénomène général, avec des propriétés similaires, que ceux-ci se développent dans le champ des relations internationales, de la politique intérieure des États, des relations industrielles, des communautés, des familles ou bien simplement entre individus. Par contre, elles ne furent pas prises au sérieux par tout le monde. Le domaine des relations internationales a sa propre compréhension des conflits internationaux et ne voyait pas la valeur des nouvelles approches qui étaient proposées. La combinaison implicite de l’analyse et de la pratique dans les nouvelles idées qui se faisaient jour n’était pas facilement réconciliable avec des institutions académiques traditionnelles ou encore les traditions propres aux praticiens qu’étaient les diplomates ou les politiciens. Par contre, ces nouvelles idées soulevèrent l’intérêt de beaucoup de personnes et commencèrent aussi à se développer puis se répandre. Certaines personnes en Amérique du Nord ou en Europe commencèrent à mettre sur pied des groupes de recherche, des centres formels au sein d’institutions académiques et des revues spécialisées se mirent au service de ces nouvelles idées (la première institution de recherche sur les questions de paix et de conflit fut le Peace Research Laboratory, fondé par Theodore F. Lentz à St. Louis, Missouri, après l’explosion des bombes sur Hiroshima et Nagasaki en 1945.) Ce nouveau domaine commença aussi à générer ses propres sous-divisions, avec différents groupes étudiant les crises internationales, les guerres internes, les conflits sociaux ainsi que les différentes techniques de négociation et médiation, ou bien encore les jeux expérimentaux.
Leçon 1 / Émergence et développement du domaine de la résolution de conflit
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2.2.1 Kenneth Boulding et le Journal of Conflict Resolution Boulding naquit en Angleterre en 1910. Personnellement et spirituellement engagé comme membre de la Société des Amis (Quakers), et professionnellement comme économiste, il émigra en Amérique en 1937, épousa Elise Bjorn-Hansen en 1941, et initia avec cette dernière un partenariat qui allait se développer comme une contribution majeure au domaine de la recherche sur la paix et les conflits. Après la guerre, il fut nommé professeur d’économie à l’Université du Michigan. Là, avec un petit groupe de professeurs (comprenant le biologistemathématicien Anatol Rapoport, le psychologue social Herbert Kelman et le sociologue Norman Angell), il fonda le Journal of Conflict Resolution (JCR) en 1957, et mit sur pied le Centre pour la recherche sur la résolution de conflit en 1959. Les publications de Boulding portaient sur la prévention de la guerre, essentiellement à cause de l’échec du domaine des relations internationales en cette matière. Son livre, Conflict and Defense, soutient la thèse du déclin de l’État nation, alors que ses Perspectives on the Economics of Peace soutiennent que les prescriptions conventionnelles des relations internationales n’étaient pas en mesure de reconnaître, ni même d’analyser, les conséquences de ce déclin. Si la guerre est le résultat de caractéristiques inhérentes au système des États souverains, il devrait dès lors être possible de le réformer par une réforme de l’organisation internationale, ainsi que par le développement de la recherche et de l’information. La collecte et l’analyse des données pourraient permettre de mieux comprendre de manière scientifique la construction progressive des conflits, et de remplacer les fausses perceptions qui naissent sur le terrain de la diplomatie. Par exemple, dans la première édition du JCR, Wright écrivit un article proposant un « projet pour la création d’un centre de renseignements mondiaux », ce qui illustrait l’influence de Richardson sur ce dernier, tout en anticipant ce que l’on a récemment finit par appeler « alerte précoce » et « prévention des conflits ». 2.2.2 Johan Galtung et la Résolution de conflit en Europe du nord L’émergence des recherches sur la paix et les conflits en Scandinavie est remarquable, en particulier grâce au travail de Galtung. Ses travaux ces 35 dernières années ont eu un impact phénoménal tout comme son influence sur l’institutionnalisation et le développement des études de paix. Galtung, d’origine norvégienne, devint professeur à l’Université Columbia en 1958, retournant à Oslo en 1960 pour aider à la création d’une unité de recherche sur les conflits et la paix à l’Université d’Oslo – le précurseur de l’Institut international de recherche sur la paix d’Oslo (IIRP). Il est aussi le fondateur du Journal of Peace Research, lancé en 1964. Galtung développa la distinction entre la violence directe (i.e. des enfants sont assassinés), la violence structurelle (i.e. des enfants meurent de pauvreté) et la violence culturelle (i.e. tout ce qui nous aveugle ou que nous cherchons à justifier). Nous transformons la violence directe en changeant les comportements associés au conflit, la violence structurelle en éliminant les injustices structurelles, et la violence culturelle en changeant les attitudes des gens. A cette thèse, on peut ajouter une distinction supplémentaire entre la paix négative et la paix positive, la première étant caractérisée par l’absence de violence directe, et la dernière par sa capacité à surmonter aussi les violences structurelles et culturelles. Une autre idée importante associée au travail de Galtung est celle du triangle des conflits (que nous évoquerons dans la Leçon 2). Il fut
Leçon 1 / Émergence et développement du domaine de la résolution de conflit
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aussi le premier à dresser une distinction analytique entre trois tâches qui pourraient être entreprises par la communauté internationale en réponse aux conflits : le maintien de la paix, la construction de la paix et la consolidation de la paix. Ces catégories étaient aussi utilisées (mais avec certaines révisions dans l’Agenda pour la paix (1992) de Boutros-Ghali, pour décrire les différences entre les différentes interventions opérationnelles employées aux différentes étapes d’un conflit. Le développement d’institutions de recherche sur la paix en Europe durant les années 1960 fut grandissant. En 1962, l’Institut de polémologie fut créé à Groningen, aux Pays Bas; en 1966 l’Institut international de recherches sur la paix de Stockholm (SIPRI) fut ouvert pour commémorer les 150 années de paix qu’avait connues la Suède ; et en 1969, l’Institut de recherche de Tampere fut ouvert en Finlande. 2.2.3 John Burton et un nouveau paradigme en études internationales Burton naquit en Australie en 1915. A la suite de ses études à la London School of Economics en 1938, il intègre la fonction publique australienne, participe à la conférence fondatrice des Nations Unies à San Francisco, sert au Ministère des Affaires étrangères australien avant de devenir ambassadeur au Sri Lanka. Après avoir bénéficié d’une bourse de recherche à l’Université nationale australienne à Canberra, il est nommé à un poste à l’University College de Londres en 1963. Sa nomination coïncide avec la formation de la Société de recherche sur les conflits à Londres, dont il devient le premier Secrétaire honoraire. Du temps où il était diplomate, Burton fut rapidement déçu par la diplomatie traditionnelle et commença l’importance à promouvoir l’importance de rallier des vues multidisciplinaires sur la question des conflits au niveau international qui proviennent d’horizons différents que ceux du champ des relations internationales. Il fit rupture avec la tradition sociologique de voir le conflit comme dysfonctionnel, au lieu de considérer le conflit comme quelque chose d’intrinsèque aux relations humaines. Ses idées sur la meilleure façon de gérer les conflits étaient influencées par la théorie des systèmes ainsi que la théorie des jeux, lesquelles permettent d’analyser les options disponibles aux parties en conflit. Le premier résultat de cette initiative fut la publication de Conflict in Society. Cette publication se plaçait dans la perspective de coordonner les études internationales de l’Association internationale des études sur la paix – International Peace Research Association (IPRA)- , laquelle tint sa première conférence à Groningen, aux Pays Bas en 1965. Dans le même temps, Burton commença à développer ses théories sur l’emploi de la communication contrôlée, ou encore la méthode de résolution des problèmes, en matière de conflits internationaux (que nous verrons dans la Leçon 3). Ceci amena à la formation du Centre pour l’analyse des conflits au University College à Londres en (1966), placé sous l’autorité de Burton. Burton passa par après une certaine période de temps à l’Université du Maryland, où il aida Edward Azar à mettre sur pied le Centre pour le développement international et la gestion des conflits – Center for International Development and Conflict Management. Azar et Burton développèrent le concept de conflit social prolongé, élément central d’une théorie des conflits internationaux, laquelle combine des dimensions sociales internes et internationales et développe
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un niveau hybride intermédiaire entre la guerre interétatique et des troubles de nature purement internes. Ce modèle anticipe une grande partie de la réévaluation de la pensée des relations internationales entreprise depuis la fin de la Guerre Froide. Ce qui fit que Burton fut en mesure de trouver une réponse à ces conflits prolongés fut pour Burton l’application de la théorie des besoins humains par l’approche de la méthode de résolution de problèmes. La théorie des besoins soutient que les conflits prolongés ont pour origine le refus de la satisfaction de l’un ou de plusieurs besoins humains de base, comme la sécurité, l’identité ou la reconnaissance. La théorie distingue entre les intérêts et les besoins : les intérêts, composés essentiellement de biens matériels, peuvent être vendus, négociés ou échangés ; les besoins, en étant non matériels, ne peuvent pas faire l’objet d’échanges commerciaux ou satisfaits par des jeux de pouvoir. Par contre, les besoins humains non matériels ne sont pas des ressources rares (i.e. un territoire, du pétrole, des minéraux et de l’eau) et ne sont pas nécessairement rares. Avec un minimum d’efforts et de compréhension, les conflits basés sur les besoins non satisfaits peuvent être résolus. 2.3
Les constructions: les années 1970 et 1980
Au début des années 1970, la Résolution de conflit avait défini son domaine de recherche propre. Elle avait essayé de formuler une compréhension théorique des conflits destructeurs à trois niveaux, dans le but de raffiner les réponses pratiques les plus appropriées. Dans un premier temps, au niveau interétatique, l’effort principal se porta à traduire la détente entre les superpuissances en accords formels de mode gagnant-gagnant. En second lieu, au niveau des politiques internes, l’accent fut mis sur le développement de l’expertise en Résolution alternative des différends (RAD) (i.e. la conciliation familiale, le travail et la médiation communautaire). Troisièmement, entre les deux, le développement le plus significatif dans les années 1970 et 1980 fut la définition et l’analyse des conflits aux causes profondes (« deep rooted conflicts ») (ou « conflits insurmontables » ou « conflits sociaux prolongés ») au sein desquels la distinction entre les causes de niveau interne ou international étaient souvent diluées les unes par rapport aux autres (nous décrirons ces types de conflits au sein de la Leçon 4). Cette période vit aussi les première tentatives d’appliquer l’approche de résolution de conflit aux conflits réels. 2.3.1 L’école d’Harvard: la résolution de problèmes et la négociation par principes Trois groupes de praticiens académiques s’étaient engagés dans le développement de la théorie et de la pratique de la résolution de problèmes, auquel on a souvent référence sous le nom de la « communication contrôlée » : un groupe basé au University College, de Londres, un groupe à l’Université Yale et, enfin, un groupe de l’Université Harvard. Les premières tentatives d’appliquer la méthode de résolution de problème furent développées dans le cadre de deux ateliers organisés par le groupe de Londres en 1965 et 1966. Leur objectif était de traiter respectivement des conflits entre la Malaisie, Singapour et l’Indonésie, et entre les communautés grecques et turques à Chypre. L’un des facilitateurs du deuxième atelier était Herbert C.Kelman, éminent psychologue social qui développa le Programme sur l’analyse et la résolution de conflit à Harvard. Il devint par après le plus grand praticien de la méthode de résolution de problèmes pendant une trentaine d’années, se spécialisant entre autres dans le conflit israélo-palestinien. Une série d’ateliers interactifs de résolution de problèmes conduits par Kelman dans les années
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1974 – 1991 eurent une influence importante sur la conclusion finale des Accords d’Oslo en 1993. Harvard continua de se positionner en tête des études sur la négociation et la résolution de conflit. Le Programme sur la négociation, de l’École de droit de Harvard implique un consortium de centres académiques et s’appuie sur une série de disciplines ; il publie aussi le Negotiation Journal. Un développement important au sein du programme est ce que l’on appelle l’approche de la négociation par principes (« principled negotiation »), laquelle fait la distinction entre les positions (i.e. les demandes concrètes) des parties, et leurs intérêts sousjacents. Elle a été popularisée grâce à Roger Fisher et William Ury dans le cadre de leur best seller, « Getting to Yes ». 2.3.2 Adam Curle: la théorie et la pratique de la médiation Avec un bagage académique venant de l’anthropologie, de la psychologie et du développement de l’éducation, Curle quitta Harvard pour occuper la première Chaire des études de paix de l’Université de Bradford, au Royaume Uni (1973). L’intérêt académique de Curle relativement aux études de paix est le produit d’expériences menées en première ligne des conflits au Pakistan comme en Afrique, où il fut le témoin privilégié des menaces au développement émergeant des conflits violents, mais aussi de son engagement pratique comme médiateur en matière de construction de la paix. Des expériences tirées de la Guerre du Biafra au Nigeria, Curle ressentait le besoin de mieux comprendre la nature du développement des conflits. Il voyait la violence, le conflit, les processus de changements sociaux ainsi que les objectifs de développement comme des thèmes reliés les uns aux autres. Son travail, intitulé Making Peace (« Faire la paix »), définit la paix et le conflit comme un ensemble de relations pacifiques et non pacifiques ; la construction de la paix, de la sorte, consiste à opérer des changements au sein des relations entre parties pour que ces dernières puissent se retrouver à partir d’un point au-delà duquel le développement puisse commencer. Au vu de son passé académique, il était naturel qu’il voit la paix de manière large en termes de développement humain, plutôt que comme un ensemble de règles et d’organisations chargées « d’imposer la paix ». Pour Curle, la nécessité d’étudier les structures sociales provenait de la nécessité d’identifier celles qui renforçaient plutôt que celles qui limitaient, voire même limitaient, le potentiel humain. Le travail de Curle est l’illustration à la fois de la nature appliquée de la résolution de conflit ainsi que du lien crucial entre la théorie académique et la pratique. In the Middle (“Au milieu”) identifie quatre éléments du processus de médiation, inspiré par les valeurs de sa pratique de Quaker, son passé en psychologie humaine ainsi que ses expériences de terrain : premièrement, le médiateur agit pour construire, maintenir et améliorer les communications ; deuxièmement, il agit dans le but de fournir de l’information vers et entre les parties en conflit ; troisièmement, il doit « faire ami » avec les parties au conflit ; et quatrièmement, il doit encourager ce qu’il appelle la « médiation active » (i.e. de cultiver la volonté de s’engager dans une négociation fondée sur la coopération de tous). Il a développé le concept de « médiation douce », laquelle devint par après la « médiation de niveau 2 », ou la « diplomatie citoyenne » (Voir la Leçon 3).
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LEÇON 1 TEST DE FIN DE LEÇON
1. De première importance pour le développement du domaine d’étude de la Résolution de conflit entre les deux grandes guerres mondiales, on peut citer les travaux de: a. Burton, Richardson, et Galtung b. Sorokin, Richardson, et Wright c. Azar, Burton, et Sorokin d. Galtung, Richardson, et Wright 2. Le domaine de la Résolution de conflit a vu le jour en même temps qu’étaient définis les principes fondamentaux du maintien de la paix. a. Vrai b. Faux 3. La contribution la plus importante de Kenneth Boulding dans le domaine de la Résolution de conflit a été: a. La Résolution alternative des différends (ADR) b. Les ateliers de résolution de problèmes c. La Revue des études de paix d. Le Journal de la Résolution de conflit 4. La théorie des besoins humains de John Burton repose sur : a. Faire des compromis sur les besoins par le biais de la négociation b. La satisfaction des besoins humains fondamentaux grâce aux méthodes de résolution de problèmes c. Faciliter l’accès à des ressources rares d. Un ensemble de règles d’imposition de la paix 5. Les deux premiers ateliers de résolution de problèmes eurent pour objectif de mettre un terme à des conflits réels existant entre: a. La Malaisie, Singapour et l’Indonésie b. Les communautés grecque et turque à Chypre c. Israël et la Palestine d. Les communautés catholiques et protestantes en Irlande du Nord 6. Herbert Kelman devint un académique – praticien majeur en matière de résolution de problèmes, et aussi spécialiste d’un conflit en particulier: a. Irlande du Nord b. Inde - Pakistan c. Nigeria d. Israël-Palestine
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7. Dressez la liste des quatre éléments du processus de médiation d’Adam Curle que ce dernier a développé dans son ouvrage In the Middle. 8. Pour encourager une plus grande participation au sein des processus de paix et de résolution de conflit, Elise Boulding a développé le concept de: a. Médiation active b. Communication contrôlée c. Imager le futur d. Paix positive 9. La Praxis de la paix fait référence: a. Aux habiletés nécessaires pour gérer un conflit de manière constructive b. Aux approches pacifistes de la violence c. Aux campagnes contre le développement des armes nucléaires d. A l’analyse des conflits sociaux prolongés 10. Citez trois domaines grâce auxquels la théorie et la pratique de la résolution de conflit peuvent contribuer à la pratique du maintien de la paix.
Réponses: 1-b; 2-Vrai; 3-d; 4-b; 5-a, b; 6-d; 7-construire/améliorer la communication, fournir l’information, faire ami, encourager la coopération; 8-c; 9-a; 10-trois définitions extraites des choix suivants: comprendre la nature des conflits ; choisir des stratégies d’intervention appropriées ; gérer les relations avec les parties en conflit par la négociation ; développer des techniques de médiation ; promouvoir la réconciliation ; faciliter la coopération, en incluant une coordination inter-agence ; intégrer des niveaux d’intervention ; gérer les politiques de pouvoir ; développer des habiletés en matière de sensibilité culturelle
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Exercice: Réfléchir sur l’expérience Objectif: Permettre à l’étudiant de commencer à explorer la notion de conflit et la résolution de conflit en réfléchissant sur ses propres expériences au sein d’environnements de maintien de la paix. Méthode: Par vous même, ou en compagnie d’autres personnes, réfléchissez à certaines situations auxquelles vous avez été confronté(e)s sur le terrain. Considérations / Discussion: Est-ce que la situation impliquait d’autres groupes ou individus? Si oui, qui ? Quels évènements permirent à ce que la situation devienne ainsi ? Comment vous êtes vous comporté dans ce contexte ? Est-ce que votre réponse a été appropriée ou inappropriée en fonction des circonstances, efficaces ou inefficace ? Quelles ont été vos forces et/ou faiblesses dans cette situation particulière ? Comment auriez-vous pu améliorer les résultats de cette situation si vous en aviez su plus ou bien si vous aviez répondu différemment ?
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